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12/10/2013

Le défi de l’artiste

« Un défi ? C’est d’avoir trente mille francs pour exécuter une œuvre monumentale et de sortir, pour ce même prix, une œuvre qui vaudrait dix fois plus si elle était réalisée par des gens salariés et protégés – et cela sans compter le prix de la conception de la forme.

Un défi permanent, c’est d’affirmer que notre temps de travail ne vaut rien par lui-même, que seule compte l’œuvre qui nous satisfait, c’est d’être capable sans sourciller de détruire un travail qui nous a pris deux mois d’exécution et de peine. Notre défi, jeunes Sculpteurs, c’est de ne pas compter, de ne jamais compter dans une société qui veut nous transformer en comptables. De ne pas plus compter nos efforts que nos victoires, que nos déceptions, que notre argent. Notre défi, c’est de donner notre vie à un métier qui n’a pratiquement plus de sens dans notre civilisation. » (Vincent Batbedat, Le prix de mon âme, Editions Alain Gorius, 2012, p.37)

 

Oui, on comprend l’auteur de ces lignes. Pour un artiste, le temps de travail compte peu. Quelle est l’œuvre produite ? La satisfait-il, lui ?

Le premier juge de ce qui est produit est le créateur lui-même. Certes, il est toujours enthousiasmé par ce qu’il a réussi à faire après de nombreuses heures d'exaltation mêlées d'inquiétudes. Il en connaît les courbes, les droites, la masse, les apparences et la réalité. Elles lui ont donné beaucoup de peine pour en arriver là.

Alors, selon son caractère, il montre sa composition à ceux qui connaissent la valeur du travail effectué et qui ont la capacité de juger de l’efficience et de la qualité de cette production. Ou encore il la dévoile à ses proches, juste pour voir l’effet produit, le coup de cœur ou le rejet.

Puis, quelques jours plus tard, il pourra à nouveau regarder son œuvre d’un œil neuf, avec les avis des uns ou des autres. Il y décèlera ce qu’il n’avait pas vu, tellement préoccupé par la finition. Il remarquera le léger défaut, si visible qu’il ne l’avait pas remarqué, ou si bien caché qu’il en est invisible. Il pourra ou non le corriger.

Il se remettra à l’ouvrage. Il aura à nouveau recours au pinceau, au burin, au stylo, pour affiner ce qu’il a chéri au cours des longues heures de sa création. Mais si c’est un défaut de conception, à l’origine de l’œuvre, il n’aura plus qu’à la détruire, irrémédiablement. Il considérera soit qu’elle n’est pas digne de lui parce que d'habitude il fait mieux, soit qu’il n’est pas digne d’elle, c’est-à-dire qu’il n’a pas l’envergure pour produire ce qu’il avait cherché à créer. Au panier, à la décharge ! Ce n’est qu’un objet sans intérêt, un encombrant, un ouvrage fâcheux.

Et il repartira, toujours vaillant, les yeux révulsés, le tremblement dans les mains, la tête pleines d’images et d’idées, à la conquête d’une nouvelle phobie, toujours plus belle, toujours plus attirante, comme une femme rêvée, mais jamais tenue dans ses bras.

11/10/2013

Ton âme

Ton âme, un univers en soi…
Tu pars dans l’immensité
Et tu retournes au point de départ…
Tu en fais vite le tour…
Elle est emplie de vide
Et ce vide t’aspire, t’attire
Broie tes doutes et tes vertiges…
Ce globe précieux
Que tu chéris tendrement
Est ton talisman…
Sans lui tu n’es rien
Avec lui tu n’es plus…
Et n’être plus te mènes
Dans l’espace chaleureux
De l’absence du moi…
Garde ton âme
Et perds le reste
C’est ton seul bien
Au-delà de toi…

© Loup Francart

 

10/10/2013

American ego, dessins d’Ethan Murrow

Il est américain et il expose pour la deuxième fois à la Galerie Particulière, 16 rue du Perche 75003 Paris.

C’est un excellent dessinateur. On pense parfois aux gravures passées, celles qui illustraient les aventures extraordinaires de Jules Verne. Il en possède l’imagination, le talent, la poésie de l’insolite, le charme vieillot (mais pas tant que cela).

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Mais il pratique en même temps la science-fiction, ou presque, voire l’insolite à la manière de Magritte.  

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On peut également penser à Monsieur Hulot, éternel égaré dans un monde rationnel.

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Et, pourquoi pas, Michel Strogoff :

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Alors, si vous voulez rêver, passer un moment d’irréalité si proche du réel, participer à la folie de la création artistique, allez voir cet artiste qui, cette fois-ci, se consacre à la culture américaine, à ses stéréotypes.

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Il tente de mettre en évidence les paradoxes d’un « American Ego ». Il est constitué d’orgueil patriotique, de courage, de foisonnement mais aussi de chauvinisme, d’un romantisme provincial, d’une idéalisation des rapports à établir entre les pays. Oui, l’exposition tente de détecter, derrière des scènes de vie insolites, l’extraordinaire imagination des Américains.

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09/10/2013

Que l’esprit vienne au secours de notre faiblesse

L’Esprit se découvre lorsqu’on atteint le fond de soi-même. Ayant perdu toute richesse et nous découvrant nus, se révèle cette part de nous-mêmes qui n’est plus notre personnalité, mais notre être véritable. C’est comme un grand souffle glacé, un vide ineffable qui, paradoxalement, réchauffe le cœur.

Maranatha est un mot araméen qui signifie "Maître vient" (1 Corinthiens 16:22).

 

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© Loup Francart

08/10/2013

Remembering, par le trio Avishai Cohen

http://www.youtube.com/watch?v=E4kc0Aby2vA


C’est une promenade hors du temps, dans les champs d’étoiles, loin de la vie réelle, une sorte de rêve dans un sommeil lourd, mais si vivant. Souvenirs d’instants uniques, entrecoupés de trous de mémoire. Tous ces moments se succèdent dans le même vide de décors et de personnages. Ce sont des images, tendres, presque joyeuses : les courses dans les prés, les éclats de voix dans la rivière, le jus des fruits mangés à pleine bouche, les premiers baisers. Ces images défilent sous vos yeux, dans le désordre, au fil des évocations, sans queue ni tête, mais si agréables à revivre. Un pincement au cœur et vous repartez dans vos rêves, scotché, drogué, enserré dans vos souvenirs qui n’en sont pas forcément.

En 2:45, vous vous brouillez, votre rationalité s’estompe, votre jugement vous échappe. Le violoncelle gratte ses quelques notes de manière intempestive pendant que le piano bafouille son thème éternel.

Où allez-vous ? Instants semblables au mélange dans un verre de deux liquides de densité différente. Ils ne se mélangent pas, puis, doucement, leurs couleurs finissent par se confondre, d’abord en longues trainées, puis en larges taches qui se perdent dans une nouvelle matière. Vous bougez le verre, et tout ceci n’est plus qu’une impression.

Spleen, mélancolie bienheureuse si elle ne dure pas. Se réfugier dans les replis de sa mémoire et se laisser bercer comme on se jette d’une montgolfière rien que pour sentir l’air frais vous saisir.      

07/10/2013

Merci

Quel petit mot sublime et doux
A peine glissé entre les lèvres mi-closes
Avec une ébauche de sourire gêné…
Mot pudique, petit, sans brillance
Comme le cri d’un oisillon sur l’arbre
C’est un murmure inaudible, mais réel
Qui éveille le récipiendaire…
Il chemine de l’oreille distraite
Aux neurones enchevêtrés
Et produit ce déclic enchanteur
Qui fait fuir les nuages…
Cette goutte tombée d’un mot, un seul
Provoque les ondes de la félicité
Qui s’échappe jusqu’aux tréfonds
De votre être intime et assoiffé…
Et ces lèvres qui l’ont prononcé
Connues ou inconnues
De rose vêtues et de parfum céleste
Délivrent leur message divin
Avec allégresse et insouciance
Merci… Merci… Merci…
La chaîne monte dans l’azur
Et explose à la face du monde
Pour remercier le créateur anonyme…
Ame et nature, étroitement unies
Par ce mot si petit et si simple
Qu’il passe inaperçu…
Mais quel émoi en chacun de nous…

© Loup Francart

06/10/2013

Cordages

Achetez ces liens qui tissent l’amitié. Ils trainent par terre et tous peuvent en faire provision. Il suffit de quelques billets qui vous ouvrent la porte et font de vous l’homme le plus heureux du monde.

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 Serrés en rouleaux étroitement enlacées, ces cordages sont adaptés à tous, petits ou grands, maigres et gros, bien-portants ou malades. Ils ont l’air inoffensifs, mais font preuve d’autorité. On dirait des rouleaux de cordons explosifs : « Achetez-moi, sinon… »

 

  

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Quelle envie enfantine ! Acheter une grande brassée de cordages et en décorer sa pièce de travail : couleur et tension. Des roses vifs, des jaunes lumineux, des bleus étincelants, des verts attendrissants, des blancs insoutenables. Et ces couleurs clignotent devant vos yeux, attirantes comme des éclairs de pierres précieuses.

 

 

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Cet instant de pure folie vous fait oublier où vous êtes. Plus rien ne compte que cette symphonie de ficelles et cordes qui vibrent ensemble pour le plus grand plaisir des yeux.

 

Allons, il est temps de reprendre ses esprits et de poursuivre sa promenade au long des rues encombrées d’objets hétéroclites. Quel déballage et comme nos greniers regorgent de richesses oubliées qui sentent la poussière et font éternuer.

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Mais vous conservez en vous-mêmes l’image ineffable des cordes vibrantes et colorées qui chantent seules dans leur caisse en un chœur vierge et pur.

05/10/2013

Homme Z

L’homme Z, archétype de l’individu machiste et faible qui se cache derrière une apparence brillante. Une façade inaltérable dans un smoking bien taillé. Un trou d’épingle le dégonfle, mais il faut trouver l’endroit où le piquer. Il peut être de toute condition, riche ou pauvre, bien habillé ou mal vêtu, drôle ou prétentieux. Il est carré et viril et fait ressortir ses angles. Sa posture est la force. Il saura vous parler, même en vous choquant, mais il aura toujours une idée en tête : vous utilisez pour sa propre réputation.

Alors, ne vous laissez pas séduire par une fausse prestance !

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04/10/2013

Introduction et danse chamane de l’Equateur, par Patricio Cadena Perez & Miguel Arcos

http://www.youtube.com/watch?v=wxiSJxwOzos&list=UUCXpMqfV5bos-JTzm1iONpg


Une longue litanie qui s’égrène sans fin et qui commence sur quatre notes en mineur, sorte de support à la mélodie principale qui monte comme un cri ou un gémissement. Oui, ce sont des pleurs qui exprime l’inquiétude de l’homme face à l’immensité du monde et l’incompréhension qu’il en a. Derrière la mélodie principale apparaît tout à coup une sorte de chant sourd, puis plus clair, comme un appel venant du plus profond de l’âme, une âme perturbée, égarée, noyée dans l’immensité du cosmos. Parfois un hoquet dans le souffle de l’instrument. Progressivement le chant se transforme en une demi-danse rythmée, accompagnée par la guitare qui devient diserte. Elle prend de la place, s’exprime à son tour, en contrepoint du chant qui devient ténu. Puis tout reprend sa place, chant et accompagnement.

Une atmosphère étrange que cette introduction qui est une véritable pièce en soi. Les anciens d'Equateur disaient : « Pour soigner ou participer à une cérémonie, il faut venir con corazon puro y mente en blanco » (avec un cœur pur et le mental blanc). Dépouillé du sens habituellement donné au monde, le chamane dresse son propre monde face à l’ordinaire et découvre l’envers qui existe en lui. Il devient chasseur, un être qui n’a plus d’histoire et qui devient inaccessible. « Un chasseur est intimement en rapport avec son monde et cependant il demeure inaccessible à ce monde même. Il est inaccessible parce qu’il ne déforme pas son monde en le pressant. Il le capte un tout petit peu, y reste aussi longtemps qu’il en a besoin, et alors s’en va rapidement en laissant à peine la trace de son passage. » (Don Juan, d’après Castaneda).

03/10/2013

Les ondes

Elles sont partout…
S’en préserver revient à vivre
Dans une caverne loin du monde
Elles vous traversent le corps
En laissant un parfum glacé
Et remuent en cœur vos cellules

Parfois vous vous sentez affaibli
Alors vous écoutez Mozart
Qui ravive l’harmonie des traversées
Et vous repartez guilleret
Dans la nuit opaque du matin
Qui apporte ses nuages de pessimisme
Diffusés par la boîte à bruits

N’écoutez pas ! Laissez-vous aller
A la paresse de l’esprit troublé
Ah, le téléphone… Rien ne nous épargne
Les doigts dans les oreilles
Vous répondez aux sollicitations
D’un vendeur de rêve disert…
Non, rien, je ne suis rien
Que pourrais-je acheter ?

Pourtant tout n’est qu’ondes
Ou corpuscules
Lumière des cœurs
Vous résistez aux assauts du temps
En vous étendant dans l’espace étoilé
L’onde noire du Styx ne vous est pas accessible
Vous avez encore à œuvrer sur terre
A vous laisser porter par les eaux courantes
D’une vie agitée, mais passionnante

Du plus grand au plus petit
De l’atome à l’univers
Tous traversés d’ondes de sympathie
Vous vous découvrez système d’informations
Qui échange avec d’autres
Des contenus stupides ou dérangeants
La noosphère entretient vos méninges
Les lie dans le Tout des idées
Vous êtes vous-mêmes ondes
Et voyagez dans les flots déchaînés
D’un avenir inconnu…
Mais où donc se trouve la sortie ?

© Loup Francart

02/10/2013

Doko Nakamura, à la galerie Etienne de Causans

Un très aimable vieillard qui s’est levé à mon approche et s’est incliné jusqu’à hauteur de la ceinture. Il était accompagné de deux vieilles femmes qui se sont également inclinées de la même manière. Aussi n’ai-je pu faire autrement, je me suis également incliné très bas. Nous nous sommes cependant serrés la main, mais cela n’est visiblement pas dans ses habitudes. Il ne parlait pas français. Je ne parle pas japonais. Il disait deux mots en anglais, moi de même.

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Un maître japonais dans toute sa vérité et sa grandeur. Admirez ce lavis. Il est magnifique, d’une finesse sans égale, avec des fondus extraordinaires. Un paysage aérien, lumineux, chaud de blancheur cotonneuse qui semble ressortir alors que ce sont les seuls endroits qui ne sont pas peints.

N’oubliez pas que la photo ne rend nullement la vérité du papier, de la lumière et de la présence du maître.

Il n’est pas connu en France, bien sûr. J’ai cherché sur Internet et n’ai trouvé que deux œuvres. La seconde est de la même facture, émouvante de sobriété : un moulin à eau dans la montagne. Ce sont des rêves, vaporeux, précis, comme une expression symbolique de la réalité ou encore une image de la qualité spirituelle de la nature. Mais la photo est de piètre facture.

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Allez à la galerie Etienne de Causans (25 rue de Seine 75006) qui expose ce maître. Vous y verrez des chefs d’œuvre d’une beauté éblouissante. 

01/10/2013

La naissance de l'univers

Qu’y avait-il avant le big-bang ? La science s’interroge sur la question de la naissance de l’univers qui auparavant relevait de la théologie.

La réponse qui simplifie tout, tout en laissant en l’air l’interrogation, est qu’il n’y a pas d’avant puisque le temps n’existait pas. Quel paradoxe. En un instant, le temps, l’espace et la matière se décide à exister. Avant : rien. Bref, on escamote la question et il n'y a pas de réponse.

D’autres répliquent qu’il n’y a pas un seul univers. Andrei Linde, un des théoriciens de l’inflation, explique que notre univers est une bulle d’espace-temps noyée dans une mousse d’autres univers. Ainsi le big-bang n’est pas la naissance du cosmos à partir du rien, mais une expansion dans un « faux vide ». Ce faux vide se caractériserait par une énergie très élevée et un champ gravitationnel répulsif, une sorte de gravitation " négative " ou antigravitation : remplissez un ballon de faux vide, il se dégonfle ! Les physiciens utilisent aussi le terme " champ scalaire " pour désigner ce faux vide. Cette expansion de bulles donne naissance à des bébés univers possédant leur propre temps, espace et matière.

Mais là aussi se pose toujours la question de la formation du premier bébé univers. L’univers, ou plutôt les univers, se sont-ils formés à partir de rien. Oui répliquent certains astrophysiciens. L’univers initial, très petit, recourt à la physique quantique où les mêmes conditions initiales peuvent aboutir à des résultats différents. En mécanique quantique, un corps peut violer les lois classiques de conservation de l’énergie pendant un très court instant. C’est ce que les physiciens appellent l’effet tunnel. Certes, cette explication est intéressante, mais pourquoi le rien engendre-t-il le tout ? Serait-ce le hasard seul qui l’aurait décidé. En fait cette théorie résout le problème par un jeu de dé sans capacité d’expliquer pourquoi l’on joue. La théorie des cordes ou cosmologie branaire envisage un super-univers doté de dimensions supplémentaires. Notre univers est enfermé dans une structure appelé brane (minuscules brins d’énergie), né de la rencontre de deux branes d’une autre dimension. Là aussi cette théorie ne se contente-t-elle pas de reporter toujours plus en arrière dans le temps et l’espace le problème de la naissance d’un univers, le nôtre ou un univers plus large dans lequel le nôtre baignerait ?

Alors ce bouillonnement de l’univers quantique dans lequel il n’y a ni avant ni après, où l’on peut être en plusieurs lieux à la fois, est-il une réponse satisfaisante à la question de l’origine de l’univers ? Restons sur notre quant-à-soi. Il y aura d’autres réponses dans les années à venir.

Mais qui nous fera faire le saut de la rencontre entre la théologie et la science ?

30/09/2013

Homme A

« Ecce homo » : Voici l’homme.

Existe-t-il ? Vous ne le rencontrerez pas vivant, mais vous vous en souviendrez. Chacun d’entre nous a, au moins une fois dans sa vie, rencontré un tel homme. Vous vous en souvenez. Il ne vous a pas marqué par une prestance particulière, ni la mise en valeur de son intelligence, ni même une extraordinaire sagesse.

Et pourtant il vous en est resté une impression de force douce, d’ardeur suave, de sérénité ferme. Vous pouvez partir au bout du monde avec lui en toute sécurité.

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29/09/2013

Présence

Vous arrive-t-il parfois, dans la pesanteur des jours
De descendre au-delà de vous-même
Dans ce vide cosmique, chaud et sans visage
Que vous ne touchez que d’un doigt malhabile ?

Dans cette absence se cache la présence
Vous la cherchez, vous l’espérez,
Elle ne dit rien, elle ne se manifeste pas
Mais elle réchauffe votre nuage intemporel
Et fait pleuvoir sur vos angoisses
Le miel apaisant du néant apprivoisé

Fantôme déchue ou réalité virtuelle
Ou encore germe de vie dans la solitude du moi
Ou insufflateur  de bulles d’air
Qui encombre l’espace de délires joyeux
J’attends au creux de la nuit apaisante
L’étincelle qui déforme la vision
Et donne à l’âme esseulée
Une poussée de fraicheur délirante

Lorsque vient l’aurore, les yeux clos,
Je contemple, le cœur chaud,
Ce noyau de prune agaçant
Qui s’agite en moi hoquetant
Et fait rire les voisins

Pourtant rien n’est plus extatique
Que cette perle dorée que vous portez
Dans ce château-fort aménagé
Que vous appelez Moi
Qui s’avère Soi
Et parfois Autre, mais quoi ?

28/09/2013

Le Pré Catelan, dans le bois de Boulogne

C’est au capitaine des chasses de Louis XIV, Théophile Catelan, que nous devons l’origine du nom du jardin. Mais la légende l’attribue à un troubadour du nom d’Arnault Catelan, qui y aurait perdu la vie, alors qu’il apportait des présents à Philippe le Bel, de la part de Béatrice de Savoie, comtesse de Provence. Autrefois simple pré d’où l’on extrayait les pierres qui sont venues paver les allées du bois de Boulogne, il s’est transformé à la fermeture des carrières en parc d’attraction. C’était un lieu plein de vie où l’on venait boire du lait frais dans la laiterie, écouter des concerts, faire quelques promenades en vélocipède ou des tours de manège. Mais les cris de joie se sont évanouis avec la guerre de 1870 et les affrontements de la Commune. (From : http://equipement.paris.fr/pre-catelan-et-jardin-shakespeare-2780)

Peut-on encore parler de lieu plein de vie ? Peu de personnes s’y promènent, et elles n’y marchent qu’à pas compassés. Le silence y est impressionnant.

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On croise quelques vieillards emmitouflés, deux ou trois couples d’amoureux, le plus souvent couchés dans l’herbe moite et quelques célibataires lisant le journal dans la clarté du soleil.

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Attention, ne pas le confondre avec le jardin de Marcel Proust d’Illiers-Combray, site romantique dit le « parc de Swann ».

Ce jardin a la beauté du paradis. Mais le paradis de nos grands-parents. Bien coupé, bien entretenu, il semble sorti des malles naphtalinées débarquant d’une diligence. Les femmes en robe longue et ombrelle colorée déambulent sur les sentiers, les hommes, rares, promènent leur canotier et canne de bambou, les enfants jouent au cerceau, courant à petits pas sans jamais se salir. Le paradis des enfants sages, bien brossés, feutrés comme leurs culottes de peau. 

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Les arbres y resplendissent dans le soleil d’automne. Verts et fiers, ils se penchent sur la rivière qui coule lentement, bordée d’une allée de graviers. A l’image des promeneurs, ils commencent à jaunir, atteints par l’ardeur du soleil. Mais cette vieillesse latente apporte le romantisme attendu d’un tel lieu.

Si vous suivez la rivière, sortant du pré très boisé, vous tombez sur une sorte de jardin japonais grand comme un mouchoir de poche, mais si crevant de vérité qu’on le croirait débarqué de l’Orient immuable. Que fait-il là comme ayant poussé sans aide ni intention ?

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27/09/2013

Sam Szafran, le peintre inclassable

Fleurs2.jpgSam Szafran est un homme de séries. Il s’adonne à un thème, en explore les possibilités, l’utilise sur tous les supports voulus, puis change de thème, lassé par cet approfondissement ou repu de rêves sur le même leitmotiv. C’est ainsi qu’il peint de multiples philodendrons agrémentés d’un personnage, des ateliers encombrés d’objets, des serres aux lianes exubérantes et étouffantes.

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Mais ses meilleures séries sont sans doute les escaliers. Des colimaçons descendant ou montant en éternels virages déformés donnant le vertige et la nausée, mais avec un charme et une lumière qui fait penser à une forme vivante et exigeante pour le spectateur.

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L’escalier devient un monde en soi, un rêve ou une hallucination, une obsession entortillant la cervelle. L’œil est au centre du tableau, sorte de point focal, globuleux et exorbité, autour duquel tournent les escaliers. On regarde au travers d’un globe de verre déformant qui donne à la montée d’escalier une impression de descente en enfer.

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 C’est un univers kafkaïen qui s’offre aux yeux qui se cherchent dans le déséquilibre qu’introduit le dessin, à dessein bien sûr. Un cauchemar vivant, imaginaire, mais devenu réel par la puissance du trait et de la couleur. On pense parfois à Shiva, la déesse aux multiples bras et ces marches sont comme les membres innombrables d’un démiurge invisible qui s’empare de votre esprit.

 

 

  Un dernier coup d’œil sur ce monde à x dimensions, autant psychologique que physique, qui donne le vertige au plus farouche montagnard.

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Sam Szafran est né le 19 novembre 1934 à Paris. Ses parents, émigrés juifs polonais, sont installés au 158, rue Saint-Martin, dans les Halles. Son père est tué au début de la guerre, le jeune garçon est confié à un oncle, puis placé à la campagne chez des paysans qui le maltraitent. Il trouve refuge chez des Républicains espagnols, dans le Lot. A la fin de la guerre, la Croix-Rouge l’envoie en Suisse. Il est accueilli par une famille près de Winterthur. En 1947, il embarque avec sa mère et sa soeur sur un navire à destination de l’Australie. Il a treize ans et demi et supporte mal le déracinement. Son exil se passe dans de mauvaises conditions.

Il rentre en France en 1951, s’inscrit aux cours du soir de dessin de la ville de Paris, gagne misérablement et s’installe dans le quartier de Montparnasse. En 1953, il s’inscrit à l’atelier de la Grande Chaumière et rencontre d’autres artistes (Ipoustéguy, Pélayo, Clavé). Une rencontre importante est celle avec Django Rheinardt, en 1955, qui lui donne la passion du jazz.

A la fin des années 50, il se lie avec des sculpteurs, Jacques Delahaye, Alberto et Diego Giacometti en 1961, Raymond Mason, Joseph Erhardy. D’autres influences se font sentir après ses rencontres avec Nicolas de Staël et Jean-Paul Riopelle, des peintres qui lui ouvrent les portes de l’abstraction. En 1958, retour à la figuration. Sam Szafran reçoit une première boîte de pastels. Il abandonne la peinture à l’huile. Il expose pour la première fois dans la galerie de Max Kaganovitch, grâce à Riopelle, en 1963. César et Ipoustéguy le signalent ensuite au galeriste Claude Bernard qui l’expose dès l’année suivante. La série des «Choux» date de cette époque. Il épouse Lilette Keller, originaire de Moutier en Suisse. En 1964 naît leur fils, Sébastien.

Jacques Kerchache lui offre en 1965 sa première exposition personnelle. Bernard Anthonioz, directeur du Fonds National d’art contemporain, lui achète une vingtaine de dessins, ce qui le tire momentanément de la misère. Entre 1967 et 1983, il collabore avec la revue «La Délirante» de son ami le poète libanais Fouad El-Etr. En 1970, la Galerie Claude Bernard présente une exposition personnelle avec la série des «Ateliers». En 1972, il fait partie de l’exposition collective «Douze ans d’art contemporain» au Galeries nationales du Grand Palais. A la même époque, il se rapproche d’Arrabal, Roland Topor et Jodorowsky, se lie d’amitié avec Henri Cartier Bresson auquel il donne des cours de dessin. Il développe une nouvelle série, les «Imprimeries». Il s’installe à Malakoff en 1974, dans une ancienne fonderie, et amorce la série des «Escaliers».

De 1986 date l’apparition des grandes aquarelles des Ateliers, des Serres et des Escaliers: «Mon obsession des plantes a trouvé là le meilleur terrain pour s’exprimer». Dans les années 90, il découvre un nouveau support pour ses aquarelles, la soie, et explore des compositions en mosaïque à partir de polaroïds. Dans la série des «Escaliers», les images se déploient en lames d’éventail.

From: http://www.gianadda.ch/wq_pages/fr/expositions/ancienne-szafran50ans.php 

26/09/2013

Sonate n°1 pour piano de Robert Schumann

http://www.youtube.com/watch?v=CcKMPCmQkYM

 

 

Une magnifique pièce de Schumann, l’introduction de la sonate n°1, un poco adagio. Elle part dans tous les sens et vous donne des frissons et trémolos sur tout le corps. Elle vous caresse et vous titille.

Les premières notes sont mélodramatiques, puis très vite romantiques et cette allée et venue est pleine de charme. Elle vous entraîne dans des pays imaginaires, ceux des sons chaleureux et diserts.

Vient l’allegro vivace, une course effrénée dans les bois avec quelques poses sur les hauteurs. C’est un printemps radieux qui enchante le corps malgré l’essoufflement de la course.

Quel bel exemple de passage de la fougue sonore au romantisme apaisant. Schumann est un enchanteur qui entraîne ses auditeurs dans les recoins ignorés de leur personnalité. Merci aussi au pianiste Ionel Streba malgré un piano au son un peu grêle.

25/09/2013

Une femme, c'est...

Une femme, c’est une bouche
Chaude, rouge, pétillante
Que l’on embrasse un soir d’orage
En attendant la pluie bienfaisante

Et ces lèvres sublimes parlent
Dissertent, bavardent, babillent
Elles veulent dire tout ce qui leur vient
A l’esprit pour s’en débarrasser

Lui ne dit mot, médite devant ce fait
Pourquoi parler de que l’on n’a pas connu
Quel mirage prévaut sur la réalité?
Façonne ton jardin avant de l’exposer !

Mais lorsqu’elle se dénude avec pudeur
Et entrouvre ses lèvres offertes
On ne peut que tendre amoureusement
Nos oreilles à cette source légère

24/09/2013

La Déesse des petites victoires, roman de Yannick Grannec

Un livre étrange où l’on passe de la plus haute mathématique aux soins d’une vieille dame à l’humeur inégale. Les premières pages (au moins une bonne cinquantaine) laissent le lecteur dérouté. 1980, à Princeton : première rencontre entre Anna Roth, une jeune documentaliste et Adèle Gödel, femme dulittérature, roman, mathématique, science, incertitude mathématicien Kurt Gödel, ami d’Einstein. La première est chargée de récupérer les archives que détient la seconde. Pour y arriver, elle devra devenir l’amie d’Adèle, petite femme coriace, au destin particulier : elle a veillé toute sa vie sur un des plus grands mathématiciens du siècle qui se comporte comme un enfant sans jugeote. Deuxième chapitre : Adèle, une jeune serveuse de bar, fait connaissance avec Kurt Gödel, un jeune homme au comportement bizarre qui réfléchit en marchant la nuit dans les rues de Vienne. Kurt et moi n’avions rien en commun, du moins si peu. J’avais sept ans de plus, je n’avais pas fait d’études ; il préparait son doctorat. (…) La promenade s’est achevée comme elle avait commencé, dans le très inconfortable silence où chacun cachait ses pensées. Même si je n’ai jamais été douée pour les mathématiques, je connais ce postulat : une toute petite inflexion de l’angle de départ fait une énorme différence à l’arrivée. Dans quelle dimension, quelle version de notre histoire, ne m’a-t-il pas raccompagnée ce soir-là ?

On ne comprend que plus loin que le livre s’organise entre la vraie vie d’Adèle et de Kurt (Vienne, fuite devant l’Allemagne nazie, installation aux Etats-Unis) et la vie d’Adèle devenue vieille, phagocytant la vie d’Anna, missionnée auprès d’elle pour obtenir le nachlass de Kurt (documents faisant figure d’héritage intellectuel recueillis de manière posthume). Un chapitre dans les années suivant la deuxième guerre mondiale, un chapitre dans les années 80.

Les mathématiciens sont comme des enfants qui empilent des briques de vérité les unes sur les autres pour construire le mur qui remplira le vide de l’espace. Ils se demandent si certaines sont vraiment solides, si elles ne vont pas s’écrouler ensemble. J’ai prouvé que sur une certaine partie du mur, certaines briques sont inaccessibles. On ne pourra donc jamais vérifier que tout le mur est solide. C’est ainsi que Kurt explique son travail sur le programme de Kilbert, liste de questions dont il a résolu une partie avec son théorème d’incomplétude prouvant que certaines résolutions étaient inaccessibles. Pour Kurt, les mathématiques sont la vraie beauté. Il s’interroge sur l’existence de l’infini. Il explique la théorie des ensembles à Adèle qui lui demandait si l’on invente les mathématiques ou si on les découvre. Et il ajoute : « Je cherche à établir la décidabilité de l’hypothèse du continu. (…) J’ai l’intuition, Adèle, que l’hypothèse du continu est fausse. Il nous manque des axiomes pour construire une définition correcte de l’infini. (…) Je dois savoir si cet infini que j’explore est une réalité ou une décision. Je veux témoigner de notre avancée dans un univers de plus en plus lisible. Je dois découvrir si Dieu a créé les nombres entiers et l’homme, et le reste. »

Mais Adèle est perdue devant ces réflexions : Je retournais à ma cuisine. Les larmes avaient monté malgré moi ; ils devaient me croire inquiète pour l’avenir de l’humanité, en réalité, je m’apitoyais sur mon sort. J’étais une enfant dans un monde d’adultes. (…) Je ne serais jamais d’ici ; je serais toujours une exilée au milieu de tous ces génies. J’atteignais l’âge où les hommes seraient plus charmés par ma cuisine que par mes jambes : l’âge de la résignation.

Kurt finit par mourir. Est-il décédé de malnutrition comme ils l’ont dit ? Non, plutôt d’un accident du travail : il interrogeait l’incertitude ; il était mort rongé par le doute. La vie n’est pas une science exacte ; tout y est fluctuant, indémontrable. Il ne pouvait la vérifier paramètre par paramètre. Il ne pouvait pas axiomiser l’existence.  Qu’avait-il cherché qui n’était pas dans son cœur, son ventre ou son sexe ? Il avait décidé de ne pas s’impliquer ; de se placer en dehors du monde pour le comprendre. Il y a des systèmes dont on ne peut s’exclure. Albert (Einstein) le savait, lui. S’exclure de la vie, c’est mourir.

Oui, un livre qui passe des plus hautes réflexions sur l’univers aux plus ordinaires sentiments d’une vieille femme qui s’accroche à son destin. Et pourtant : Je n’existais pas pour eux. Je n’ai jamais existé.

23/09/2013

Qui es-tu ?

Si vous posez à quelqu’un la question : « Qui es-tu ? » Il peut vous dire son nom, où et quand il est né, quels diplômes il a obtenu. Ces réponses ne touchent pas à son être essentiel.

Je peux approfondir et demander : « Quel est ton caractère ? » Il ne pourra probablement pas répondre. En effet, la plupart des gens ne connaissent pas leur caractère. Mais ceux qui le fréquentent en donneront aisément une description. S’il lui arrive d’entendre cette description, elle sera presque certainement déçue, car ce que les autres considèrent comme son caractère, ne correspond pas à sa personnalité la plus profonde.

Il faut donc aller encore plus loin, jusqu’à l’inconscient. L’aide d’un psychologue, voire d’un psychiatre, sera peut-être requise. Grâce à ce dernier, vous parviendrez peu à peu à une compréhension plus profonde de la structure de la personnalité, de ses aspects positifs ou négatifs et vous saisirez mieux comment tout cela est apparu et s’est développé au cours des ans. Mais cette connaissance n’épuise pas l’être profond.

Et si vous pénétrez plus profondément, jusqu’à un niveau que la psychologie des profondeurs ne peut atteindre et que vous posez la question : « Qui es-tu ? » Il vous sera répondu : « Je ne sais qui je suis. Mais je suis unique et autre ».

« Dieu m’est plus intérieur que ma propre intériorité », dit Saint Augustin.

22/09/2013

Roy Lichtenstein

Roy Lichtenstein était un peintre facétieux que la galerie Gagosian, près desDrowning girl.jpg Champs Elysées, expose actuellement.  Son style convient à toutes les peintures, puisqu’il ne pratique qu’une conversion de tableaux ou de dessins originaux. Il s’est illustré en tant que promoteur de la bande dessinée. Qui n’a pas vu ces femmes au dessin voluptueux, exprimant des sentiments de midinette. Mais ce n’est pas sa seule source d’inspiration. Il se commet également avec la publicité et, plus étrange, avec l’histoire de la peinture, dont le surréalisme et le cubisme.

L’exposition Gagosian nous montre des œuvres propres à la période 1979-1980 pendant laquelle Roy Lichtenstein découvre l’expressionnisme allemand. Il va s’approprier le style en le transformant à sa manière, cela va sans dire. Il reprend, par exemple, les jaunes et les verts criards, les contours noirs, les visages anguleux d’Ernst Ludwig Kirchner. Il s’inspire des gravures sur bois du Blau Reiter, tel ce portrait du Dr Waldmann de 1980.

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Il reprend les paysages expressionnistes de Cézanne (les baigneuses) recréant à sa manière l’atmosphère et la lumière du midi.

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Il peut également se stimuler en utilisant l’art nègre :

 

 

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 Sa manière : une utilisation des couleurs primaires, l’emploi de points ou de traits pour représenter des ombres, mettre en valeur ou au contraire brouiller le sujet dans son environnement, comme cette tête de femme qui est à la fois triste ou au moins mélancolique, et joyeuse ou fraiche par le bleu qui traverse le tableau.

  

Une exposition qui nous contraint à nous demander où se trouve la frontière entre l’art et l’usage habituel d’autres types d’information tels que la publicité, le stylisme, l’objet culte, voir les illustrations pour enfants, etc.

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 Allez… Un retour sur son style habituel :

 

 

 

 

21/09/2013

Les artistes au matin

Le poète se réveille l’esprit aux aguets
Il cherche les ombres délicates
Leur attribue formes et intentions
Pour s’envoler dans la fraîcheur

Le musicien, bercé par l’angélus
Se réveille au chant des oiseaux
Préparant sa cuisine de notes grêles
Seule importe sa symphonie intérieure

Le peintre n’ouvre pas ses yeux hagards
Il contemple en solitaire la couleur
Derrière ses paupières closes
Et choisit l’assemblage de la journée

L’écrivain agite ses doigts gourds
Les échauffe au feu de son imagination
Et façonne ses phrases et galimatias
En dentelles savantes et prolixes

Le sculpteur rêve en caressant le drap
Il lui prête des formes lascives
Et ébauche l’enlacement magique
Des formes de pierre ou de terre   

L’architecte a un sommeil de pierre
Il ne se réveille qu’au son troublant
Du moteur de la bétonneuse
Alors, il se fait sagace et éloquent

Le comédien au matin ne joue aucun rôle
Il lessive sa nuit au théâtre
Et se rend aux cieux de l’olympe
Pour sourire aux applaudissements

Dieu, que tous ces artistes sont beaux
Des réveils en face à face avec eux-mêmes
Et nous, innocemment, sans effort
Dormons encore sans y penser

20/09/2013

Femme Z

La Femme, pas une femme, celle que vous rencontrez dans la rue, au bistrot ou dans un roman noir, mais le symbole de la femme belle d’une beauté sauvage, tentatrice jusqu’à la séduction, initiatrice d’une liberté de comportement.

Elle est noire, mais se cache derrière ses apparences d’innocentes blancheurs. Elle endort de ses formes courbes et celles-ci sont palpables. La femme Z inverse de la femme A, également rêvée, à d’autres moments et sans doute par d’autres hommes.

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19/09/2013

Votre histoire personnelle

« Je n’ai plus d’histoire personnelle. Lorsque j’ai eu la sensation qu’elle n’était plus nécessaire, je l’ai laissé tomber. », explique Don Juan Matus, le sorcier Yaqui de Carlos Castaneda.

Les Evangiles nous disent la même chose sous une autre forme : « Quitte ton père et ta mère », ce qui signifie quitte toutes tes attaches matérielles et surtout émotionnelles, sentimentales et même intellectuelles. Le Zen nous le dit également, mais différemment : « Calme ton esprit, soit présent à toi-même quoi qu’il arrive, fais le vide en toi, fais taire tes émotions ».

Mais sommes-nous capables de nous passer de notre histoire personnelle ? Certains nous diront : « Mais bien sûr, je serai heureux de ne plus penser à mes malheurs, de ne plus ruminer mes manques, mes défauts, mon impuissance à être. » Cependant, la plupart du temps, ils ne vivent que de leurs problèmes et ne peuvent s’intéresser suffisamment à autre chose pour ne plus y penser. D’autres penseront : « Mon histoire n’est pas brillante, mais j’y ai consacré suffisamment de temps pour ne pas la laisser tomber maintenant. » Et dans tous les cas, les autres ne vous adressent la parole que sur leur ou votre histoire personnelle : Qu’avez-vous fait ? Que pensez-vous de ? Alors si vous laissez tomber votre histoire personnelle, vous n’aurez plus de sujets de conversation ; vous deviendrez associable.

Tout ceci est vrai, mais votre histoire a-t-elle autant d'intérêt que vous semblez lui attacher ? Votre état civil, votre état familial, votre profession, votre rôle social ont-ils tant d’importance. N’êtes-vous pas autre chose derrière ces apparences successives ?  Fouillez dans votre vie les instants les plus heureux. Ne sont-ils pas ceux pendant lesquels vous vous êtes oubliés, pendant lesquels vous avez perdu de vue votre moi immédiat ? Ces instants d’extase vécus devant un coucher de soleil, une musique qui vous sort de vous-mêmes, un tableau dans lequel vous vous noyez, ne sont-ils pas préférables à toutes les joies de votre petit moi. C’est justement lorsque vous abandonnez votre histoire personnelle que vous découvrez la vraie vie.

Alors tentons de tout laisser tomber. Partez un jour sans rien avec vous, habillez-vous différemment et laissez-vous porter par la vie, seconde par seconde, minute par minute, heure par heure. Quelles vacances rafraîchissantes !

18/09/2013

Sérénade de l’eau, de John Berg

 
podcast

Cette pièce a été composée par un jeune musicien (14 ans). Elle n’est pas parfaite, mais elle dénote un sens du rythme, une sensibilité à l’extraordinaire, une attention au cheminement entre la perception et l’émotion. Musique étrange, mais tendre comme celle des minimalistes.

 Promenade dans le coton… Erres-tu sensément dans cette étrange épaisseur de ta mémoire ?

Les images défilent, mais lesquelles ? Tu t’enfonces, tu te laisses prendre dans les filets enchevêtrés du souvenir.

Où es-tu, toi qui ne sais rien de toi ?

Mystère des sons qui coulent entre les repères de ton existence. Ils glissent sur ta peau et te laissent les rides de l’avidité.

Pas à pas tu avances dans la chaleur envoûtante. Tu écartes le feuillage, respirant à peine. Tu marches à genoux, les yeux fixés sur la fin du rêve qui ne vient pas.

Et quand tout s’arrête, tu ouvres à nouveau le robinet de la douche qui coule petitement sur ton front irrité : quelle impossible sérénade !

Merci John pour ce moment enchanté !

17/09/2013

Les portraits de Peggy Viallat-Langlois, galerie Sibony

Qu’en penser ? Elle se prétend peintre sanguinaire. Elle se montre au travers d’autoportraits grandioses en taille et en effets.

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 Et elle montre des visages glaciaux ou attendrissants. On ne sait qu’en penser !

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Elle se passionne pour la chair brute, rouge, sanguinolente. Son couteau le traduit en larges touches de rouge, vermillon, cinabre, carmin, garance, amarante et sang de bœuf. Mais s’y mêlent également le bleu ou le violet de la chair morte, le rosé, doré, pêche de la sensualité féminine. Le regard franc, brut, qui ne cache rien, et vous ausculte en face. Chaque portrait vous dévisage de haut. Vous vous sentez diminué sans cependant être négligé, happé par cette bouche entrouverte, marquée par les gerçures de la vie.

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Son but : donner à voir. Et c’est un choc physique qui provoque une explosion. Dans cette exposition, toujours le même visage, le sien. Toujours différent, empreint d’innocence et de charnel vertige. Que cherche-t-elle dans ces portraits répétitifs ? Empêcher la fuite du temps ? Fixer ses états d’âme ? Se dire dans ses différents états du moi ?

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Est-ce beau ? Oui, sans doute, mais au moment de dire oui se mêle une gêne instinctive, comme un avertissement de l’âme devant ce dévoilement sans pudeur et cette soif d’épiderme marbrée.

 

 

16/09/2013

Les mains

Elle est là, posée sur le livre, détendue
Elle ne bouge pas, au repos devant ces pages
Elle en caresse la couverture fraîche
Et semble vous dire : ne viens-tu point ?

Mais c’est une main gauche
Et la gauche reste noire
Elle ne peut converser  et toucher
Ce que la droite a caressé

Ce n’est pas la guerre des sexes
Mais celle des appréhensions
Ce que la gauche fait
La droite l’ignore superbement

Et pourtant ne vous arrive-t-il pas
De souscrire à deux mains
Aux projets dithyrambiques
Exprimés par une bouche câline

Alors pour l’amour de l’art
On inventa le changement de mains
Mais où donc ai-je mis mes rechanges ?
J’en ai perdu la main

Ainsi, sans mains, ni même visage
Ai-je défié le futur en un éclair
Et regardé au fond de tes paumes
L’avenir incertain de nos passions

Oui nous sommes unis et heureux
Comme les deux doigts de la main
Et nus comme la main et beaux
Apprécions la caresse de ces tentacules

De l’amour comme de la haine
D’autres s’en lavent les mains
Ils résistent au chatouillement
Des doigts recourbés et sagaces

Elles tremblent parfois ces mains
Peuvent être de vieillards
Ou de jeunes enfants
Qui n’osent toucher le miel

Mais l’amour commence toujours
Par un échange de mains
Ou plutôt de caresse des doigts
Sur ceux de l’aimée

Alors celles-ci s’animent
Se reconnaissent mutuellement
S’ouvrent au passage du désir
Et se referment en symétrie

Les mains sur le cœur
On se jure de grands projets
On se regarde par le toucher
Jusqu’au hérissement des poils

Enfin la main devient aérienne
Elle courre dans le ciel
Comme un vol de moineaux
Et se laisse prendre au piège

Plus rien ne sera comme avant
Car ta main demandée m’appartient
Elle me guide en pression habile
Jusqu’au centre de ton être

En sous-main ou dans les poches
Les mains s’activent et s’enchevêtrent
Les mains en l’air et plus haut
Mais que les bras ne vous en tombent pas !

15/09/2013

Stop ! La pensée perdue

Expérience d’un instant sans pensée. C’est arrivé subitement, sans effort, sans même penser que je ne veux pas penser. Le trou noir dans un monde de lumière environné d’objets et de pensées. Plus rien, que le silence du cerveau, sans parachute.

Je lisais un livre qui se révèle passionnant par sa simplicité et sa profondeur : le monde de tous les jours pour comprendre un monde que seuls quelques mathématiciens qui se comptent sur les doigts de la main peuvent saisir. Il s’appelle La déesse des petites victoires, écrit par Yannick Grannec et paru en 2012. Nous en reparlerons plus tard. Je réfléchissais à mon incapacité à loger une histoire inventée dans un quotidien imaginaire pour faire un roman crédible. Ecrire un livre pour exposer une nouvelle vision est simple. Il suffit de laisser aller sa logique, puis de la comprimer, de l’empêcher de fuir par les trous de ses jointures, pour finalement sortir un texte qui est une démonstration. Partir d’un point A pour aller à un point B, ou C, ou P (jamais jusqu’à Z. Le fil se rompt avant). Mais combien plus difficile est de créer un monde en soi qui ressemble à s’y méprendre au monde réel. C’est aussi laborieux qu’écrire un poème sur le balai-brosse. Le monde imaginaire est, pour moi, un monde si nouveau que seul un langage différencié du quotidien peut le traduire en paysage que le lecteur saura comprendre.  Voir par l’association d’images sans rapport direct avec ce que l’on décrit (c’est le cas de la poésie) est le meilleur moyen pour atteindre l’appréhension de ce monde imaginaire et merveilleux qui vous fait décoller.

En réfléchissant sans but précis, je regardais les tableaux suspendus au mur, puis l’étagère sur laquelle trônent des bocaux de toutes couleurs. Arrivant en un lieu précis, sur l’étiquette de l’un d’eux, ma pensée se bloqua. Rien, plus rien que le grand silence. Et je ne pensais même pas à ce silence subit. La tête comme une coque de noix dans laquelle même une bille de conscience ne subsiste pas.

Combien de temps dura ce trou ? Je ne sais. Brusquement, tout revint sans à-coup, comme une machine bien huilée. Je pris lentement conscience de ce moment extraordinaire, comme un cadeau du ciel : quelques miettes de pain offertes au mendiant d’absolu. Quelle réponse à mes interrogations ! Le silence absolu, preuve d’un autre monde sans changement. Une fois de plus la jonction des contraires : le silence pour exprimer ce que l’on ne peut dire, devient une clé de la compréhension du monde.

Pour provoquer ces instants magiques, Gurdjieff avait mis au point le jeu du stop. Au milieu de tâches quotidiennes, il criait STOP ! Et chacun devait s’arrêter instantanément en moins d’une seconde, dans la position dans il se trouvait. Ce pouvait être dangereux, mais il fallait dans tous les cas tenir cette position envers et contre tout. L’exercice devait aider à prendre conscience de la mécanicité de la machine humaine. Sortir de son confort par l’arrêt subit de toute action.

14/09/2013

La dépression

Un état dépressif a souvent pour origine le sentiment de ne pouvoir maîtriser sa vie. Ce n’est pas les malheurs qui nous accablent qui nous rendent dépressif, c’est le fait que ces malheurs nous prennent tout entier, nous interdisent toute autre pensée, nous centrent non sur ce que nous pouvons faire, mais sur ce que nous ne pouvons pas faire. Ce que le psychiatre Boris Cyrulnik appelle la résilience est la capacité à reprendre un développement  malgré l’adversité. Si l’on ne possède pas cette résilience, si l’on n’est pas capable de reprendre le dessus face au malheur, on déprime, on se réduit à l’état de victime, état dans lequel nous entraînent ceux qui nous veulent du bien.

Oui, un état dépressif a souvent pour origine le sentiment de ne pouvoir maîtriser sa vie. Ce sentiment devient si puissant qu’il finit par occuper en permanence les pensées et de ce fait crée une tension psychologique incontrôlable.

Conscient que la souffrance est due au fait que l’on est incapable de s’empêcher de ruminer toujours les mêmes pensées, il faut chercher à faire taire cette souffrance par nos propres moyens. C’est une résilience active et volontaire et non passive et due à un événement indépendant de notre volonté.

La médecine ne nous offre le plus souvent que des cachets antidépresseurs qui soignent les conséquences, mais ne retirent pas la cause. Notre religion en général ne nous permet pas de lutter efficacement. Certes, elle nous entoure de bonnes paroles et de fraternité. Mais là aussi, ce n’est qu’un traitement des conséquences et non de la cause. Il s’agit de changer notre psychologie habituelle, de faire des expériences intérieures qui vont nous permettre de dominer notre incapacité à penser par nous-mêmes. Ne plus être pensé au travers de nos émotions. Le jour où l’on commence à envisager ce changement volontaire en soi, on est sur le chemin de la résilience volontaire. On passe du savoir, à la connaissance par l’expérience. C’est dur, on tombe et on retombe, mais quel chemin si l’on persévère.

13/09/2013

L’ultime secret, roman de Bernard Werber

Qu’est-ce qui nous pousse à agir ? Quelle est votre motivation principale dans la vie ?

Samuel Fincher, neuropsychiatre, vient de gagner sa partie d’échec contre Deep13-09-13 L'ultime secret.jpg Blue IV. Il est champion du monde, devant l’ordinateur le plus puissant ; mais il meurt le soir même dans les bras de sa petite amie. Ses traits présentent tous les signes de l’extase absolue… Mort d’amour. Isidore Karzenberg, journaliste, prétend qu’il a été assassiné. Avec Lucrèce, une jeune pigiste, ils vont le prouver.

Ils font le tour de tout ce qui peut motiver un être humain : peur, sécurité, faim, plaisir. Les sept péchés capitaux y passent, même s’ils n’ont qu’un lointain rapport avec la motivation. A ceux-ci s’ajoutent le devoir, la colère, la sexualité et bien d’autres au fil de leur découverte. On vit leur aventure. Mais dans un récit parallèle, on vit le passé du docteur Fincher, sa rencontre avec un homme paralysé, Jean-Louis Martin, qui ne voit que d’un œil et n’entend que d’une oreille et qui refuse de mourir. Ils deviendront amis. Jean-Louis Martin se fait opérer par le docteur et doter d’un ordinateur qui lui permet de pensécrire : il inscrit sa pensée directement sur l’écran de l’ordinateur.

L’intrigue laisse du suspens, le thème est intéressant (un cerveau humain, aidé d’un ordinateur, accède à « l’ultime secret »), quelques réflexions de fond, scientifiques ou psychologiques, renforcent l’attractivité du livre. Celui-ci répond à la question : « Qu’est-ce qui nous motive ? La cessation de la douleur, la cessation de la peur, la satisfaction des besoins primaires de survie, la satisfaction des besoins secondaires de confort, le devoir, la colère, la sexualité, les stupéfiants, la passion personnelle, la religion, l’aventure, la promesse de l’ultime secret, l’expérience de l’ultime secret. »

Et la fin du livre ouvre à la sagesse, au rêve, voire au spirituel :

Tout à l’heure, j’ai ressenti une impression étrange, une onde pure volupté qui me transcendait. Juste après, comme le contrecoup de cette onde, j’ai été traversé d’une autre sensation. Une sensation de grande plénitude, suivie d’un vertige comme si je pouvais englober par ma pensée l’infini de l’univers. Comme si, arrivé à un nouveau point d’observation, je m’apercevais que j’avais une conscience fausse de la dimension des choses. (…) On pourrait appeler cette nouvelle motivation : l’élargissement de la conscience. Elle est peut-être plus puissante que toutes les autres motivations. C’est pour cela que nous avons réussi. C’est une notion au-delà des mots, elle est difficile à expliquer.