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12/01/2014

Au commencement...

Rien et Tout, en une première seconde

L’infini naît du fini
Qui lui-même est né du vide
Et ce vide contenait tout
Le vide était présence
Il donna l’existence
 Et passa de l’absence
A l’essence même des choses

Le vide transcende-t-il le plein
Ou le plein émane-t-il du vide

Aspire au vide pour être plein
Car le plein n’est que vide
Dans l’âme qui se cherche

© Loup Francart

11/01/2014

La cuisinière d’Himmler, roman de Frantz-Olivier Giesbert

14-01-10 La cuisinière d'Himmler.jpgUne cuisinière centenaire nous raconte sa vie. Elle croit à l’amour, au rire à la vengeance. L’histoire la laisse maintenant de côté : Je suis bien contente que l’Histoire soit partie, elle a fait assez de dégâts comme ça. (…) Mons histoire n’est rien, enfin, pas grand-chose : un minuscule clapotis dans l’Histoire, cette fange où nous pataugeons tous et qui nous entraîne vers le fond, d’un siècle à l’autre. Elle décide d’écrire ses mémoires,  un livre pour célébrer l’amour et pour prévenir l’humanité des dangers qu’elle court. Pour qu’elle ne revive jamais ce que j’ai vécu.

On lui laisse son récit. Il n’est pas bon de dévoiler ce qui fait le sel d’un livre, ici, les aventures drolatiques d’une femme qui a tout fait et bien aimé, donc ses rapports avec les hommes de sa vie ou non. Ce récit s’étage entre 2012 et les longues années de son existence. Elle raconte celle-ci à sa manière avec des petites phrases truculentes, parfois avec une emphase déclinante, souvent avec justesse et observation. Le jour de ma naissance, les trois personnages qui allaient ravager l’humanité étaient déjà de ce monde : Hitler avait dix-huit ans, Staline vingt-huit et Mao, treize. Elle naît en Arménie, entouré de l’amour de sa mère. Ma grand-mère sentait l’oignon de partout, des pieds, des aisselles ou de la bouche. Même si j’en mange beaucoup moins, c’est d’elle que j’ai hérité cette odeur sucrée qui me suit du matin au soir, jusque sous mes draps ; l’odeur de l’Arménie. Mais la « turquification » met fin à tout cela. Ses parents sont déportés, sa ferme est brûlée, et elle doit partir. Son épopée commence.

L’amour est le fil directeur de la vie de Rose. Elle se présente ainsi : Il y a des jours où j’ai envie d’embrasser n’importe quoi, les plantes comme les meubles, mais je m’en garde bien. Je ne voudrais pas qu’on me prenne pour une vieille folle, un épouvantail à enfants. A près de cent cinq ans, il ne me reste plus qu’un maigre filet de voix, cinq dents valides, une expression de hibou, et je ne sens pas la violette. Pourtant en matière de cuisine, je tiens encore la route : je suis même l’une des reines de Marseille, juste derrière l’autre Rose, une jeunesse de quatre-vingt-huit ans, qui fait des plats siciliens épatants, 25 rue Glandevès, non loin de l’Opéra.

Oui, je le reconnais maintenant, Frantz-Olivier Giesbert est un excellent écrivain. Ce livre est gai, léger, plein de délices, de jeu de mots, de faits picaresques. Sa manière est innocente. Il vous sort une petite phrase de rien, qui renverse les perspectives et remplace la sinistrose du siècle par un grand éclat de rire. Ainsi, violée par un mamelouk, elle constate : Quand je sortis des draps, je découvris qu’ils étaient pleins de sang, mais je savais ce que cela signifiait, ma grand-mère me l’avait expliqué, Fatima aussi, et je ne pus, malgré mon dégoût, réprimer une certaine fierté. Elle philosophe également, à sa manière : Quand on regarde tout le temps la télévision, c’est qu’on va mourir. Je ne sais s’il y a un lien de cause à effet, mais l’expérience m’a appris qu’elle était l’antichambre de la mort. Ou encore : S’ils ne sont pas forcément plus heureux là-haut, les morts sont moins fatigués que les vivants sur la terre. Ils n’ont pas à lutter. Ils ont le temps pour eux.

Et Rose conclut :

La vie s’est comme un livre qu’on aime, un récit, un roman, un ouvrage historique. On s’attache aux personnages, on se laisse porter par les événements. A la fin, qu’on l’écrive ou qu’on le dise, on n’a jamais envie de le terminer. C’est mon cas…

10/01/2014

Les insomnies de François Ducassier

François Ducassier se leva brusquement, dit à peine bonsoir et sortit dans la nuit. Il avait hâte de se coucher. Arrivé chez lui, il se changea et s’offrit aux dieux de la nuit. 

A deux heures quarante-cinq, il se réveilla. Il ne reconnut pas sa chambre au papier de fleurs mauves. Il tendit la main vers la petite table où se trouvaient ses lunettes et trouva le flanc de bois massif d’un meuble important, une commode probablement. Il chercha vainement le fil électrique et le commutateur. Alors il se dressa sur son lit. Il lui sembla plus haut, plus large, plus imposant. La lumière lunaire permettait de distinguer la masse des objets qui peuplaient la chambre. Lourdeur, pensa-t-il. Il sortit ses jambes, les laissant pendre sur le bord du lit sans qu’elles touchent par terre. Ses pantoufles étaient encore là. Il sauta, les enfila, passa une robe de chambre et, tendant les bras en avant, marcha vers ce qui était auparavant la fenêtre. Il n’y avait qu’une glace qui reflétait les pâles rayons diffusés par une autre ouverture, à gauche. Il trouva enfin un commutateur électrique. Hésitant, il alluma et poussa un cri étouffé.

Ce n’était pas sa chambre. Plus solennelle, elle était large, revêtue d’un épais tapis, chargée de meubles imposants, un bureau empire, une commode Louis XVI, une table entourée de quelques chaises. Elle était ornée de miroirs encadrés richement et de tableaux représentant des campagnes foisonnantes. La fenêtre s’entourait de rideaux lourds, surchargés de perroquets opulents. Il se rassit sur le bord du lit, plongeant en lui-même pour essayer de se souvenir de ce qu’il avait fait la veille. Oui, il s’était bien couché dans sa chambre. Alors que faisait-il là ? N’ayant pas de réponse, il entrouvrit la porte et contempla le long couloir sur lequel s’ouvraient de nombreux seuils, tous semblables. Il sortit, laissant ouverte la porte de cette chambre insolite et fit quelques pas. Pas un bruit, pas un mouvement signalant une présence. Un tombeau ! Il courut jusqu’au bout  du couloir, un escalier s’ouvrait montant et descendant autour de son axe central. Il monta un étage. Même couloir encadré de portes imposantes. Il poursuivit un étage plus haut, puis deux, puis trois. Même désolation opulente et silencieuse. Alors, il redescendit cinq étages, toujours le même couloir. Se penchant par-dessus la rampe, il vit une interminable descente d’escalier qui s’enfonçait dans la terre, sans fin, comme une illusion d’optique. Levant la tête, même impression, une hélice tourbillonnante sans limite. Il remonta d’un étage, traversa le couloir et retrouva la porte de sa nouvelle chambre, entrouverte sur son opulence. De guerre lasse, il se recoucha, réfléchissant à ce qui lui arrivait. Mais à peine s’était-il installé confortablement, qu’il s’endormit.

Le lendemain matin, il se réveilla dans sa chambre, la vraie, celle qu’il connaissait depuis toujours, plus modeste et familière. Il se rappela ce réveil inconfortable, son errance dans les couloirs, l’escalier sans fin. L’impression d’infini lui serra à nouveau le cœur, lui laissant une vague nausée dans la gorge. Sa journée se déroula normalement, mais il ne se sentait pas réel. Un léger décalage s’était emparé de sa vision habituelle. Il se regardait travailler, déjeuner, converser, se promener. C’était un autre lui-même, en tout point semblable, mais il n’était pas au centre de ce personnage, au centre de son monde et même du monde en général. Cet imperceptible décalage n’était pas véritablement gênant en soi, mais il le mettait mal à l’aise. Il allait comme s’il avait un caillou dans sa chaussure, claudiquant dans sa présence face au temps qui coule.

Le soir, il rentra plus vite que d’habitude. Il se coucha, songeant à mettre à portée de main une boite d’allumette, une lampe électrique et ses lunettes. Il s’endormit sans appréhension, comme chaque jour. A deux heures quarante-cinq, il se réveilla. Même changement de chambre, même impression de grandiloquence et même silence. Il se leva, marcha vers la porte, l’entrouvrit. C’était le même couloir avec les mêmes portes et, au fond, la cage d’escalier. Il parcourut sa longueur pour se retrouver devant la vertigineuse montée ou descente. Il se sentit suffoquer. Une odeur de mort semblait l’engloutir. Il regagna péniblement sa chambre, se recoucha et n’eut à nouveau aucun mal à s’endormir.

Pendant presqu’un mois, la même aventure se renouvela. Il dépérissait. Ses yeux rougis par l’insomnie ne reflétaient qu’une immense inquiétude. Il marchait à côté de lui-même, regardant son ombre vivre, manger, rire et parfois pleurer. Il entama une liaison avec une jeune femme drôle et enjouée qui lui permit de survivre. Lorsqu’il la serrait dans ses bras, il avait l’impression d’exister. Son parfum sucré remplaçait la senteur de mort qui l’habitait toutes les nuits. Il revivait, prenant un certain intérêt à pétrir la chair tendre et ferme du corps de cette femme qui tous les matins le sortait de sa prison imaginaire ou réelle.

Un jour, le trentième du mois, il lui parla de ce rêve réel qui l’assaillait. Elle eut l’air étonné, mais sans plus. La première nuit, elle s’efforça de se tenir éveillée, mais s’endormit à deux heures. La deuxième nuit, elle mit un réveil sous son oreiller, ouvrit un œil et s’assit sur le lit sans faire de bruit. Elle attendit. A deux heures quarante-cinq, il se leva d’une manière tout à fait naturelle, et sortit. Il rentra trois-quarts d’heure plus tard et se recoucha comme si de rien n’était. Au petit déjeuner, dans l’intimité du matin, elle lui raconta ce qu’elle avait vu. En fait rien d’autre que cette sortie qui lui semblait normale. Elle le serra contre elle, l’enfermant dans ses effluves qui l’enivraient joyeusement et accepta un retour dans les draps froissés. Chaque matin, elle écoutait le récit de la nuit, toujours le même et à chaque fois elle l’emportait dans l’ivresse de l’amour jusqu’à lui faire oublier l’épisode nocturne qui le faisait dépérir. Enfin vint le jour où il dormit sans être réveillé. Le lendemain, il n’eut rien à raconter si ce n’était sa délivrance. Alors elle se leva, revêtit avec lenteur sa robe blanche qui lui tombait sur les pieds, se maquilla, rangea ses quelques affaires dans une petite mallette, l’embrassa sur la bouche et sortit en laissant la porte ouverte. Pas un mot ne fut échangé, pas un geste qui pouvait dire « ne pars pas ». Et d’un coup, le décalage devenu habituel s’interrompit.

L’esprit de François avait retrouvé sa place dans son corps, au centre de lui-même. Une vague nostalgie restait en lui. Elle se manifestait le soir avant de se coucher. Mais dès qu’il fermait les yeux tout s’évanouissait. Il ne resta bientôt rien de cette division du temps et de l’espace qu’il ne comprit jamais, et qu’il finit par oublier.

09/01/2014

L'art et la création

Au fond, qu’est-ce qui nous incline à créer dans le domaine de l’art ?

 Il ne s’agit pas d’améliorer la pratique du monde, c’est le domaine de l’artisan. Il ne s’agit pas non plus, du moins directement, de s’enrichir, c’est le domaine des profiteurs.

L’artiste crée parce que la création l’élève. A la fois, elle le sort de lui-même et le fouille au plus profond de son existence. Elle le sort de lui-même parce qu’elle l’oblige à se dépasser par le travail, l’émotion, la réflexion. C’est une hygiène de vie autant qu’un plaisir rugueux. La création contraint et, par cette contrainte, enrichie. L’artiste exhibe dans le même temps de lui-même les derniers trésors enfouis : une idée, une impression, un sentiment qu’il va exploiter pour lui donner une forme artistique.

Pourquoi cette forme devient-elle artistique ? Parce qu’elle correspond à sa vision du monde et que cette vision est unique, comme chaque homme est unique. L’art, c’est l’ouverture d’un manteau pour se montrer nu devant les autres (j'ai toujours été frappé par cette image étonnante : à la sortie de l’hiver, à Moscou, le long des remparts, les femmes pour commencer leur bronzage, mettent un manteau de fourrure sur leurs dessous et vont s’installer au soleil, entrouvrant les poils du manteau pour réchauffer leurs chairs bleuettes).

L’art, c’est la création pure, sans réserve, dans laquelle on se donne jusqu’à l’ivresse ou la dépression. Pourquoi le fait-on ? Parce qu’on ne peut faire autrement. C’est un impératif catégorique ou, peut-être, pratique. L’artiste crée parce qu’il Est. S’il ne crée pas, il n’est pas. Sa vie ne vaut pas d’être vécue. Peu importe le résultat, c’est l’acte lui-même qui compte. Il peut être intellectuel, si l’on se veut écrivain. Il peut être sensitif si l'on est musicien. Il peut être sensuel, dans le cas du peintre ou, plus encore, du sculpteur. Dans tous les cas, il doit être créateur.

08/01/2014

Neige

Un flocon, puis deux, puis trois…
Ils éclairent la campagne
Ils délaissent le goudron…
La nature seule les charme…
Ils adoptent les doigts ouverts
Des arbres noirs et dépouillés
Ils craquent sous le pied
Et jouent à l’étouffoir …
Ralenti, le passant coule
Le long du chemin blanc
Laissant ses pas, fil ténu
Entre présent et avenir…
Dors petite fille, dors
Que tes rêves t’enlacent
Dans leurs saveurs aigres…
Ne regarde pas dehors
La montagne approche
Et entre par la fenêtre
Elle ouvre ses mains de glace
Mais ne l’écoute pas
Elle ne sait pas ce qu’elle veut
Sinon te dire « Viens, viens »…
Surtout ne sors pas
Ne la regarde pas, tiens-toi close
De tout regard fiévreux
Et d’envie de courir dans cette neige claire
Qui atténue toute réserve et crainte
Et te fait t’envoler en pensée…
Et… peut-être… en action

© Loup Francart

07/01/2014

Hilary Dymond

Dymond6.jpg

Le toit du monde où la matière rejoint l’invisible, où la roche s’osmose avec la goutte de brouillard pour donner l’intuition d’une existence au-delà du temps et de l’espace. C’est beau parce que cela élève l’âme, à l’image de la brume qui monte vers les cimes.

Hilary Dymond expose à la galerie Sibman, 28 place des Vosges jusqu’au 26 janvier. Faites le détour si vous passez à proximité, cela en vaut la peine. Née en Grande Bretagne en 1953, elle vit et travaille en France (69). Elle peint des paysages et les classe par thème : le littoral, les étangs, l’eau d’une manière générale, qu’elle soit liquide, en vapeur ou même solide comme les tableaux de montagne.

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 Ce qui enchante dans ses tableaux c’est avant tout la lumière. Celle-ci est rendue par les contrastes dans les blancs entre celui d’un plein soleil sur la neige et celui d’un gris très pâle porté par les ombres où se mêlent les brumes légères ou fortes montant des vallées. Contrastes saisissants donnant la vision d’un éternel infini.

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Mais dans le même temps ses tableaux sont très figuratifs. Il s’agit de représenter la réalité, telle qu’elle est et non de tricher pour laisser des impressions plus ou moins imaginées.

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 Parfois cela fait penser à Turner :

Hilary_Dymond_Mountains.jpg

 A d’autres moments à la peinture abstraite, lorsque la matière prend le dessus sur l’éthéré :

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En regardant ces paysages, on devient transparent, on s’enfouit dans le silence, on se laisse engloutir par la neige pour en ressortir vierge et transformé.

Oui, Hilary Dymond est une vraie artiste, parce qu’elle transforme l’être de celui qui regarde ses tableaux.

IMG_8162.JPG

 Vous pouvez prendre connaissance de ses œuvres sur les deux sites suivants :

 http://www.lesoleilsurlaplace.com/artistes/hilary_dymond-7.php

 http://hilarydymond.com/mountains/uvcp139on3q66wuoxwcj0bynpalvtz  

06/01/2014

Les coloriés, roman d’Alexandre Jardin

roman, littérature, conte, récitUne civilisation fondée sur le jeu. Le sérieux est banni, de même que le passé et l’avenir. Le présent seul existe. Quel puissant motif d’intérêt pour l’ethnologue qu’est le conteur du roman, Hippolyte Le Play. Une culture de l’enfance, avec ses règles, ses tabous et ses interdits. Une organisation improvisée, fondée sur le plaisir et l’imagination d’où les adultes sont exclus. « Au départ, il s'est produit un événement fondamental : les garçons se sont battus entre bandes. Les filles ont eu peur et se sont réfugiées dans les arbres. Quand la puberté est arrivée, les garçons sont venus sous les arbres et se sont demandés comment faire descendre les filles des branches ! Tandis que les filles se demandaient comment faire grimper les garçons… C'est cela qui a donné naissance à une culture complète où l'amour est devenu le jeu préféré. »

 Une adulenfant qui charme Hippolyte et qui l’entraîne dans une aventure salace, dans un premier temps en plein Paris, puis sur l’île de la Délivrance, celle dont les culottés (les adultes) sont bannis. Dafna découvre le monde des adultes avec une certaine aisance malgré une absence totale d’éducation et de conscience. Hippolyte découvre le monde des coloriés (ils se peignent des vêtements sur la peau) avec difficulté. Il ne peut s’empêcher de revenir à des raisonnements et des sentiments édulcorés d’adulte civilisé malgré toute sa bonne volonté. Inversement, la culture des enfants semble considérer la stabilité des caractères comme une pathologie, une infirmité réservée aux grandes personnes encroutées. Pour eux, vivre c’est changer sans cesse. Moi, je jubilais en secret d’assister à ses écarts qui me dédommageaient d’années trop strictes. Dans les grandes surfaces, dès qu’une musique l’envoutait, Dafna zigzaguait entre les ménagères en improvisant des ballets qui mêlaient claquettes, marelles frénétiques et entrechats. Jouir de bouger lui était nécessaire. Sa licence enfantine et débridée me grisait. Quand tant d’êtres se contentent d’exister, Dafna osait vivre !

 Ce livre invite chacun de nous à réveiller sa part la plus authentique, à tourner le dos à cette société « raisonnable » qui aspire en permanence à la « cohérence ». Il nous renvoie à la place que nous laissons à nos désirs.

On s’amuse bien, la fable est comique et conduit à des quiproquos drolatiques. Mais on finit par se lasser de ces « on dirait qu’on serait », « jouer à être invisible » grâce à une couche de peinture blanche, etc. Ce n’est plus une guerre de civilisation, mais un combat contre la bêtise des adultes dans leurs partis pris serrés et celle des coloriés enfoncés dans leur rêverie excédée. Et l’auteur, près de rejoindre les culottés, exécute au dernier moment un plongeon : En prenant plaisir à nager vers la Délivrance, je laissai derrière moi un sillage de couleurs dans les eaux du Pacifique. Ma trace était une palette. L’amour vécu comme une récréation m’attendait. Protégé de l’Occident, j’allais oublier  le triste scepticisme, le garrottage des émotions et l’esprit de gravité qui corrompt tout. Vivre ne serait plus l’art de cultiver un héritage, mais l’occasion unique de foncer vers soi, en échappant à la noyade du vieillissement.

(…) Il faisait très beau, un temps à zouaver sur une plage, à ne pas sérieuser avec cette fille inespérée. Après tout, la vie valait d’être vécue si l’on avait la maturité de la colorier. Je recommençais mon enfance, pour toujours.

05/01/2014

"Noosphère" et "pensaction"

science,religion,noosphère,conscience,immatériel,matériel,infosphèreOn oppose souvent le monde matériel et le monde spirituel, l’un fait de matière palpable, l’autre, hors de notre monde habituel, un monde révélé, imaginé, déclaré et devenu la chasse gardée des religions. C’est un peu vite classé. Que fait-on du monde des idées, monde sans consistance physique et qui traite à la fois du matériel comme du spirituel ? Une théorie, une pensée, un concept ont-ils une existence, non pas au sens matériel, mais par le simple fait qu’ils sont présents, évoluent et souvent meurent ?

Le concept de noosphère est dû au minéralogiste et chimiste Vladimir Vernadski avec ses études sur la biosphère. De manière plus large, on peut distinguer la géosphère ou monde inanimée (encore appelée lithosphère), la biosphère, monde vivant, et la noosphère ou monde de la pensée. Le Père Theillard de Chardin comprend l’idée de noosphère comme une nappe pensante faite de pensée et de conscience, qui enveloppe la terre. D’autres utilisent ce néologisme avec une vision liée à la notion d’information, l’infosphère, ou encore une vision gnostique, celle de gaïa, terre vivante.

 Peu importe ces divergences. Ce qui compte c’est l’idée d’un monde qui n’est ni matériel, ni spirituel (au sens religieux habituellement utilisé). Certains considéreront que l’homme se distingue de l’animal par l’apparition de cette noosphère. Mais est-ce bien sûr ? Les animaux pensent à leur manière, ils ont des perceptions du monde et savent les utiliser pour survivre. Ils ont des sentiments au même titre que les hommes. La seule chose qui distingue l’homme de l’animal, c’est le langage et, grâce à l’existence de ce dernier, la conceptualisation, c’est-à-dire la capacité de penser le monde qui l’entoure en s’en extrayant plus ou moins.

Peut-on imaginer une forme de réalisation supérieure à celle de l’homme actuel ? Sans entrer dans des discussions théologiques pour savoir à qui appartient quoi, nous pouvons dire que le stade supérieur est très probablement celui de la « pensaction » où capacité pour un être d’agir directement par la pensée. Je pense et cette pensée devient action parce que je le veux. Je pense que je suis à tel endroit et je m’y trouve. Je pense que je suis à tel siècle et je m’y trouve. Je pense à une orange et elle est là, je peux la manger. Alors vous êtes Dieu, me direz-vous. Non, surement pas. Dieu est surement bien plus divin que cela. Dieu peut créer à partir de rien. La pensaction ne fait qu’utiliser d’une manière différente ce qui a une existence, matière et idée. Cet avènement mettrait fin à la dichotomie entre la pensée et l’action qui est une des limites de l’homme.

Le célèbre « Je pense, donc je suis » serait remplacé par « Je pense, donc j’agis » (et je me crée mon monde). Utopie complète, direz-vous ? C’est très probable tant que l’homme se concevra comme une entité qui s’oppose aux autres entités en tant que centre de son monde. C’est en cela que l’épanouissement de la noosphère est important. Car la création de liens d’interpénétration entre les êtres devrait permettre d’adopter de nouvelles règles de comportement : ne rien faire qui puisse nuire à un autre être vivant.

04/01/2014

Le ciel se noie

Le ciel se noie
Les murs se rapprochent
Je m’enlise sans retour
Je suis couvert de poussière
Je suis poussière
Un grain collé au monde
Parmi d’autres grains, d’autres poussières
Brouillard épais de crasse qui m’enlace
Je respire l’autre à pleins poumons
J’en perds parfois la respiration

© Loup Francart

03/01/2014

Chaud et froid

Fini les hélices qui s’échappent. Place à l’improvisation.

C’est un chaud et froid. Il ne se mange pas, il se contemple. Quel assemblage difficile. Mais il réchauffe le cœur à défaut du corps, malgré les quelques glaçons qui restent suspendus à ses basques.

 

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© Loup Francart

02/01/2014

L'ensemble de Mandelbrot

L’ensemble de Mandelbrot c’est en premier lieu un dessin généré par un ordinateur. C’est une collection de points. Celle-ci contient des aires, mais également des courbes lisses, des filaments, des points d’où émanent de multiples branches, et d’autres choses.

13-12-23 Ensemble de Mandelbrot.jpg

L'ensemble de Mandelbrot tire ses origines de la dynamique complexe, un domaine défriché par les mathématiciens français Pierre Fatou et Gaston Julia au début du XXe siècle. La première représentation de cet ensemble apparaît en 1978 dans un article de Robert Brooks et Peter Matelski. Le 1er mars 1980, au centre de recherche IBM Thomas J. Watson (dans l'État de New York), Benoit Mandelbrot obtient pour la première fois, une visualisation par ordinateur de cet ensemble. En 1984, l'étude de l'ensemble de Mandelbrot commence réellement avec les travaux d'Adrien Douady et John H. Hubbard, qui établissent ses propriétés fondamentales et baptisent l'ensemble en l'honneur de Mandelbrot. (…) Dans le numéro d'août 1985 du magazine Scientific American l'ensemble de Mandelbrot est présenté au grand public comme « l'objet mathématique le plus complexe jamais découvert » et présente l'algorithme qui permet de le tracer soi-même. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Ensemble_de_Mandelbrot)

Que représente l’ensemble de Mandelbrot ? En gros à chaque point de l’image correspond un système dynamique sous-jacent. Le point joue le rôle d’un paramètre ajustable. Différents points correspondent à des ensembles de Julia différents, à des systèmes différents, et selon le comportement de ces derniers, on peut décider de colorier le point de telle ou telle façon. L’ensemble de Mandelbrot est l’ensemble des paramètres pour lesquels le système a une certaine propriété (l’ensemble de Julia est en un seul morceau). D’où son surnom de Chef d’orchestre.

Voici Trois exemples de représentations de l’ensemble de Mandelbrot. Les images montrent des détails de l’ensemble, mis en relief de diverses façons, au sens propre comme au sens figuré :

13-12-23 Ensemble de Mandelbrot2.jpg

L'ensemble de Mandelbrot doit beaucoup sa popularité à la variété et la beauté de ses structures et à la profondeur infinie de ses détails, mais aussi à la possibilité de l'explorer soi-même à l'aide des nombreux logiciels aujourd'hui disponibles.

La séquence d'exploration commentée ci-dessous est un zoom profond vers la valeur de c = -0,743643887037151 + 0,13182590420533i, à travers nombre de motifs caractéristiques. Le rapport de grossissement entre la dernière et la première image est d'environ 60 milliards.


Étape

Description

Première étape - description ci-contre

L'ensemble de Mandelbrot initial. Si la dernière image était en taille réelle, cet ensemble de Mandelbrot aurait une taille de 3 millions de kilomètres et sa frontière présenterait une quantité astronomique de structures fractales.

Nous allons zoomer sur la vallée située entre la cardioïde et le bourgeon principal.

Seconde étape - description ci-contre

Cette vallée a été baptisée « vallée des hippocampes ».

Troisième étape - description ci-contre

À gauche, des spirales doubles, à droite les « hippocampes ».

Nous zoomons sur l'un d'eux.

Quatrième étape - description ci-contre

Un « hippocampe », tête en bas. Cet hippocampe est composé de 25 « antennes » consistant en 2 groupes de 12 et un filament relié à la cardioïde. Nous en déduisons que le bourgeon qui le porte a une périodicité de 25. Le point de rencontre de ces antennes est un « point de Misiurewicz ». Sur la plus longue antenne, celle qui mène à la « queue » de l'hippocampe, on reconnaît une copie réduite de l'ensemble de Mandelbrot, appelée aussi « satellite ».

 Et voici ce que cela donne :

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La science et l'art se rejoignent dans cette œuvre fantastique, simple et belle.

Merci Monsieur Mandelbrot !

01/01/2014

L'infini

 

Quel paradoxe : nous parler de l’infini un premier janvier, jour de finitude, marqué du sceau des mathématiques. Mais le premier janvier est réservé à la méditation : les idées ont-elles une existence ?


« Deux choses sont infinies : l’univers et la bêtise humaine ;
mais en ce qui concerne l’univers,
je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue. »
Albert EINSTEIN

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Un hélicoptère s’enfonce dans le ciel
Toujours plus loin.
Hélice tournoyante, il devient point
Puis rien, ou tout

Le zéro et l’infini sont frères
Plus je divise un chiffre
Par une valeur proche de zéro
Plus le quotient tend vers l’infini
Et si je divise le fini par le zéro
J’obtiens l’infini

« …ces extrémités se touchent et se réunissent
à force de s'être éloignées,
Elles se retrouvent en Dieu et en Dieu seulement »
Oui, Pascal était théologien autant que physicien

Parce qu’Achille court avec célérité
On peut distinguer l’infini en acte
De l’infini potentiel qui n’est pas réalisable
L’infini serait-il un principe inapplicable
Ou une réalité tangible qui dépasse l’homme ?

L’infini, c’est tout ce qui n’est pas fini
Première approche…
Mais le temps est-il fini ou non ?
Et comme il est lié à l’espace
Celui-ci est-il fini ou non ?
Le temps et l’espace n’existe que par la matière
Un grain de sable et l’on fabrique l’univers
Sans lui rien n’existe, ni le temps, ni l’espace
Sans existence, plus rien… ou tout…

Pourtant il y a de nombreuses existences
Qui n’ont pas de réalité physique
Un concept a-t-il une existence ?
Oui… et non…
Il est réel et fictif
Du domaine de l’imagination
Mais celle-ci donne accès à la fois
A une réalité existentielle
Et à une réalité non essentielle
Les idées existent-elles ou non
Ont-elles valeur d’existence ?
Sans essence peut-on concevoir
L’existence non essentielle ?

Mais Dieu existe-t-il hors du grain de sable ?
Dieu est-il le grain de sable
Sur lequel tout s’appuie ?
Est-il en dehors de l’essence
Ou est-il lui-même l’essence ?

L’infini est cette interrogation permanente
De l’homme devant la grandeur
De l’action et de la pensée
Dieu joue-t-il à cache-cache ?

© Loup Francart

31/12/2013

Sont-ils, eux, qui ont tout ?

Sont-ils, eux, qui ont tout ?
Vous ne savez pas qui ils sont
Mais nous avons les preuves
De leur existence folâtre

Reflux… Retour en soi-même…
Une petite pièce, obscure,
Boursouflée et non meublée
Là, il va et vient, sans pensée
Il agite ses pieds, il regarde ses mains
Il secoue la tête, inconsolable
Viens, dit-il, viens près de moi
Solitude du chasseur 
Qui attend le fusil à la main
Prêt à tirer sur tout ce qui bouge
Mais qui ne voit pas
Que rien ne bouge en lui
Il est mort à la vie
Il survit par faiblesse
Par extension d’insuffisance
Plus de gaz dans le moteur
Il n’y a personne au téléphone
Qui sonne dans le vide de la pièce
Assis par terre, étendu
Il ne dort pas, il rêve
Et ce rêve n’a rien de drôle
Il se voit dans un marécage
Et ne consent à survivre
Que parce qu’il ne peut faire autrement

Evacue, évacue, meurs à toi-même
Et tu revivras transformé
L’échec n’est qu’un mauvais moment à passer
Ouvre ta porte et sors au soleil
Laisse-toi éblouir
Et envole-toi dans les cieux
Frappé de la pâleur des survivants

Je suis et ne peux m’en défaire
Mais je peux devenir autre
Allons… Partons…
Rien ne me retient plus…

© Loup Francart

30/12/2013

Mon oncle d’Amérique, film d’Alain Resnay, 1980

 

cinéma, thèse, art et essai, année 1980Prenez une théorie, celle du comportement humain, illustrez-la par des séquences de vie, commentez ces séquences, entrecoupez-les d’images de vieux films, comme des réminiscences inconscientes, et vous aurez le film d’Alain Resnay. L’homme n’est pas libre. Sa part d’inconscient guide la plupart de ces actions, guidée par l’instinct de domination. Les théories du professeur Laborit, certes contestables, servent de fil directeur au scénario. Elles sont énoncées d’une voix off, celle du professeur lui-même, comme un cours distillé dans l’épaisseur des vies qui se déroulent devant nous. Au commencement du film, on voit difficilement le rapport entre l’énoncé de la théorie et les personnages eux-mêmes. Puis progressivement les deux aspects du film se rejoignent, s’enchaînent et finissent sur un constat : tant que l’on n’aura pas diffusé la façon dont fonctionne le cerveau de l’homme, il y a peu de chances qu’il y ait quelque chose qui change.

La théorie :

La seule raison d’être d’un être, c’est d’être, donc de se maintenir en vie.

Les plantes peuvent se maintenir en vie sans se déplacer. Grâce à l’énergie du soleil, elles transforment la matière inanimée qui est dans le sol en leur propre matière vivante.

Les animaux se maintiennent en vie en consommant. Ils sont donc obligés de se déplacer et d’agir dans l’espace. C’est le cerveau qui lui permet d’assurer sa survie, car le cerveau ne sert pas à penser, mais à agir.

Dans le cerveau de l’homme, trois cerveaux superposés cohabitent. Le premier cerveau, le cerveau reptilien, déclenche les conditions de survie immédiate : boire, manger, copuler. Le cerveau limbique, cerveau de l’affectivité ou de la mémoire permet d’agir en fonction de ce qui est agréable ou désagréable (un être vivant est une mémoire qui agît). Enfin le cortex cérébral ou cortex associatif garde la trace des expériences passées et les associe au présent.

Les deux premiers cerveaux fonctionnent de façon inconsciente. Ils agissent par pulsion et automatismes culturels. Le troisième fournit un langage explicatif donnant un alibi au fonctionnement inconscient des deux premiers. L’inconscient est une mer profonde et la conscience n’est qu’une écume qui naît à la crête des vagues.

Ces trois cerveaux engendrent quatre types de comportement : comportements de consommation, de gratification, de punition et d’inhibition qui débouche sur l’impossibilité de dénouer une situation, donc sur l’angoisse.

Quand deux individus ont des projets différents ou le même projet et qu’ils entrent en compétition, il y a un gagnant et un perdant. Il y a établissement d’une dominante d’un individu sur l’autre. Il y a apprentissage de la nécessité de conserver à sa disposition un être désiré par un autre être. Et s’il veut le garder, il devra dominer.

L’histoire :

Y a-t-il vraiment une histoire ? Des scénettes au début du film, sans lien entre elles. Puis progressivement tout cela s’enchaîne et se ramène à trois destinées, prises dans leurs exigences et leurs défauts, s’enferrant dans leurs erreurs : celle d’un fils de paysan devenu directeur d’une usine de textile, celle d’un directeur des informations, menant en même temps une carrière politique et littéraire et celle d'une fille de militants communistes devenue styliste.

 

Le jeu des acteurs est périmé. L’enchaînement des deux thèmes, l’histoire des personnages et la thèse défendue par le professeur Laborit, se fait parfois difficilement. Cependant c’est du Resnay, donc un bon cinéma, quoiqu’on en pense. Il défend l’idée que l'homme n'est fait que de son contact avec les autres hommes. « Tant que l'on n'aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l'utilisent, tant qu'on n'aura pas dit que, jusqu'ici, ça a toujours été pour dominer l'autre, il y a peu de chances qu'il y ait quelque chose qui change. »

29/12/2013

L'éternité

Seules les choses temporelles peuvent nous donner une idée de l’éternité. Les concepts peuvent nous expliquer de quoi il s’agit, mais comprend-on réellement avec l’intellect ?

vie,éternité,temps,espace,présenceD’abord l’absence de temps. Chaque seconde est toujours la même seconde. Il n’y a d’ailleurs plus de secondes. Bien pire que d’imaginer un monde sans espace ou à l’espace illimité. Je suis à la fois en un point et en un autre. Mais l’espace n’existe que parce qu’il existe des objets. Sans consistance, pas d’espace. La présence crée l’espace. De même pour le temps. Sans existence, sans une présence, pas de temps. La vie, quelle qu’elle soit est à l’origine du temps et de l’espace. Pas seulement la vie humaine ou animale ou végétale, mais la simple présence de quelque chose, ne serait-ce qu’un grain de poussière d’étoiles.

Je ferme les yeux : un trou noir. Je ne suis qu’une enveloppe vide. Je perçois la différence entre le monde et moi-même, mais cela se limite à une fine pellicule transparente. Elle s’emplit aussitôt. Je reviens à moi-même. Serais-je un placard qu’on s’empresse de remplir de tout ce qui traîne ? On ferme la porte et on s’en va, sans bagage.

Cette éternité ne dure pas. Elle est tellement fugace qu’elle n’existe qu’une seconde, la première. Aussitôt après, je suis envahi d’images et la vie repart. La vie serait-elle inconciliable avec l’éternité ? L’éternité serait-elle le contraire de la vie ? Existe-t-il un lien entre l’éternité et la vie. Certainement, sinon l’éternité ne pourrait être conçue.

L’image de l’éternité : Quatre heures du matin, un lampadaire éclaire d’une lueur jaunâtre le vide de la nuit. On distingue au loin les lumières de la ville d’Annecy, au-delà du lac, une étendue lisse, sans aspérité, uvie,éternité,temps,espace,présencene coupure de l’espace. Pas un bruit, pas un mouvement, rien ne vient troubler le calme envoûtant. Derrière la fenêtre, le gel. Ici, il fait chaud. Ça permet de penser. Et l’image de l’éternité s’incruste dans le cerveau comme un rêve sans fin. Je suis aspiré par l’étendue du lac et par ces quelques lumières qui se cachent derrière. Je suis souple et ferme comme cette eau invisible qui reflète la vie. Laisse-toi faire et plonge dans ce miroir qui te raconte ce que tu es.

28/12/2013

Départ

« Il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville. »


Certains jours le monde extérieur reflète le monde intérieur et inversement. S’agit-il d’osmose, de dérive ou d’accident temporaire ?

Il se plongea dans la purée de pois, fermant ses écoutilles : les yeux d’abord, mi-clos ; puis les oreilles, épaissies par le fracas des gouttes sur le zinc ; et même le toucher, froid et glissant comme une couleuvre. Seul le goût de la pluie coulant de sa coiffure gardait un air salé, souvenir des embruns du mois précédent. Il avançait lentement, évitant les flaques, s’écartant des passants, tenant ferme sa petite mallette contenant son ordinateur.

Soudain, un corps s’empara de celle-ci, d’un geste brusque qui lui démantela le bras. « Ma mallette ! », cria-t-il à la silhouette qui déjà s’estompait dans la brume. Il tenta de courir derrière l’homme, mais celui-ci était trop vif, trop rapide et connaissait les lieux avec une certitude instinctive qu’il ne pouvait égaler. Il était nu sous la pluie, suffoquant, cherchant de l’aide qu’il ne trouvait nulle part, amnésique.

Quel effet ! Plus rien pour lui dire qui il est, ce qu’il doit faire, quels sont ses projets. S’il savait lire, il ne pouvait écrire qu’avec un clavier. Non, il n’était pas infirme. Il avait été formé à l’école du futur, à l’aide d’une tablette sur laquelle il tapota d’abord avec la main, maladroitement, puis avec un doigt, plus habile, enfin avec deux, puis trois, puis quatre, jusqu’à dix doigts. Il tapait aussi vite qu’il parlait. Ses fautes étaient corrigées fur et à mesure de leur apparition sur l’écran. Il n’avait pas de mémoire. Pour quoi faire ? Ce qu’il pensait, ce qu’il savait, ce qu’il vivait même étaient enregistrés sur son ordinateur, dans des fichiers bien ordonnés, classés par année et par thème avec un moteur de recherche associé fonctionnant par intuition et association d’idées. Il était de ces rares êtres humains qui se souviennent de tout, sans difficulté. L’école en faisait des surhommes qu’on ne peut tromper.

Pourtant, aujourd’hui, le 27 décembre 2013, il n’était plus rien. Le vide, le trou, l’absence, le noir, le saut sans bretelles. La pluie le lavait. Sa façade s’éclaircissait et l’on ne voyait rien au-delà, juste une sorte d’auréole transparente, opaque, mais sans consistance, un spectre qui se remuait sans intention.

Alors il partit la tête haute, sans hésiter, pour marcher sans fin dans une ville inconnue, jusqu’à échouer dans une nouvelle gare et reprendre un train pour on ne sait où.

27/12/2013

La nuit

La nuit, quand seule tourne
L’aiguille aigre de l’horloge
A la cadence de la course terrestre
Dans l’espace scintillant
Et que les couleurs anéanties
Se rêvent à la forme des objets
Comme un aveugle ignorant
Je te tends les bras pour retrouver
La douceur de ton visage inachevé
Et la chaleur de ton corps
Qui bat lentement dans ton repos
Au rythme éternel de la vie

© Loup Francart

26/12/2013

La chute des anges, chorégraphie du Nederlands Dance Theater

http://www.youtube.com/watch?v=VFcJ0a3aBJs


Le rythme et l’association-dissociation.

Des insectes dans une boite s’auto-affolant ou des grâces prises parfois de folie ?

Le combat de fourmis dans la forêt équatoriale !

Une beauté insolite, extra-planétaire, en rupture avec l’habituelle idée de l’harmonie. Et ce rythme obsédant, percutant, épuisant qui vous envoûte.


La chute des anges : Telles des mécaniques, elles déroulent un incessant ballet que l’on ne peut prévoir, tantôt dans un ensemble parfait, tantôt en dissociation complète. C’est surprenant, insolite, d’une beauté loufoque, mais raisonnable. Un équilibre en permanente rupture.

25/12/2013

Noël : le mystère divin

 Le Christ serait-il né mille fois à Bethléem
S'il ne naît en toi, ton âme reste solitaire.
La Croix du Calvaire tu contemples en vain,
Tant qu'en toi-même elle ne s'élève point."

Angelus Silesius (Le pèlerin chérubinique)

 

C’est toute l’ambiguïté de cette fête de Noël. Il ne s’agit pas de célébrer la naissance historique de Jésus, mais de quitter ce Moi pour laisser naître le Soi immortel. Dépècement de l’âme et naissance de la lumière intérieure !

De même qu’il faut comprendre la différence entre le Dieu de la religion et la Déité mystique inconnaissable, de même il faut accepter de ne jamais non plus connaître en toute lumière le mystère qui donne sens à la vie.

« Il est métaphysiquement impossible que l’Essence divine dans sa réalité transcendante puisse se révéler comme telle. Le témoignage de Moïse au Sinaï est là-dessus sans équivoque : « Nul ne peut voir ma face sans mourir » (Ex  32, 20).Toute théophanie (manifestation ou vision de Dieu) présente donc une ambiguïté fondamentale : elle est un Voile sur la Divinité qui veut se révéler...  L’Essence divine demeure incommunicable et inaccessible à la créature comme telle, et celle-ci ne peut connaître Dieu qu’à travers le voile de la Révélation. »

Abbé Henri Stéphane (traité XII.2)


 C’est alors qu’apparaît la nécessité de la connaissance de soi et de règles de vie qui permettront le changement. En effet, on ne se change pas soi-même ; on se met dans les conditions qui permettent à l’Esprit d’opérer le changement. Ceci suppose de comprendre ce qui s’y oppose en nous, puis de l’éliminer. Chaque tradition  spirituelle possède sa propre stratégie, véritable psychothérapie spirituelle, s’attaquant à la fois au conscient et à l’inconscient, au corps et au mental, aux habitudes et aux émotions. Cette lente descente en nous-mêmes, au-delà du personnage que nous créons et entretenons en permanence, peut être facilitée en suivant les conseils de ceux qui l’ont vécue eux-mêmes. C’était autrefois pour les chrétiens d’Occident le rôle du directeur de conscience ou confesseur. C’était le rôle des starets chez les orthodoxes. C’était aussi le rôle des maîtres soufis chez les musulmans ou encore des gourous chez les hindous.

24/12/2013

L’art authentique

L’art authentique est en soi une conquête de l’esprit ; il élève l’homme à la dignité du Créateur, fait jaillir des ténèbres du destin un éclair d’émotion et de jouissance mémorable, une lueur de passion et de compassion partageable. Par ses formes toujours renouvelées, il tend vers la vie ouverte en abattant les cloisons de l’habitude et en provoquant une manière de percevoir et de vivre. (François Cheng, Cinq méditations sur la beauté, Albin Michel, 2006 ; p. 121)


L’art, à l’égal de la mystique, est la conquête de l’inconnaissable. Il englobe la connaissance personnelle de l’artiste et celle de ceux qui contemplant ou écoutant son art se hissent à sa hauteur.

De ce dialogue réel, mais non exprimé, non traduisible en acte, émerge une nouvelle connaissance du monde, l’appréhension d’un environnement si peu semblable à ce que nous en connaissons. La vie jaillit, pure et simple, mais si réelle, si prenante, si attachante, qu’elle repousse les limites de notre compréhension, vers un nuage d’inconnaissance semblable à celui du mystique.

Pourquoi ? Un seul point commun : la création, chacune à sa mesure.

23/12/2013

La servante du Seigneur, ouvrage de Jean-Louis Fournier

J’ai égaré ma fille.
Je suis retourné à l’endroit où je l’avais laissée, elle n’y était plus.
J’ai cherché partout.
J’ai fouillé les forêts, j’ai sondé les lacs, j’ai passé le sable au tamis, j’ai cardé les nuages, j’ai filtré la mer.
Je l ‘ai retrouvée.
Elle a bien changé.
Je l’ai à peine reconnue.
Elle est grave, elle est sérieuse, elle dit des mots qu’elle ne disait pas avant, elle parle comme un livre.
Je me demande si c’est vraiment elle.

Jean-Louis Fourier a perdu sa fille, celle qu’il avait toujours connue, charmante et drôle, habillé de couleurs vives, excentrique, même parfois extravagante.
Pourtant dix ans avant, déjà, elle lui demande ce qu’il penserait si elle était religieuse. Pourquoi pas ? Donner ce que nous avons de mieux à Dieu ! Mais ce n’était qu’un mauvais rêve. Un jour, elle partit dans la pénombre avec Monseigneur. Il a étudié la théologie à la Faculté. Il écrit une histoire de la philosophie. Il parle le grec et le latin.

Le livre est la méditation enragée d’un père face à son incompréhension d’une vie autre. Elle veut être sainte. Lui veut l’aimer et la croire encore vivante.
Elle pratique maintenant l’humour rose, pasteurisé, avec de vrais morceaux de fraise.
Elle est tombée dans la layette mystique.
L’humour bleu ciel et rose bonbon, ça n’existe pas.
L’humour, c’est noir.
L’humour c’est une parade, un baroud d’honneur devant la cruauté, la désolation, la difficulté de l’existence.

Ils se téléphonent :
– Jean-Louis, tu sais que tu vas mourir prochainement ?
– Mais oui, ma fille, je le sais.
– Tu as raté ta vie.
– Certainement, si tu le dis.
– Tu as été un vieil égoïste, tu as fait du tort aux autres.
– J’ai quand  même quelques amis qui m’aiment bien.
– Ils ne t’aiment pas. Ils sont intéressés par ton argent. Tu dois normalement être damné, aller en enfer. Mais Dieu est miséricordieux et infiniment bon, il te laisse une chance.
– Enfin une bonne nouvelle.

Peut-être fut-elle réellement malheureuse avec ce père riche et content de lui. Mais il ne comprend pas :
Sectaire, ça commence comme sécateur, ça coupe. Ça coupe des parents, ça coupe des amis, ça coupe du monde professionnel, ça coupe du monde tout court.

Elle s’extasie devant les cathédrales :
C’est vrai que les artistes doivent beaucoup à Dieu. Si Dieu n’avait pas créé les pommes, Cézanne était condamné à peindre des compotiers vides.

Les souvenirs sont la seule bonne chose qui lui reste :
Tu es encadrée dans le bureau vert, une vieille photo, tu dois avoir douze ans. Je te regarde souvent. (…)
J’ai la nostalgie du passé.
On s’entendait bien avant.
Pourquoi maintenant c’est si difficile ?
On est tous les deux orgueilleux et pudiques.
On ne dit rien, on ne montre rien.
Nos sentiments sont classés secret défense.

Il crie sa rage :
Pourquoi, depuis que tu es à Dieu, tu es odieuse ?
Et Dieu lui fait peur :
La conversion, c’est un brutal éblouissement. Après un éblouissement, on ne voit plus clair, on est aveuglé, on se retrouve dans le noir, comme les lièvres éblouis par les phares d’une automobile.
Crois-tu que je sois attiré par le Dieu qui t’a éblouie ?
Il me fait peur.

Il finit :
Dépêche-toi, tout va refroidir.
Je t’attends depuis plus de dix ans.
Pour une foi, j’ai de la patience. Tu vas revenir. (…)
Dépêche-toi, tout va refroidir.
Reviens, avant que je m’en aille.

Et sa fille conclut dans une lettre :
Je faisais de l’humour noir parce que ma vie était noire, de désespoir. Maintenant, je fais de l’humour rose parce que ma vie est rose d’espérance, avec de vrais morceaux de fraise bio, de mon jardin.
L’humour rose, pas morose.
In médite et on médit des autres. Toi, pardonne-moi de le dire, tu médis et tu édites. Nous on médite et on mérite. Ça irrite ?

Un livre sévère et tendre, au gré de l’humeur de l’auteur. Il y a de curieux nuages sur ce ciel bleu : qui est Monseigneur ? Un gourou, un responsable de secte, un illuminé ou un amant théologien ?

22/12/2013

Ni queue, ni tête

Prends-tu tes jambes à ton cou
Lorsque le vers est dans la pomme ?

Te rinces-tu la dalle et joues-tu des coudes
Après avoir avalé des couleuvres ?

Du haut de ta tour d’ivoire
Tu comptes les tenants et aboutissants
Et, je te le donne en mille,
Tu n’es pourtant pas né de la dernière pluie
Ton cœur d’artichaut, peu m’en chaut !

Les doigts dans le nez et fier comme un pou,
Tu te mets sur ton trente et un
Et fais la bombe entre chien et loup.

Viendra le jour où tu fileras à l’anglaise
Après avoir payé en monnaie de singe
Celui dont l’habit ne fait pas le moine

Tu as eu le nez creux, fleur de nave
Sans prendre des vessies pour des lanternes
Bonne poire, sans te presser le citron
Tu bois du petit lait en tout bien tout honneur

Mis sur la sellette, tu tombes à pic
Trempé comme une soupe
Tu passes sous les fourches caudines
D’un être au bout du rouleau
Bien qu’il n’y ait pas péril en la demeure

Une fois encore tu as mis la charrue avant les bœufs
Sans apporter de l’eau au moulin
C’est passé comme une lettre à la poste
Et tu fais contre mauvaise fortune bon cœur
En tirant des plans sur la comète

Tu t’imagines sorti de la cuisse de Jupiter
Et il t’arrive de péter plus haut que ton cul
Mais tu as un poil dans la main
Alors, les châteaux en Espagne : évaporés ?

Je t’apporterai des oranges
Même si le jeu n’en vaut pas la chandelle
Gardes ton sang-froid et bats le chaud
Car tu ne peux être au four et au moulin

Tu n’as pas inventé l’eau tiède
Et bien que tu marches à voile et à vapeur
Tu fais long feu dans ton panier à salade
Tu tires le diable par la queue
Car tu n’as pas la science infuse

Merci tête de linotte
Demain on rase gratis
Tu auras pignon sur rue
Sans avoir droit au chapitre

Le roi n’est pas ton cousin
C’est à dormir debout
Ça tire à hue et à dia
Quelle mise en boite
Ce n’est pas une sinécure
Ne verse pas des larmes de crocodile
L’enfer est pavé de bonnes intentions
Alors… Prends tes jambes à ton cou

© Loup Francart

21/12/2013

L'évolution spirituelle

Nous ne sommes pas tous au même niveau spirituel : il existe différents stades.

Le stade un, au bas de l’échelle, je l’appellerai « chaotique/antisocial ». Il concerne environ deux personnes sur dix, dont les gens du mensonge. Tous ceux-là ne connaissent aucun scrupule, aucune spiritualité non plus. Ils feignent d’aimer les autres alors que, dans leurs relations, ils se montrent toujours manipulateurs. Leur seule motivation est de servir leur intérêt personnel, ouvertement  ou de manière détournée.

Le stade deux est le stade « formel/institutionnel ». Ceux qui l’atteignent veulent avant tout que leur vie soit régie strictement par une organisation structurée. Ils sont très attachés aux formes que prend leur confession et n’arrivent pas à comprendre que Dieu vit au fond de nous.

Le stade « sceptique/individuel » est constitué de personnes impliquées dans la société. Ils se montrent curieux, inventifs, créatifs, en quête de la vérité.

Le stade « mystique/communautaire » est celui de gens ayant découvert une sorte de cohésion sous la surface des choses. Les mystiques tentent d’élucider les mystères, tout en sachant qu’un mystère en cache toujours un autre, et que plus ils en dissipent, plus ils en rencontrent.

(D’après Scott Peck, Plus loin sur le chemin le moins fréquenté, Robert Laffont, 1993, p.117)

  

Sans entrer dans des explications qui deviendraient trop importantes pour un blog, on se rend compte que nous sommes tous un peu des quatre types à différents moments de notre vie, voire à différents moments d’une journée. Tout ceci sans nous en rendre compte. Certes, le dernier stade est rare. Il vous frappe lors d’un signe que Dieu envoie de manière indirecte et qui vous coupe le souffle. En un instant, l’immensité des secrets du monde vous frappe et vous met à genoux. Vous n’êtes rien et pourtant vous êtes le tout, unique. Mais très vite vous retombez dans les stades inférieurs, le sceptique/individuel pour les intellectuels ou le formel/institutionnel pour les affectifs. Parfois même, sans en être conscient, vous rétrocédez au stade un sur vos défauts les plus encrés.

 Oui, le chemin est long et loin, mais combien passionnant dès l’instant où vous avez compris que votre vie n’est pas ce que vous faites, mais ce que vous êtes.

20/12/2013

Hélicéchappée 6

Une nouvelle échappée ! Avec disruption en diagonale…

Elle a sa symétrie, mais elle ne s’exerce que sur une seule face et crée la dissymétrie sur l’autre.

Alors les flots coulent comme un fleuve sur une planche à clous. Une harmonie douteuse, mais réelle.

13-12-12 Hélicéchappée 6.jpg

© Loup Francart

19/12/2013

La profanation de l’information

"La dédivinisation du monde (Entgötterung) est un des phénomènes caractérisant les Temps modernes. La dédivinisation ne signifie pas l’athéisme, elle désigne la situation où l’individu, ego qui pense, remplace Dieu en tant que fondement de tout ; l’homme peut continuer à garder sa foi, à s’agenouiller à l’église, à prier au lit, sa piété n’appartiendra désormais qu’à son univers subjectif. En ayant décrit cette situation Heidegger conclut ; « Et c’est ainsi que les Dieux finirent pas s’en aller. Le vide qui en résulta est comblé par l’exploration historique et psychologique des mythes. » (…) La profanation est donc le déplacement du sacré hors du temple, dans la sphère hors religion."

(Milan Kundera, Les testaments trahis, essai, Gallimard, 1993)

La profanation, c’est l’étude de la religion comme celle d’un moment de l’histoire où l’homme fabrique les textes sacrés. On explique comment ils ont été écrits, dans quelles circonstances, avec quelle psychologie. Et ces textes perdent leur caractère sacré. Ils deviennent profanes. L’approche moderne a tué le respect en devenant humaine. Dédivinisé, le monde tourne sur lui-même, fabriquant sa propre noosphère, amplifiant sa connaissance de sa propre vision.

 Plus la cinformation,communication,like,sens,sociétéommunication enfle, plus l’information diminue. Nos politiques communiquent par tweet. C’est plus simple. Il n’y a plus de justification à donner. On s’affirme par sa communication sans informer. Appuyez sur un like et votre vie sera changée ! On mesure l’impact d’un communiqué non sur son contenu, mais sur le nombre de like. L’information véhiculée n’a plus d’importance. Ce qui compte c’est la popularité obtenue : like, like, like

 On clique et on réfléchira plus tard. On clique pour se dire qu’on n’est pas seul, tel l’adolescent en manque de camaraderie. On clique sans distinction, sans même savoir ce que signifie ce qu’on lit. Cliquer signifie seulement : Ça me plaît ! Pourquoi ? Je ne sais pas. Cela n’a pas d’importance.

 Que fait-on, qui le fait, comme on le fait, voilà ce qui importe. C’est social et convivial. Peu importe pourquoi on le fait. La profanation de l’information, c’est cela ! L’information est devenue subjective. Seule compte comment on l’utilise.

Le journalisme est mort. Nous sommes tous des communicateurs.

18/12/2013

Tout est là !

Tout est là !
Mais que te manque-t-il ?
Le sang bat dans tes veines
La conceptualisation prolifère
Le mollet reste fier
Le cœur pleure à tout va
Tu t’émeus de rien
Tu ris de tout
Tu souris de peu
Tu exploses d’émotion
Sans savoir pourquoi

Ainsi va le monde
A fleur de peau
A rebrousse poil
Dans la chair de poule...
Quels bruits pour si peu !

Silence, on tourne !
Grise-toi d’images
De cris, de faits divers

Mais oui,
Ce qui te manque
C’est toi !

© Loup Francart

17/12/2013

Le premier baiser

Et vint le jour du premier baiser.

La première sensation qu’il éprouva fut le parfum du buste de l’autre, comme un aimant qui entraînait à l’ivresse inconnue et le plongeait encore et encore dans le cou féminin, empli de senteur de fleurs, de bruissement des cheveux. Etincelles fulgurantes qui attaquaient son émerveillement pour le transformer en volcan. Le paradis à portée de main, offert dans cette apparence mouvante et délicate appelée femme.

Elle était belle, d’une beauté naissante, encore fille, presque jeune fille et sans doute déjà femme par son affirmation de soi. Elle ne s’offrait pas. Elle ne se refusait pas. Elle consentait à expérimenter ce dont ils avaient rêvé séparément, sans le dire. Tout ceci avec pudeur, n’osant regarder l’autre dans les yeux, donnant sa nuque encombrée de mèches de cheveux sauvages. Il se laissait griser par cette courbe merveilleuse, déposant des baisers furtifs sur la chair délicate et parfumée. Il ne sentait pas qu’elle faisait de même dans le creux de sa clavicule, éprouvant les mêmes sensations, la même émotion et les mêmes sentiments. Ils ne parlaient pas, n’osant exprimer ce qu’ils ressentaient, emmagasinant dans leur mémoire les perceptions, interrogeant leurs émois, construisant leur représentation de l’autre comme un géomètre dessine sa carte sur le terrain.

Jérôme découvrait la complémentarité de la vie et c’était une fête sans fin, sans bruit, comme une cérémonie sérieuse et envoûtante qui méritait toute leur attention. La féminité se dévoilait sous ses lèvres et les émanations de ce jeune buste le conduisaient dans une éternité chaude et lumineuse.

Elle se grisait de son odeur d’adolescent vif, se laissait aller dans les profondeurs de son cou, caressant ses cheveux courts, respirant lentement la peau masculine comme si elle étreignait un arbre vert. Quel embrasement stupéfiant !

16/12/2013

Les Yeux Bleus Cheveux Noirs, de Marguerite Duras

littérature,roman,livre,femme,homme,sociétéEst-ce un roman ? On ne sait. C’est au moins un livre. Les personnages : un homme, une femme. Ils n’ont pas de nom, pas d’adresse, pas de métier, pas d’état civil, presque pas de personnalité. Ils dorment la plupart du temps. Ou ils parlent de leur sommeil. Cela se passe dans une chambre presque nue : un lit, des draps, des corps… Le rêve se mélange avec la réalité. Y en a-t-il même une ? On ne sait. Si. Ils pleurent. Ils ont cette faculté unique. Ils pleurent, elle… et lui… Et leurs larmes les rapprochent inexorablement, même s’ils se refusent l’un l’autre.

Il a laissé la porte ouverte. Elle dormait, il est part, il a traversé la ville, les plages, le port des yachts du côté des pierres.

Il revient au milieu de la nuit.

Elle est là, contre le mur, dressée, elle est loin de la lumière jaune, habillée pour partir. Elle pleure. Elle ne peut d’arrêter de pleurer. Elle dit : je vous ai cherché dans la ville.

Elle a eu peur. Elle a vu la mort. Elle ne veut plus venir dans la chambre.

Il va près d’elle, il attend. Il la laisse pleurer comme s’il n’était pas la cause des leurs.

Elle dit : Même de ces chagrins-là, de ces amours dont vous dites qu’ils vous tuent, vous ne savez rien. Elle dit : Savoir de vous, c’est ne rien savoir du tout. Même de vous, vous ne savez rien, même pas que vous avez sommeil ou que vous avez froid.

Il dit : C’est vrai, je ne sais rien.

Elle répète : Vous ne savez pas. Savoir comme vous, c’est sortir dans la ville et toujours croire qu’on va revenir. C’est faire des morts et oublier.

Il dit : C’est vrai pour les morts.

Il dit : Maintenant je supporte votre présence dans la chambre même quand vous criez. Ils restent là, à se taire, un long moment tandis que le jour vient, et, avec lui, le froid pénétrant. Ils se recouvrent des draps blancs.

Est-ce un roman érotique ? Non. Quelques phrases par-ci, par-là, pourraient le faire penser. Mais rien en fait ne permet de le dire. C’est le roman d’une quête inatteignable : celle de l’autre moitié de soi-même. Et il s’agit de les réconcilier. Comment ? Sans parole, presque sans geste, sans caresse, par des allées et venues hors de la chambre jusqu’au jour de la rencontre espérée, mais non avouée.

Ils sont deux acteurs d’un théâtre de l’oubli qui obéissent à un metteur en scène qui n’existe pas :

Un soir au bord de la scène, de la rivière, dirait l’acteur, elle dirait : il pourrait se produire comme un changement de l’équipe des acteurs (…)

Eux, ils viendraient jusqu’à elle, jusqu’à son corps couché dans les draps, comme il est maintenant, avec le visage caché sous la soie noire. Et elle, elle l’aurait perdu, elle ne le reconnaîtrait plus dans ces nouveaux acteurs et en serait désespérée. Elle dirait : Vous êtes très près d’une idée générale de l’homme, c’est pourquoi vous êtes inoubliable, c’est pourquoi vous me faites pleurer.

Ils se vouvoient. Ils s’allongent l’un contre l’autre, sans se toucher. Ils se parlent ou se taisaient. Ils sont recouverts du drap ou découverts de leurs rêves.

C’est beau, mais on ne sait pourquoi.

15/12/2013

Eiffel by Fifax

"Homme de voyage, Fifax crée, avec de puissantes couleurs, un monde situé entre réalité et imaginaire. S’il dessine depuis l’enfance, son parcours s’est nourri de nombreux séjours aux Etats-Unis et en particulier à New York, cette fascinante jungle urbaine qui marie Art Déco et design futuriste.
Quand les tours de verre côtoient les bâtiments de briques, quand leur hauteur nargue les piétons, Fifax s’imprègne de cette atmosphère urbaine et nous en restitue des vues inhabituelles : penché à la fenêtre d’une chambre d’hôtel, à bord d’un hélicoptère ou d’immeubles anonymes, l’artiste traque les angles les plus audacieux, toujours baignés de la lumière si particulière à son travail. Né à Paris le 9 avril 1962." (Biographie from http://www.arielsibony.com/artistes/20-fifax)

L’univers de Fifax est un univers curieux, trouble et enchanteur, un monde fictif, mais si proche de la réalité qu’on le croit réel. Jules Verne plongé dans l'époque moderne.

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Cette exposition, qui se prolonge jusqu’au 31 décembre, met en scène Gustave Eiffel et ses fers dans l’imaginaire urbain de Fifax. Cela donne le vertige et fait rêver. La science-fiction et la technique se côtoient pour dévoiler une ville hallucinogène.

 

  

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Ce qui l’intéresse aujourd’hui, ce sont ces croisements de fers perpendiculaires ou obliques qui forment des arches et des étoiles constellées de rivets. Ils prennent des couleurs  insolites qui leur donnent des airs de fantômes. L’esprit d’Eiffel teinté de mysticisme futuriste, une véritable épopée d’un avenir à la fois lointain et passé. 

 

 

 


La symphonie du fer, reflet d’un monde moderne périssable où tout se tient par une multitude de rivets, poutrelles, aux couleurs caramel se détachant sur un ciel bleu.

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14/12/2013

Courir dans la campagne givrée

Sous un soleil d’acier
Courir dans la campagne givrée
Revêtue de paillettes d’argent
Et ne pas manquer de s’extasier
Devant le chef d’œuvre rarissime
D’une toile d’araignée
Enrobée de poudre cristalline
 
Un silence impressionnant
Un ciel bleu presque blanc
Deux pieds qui tressaillent sur la route
Et le souffle acide et glacé
Qui racle les poumons

Instant unique et merveilleux
Comme le son d’une cloche
Au fond de la vallée
Qui se disperse dans les bois
Et vient frapper l’oreille attentive

Que ton monde est grand
Et combien changeant
Ô créateur modeste et brûlant
Toi qui aère le moi chaque matin
Pour dégager le soi
Immortel, libre et unique


© Loup Francart