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30/10/2019

Feu de bois

Te souviens-tu des flammes et de la fumée bleue, comme si les bûches eussent été des tuyaux où flambaient l'âme de la forêt et qu'à leurs extrémités les bulles de fumée encensaient cette suprême cérémonie. Elles accomplissaient tranquillement leur sacrifice pour le bonheur de nos yeux.

Encore une fois, la vie enchante d'un rien qui devient une lumière plus pénétrante que celle du jour.

 

 

13/10/2013

Première prise de fumée

Il y a des souvenirs corporels qui restent même si l’on en oublie les circonstances. Ainsi, lisant un livre où l’auteur évoque sa première cigarette, il se souvint de sa « première prise de fumée ». Au moulin, comme ils avaient coutume d’appeler le lieu de leurs ébats, on trouvait de nombreux sureaux dans la haie de séparation avec le voisin. Vous connaissez ces petits arbustes de bois souple et léger qui produisent des fleurs blanches et odorantes, puis des fruits noirs en grappes serrés.  Des fleurs, on peut faire des beignets au parfum sublime. Des fruits, on extrait de la gelée ou du sirop. Du bois, on tire d’excellentes cigarettes s’il est suffisamment sec. Ils ne le savaient pas. Un enfant du pays leur révéla l’intérêt de ces branches séchées et leur montra comment tirer au travers de ce tube pour fumer élégamment et tousser au mieux.

L’initiation faite, ils firent des provisions de branches de sureau, droites et grosses comme des cigares de la Havane. Ils les firent sécher à l’abri des regards des parents et quelques jours plus tard, prirent une après-midi pour fumer, comme les adultes prennent une heure ou deux dans un bistrot pour déguster un bon vin. Ils avaient dérobés dans la cuisine une boite d’allumettes. L’ainé s’essaya le premier à cette tâche nouvelle : tirer sur un morceau de bois pour en extraire une fumée foncée et lourde qui le fit immanquablement tousser. Qu’à cela ne tienne ! Tous voulurent s’éprouver. Les yeux piquants de cette fumée acide, les lèvres imprégnées de poussière de bois coupé, les poumons enflammés par cette vigueur bizarre qui leur faisait croire qu’ils goûtaient la drogue du diable, ils riaient et parlaient forts sous l’emprise de cette nouvelle addiction.

Ce n’était qu’une illusion qui avait le charme du prohibé. Pendant une année, ils se réservèrent des après-midis au fond du petit bois, à l’abri des regards soupçonneux, pour fumer à loisir. Ils en ressortaient fatigués, avec un mal de cœur obligatoire, mais heureux bien sûr de s’essayer à l’interdit.