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24/08/2018

Violoncelle et piano

Petites routes et chemins pour se rendre au "concert". C’est ainsi qu’est appelé ce rendez-vous avec un piano et un violoncelle : repérage cartographique, puis l’aventure, facilitée par une lecture attentive. Entrée dans un chemin couvert, un long bras sorti des feuillages, comme un trou de souris dans la ouate doucereuse. Débouchée sur un bâtiment, à gauche, environné de personnages fantômes. La maîtresse de maison s’avance. Oui, nous la connaissons : quelques jours avant, elle était venue nous porter un papier expliquant le concert. Elle s’avance d’un pas serein, vêtue d’une robe longue, dévoilant le bas des jambes, modestement. Une ceinture portée haute, presque sous les seins, rappelle ce XIXe siècle romantique, sage et endolori. Et ce sera bien l’intonation de la soirée, la marque que garderont nos esprits dans ce brouillard irréel d’un soir de fin de vacances.

Les lieux ? Arbres et verdure, une éclaircie sur la droite, un pré sans clôture, à l’herbe mi-haute, dans lequel nous garons la voiture. Quelques bâtiments que nous distinguons peu, enfouis sous les pousses d’arbrisseaux. Nous n’y prenons pas garde, préoccupés par les quelques personnes semblant attendre d’un air las. Nous en saluons quelques-unes, échangeons quelques mots avec l’hôtesse nous rappelant notre rencontre de la veille. Elle nous indique l’entrée dans un grand bâtiment, ressemblant plus à une grange qu’à une maison, dont la béance grise reste mystérieuse. Allons-y !

Nous pénétrons dans une grande pièce, mi-empierrée, mi-chaulée, recouverte de deux poutres monumentales. Un piano, un Schimmel si me souviens bien, sévère et tendre, étale son clavier. À ses côtés, un fauteuil vide. C’est le seul décor sur cette partie de la pièce où il faut maintenant accéder à une place. Peu de sièges, disparates, quelques bancs, quelques coussins, plusieurs tapis. Des gens silencieux, en attente, dont on se demande s’ils vont se mouvoir et s'émouvoir lorsque résonneront les premières notes. Nous finissons par trouver un canapé dans lequel est assise une jeune fille, ou plutôt une jeune femme d’une trentaine d’années. On s’assied en se tassant et ce rapprochement des corps réchauffe le cœur et donne à l’inconnu une impression de civilité. On attend, dans le silence compassé de l’ignorance de ce qui va advenir. Alors, on regarde la pièce. Une magnifique cheminée, forte, seigneuriale, mal jointe, il faut le dire, prend la salle sous sa protection, telle une main immense se fermant sur la passivité des spectateurs languissants. Nous sommes dans la salle d’apparat d’un châtelet et, ma foi, nous nous y trouvons bien. Elle est, malgré sa sobriété, chaleureuse et décorée avec goût.

Enfin, les derniers arrivants installés, la compositrice et pianiste Christine Jeandroz présente en quelques mots la jeune violoncelliste Mathilde Reuzé et la première partie du concert. Applaudissements… Silence… Installation de l’artiste… recueillement et… les premières notes : courante de la 6e suite pour violoncelle de Jean Sébastien Bach, mon musicien préféré. C’est difficile pour une jeune musicienne de commencer seule un concert. Elle le fait avec assurance, une technique parfaite, le cœur un peu serré, ce qui l’empêche d’y mettre toute la chaleur de l’âme qu’on attend d’une écriture musicale si assurée. Peu importe. On se laisse emporter par ces phrases de Bach qui prennent et reprennent le thème, explorant toutes les possibilités qu’offre le professionnalisme et l’intensité de l’émotion du grand compositeur. Précise, presque mathématique, mais empreinte de mysticisme, la mélodie se déroule et enchante nos oreilles, notre corps, notre cœur et notre esprit. Oui, Bach reste inégalé par sa capacité à émouvoir l’ensemble de l’être et à l’élever au-delà de l’apparence quotidienne.

Du piano, je ne retiendrai que le premier impromptu de Franz Schubert et le commentaire du programme : « Une femme amoureuse se souvient : la rencontre avec l’homme, les battements de sœur, l’attente.. Le reverra-t-elle ? L'amour naissant, la douceur, le désir, la complicité, puis les tensions, les apaisements, la passion, les ruptures, les retrouvailles, la douleur, la douceur, à nouveau. Et toujours, dans son cœur… l’amour. » Les notes s’égrainent, la mélodie se déploie, les sentiments s’expriment et l’âme s’envole. Je suis dans le salon de Georges Sand, parfois de la comtesse de Ségur, revivant les jours de l’adolescence où le romantisme prédomine.

Retour au violoncelle, accompagné par le piano dans la troisième partie du concert. Le jeu de la violoncelliste dépasse maintenant le seul aspect technique. À dix-sept ans, elle joue merveilleusement, avec retenue. Nocturne de Tchaïkovski, puis une composition de Christine Jeandroz. Enfin, un bis de Chopin, comme toujours, aérien.

Nous restons sous le charme de cette soirée hors du commun, parlons avec les uns et les autres autour d’une table emplie de verres et de friandises. La nuit est tombée, on fait connaissance sans presque se voir, ce qui ajoute au mystère de la soirée.

Il fait froid, il faut rentrer. Merci aux deux musiciennes de nous avoir enchantés en nous plongeant dans l’atmosphère intimiste du XIXe même si les pièces jouées dépassaient ce siècle mouvementé.  

 

11/02/2018

Concerto pour piano en La mineur, Op.16, d’August Winding

https://www.youtube.com/watch?v=0fyFRKKDZbg


 

August Winding (1835-1899) est un compositeur suédois qui dut abandonner une carrière de concertiste suite à un accident. Il s’est alors tourné vers la composition et la pédagogie. Voici probablement son plus beau concerto pour piano, composé en 1868.

Très romantique dans le second mouvement, ce concerto rappelle la musique de Schumann ou de Mendelssohn.

Cependant, l’enregistrement manque de contraste et l’interprétation reste un peu neutre dans la partie orchestrale.  

 

26/01/2016

Brume sur la campagne

Courir dans la campagne n’empêche pas l’âme d’être acquise à des instants de romantisme. Ce fut le cas ce matin, en haut d’une côte, dans un tournant.

Merci au créateur de ce monde de nous donner ces aperçus de paradis.

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02/02/2015

Le palais de Pena à Sintra (Portugal)

Sintra est une petite ville pleine des mystères du passé. D’une géographie compliquée, elle nous permet d’entrer dans l’atmosphère du romantisme du XIXème siècle. Les princes, et ceux qui avaient fait fortune, bâtissaient de merveilleux jardins et des palais des mille et une nuits. C’est le cas de Pena, château royal qui domine Sintra de sa mousseline colorée, caverne d’Ali Baba à l’intérieur bourgeois.

Cette étonnante construction fut achevée en 1885 par la volonté de Ferdinand de Saxe Cobourg-Gotha, régent du royaume et se caractérise par un mélange de style assez détonnant (gothique, baroque, Renaissance mauresque, manuelin) qui en fait un bâtiment exubérant, conservant également quelques parties de l’ancien monastère.

Une entrée extraordinaire, un arc de Triton orné de féroces monstres marins,

puis le cloître qui appartenait au monastère d’origine

ou encore la chapelle

Des salons extravagants

Gardés par des personnages rocambolesques

Malgré tout, une intimité bourgeoise sympathique

Et un parc de 200 ha dans lequel on voudrait passer la nuit pour errer devant chaque trouvaille décorative et en particulier le chalet de la comtesse Edla.

27/11/2014

Impromptu opus 90, N°3 de Franz Schubert, interprété par Krystian Zimerman

https://www.youtube.com/watch?v=KkqDEh-fXVI


  

C’est un nuage de rêve qui passe et laisse dans le cœur une impression de plénitude et d’espérance.

A quoi tient la beauté de ce morceau ?

Tout d’abord à sa mélodie, une plainte légère débutant sur quatre Si bémol. Puis vient la deuxième tonalité de la mélodie, le La bémol qui constitue le point d'encrage de la musicalité et cet entrelacement de ces deux notes proches crée tout le charme romantique de la pièce. C’est léger, simple et envoutant et cela s’achève sur un Sol bémol qui semble clore la mélodie alors qu'elle va continuer à se déployer. C’est l’équilibre entre ces trois notes qui exerce sur l’âme cet attrait irrésistible.

L’accompagnement précis, une montée et descente de trois notes rapides comme des vagues courtes et caressantes lui donne un air guilleret qui tranche avec la mélodie et lui donne un ensorcellement irrésistible. Enfin n’oublions pas en basse le renforcement de la mélodie par des touches profondes et discrètes qui sont de brefs rappels sonores de celle-ci et lui donnent une profondeur inégalée.

Ces trois mélanges sonores, qui règnent en continu sur la pièce, lui apportent un caractère calme et serein qui rappelle l’adagio de la sonate au clair de lune avec la mélodie jouée par le petit doigt de la main droite pendant que les autres déroulent un accompagnement au fond assez proche.

12/09/2014

Jean Arcelin, un peintre aérien

Peintre franco-suisse, Jean Arcelin aime le flou et la blancheur qui donne à chacun de ses tableaux un mystère difficile à saisir. On admire la toile et au bout d’un moment on se sent glisser dans l’image comme sur un lac avec les patins aux pieds et l’on s’engouffre dans une rupture  du paysage pour se retrouver entouré de rêves blancs et irréels qui font frissonner les poils de vos jambes.



 


 

Vous vous trouvez en bord de mer dans cette villa vétuste, secoué par les vents après la pluie qui a balayé le sol


 


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Un instant plus tard vous ouvrez les yeux sur l’inconnu : noyade dans l’océan au bout d’un jardin qui sent la pourriture de végétaux jeté dans un coin.


 


 

 

 

 

L’océan toujours qui frappe inlassablement la falaise en semblant défier le logis cramponné dans sa verdure.



 


 


 

 


Une vague, une seule, et vous naviguez sur les mers du Sud à la recherche de vous-même sous un ciel incertain. Qu’y a-t-il derrière ?


 


 


 


 

 

 

Un peu de repos dans ce rêve délirant de blancheur. Mais le blanc est là, toujours présent, inséré dans les feuilles de papier de l’écrivain raté.

 


 


 


 


 


Ce peintre expose actuellement à la galerie 26, 26 place des Vosges 75003 Paris. Allez-y et laisser vous entraîner dans ses rêves pleins de délices. 

07/08/2014

Pluie, roman de Kirsty Gunn (Christian Bourgois éditeur, 1996)

L’eau avant tout, l’eau d’un lac qui dans ce coin a une odeur de rivière, puis la solitude de deux enfants, l’absence des parents, fêtards et négligents, la maturité de la fillette, l’amour qu’elle porte à son petit frère dont elle 14-07-31 Pluie.jpgest la vraie mère. Ce n’est pas une histoire avec un commencement, des épisodes et un dénouement. Non, c’est un étirement de la surface du lac, quelques rides à sa surface, une pierre lancée par Jim Little, et le retour au calme comme ces nuits où ils se réfugient près du lac sans que le moindre adulte s’en soucie. Le roman coule comme de l’eau, au rythme poétique des sensations et des descriptions de Janey, la fillette, qui observe, constate, juge parfois, tout cela avec impartialité, sans référence morale. Maman est belle, d’une beauté remarquable et remarquée. Papa est à ses genoux, esclave et heureux de l’être. Les invités, tous les soirs, s’amusent, jouent aux cartes, dansent, boivent beaucoup.

Nuit après nuit, les mêmes gens se mêlent et s’entremêlent dans les remous ; il s’agit là de leur version du temps. Ils discutent et ils dansent, ils vont et viennent parmi leurs congénères, s’imaginant, à chacun de leurs déplacements qu’il y a quelque chose dans cette soirée qui va les transformer. Les femmes se maquillent, s’appliquent des touches de parfum en des endroits mystérieux. Les hommes assistent à cela  comme de jeunes animaux et le disque, sensuel, tourne et brûle dans son sillon. (C’mon, baby… You know I love you…). J’imagine les frotti-frotta qu’ils doivent pratiquer ensemble ces maris et ces femmes, tant d’espoirs évaporés dans la nuit.

Maman tarde à aller se coucher. Elle respire la nuit, puis, enfin, se couche pour ne se réveiller que très tard. C’était bizarre, mes parents se satisfaisaient de leur pelouse jaune, de leurs fauteuils tachés. Mon petit frère et moi avions un lac entier en guise de terrain de jeux, mais eux ne bougeaient, ils restaient là, près de la maison, allongés comme des cadavres sur leurs lits de repos cassés. Un drôle de spectacle à offrir à des enfants, à la fois splendide et décadent ! Il y avait le corps de notre mère, tout luisant d’huile, bronzé absolument de partout, magnifique d’élégance à côté de notre pauvre père, tout couvert de croûtes. Il n’avait jamais supporté le soleil.

Alors les enfants vivent leur vie. Janey chérie son frère. C’était toujours moi qu’il réclamait à grands cris, mais c’était la soie de ses cheveux à elle qui lui effleurait le visage quand elle s’inclinait au-dessus de son lit la nuit. « Chhh… » Légère comme un souffle, elle l’embrassait pour lui dire bonne nuit, sa propre mère. « Chhh… » Qui étais-je à côté d’elle ? Qui étais-je pour encourager si pleinement cet enfant dans sa conviction que je pouvais le protéger, quand je n’étais moi-même qu’une gamine au ventre bombé ?

Et le rêve tourne au cauchemar. On ne sait exactement ce qui se passe, on ne fait que deviner qu’il s’agit de Jim. Le récit se concentre sur la tentative que fait Janey d’une respiration artificielle. Que deviennent-ils ? Vont-ils au bout de leur rêve ou de leur cauchemar ? Nul ne le sait. Ils s’évanouissent de ce rêve éveillé et se perdent dans l’histoire du monde. Je me souviens comme, il y a longtemps, mon petit frère et moi sortions toujours dans la pluie d’été. Nous disparaissions ou nous revenions, je ne sais plus. Nous entrions dans l’eau. Là-bas au lac, la pluie était tellement douce. C’était une étoffe légère, un rideau transparent de gris et d’argent, pareil aux voiles des vaisseaux fantômes, arachnéen. Il y avait des nuages dans la pluie, des brumes blanches qui s’élevaient du lac si bien que l’eau s’amalgamait à l’air comme si elle y vivait. (…)

Rien d’autre n’existait à cette époque que ces deux enfants. Regardez-les. Ils sont deux et ils ont toute la plage pour eux, la blancheur des nuages et de l’eau qui tourbillonne à leurs pieds tandis qu’ils dansent en rond à l’infini… A chaque tour qu’ils font ils rapetissent, ils s’éloignent, ils rapetissent de plus en plus dans le lointain jusqu’à ce qu’on ne puisse plus les voir du tout.

02/06/2014

Homme

Il est. Est-il jeune ou dans la force de l’âge, irascible ou avenant ? Il est romantique et fait penser aux chanteurs des opéras de Wagner.

Une gravure composée après un opéra : ombre et clarté, visible et invisible, vérité et apparence. A ne contempler que sur Tannhäuser, même si l’enregistrement est un peu vieux :

 https://www.youtube.com/watch?v=SG05stAjO1Q

 

 © Loup Francart

18/05/2014

Monserrate, un palais à Sintra

Sintra, l’endroit le plus agréable d’Europe, d’après Lord Byron, une ville côtière, perdue dans la montagne, aux jardins exotiques et pourtant anglais, emplis de surprises, de grottes, d’escaliers. On s’y promène comme dans un rêve, hésitant entre monter ou descendre, toujours entre ciel et terre, baignant dans une atmosphère irréelle, volant au-dessus des platebandes et des lacs artificiels.

Le XIXème siècle est omniprésent, siècle du romantisme, de la passion, de l’exubérance, de la folie architecturale qui mélange les styles, les époques, les continents. Monserrate, un palais de style arabo-indien, digne des grandes heures des colonies anglaises, avec un parc éblouissant, création de la famille Cook.

Oui, difficile à lire, mais cela donne une idée de ce qu’est ce parc sublime, pleins de fausses ruines, d’arbres étonnants, de cascades ruisselantes, de pièces d’eau, de plantes exubérantes. On s’attend à voir au détour d’un chemin une élégante anglaise en robe longue et ombrelle, venir à votre rencontre pour vous conter une vie de voyages, de palais et d’hommes extraordinaires brassant des fortunes en se laissant vivre. 

 

 

  

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10/10/2013

American ego, dessins d’Ethan Murrow

Il est américain et il expose pour la deuxième fois à la Galerie Particulière, 16 rue du Perche 75003 Paris.

C’est un excellent dessinateur. On pense parfois aux gravures passées, celles qui illustraient les aventures extraordinaires de Jules Verne. Il en possède l’imagination, le talent, la poésie de l’insolite, le charme vieillot (mais pas tant que cela).

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Mais il pratique en même temps la science-fiction, ou presque, voire l’insolite à la manière de Magritte.  

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On peut également penser à Monsieur Hulot, éternel égaré dans un monde rationnel.

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Et, pourquoi pas, Michel Strogoff :

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Alors, si vous voulez rêver, passer un moment d’irréalité si proche du réel, participer à la folie de la création artistique, allez voir cet artiste qui, cette fois-ci, se consacre à la culture américaine, à ses stéréotypes.

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Il tente de mettre en évidence les paradoxes d’un « American Ego ». Il est constitué d’orgueil patriotique, de courage, de foisonnement mais aussi de chauvinisme, d’un romantisme provincial, d’une idéalisation des rapports à établir entre les pays. Oui, l’exposition tente de détecter, derrière des scènes de vie insolites, l’extraordinaire imagination des Américains.

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28/09/2013

Le Pré Catelan, dans le bois de Boulogne

C’est au capitaine des chasses de Louis XIV, Théophile Catelan, que nous devons l’origine du nom du jardin. Mais la légende l’attribue à un troubadour du nom d’Arnault Catelan, qui y aurait perdu la vie, alors qu’il apportait des présents à Philippe le Bel, de la part de Béatrice de Savoie, comtesse de Provence. Autrefois simple pré d’où l’on extrayait les pierres qui sont venues paver les allées du bois de Boulogne, il s’est transformé à la fermeture des carrières en parc d’attraction. C’était un lieu plein de vie où l’on venait boire du lait frais dans la laiterie, écouter des concerts, faire quelques promenades en vélocipède ou des tours de manège. Mais les cris de joie se sont évanouis avec la guerre de 1870 et les affrontements de la Commune. (From : http://equipement.paris.fr/pre-catelan-et-jardin-shakespeare-2780)

Peut-on encore parler de lieu plein de vie ? Peu de personnes s’y promènent, et elles n’y marchent qu’à pas compassés. Le silence y est impressionnant.

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On croise quelques vieillards emmitouflés, deux ou trois couples d’amoureux, le plus souvent couchés dans l’herbe moite et quelques célibataires lisant le journal dans la clarté du soleil.

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Attention, ne pas le confondre avec le jardin de Marcel Proust d’Illiers-Combray, site romantique dit le « parc de Swann ».

Ce jardin a la beauté du paradis. Mais le paradis de nos grands-parents. Bien coupé, bien entretenu, il semble sorti des malles naphtalinées débarquant d’une diligence. Les femmes en robe longue et ombrelle colorée déambulent sur les sentiers, les hommes, rares, promènent leur canotier et canne de bambou, les enfants jouent au cerceau, courant à petits pas sans jamais se salir. Le paradis des enfants sages, bien brossés, feutrés comme leurs culottes de peau. 

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Les arbres y resplendissent dans le soleil d’automne. Verts et fiers, ils se penchent sur la rivière qui coule lentement, bordée d’une allée de graviers. A l’image des promeneurs, ils commencent à jaunir, atteints par l’ardeur du soleil. Mais cette vieillesse latente apporte le romantisme attendu d’un tel lieu.

Si vous suivez la rivière, sortant du pré très boisé, vous tombez sur une sorte de jardin japonais grand comme un mouchoir de poche, mais si crevant de vérité qu’on le croirait débarqué de l’Orient immuable. Que fait-il là comme ayant poussé sans aide ni intention ?

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26/09/2013

Sonate n°1 pour piano de Robert Schumann

http://www.youtube.com/watch?v=CcKMPCmQkYM

 

 

Une magnifique pièce de Schumann, l’introduction de la sonate n°1, un poco adagio. Elle part dans tous les sens et vous donne des frissons et trémolos sur tout le corps. Elle vous caresse et vous titille.

Les premières notes sont mélodramatiques, puis très vite romantiques et cette allée et venue est pleine de charme. Elle vous entraîne dans des pays imaginaires, ceux des sons chaleureux et diserts.

Vient l’allegro vivace, une course effrénée dans les bois avec quelques poses sur les hauteurs. C’est un printemps radieux qui enchante le corps malgré l’essoufflement de la course.

Quel bel exemple de passage de la fougue sonore au romantisme apaisant. Schumann est un enchanteur qui entraîne ses auditeurs dans les recoins ignorés de leur personnalité. Merci aussi au pianiste Ionel Streba malgré un piano au son un peu grêle.

25/05/2013

L'écume des jours, film de Michel Gondry

Boris Vian comme si on y était. Tous les gadgets y passent : le piano cocktail d’abord, la souris, la danse "biglemoi" et bien d’autres encore. On s’amuse de13-05-25 L'écume des jours.jpg retrouver l’esprit inventif et farfelu de Boris Vian. On aime sa tendresse sauvage, son romantisme délicat.

Les critiques n’ont pas aimé : trop d’effets spéciaux. Et pourtant, c’est bien cette première partie du film que j’ai appréciée plutôt que la seconde au contraire des critiques. Certes, la poésie passe après la trouvaille inédite, mais le sérieux de la seconde partie rend le temps long (le film dure deux heures cinq). L’appartement se dégrade, se couvre de toiles d’araignée, le cœur n’y est plus. Le nénuphar n’en finit plus d’envahir le poumon de Chloé.

Malgré le mauvais avis des critiques, le film est à voir pour ceux qui ont lu le roman. Cela leur rappellera les rêveries et les fumées d’un livre d’avant-garde à une époque révolue.

14/03/2013

L’ange du bizarre, le romantisme noir de Goya à Max Ernst, exposition au musée d’Orsay (1ère partie)

Vampires, diables, spectres, sorciers et paysages macabres. Tel est l’objet de cette exposition. Plutôt que du romantisme noir, il s’agit de l’apparition d’un imaginaire sortant de la raison et se plongeant dans l’inconscient. Cela commence au début du XIXème siècle par un tableau assez extraordinaire intitulé "Expulsion, lune et lueur de feu", peint par Thomas Cole en 1828, paysage mystérieux ouvrant sur les portes de l’inconscience ou de l’enfer.

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Le monde coupé en deux, semblable des deux côtés et séparé par un pont de pierre branlant sur un abime. D’un côté, un coucher de soleil sur une mer perdue dans les montagnes et les racines, avec un deuxième soleil voilé et rouge. De l’autre, le même paysage montagneux, de jour, mais le pont donne sur une porte lumineuse, éclairée d’un feu vigoureux, dont on ne sait ce qu’il cache ou représente. On peut l’interpréter dans les deux sens : l’imaginaire et le réel, le conscient et l’inconscient avec les deux soleils. Mais où se trouvent les uns et les autres, on ne sait. Non seulement le tableau est expressif et suggestif, mais il est également d’une très belle facture. Bravo Thomas Cole, américain, paysagiste et peintre allégorique, auteur fascinant de nombreux tableaux traduisant l'empreinte du romantisme et du naturalisme !

Un deuxième tableau, intitulé "Dante et Virgile", de William Bouguereau et peint en 1850, reste dans la même veine picturale, très soigné, réaliste, et très académiste.

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Puisant dans l’œuvre de Dante, il montre le combat de deux hommes : Capocchio, hérétique et alchimiste, mordu au cou par Gianni Schicchi, qui avait usurpé l'identité d'un homme déjà mort afin de détourner son héritage. Regardant la scène, Dante et Virgile. Spectacle horrible, mais empli de la beauté de ces corps exacerbés par une peinture très précise, dont l’anatomie est exagérée consciemment. La musculature et le cou de l’assaillant, amplifiés, met en évidence la rage et la violence de l’attaque. Théophile Gautier approuve : "Le Gianni Schicchi se jette sur le Capocchio, son rival, avec une furie étrange, et il s'établit entre les deux combattants une lutte de muscles, de nerfs, de tendons, de dentelés dont M. Bouguereau est sorti à son honneur. Il y a dans cette toile de l'âpreté et de la force, - la force, qualité rare ! ". C’est un combat à mort, où la haine se manifeste par la morsure des dents plantées dans la carotide de l’adversaire.

07/10/2012

Barcarolle Op.65 N°6, de Charles-Valentin Alkan, jouée par Marc André Hamelin

http://www.youtube.com/watch?v=ywaE1Mg4y2U&feature=related

Regrets, nostalgie, mélancolie, comment qualifier cette pièce romantique qui se trouve  à l’opposé de ce que l’on a entendu du même compositeur le 17 août (Le festin d’Esope, étude). Bien que musicalement elle soit très différente des pièces de Chopin, on peut dire qu’elle appartient à la même famille.

Une barcarolle est à l’origine le chant des gondoliers. C’est une forme musicale qui évoque les ondulations d’une barque sur l’eau. En Sol mineur, celle-ci nous berce de son accablement joyeux, comme le remord d’un passé qui revient sans cesse nous bousculer. Cette impression est donnée par l’accompagnement de la main gauche qui reprend sans cesse la première phrase énoncée par la main droite : trois notes montantes, puis descendantes, qui se terminent par un rappel à la basse avant de revenir à la finale. Et cette petite phrase va bercer notre vague à l’âme avec des variations qui peuvent rappeler celles de Chopin.

L’interprétation d’André Hamelin semble dans l’esprit de la pièce : romantique à souhait, elle met en valeur toutes les nuances. Peut-être en ajoute-t-elle-même ? Mais qu’importe, ces ralentissements, les diminuendo apportés dans la première phrase en donnent un exemple intéressant. Ecoutez comment la première note de la première phrase est émise : légère, détachée, piano, ralentie, elle donne le ton à la barcarolle.

 

http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=aScyFhJafBU

Cette interprétation de Jack Gibbons est moins fine, moins chargée d’émotions. Elle est brillante certes, mais ne donne pas la même impression de rêverie douce que procure l’autre.

 

17/08/2012

Le festin d’Esope, étude de Charles-Valentin Alkan

Une première version, assez romantique et belle :

http://www.youtube.com/watch?v=K4DEnboF7xE&feature=related

 

Une version technique plus enlevée, mais un peu mécanique :

http://www.youtube.com/watch?v=l1AFH2mgtv0&feature=related

 

Ou encore une version pleine de sensibilité qui en fait tout son charme :

http://www.youtube.com/watch?feature=endscreen&v=SSxbao_Chq0&NR=1

 

Charles-Valentin Alkan (en réalité Morhange, Alkan étant lemusique,romantisme,piano,composition prénom de son père), né en 1813, était un pianiste aussi renommé que Liszt ou Chopin. Il donna son premier concert à treize ans. Surnommé le Berlioz du piano par Hans von Bülow, il est considéré comme l’un des plus grands pianistes virtuoses qui non seulement dispose d’un jeu endiablé, mais compose à l’égal des plus grands pianistes.

Le thème de la pièce est donné dans les deux premières mesures.  Très simple, très allante, c’est une danse échevelée qui se transforme en ouragan à certains moments, à la manière de Liszt, en murmure ralenti qui fait penser  au Clair de lune de Beethoven ou encore en caresse à la manière Chopin. C’est une sorte d’improvisation sur un même thème, pleine d’imprévu, de charme, de virtuosité.

Discret, peu porté sur la vie publique, Alkan donna des concerts, mais eut de nombreuses périodes où il se contentait de composer, gagnant sa vie en donnant des leçons de piano. Il promut le piano à pédale, semblable à l’orgue qui servait déjà du temps de Bach pour permettre à l’organiste de répéter ses pièces d’orgue sans mobiliser un souffleur. Quelques pièces ont été écrites spécialement pour ce type d’instrument.

Ces compositions sont inégales. Elles peuvent être tapageuses, voire vulgaires ou encore aller jusqu’à la pédanterie. Mais elles cachent également une profonde connaissance de la musique et de l’âme hébraïque, impulsive et parfois rageuse.

 

22/03/2012

Exposition Aleksi Gallen-Kallela, au musée d’Orsay


 

Imatra en hiver, peint en 1885


 

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Le mouvement de l’eau en contraste avec l’immobilité de la neige. Les flots jaunes et sales bourdonnent en écume violente grâce aux petits coups de pinceau qui font éclater les bulles d’eau et d’air. La neige n’est pas sereine non plus. Elle épouse les lignes et les formes de matière, tourmentées en fond de tableau, plus paisibles au premier plan.

Au loin, dans le brouillard, on distingue un pont, passage de l'impassibilité à l’agitation, comme si la neige était elle-même en ébullition, l’eau mordant sans cesse sur la rive et transmettant sa folie à l’inertie des flocons agglomérés, les faisant entrer dans sa danse de fin du monde.

Que s’en dégage-t-il ? Le froid réchauffé par le mouvement des flots, un bouillonnement permanent face au calme silencieux des molécules neigeuses et un entre deux anxieux, incertain de son avenir, le tout noyé sous un brouillard qui occulte la vallée. Une atmosphère de cataclysme, dans l’irréalité.

 

 

Le lac Keitel, peint en 1905

 

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Vu  à quatre ou cinq mètres, un lac quasi sans ride occupe presque tout l’espace de la toile. Au fond, la forêt, puis la montagne. Quelle belle étendue, calme et immobile, toute en reflets. Si l’on s’approche, tout change. Ce sont des traits qui semblent abstraits, de gris en horizontal et de blanc en vertical. On voit de gros pâtés de couleurs. Et pourtant, comme il est tendre et harmonieux vu de plus loin.

 

Orante, peint en 1894

 

Aucune photographie sur Internet concernant ce tableau. Et pourtant, il est beau, d’une beauté intime, soulignée par les taches rouges du sol qui contrastent avec la délicatesse de la très jeune fille nue levant les bras et regardant le ciel. Elle est plus dessinée que réellement peinte. Le sol est fait de trainées rouges vifs, comme si elle se trouvait sur un volcan. Le ciel est illuminé de jaune, les rayons semblant sortir de son visage. Elle est belle d’innocence, de simplicité et de candeur.

 

 

Certes, ces trois tableaux ne donnent aucune idée de l’œuvre de Gallen-Kallela et des différentes périodes de sa vie de peintre. L’exposition met en évidence l’évolution de sa peinture. De très belles toiles, passant de portraits bourgeois aux scènes de vie campagnarde en Finlande, aux paysages de son pays, pour ensuite se tourner vers un symbolisme flamboyant, dont le tableau Orante. L'exposition présente aussi les surprenantes fresques exécutées par l'artiste, d’un style tout neuf, en illustration de l'épopée nationale du Kalevala et une très étonnante série de tableaux réalisés en Afrique.

  

Akseli Gallen-Kallela de son vrai nom Axel Waldemar Gallén (né le 26 avril 1865 à Pori, en Finlande, et mort le 7 mars 1931 à Stockholm, en Suède) est un peintre et graveur finlandais de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Il fut l'un des artistes finlandais les plus connus internationalement. Son œuvre est associée aux styles Nationaliste romantique, symboliste et Réaliste.

(From : http://fr.wikipedia.org/wiki/Akseli_Gallen-Kallela)

 

17/01/2012

Musée de la vie romantique (16 Rue Chaptal 75009 Paris)

 

On y entre par un ancien chemin qui se glisse maintenant entre les immeubles. C’est un peu le chemin d’une prison qui mène vers le paradis que l’on aperçoit au fond, dans une brume de soleil. On s’arrête quelques instant pour payer sa participation à l’entretien du musée et l’on est immergé dans un Paris ancien, celui du siècle dernier, voire d’il y a deux siècles : une charmante petite cour pavée, une petite maison de style restauration, aux volets verts d’eau, un jardin certes petit, mais empli de feuillages et de fleurs (plus trop en ce moment !).

 

 

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On s’atta12-01-15 Perron red.jpgrde bien sûr dans cette petite place des autres siècles, se réchauffant au soleil, sans regarder les immeubles environnants. Il y a encore du bois sous l’escalier de la porte d’entrée.

 

Quelle paix ! Les bruits de la ville arrivent estompés, les couleurs prennent des tons efféminés, quelques personnes se promènent en se tenant par le bras  dans ce jardin de poche. Tout est ralenti, attentif à une lumière tamisée par les arbres. On s’installe quelques instants sur le banc et on laisse le rêve envahir son esprit. On se voit à cheval arrivant par l’allée, descendant sur le perron et pénétrant dans la maison pour se réchauffer. Alors on se dit qu’il est temps d’entrer. Quelle déception ! C’est bienun musée. Mais il évoque la vie romantique de Paris au XIXème siècle, cette époque où le tout Paris se voulait artiste : peintre, sculpteur, poète, musicien, danseuse et bien d’autres choses encore.

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Cela n’a plus rien à voir avec l’intérieur habité d’une propriété presque de campagne. C’est un patchwork d’objets rassemblés là qui inspire le respect, mais intimide également par son aspect passé figé. On est plongé dans un monde étrange, un peu poussiéreux, avec de belles fioritures, de beaux cadres, mais persiennes closes. C’est une sorte d’intérieur de château bien que les pièces soient toutes petites, au décor endormi sur un passé révolu. On y admire de beaux meubles et surtout des tableaux évocateurs de cette période :

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Georges Sand enfant, peinte par Aurore de Saxe ;

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un enfant rêveur et fatigué (je ne sais plus qui il est et qui l’a peint) ;

 

 

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Les litanies de la vierge, d’un classicisme à toute épreuve, mais de belle facture, peint par Auguste Legras.

 

 

 

On étouffe un peu dans cet univers clos, mais qui permet de revivre avec un réalisme parfait ce que nos arrières grands parents ont connu.

 

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On visite la serre avec une très curieuse fontaine-grotte où pousse une verdure abondante, comme au menton d’un homme qui ne s’est pas rasé depuis quelques temps. Rococo du meilleur aloi !

 

 

 

 

Alors repris par la fièvre du parisien du XXIème siècle, vous laissez là votre imagination et une partie de votre cœur, pour revenir dans une rue où passent les camions, dans laquelle les personnes sont habillées comme vous et qui, eux aussi, sont pressés parce qu’il faut être pressé quand on vit dans un avenir indéfinissable.