Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/06/2017

Un arbre

Ce n’était qu’un petit arbre
Un arbre comme les autres
Fragile à sa naissance
Puis devenu fort comme un turc
Bien que sa chair tendre
Réponde aux critères
D’une féminité doucereuse

Lorsque vous arrachez
Ses pousses abondantes
Il s’’en dégage une odeur
Persistante et violente
Que vous ne pouvez définir
Elle envahit votre intimité
Elle trahit votre perspicacité
Vous la rejetez, trop prenante
Et attirante malgré tout
« Reviens-y » semble-t-elle dire
Et pourtant elle pue !

A ses pieds poussent et repoussent
 Ses petits, d’un vert tendre
Presque jaune, aux pieds fins
Vous le tirez en biais
Et tout reste dans la main
Une petite boule blanchit
Qui ne s’attache à la racine
Que par l’opération de l’esprit

Dans cet état indolore
Il est simple de l’éliminer
Mais quelques jours plus tard
Le nourrisson revient
Avec assurance, heureux
De vous montrer sa vitalité
Me voici, semble-t-il dire
Étonné, rageusement
Vous lui donnez le coup de grâce

Mais il revient, perspicace
Jusqu’à ce que vous laissiez
De guerre lasse ou par inadvertance
Une pousse bien cachée
Envahir votre espace
Préoccupé par d’autres tâches
Vous ignorez sa puissance virtuelle
Mais un jour de printemps
Il devient arbre réel, envahissant
Au bois dur et flexible
Un arbre réel et rugueux
Bien qu’encore en culottes courtes
Il se moque de vous
En vous regardant dans les yeux :
« Tu vois, dit-il, je suis là ! »
Alors vous décidez de le garder
Pour voir comment il pousse
Et ce qu’il deviendra

Vous n’y pensez plus
Jusqu’à l’automne
Jour de grand ménage ou jardinage
Où est-il ce petit arbre ? vous interrogez-vous
Vous vous appuyez sur un tronc
Sans savoir qu’il est là
Sous votre main, fermement
Établi dans sa robustesse
Ligneux, épanoui, jovial
Étincelant de santé
Aux feuilles bien découpées
Que vous brisez par inadvertance
Et qui repousseront patiemment
Sans cri ni esclandre
Parce que c’est sa tâche
Vivre toujours quoi qu’il arrive
Et décourager l’humain
Trop impatient et indécis
Que faire de ce rejet
Qui sourd des entrailles
D’une terre chaleureuse
Qui donne tout ce qu’elle a
Et même plus encore !

©  Loup Francart

02/02/2015

Le palais de Pena à Sintra (Portugal)

Sintra est une petite ville pleine des mystères du passé. D’une géographie compliquée, elle nous permet d’entrer dans l’atmosphère du romantisme du XIXème siècle. Les princes, et ceux qui avaient fait fortune, bâtissaient de merveilleux jardins et des palais des mille et une nuits. C’est le cas de Pena, château royal qui domine Sintra de sa mousseline colorée, caverne d’Ali Baba à l’intérieur bourgeois.

Cette étonnante construction fut achevée en 1885 par la volonté de Ferdinand de Saxe Cobourg-Gotha, régent du royaume et se caractérise par un mélange de style assez détonnant (gothique, baroque, Renaissance mauresque, manuelin) qui en fait un bâtiment exubérant, conservant également quelques parties de l’ancien monastère.

Une entrée extraordinaire, un arc de Triton orné de féroces monstres marins,

puis le cloître qui appartenait au monastère d’origine

ou encore la chapelle

Des salons extravagants

Gardés par des personnages rocambolesques

Malgré tout, une intimité bourgeoise sympathique

Et un parc de 200 ha dans lequel on voudrait passer la nuit pour errer devant chaque trouvaille décorative et en particulier le chalet de la comtesse Edla.

28/09/2013

Le Pré Catelan, dans le bois de Boulogne

C’est au capitaine des chasses de Louis XIV, Théophile Catelan, que nous devons l’origine du nom du jardin. Mais la légende l’attribue à un troubadour du nom d’Arnault Catelan, qui y aurait perdu la vie, alors qu’il apportait des présents à Philippe le Bel, de la part de Béatrice de Savoie, comtesse de Provence. Autrefois simple pré d’où l’on extrayait les pierres qui sont venues paver les allées du bois de Boulogne, il s’est transformé à la fermeture des carrières en parc d’attraction. C’était un lieu plein de vie où l’on venait boire du lait frais dans la laiterie, écouter des concerts, faire quelques promenades en vélocipède ou des tours de manège. Mais les cris de joie se sont évanouis avec la guerre de 1870 et les affrontements de la Commune. (From : http://equipement.paris.fr/pre-catelan-et-jardin-shakespeare-2780)

Peut-on encore parler de lieu plein de vie ? Peu de personnes s’y promènent, et elles n’y marchent qu’à pas compassés. Le silence y est impressionnant.

Pré-Catelan 1.JPG

On croise quelques vieillards emmitouflés, deux ou trois couples d’amoureux, le plus souvent couchés dans l’herbe moite et quelques célibataires lisant le journal dans la clarté du soleil.

Pré-Catelan 2.JPG

Attention, ne pas le confondre avec le jardin de Marcel Proust d’Illiers-Combray, site romantique dit le « parc de Swann ».

Ce jardin a la beauté du paradis. Mais le paradis de nos grands-parents. Bien coupé, bien entretenu, il semble sorti des malles naphtalinées débarquant d’une diligence. Les femmes en robe longue et ombrelle colorée déambulent sur les sentiers, les hommes, rares, promènent leur canotier et canne de bambou, les enfants jouent au cerceau, courant à petits pas sans jamais se salir. Le paradis des enfants sages, bien brossés, feutrés comme leurs culottes de peau. 

Pré-Catelan 3bis.JPG

Les arbres y resplendissent dans le soleil d’automne. Verts et fiers, ils se penchent sur la rivière qui coule lentement, bordée d’une allée de graviers. A l’image des promeneurs, ils commencent à jaunir, atteints par l’ardeur du soleil. Mais cette vieillesse latente apporte le romantisme attendu d’un tel lieu.

Si vous suivez la rivière, sortant du pré très boisé, vous tombez sur une sorte de jardin japonais grand comme un mouchoir de poche, mais si crevant de vérité qu’on le croirait débarqué de l’Orient immuable. Que fait-il là comme ayant poussé sans aide ni intention ?

Pré-Catelan 4bis.JPG

23/05/2013

Jardin Albert Kahn : la forêt vosgienne (2ème partie, suite du 10 mai)

Poursuivons notre promenade dans le jardin d’Albert Kahn. Quelques pas et nous passons d’un jardin japonais à la forêt vosgienne. Certes entre les deux il y a un jardin à la Française bien ordonné, bien aligné entre les cordons imaginaires d’un architecte maniaque. Mais un pas de plus vers les arbres et nous sommes terrassés, immergés dans le massif des Vosges, ses sapins, ses rochers, ses étroits chemins encaissés.

Forêt vosgienne (5).JPG

 

Forêt vosgienne (6).JPG

 Pas besoin de fermer les yeux, d’écouter le chant des ruisseaux dévalant des hauteurs. Les yeux ouverts, le regard incrédule, vous errez dans ces paysages étonnants dans le bruit perceptible de la circulation parisienne. 

Forêt vosgienne (7).JPG

 La forêt vosgienne, créée sur une parcelle acquise en 1902, est directement liée à la vie d’Albert Kahn, originaire de la ville de Marmoutier dans le Bas-Rhin. Il a souhaité reconstituer, là, un décor montagneux, chargé de souvenirs d’enfance volés par la guerre de 1870. Les deux versants, lorrain et alsacien, du massif des Vosges y sont aujourd’hui représentés. 

Selon les témoignages, de gros blocs de granit et des arbres déjà de grande taille ont été transportés des Vosges par wagons spéciaux et ont obligé à démonter momentanément les fils électriques du quartier durant leur installation.

(Source : http://albert-kahn.hauts-de-seine.net/les-jardins/les-differents-jardins/foret-vosgienne/)

Forêt vosgienne (2).JPG

 Un dépaysement certain à la porte de Paris. Qui eut cru être ainsi plongé au cœur de la porte de la France alors qu'il se trouve au milieu.

10/05/2013

Jardin Albert Kahn, le jardin japonais

Albert Kahn était banquier. D’origine alsacienne, il s’appelait en réalité Abraham Kahn. Né en 1860, il est mort à Boulogne en 1940, ruiné par le krach boursier de 1929. Dès le 10 février 1887, Albert Kahn écrit à Bergson : « cela va assez bien en ce qui concerne les affaires mais, vous le savez, ce n’est pas mon idéal {…} ». L’homme mûr, le banquier qui a réussi, va donc consacrer sa vie et sa fortune, entre 1898 et 1931, à l’établissement de la paix universelle.  Il s’installe au numéro 6 du quai du 4-Septembre en 1893. Il y loue, avec promesse de vente, un hôtel particulier. Cette maison, construite en brique et en pierre, s’ouvre largement sur la colline de Saint-Cloud. Jusqu’en 1910, il constitue patiemment le terrain de son jardin en achetant progressivement diverses parcelles, puis en les assemblant. Cette démarche conduit à la création d’un genre de jardin bien particulier au XIXe siècle : le jardin dit « de scènes ». Chaque acquisition permet à Albert Kahn de créer une nouvelle scène. Chacune d’elles apparaît comme une référence à des courants de l’art des jardins au XIXe siècle : le style « régulier » dans le jardin français, le style « paysager » dans le jardin anglais, le « japonisme » dans le jardin japonais, puis il prolonge avec la forêt bleue, la forêt vosgienne, la forêt dorée.

nature,environnement,japon,jardin,zen

En 1989, le département des Hauts-de-Seine a souhaité rendre hommage à la vie et à l’œuvre d’Albert Kahn par la création d’une œuvre paysagère contemporaine. Ce jardin japonais, conçu par le paysagiste Fumiaki Takano, est une métaphore de la vie d’Albert Kahn. Un nouveau jardin japonais a été implanté à la place de celui qu’Albert Kahn avait créé en 1908-1909. Il ne subsiste plus rien de l’ancien jardin excepté le grand cèdre de l’Himalaya et le hêtre pleureur sur le petit îlot, les deux ponts, ainsi qu’un portique en bois donnant sur le verger.

Cette création contemporaine rend hommage à la vie et à l’oeuvre d’Albert Kahn, en souvenir des liens étroits qu’il entretenait avec le Japon. La symbolique de cet espace suit trois axes essentiels, se joignant tous en une pierre centrale :

·         l’axe de la vie (Yang), symbolisé par la rivière et par les constructions coniques en relief ;

·         l’axe de la mort (Yin), représenté par les constructions en cône inversé ;

·         l’axe féminin - masculin, déterminé par le hêtre et le cèdre.

Cette symbolique reprend le principe fondamental du Tao, celui de la complémentarité dans l’opposition pour former un tout.

(Source : http://albert-kahn.hauts-de-seine.net/)

 Mais promenons-nous dans ce jardin japonais qui est exceptionnel et particulièrement dépaysant.

On débouche sur un jardin perdu au milieu des immeubles, mais sa construction en forme de bol, dont les bords dominent la partie centrale où se trouve l’étang aux carpes permet de trouver dans ce petit espace qui fait tout de même un hectare une paix très orientale. Seul le bruit des voitures, incessant, trouble cette quiétude.

Une très bonne description de ce jardin se trouve sur le site Albert Kahn à l’adresse suivante : http://albert-kahn.hauts-de-seine.net/les-jardins/les-differents-jardins/jardin-japonais-contemporain/

 

nature,environnement,japon,jardin,zen

 

nature,environnement,japon,jardin,zen

 

nature,environnement,japon,jardin,zen

 

nature,environnement,japon,jardin,zennature,environnement,japon,jardin,zen

 

 

 

 

Une après-midi sereine, au soleil du printemps, parmi les cerisiers en fleurs, n’est-ce pas le début du paradis ?

Tentez cette découverte, vous ne le regretterez pas !

08/04/2013

Jardin des serres d’Auteuil : voyage équatorial

P1010049.JPG

Ce jardin date de Louis XIV qui le fit construire en 1761. Organisées autour d’un parterre à la Française, cinq serres donnent sur cet espace dégagé.

 

Malheureusement, le boulevard périphérique l’ampute d’un tiers en 1968. Le projet d’agrandissement des stades de Roland-Garros le remet en cause P1010129.JPGà nouveau.

Que deviendront les collections de plantes rares (plus de 6000 végétaux organisés en collections thématiques) ? Et démolira-on les deux pavillons aux portes curieusement chinoises pour faire place au sport lucratif ?

 

Hier, promenade dans les jardins et visite des serres, chaudes, encombrées, parfois fermées, toujours impeccablement tenues. Au dehors l’air est frais. Vous entrez dans une serre et vous vous sentez serré (logique, n'est-ce pas?),P1010005.JPG voire oppressé, par la moiteur étouffante de plantes qui vous narguent : « Entre si tu le souhaites dans notre antre, mais tu restes un étranger qui n’a droit à aucun mouvement intempestif ! » Elles foisonnent ces plantes. Elles semblent s'être développées au-delà des limites possibles, envahissant leurs supports, se mélangeant les unes aux autres, exhumant des senteurs sourdes et occultes qui font monter au cerveau le souvenir d’une vie végétative et tenace, celle des premiers hommes emprisonnés dans les forêts primaires.

 

P1010018.JPGLa grande serre, majestueuse, dresse ses arceaux de fer et de verre sur les carpes du Japon qui baignent dans l’eau trouble d’un bassin : rencontre en un point des trois dimensions où la vie s’écoule au rythme des battements de queue. Une vraie forêt vierge, mangrove miniature aux racines entrecroisées. Vous êtes happé par la mP1010036.JPGarée végétale qui envahit votre espace vital. Vous ne respirez plus. Vous devenez plante !

Sous la grande verrière, le palmier déploie ses membres en arabesque. Celle-ci semble grandir avec l’arbre.

 

Un jardin zen, dans une autre chapelle (c’est ainsi que sont P1010056.JPGbaptisés certaines serres. Pourquoi ?), amoureusement ratissé, vierge de prolifération, insolite dans cet envahissement de feuilles, troncs, racines et senteurs. On y respire avec aisance, on s’y promène avec charme, on admire cette luxuriance organisée qui laisse place au vide créé pour mieux l’admirer. Le minéral côtoie le végétal. C’est un plus appréciable !

P1010095.JPG

La chapelle des orchidées : choyées, elles vous accueillent tendrement, sous leur meilleur jour, dans la lueur diffuse des brumes du soleil levant. Oui, vous êtes bien sur une autre planète, sauvage et inquiétante.

 

 P1010025.JPG

 

En un instant, vous suffoquez. Trop, c’est trop ! Quel envahissement. Vous mangez la verdure, elle pénètre dans vos poumons, elle vous entoure de ses bras puissants, elle entre dans votre système olfactif, elle obstrue votre système auditif, elle trouble votre vision de gouttelettes qui coulent le long des vitres. C’est assez, sortons !

 

Vous vous retrouvez dehors, décalé, perdu, refroidi, respirant à grandes ventilations un air pur malgré les voitures qui passent à proximité du parc. Quelle drôle d'échappée sous d’autres horizons !

P1010132.JPG

14/11/2012

Le jardin des Batignolles

Il n’est pas grand, perdu entre les voies ferrées de la gare Saint Lazare et la banlieue. C’est pourtant un havre de paix dans ce Paris tourbillonnant et bruyant.

Il y a un mois, je pénétrais dans ce jardin mystérieux. C’était encore presque l’été. Plongée dans la campagne.

Batignoles1.JPG

Le quasi silence, la chaleur du soleil filtrant à travers les arbres, l’eau qui coure vers l’étang au travers des herbes folles, le gardien avenant toujours fier de sa propriété, tout concoure à un dépaysement bienveillant.

J’ai parcouru ce paradis en état d’apesanteur, flottant dans un sentiment d’irréalité. Qui pourrait imaginer qu’à 50 mètres derrière ce coin bucolique se cache la géométrie absconse des chemins de fer français ?

Batignoles11.JPG

Pénétrant au cœur du jardin, on se découvre une âme de poète à petit prix. Il manque juste quelques baigneuses de Corot ou de Henner pour s’imaginer au paradis d’Allah. 

Batignoles10.JPG

Batignoles3.JPG

 

Suivre le sentier le long de la rivière, s’essayer à quelques pas de danse,

 

Batignoles4.JPG

 

 

 admirer cette réplique insolite du mobilier arborescent des jardins japonais,

 

 

  

Batignoles7.JPG

 

éprouver l’étrange vision de vautours guettant le passage de poissons dans l’eau trouble,

 

quel repos !

 

 

 

 

27/03/2012

Le jardin du Panthéon bouddhique

 

 

Il se situe avenue d’Iéna, à deux pas du musée Guimet dont l’immeuble est une annexe.

C’est bruyant. Il y a deux écoles à côté et c’est l’heure de la sortie des PB 58.JPGclasses. Mais dans ce jardin minuscule, au plus 25 x 25 m, quelle paix. On est dans un autre monde, et ce monde, je l’ai pour moi tout seul. Après un premier tour de reconnaissance, je m’assieds au pied des marches du perron. Il y a là une colline, toute petite, une bosse au plus, sur laquelle se tient le salon de thé, un simple pavillon de style japonais. Il tient au moins un tiers du jardin. On y monte par des dalles de pierre disjointes, de simples rochers formant des marches.

PB red 49.JPG

Dans l’autre partie l’eau coule par escaliers, entre les rochers, les ponts de bois, parmi les îlots de verdure, dont, bien sûr, les bambous ramassés en petites, très petites, forêts.

 

Le jardin contient tout ce que contient normalement un jardin japonais : la lanterne traditionnellement en pierre, de petits arbustes, les rochers évidemment, choisis avec soin pour leur forme et leur taille, PB red 52.JPGde petits chemin de PB red 55.JPGterre avec des passe-pieds en pierre, le bassin d’eau recouvert de pierre de gué, sorte de pas dans la partie supérieure, les galets entassés, et de ponts de bois enchevêtrés avant l’étendue lisse d’une mare qui ne fait pas deux mètres sur deux. Les arbres sont en partie taillés pour laisser passer le regard et donner une impression de légèreté authentiquPB red 56.JPGe. Il manque cependant une chose, le sable ou le gravier parfaitement ratissé en arrondis savants et reposant pour l’œil.

 

 

Contrairement au jardin occidentaux et en particulier français, le principe d’asymétrie domine. Il donne des points de vue différents selon la place du spectateur, augmentant ainsi l’espace. Les jardins japonais idéalisent la nature en la miniaturisant. Heureusement d’ailleurs, par ce que celui-ci est un jardin de poche. Mais n’est-ce pas merveilleux déjà de disposer d’un tel lieu dans Paris ?

 

De l’intérieur du musée, bouddha, dans sa majesté, médite et veille sur le jardin, assis sur sa fleur de lotus.

 

 

PB red 35.JPG

 

08/05/2011

Jardinage

 

C’est la période du jardinage, période souhaitée et appréhendée en même temps, qui contraint, pour l’entamer, à un effort supplémentaire rien qu’à l’idée d’être fatigué en fin de journée. Et pourtant que nous réserve-t-elle cette journée !

 

Lorsque la décision est prise, il convient de se détacher de ce que nous voulons faire pour en jouir plus aisément. Premier constat : une après-midi chaude, orageuse, même s’il n’y a pas de tonnerre, ni bien sûr d’éclair. Trois heures de silence ouaté, invisible et pourtant présent, sentant la terre chaude et mouillée et le suc des plantes que l’on arrache ou que l’on met en terre. Engourdissement de l’esprit dans un travail simple, simpliste même, mais relaxant et recentrant sur l’essentiel de la vie, le contact avec soi-même et avec le monde sans contrefaçon. La terre, sèche parfois, comme une poussière de grenier, ou encore arrosée et collante aux mains que l’on essuie sur son pantalon, choisi en raison de sa vétusté. L’eau, indispensable et prolixe, rajeunissement gratuit des plantations, qui s’infiltre avec lenteur parce qu’elle est bu progressivement au long de sa coulée par un sol aride et avide. Pas de musique, non, même si un prélude Bach vous courre dans la tête à certains moments, comme un souvenir perdu qui se rappelle à vous. Rien que cet écrasement du corps devant la lenteur, la chaleur, la pesanteur, l’immobilisme, la lourdeur même, de ce terroir que vous palpez, retournez, triez jusqu’à le caresser et même le câliner.

 

Alors vous sortez les géraniums un à un de leur pot de plastique imitation terre cuite (les marchands savent bien ce qui attire le client !). Trois jours de plus dans la boutique et ils mourraient de manque de d’eau. Vous creusez dans le terreau l’emplacement de la plante et la placez en l’entourant d’humus comme un jeune marié enlace sa promise un soir de noce. L’eau, à nouveau, qui doit surprendre les racines de leur velouté, pénétrant leurs pores pour remonter vers les tiges et leur redonner la fraicheur tant attendue d’un nouveau décor. Survient subrepticement quelques gouttes de pluie, légères comme les notes d’un piano un après-midi de printemps jouant la valse lente et charmeuse de bals populaires. Cela rafraichit et ravive la pensée qui s’effaçait dans la lourdeur de l’atmosphère. Les idées plus claires vous aident à disposer les pots de manière harmonieuse à l’œil : celui-ci à tourner vers la gauche pour faire ressortir la fleur éclose, mais pas encore épanouie, celui-là à retourner pour cacher la fêlure de la terre cuite, enfin ce grand dadais qui a poussé de manière excessive et dont il faut cacher un feuillage trop important au regard de sa floraison. Vos mains sont noires, les ongles boursoufflés de terre, vous relevez les manches de votre pull over avec l’avant bras opposé, par frottement, et vous vous contentez de renifler pour ne pas sortir votre mouchoir.

 

Vient le moment où l’échafaudage des actions s’écroule. Vous avez fini votre après-midi jardinage. Le soleil a atteint le toit de la maison d’en face et va plonger le jardin dans une ombre obscure qui lui donne un deuil léger, comme celui d’un rêve éveillé que l’on voit partir sans impatience, mais avec un sentiment de tristesse et de nostalgie. Vous levez le regard sur le ciel mi-couvert et pensez à ces quelques gouttes de pluie reçues qui vous ont rafraichi sans toutefois vous rassasier.

 

« Il va pleuvoir cette nuit, tant mieux », pensez-vous en guise de mot de la fin.