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13/02/2023

Toi, absente

Tu m’enduis de miel et d’images
Tu n’es plus là, mais je suis avec toi
Je te rêve, enfoui dans ta chaleur

28/01/2023

Rêve

Du bout des lèvres, il hume le vent
Une bouche fraîche s’envole
Un parfum subtil s’échappe
Il n’est plus de poids
Il a franchi la barrière du présent
Et ne sait plus où il va 
Tout est léger, sans réalité
C’est un rêve qui passe
Et qui résiste à la pesanteur
Il tend la main doucement
Elle s’étire comme dans une pensée

Il se sent soulevé
Et part en songe ralenti
Il s’élève hors du présent
Et franchit la barrière de la temporalité
Adieu, les amis. Plus rien ne me retient
Ma bulle s’est dévoilée, prudente
Je passe mon doigt sur sa peau
Et ne sens que la douceur
Je m’enfonce dans sa tiédeur
Et rêve encore de la naissance au monde
Quand rien ne nous empêchait
De voir les inconnus dévoiler l’incompréhensible
Un monde parallèle et charmeur
Où l’amour reste seul le lien entre les hommes

15/03/2019

Fragments

Jour du peintre, le soleil dort
Bordé de plumes, il se cotonne
Émergence sereine, sans contours
Il délivre sa myopie de cyclope

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Terre de verre teintée, molle
Araignée laiteuse et géométrique
Je m’englue dans ta toile déployée
Jusqu’à cet œil pâle et soyeux

Mes pas étouffés par la chair
Ne peuvent monter jusqu’à moi

©  Loup Francart

18/10/2018

Aimer sans imaginer

“Essayer d’aimer sans imaginer”, susurre Simone Weil. Cherchant la vérité dans les actes et non dans la parole, elle a fait de la philosophie une manière de vivre non pour acquérir des connaissances, mais pour être dans la vérité.

L’amour est en effet toujours un peu imagination intérieure. On crée l’être aimé à son amour, car l’amour naît de la différence entre l’être aimé et celui ou celle qu’on aime réellement dans son imagination. Trop d’imagination nuit à l’amour durable, mais sans imagination l’amour n’existe pas.

Pourtant Simone Weil nous dit bien « sans imaginer ». Ne parlerait-elle de l’amour divin qui seul permet d’aller au-delà de l’imagination, dans la transparence d’une réalité palpable et divine ?

L’homme a besoin d’imaginer. Mais au-delà, l’imagination n’a plus lieu d’être !

20/08/2018

La pensée

La sagesse et la folie sont les deux extrêmes de notre pensée dite normale. L’une et l’autre procèdent de la perte de l’habitude de pensée.

Dans le cas de la sagesse, cette perte d’habitude est volontaire, impliquant le parfait contrôle de soi alors que, pour la folie, la perte de l’habitude est involontaire et tourne autour d’une idée fixe.

L’une procède par intériorisation et conduit au plus être, l’autre appartient à l’évasion et aboutit au moins être. Entre les deux, évoluent différents types de conscience qui se rapprochent plus ou moins des deux extrêmes.

Ne pas se laisser tenter par l’imagination combleuse dont parle Simone Weil, car cette recherche ne peut conduire qu’à un manque d’être de plus en plus prégnant.

08/01/2018

La réalité du rêve

"L’X dévoile son nouveau film de marque à l’occasion des fêtes de fin d’année. Il raconte l’histoire d’une petite fille passionnée par les sciences, qui concrétise son rêve d’enfant : poursuivre une carrière scientifique.

A l’instar des enfants, celle-ci se lance dans une série d’expériences grâce aux objets de son quotidien pour réaliser son rêve, créer une combinaison spatiale. En dessinant, en prenant des mesures et en observant les réactions de ses expériences devant sa «baignoire-laboratoire» ou une cheminée, la petite fille redouble d’efforts pour réussir à confectionner cette combinaison née de son imagination. Ce goût pour la science ne la quittera pas et c’est ce «rêve d’enfant» qu’elle décidera de réaliser en choisissant une carrière scientifique." (A lifetime of science, présentation École Polytechnique, réalisateur Fabien Ecochard, décembre 2017)


05/01/2018

Paysage imaginaire

 Cela relève de l'inconscient

par la non-identification des objets s'il y en a

mais cela relève également de la physique

par l'interpénétration et l'intercommunication  des entités entre elles

(pas de frontières, ou très peu)

 

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30/12/2017

Géométrie dans l’espace, nouvelle de Ian Mac Ewan

C’est une nouvelle moyenne littérairement, mais dont l’idée de base développée est intéressante17-12-30 Sous les draps.jpg et fait preuve d’imagination : découverte du plan sans surface.

En fait, ce phénomène est impossible dans notre continuum où tout plan, fait de deux dimensions, forme par définition, une surface. Ce plan peut prendre toutes sortes de formes lorsqu’on le fait évoluer dans une troisième dimension, sans que cependant sa surface soit modifiée.

L’auteur suppose la découverte d’une construction géométrique particulière et réversible dont l’agencement une fois retourné abolit toute surface et rend le plan invisible. Par ce moyen géométrique, l’homme, adoptant certaines positions, pourrait abolir sa surface corporelle, donc se rendre invisible. Ce que l’auteur ne dit pas, c’est ce que devient son corps et comment il pourrait regagner notre continuum.

 

NB. recueil « Sous les draps et autres nouvelles » poche Folio

14/02/2017

Inversion

Un autre monde, mais toujours aussi sauvage !

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05/01/2017

Le marais

Derrière le bâtiment du moulin, il y avait un espace mystérieux que l'on appelait le marais. Empli de joncs et de petits arbustes rabougris, il laissait se couler dans ses flancs l'eau qui débordait de la rivière principale et formait des canaux insidieux. C'était l'Amazonie ou Venise selon l'imagination du moment. Il fallait s'équiper pour s'y rendre, c'est-à-dire revêtir un pantalon, car les culottes courtes ne protégeaient pas des petites coupures qui s'infectent ensuite à force de séjourner dans l'eau.

A la fin d'une des vacances d'été, leur mère ramena de chez leurs grands parents un canoë, vaste embarcation à fond plat, très instable, qui prenait plaisir à se renverser au milieu de la rivière, en hiver plus particulièrement. Jérôme se souvient encore d’une messe de minuit pendant les vacances de Noël où il ne portait qu’une culotte courte, ses deux pantalons étant trempés par des explorations brutales du fond de la rivière en crue, dans une Amazonie inhospitalière. Ils partaient à deux sur cette périssoire, l’un tenant son arme vers l’avant, prêt à frapper quelque ennemi qui se présenterait, l’autre pagayant sans bruit, faisant glisser l’embarcation entre les branches d’arbres, remontant ainsi le canal clôturant l’île, étroite de deux mètres maximum et encombré de racines de saules, d’aulnes ou de frênes qui s’enchevêtraient pour ne laisser qu’un étroit passage au canot. Il suffisait d’une mauvaise manœuvre de l’embarcation pour que celle-ci, déséquilibrée, laisse tomber leurs voyageurs dans une eau boueuse et froide.

De façon à pouvoir jouer à leurs jeux dans lesquels il y a toujours un personnage ou un groupe contre un autre, ils avaient découvert une grande planche de quatre mètres de long sur trente centimètres de large, qui, grâce à son épaisseur  tenait sur l’eau. Un enfant tenait debout au milieu et pouvait ainsi naviguer plus ou moins à son gré. Mais quelle instabilité ! Au moindre faux mouvement, c’était la chute assurée et redoutée. Mais cette embarcation improvisée, extraordinaire de délicatesse d’utilisation, permettait de conduire de véritables batailles navales en aval du moulin, là où les flots se font plus calmes et la profondeur moindre. Ceux qui tombaient ne se mouillaient que jusqu’à la taille, donc de manière insignifiante, sauf s’ils devaient empêcher la pirogue (c’était un terme plus authentique que planche) de partir avec le courant vers l’entrée dans les marais. Alors, ils devaient courir dans l’eau pour la rattraper et remonter dessus. Il arrivait malgré tout qu’ils passaient des après-midi entiers sans avoir besoin de se changer. Miracle du sens de l’équilibre ou miracle du jeu qui, malgré un bain forcé, continuait comme si de rien n’était. Ils s’amusèrent des années avec ces deux engins jusqu’au jour où une crue plus importante les emporta. Leurs recherches restèrent vaines. Ils partirent avec leurs jeunes années, au moment de l’adolescence où les préoccupations prennent des orientations différentes. Mais Jérôme, en fermant les yeux, conserve dans sa mémoire trouée, l’odeur de marais qui imprégnait leurs vêtements en fin de journée, le bruit sourd de la pagaie contre la coque de bois du canoë, les gouttes de rosée qui coulaient dans son cou au passage d’un arbre dont il fallait soulever les branches pour poursuivre leur chemin, les battements de son cœur à l’approche de l’ennemi qui lui-même les cherchait dans leur canot pour une bataille finale et définitive. Quelle journée de cris, de fureur, de courage et d’amertume lorsqu’ils étaient perdants. Le soir, le repas se faisait en silence et aussitôt ils allaient se coucher pour s’endormir en s’imaginant toujours pirates, explorateurs ou guerriers. Une des belles images que Jérôme garde dans sa mémoire défaillante est celle d’un nid de poules d’eau déniché près d’une racine, dans lequel reposait quatre petits œufs dorés, à ne toucher sous aucun prétexte. C’était l’écologie de l’époque, qui valait bien celle de maintenant : respecter la nature et non la restaurer, comme le disent les écologistes des villes qui la détruisent pour la reconstruire à leur vision.

03/01/2017

La course de chevaux

J’avais quatre ou cinq ans, l’âge de la curiosité. Je ne sais pour quelle raison, je couchais dans la salle à manger, l’appartement ne disposant pas de suffisamment de chambres pour loger tous les enfants. Non, ce n’était pas ainsi. Les quatre enfants dormaient dans cette pièce, dans de petits lits à barreaux et nous nous chauffions en hiver autour du poêle en faïence verte dans lequel les bûches pétillaient.

Cette antiquité nous échauffait l'imagination et se transformait en voiture lorsque nous mettions quatre chaises devant, alignées par deux. L’ainée était le conducteur, ouvrant sa porte avec sérieux, faisant monter notre jeune sœur qui tenait le rôle d’une femme bien éduquée et sévère avec ses enfants. Nous étions deux enfants, assis derrière et nous chamaillant. Alors elle se retournait et faisait mine de nous donner une paire de claques, nous avertissant qu’ils allaient nous laisser sur le bord de la route. Alors nous nous tenions tranquilles deux minutes avant de reprendre nos agacements jusqu’à ce que l’un de nous pleure réellement. Pendant ce temps, notre père (en réalité l’ainé des enfants) partait en voyage en faisant exploser dans sa bouche fermée milles bruits de moteur et cent coups de frein, pris dans un embouteillage, râlant de ne pouvoir avancer à la vitesse maximum de la voiture. Notre jeune sœur nous reprochait d’avoir oublié notre valise, il fallait revenir à la maison, monter l’escalier, prendre la valise en carton, redescendre quatre à quatre et plonger le tout dans le coffre imaginaire situé derrière les deux chaises que nous occupions. Ce simulacre de la vie quotidienne pouvait durer des heures, jusqu’à ce que notre mère, la vraie, crie : « A table ! » Aussitôt les quatre enfants se précipitaient et s’asseyaient autour de la table, impatients d’avoir quelque chose à se mettre sous la dent.

Le soir notre mère nous couchait dans nos petits lits et nous permettait de lire quelques instants avant d’éteindre. Nous adorions ce moment de calme dans lequel nous laissions aller notre imagination. Elle venait alors fermer la lumière, laissant allumée la lampe dans le couloir qui nous permettait encore apercevoir les formes et objets insolites de notre chambre. La lueur éclairait particulièrement le plafond et la rosace d’où partait le lustre. C’était une belle rosace arrondie qui se terminait  par des feuilles ou des branches qui avaient la forme d’un cheval, donnant l’impression d’un manège tournant autour de l’axe du lustre. Avant de m’endormir, je jouais à la course de chevaux (c’était prémonitoire !) ou au manège selon les jours. Les chevaux se courraient après, galopant à qui mieux mieux. J’entendais le bruit de leurs sabots sue le sol, sentais l’odeur de leur transpiration, les frappant d’une cravache pour qu’ils finissent épuisés, mais heureux d’être vainqueurs dans cet hippodrome merveilleux. La nuit, je rêvais alors de courses de chevaux, courbé sur l’épaule d’un pur-sang, franchissant le premier la ligne d’arrivée. Ce furent mes premiers contacts avec l’équitation, purement imaginaires.

12/04/2016

La bibliothèque de Babel, de Jorge Luis Borges

Je l’ai lu cette nouvelle inimaginable contenant « tous les possibles, les faux futurs, les vraies et les fausses histoires ». Elle m’avait fasciné.

Elle existe maintenant. C’est un site Internet :

https://libraryofbabel.info/

Jonathan Basile a conçu un algorythme capable de produire toutes les combinaisons posibles à partir des 26 lettres de l’alphabet :

  • nombre de pages –> 10 puissance 4677
  • nombre de livres : 29 puissance 1312000

littérature,fiction,imagination,virtualité

Si vous cherchez ce qui est écrit dans ce site, allez au feuillet Random. Mais vous tombez sur une page emplie de lettres sans signification.

Quelques explications vous sont données dans les feuillets intitulés :

  • About,
  • Reference Hex
  • theory

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Borges s’est inspiré de Kurd Lasswitz et de son histoire de 1904 “La Bibliothèque Universelle” (“Die Universalbibliothek”).

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Erik Desmazières a créé quelques œuvres en clin d’œil au Piranèse pour une édition illustrée de la nouvelle de Borges.

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14/11/2013

Stephane Halleux : transports pas communs (galerie Sibony)

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Ce sont des sculptures. Rien à voir avec la sculpture d’artistes bien soignés. Ce sont des œuvres dérangeantes, drôles, surréalistes. Ces étranges petits bonhommes, mi- poupées, mi- soldats de plomb, font rêver et ouvre chez le spectateur une vision décomplexée, à la limite du rêve et de la science-fiction.

 

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Regardez cet étrange guerrier, prêt à s’envoler du rebord de sa fenêtre pour donner des hallucinations au petit peuple des sans imagination. Il est prêt à tout, dans une pensée obsédante et bizarre : voler pour la gloire de son auteur.

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Admirez cet étrange comptable qui ausculte les comptes au microscope et part en apnée dans les cagots poussiéreux des archives de sociétés anciennes ou non encore créées. Quel sérieux pour une tâche si futile.  

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Une cosmonaute flottant dans le vide de sa combinaison, dans un air léger et guilleret en prise au mal de l’espace, chantant à tue-tête des comptines enfantines.

 

 

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Quel monde étrange, irréel, enchanteur, fait de matériaux divers, mais qui sent bon le cuir et l’huile. Tous ces rouages font tourner la tête bien qu’ils ne fonctionnent pas. Et progressivement ce n’est plus par la vue que ces personnages vous impactent, mais par l’imagination, la fiction, la fantaisie. Vous vous laissez porter par ces personnages qui vous ramènent à une enfance délicieuse. Quand le rêve ouvre à un autre monde…

 

Allez voir cette exposition, à la galerie Sibony, place des Vosges. Elle vous donnera une bouffée d’oxygène pour vaincre ce temps brumeux et froid.

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14/10/2013

Les photographies de Robert et Shana Parke-Harrison

Et voici d’autres artistes américains tout aussi loufoques qu’Ethan Murrow, mais aussi doués, dans un processus de création très différent. Ce sont en effet des photographes. Mais dotés d’une imagination sans limites.

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Ils réalisent leurs tableaux, parce que l’on peut bien parler de tableaux, c’est-à-dire d’une vision du monde propre à l’artiste, à partir de premières photographies montées sur papier grand format, qu’ils ajustent de façon à créer une véritable scène, dans laquelle leurs personnages jouent un rôle comique, naïf, navrant ou poétique. Tout cela est photographié à nouveau pour donner ces chefs d’œuvre imaginatifs.

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« Notre processus de création tente bien souvent de faire une réplique de ce qui se passe dans les rêves, où des éléments n’ayant visiblement rien à faire ensemble, obéissent tous à un instant placé dans un cadre narratif plus grand (…) Nous recherchons divers sujets pendant quelques mois. Ensuite nous commençons à développer les idées et à faire des croquis des images. À partir de là nous fabriquons les accessoires et commençons à expérimenter en photographiant tout cela. Nous continuons à développer les accessoires et les idées jusqu’à ce que nous obtenions l’image désirée. Nous la photographions à ce moment-là. Puis nous collons plusieurs images afin d’obtenir l’impression finale qui est ensuite montée sur un panneau puis peinte. »

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Chaque personnage est confronté à la nature, envoûtante, belle et étrange. Chaque morceau de celle-ci est détourné de sa fonction réelle. Regardez ce pré tout ce qu’il y a de plus banal. Il devient une couverture gigantesque que le personnage s’efforce de tirer vers lui pour recouvrir une terre aride, le tout sous un ciel normal, tranquille, un ciel de tous les jours.

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Et là, quelle étrange machine, une sorte d’avion, dirigeable, hélicoptère, encombrée d’hélices, de seaux, tournant dans un ciel irréel, avec un personnage qui sème ou laisse tomber quelques pièces d’on ne sait quoi !

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 Oui, il faut sauver cette terre qui, malgré ses défauts, fait de nous ce que nous sommes, des hommes perdus dans l’immensité, et dont la tâche est d’instaurer un monde plus clair, plus humain. Mais quelle tâche difficile qui demande tant et tant d’efforts !

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 Alors, parfois, cet homme pète les plombs et s’envole vers un monde encore plus irréel…

 

 

 

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Ou plus poétique…

 

 Ces artistes sont exposés à la galerie Suzanne Tarasieve, 7 rue Pastourelle 75003 Paris.

06/09/2013

Sculptures de Franck Loret

Il est curieux ce petit homme qui n’a l’air de rien. Il sculpte dans le vide, il fait des trous dans l’insaisissable, il construit des images dans l’ineffable ciel entrevu par les percées pratiquées dans le papier, le vinyle ou d’autres matières légères et destructibles. Ce sont des châteaux de rêve, des toiles d’araignée suspendues aux voûtes d’une église, des objets faits de vide, de néant, qui se construisent autour d’une matière absente.

Admirez ce sapin de Noël du hall de LaSer : un nuage dans le ciel qui flotte au-dessus des soucis et perce les parois de verre.

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Et cette carte de géographie irréelle qui se glisse jusqu’au mur en ombre chinoise :

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Ecoutez-le raconter sa manière de faire, son art de sculpteur au scalpel :



Certains diront : « Mais ce n’est que de la dentelle ! ». Certes, mais quelle dentelle !

26/10/2011

Imagination périlleuse du rêve

 

Imagination périlleuse du rêve qui navigue entre la veille et le sommeil. Le souvenir en reste plus fidèle, comme un parfum d’amertume que l’on traine avec soi tout le jour, après avoir entrouvert une porte défendue et entraperçu les images de réminiscences ignorées.

Imagination et rêve : souvenirs, évaporation de la pensée, création pure, qu’est-ce ? Une torpeur tiède qui se fabrique le matin quand les draps vous enveloppent de chaleur et que les cloches de l’angélus réveillent en vous l’idée d’exister. Parfois une idée sera reprise après le réveil et pourra même vous éclairer pendant la journée, vous aider à sortir d’une impasse de la création. D’autres fois, elle vous empêchera de surmonter la douleur de l’enfantement des idées et vous contraindra à rester en attente tout au long du jour, jusqu’à la nuit bienfaitrice qui balaiera cette léthargie.

Ne pas s’abandonner à de tels délices, mais au contraire refreiner tout excès d’imagination hors de l’imagination créatrice. Tourner son imagination vers la réalité et y englober l’univers entier jusqu’à en faire la vie.

 

 

14/10/2011

Les catilinaires, roman d’Amélie Nothomb

 

« A l’approche de mes soixante-cinq ans, Juliette et moi cherchions quelque chose à la campagne ? Nous avons vu cette maison et aussitôt nous avons su que ce serait la maison ? Malgré mon dédain des majuscules, je me dois d’écrire la Maison, car ce serait celle que nous ne quitterions plus, celle qui nous attendait, celle que nous attendions depuis toujours. »

Ainsi commence Les catilinaires qui racontent l’arrivée inopinée dans ce paradis d’unlittérature,roman,imagination emmerdeur, monsieur Bernardin, cardiologue de son état, qui chaque jour entre chez eux, de quatre heures à six heures, prend son café, ne répond que par oui ou non à leurs imaginatives questions, et s’impose sans aucune politesse. Palamède, car tel est son prénom, les dérange à tel point qu’ils ne savent plus quoi inventer pour s’en débarrasser. Un jour, ils partent se promener à 4 heures moins dix, le laissant seul devant leur porte. Le lendemain, elle est au lit parce qu’elle a pris froid. Il frappe à la porte qu’ils ne veulent pas ouvrir, à tel point qu’ils leur semblent qu’il va la casser. Emile, son mari, celui qui raconte leur mésaventure, finit par ouvrir. Mais Palamède refuse d’examiner Juliette et lui demande une tasse de café. Il finit par monter et pose sa main sur le front de Juliette. Rien, elle n’a rien. Mais il est dans la chambre et s’installe sur une chaise. Docteur, vous n’allez pas rester là ? Si je vais au salon, vous devez venir aussi. Je ne peux pas la laisser seule. Elle n’est pas malade.

Ils choisissent alors la dérision. Mon cher Palamède, que pensez-vous de la taxonomie chinoise ? Et pendant dix pages, le couple échange des réflexions sur la manière d’effectuer des classifications, tout cela de manière extraordinairement savante et ponctuée de citations inconnues dont le but est de faire sortir de ses gonds Palamède. Imaginez, cher ami, que je me mette en tête de vous d’écrire en commençant par énumérer tout ce que vous n’êtes pas. Ce serait fou. Par où débuter ? Par exemple, on pourrait dire que le docteur n’est pas un animal à plumes : En effet, et il n’est pas un emmerdeur, ni un rustre, ni un idiot. Mais l’hôte reste impassible.

Alors ils imaginent d’inviter le docteur avec sa femme à diner. Un kyste, cette chose était un kyste. Eve fut tirée d’une côte d’Adam. Madame Bernardin avait sans doute poussé comme un kyste dans le ventre de notre tortionnaire… Palamède avait épousé l’amoncellement de chair dont on l’avait libéré. […] Chère madame, quelle joie de vous rencontrer. A ma grande surprise, un tentacule de gras se détacha de la masse et se laissa toucher par les doigts de ma femme.
Et reprirent les visites imposées de Bernardin chaque jour de quatre à six. Ils découvrent que Palamède est un homme qui n’éprouve aucun plaisir à quoi que ce soit ? Ni à manger, ni à boire, ni même à emmerder. C’est un cauchemar. Il fait fuir une ancienne élève d’Emile. Le lendemain celui-ci accueille monsieur Bernardin par un « Foutez le camp et ne revenez plus jamais ! ».
Dans la nuit, Emile se lève, réveillé par un bruit de moteur qui venait de la maison d’en face. Il découvre Palamède dans sa voiture en situation de suicide par les gaz d’échappement. Il le sort et l’apostrophe en attendant l’ambulance. Rentrés chez eux, la pensée de sa femme seule dans sa maison les oblige à y revenir. Elle dort. Ils prépare une soupe, seule nourriture qui lui convienne vraiment.

C’est maintenant le printemps. Monsieur Bernardin ne vient plus de 4 à 6. Il rit de ce que Juliette et Emile font pour eux. Après quelques autres péripéties et énervements, Emile tue Palamède dans son lit en l’étouffant. Juliette ne sait rien ? Je ne le lui dirai jamais. Si elle se doutait que l’homme qui partage son lit est un assassin, elle mourrait d’horreur. A la faveur de son ignorance, elle a estimé que le trépas du voisin était une bonne chose. Elle allait enfin pouvoir s’occuper de Bernadette… C’est ma meilleure amie, m’a dit Juliette après quelques mois.

 

Ce livre laisse une impression mitigée. L’histoire est loufoque, exagérée, rien de tout cela ne peut se passer dans la réalité. Mais elle est contée d’une manière tellement proche de la réalité possible qu’elle parait vraie et donc ni drôle, ni attendrissante. Plutôt estomaquante, comme les deux Bernardin. Mais dans le même temps, l’art de conter d’Amélie Nothomb en fait un petit chef d’œuvre qui permet d’oublier l’histoire pour ne s’arrêter qu’aux dialogues, aux descriptions, aux sentiments exprimés par le couple qui croyait avoir trouvé un refuge pour leur vieillesse. L’écriture permet au lecteur de dépasser la fable et de ressentir tout l’art de la romancière, cinglant, plein d’humour caché. Bref, une leçon d’écriture.