27/09/2013
Sam Szafran, le peintre inclassable
Sam Szafran est un homme de séries. Il s’adonne à un thème, en explore les possibilités, l’utilise sur tous les supports voulus, puis change de thème, lassé par cet approfondissement ou repu de rêves sur le même leitmotiv. C’est ainsi qu’il peint de multiples philodendrons agrémentés d’un personnage, des ateliers encombrés d’objets, des serres aux lianes exubérantes et étouffantes.
Mais ses meilleures séries sont sans doute les escaliers. Des colimaçons descendant ou montant en éternels virages déformés donnant le vertige et la nausée, mais avec un charme et une lumière qui fait penser à une forme vivante et exigeante pour le spectateur.
L’escalier devient un monde en soi, un rêve ou une hallucination, une obsession entortillant la cervelle. L’œil est au centre du tableau, sorte de point focal, globuleux et exorbité, autour duquel tournent les escaliers. On regarde au travers d’un globe de verre déformant qui donne à la montée d’escalier une impression de descente en enfer.
C’est un univers kafkaïen qui s’offre aux yeux qui se cherchent dans le déséquilibre qu’introduit le dessin, à dessein bien sûr. Un cauchemar vivant, imaginaire, mais devenu réel par la puissance du trait et de la couleur. On pense parfois à Shiva, la déesse aux multiples bras et ces marches sont comme les membres innombrables d’un démiurge invisible qui s’empare de votre esprit.
Un dernier coup d’œil sur ce monde à x dimensions, autant psychologique que physique, qui donne le vertige au plus farouche montagnard.
Sam Szafran est né le 19 novembre 1934 à Paris. Ses parents, émigrés juifs polonais, sont installés au 158, rue Saint-Martin, dans les Halles. Son père est tué au début de la guerre, le jeune garçon est confié à un oncle, puis placé à la campagne chez des paysans qui le maltraitent. Il trouve refuge chez des Républicains espagnols, dans le Lot. A la fin de la guerre, la Croix-Rouge l’envoie en Suisse. Il est accueilli par une famille près de Winterthur. En 1947, il embarque avec sa mère et sa soeur sur un navire à destination de l’Australie. Il a treize ans et demi et supporte mal le déracinement. Son exil se passe dans de mauvaises conditions.
Il rentre en France en 1951, s’inscrit aux cours du soir de dessin de la ville de Paris, gagne misérablement et s’installe dans le quartier de Montparnasse. En 1953, il s’inscrit à l’atelier de la Grande Chaumière et rencontre d’autres artistes (Ipoustéguy, Pélayo, Clavé). Une rencontre importante est celle avec Django Rheinardt, en 1955, qui lui donne la passion du jazz.
A la fin des années 50, il se lie avec des sculpteurs, Jacques Delahaye, Alberto et Diego Giacometti en 1961, Raymond Mason, Joseph Erhardy. D’autres influences se font sentir après ses rencontres avec Nicolas de Staël et Jean-Paul Riopelle, des peintres qui lui ouvrent les portes de l’abstraction. En 1958, retour à la figuration. Sam Szafran reçoit une première boîte de pastels. Il abandonne la peinture à l’huile. Il expose pour la première fois dans la galerie de Max Kaganovitch, grâce à Riopelle, en 1963. César et Ipoustéguy le signalent ensuite au galeriste Claude Bernard qui l’expose dès l’année suivante. La série des «Choux» date de cette époque. Il épouse Lilette Keller, originaire de Moutier en Suisse. En 1964 naît leur fils, Sébastien.
Jacques Kerchache lui offre en 1965 sa première exposition personnelle. Bernard Anthonioz, directeur du Fonds National d’art contemporain, lui achète une vingtaine de dessins, ce qui le tire momentanément de la misère. Entre 1967 et 1983, il collabore avec la revue «La Délirante» de son ami le poète libanais Fouad El-Etr. En 1970, la Galerie Claude Bernard présente une exposition personnelle avec la série des «Ateliers». En 1972, il fait partie de l’exposition collective «Douze ans d’art contemporain» au Galeries nationales du Grand Palais. A la même époque, il se rapproche d’Arrabal, Roland Topor et Jodorowsky, se lie d’amitié avec Henri Cartier Bresson auquel il donne des cours de dessin. Il développe une nouvelle série, les «Imprimeries». Il s’installe à Malakoff en 1974, dans une ancienne fonderie, et amorce la série des «Escaliers».
De 1986 date l’apparition des grandes aquarelles des Ateliers, des Serres et des Escaliers: «Mon obsession des plantes a trouvé là le meilleur terrain pour s’exprimer». Dans les années 90, il découvre un nouveau support pour ses aquarelles, la soie, et explore des compositions en mosaïque à partir de polaroïds. Dans la série des «Escaliers», les images se déploient en lames d’éventail.
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07:25 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, dessin, contemporain, irrationnel | Imprimer
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