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20/08/2021

Culinaires (symphonie nippone : photos Gildas de La Monneraye)

 

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La finesse entre en soi, avec magie
Mille odeurs enchantent l’être
Et le cuisinier pourfendeur de parfum
Se terre modestement dans sa cuisine
Pendant que ses acolytes serviables
Assène les clients de leur savoir-faire
Jusqu’à l’épuisement d’une chorégraphie
Développée pour le bien-être des papilles
Les habitués poursuivent leur fantasme
Les étrangers tâtent du bout des lèvres
Les intimes échangent des mots doux
Dans l’ombre de leurs désirs

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12/08/2021

Transports (symphonie nippone : photos Gildas de La Monneraye)

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Le bruit et la fureur réglés
Ils vont et viennent mécaniquement
Préoccupés de leur être extérieur
En résonance de journées affairées
Mais au fond d’eux-mêmes
Le corps pressé entre deux stations
Dans un immobilisme libérateur

 

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11/08/2021

Uniformes (symphonie nippone : photos Gildas de La Monneraye)

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En marche ou rêveur ou même immobile
Ils se complaisent dans leur apparence
Mais ils savent aussi qu’ils ne sont rien
Si, rentrés chez eux, ils ne se dépouillent pas
De cet uniforme qui cache leur être intérieur 
Et ne les enjolive qu‘un court instant de vie

10/08/2021

Cols blancs (symphonie nippone : photos Gildas de La Monneraye)

japon,élite,silence

Ils sont cols blancs et proprets
Errants, solitaires ou groupés
Au milieu des paysages urbains
Dans le brouillard de la société
Environnés de leur silence intérieur

Va ! Avance dans ta vie
N’écoute pas les bruits de l’usure
Qui emprisonnent ton corps
Pourfend ta solitude intérieure
Et sois le même quel que soit le lieu

Pénètre-toi du silence 
Deviens l’aphasie flegmatique
De l’être intérieur sans mémoire
Et marche sans crainte ni reproche
Vers ton accomplissement à découvrir

15/07/2021

Terre nourricière (symphonie nippone : photos Gildas de La Monneraye)

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La vie ancestrale cachée 
Derrière la fée électricité
Et les boitiers-logements 
Par le voile des brulis 

A côté, le temps s’est arrêté
Sous l’arbre séculaire
Abritant une stèle de pierre
Ainsi repose l’âme duale
Du Japon

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13/07/2021

EAU (symphonie nippone : photos Gildas de La Monneraye)

 

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Tu es eau, pure, à soixante pour cent
Tu n’es cependant pas transparent
Ton œil, mouillé, ne voit pas la larme 
Et ainsi l’eau, qui huile son charme

Pourtant tu aimes le soleil asséchant
Qui t’enlace tendrement dans le couchant
Et le feu que l’eau vainc facilement
Ou qui l’épuise subtilement

L’eau t’entraîne vers les rivages
Où tu contemples l’horizon sauvage
Frontière du liquide et du rêve

Là, tu erres en mal d’existence
Ne sachant où choisir ton inconstance
Là, la solitude t’épouse sur la grève 

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12/07/2021

Bonheur fragile (symphonie nipponne, photos Gildas de la Monneraye)

 

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L’élégance des sans soucis...
Le jeu enchante leur vie
Loin de la poussière du monde
Le green tient lieu d’échappée
Le rire résonne sans écho
Le vide emplit l’instant
Sifflet ! ils courent après leur bonheur !

 

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10/07/2021

Solitude (symphonie nipponne, photos Gildas de la Monneraye)

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L’immensité de la solitude humaine
Ne remplace pas les moments de gaité
Ou de déséquilibre des situations
Rien ne fera revenir l’entente
Entre les générations et les sexes
Chacun vit sa vie dans son cercle
Affairé de bonheur et de sommeil
Ou prisonnier d’un bain de société
Qui contraint à faire semblant
D’être marié à tous sans distinction
Tout en étant loin des élans du cœur 
Plonge ton nez dans le journal
Pour y lire ta vie et t’en délecter
Ton croit être du monde
Mais déjà tu erres dans la profondeur
Du désordre humain

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09/07/2021

Tranports (symphonie nipponne, photos Gildas de la Monneraye)

 

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Enjambe ponts et passerelles
Entre les cubes et les tours
Cours derrière les autres
Sans les voir ni les regarder
Demeure en toi-même
Et sent la profondeur s’installer

Dissolve-toi entre les êtres
Laisse courir en toi le courant
Qui ouvre la respiration
Et la vibration de l’entre-deux

Alors tu passeras, droit
Dans ton être intérieur
Pour rejoindre ce Soi 
Qui se veut libre de toute agitation

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01/07/2021

Infini (symphonie nippone : photos Gildas de La Monneraye)

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Le geste plein d’espoir,
Nous avancions sur la grève rocailleuse,
Entre l’air et l’eau, vers le ciel et la mer,
Accompagnés des cris hostiles des oiseaux.
Nous trébuchions sur le sol visqueux
Et tes pieds nus s’enfonçaient dans le granit.
Nous devions ensemble tirer dessus
Pour les ressortir gris et poisseux,
Et je les essuyais avant de repartir. 
Le ciel était descendu sur l’horizon,
Jusqu’à toucher nos fronts de sa voûte poussiéreuse,
Et nous nous courbions un peu plus sur la pierre 
Escaladant avec peine de rondes roches gluantes
Qui gémissaient à l’atteinte de nos ongles crispés.
Ta main parfois m’enserrait la taille. 
Je goûtais la morsure de tes doigts sur ma chair
Qui faisait tressaillir les muscles.
Nous marchions depuis le matin, sans nourriture,
La langue sèche, l’œil fiévreux,
Et le soir ne voulait pas tomber.
Où d’ailleurs aurions-nous pu nous étendre ?

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28/06/2021

Infini

L’infini n’a rien, 
Ni commencement ni fin
Il ne contient rien 
Et contient tout

Imagine un point
Si petit, si petit
Qui enfle et grossit
Et devient tout

Non, je ne peux l’imaginer
Puisque j’en fais partie
Je ne sais où je suis
Et encore moins ce que j’y fais

Celui qui m’a créé
Me regarde-t-il comme une fourmi
Ou sans considération de temps et d’espace
Son regard ne voit-il que moi ?

Et moi-même je ne me vois pas
Car je suis derrière le hublot
Rêvant à un monde sans consistance
Qui s’éloigne à grands coups d’ailes
Mais qui regarde qui ?
Le point est-il sans fin ?
Y a-t-il une fin visible ?
Suis-je moi-même infini ?

27/06/2021

Enfance, entre réalité et rêve (symphonie nippone : photos Gildas de La Monneraye)

 

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Superman atterrit !

Personne ne fait attention à lui. Il ne fait plus peur.

L’habitude conduit l’imagination à l’indifférence.

11/06/2021

Charretée (symphonie nippone : photos Gildas de La Monneraye)

 

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Tous, en charretée,
Oui, c’est la modernité,
Et sans parapluie !

 

09/06/2021

Un nouveau livre ? (symphonie nippone : photos Gildas de La Monneraye)

La page d'hier est peu explicite : de quelle vie ordinaire parle-t-on ?

Il s'agit de la vie ordinaire des Japonais et d'un livre dont l'intérêt serait l'image et la parole mêlées. Écrit à deux, voici ce qu'en dit le photographe, mon co-auteur, qui a passé plusieurs mois au Japon :

Je vois l'ensemble comme une histoire où chaque image se connecte entre elles effaçant, par la même, l'intérêt singulier de celle-ci. L'écriture ne sera pas l'explication de cette histoire ni même l'histoire. J'ai, indéniablement, construit ce livre selon ma vision de raconter le Japon. Je fais naître mon histoire que j'ai voulu, par ailleurs, universelle. 

Les questions que je me posais lors de ce projet au Japon ont toujours été avec l'objectif de représenter le Japon en restant proche de l'ordinaire. Cet ordinaire qui est pour moi la plus belle façon de retranscrire notre réalité : crue, familière et anonyme. 

Ce livre parlera aux personnes extérieur du Japon qui porteront un regard de découverte sur la culture d'une façon de vivre dans un décor qu'ils connaissent peu ou pas du tout. Malgré tout, une vie ordinaire commune à toute à chacun, même à l'autre bout du monde, avec des influences bien différentes. Et lorsque les Japonais regarderont le livre, loin des clichés cartes postales, ils poseront un regard critique sur leur propre façon d'être même si l'histoire est vue par un étranger occidental.

Je suis parti à travers plusieurs régions au Japon en utilisant la marche pour me déplacer. Je souhaitais vivre les journées à une vitesse plus lente et ainsi pouvoir observer le rituel journalier de la population tout en évoluant dans des paysages différents selon la route prise. Cela m'a permis de voir aussi bien les enfants se rendant à l'école ou jouant, les parents face à leurs responsabilités pour la famille, les jeunes plus avancés dans les études ou entrant dans la vie active, les travailleurs confirmés, ceux mis de côté et bien sûr les personnes âgées retraitées ou pas. La logique naturelle s'est donc tournée vers une chronologie générationnelle. 

Les strates de la société, des classes sociales sont l'objet de mon vagabondage au milieu d'eux, en évitant le plus possible des clichés "idéalisants". 

Je porte aussi une importance à l'environnement dans lequel les gens évoluent. Il existe un lien évident entre les hommes et l'espace naturel qu'ils façonnent. Il est intéressant de voir comment se développe l'espace naturel au gré de l'avancée matérielle, technologique et sociologique de l'Homme. 

La photographie m'intéresse, pas forcément dans sa technicité mais plus par son pouvoir de traverser le temps et de documenter des comportements d'une civilisation à un moment T. C'est un document, que certains aiment définir pour l'Histoire de l'instant. Je pense par exemple à August Sander sur la thématique "Hommes du XX siècles" avec comme credo "voir, observer et penser". Son corps de travail est ce pourquoi je fais de la photographie.

Immergé quelque mois dans le Japon, n'est ce pas une perspective intéressante ?

Alors vous verrez, de ci de là, des extraits de cette promenades au Japon: Photos + textes poétiques. A bientôt.

20/01/2019

Japonaiserie

 

11-03-13 Japonaiserie VD1.jpg

Blessure à la hache

souffrance sans réserve

Souffle fugitif

©  Loup Francart

 

02/12/2017

L’annulaire, un roman de Yoko Ogawa

Le livre pourrait s’appeler le mystère du laboratoire de spécimens. La jeune filroman,japon,littérature fantastiquele qui y travaille a eu un accident dans la société qui l’employait auparavant. Elle a perdu le bout d’un doigt dans un engrenage. Ici le travail est plus simple, mais sait-elle réellement à quoi il sert ? Son propriétaire recueille des spécimens qu’amènent les gens et les conserve avec une préparation en laboratoire auquel elle n’a pas accès. Ils sont ensuite étiquetés et placés sur des étagères dans diverses salles. A quoi servent ces spécimens ? Il est difficile de leur trouver un but commun. Les raisons qui poussent à souhaiter un spécimen sont différentes pour chacun. Il s’agit d’’un problème personnel. Cela n’a rien à voir avec la politique, l’économie ou l’art. En préparant les spécimens, nous apportons un réponse à ces problèmes personnels. Vous comprenez ? explique M. Deshimaru, le propriétaire du magasin laboratoire.  Un visiteur arrive avec l’objet qu’il veut faire naturaliser. Après les formalités d’usage, vous le prenez et j’en fais un spécimen.

C’est ainsi qu’un jour, une jeune fille vient faire naturaliser un morceau de musique. Pas la partition, la musique elle-même. Pour cela, M. Deshimaru fait appel à une vieille demoiselle qui jouera la partition et le tout sera enfermé dans un tube de verre fermé par un bouchon de liège. Le même jour, M. Deshimaru lui offre une magnifique paire de chaussures qui s’ajuste parfaitement à ses pieds et les lui met aux pieds avec des mains caressantes. Elle doit les garder et il détruit les anciennes chaussures. Ils prennent l’habitude de se retrouver dans la salle de bain du magasin pour discuter, puis pour s’aimer étroitement dans la baignoire. Une autre jeune fille débarque un matin. Elle veut conserver un spécimen de sa brûlure sur une joue. Elle passe dans le laboratoire avec le propriétaire, mais ne ressort jamais. Qu’est-elle devenue ?

D’autres péripéties s’échelonnent au long des pages. Laissons-les là pour que vous les découvriez. La fin est-elle une fin ? L'assistante veut aussi son spécimen, c’est-à-dire le bout de son doigt. Elle prépare le tube, les étiquettes et va frapper à la porte du laboratoire. C’est ensuite à votre imagination de finir le roman selon votre personnalité.

Une atmosphère pleine de mystère au travers de descriptions très matérielles et pratiques. C’est une sorte de rêve éveillée, une histoire simple, si simple que l’on se demande ce qui transforme le récit en un conte énigmatique dont le déroulement vous envoûte.

 

15/07/2017

Divination by Snow (Adagio), de Takashi Yoshimatsu

https://www.youtube.com/watch?v=whbaUjWPax4


Quelques flocons de neige sur le zinc de la perception, qui tombent telles des perles dans le silence de la nuit. Une phrase musicale ouverte, comme une interrogation, suivi d’un rêve coloré, mais très bref, qui résonne dans la tête avec insistance, puis s’organise avant de disparaître. Une tempête se lève, protestation de l’humain devant la vie naturelle qui la surpasse. Le calme réapparaît, plus lancinant, plus bref aussi, comme une petite mort et une ouverture vers un autre lieu, un autre état, ignoré, mais attirant.

La fraîcheur caractérise le morceau, presque un froid qui vous prend le cerveau en premier lieu ; puis le plongeon de l’acier trempé qui vous secoue et vous entraîne dans un cataclysme, avant de revenir au repos dans la poudreuse. C’est une pièce courte, à écouter plusieurs fois, qui laisse une impression étrange, un résumé de vie où les images défilent rapidement, comme lorsqu'on se trouve face à un danger imminent.

 

« Takashi Yoshimatsu est né à Tokyo, au Japon, et comme Toru Takemitsu, il n'a pas reçu de formation musicale dans sa jeunesse. Il a quitté la faculté de technologie de l'Université Keiō en 1972, et a rejoint un groupe amateur nommé NOA comme pianiste, imitant la musique des Pink Floyd. Il s'est intéressé au jazz et au rock progressif, en particulier en explorant les possibilités offertes par la musique électronique.

Il a commencé à composer de nombreuses pièces avant de se faire un nom en 1981 avec « Threnody for Toki » marqué par le sérialisme. Peu de temps après, il s'est éloigné de la musique atonale, et a commencé à composer dans un style néo-romantique libre avec de fortes influences du jazz, du rock et de la musique classique japonaise, renforçant sa réputation avec son concerto pour guitare de 1984. En 2007, Yoshimatsu avait composé cinq symphonies, des concertos pour basson, violoncelle, guitare, trombone, saxophone alto, saxophone soprano et pour les instruments traditionnels japonais, ainsi que deux concertos pour piano (un pour la main gauche seule et un pour les deux mains), un certain nombre de sonates, et diverses pièces plus courtes pour les ensembles de différentes tailles. »

(https://fr.wikipedia.org/wiki/Takashi_Yoshimatsu)

21/06/2017

Construction japonaise

La lune a surgi

à un ordre artificiel

succède le plein

1-17-06-20 Clair de lune.jpg

 

25/05/2016

Haïku

"Composer des haïkus, c'est déchirer la surface du quotidien d'un coup de fouet, en faisant claquer la cravache des mots." (Alain Kervern)

 

Horizon barré
Le tonnerre gronde au loin
Un coup de poignard

 

haïku,poésie,japon,présent

 

05/02/2016

Haïku

 

De retour chez toi
Le noir absolu
Elle ouvre. Éblouissement

©  Loup Francart

 

Noirs et blancs, l'éblouissement des mots éclaire l'âme qui erre en toi !

29/08/2015

Haïku

Le haïku pourrait être un texte développé, mais il ne l'est pas et c'est là toute sa toute force évocatrice. (…) D'une sensation qui peut être une expérience unique et, éventuellement, donner naissance à un texte élaboré recréant un certain univers, le haïkiste, dans son poème à la fois bref et ouvert, ne garde que le flash initial. C'est là son défi, c'est là son art.

 (André Duhaime, from http://clicnet.swarthmore.edu/litterature/moderne/poesie/duhaime.html)

 

Glace de l’été
Dans l’eau, au petit matin, gelé
Vous courrez. Chauffe-moi 

©  Loup Francart

23/11/2014

Still the water, un film de Naomi Kawase

Un film magnifique où le vent et l’eau sont des personnes au même titre que la jeune kyoko et son ami Kaito. Les dieux de la nature lient en effet la vie et la mort dans l’île d’Amami. La vie calme et tranquille de cette île du Japon y rend la vie heureuse et indolente. Les adolescents n’ont pas conscience de ce qu’est vraiment l’existence. Ils vont le long de la côte, montée sur un vélo, lui pédalant, Kyoko debout derrière lui, sur les cale-pieds de la roue arrière. Elle se baigne toute habillée dans la mer, plongeant loin sous la surface, ivre de profondeur. Mais l’eau va se déchaîner et le typhon va les faire passer de l’adolescence à l’âge adulte.

Kaito franchit une première étape : le désir et l’incompréhension, désir de Kyoko d’aimer Kaito et refus de celui-ci. Pourquoi ? Il a souffert du divorce de ses parents et de la vie dissolue de sa mère. La deuxième étape est la mort de la mère de Kyoto, une chamane qui ne devait pas mourir. C’est un instant très émouvant que cette mort douce où les gens de l’île viennent chanter et danser pour qu’elle parte heureuse.

Kyoko pleure le départ de sa mère pour le pays des dieux.

– Je n’aurai plus la chaleur de son corps, dit Kyoko.

– C’est vrai, mais pour remplacer la chaleur du corps il y a la chaleur du cœur, lui répond une femme.

– Ca ne suffit pas, répond Kyoko.

Et ailleurs, elle constate : « Pourquoi faut-il que les gens naissent et qu’ils meurent ? On ne comprend pas ».

Ces deux épreuves leur font prendre conscience du pas à franchir pour devenir adultes. Ils s’épanouissent, se reconnaissent et s’aiment en toute liberté. La dernière image, celle des deux affranchis qui plongent alors, nus, dans cet océan que Kaito craignait. La vie continue, toujours semblable, mais les corps et les âmes du couple ne sont plus les mêmes. Le typhon les a réveillés et les a aidés à passer la barrière du rêve de l’enfance à la réalité de l’âge adulte.

Oui, c’est un beau, très beau film ; sensible sans sensiblerie, frais sans niaiserie, d’une modernité nouvelle, autre, qui tient compte du passé et du présent et qui s’engage dans l’avenir sans crainte.

12/11/2013

La nostalgie heureuse, récit d’Amélie Nothomb

« Tout ce que l’on aime devient une fiction. La première des miennes13-11-13 La nostalgie heureuse.jpg fut le Japon. (…) A aucun moment je n’ai décidé d’inventer. Cela s’est fait de soi-même. Il ne s’est jamais agi de glisse le faux dans le vrai, ni d’habiller le vrai des parures du faux. Ce que l’on a vécu laisse dans la poitrine une musique : c’est elle que l’on s’efforce d’entendre à travers le récit. Il s’agit d’écrire ce son avec les moyens du langage. Cela suppose des coupes et des approximations. On élague pour mettre à nu le trouble qui nous a gagnés. » (Prologue du récit)

S’agit-il de nostalgie ? Et celle-ci est-elle heureuse ? Rend-elle heureux le lecteur ?

Quant à moi, je suis sorti du livre déçu. Amélie retourne au Japon avec une équipe de télévision, en charge de trouver les impressions qu’elle a décrites dans ses livres, dont Stupeurs et tremblements, Métaphysique des tubes. C’est un compte-rendu de voyage écrit par une midinette en mal de souvenirs. Certes, quelques bons mots, quelques réflexions amusantes (et encore, assez peu). Mais l’on passe dans ce nouveau Japon, celui des brisures de la vie, sans y retrouver la magie de l’ancien, celui où s’agitait une petite fille, puis une jeune fille, avec le charme de la découverte du monde. On la sent d’ailleurs gênée de jouer son rôle d’écrivain à la recherche du temps perdu. Elle écrit mal ce qu’elle a bien écrit. L’inspiration n’est plus là. Le texte devient presque radotage.

Elle tente de retrouver la maison de son enfance et voit une femme étendre du linge dans son jardin. Je pense que, depuis l’âge de dix-sept ans, c’est moi qui m’occupe de la lessive. L’unique continuité de mon quotidien à part l’écriture, c’est le linge, au point que je me fâche si quelqu’un s’en charge à ma place. (…) La vérité m’apparaît grâce à cette inconnue : pour moi, être lingère, c’est prouver que je suis la fille de Nishio-san. Je contemple avec intensité cette femme qui pend des chemises mouillées. La caméra en conclut que c’est important et filme la femme.

Après sa visite à Nishion-san, sa nounou, elle pleure. Une joie de rescapée circule en moi. J’ai réussi l’épreuve. (…) Je mesure le miracle : Nishio-san et moi, nous nous sommes revues, je lui ai dit ce qui devait être dit, j’ai laissé circuler entre elle et moi un si terrible amour, et nous avons survécu.

Il lui arrive de se moquer d’elle-même : Pour reprendre la formulation génialement méchante de Balzac, à vingt ans, j’étais une jeune fille d’une beauté modérée. Cela ne s’est guère arrangé par la suite.

Elle retrouve Rinri, son ex-fiancé japonais raconté dans Ni d’Eve, ni d’Adam. Elle conclut cette retrouvaille par cette réflexion : En le retrouvant, j’ai aussi retrouvé un élément de ce qui fut mon quotidien avec lui : la gêne. (…) La gêne est un étrange défaut du centre de gravité : n’est capable de l’éprouver qu’une personne dont le noyau est demeuré flottant. Les êtres solidement centrés ne comprennent pas de quoi il s’agit. La gêne suppose une hypertrophie de la perception de l’autre, d’où la politesse des gens gênés, qui ne vivent qu’en fonction d’autrui. Le paradoxe de la gêne est qu’elle crée un malaise à partir de la déférence que l’autre inspire.

Elle finit sur une considération digne du pays du soleil levant : la grâce de ressentir le vide : A vingt ans, avec Rinri, j’ai vécu une belle histoire. Cette beauté implique que ce soit fini. C’est ainsi. (…) Ressentir le vide est à prendre au pied de la lettre, il n’y a pas à interpréter : il s’agit, à l’aide de ses cinq sens, de faire l’expérience de la vacuité. C’est extraordinaire. En Europe cela donnerait la veuve, la ténébreuse, l’inconsolée ; au Japon, je suis simplement la non-fiancée, la non-lumineuse, celle qui n’a pas besoin d’être consolée. Il n’y a pas d’accomplissement supérieur à celui-ci. (…) Une épiphanie de cet état espéré, où l’on est de plain-pied avec le présent absolu, l’extase perpétuelle, la joie exhaustive.

02/10/2013

Doko Nakamura, à la galerie Etienne de Causans

Un très aimable vieillard qui s’est levé à mon approche et s’est incliné jusqu’à hauteur de la ceinture. Il était accompagné de deux vieilles femmes qui se sont également inclinées de la même manière. Aussi n’ai-je pu faire autrement, je me suis également incliné très bas. Nous nous sommes cependant serrés la main, mais cela n’est visiblement pas dans ses habitudes. Il ne parlait pas français. Je ne parle pas japonais. Il disait deux mots en anglais, moi de même.

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Un maître japonais dans toute sa vérité et sa grandeur. Admirez ce lavis. Il est magnifique, d’une finesse sans égale, avec des fondus extraordinaires. Un paysage aérien, lumineux, chaud de blancheur cotonneuse qui semble ressortir alors que ce sont les seuls endroits qui ne sont pas peints.

N’oubliez pas que la photo ne rend nullement la vérité du papier, de la lumière et de la présence du maître.

Il n’est pas connu en France, bien sûr. J’ai cherché sur Internet et n’ai trouvé que deux œuvres. La seconde est de la même facture, émouvante de sobriété : un moulin à eau dans la montagne. Ce sont des rêves, vaporeux, précis, comme une expression symbolique de la réalité ou encore une image de la qualité spirituelle de la nature. Mais la photo est de piètre facture.

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Allez à la galerie Etienne de Causans (25 rue de Seine 75006) qui expose ce maître. Vous y verrez des chefs d’œuvre d’une beauté éblouissante. 

19/07/2013

La flûte shakuhachi

http://www.youtube.com/watch?v=BrD-D60Ij9E

 
Le shakuhachi, flûte japonaise droite en bambou, a un son très particulier. Cette flûte fut utilisée dans la musique Gagaku (musique de cour).

Instrument réservé à la musique religieuse contemplative, elle est devenue très populaire au Japon et même dans le monde puisque de nombreux occidentaux la pratiquent. L’intérêt de l’instrument tient aux multiples glissandos possibles entre deux notes. On remarque que les notes n’ont pas la même hauteur que dans la gamme occidentale, c’est-à-dire que leurs intervalles sont différents et peuvent même changer dans un même morceau.

Ici les notes dominantes sont le sol, le mi b et do, voire le ré (assez peu). La mélodie se construit autour de ces notes dominantes, par demi ton ou par ton, sans que ce soit aussi net que dans la gamme occidentale. Ce qui rend cette musique méditative tient justement à ce retour perpétuel aux mêmes notes et au fait que les autres tournent autour.

C’est un son dans la nuit, envoûtant, une sorte de leitmotiv enivrant qui vous appelle à un retour sur vous-même. Rien que le son dans le vide des pensées. Et peu à peu, l’esprit vibre en osmose avec la mélodie. On perçoit les vibrations, les changements subtils de hauteur des sons, leur durée variables sans rythme, propre à vous sortir du culte de la raison pour vous plonger dans un monde nouveau, autre, sans rationalité.

20/06/2013

Shokuzai (Celles qui voulaient oublier), de Kiyoshi Kurosawa (deuxième partie)

C'est la suite du film évoqué le 16 juin 2013, que beaucoup de critiques ont trouvé moins génial. Pour ma part, je l’ai trouvé aussi bon que le premier, sinon meilleur.

J’ai avant tout été frappé par la justesse du jeu de la mère d’Emili, Asako, en13-06-20 Shokuzai 2.jpg réalité l’actrice Kyoko Koizumi. Elle est belle, non pas au sens physique du terme (mais elle l’est également), mais au sens moral. Elle a une dignité indéracinable, même lorsqu’à la fin du film son monde s’écroule. Cette dignité est exprimée principalement par sa manière de se déplacer. Elle marche comme très peu d’actrices peuvent le faire, avec une lenteur et un basculement des hanches imperceptibles, regardant au-delà du présent, dans un passé toujours là, derrière elle, à fleur de peau. Elle est à la fois la femme fatale et la mère courage qui va jusqu’au bout de ses intentions : retrouver et tuer l’auteur du meurtre de sa fille. Dans la troisième et dernière partie de ce deuxième film, elle sera renvoyé à son passé trouble avec le meurtrier qu’elle a d’abord aimé lorsqu’elle était à l’université.

Auparavant on suit le destin des deux dernières jeunes femmes victimes du traumatisme du meurtre d’Emili : Akiko (épisode 3) et Yuka (épisode 4). Akiko tente de respecter le pacte de pénitence imposé par la mère d’Emili, mais sa vie est détruite par le meurtre et la condamnation d’Asako. Elle est perturbée et se prend pour un ours. Elle tente de réconcilier son avenir par un dialogue avec Asako, sans succès. Yuka, elle, a oublié, mais est étrangement perturbée. Elle manipule les hommes pour réussir sa vie et finit par détruire le couple de sa sœur.

 

Shokusai constitue un excellent regard sur la société nippone, très guindée, organisée, inflexible. Les femmes sont des femmes-objets et les hommes n’ont aucune consistance psychologique. Et pourtant, tous ont quelque chose d’inconscient à exprimer en raison justement de cette prédominance de la société. Shokusai est un très beau film dans lequel l’actrice Kyoko Koizumi est sublime.

16/06/2013

Shokuzai (Celles qui voulaient se souvenir), de Kiyoshi Kurosawa (Première partie)

Le film se contente de rapporter l’histoire d’un fait divers, le meurtre d’une petite fille dans une école. Il fait vivre l’événement, puis montre ce que sont devenues les quatre camarades de l’écolière quinze ans après. Toutes sont13-06-15 Shokuzaï.jpg marquées, en partie parce que la mère d’Emilie, la victime, les a menacées (elles ne se souviennent pas de la tête du meurtrier) : « « Je ne vous pardonnerai jamais. Trouvez-le ou donnez-moi une compensation. Sinon vous n’échapperez pas à la pénitence. »

Ce premier film évoque celles qui se souviennent de l’affaire et qui ont pris au sérieux l’avertissement de la mère d’Emilie, Osako. Sae habite Tokio et rencontre un jeune homme qui veut l’épouser. Il est lié à l’affaire. Après quelques rencontres, elle consent à convoler. Mais leur relation tourne au drame, car l’homme est pervers ou, au moins, détraqué. Nous vivrons leur drame jusqu’au meurtre du mari par Sae. Elle n’en pouvait plus.

Maki est institutrice. Les parents la juge trop sévère. Elle est sauvée de l’opprobre par le professeur de gymnastique. Peu après, elle fait face à un homme armé d’un couteau pendant un cours de natation. D’abord saluée comme un héros, elle est ensuite à nouveau attaquée par les parents.

Pourquoi ce film est si prégnant ? Il ne comporte aucun effet de caméra spécifique, aucune recherche cinématographique, aucun artifice psychologique, pas d’émotion excessive, rien qui ne permet de le remarquer particulièrement. Un film de juste milieu, qui semble ordinaire. Et pourtant, il est remarquable. Pourquoi ? C’est difficile à définir de manière nette. L’atmosphère que dégage chaque histoire en fait la beauté. La manière simple de raconter l’événement et sa suite nous conduit à y adhérer. Enfin, admirons le jeu des acteurs sans artifice, sans recherche, qui semblent nus devant la réalité de la vie.

http://www.youtube.com/watch?v=GpuU93k6g08 

Allons voir la seconde partie avant de poursuivre.

 

10/05/2013

Jardin Albert Kahn, le jardin japonais

Albert Kahn était banquier. D’origine alsacienne, il s’appelait en réalité Abraham Kahn. Né en 1860, il est mort à Boulogne en 1940, ruiné par le krach boursier de 1929. Dès le 10 février 1887, Albert Kahn écrit à Bergson : « cela va assez bien en ce qui concerne les affaires mais, vous le savez, ce n’est pas mon idéal {…} ». L’homme mûr, le banquier qui a réussi, va donc consacrer sa vie et sa fortune, entre 1898 et 1931, à l’établissement de la paix universelle.  Il s’installe au numéro 6 du quai du 4-Septembre en 1893. Il y loue, avec promesse de vente, un hôtel particulier. Cette maison, construite en brique et en pierre, s’ouvre largement sur la colline de Saint-Cloud. Jusqu’en 1910, il constitue patiemment le terrain de son jardin en achetant progressivement diverses parcelles, puis en les assemblant. Cette démarche conduit à la création d’un genre de jardin bien particulier au XIXe siècle : le jardin dit « de scènes ». Chaque acquisition permet à Albert Kahn de créer une nouvelle scène. Chacune d’elles apparaît comme une référence à des courants de l’art des jardins au XIXe siècle : le style « régulier » dans le jardin français, le style « paysager » dans le jardin anglais, le « japonisme » dans le jardin japonais, puis il prolonge avec la forêt bleue, la forêt vosgienne, la forêt dorée.

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En 1989, le département des Hauts-de-Seine a souhaité rendre hommage à la vie et à l’œuvre d’Albert Kahn par la création d’une œuvre paysagère contemporaine. Ce jardin japonais, conçu par le paysagiste Fumiaki Takano, est une métaphore de la vie d’Albert Kahn. Un nouveau jardin japonais a été implanté à la place de celui qu’Albert Kahn avait créé en 1908-1909. Il ne subsiste plus rien de l’ancien jardin excepté le grand cèdre de l’Himalaya et le hêtre pleureur sur le petit îlot, les deux ponts, ainsi qu’un portique en bois donnant sur le verger.

Cette création contemporaine rend hommage à la vie et à l’oeuvre d’Albert Kahn, en souvenir des liens étroits qu’il entretenait avec le Japon. La symbolique de cet espace suit trois axes essentiels, se joignant tous en une pierre centrale :

·         l’axe de la vie (Yang), symbolisé par la rivière et par les constructions coniques en relief ;

·         l’axe de la mort (Yin), représenté par les constructions en cône inversé ;

·         l’axe féminin - masculin, déterminé par le hêtre et le cèdre.

Cette symbolique reprend le principe fondamental du Tao, celui de la complémentarité dans l’opposition pour former un tout.

(Source : http://albert-kahn.hauts-de-seine.net/)

 Mais promenons-nous dans ce jardin japonais qui est exceptionnel et particulièrement dépaysant.

On débouche sur un jardin perdu au milieu des immeubles, mais sa construction en forme de bol, dont les bords dominent la partie centrale où se trouve l’étang aux carpes permet de trouver dans ce petit espace qui fait tout de même un hectare une paix très orientale. Seul le bruit des voitures, incessant, trouble cette quiétude.

Une très bonne description de ce jardin se trouve sur le site Albert Kahn à l’adresse suivante : http://albert-kahn.hauts-de-seine.net/les-jardins/les-differents-jardins/jardin-japonais-contemporain/

 

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Une après-midi sereine, au soleil du printemps, parmi les cerisiers en fleurs, n’est-ce pas le début du paradis ?

Tentez cette découverte, vous ne le regretterez pas !

24/03/2012

Les amants du Spoutnik, roman d’Haruki Murakami

 

Au printemps de sa vingt-deuxième année, Sumire tomba amoureuse pour la première fois de sa vie. Cet amour aussi dévastateur qu’une tornade dans une vaste plaine ravagea tout sur12-03-24 Couv Amants_spoutnik.jpg son passage, lançant des choses dans les airs, les réduisant en menus morceaux, les écrabouillant sans ménagement. (…) L’objet de cet amour absolument mémorable était marié, avait dix-sept ans de plus que Sumire et, surtout, était une femme. C’est de là que partit toute cette histoire, et là aussi qu’elle s’acheva (ou presque).

Ainsi commence l’histoire de Sumire, une jeune fille indécrottablement romantique, doublée d’une cynique et d’une têtue. Mais c’est aussi l’histoire du narrateur qui est amoureux de Sumire. Et c’est également, forcément, l’histoire de Miu, la femme fatale, toujours vêtue avec une rare élégance et conduisant une jaguar bleu marine de douze cylindres.

Sumire avait décidé d’écrire et s’était installée dans un petit appartement où elle s’efforçait de réaliser une œuvre complète en y mettant sa passion intérieure. Mais elle n’était pas prête. Il lui manquait l’alliance entre la fiction et le monde, que seule une cérémonie magique peut apporter, par exemple, comme le lui suggéra son ami, asperger sa porte du sang d’un chien. Alors elle décide, sur la demande de Miu, de travailler pour elle. Elles deviennent amies et Miu l’emmène en Grèce pour lui servir de secrétaire. Quelques temps plus tard, le narrateur reçoit un coup de téléphone de Miu : Sumire a disparu, pouvez-vous venir ?

Alors il entreprend le voyage et débarque dans l’île où il fait connaissance de Miu. Au cours des jours suivants, elle lui raconte les journées avec Sumire et la nuit où Sumire tenta de lui dire son amour. Mais Miu la repousse et lui explique la raison de ses cheveux blancs comme neige. Sumire retourne dans sa chambre et, le lendemain matin, a disparu. Miu et le narrateur auront beau tout faire pour retrouver Sumire, elle s’est évanouie. Il finit par retourner au Japon, seul. Il retrouve ses habitudes, sa maîtresse, avec laquelle il rompt. Un jour, il croise Miu en voiture, qui passe telle une coquille vide, comme si la chaleur de la vie avait disparu de sa personne.

Cependant, un jour, le téléphone se mit à sonner :

– Je suis de retour, déclara la voix de Sumire, très sereine, très réelle. Je suis passée par des périodes difficiles, mais j’ai fini par rentrer. On pourrait dire ça aussi pour résumer l’Odyssée d’Homère en mois de cinquante caractères.

 – C’est bien, dis-je.

– C’et bien ? Qu’est-ce que çà veut dire ? J’ai sué sang et eau, traversé des milliers d’épreuves pour revenir jusqu’ici, et toi, tu ne trouves que ça à dire : c’est bien ? Pour un peu, j’en pleurerais ! (…)

–J’avais vraiment envie de te voir, tu sais.

– Moi aussi. C’est quand j’ai cessé de le faire que je l’ai compris. J’ai compris que j’avais besoin de toi. Tu fais parti de moi et moi de toi. Vois-tu, je crois que quelque part, dans un lieu très improbable, j’ai tranché la gorge de je ne sais quel animal. J’ai aiguisé mon couteau et je l’ai fait, avec un cœur de pierre. Symboliquement, comme pour bâtir une porte chinoise. Tu comprends ce que je dis ?

 

Comme d’habitude, l’auteur navigue entre un réel très concret, plein de détails de tous les jours, et des pensées, des sentiments, voire des faits, insolites, inexplicables et qu’il ne cherche pas à expliquer. Cet équilibre entre les deux aspects de la vie telle que la voit Murakami fait le charme discret du livre, sans que l’on sache exactement d’où il vient. On le ferme et l’on se demande si c’est beau. On se dit : c’est tout ? Mais lorsqu’on y repense, on découvre, sans pouvoir le comprendre, qu’une fois de plus Murakami, par une poésie qui ne dit pas son nom, a réussi à charmer ses lecteurs. Mais ils ne savent pas exactement pourquoi ils sont charmés.

 

19/02/2012

Ni d'Eve, ni d'Adam, roman d'Amélie Nothomb

 

"Le moyen le plus efficace d’apprendre le japonais me parut d’enseigner le français". C’est sur cette pirouette que commence le roman d’Amélie Nothomb, moins désopilant que d’autres, mais néanmoins agréable.

Celui à qui elle va apprendre le français est un japonais sympathique, sans doute moins japonais que la plupart. Il aime « jouer » et présente Amélie comme sa maîtresse, en tant qu’enseignante bien sûr et non en tant que compagne. C’est pourtant ce qu’elle deviendra plus tard après avoir été promenée en Mercedes immaculée, avoir pénétrée dans la maison des parents japonais, puis l’avoir laissé pénétrer dans la sienne. Ils finissent par passer trois semaines dans l’appartement de Christine, une belge travaillant à l’ambassade.

"Il me rendait heureuse. J’étais toujours joyeuse de le voir. J’avais pour lui de l’amitié, de la tendresse. Quand il n’était pas là, il ne me manquait pas. Telle était l’équation de mon sentiment pour lui… Ce que j’éprouvais pour ce garçon manquait de nom en français moderne, mais pas en japonais, où le terme de koi convenait. Koi, en français classique, peut se traduire par goût. J’avais du goût pour lui. Il était mon koibito, celui avec lequel je partageais le koi : sa compagnie était à mon goût."

Leurs conversations pouvaient être des plus élevées. Ainsi ils parlent de Marguerite Duras, dont Amélie dit : "Quand on achève un livre de Duras, on éprouve une frustration. C’est comme une enquête au terme de laquelle on a peu compris. On a entrevu des choses au travers d’une vitre dépolie. On sort de table en ayant faim". Mais elle portait également sur des différences culturelles plus terre à terre : "Rinri, respectueux de la tradition, se récurait entièrement avant d’entrer dans le bain : on ne souille pas l’eau de l’honorable baignoire. Je ne pouvais pas me plier à un usage que je trouvais si absurde. Autant mettre des assiettes propres dans un lave-vaisselle. – tu as peut-être raison, mais je suis incapable de me conduire autrement. Profaner l’eau du bain est au-dessus de mes forces."

Mais, un jour, son élève, après lui avoir fait manger des poulpes vivants au restaurant, lui fait un cadeau : une bague de platine incrustée d’une améthyste : « Veux-tu m’épouser ? » Ce ne fut pas la seule demande. Il y eut deux-cent quarante, d’après Amélie. Un soir fatiguée, alors qu’il la demande à nouveau en mariage, elle répondit non et s’endormit. Le lendemain, il lui laisse un mot : "Merci, je suis très heureux". Le soir, il l’emmène au restaurant, elle se dit tout à coup que si Rinri l’avait interrogé de façon négative, ce qui est courant dans ce pays compliqué, elle était cuite. Alors elle saisit la cruche de saké et demande : – "Ne veux-tu pas encore du saké ? Non, répondit courtoisement le jeune homme. Je reposai donc la cruche inutile. Rinri parut déconcerté et se servit lui-même."

Alors elle ne pense plus qu’à une chose, fuir. Juste avant Noël, elle prend un billet d’avion et quitte le Japon. Rinri l’accompagne à l’aérogare sans se douter que c’est la dernière fois.

Quelques années plus tard, elle retourne au Japon pour une dédicace, retrouve Rinri devant elle, qui lui dit : "– Je veux te donner l’étreinte fraternelle du samouraï ? (…)

Il avait trouvé les mots justes. Il avait mis plus de sept ans à les trouver, mais il n’était pas trop tard. (…) Tellement plus beau et plus noble qu’une bête histoire d’amour.

Ensuite, chaque samouraï lâcha le corps de l’autre samouraï. Rinri eut le bon goût de partir aussitôt sans se retourner. Je levai la tête vers le ciel afin que mes yeux ravalent leurs larmes."

 

Ni d’Eve ni d’Adam est un roman divertissant en raison des incompréhensions culturelles qui émaillent le récit. Néanmoins on n’y sent pas la verve du Sabotage amoureux ou de Métaphysique des tubes. Ce n’est ni un de ses meilleurs livres, ni un de ses plus mauvais. Il se lit plaisamment.