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23/03/2021

Folie ou abandon

Enfermée dans sa solitude
Elle part au gré du vent et des courants
Plus d’attaches, plus de points fixes
Les pensées s’envolent au loin
Et égrainent leurs litanies  
Sans savoir quelle ampleur donner
A leur importance opiniâtre

Le vide est entré dans la maison
Il a envahi la boîte secrète
Et laissé s’échapper son contenu
La liqueur dorée de jouvence
Qui fait tenir debout l’être
Et son contenu de raison

Et pourtant, au-delà des apparences
Il y a bien quelqu’un, réel
Qui erre derrière son masque
Qui se terre sans se manifester
Qui resplendit dans la boue

La personne est pleine d’elle-même
Elle contemple sa défaite
Elle hait ce corps embrouillé
Qui disperse sa volonté

Empli du vide de pensées
Elle court vers un ciel étrange
Et s’échappe sans bruit

Une seule obsession 
Mes biens, accumulés

Je n’ai plus rien

27/02/2021

Multivers

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Est-il possible…
Oui, est-il possible que l’univers ne soit pas unique ?
Notre univers qui contient toute la matière
Et donc, par définition, le tout
Serait-il un parmi d’autres de matière différente ?

Mieux même, ces univers autres interpénètreraient
Le nôtre, lui causant des perturbations
Comme le papillon réorientant la trajectoire d’une tempête
Le souffle d’une femme sur votre joue
Déchaînerait-il de semblables perturbations 
Dans votre univers intérieur et unique

Oui. Sûrement. Quel tremblement !
Ce soupir mêlé au vôtre n’introduit-il pas 
Une tempête intérieure bouleversante ?
Et c’est ce coup de tonnerre dans votre monde
Qui vous fait dresser l’oreille vers l’espace

Aussi loin que le permettent votre vue et votre ouïe
Vous ne voyez rien, vous n’entendez rien
Mais vous ressentez dans vos entrailles
Cette révolution inhabituelle et chaude
Bouillie d’émotions et de sensations

Ah, quel malheur et quel bonheur
Que ce tremblement de terre
Que l’amour met en nous comme une semence
D’une vie meilleure et plus large 

 

01/02/2020

Intériorité... Notre liberté

Le plus souvent, l’homme vit à l’extérieur de lui-même. Mais dans le même temps, il est incapable de se voir de l’extérieur, son moi le préoccupe trop. Alors, où est-il ?

Il convient tout d’abord de se poser la question du « Qui suis-je ? ». C’est le premier pas vers une réflexion qui se cherche. Distinguer le Moi, tourné vers l’extérieur, du Soi faisant émerger son intérieur. La frontière est certes floue, surtout dès l’instant où l’on tente de la définir. Un pas, je suis le Moi. Un autre pas, je plonge dans le vide et je deviens le Soi. Entre les deux, un blanc sans couleurs, une absence de sol, une chute mystérieuse impossible à définir parce que la plupart du temps sans qualificatif rationnel.

C’est le mystère de l’homme, l’approche de sa part de divinité, l’absence de lui-même qui est plus que lui-même. Comme l’énonce Maurice Zundel, (Hymne à la joie, Association des amis de Maurice Zundel, 1987) « Dieu ne peut nous toucher autrement qu’en suscitant notre intériorité, qu’en faisant murir notre liberté, parce qu’Il est ce qu’Il est : un pur dedans. »

03/08/2019

Influence

La proximité du sage rend sage et celui qui traîne le mal derrière lui le diffuse.

Chaque homme, comme chaque atome de matière, possède son propre champ d’influence qui se fait sentir sur ses proches. C’est pourquoi il est des gens qu’il faut fuir, malgré les obligations sociales, quand on ne se sent pas prêt à être plus fort qu’eux.

27/10/2018

Faire de la vie une symphonie

https://www.youtube.com/watch?v=4uX-5HOx2Wc


 

L’amour  au-delà de la compréhension logique : alors la vie devient une symphonie qui se passe de chef d’orchestre. Nous cherchons trop souvent à être le chef d’orchestre, nous agitons notre petite baguette, tapotant le pupitre, battant l’air de gestes démesurés et avides qui n’arrivent pas régler l’harmonie des sons. L'orchestre se dérègle et pendant que l’on s’attache au jeu d’un instrument, nous ignorons les autres.

Sentir les choses dans leur ensemble, c’est déjà transformer leur potentiel d’harmonie simultanée en symphonie. Faire de la vie ce que sont les fugues de Bach qui se déroulent sans heurt, dont la mélodie s’enroule peu à peu sur elle-même, chacune des voix s’harmonisant parfaitement avec les autres parce qu’elles savent reprendre des premières leur ligne mélodique et la parer de nouvelles aptitudes sonores, jusqu’à ce qu’éclatent un final majestueux où s’enchevêtrent  tous les instants précédents en un point d’orgue vertical brisant la fuite du temps et accédant à l’éternité.

14/04/2018

Le gardien, pièce d’Harold Pinter

Ce clochard recueillit par une sorte de misanthrope doublé d’un sage proche de la folie, c’est une caricature de l’homme, c’est-à-dire un être qui cherche avant tout un certain bien-être physiquepièce,théâtre,fraternité,psychologie et la certitude de sa continuité, quitte à empiéter sur le bien-être d’autrui. Il lui semble que ce bien-être acquis grâce à la bonté d’un homme, lui est dû et que nul n’a le droit de le lui retirer, pas même celui qui le lui a donné.

Le frère de cet homme, moins complexe, et cependant plus difficile à définir : il s’intéresse aux choses, c’est-à-dire à tout ce que la vie lui permettra d’acquérir et ne voit dans les autres que le moyen de lui apporter ces choses. Cependant, il a conscience du sentiment fraternel qui le lie à son frère. Peut-être même l’admire-t-il inconsciemment ?

Théâtre réaliste, très cru, il n’en émane pas moins une profonde poésie du quotidien, pleine d’humour, qui fouille jusqu’au fond des êtres, livrant leurs réactions intimes.

06/03/2018

Pourquoi ne nous parle-t-on plus de l'âme ?

L’âme n’est plus un mystère. Elle n’existe plus. En avez-vous entendu parler ? Même au catéchisme, elle est ignorée le plus souvent. C’est vrai qu’il est difficile de parler de ce qui vous est le plus intime et dont on ignore tout au départ de la vie.

Mais, est-ce d’abord si sûr ? En réfléchissant les premières années de la vie sont un réservoir de l’approche de l’âme par les sensations et les quelques images qui nous restent de certains moments dont on se souvient encore, souvenirs qui viennent dont ne sait où, mais qui vous marquent au fer rouge. Puis en vieillissant, on ne perçoit plus cette aide. On se fait confiance à soi-même, c’est-à-dire à tout ce qui nous sollicite, attire nos sens et notre intelligence si peu que nous en ayons un peu (et tous nous en avons, Dieu soit loué). Il y a cependant des sursauts épisodiques qui nous ramènent à une réflexion irraisonnée. Souvenir d’adolescent : j’emmène une cousine une journée. Elle est jeune, belle, douce, amusante parfois. Nous avions déjà tenté de nous rapprocher par des contacts de mains, par des regards sensibles, par mille détails qui nous font dire qu’il faut aller plus loin dans l’aventure. J’étais heureux, comme elle je pense, de pouvoir le faire au cours de cette journée. Nous partons en voiture, parlons de choses et d’autres, chacun pensant à ce rapprochement des aimants qui s’attirent à une certaine distance. Nous étions proches de cette zone d’influence qui obligatoirement nous projette l’un vers l’autre. Après avoir laissé nos mains errer autour du changement de vitesse, elles finirent par se toucher, d’abord de manière occasionnelle, puis volontairement, jusqu’à se caresser, puis se serrer avec bonheur. Nos regards se croisent, nos yeux se disent des paroles qu’on ne peut proclamer, nous nous enflammons et nous rapprochons. Tout à coup, du fond de moi-même, au plus intime, monte cet interdit : « Non, tu ne peux trahir la confiance que t’a faite ton oncle en l’autorisant à venir avec toi. » Je doute de cette contre-pensée qui m’enlève une occasion d’expérience de la vie. Je poursuis nos serrements de mains, mais peu à peu le doute s’installe. « Tu ne peux trahir. On te regarde d’en haut et on sait ce que tu fais. » Idiot, me direz-vous ! Peut-être, mais efficace. Nous ne sommes jamais allés plus loin, un interdit était tombé venant du plus profond de moi et je n’ai pu que le suivre, finalement pour mon plus grand bien.

Mais l’âme est bien autre chose. Dans l’adolescence, elle se manifeste d’autres manières, dans ces bouffées de chaleur dont parlent les femmes et qui sont des trous d’air devant la beauté du monde et de la vie. Un souvenir : premier séjour en montagne, j’avais vingt ans. On montait en voiture sur des routes enneigées et la nuit tombait. Peu à peu, les lumières de chaque maison se sont allumées. Comme nous n’étions plus en plaine, elles s’accrochaient en hauteur, de manière féérique, comme des âmes dans le noir luisantes d’espoir. J’en ai conservé un souvenir merveilleux, comme une sortie de l’être ordinaire pour s’emplir d’évanescence. Sans doute d’ailleurs est-ce la présence des femmes qui me fit le plus prendre conscience de cette présence intime en nous qui nous dépasse et nous guide. Les femmes sont la mémoire de l’humanité pour ce qui concerne l’expérience de l’intimité personnelle. Elles ne disent rien, mais étendent leur filet de grâce sur vous et vous transforment en profondeur sans qu’on s’en rende compte, jusqu’au jour où l’on rencontre la femme. Elle devient votre modèle, vous modèle, vous projette hors de vous-même et vous fait entrer dans ce monde de l’âme où rien n’est écrit, mais où tout est légèreté palpitante qui ouvre au monde. Vous savez alors que vous avez une âme, qu’elle est plus qu’un guide ou qu’une morale. Elle est la vie même, au plus intime, plus vous-même que vous-même. Vous découvrez votre âme et vous la sentez. Elle est là, elle vous appartient et vous êtes heureux d’en posséder une.

François Cheng a écrit un livre merveilleux qui s’intitule De l’âme (Albin Michel, 2016). C’est une suite de sept lettres en réponse aux lettres d’une femme qu’il a connue autrefois quand elle était jeune et qu’elle osa, un jour dans le métro, alors qu’elle était assise en face de lui, s’assoir à son côté et lui parler de ses livres. Il lui dit : « Comment faites-vous pour assumer votre beauté ? » Et il s’interroge : « D’où vient que cette beauté soit ? » Sa réponse : « Il y a l’âme du monde qui aspire à la beauté, et il y a l’âme humaine qui y répond, par la création artistique, par la beauté intérieure propre à une âme aimante et aimantante – beauté du regard, du geste, de la donation, qui porte le beau nom de sainteté ». Vingt ans plus tard, elle lui écrit : « Je me découvre une âme. Non que j’ignorais son existence, mais je ne sentais pas sa réalité. Acceptez-vous de me parler de l’âme ? »

Lire et relire ce livre poétique et formateur à un mysticisme quotidien et naturel : la merveilleuse sensation d’avoir une âme et d’en vivre au plus intime de soi-même.

Nos contemporains balancent sans cesse entre le corps et l’esprit (ou l’intelligence ou la conscience ou le système nerveux ou… bien d’autres choses encore). C’est un équilibre instable qu’ils forment entre eux et ils sont tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. François Cheng nous dit, comme Pascal, que l’homme est constitué de trois parties : le corps, l’esprit et l’âme. Alors vient l’équilibre et l’homme devient adulte. Il sait où il va, ce qu’il fait, même si ce qu’il fait ou ce qu’il pense va à l’encontre des pensées du moment.

Dorénavant, non seulement cultivons notre âme, mais parlons-en. Elle nous enchantera et enchantera les autres.

03/12/2017

La création artistique

 

Il faut un thème à chaque création artistique, sinon l'art tombe dans la facilité de certains surréalistes et devient une sorte d'automatisme psychologique qui, bien que naissant d'une même aptitude à saisir les rapports, est opposé à l'art, car il ne possède pas cette réflexion qui doit épauler la création.

 

08/11/2017

L’éruption du Krakatoa, de Simone Jacquemard

L'éruption du Krakatoa ou des chambres inconnues dans la maison, tel est le titre exact du roman de Simone Jacquemard, paru en 1969.

Ces chambres, ce sont toutes les pièces que nous ignorons nous-mêmes, toutes ces chambres qui n’ont pas encore été explorées et que Simone Jacquemard fouille comme on fouille un grenier, au hasard, d’un objet à l’autre.

Exploration d’une conscience, celle d’Anne, sensibilisée à l’extrême par la souffrance. Nous pénétrons dans le monde extraordinaire de l’imagination et du rêve. Tout se déroule pêle-mêle, le passé le plus proche et le plus personnel, un passé collectif et lointain, la réalité et l’imagination aiguisée par la connaissance, la perception de l’intimité de l’être dans sa construction microscopique, tout cela tournant, s’enroulant en spirales autour d’une idée fixe, faire face à la mort, tenir aux limites mêmes de la mort, vivre encore dans cette zone d’inconscience qui la précède.

Il s’agit bien d’une éruption, d’un éclatement de toutes les couches superposées de la conscience qui fait remonter à la surface le magma primaire d’une conscience collective que nous portons en nous et qui contient le vieux rêve de l’homme, celui de l’immortalité et de la fusion de l’être dans la matrice nourricière de l’univers.

« Tout d’abord l’image s’est imposée d’une bouche, d’un certain cratère de volcan par quoi est déversée sur le monde une certaine sève possiblement mortelle, mais limpide, faite de force et de conscience. Et cette bouche, j’ai compris qu’elle était celle des voyants, des sages, des prophètes dont le rôle d’intermédiaires est d’autant mieux rempli qu’ils sont indemnes de tout désir, de tout égocentrisme (et ce n’est pas le désir, le plaisir qui sont condamnables, mais le temps, l’énergie et la transparence qu’ils font perdre). L’unique fonction de certains vivants serait d’être traversés par la lumière qu’ils attirent comme le paratonnerre la foudre, puis de divulguer vaille que vaille les détails de ce formidable assaut. En laissant couler d’eux sans en rien garder ce qu’ils ont reçu. Car la lumière cesse d’affluer s’ils ne se départent pas aussitôt, eux devenus ne chenal d’une eau clairvoyante. »

03/09/2017

Le planétarium, de Nathalie Sarraute

Le planétarium, c’est cette immense grotte de la conscience où les mots des autres viennent raisonner avec une force incroyable, ébranlant la juste répartition des astres, l’équilibre méticuleusement échafaudé des orbites qui oblige à bien des concessions, à beaucoup de revirements. En avançant dans ces pages pleines d’ombres contradictoires, on découvre que c’est dans la nature même du planétarium d’être aussi fluctuant, aussi soumis à n’importe quel événement, à un mot, à un geste, un regard qui bouleverse entièrement l’équilibre qui venait à peine d’être rétabli.

Nathalie Sarraute, dans cette histoire qui n’en est pas une, dans cet épisode de la vie d’un jeune couple mi- bourgeois, mi- intellectuel et de ceux qui l’entourent (des parents snobs, une tante maniaque, un écrivain qui n’est qu’une femme comme les autres, mais dont la notoriété leur fait peur) n’a pas cherché à décrire directement un certain milieu, une certaine manière de vivre, mais plutôt la manière d’être intime de chaque personnage et, en particulier, sa manière d’être en face d’un autre. Elle traite de cet affrontement perpétuel dans la rencontre de deux êtres, des pensées brèves provoquées par cette rencontre et de leur camouflage en paroles, adoucies, amadouées, domptées, convenables et raisonnables.

L’analyse et excellente, mais l’homme ne serait-il qu’un spéculateur perpétuel dans ces rapports avec autrui ? Pas une ombre de spontanéité, et c’est pourtant elle seule qui fait le plaisir des rapports humains.

26/03/2017

Penser la pensée

Quoi de plus beau que de penser la pensée ? Il ne s’intéresse pas à ce qui est dit. Seul importe pourquoi c’est dit, c’est-à-dire comment cela lui est venu à l’esprit. Une telle recherche semble dérisoire, mais elle est devenue une science, et même plus puisque l’on parle des sciences cognitives. Mêler (pour penser) et démêler (pour penser la pensée) l’intuition et le connu est le propre de cette science. Mais peut-on dire qu’il s’agit d’une science ? A quel moment le savoir bascule dans l’inconnu et permet d’atteindre une compréhension différente qui fait avancer la solution ? La science cognitive est comme une outre, ou même un estomac plein. On bourre la poche. On trouve toujours  un peu plus de place, car elle est élastique, et puis, à un moment, elle explose. Son contenu se disperse ; il ne reste rien qu’une nouvelle solution qui l’a remplacé. Quel mécanisme a engendré cette révolution, pourquoi, comment ?

L’homme de tous les jours n’a qu’une vision, celle qu’il a apprise de ses parents et de ses professeurs, parfois agrémentée de vues personnelles qui constitue sa liberté d’être et qui lui apporte sa maturité. Il lui faut beaucoup de temps pour comprendre que cette vision est ce qui l’empêche de connaître plus profondément l’organisation des choses et en particulier de sa pensée. Pourquoi à un certain moment se rattachent ensemble des objets différents et dispersés qui vont lui donner une autre vision ?

En ce qui concerne certains hommes, il s’agit avant tout de se frayer un chemin dans le connu pour trouver les fentes qui permettent de le traverser et passer de l’autre côté. C’est un voyage vers le vide qui, à un moment donné, va crever la surface du connu et l’entraîner vers une nouvelle approche. Ce n’est pas réellement encore une vision. Il lui faudra pour cela faire appel au connu, l’habiller de mots que tous connaissent et organiser ces mots en concepts et arguments démonstratifs. Ce sera un travail long et difficile car il lui faudra revenir sur le connu pour expliquer l’inconnu et décrire le chemin de l’un à l’autre. A quel moment trouve-t-on les failles et peut-on se glisser dedans ? Comment cheminer dans ce labyrinthe sans se perdre ou tomber dans des crevasses ?

Aussi simple que cela puisse paraître, il suffit de ne plus penser et de laisser apparaître la solution toute seule. Elle vient d’un coup, dans le vide de l’esprit, dans une transformation de l’être qui s’allège, se transcende et perçoit la lumière de la solution. Contrairement à ce que pensent de nombreux psychologues, ce n’est pas l’esprit d’ouverture et d'empathie qui va permettre cette transformation. C’est au contraire la fermeture aux influences extérieures, aux rappels incessants du connu qui permettra cette transformation de la pensée et enclenchera des rapprochements inédits et intéressants.

Cela lui rappelle une anecdote. Au cours de discussions en commun sur des sujets  tels que le destin, la liberté, la transcendance, il lui était reproché de se tenir les bras croisés et de regarder les autres sans participer réellement à la conversation. C’était pour lui sa manière de se détacher du connu pour laisser l’inconnu envahir sa pensée. Il faisait le vide en lui-même et pouvait alors relier entre eux des éléments qui, normalement, sont éloignés les uns des autres. Cela lui permettait d’acquérir un fil de pensée différent et original. S’il restait ouvert, le corps tourné vers l’autre, il lui était impossible de faire naître en lui ce fil qui l’aidait à se retrouver dans le labyrinthe et de franchir le Rubicon. Il appelait cela « transcender le connu ». C’est un phénomène étrange. Se creuse en lui un espace vide, une sorte de trou d’air qui l’aspire et le fait flotter dans une sorte de liquide amniotique qui le nourrit de liaisons et fabrique l’image qu’il recherchait sans la connaître. Le tableau est posé, il faut maintenant le lui donner la couleur et les formes qui le rendront compréhensible aux autres. Le Rubicon est franchi, le désert s’étend à ses pieds, il lui faut maintenant relier entre elles toutes les gouttelettes pour constituer le fleuve de nouvelles connaissances. Alors comment susciter en lui, comment faire renaître ce vide nourricier qui lui permet de se glisser entre les fentes du connu pour aborder l’inconnu ? C’est cela penser la pensée, c’est cela qu’il faut découvrir pour améliorer sa compréhension du monde, des autres et, in fine, de lui-même.

01/10/2016

Nos personnages

La méditation nous fait prendre conscience d’un fait que nous avons du mal à percevoir. On dit souvent qu’il y a plusieurs personnages en nous et qu’ils se succèdent au moindre changement de contexte extérieur. Par la méditation, on tente de se fixer sur un seul de ces personnages, celui qui nous paraît le plus authentique. Il est difficile à discerner et est le plus souvent mouvant, mobile, insaisissable. Existe-t-il réellement ? Probablement pas. Mais on perçoit qu’en réalité ces personnages ne se succèdent pas, ils s’emboitent les uns dans les autres.

On passe du personnage qui s’adapte à la vie quotidienne et à chacun de ses incidents, à celui qui tente de réfléchir à ce qui lui arrive. Mais cette réflexion l’entraîne vers d’autres préoccupations et fait perdre le fil conducteur. On reprend le fil, on tente de le suivre, mais le plus souvent on le perd ou on le casse, involontairement ou même volontairement. Si on persiste plus avant, on perçoit derrière ce personnage un autre qui vous dit : « Laisse tomber ces parlotes et occupe-toi de toi-même ! » on descend en soi, péniblement parce que les distractions demeurent. Lui aussi est fugace, un vrai diablotin qui apparaît pour disparaître. A croire qu’il n’existe pas réellement ou qu’il fait exprès de nous déranger sans que l’on puisse le maîtriser. C’est le moment de faire le vide en soi. Ne plus penser, garder l’esprit vide de toute pensée. Eh bien, si on y arrive pendant quelques secondes, aussitôt un autre personnage détruit cet équilibre. C’est lui qui te dit : « Cesse de penser ! Qu’est-ce que cesser de penser ? Stop ! Ne pense plus ! » Mais ce personnage pense, lui, avec sa raison à lui qui échappe à notre interdiction de penser. J’ai beau cesser de penser, pour m’en rendre compte, je dois penser et constater que je ne pense plus. Je me mords la queue ou plutôt je construis une chaîne infernale qui me fait sauter de plus en plus loin en moi sans que cela puisse s’arrêter.

Oui, parfois, un trait blanc se crée, une marbrure dans la nuit, un souffle chaud et bienfaisant nettoie ces personnages et laisse dans le corps et la tête la respiration des dieux, une tornade qui entraîne dans le vide céleste.

09/06/2016

Une maison insignifiante

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Curieux par nature, comme tous les humains finalement, je passe la tête, tentant de distinguer quelque chose dans l’obscurité. Oui, elle est habitée par une femme. On sent son odeur doucereuse. Ne pas se laisser prendre, rester sur ses gardes ! Je cherche l’interrupteur à droite, à l'opposé de l’ouverture de la porte. Je le trouve à gauche. Quelle idée ! Lumière : faible, veloutée, caressant les objets plutôt que les éclairant. Un fauteuil Voltaire, un piano droit, un tapis effilé, quelques photos aux murs, dont une femme encore jeune, blonde, au sourire incertain, qui vous regarde étrangement. Elle semble presque vivante et vous fait un signe de la main : « Viens », semble-t-elle dire. Non, elle ne bouge pas. Ce n’est qu’une photo. Mais je ne la quitte pas des yeux. Elle reste muette. Une porte au fond de la pièce est entrebâillée et un escalier, sur la gauche, permet de monter à l’étage. Je l’emprunte. Un palier avec trois portes. J’ouvre la première. Elle donne sur une chambre aux volets fermés. Le soleil laisse quelques raies sur le sol recouvert de moquette grise et des grains de poussière dansent dans ses rayons. Rien d’intéressant, me dis-je en refermant la porte. La seconde s’ouvre sans bruit, comme entretenue de quelques gouttes d’huile passées sur ses gonds. Une chambre de femme. Je distingue un jupon du début du siècle, une robe au teint passée, une paire de chaussures hautes. Apparemment, il s’agit d’une jeune femme. La même probablement que celle vue sur la photo.

A ce moment, j’entends du bruit sur le palier. Je la vois passer, droite, fière, le regard perdu. Vite ! Je me cache derrière le paravent. Elle revient sur ses pas et pénètre dans la pièce. Elle ouvre un placard, en sort une robe jaune, assez longue, avec des volants en guise de manches. Retirant sa robe de chambre, elle l’enfile, se regarde dans la glace, avance de deux pas, recule de trois, puis avance, à tel point qu’elle disparaît derrière le miroir. Plus rien. Personne. A-t-elle vraiment existé ? Ne reste que cette odeur persistante, déjà perçue en bas en entrant dans la maison. Non, même avant, dans le jardin. Le silence est revenu, lourd, angoissant. J’étouffe. Que fais-tu ici, me dis-je. J’ai peur tout à coup et je presse le pas pour descendre les escaliers et me diriger vers la porte de sortie. Au moment où je tourne la poignée, un bruit bizarre retentit, semblant venir du premier étage : une sorte de plainte inhumaine, qui se prolonge inutilement, au-delà du souffle habituel d’un humain. Elle dure, dure à tel point que je sors épouvanté et referme au plus vite la porte. Dehors, toujours le silence. Pas un chant d’oiseau, pas un grattement, pas un chuintement. Je cours jusqu’au portail et me retrouve dans la rue, mes oreilles débouchées. Quel rêve, me dis-je. Non pourtant, ce n’est pas un rêve, j’ai bien vu cette femme changer de robe et disparaître dans la glace de l’armoire. Qu’est-elle devenue ?

Je n’ose plus retourner dans la maison et je pars vers le centre en m’efforçant de ne plus y songer. Mais chaque fois que je repasse devant le portail, je ne peux m’empêcher de revivre ces moments et d’en éprouver une angoisse indescriptible. Ne vous inquiétez pas, j’ai retrouvé mon âge réel. Seul mon sourire garde un regret imperceptible. Je n’arrive plus à sourire comme auparavant.

08/06/2016

Une maison insignifiante

Hier, j’étais à un vernissage. Peu de gens, des œuvres assez disparates, car il y avait quatre exposants qui ne semblaient pas avoir grand-chose en commun. Tout à coup, un tableau, une maison, insignifiante, mais qui attirait mon regard. J’eus envie d’écrire son histoire, ou une histoire qui s’y rapporte.

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Il passa devant l’entrée, un simple portail constitué de deux piliers de pierre brute. Il eut l’impression que la maison le suivait des yeux. Il se retourna, mais rien. Elle se tenait immobile, insignifiante, effacée. Il poursuivit donc son chemin.

Le lendemain, elle est toujours là, à la même place, guillerette cette fois. Le soleil luit haut dans le ciel et les hirondelles ont repris leurs rondes échevelées. Tiens, les deux piliers sont plus avenants aujourd’hui, remarque-t-il. Il s’arrête, intrigué. Ce chemin de gravier sale qui mène à la maison lui tend les bras : « Viens ! » lui dit-il. La maison semble inoccupée. Les rideaux des fenêtres ne bougent pas, les portes restent fermées, l’arbre est toujours pelé. Non seulement pas un signe de vie, mais une impression d’abandon augmentée par la peinture de la façade, une peinture violette, non, disons mauve pâle, un peu sale. Le jardin est également laissé à lui-même ; les herbes envahissent tous les recoins. Tiens, mais c’est vrai. Il n’y a pas un animal. Je franchis l’espace entre les piliers et avance d’un pas. Un silence étouffant, roide, au goût de farine. Mes pas soulèvent une petite poussière fine qui retombe lentement, au ralenti. Un silence oppressant qui résonne dans les oreilles et endort les autres sens, y compris la vue. Une sorte de voile grisâtre s’est abattue sur mes yeux. Je rentre dans un autre siècle. Je vieillis très vite. Le compteur tourne à toute vitesse les années en remontant vers ma jeunesse. Mais je vieillis malgré tout. Une impression désagréable. Ah, il ralentit, puis s’arrête : cent douze ans. Je ne sens plus mes os. Ils sont tellement friables. Ma peau est devenue jaune et gaufrée. Ma tête est restée la même. Ni mieux, ni moins bien. J’ai toujours eu quelques difficultés à l’équilibrer pour m’en servir. Tantôt elle penche du côté du cœur et me fait accéder au royaume des larmes, tantôt elle penche du côté de l’intellect et déborde de concepts. Ils deviennent si encombrants que je dois les entasser à la cave, dans le ventre mou des idées perdues. 

J’avance à petits pas, respirant une odeur de papier vieilli recouvert d’une fine pellicule de poussière rose, féminine. Non, elle sent le musc, odeur masculine s’il en est. Mais s’y ajoute un mélange de rose, de mûre et d’angélique qui détonne dans ce jardin désuet. Au moment où j’arrive à la porte au linteau arrondi, celle-ci s’ouvre en grinçant. Personne n’en sort. Elle bée devant moi, comme une invitation muette, et je ne vois rien d’autre qu’une ombre épaisse et collante.


La suite et fin : demain !

06/12/2015

Les deux visions du monde

Hier, en un éclair, surgit l’inspiration, l’idée à développer d’un nouveau récit, en doublant dans la rue, à pied, une femme dont je ne vis qu’une moitié de joue et les cils de l’œil gauche, le tout entouré de cheveux foisonnants.

Je n’en vis pas plus et, en un instant, je fus dans ses pensées. Une véritable intrusion. Sa joue devint une sorte de miroir qui me renvoyait son entendement aussi naturellement que si elle avait pris un téléphone pour me parler. J’étais en elle comme j’étais dans mes propres pensées une minute auparavant. Un saut d’un monde à l’autre, sans transition, me laissant aussi à l’aise dans l’un que dans l’autre.

Cela ne dura pas longtemps, cinq ou dix secondes. Mais quelle précision ! Femme tout d’un coup, j’étais plongé dans une vision féminine du monde. Je voyais en femme une situation entrevue habituellement avec plus de distance et moins d’implication des sens. Là, le monde était plus rond, plus caressant, plus à fleur de peau également. C’était un monde plus concret, plus ancré dans les sensations et sentiments, moins distant et probablement plus vrai, parce que plus enraciné dans la réalité. Je touchais le monde et les fibres qui relient chaque être ou chaque chose avec un autre et jouais une autre symphonie, plus charnelle, plus tendre, moins rationnelle et plus vivante. Les femmes donnent naissance au monde alors que nous, les hommes, le décortiquons. Nous jouons aux cubes, inlassablement, édifiant et démolissant ce monde, pendant que les femmes nagent dans leurs relations, pour y trouver l’harmonie qui les relie.

Une femme ancre sa place dans le monde en jouant de ces fibres qui unissent entre eux les êtres et les choses. L’homme s’attache plus à construire et reconstruire leur position dans le temps et l’espace pour atteindre un équilibre précaire que les nouvelles relations établies entre eux amènent à une nouvelle mobilité.

Bienheureux sont ceux qui ont les deux visions ! Ils sont accomplis…

21/02/2015

L’âme, porte d’entrée dans le monde invisible

L’âme est à Dieu ce que l’œil est au soleil.

L’âme doit posséder en elle-même une faculté de relation avec Dieu, c’est-à-dire une correspondance à ou avec l’essence de Dieu, sans laquelle une relation ne pourrait jamais s’établir. En langage psychologique, une correspondance est l’archétype de l’image de Dieu.

C.G. Jung, Psychologie et alchimie, Buchet/Chastel, 1970

  

Jung aborde dès le début du livre le problème de l’extérieur et de l’intérieur de l’homme, c’est-à-dire du conscient et de l’inconscient. Il découvre qu’il existe, dans la psyché, un processus tendant vers un but final et indépendant des conditions extérieures. Il affirme même que l’analyse est dirigée vers cet homme total, caché et non encore manifesté, qui est pourtant tout à la fois, l’homme plus vaste et l’homme futur.

Deux points de vue très différents que sont l’athéisme et la religiosité, tournée vers la pratique cultuelle et formaliste, occultent l’âme dans sa compréhension du monde et lui dénie toute importance pour l’homme. Cette vision est d’autant plus vraie chez les occidentaux, emprisonnés dans le moi et dans les choses, inconscients de la racine profonde de tout être. Ceci est particulièrement vrai chez les protestants qui ont tendance à interpréter ce qui se rapporte au royaume de Dieu comme « parmi vous » au lieu de « en vous ». Intégrant le rationalisme dans la religion, la plupart se détache de tout ce que contiennent l’inconscient et l’intérieur de l’homme. Dieu étant parmi vous et non en vous, l’âme est vide, car la valeur suprême (le Christ) et la non-valeur suprême (le péché) est à l’extérieur. L’oriental considère, quant à lui, que tout ce qu’il y a de plus élevé et de plus bas fait partie intégrante de la personnalité humaine et, même, permet à chaque homme de se distinguer des autres.

Et Jung conclut : aussi longtemps que la religion n’est que croyance et forme extérieure, et que la fonction religieuse n’est pas une expérience de l’âme de chacun, rien d’essentiel ne s’est produit. Il reste encore à comprendre que le mystérium magnum (grand mystère) n’est pas seulement une réalité en soi, mais qu’il est aussi et avant tout enraciné dans l’âme humaine. (…) La tâche principale de toute éducation de l’adulte est de faire passer l’archétype de l’image divine dans la conscience. (…) L’âme est naturellement religieuse, il faut apprendre à l’homme l’art de voir.

Et je rajouterai que ceci est question d’expérience et non de savoir ou de fidélité au culte et au formalisme.

10/10/2014

La volonté est-elle toujours positive ?

Staline : « Quelle est, camarade Jdanov, la première propriété d’une volonté ? »

Jdanov se tait et Staline répond : « Sa liberté. Elle peut affirmer ce qu’elle veut. Passons. La vraie question est celle-ci : il y a autant de représentations du monde qu’il y a de personnes sur la planète ; cela crée inévitablement du chaos ; comment mettre de l’ordre dans ce chaos ? La réponse est claire ; en imposant à tout le monde une seule représentation. Et l’on ne peut l’imposer que par une seule volonté, une seule immense volonté, une volonté au-dessus de toutes les volontés. Ce que j’ai fait, autant que mes forces me l’ont permis ; Et je vous assure que sous l’emprise d’une grande volonté les gens finissent par croire n’importe quoi !

Milan Kundera, La fête de l’insignifiance, Gallimard, 2013

 

Le personnage de Staline dans ce roman de Kundera reflète bien la définition du dictionnaire : « Faculté de l'homme de se déterminer, en toute liberté et en fonction de motifs rationnels, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». Et si l’on va plus avant dans le texte ci-dessus comme dans le dictionnaire, une autre définition apparaît aussitôt : « Décision ou détermination ferme de l'individu d'accomplir ou de faire accomplir quelque chose ».

Dans le premier cas, la définition est positive et donne à l’homme le moyen de s’accomplir grâce à sa volonté. Dans le second cas, elle peut devenir négative et plonger l’homme dans l’esclavage mental. C’est la différence entre l’argumentation et la manipulation. L’argumentation est une forme d’expression visant à convaincre un autre de la justesse d’une idée. Elle laisse cependant libre celui qui la reçoit. La manipulation vise à contraindre un autre à adopter une idée en utilisant des moyens de pression divers.

Alors que chacun de nous s’interroge sur sa volonté vis-à-vis des autres, même sous le prétexte de faire le bien. L’enfer est bien pavé de bonnes intentions.

23/08/2014

Confusion

Il est des périodes où l’homme est tout entier tendu vers un but qui l’accapare, le guide et lui donne force. Cette tension permanente lui permet de créer, en toute liberté, et de construire du nouveau sans reproduction de l’existant.  Ces périodes sont des moments de grâce sans que l’on en ait conscience, trop occupé à faire progresser vers le but l’objet de son obsession.

A quel moment commence le recul de soi ? A quel moment se réveille-t-on de cette griserie créatrice qui propulse dans un autre monde l’homme en proie à cette chaleur intense qui le brûle ? S’agit-il véritablement d’un détachement  par le haut ou bien par lassitude et épuisement ? Notons que dans tous les cas, ce détachement ne se produit pas en un instant. Il est progressif, lent, insoupçonnable. Il commence par une aphasie mentale. L’intérêt est cassé, le réveil s’est arrêté, le temps ne s’écoule plus. Vous êtes sans force, sans volonté, sans objet d’attention et vous errez dans la vie comme un aveugle sans savoir ce que vous voulez faire. Vous pouvez vous forcer à continuer sur l’objet de votre tension, mais rien n’en sort de bon. Vous êtes lassé. Encore, et encore, et encore… Tout ceci se passe de manière imperceptible, le changement n’est pas encore là que déjà ses conséquences se font sentir. Mais vous n’en avez pas conscience jusqu’au moment où ce malaise s’installe plus profondément.

Trop, c’est trop ! Il faut se changer les idées, vous dites-vous. Mais les obligations sont déjà créées, et c’est vous-même qui les avez créées. Alors il faut bien poursuivre, aller au bout de ce mouvement né de vous-même, vous épuiser sur votre lancée.

Que se passe-t-il ? C’est le détachement qui arrive, qui vient vous délivrer de votre obsession, qui va vous permettre de prendre du recul et de repartir sur un autre projet tout aussi passionnant, mais différent. Mais que cette période est dure à vivre. Vous vous traînez, inconsolable de langueur, la tête vide, pleine de rien qui vous empêche de faire fonctionner la machine. Vous ne trouvez plus les liaisons entre les neurones. Votre cerveau s’est liquéfié et vous ressentez un ennui d’inaction. L’horizon est bouché, vous vous enfermez en vous-même, vous ne vous intéressez même plus aux projets déjà faits antérieurement avant que cette acédie ne vous prenne. Car c’est bien une maladie spirituelle ou au moins psychique. Mais si l’on la considère bien, elle est nécessaire. Cette rupture permet de passer à autre chose. Ce n’est pas une calamité, sauf pour ceux qui n’ont travaillé que pour montrer au monde leur produit final. Car eux, par cette langueur, ne peuvent profiter pleinement de leur succès.

Repartir, ailleurs, dans un autre environnement à trouver, dans un monde autre qui va vous ouvrir de nouveaux horizons jusqu’au moment où la machine sera lancée et commencera à produire, à construire ses idées d’abord par petits bouts, puis dans un ensemble enchanteur, toujours différent. Alors ne vous laissez pas gagner par l’aphasie, soignez là en prenant des vacances, laissez-vous retourner, sombrez quelques instants dans la folie, en le sachant. Ces moments sont aussi à vivre pleinement, même si l’on ne sait pas comment on les vit. Devenez le fou du roi, et amusez-vous !

03/06/2014

Envie et espoir

L’envie, un besoin, un impératif très enfantin qui glisse vers l’adolescence et l’âge mûr jusqu’à encore émettre son clignotant dans les dernières années. « Oh, Maman, j’en ai tant envie ! » Et vous attendez ce jour de Noël avec une impatience extrême jusqu’au moment où vous l’avez. C’est bien dans la jeunesse que les envies sont les plus impérieuses. Adolescent, un cyclomoteur fut l’objet d’une folle expectative, avec ses rebondissements, ses pleurs et la joie de la possession.

Il y a trois types d’envie. Le plus simple et qui n’est nullement répréhensible est le désir d’avoir ou de faire quelque chose, que quelque chose arrive. C’est une convoitise qui vous prend à la gorge, qui obsède vos pensées, qui vous rend malade jusqu’à sa satisfaction. Ainsi en est-il de l’homme qui achète une voiture hors de prix et qui invite sa femme à faire un tour pour lui dévoiler sa merveille. Il en est de même de la femme qui a acheté une robe également hors de prix et qui invite son mari à l’admirer le soir après un bon diner bien arrosé. Seule la banque ne s’en remet pas.

Un deuxième type d’envie, plus ennuyeux à gérer, est le désir de ce qu’un autre possède. On entre alors dans la démesure. On est prêt à dépenser beaucoup plus que ce que nous mettrions normalement. Prêt à se presque ruiner pour montrer que l’on peut posséder la même chose, que l’on est aussi riche, aussi pourvu, bref mettre en avant l’orgueil, la vantardise et le satisfecit. Ce genre d’envie, une fois satisfait, ne vous donne plus cette tension raisonnée du corps et de l’esprit pour l’objet convoité. Vous l’avez, votre envie est passée… La vie continue.

Le troisième type d’envie est ce sentiment de frustration face au bonheur d'autrui et à ses avantages. C’est un désir qui ne peut être satisfait. Il vous fait mourir à petit feu. Vous tendez la main au travers des grilles d’une prison imaginaire, la paume vers le ciel sans attendre qu’il y tombe quelque chose. Vous le savez, mais ne pouvez vous en empêcher. Votre esprit se rapetisse, vous vivez dans une boite de sardine à rêver d’une vie hors de proportions avec vos compétences et à vos aspirations. Désir fréquent que celui de l’envieux de la vie de l’autre. C’est un moteur tyrannique qui a ses bons et mauvais côtés. Mieux vaut l’abandonner en chemin et partir à l’aventure sans savoir où l’on va.

Et pourtant, peut-on perdre toute envie ? Peut-on vivre sans désir ? C’est ce passage de l’envie à l’espoir qui marque le tournant d’une vie. L’espoir est sans envie. Il illumine le parcours sans jamais le contraindre. Il éclaire la pensée et l’action sans jamais y mêler le désir. C’est un guide qui conduit au bonheur que l’on n’atteint bien évidemment jamais totalement. Mais ces plumes caressantes du bonheur suffisent à combler une vie agitée. Trop, c’est trop !

14/01/2014

L'armure du moi

La vision objective de la vie repose sur l’ego par lequel l’homme dit « Je suis moi ». Ainsi le nerf de la conscience objective et la racine du principe de réalité qu’elle engendre est le principe d’identité. L’homme se perçoit  comme identique à lui-même, comme un point fixe au milieu du flot des événements. Il voit le monde par rapport à cette position. Le regard du moi définit. Il demande « Qu’est-ce que c’est ? » et répond en constatant « ceci est ceci ». Ainsi, à travers les questions et les réponses de ce moi, la vie se fige en faits établis et délimités.

 (Karlfried Graf Dürkheim, Le zen et nous, Le courrier du livre, 1976, p.26)

 L’armure du moi est établie. Quelle que soit la direction du regard, il ne voit que par lui. Il est au centre du tout… et n’est qu’une armure vide.

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© Loup Francart

05/10/2013

Homme Z

L’homme Z, archétype de l’individu machiste et faible qui se cache derrière une apparence brillante. Une façade inaltérable dans un smoking bien taillé. Un trou d’épingle le dégonfle, mais il faut trouver l’endroit où le piquer. Il peut être de toute condition, riche ou pauvre, bien habillé ou mal vêtu, drôle ou prétentieux. Il est carré et viril et fait ressortir ses angles. Sa posture est la force. Il saura vous parler, même en vous choquant, mais il aura toujours une idée en tête : vous utilisez pour sa propre réputation.

Alors, ne vous laissez pas séduire par une fausse prestance !

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23/09/2013

Qui es-tu ?

Si vous posez à quelqu’un la question : « Qui es-tu ? » Il peut vous dire son nom, où et quand il est né, quels diplômes il a obtenu. Ces réponses ne touchent pas à son être essentiel.

Je peux approfondir et demander : « Quel est ton caractère ? » Il ne pourra probablement pas répondre. En effet, la plupart des gens ne connaissent pas leur caractère. Mais ceux qui le fréquentent en donneront aisément une description. S’il lui arrive d’entendre cette description, elle sera presque certainement déçue, car ce que les autres considèrent comme son caractère, ne correspond pas à sa personnalité la plus profonde.

Il faut donc aller encore plus loin, jusqu’à l’inconscient. L’aide d’un psychologue, voire d’un psychiatre, sera peut-être requise. Grâce à ce dernier, vous parviendrez peu à peu à une compréhension plus profonde de la structure de la personnalité, de ses aspects positifs ou négatifs et vous saisirez mieux comment tout cela est apparu et s’est développé au cours des ans. Mais cette connaissance n’épuise pas l’être profond.

Et si vous pénétrez plus profondément, jusqu’à un niveau que la psychologie des profondeurs ne peut atteindre et que vous posez la question : « Qui es-tu ? » Il vous sera répondu : « Je ne sais qui je suis. Mais je suis unique et autre ».

« Dieu m’est plus intérieur que ma propre intériorité », dit Saint Augustin.

14/09/2013

La dépression

Un état dépressif a souvent pour origine le sentiment de ne pouvoir maîtriser sa vie. Ce n’est pas les malheurs qui nous accablent qui nous rendent dépressif, c’est le fait que ces malheurs nous prennent tout entier, nous interdisent toute autre pensée, nous centrent non sur ce que nous pouvons faire, mais sur ce que nous ne pouvons pas faire. Ce que le psychiatre Boris Cyrulnik appelle la résilience est la capacité à reprendre un développement  malgré l’adversité. Si l’on ne possède pas cette résilience, si l’on n’est pas capable de reprendre le dessus face au malheur, on déprime, on se réduit à l’état de victime, état dans lequel nous entraînent ceux qui nous veulent du bien.

Oui, un état dépressif a souvent pour origine le sentiment de ne pouvoir maîtriser sa vie. Ce sentiment devient si puissant qu’il finit par occuper en permanence les pensées et de ce fait crée une tension psychologique incontrôlable.

Conscient que la souffrance est due au fait que l’on est incapable de s’empêcher de ruminer toujours les mêmes pensées, il faut chercher à faire taire cette souffrance par nos propres moyens. C’est une résilience active et volontaire et non passive et due à un événement indépendant de notre volonté.

La médecine ne nous offre le plus souvent que des cachets antidépresseurs qui soignent les conséquences, mais ne retirent pas la cause. Notre religion en général ne nous permet pas de lutter efficacement. Certes, elle nous entoure de bonnes paroles et de fraternité. Mais là aussi, ce n’est qu’un traitement des conséquences et non de la cause. Il s’agit de changer notre psychologie habituelle, de faire des expériences intérieures qui vont nous permettre de dominer notre incapacité à penser par nous-mêmes. Ne plus être pensé au travers de nos émotions. Le jour où l’on commence à envisager ce changement volontaire en soi, on est sur le chemin de la résilience volontaire. On passe du savoir, à la connaissance par l’expérience. C’est dur, on tombe et on retombe, mais quel chemin si l’on persévère.

13/09/2013

L’ultime secret, roman de Bernard Werber

Qu’est-ce qui nous pousse à agir ? Quelle est votre motivation principale dans la vie ?

Samuel Fincher, neuropsychiatre, vient de gagner sa partie d’échec contre Deep13-09-13 L'ultime secret.jpg Blue IV. Il est champion du monde, devant l’ordinateur le plus puissant ; mais il meurt le soir même dans les bras de sa petite amie. Ses traits présentent tous les signes de l’extase absolue… Mort d’amour. Isidore Karzenberg, journaliste, prétend qu’il a été assassiné. Avec Lucrèce, une jeune pigiste, ils vont le prouver.

Ils font le tour de tout ce qui peut motiver un être humain : peur, sécurité, faim, plaisir. Les sept péchés capitaux y passent, même s’ils n’ont qu’un lointain rapport avec la motivation. A ceux-ci s’ajoutent le devoir, la colère, la sexualité et bien d’autres au fil de leur découverte. On vit leur aventure. Mais dans un récit parallèle, on vit le passé du docteur Fincher, sa rencontre avec un homme paralysé, Jean-Louis Martin, qui ne voit que d’un œil et n’entend que d’une oreille et qui refuse de mourir. Ils deviendront amis. Jean-Louis Martin se fait opérer par le docteur et doter d’un ordinateur qui lui permet de pensécrire : il inscrit sa pensée directement sur l’écran de l’ordinateur.

L’intrigue laisse du suspens, le thème est intéressant (un cerveau humain, aidé d’un ordinateur, accède à « l’ultime secret »), quelques réflexions de fond, scientifiques ou psychologiques, renforcent l’attractivité du livre. Celui-ci répond à la question : « Qu’est-ce qui nous motive ? La cessation de la douleur, la cessation de la peur, la satisfaction des besoins primaires de survie, la satisfaction des besoins secondaires de confort, le devoir, la colère, la sexualité, les stupéfiants, la passion personnelle, la religion, l’aventure, la promesse de l’ultime secret, l’expérience de l’ultime secret. »

Et la fin du livre ouvre à la sagesse, au rêve, voire au spirituel :

Tout à l’heure, j’ai ressenti une impression étrange, une onde pure volupté qui me transcendait. Juste après, comme le contrecoup de cette onde, j’ai été traversé d’une autre sensation. Une sensation de grande plénitude, suivie d’un vertige comme si je pouvais englober par ma pensée l’infini de l’univers. Comme si, arrivé à un nouveau point d’observation, je m’apercevais que j’avais une conscience fausse de la dimension des choses. (…) On pourrait appeler cette nouvelle motivation : l’élargissement de la conscience. Elle est peut-être plus puissante que toutes les autres motivations. C’est pour cela que nous avons réussi. C’est une notion au-delà des mots, elle est difficile à expliquer.

10/09/2013

Le changement (suite de l’article du 25 février 2013)

Le changement caractérise notre monde. Tout y change sans cesse, rien n’est jamais pareil, ni les êtres, ni la matière, ni l’univers lui-même. Et pourtant nous ne le percevons pas. Nous nous habituons à un monde immobile qui nous convient mieux car il ne nous demande pas d’effort.

Ce qui s’oppose à la perception du changement est bien l’habitude qui nous donne un sentiment de sécurité, voire de bien-être. Mais cette habitude apporte avec elle l’immobilisme. Pourquoi entreprendre ?

Acceptez le changement, il est source de rebondissement, de revitalisation, de renouvellement de soi. Acceptez la remise en cause de votre être, des buts que vous vous êtes fixés et renouvelez votre vie, modifiez ses orientations, donnez-vous de nouveaux buts. Quel bain purifiant !

Vivez plusieurs vies, donnez-vous la joie de la nouveauté, abandonnez vos positions installées, gardez simplement de quoi subvenir et abandonnez vos bagages.

Vous en serez plus unique, plus vous-même et vous découvrirez votre moi permanent (le Soi) derrière le moi fugace et malhabile auquel vous êtes habitué.

Et si vous n'êtes pas convaincu, allez voir ce film intitulé "La partition inachevée" : comment le changement intervient à n'importe quel moment !

 occasion,société,univers,psychologie,spiritualité

09/09/2013

L’apparition, roman de Didier van Cauwelaert

Résumé venant de la quatrième de couverture :

Le 12 décembre 1531, l'image de la Vierge Marie apparaît devant témoins sur la tunique de Juan Diego, unlittéature,roman,religion,psychologie,croyance Indien aztèque. Quatre siècles plus tard, des scientifiques découvrent, dans les yeux de cette Vierge, le reflet des témoins de l'apparition. Embarrassé par les querelles d'intérêts qui se déclenchent autour de la canonisation de Juan Diego, le Vatican charge Nathalie Krentz, ophtalmologue qui ne croit en rien, d'aller réfuter le miracle. Impliquée malgré elle dans les combats secrets que se livrent scientifiques, politiques et princes de l'Eglise, poursuivie par l'esprit de Juan Diego qui, retenu sur Terre par les prières qu'on lui adresse, ne rêve que d'oubli, Nathalie finira par trouver ce qu'elle n'espérait plus : un sens à sa vie...

J’ai vainement attendu un événement qui fasse démarrer l’intrigue : rien. On reste sur sa faim jusqu’à la fin. On ferme le livre : qu’a-t-il voulu dire ?

Sans parler de message, ni même de toile de fond, on se demande, en dehors du simple constat des faits, ce que ce livre contient. Du scepticisme, celui de Nathalie, de l’arrogance et de la concupiscence, toujours elle, de la fausse ou vraie tromperie venant de l’indien que l’on veut faire saint, de la politique de la part du cardinal Fabiani. Bref, beaucoup de tempéraments, mais peu de vrais sentiments. Un monde de mystification qui n’est pas la réalité, un roman si peu vraisemblable humainement qu’il en devient difficilement crédible littérairement.

Quant à dire que Nathalie trouve un sens à sa vie, je m’interroge et me demande de quel sens il s’agit.

13/07/2013

Le tatouage en expansion !

Au bord du lac d’Annecy, sur une plage champêtre, on trouve des baigneurs qui ne se lassent pas d’aller à l’eau sans crainte d’un animal insolite comme dans le lac du Loch Ness. Hier, étendu mollement auprès de ces touristes ou indigènes, je fis une constatation : de nombreuses personnes ornent leur corps d’un tatouage.

Je venais à peine de m’installer, qu’une jeune femme, marchant d’un pas élégant, avance vers la jetée, le regard lointain sur l’étendue d’eau. Elle passe dignement lorsque je remarque une tache sur une de ses cuisses, allongée, très visible, resplendissante. C’était un tatouage, dessin discret par sa forme, moins par ses dimensions, représentant une forme géométrique stylisée d’assez belle facture. Comme elle se retournait pour parler avec celui qui l’accompagnait, je distinguai sur l’épaule opposé un même motif, plus discret, noir également, du style art moderne 1930. Je me plongeais à nouveau dans la lecture lorsqu’un cri strident poussé à côté de moi me fit lever les yeux. Une autre femme, jeune également à en voir sa silhouette, étalait sur son dos un véritable tableau de toutes les couleurs. C’était un chatoiement de formes entrelacées, de bleu, de vert, de rouge et d’orange, pas forcément disposées en association judicieuse. Elle riait fort et une partie du dessin suivait ses spasmes, se tordant avec gourmandise en modifiant les lignes et les couleurs. Du plus bel effet, un vrai dessin animé ! Souriant devant ce spectacle somme toute assez drôle, je vis que la famille entière appréciait le crayonnage corporel et était affublée de motifs divers. Presqu’un vêtement sur la peau cachant leur nudité.

Observant alors la multitude de personnes allant et venant entre la terre (non l’herbe) et l’eau, je constatai qu’un grand nombre affichaient un tatouage, soit impressionnant par ses dimensions, soit discret, soit représentant une personne ou un animal, ou même un ensemble complet, être vivant dans son environnement, soit sous forme de motif abstrait, soit  même, mais plus rarement, un texte suivi d’un point d’exclamation ou mieux d’un petit cœur.

En rentrant à la maison, je me suis penché sur ce phénomène. Internet bien sûr m’expliquera ce qu’il en est de cette nouvelle mode. Pourquoi se faire tatouer ?

13-07-13 Tatouage 1.jpgTout d’abord, ce n’est pas nouveau. Admirons cette jeune femme qui n’est vraisemblablement plus de ce monde. Longtemps considéré comme une forme de rébellion vis-à-vis de la société, le tatouage a tendance à devenir une norme sociale dépassant le milieu, l’âge ou la profession. Il semble que le tatouage prend progressivement la place du piercing et étend ses avantages à plus de partisans. L’idée du rite initiatique existe toujours dans l’esprit de certains, en particulier des hommes. Dans ce cas, le tatouage affiche ce passage par un dessin adéquat du style épées entrecroisées, armes impressionnantes ou bouteilles enchevêtrées. Mais le sens du tatouage s’est élargi. Il peut représenter une déclaration d’amour : combien de cœurs entrecroisés ornent la cheville ou le ventre de femmes ou d’hommes en mal d’afficher ses préférences ? Ils peuvent constituer un objet de séduction, voire d’ornement érotique, de par le lieu où s’étale et l’objet représenté : pomme (d’amour évidemment), sucre d’orge, ou même l’interpellation claire : Eros (oui, je l’ai vu). Il s’agit d’afficher ses préférences, sa personnalité, son style, sans même avoir besoin de parler avec ceux qui veulent en savoir plus.

D’autres personnes succombent au charme de l’art pour l’art. Le dessin n’a pas de sens social. Il est juste là pour être regardé, admiré, envié. Ce sont des bijoux que l’on ne retirera plus, un bracelet sur une jambe, l’autre sur le haut du bras opposé, si bien dessinés que l’on s’interroge au premier regard sur leur réalité. Parfois même on voit la reproduction d’un tableau et le tatoué devient galerie d’art en pleine campagne.

Un site écrit même : « Certaines personnes se sentent protégées par leurs tatouages. Elles les aiment et les assument totalement. Elles suscitent la fascination et l'admiration chez des individus non-initiés au tatouage; allant même jusqu'à déclencher des envies d'encre chez des personnes qui n'auraient pas forcément été amenées à se faire tatouer. » Je n’irai sûrement pas jusque là, mais c’est sans doute une des raisons du développement de cette forme d’art.

Ce site annonce : « Au final, chacun fait ce que bon lui semble de son corps. Nous avons la possibilité de modeler notre corps en fonction de l'image que nous souhaitons lui donner, ce qui est plutôt sain si nous demeurons dans une dynamique positive. Apporter des modifications à son corps peut modifier l'image que l'on a de soi. Ils peuvent aider une personne à s'approprier son corps et à l'apprécier davantage, à se construire une identité, ou juste à se sentir plus en accord avec sa personnalité. »

Reste cependant un petit ennui. En général, la conception de la vie évolue avec l’âge. Ce que l’on se fait tatouer à seize ans représente un schéma mental assez différent de ce que l’on se ferait tatouer à trente (si l’on conserve encore l’envie de se faire tatouer). Laisser sortir du col de sa chemise blanche, au-dessus d’une cravate impeccable, un poing fermé est d’un mauvais effet sur les clients d’une bijouterie. Trop tard, on ne peut l’enlever, sauf au prix de souffrances bien pires que celles de son installation !

28/06/2013

Oublier le temps

Il est des moments où le vide s’installe en soi. La machine ne tourne plus rond. Elle se laisse gagner par l’indolence, l’inertie, le désaveu. Se lever pour penser non pas « A quoi bon », mais plutôt pour se dire « Plus rien ne me monte à l’esprit ». La grande platitude s’empare de vous. La plaine rase jusqu’à l’horizon. Vous êtes réduit à ce morceau de chair affaissé qui regarde autour de lui sans rien voir. Le monde a perdu sa brillance ou la connexion ne se fait plus avec votre cerveau. Vous zappez sans cesse entre vos pensées sans parvenir à vous fixer. Les images défilent puis s’estompent, remplacées par d’autres. Rien n’arrête cette ronde insensée.

Et peu à peu vous êtes gagné par un mal être indéfinissable, une sorte de mal de cœur qui vous monte dans la gorge et vous dit : « Vois cet être démantelé, comment vit-il encore ? » Vous fermez les yeux et la nuit vous envahit. Le trou, large, béat, vous entraîne dans les profondeurs de cet être las que vous n’imaginez pas comme étant vous-même.

Votre seul refuge : être là, présent, ici. Ne rien laisser surgir de votre esprit. Oublier toute pensée (si c’est possible !), s’enfouir dans ce lit immense de l’abandon de soi et reposer en oubliant le temps.

Oh, et puis pourquoi pas ? Ecoutez dans votre errance la pavane de Gabriel Fauré :

http://www.youtube.com/watch?feature=fvwp&v=sWW7pfXlYLY&NR=1

20/06/2013

Shokuzai (Celles qui voulaient oublier), de Kiyoshi Kurosawa (deuxième partie)

C'est la suite du film évoqué le 16 juin 2013, que beaucoup de critiques ont trouvé moins génial. Pour ma part, je l’ai trouvé aussi bon que le premier, sinon meilleur.

J’ai avant tout été frappé par la justesse du jeu de la mère d’Emili, Asako, en13-06-20 Shokuzai 2.jpg réalité l’actrice Kyoko Koizumi. Elle est belle, non pas au sens physique du terme (mais elle l’est également), mais au sens moral. Elle a une dignité indéracinable, même lorsqu’à la fin du film son monde s’écroule. Cette dignité est exprimée principalement par sa manière de se déplacer. Elle marche comme très peu d’actrices peuvent le faire, avec une lenteur et un basculement des hanches imperceptibles, regardant au-delà du présent, dans un passé toujours là, derrière elle, à fleur de peau. Elle est à la fois la femme fatale et la mère courage qui va jusqu’au bout de ses intentions : retrouver et tuer l’auteur du meurtre de sa fille. Dans la troisième et dernière partie de ce deuxième film, elle sera renvoyé à son passé trouble avec le meurtrier qu’elle a d’abord aimé lorsqu’elle était à l’université.

Auparavant on suit le destin des deux dernières jeunes femmes victimes du traumatisme du meurtre d’Emili : Akiko (épisode 3) et Yuka (épisode 4). Akiko tente de respecter le pacte de pénitence imposé par la mère d’Emili, mais sa vie est détruite par le meurtre et la condamnation d’Asako. Elle est perturbée et se prend pour un ours. Elle tente de réconcilier son avenir par un dialogue avec Asako, sans succès. Yuka, elle, a oublié, mais est étrangement perturbée. Elle manipule les hommes pour réussir sa vie et finit par détruire le couple de sa sœur.

 

Shokusai constitue un excellent regard sur la société nippone, très guindée, organisée, inflexible. Les femmes sont des femmes-objets et les hommes n’ont aucune consistance psychologique. Et pourtant, tous ont quelque chose d’inconscient à exprimer en raison justement de cette prédominance de la société. Shokusai est un très beau film dans lequel l’actrice Kyoko Koizumi est sublime.

19/06/2013

Foule

On est toujours un inconnu environné d’inconnus dans la foule. On croit encore exercer son esprit critique, voire son indépendance d’esprit. Mais en réalité on est déjà pris dans son mouvement, dans ses craintes et ses délires.

Retirez-vous ou cessez d’être ce que vous êtes, telle est la maxime !

 

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Dessin réalisé aux feutres