14/06/2013
Un après-midi à Bagatelle
Le paradis aux portes de Paris. Je ne connaissais pas. J’ai été conquis. J’en suis reparti charmé, renouvelé, apaisé. Je n’y ai pourtant vu que de vieilles dames et vieux messieurs ou des jeunes femmes avec quelques enfants.
Entrée du côté Seine sous un soleil bienfaisant. Quelques mètres et déjà le comble de la beauté animale, un paon reposant dans une herbe fraiche, alignant sa traîne de plumes légères et colorées. Proche du pavillon chi-nois, pas plus incongru que cela dans cette mer de verdure, il se laisse photographier, indifférent. Les enfants l’admirent et le respectent. Il n’est pas si souvent possible de voir s’ouvrir sa palette lumineuse. Ce ne sera pas le cas avec lui.
Passage auprès d’un petit étang, disons une mare ou même un bassin. Une famille s’est installée à proximité, au frais sous les couverts. Encore quelques pas entre les frondaisons et l’on arrive à l’orangerie.
Versaillaise est-elle, pleine de majesté et d’équilibre. On voudrait être à la place des orangers et autres espèces qui y passent l’hiver. Quelques vieilles personnes, assises sur des bancs, devisent petitement, entre elles. Elles se chauffent au soleil, souriantes de cette aubaine. Elles sont presqu’au paradis, leur prochaine destination. Jardin à la Française oblige et plus loin, la roseraie surmontée d’une gloriette dans laquelle, à l’abri du soleil, devisent trois personnes. Elle a
le charme des accessoires de ville d’eau et domine la plaine jusqu’à la Seine qui n’est pas visible. Après bien des détours, je me dirige vers un pavillon, une fermette de briques, près du mur de clôture. C’est le
potager, conservé au frais, pourvu de nombreuses espèces insolites ou communes. Certes, elles sont peu nombreuses. Quelques pieds par ci par là, mais si joliment plantés qu’ils font un parterre de reine.
Sortir des légumes, se retrouver dans le jardin mi- français, mi- anglais et tomber sur un paon en majesté. Quel éblouissement ! Le plus drôle se trouve derrière où il agite ses ailes à la manière d’un ventilateur. Vision inhabituelle qui enchante. Oui, le paradis…
Poursuivant vers l’autre partie du parc, je traverse l’image de la France telle qu’on l’imagine et qu’on ne voit qu’exceptionnellement. De vastes prairies rafraichies par les arbres immenses, des couverts de verdure léchée, des pièces d’eau qui humanisent ces étendues verdoyantes. Et mes pas tombent sur des bernaches du Canada, expatriées si loin de leur pays originel, se dandinant plaisamment au bord d’une pièce d’eau (une de plus).
Redescendant des grilles de l’entrée principale, j’arrive près des deux pavillons. Le premier, tout volet fermé, est dans son écrin de verdure. Le second, plus majestueux, plus noble, presque un décor immortel, étale son rose éternel sur les jardins qui l’entourent, gardé de lions à tête de femme, impassible dans la chaleur de l’après-midi. A l’arrière, sur le jardin pourvu de magnifiques pivoines de toutes les couleurs, il étale sa panse arrondie de bon petit bourgeois.
Et je repars, les yeux en arrière, comme si un film me faisait remonter le temps d’une entrée dans cette merveille, gardée par des arbres centenaires. Je me retrouve sur le pavé parisien, ébloui. Paris réserve des surprises permanentes. Comme il est étonnant que je n’ai pas connu plus tôt ce coin de paradis.
07:53 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paris, loisirs, culture, campagne, repos | Imprimer
13/06/2013
Abandon
Il est appelé et il ne répond pas
Quel est donc cette attention subtile
Qui le retient dans sa boule de verre
Vit-il dans ce monde ou un autre ?
A peine assis, à l’endroit désigné
Il laisse aussitôt errer sa pensée
Tout se referme et il s’enferme
Parti en fumée, il s’espace*
Ce voyage aux frontières de l’inconnu
Dans ce lieu du rêve et de l’ignorance
L’a-t-il voulu ou non ?
C’est un moment d’absence
Une descente dans les prés
Jusqu’au ruisseau de l’abandon
* Ce verbe détourné de son sens met en avant la dissolution du moi. Le monde devient sans mesure.
07:31 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
12/06/2013
La grande Bellezza, film de Paolo Sorrentino
« Quand je suis arrivé à Rome, à 26 ans, je ne voulais pas être simplement un mondain, je voulais devenir le roi des mondains. » Il l’est devenu. On l’écoute, on l'imite, on recherche sa compagnie. Jep Gambardella est un séducteur, mais il atteint 65 ans. C'est un vieux beau, blasé de ces soirées romaines, toujours les mêmes, dans lesquels chacun rivalise de paroles fantasques, d’attitudes effrontées, de comportements scandaleux. Il a écrit un livre dans sa jeunesse, « l’appareil humain », et il joue la comédie du néant, même s’il rêve qu’il recommence à écrire. Il est le número uno. « Je ne voulais pas seulement participer aux soirées, je voulais avoir le pouvoir de les gâcher. », fanfaronne-t-il. Il fait des rencontres : celui pour qui « le seul jazz intéressant est le jazz éthiopien » ; l’invité à qui il confie, en regardant certains convives faire le petit train « C’est le plus beau train d’Italie. Tu sais pourquoi ? Parce qu’il ne va nulle part. » ; l’homme qui a pris chaque jour de sa vie une photo de lui-même et en a fait un mausolée ; le cardinal dont la méditation est plus portée vers la cuisine que vers la spiritualité.
Il parcourt Rome, traversant des images magnifiques filmées de main de maître par Paolo Sorrentino : des fontaines, des jardins, des couvents, des palais, des chapelles, des ruines dans lesquelles on fait disparaître les girafes. Et ces paysages dans lesquels il marche, philosophe (presque), médite, sont rythmés par de la musique classique et des tubes contemporains. Oui, la cité de Rome est belle et il semble y chercher un sens. Progressivement, le film passe du sordide ou, au moins, de la luxure, à la recherche d’une certaine spiritualité… Oh, très faible et parfois grotesque. Mais l’on sent le vieil homme sous le mondain, l’interpelé sous la vanité des paroles. La scène de la sainte est fabuleuse, même si cette dernière est caricaturale.
Il faut aller voir ce film. Son réalisateur, Paolo Sorrentino, atteint le génie de Fellini. Il y a des concordances entre les deux : Rome d’abord, bien sûr ; la société romaine et sa dépravation noble. Mais au contraire de Fellini, c’est avec tendresse que Paolo Sorrentino dépeint le personnage de Jep. Celui-ci devient finalement serein, s’interrogeant toujours, encore passionné par la vie. D’ailleurs, ne dit-il pas à la fin du film : « Il nous reste encore de belles choses à faire. L’avenir est merveilleux. »
Un regret. Le dédain du festival de Cannes pour le grand cinéma et ses choix pour des films à thème propagandiste au goût politique du jour. Ce film, c’est du vrai cinéma, une œuvre d’art, un chef d’œuvre ! Juste un reproche, sa longueur. Mais qui aime ne comptabilise pas son temps.
07:22 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cannes, italie, rome, réalisateur | Imprimer
11/06/2013
Accident
La nuit. Un instant d’inattention. Un choc bruyant et traumatisant. Puis le silence et l’absence de mouvement…
Dessin à l’encre de Chine fait une nuit de cafard.
07:31 Publié dans 24. Créations dessins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dessin, encre de chine, réalisme, traumatisme | Imprimer
10/06/2013
Le voyage d'hiver, roman d'Amélie Nothomb
C’est une histoire abracadabranque. Un jeune homme, Zoïle, rencontre dans son travail deux femmes dont une écrivain. L’une, Aliénore, est attardée, l’autre, Astrolabe, est jolie, si jolie qu’il en tombe amoureux. Il découvre que l’écrivain n’est pas celle qu’il croyait. Qu’à cela ne tienne, il fait des visites assidues, mais arrive tout juste à embrasser sa bien-aimée, rien au-delà. Pour la voir nue, il distribue en guise de repas des pilules. Celles-ci contiennent un gramme de psilocybes guatémaltèques. Peine perdue. Elle est de marbre. Alors, pour se venger, il décide de détourner un avion et de l'envoyer percuter la tour Eiffel.
Bien que le titre soit emprunté à des lieder de Schubert, son chant ne m’a pas séduit. L’histoire manque d’intérêt, ne comporte aucun rebondissement et traîne en longueur. Certes, Amélie Nothomb reste parfois acide, percutante et éventuellement drôle. Ainsi lorsqu'elle décrit les traductions de Zoïle :
Quand un vers me dérobait sa signification, je le scandais au rythme de mes pieds, de mes genoux et de la main gauche. Ne s’ensuivait aucun résultat. Je chantonnais alors et élevais la voix. Aucun résultat. De guerre lasse, j’allais soulager un besoin aux toilettes. De retour le vers se traduisait tout seul. La première fois, j’écarquillais les yeux. Fallait-il faire pipi pour comprendre ? Combien de litres d’eau devrais-je boire pour traduire de tels pavés ? Puis je réalisai que la miction n’y était pour rien. Ce qui avait fonctionné, c’était les quelques pas pour me rendre aux cabinets. J’avais appelé les jambes à la rescousse ; encore fallait-il les activer pour trouver la solution. L’expression « ça marche » n’a sans doute pas d’autres explications.
Mais cela suffit-il ? Non, cette fois-ci, ça manque de chair, de finesse et de délicatesse. L’année 2009 est vraiment un mauvais cru pour Amélie Nothomb.
07:24 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, amou, société | Imprimer
09/06/2013
L'occasion
Rien ne nous y amenait, mais cela se fit…
C’était la femme nue de la mythologie
Rasoir d’une main et voile tendue de l’autre
Occasion se manifestait à nouveau…
C’est une circonstance inconstante
Un instant à saisir, fragile et à propos
Que l’on ne retrouvera plus avant longtemps
Presque toujours favorable. C’est un courant d’air
Mais parfois se perd l’occasion de se taire
On regrette alors non pas de n’avoir point agi
Mais d’avoir céder aux charmes du verbiage
Plus généralement, une occasion
Est une statue de Vishnou
Elle passe entre les mains, y reste peu
Repart vers un nouvel acquéreur
Occasion aux mille mains ouvertes
Qui caresse l’objet avant de l’abandonner
La divinité est chauve, son pied en l’air
Où va-t-il retomber, où vont aller ses pas ?
L’occasion n’existe plus.
L’opportunité la remplace.
Elle est plus volontaire
Il faut l’exploiter
Ce n’est plus l’expédience
Mais la pertinence de l’individu
Qui fait du hasard
Une rencontre voulue
L’attente est l’attitude
La réactivité est son comportement
Tel le rapace, l’homme moderne
A la communication crochue
07:26 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
08/06/2013
Des hommes ou des femmes remarquables
Pendant longtemps j’ai pensé n’être entouré que de gens quelconques. Je comptais sur les doigts de la main les êtres qui m’avaient marqué et qui dénotaient de l’ordinaire. C’est après la lecture du livre de Gurdgieff, « Rencontre avec des hommes remarquables » que j’ai cherché ceux qui m’avaient semblé hors du commun pour des raisons diverses certes, mais qui tranchaient sur l’entourage habituel.
Je ne me posais pas la question de savoir dans quel camp je me rangeais, de même que je ne m’interrogeais pas sur les raisons de leur différence. Je comptais un oncle prêtre missionaire, un cavalier qui me donna confiance en compétition, un théologien orthodoxe, un musicien maître de chapelle et compositeur de chants sacrés, un capitaine qui manoeuvrait ces sections avec savoir et adresse et quelques autres, mais peu, qui me semblaient sortir de l’ordinaire. Certes je connaissais beaucoup de gens qui s’étaient fait des carrières en vue, qui étaient remarqués par leurs pairs et dont les articles de journaux parlaient avec éloge. Mais je constatais avec le recul qu’ils n’avaient rien d’extraordinaire et que seules les circonstances et leur habileté leur avaient permis d’obtenir la place qu’ils tenaient.
Ce n’est que récemment que j’ai découvert que la plupart des hommes sont remarquables, même s’ils ne sont pas remarqués. Faire le point de ses erreurs aide à faire un bilan de vie. J’ai vu mes erreurs, voire mon outrecuidance. Je n’ai jamais voulu être à la place où l’on me mettait. Mais dans le même temps, j’ai toujours cherché à obtenir la place que l’on voyait pour moi. En réalité, il y avait deux personnages en moi : celui qui se sentait libre de toutes contingence sociale ou sociétale et celui qui obéissait aux règles d’une société qui a besoin d’hommes précis à des postes précis. N’ayant jamais choisi vraiment, j’étais entre deux chaises, en équilibre instable.
Aujourd’hui je constate que la plupart des hommes sont remarquables ou, du moins, ont quelque chose de remarquable en eux. Pour certains c’est tout de même d’avoir été remarqués et d’avoir occupés des fonctions importantes en raisons de capacités réelles, professionnelles ou humaines. Pour d’autres, il s’agit de qualités plus personnelles, que l’on ne remarque pas de prime abord : égalité d’humeur, gentillesse, attention ou encore de qualités intellectuelles spécifiques telles que persévérance sur un but, capacités d’analyse, facultés d’écriture, etc. Pour d’autres encore ce ne sont que des dispositions en attente, non développées, qu’il convient d’aider à mettre en valeur. En fait chacun dispose de vertus qui font qu’il est un être unique parmi les milliards d’autres êtres uniques. Mais avons-nous le courage de chercher ce en quoi cet être se distingue ? La plupart du temps nous n’y pensons pas. Et même si l’on y pense, cela ne dure qu’un instant et nous sommes vite repris par l’habituelle cecité.
Ouvrons donc les yeux sur le monde et les êtres (hommes et même animaux qui sont eux aussi très différents les uns des autres, les chevaux me l’ont appris). Apprenons à distinguer en quoi cet être est unique et mérite d’être remarqué. Nous deviendrons remarquables à notre tour.
07:03 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, humanité, culture, philosophie | Imprimer
07/06/2013
La solitude collective
C’est un pique-nique au bord de l’eau. Il fait beau. L’air est pur bien qu’au loin la fumée d’une usine trouble cet instant magique. Deux grâces s’exhibent ou se détendent aux chauds rayons du soleil. Elles papotent ensemble. L’homme se demande :
– Dieu, où donc es-tu dans ce monde sans âme ?
Et celui-ci ne répond pas.
07:14 Publié dans 24. Créations dessins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, psychologie, vacances | Imprimer
06/06/2013
Tomás Luis de Victoria - O Magnum Mysterium
http://www.youtube.com/watch?v=zeKvNxYMDxE
Chanteur, organiste, maître de chapelle, compositeur, Tomas Luis de Victoria est avant tout prêtre. Aveugle, simple organiste, il termine sa vie humblement, de manière totalement anonyme, n’ayant jamais recherché des fonctions dignes de son talent. Elève de Palestrina, il ne compose que de la musique religieuse. Par le chant polyphonique, il cherche à faire entrer les fidèles dans la contemplation des saints mystères.
« Seul un mystique de l'envergure de Victoria si proche, par bien des points, des délires visuels du Greco et toujours guidé par le génie de la race pouvait réussir cette transposition visionnaire de la vie intérieure et rendre les élans sacrés de l'âme espagnole, naturellement portée vers l'adoration, la compassion et la ferveur brûlante. » (Dictionnaire de la musique, Larousse)
Texte latin :
O magnum mysterium,
et admirabile sacramentum,
ut animalia viderent Dominum natum,
jacentem in praesepio!
Beata Virgo, cujus viscera
meruerunt portare
Dominum Christum.
Alleluia.
Traduction Française :
O grand mystère,
et admirable sacrement,
que des animaux voient leur Seigneur nouveau-né,
couché dans une mangeoire!
Heureuse Vierge, dont le sein
a mérité de porter
Le Christ Seigneur.
Alleluia!
Une magnifique pièce très unifiée dans son rythme et sa sonorité bien qu’il n’y ait aucune reprise mélodique comme dans de nombreuses constructions postérieures. A la mesure 40, un apparent changement de rythme (O beata virgo). Mais seul en fait l’alléluia (mesure 58) amène une véritable conclusion, très différente du reste de la pièce, même si dans son final elle en rejoint la quiétude initiale.
Cette pièce personnifie la confiance sereine. Elle peut paraître un peu morne à nos oreilles qui ont besoin de changement, d’insolite et de renouvellement permanent des sonorités pour sortir d’une passivité due à l’accumulation des bruits. Si l’on se laisse entraîner dans son rythme égal, on s’élève dans un autre monde. C’est un instant de paradis que nous apporte la musique de Tomas Luis de Victoria.
07:27 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique sacré, chant polyphonique, baroque | Imprimer
05/06/2013
Le bonheur
Ce peut n'être qu’un instant, insaisissable
Une fraction de seconde où tout chavire…
L’extase absolue et un retournement de la vue
Tu suffoques de ce poids en toi tel un caillou
Qui pèse sur ton cœur et lui donne existence
Tu t’incarnes et rien ne t’en fera démordre
Mais quelle en est la cause, pourquoi ?
Cet éclair impulsif vient-il de ton imagination ?
Est-il né d’un manque d’air ou d’un coup de poing
Au creux de tes vagabondages nocturnes ?
Un moment d’attention parmi les minutes vécues
Ou de distraction au sein de la morosité ?
Rien ne peut te le dire. Ce n’est qu’un tremblement
Entre deux feuillets d’habitudes sans faconde
Qui bouleverse tes sens et les exacerbe
Jusqu’à terrasser en toi ce personnage
Que tu traines sans cesse depuis ta naissance
Nu(e) devant ta destinée, tu frémis d’aise
Et de surprise intime… Touché(e)...
La lance du glaçon te transperce d’ignorance
Et tu bous de vertige et d’inaction
Jusqu’au volcan qui se réveille en toi
Le silence, les yeux ouverts, dans l’attitude
Incroyablement banale d’un enfant
Plongeant ses doigts dans la confiture
Arrêt du cœur, explosion de cellules
Te voici renouvelé, repu, rassasié
D’une seconde de ta vie qui t’entraîne
Derrière l’apparence…
C’est fini, le glaçon est fondu
Il ne reste qu’un peu d’eau
Une goutte de regret
Que tu essuies de ton mouchoir
Comme une tache rebelle
Tu gardes celui-ci dans ta poche
Empli du parfum de l’invisible
07:24 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
04/06/2013
Arvo Pärt, Für Alina
http://www.youtube.com/watch?v=CNbuIh_1q1c
Un conte fantastique ! Pas besoin de commentaires. Et comme l’homme, nous en tombons sur... le cul.
La descente est longue jusqu’au moment où il se décide à frapper au-delà des trois marches. Prise de connaissance… par les pieds et les mains, dans la fumée de l’ignorance… jusqu’à l’harmonie ou la folie.
07:20 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, minimalisme, danse | Imprimer
03/06/2013
"Marie ou la voix", dans « Des persiennes vert perroquet », récits de Jacques Tournier
Tu disposes de deux armes ; la mimique et la diction. La mimique, c’est un vocabulaire rituel pour la vue. Tu dois l’apprendre, geste à geste, et les enchaîner avec élégance. La diction s’adresse à l’oreille. Elle est au service d’un texte. Lorsque le public ne distingue plus ce qu’il entend de ce qu’il voit, tu as rempli ton rôle et le spectacle existe. Maintenant travaillons.
Ainsi s’adresse à la future Champmeslé, comédienne et amante de théâtre de Jean Racine, son premier professeur, La Roque. Brève histoire de moins de vingt pages racontée de main de maître par Jacques Tournier. Elle a vingt-huit ans, lui trente et un. Il est prince des poètes. Elle sera bientôt reine sur le théâtre. A partir de là, ils vont tout partager : les coulisses et les chambres, les combats et la gloire, les influences et les rejets, et aller de triomphe en triomphe jusqu’à la rupture de Phèdre.
Il raconte son apprentissage, leur amour commun. Ils s’aimaient au théâtre. Il avait le génie. Elle avait la voix et la passion des rôles. C’est par elle et pour elle qu’il écrivait, à travers elle qu’il se faisait entendre et qu’il imposait sa révolution. (…) La Nature, Marie. Rapproche-toi de la Nature. Chaque sentiment exprimé a un ton bien à lui. La déclamation que je veux repose sur le naturel. C’est dans l’âme que le comédien trouve le feu de son talent.
Ils se couvrent de gloire jusqu’au rôle de Phèdre. Et là, cela ne va plus. Elle a peur. Elle ne triomphe pas et abandonne. Elle revient pourtant, mais entre elle et lui tout est mort. Pourquoi ? Ni l’un ni l’autre ne le savent :
Mais je n’ai plus senti qu’un horrible mélange
D’os et de chair meurtrie et traînée dans la fange
De lambeaux pleins de sang et de membres affreux
Que des chiens dévorants se disputaient entre eux.
Un magnifique récit, émouvant de connaissance de la tragédie, d’équilibre entre noblesse et naturel, de simplicité dans la reconstitution.
06:24 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, récit historique, tragédie | Imprimer
02/06/2013
La Loire
La Loire toujours nouvelle, jamais la même, renouvelée chaque jour…
Aujourd’hui mélancolique, elle se prête au mystère de l’eau et de l’air mêlés. Le brouillard environne son image et trouble la perception. Seuls les bancs de sable gardent leur ardeur colorée.
07:14 Publié dans 23. Créations peintures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, huile, loire | Imprimer
01/06/2013
La photo
Une photo… Un coup de pistolet dans la vie…
Prise sur le vif, elle éclaire l’instant
Sans dire cependant d’où tu viens
Où tu vas et quelle est ta destinée
Pour l’autre, tu es figé dans le sel
Expression d’un temps à jamais perdu
Et l’œil éperdu qui te contemple
Ne voit rien d’autre qu’un fantôme
Ce rectangle de papier glacé
Dans lequel tu as mis ton espoir
Devient lentement un cimetière
Dans lequel jaunit ton ardeur
Un jour, se fanera même cet instant
Ce sourire aisé que tu donnes au monde
Et ne resteront que ces images vieillies
Qui se gondolent dans une boîte de fer blanc
05:49 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
31/05/2013
L'art abstrait
Que signifie ce mot : "abstrait" ?
Il est assez curieux qu’une des définitions du dictionnaire nous affirme : « qui n’est pas concret, qui relève de l’abstraction, qu’on ne peut pas voir, mais qu’on peut concevoir par l’esprit ». L’abstrait serait donc quelque chose que l’on ne peut voir, comme le carré blanc sur fond blanc de Kasimir Malévitch peint en 1918.
Pourtant l'art est perceptible et accessible aux sens. Alors que signifie les termes associés "art" et "abstrait" ? Pour aller plus loin, les rédacteurs du dictionnaire ajoutent donc : Se dit d’un art, par opposition à figuratif, qui ne représente rien existant dans le monde connu. L’art abstrait puise sa source dans un monde non directement accessible. Cela ne signifie pas que ce monde n’est pas perceptible, donc matériel. Cela signifie qu’il faut non plus se contenter de contempler le monde, mais entrer en lui pour s’en imprégner et recréer sa vitalité.
On comprend alors le double mouvement de l’abstraction dont parle Dora Vallier dans son livre "L’art abstrait"[1] :
D’un côté, l’abstraction tend à être une science de la beauté conçue comme un ordre et une harmonie et c’est ce qu’on appelle l’abstraction géométrique.
D'un autre côté, à partir de 1945, on assiste à une autre abstraction qui n’est plus la recherche de la forme, mais au contraire le désir d’exprimer, avant la forme et même en dehors d’elle, toute la richesse et la spontanéité de la vie intérieure, l’artiste se projetant sans écran dans son œuvre, et c’est ce qu’on a appelé l’abstraction lyrique ou informelle.
Dans les deux cas, la création ne vient pas d’une reproduction de formes ou d’ambiance existant dans la nature, mais d’une véritable naissance intérieure, d’un volcan humain dégurgitant son feu interne. Et selon la nature de l’artiste, cette abstraction emprunte à l’esthétisme ou à la psychologie son expression : conceptuallisation (composition élaborée de formes décomposables) ou bouillonnement (accouchement de tendances qui finissent par créer une forme finale).
07:57 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, philosophie, esthétisme, théorie de l'art | Imprimer
30/05/2013
Exposition Pierre Scholla du 16 mai au 28 juin 2013 à la Galerie Sinitude, Paris
Né en 1928, il étudie le dessin, la peinture, la lithographie et même le dessin industriel. Il est d’abord, au musée du Louvre, copiste de grands peintres : Fragonard, Boucher, Delacroix, Soutine, Van Gogh.
Il excelle dans des genres très variés : décoration, sérigraphie, affiche, fresque, maquette, etc. Il voyage : Etats-Unis, Cambodge, Grande-Bretagne, Italie. Cet éclectisme le fait peintre des extrêmes : portraits, abstraits proches de la calligraphie, natures mortes, portraits naïfs d’enfants.
Mais ce sont ses paysages qui possèdent un charme extraordinaire. Ils sont composés de dessins assez précis, à la manière des architectes, noyés dans des paysages simplifiés à l’extrême. De plus, nombreux sont vus d’une fenêtre dessinée de façon simpliste.
Ainsi le sujet du tableau, généralement un lieu tel qu’un village, une maison, un monument, se trouve isolé de son contexte par le fait que celui-ci est stylisé jusqu’à devenir abstrait, neutre, non émotionnel, telle Notre-Dame de Paris, engloutie entre terre et ciel.
D’autres fois, cet environnement représente d’assez près la réalité, mais reste suffisamment stylisé pour donner un effet à la fois naïf et indépendant. Le sujet reste planté là, déconnecté du paysage, comme collé sur celui-ci.
La fenêtre fait partie du décor, à tel point qu’elle prend la couleur du paysage : ici verte comme les bois et les prés, là bleue pour augmenter le contexte abrupte et montagnard du sujet.
Il lui arrive même d’en oublier le sujet. L’encadrement de la fenêtre devient le sujet, mais sans le dire nettement. C’est sans doute un peu pauvre, mais cela peut charmer certains.
Allez, laissons notre regard s’évader vers l’horizon de sable et d’eau derrière cette tour du mont Saint Michel et rêvons … Oui, nous sommes bien sur les hauteurs mystiques de ce lieu entre ciel et mer.
07:50 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, dessin, expression, sinitude | Imprimer
29/05/2013
Cantique de Jean Racine, de Gabriel Fauré
http://www.youtube.com/watch?v=HV09me1sg78
En ré bémol majeur, la pièce, composée en en 1864 alors que Fauré n’avait que 19 ans, débute par une partie d’orgue ou de piano (ensuite orchestrée) qui annonce la mélodie, presqu’une berceuse ou un rêve. D’une sensibilité extrême, elle ne correspond pas réellement, dans son style, aux paroles du texte, écrites dans la forme édulcorée de la littérature religieuse du Moyen Age.
C’est une prière magnifique chantée, avec des relents romantiques, qui sont marqués lors des reprises de l’orchestre entre chaque strophe. C’est un cri d’admiration devant la toute puissante divine et sa tendresse, un cri d’amour éperdu que Gabriel Fauré exprime avec douceur et solennité.
Le texte de Jean Racine (1639-1699) est en fait une traduction d'une hymne médiévale en latin attribuée à St Ambroise (340-397) : "Consors paterni luminis".
Verbe égal au Très-Haut, notre unique espérance,
Jour éternel de la terre et des cieux,
De la paisible nuit nous rompons le silence :
Divin sauveur, jette sur nous les yeux.
Répands sur nous le feu de ta grâce puissante ;
Que tout l'enfer fuie au son de ta voix ;
Dissipe ce sommeil d'une âme languissante
Qui la conduit à l'oubli de tes lois!
Ô Christ ! Sois favorable à ce peuple fidèle,
Pour te bénir maintenant assemblé ;
Reçois les chants qu'il offre à ta gloire immortelle,
Et de tes dons qu'il retourne comblés.
07:15 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chant sacré, musique, choeur, prière | Imprimer
28/05/2013
Matin
Trois gouttes d’eau s’élancent du toit
Elles s’étirent, puis se laissent tomber
Se poursuivant dans leur chute
L’une s’étale sur le ciré… bavure…
Elle éclate de rire et se rengorge
Morte, elle est perdue pour toujours
L’autre se noie au sein d’un géranium
Se laisse couler dans le terreau
Envahissant la moindre lézarde
Pour finir aspirée par une racine
La dernière, enfin, s’engouffre
Entre chemise et peau…
Frisson et recherche de la main
Mais déjà elle dévale le dos
Evitant les poils maigres
Trois gouttes d’infini
Perles rares d’un matin
Quel éveil endolori
Pour chanter en solitaire
La montée du feu
Qui consume les craintes
07:25 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
27/05/2013
La mort est mon métier, de Robert Merle
Ce n’est pas un roman, plutôt un récit : la vie de Rudolf Hoess, le commandant d’Auschwitz, racontée sous le pseudonyme de Rudolf Lang. Ecrit en 1952, Robert Merle a utilisé les notes du psychologue américain Gilbert. Le plus curieux est l’absence presque totale d’impression et de sentiments du narrateur Rudolf. Il n’a qu’un seul leitmotiv : les Allemands sont des soldats et les soldats obéissent sans discuter, ni même réfléchir.
Son enfance pourrait expliquer cette vie sans pensée propre. Il est complètement dominé par son père qui est lui-même excessif dans tous ses actes, dont sa pratique religieuse. – Rudolf, depuis que tu es en âge de commettre des fautes, je les ai prises, l’une après l’autre, sur mes épaules. J’ai demandé pardon à Dieu, pour toi, comme si c’était moi qui était coupable, et je continuerai à agir ainsi tant que tu seras mineur. Je fis un mouvement, et il cria : – Ne m’interromps pas !
Après un drame à l’école et devant l’attitude de son père, il tombe malade. Allant mieux, il prend un premier repas avec sa famille et son père dit : – Et maintenant on va faire la prière. Père entama un Pater. Je me mis à imiter le mouvement de ses lèvres et sans émettre un seul son. Il me fixa, ses yeux creux étaient tristes et fatigués, il s’interrompit et dit d’une voix sourde : – Rudolf, prie à haute voix. Tous les yeux se tournèrent vers moi. Je regardai Père un long moment, puis articulai avec effort : – Je ne peux pas.
Il perd la foi. Mais il devient brancardier et fait connaissance avec un Rittmeister (capitaine). Il finit par s’engager. Se bat, est blessé et découvre l’amour avec une infirmière. Rendu à la vie civile, il fait de nombreux petits boulots. Il découvre les S.A. et prête serment au führer pour sauver l’Allemagne.
Il est engagé par un colonel pour s’occuper de ses chevaux. Il se marie. Il poursuit ses activités chez les SS. Désormais, par conséquent, tout était parfaitement simple et clair. On n’avait plus de cas de conscience à se poser. Il suffisait seulement d’être fidèle, c’est-à-dire d’obéir. Et grâce à cette obéissance absolue, consentie dans le véritable esprit du Corps noir, nous étions sûr de ne plus jamais nous tromper, d’être toujours dans le droit chemin. Il s’installe à Dachau avec sa famille, puis est muté à Auschwitz : Je vous ai choisi, vous, à cause de votre talent d’organisation… et de vos rares qualités de conscience. (…) Dans quatre semaines exactement, vous me ferez tenir un plan précis à l’échelle de la tâche historique qui vous incombe. (…) Pour les six premiers mois, vous devez prendre vos dispositions pour un chiffre global d’arrivages se montant environ à 500 000 unités.
Rudolf Lang se pose la question le plus rationnellement possible : comment faire pour éliminer des milliers d’unités ? Il trouve des solutions sans penser un seul instant qu’il s’agit d’êtres humains. Vint la fin de la guerre. Il apprend qu’ils ont arrêté Himmler et qu’il s’est suicidé au cyanure. La douleur et la rage m’aveuglaient. Je sentis Georg me secouer vivement le bras et je dis d’une voix éteinte : – Il m’a trahi. Je vis les yeux pleins de reproches de Georg fixés sur moi et je criai : – Tu ne comprends pas ! Il a donné des ordres terribles, et maintenant, il nous laisse seuls affronter le blâme… au lieu de se dresser… au lieu de dire : « C’est moi le responsable ! » (…) Il s’est défilé, lui que je respectais comme un père. (…) Il aurait dit : « C’est moi qui ai donné à Lang l’ordre de traiter les juifs. Et personne n’aurait eu rien à dire !
Il est finalement arrêté et trainé de prison en prison. Je pensais quelquefois à ma vie passée. Chose curieuse, seule mon enfance me paraissait réelle. Sur tout ce qui s’était passé ensuite, j’avais des souvenirs très précis, mais c’était plutôt le genre de souvenirs qu’on garde d’un film qui vous a frappé. Je me voyais moi-même agir et parler dans ce film, mais je n’avais pas l’impression que c’était à moi que tout cela était arrivé.
Un lieutenant- colonel l’interroge : – Êtes-vous toujours aussi convaincu qu’il fallait exterminer les juifs ? – Non, je n’en suis plus convaincu. – Pourquoi ? – Parce qu’Himmler s’est suicidé. (…)– Par conséquent, si c’était à refaire, vous ne le referiez pas ? – Je le referais, si on m’en donnait l’ordre. (…) – Vous n’éprouvez donc aucun remord ? – Je n’ai pas à avoir de remord. L’extermination était peut-être une erreur. Mais ce n’est pas moi qui l’ai ordonnée. – Depuis votre arrestation, il vous est bien arrivé de penser à ses milliers de pauvres gens que vous avez envoyés à la mort ? – Oui quelquefois. – Eh bien, quand vous y pensez, qu’éprouvez-vous ? – Je n’éprouve rien de particulier.
Histoire d’un homme ordinaire, d’un Allemand qui croyait en son pays et à l’obéissance. Devenu bourreau sans s’en rendre compte, il a exterminé des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants sans prendre conscience de ce qu’il faisait. Et ce n’était même pas l’idéologie qui le conduisait, mais la simple bonne conscience d’obéir.
Les militaires français ont maintenant l’obligation légale de désobéir à des ordres illicites concernant des actes contraires aux lois et coutumes de la guerre, des actes qui constituent des crimes et délits contre la sûreté de l’Etat la constitution ou la paix publique, ou encore des actes portant atteinte à la vie, l’intégrité, la liberté des personnes, ou au droit de propriété, quand il ne sont pas justifiés par l’application de la loi.
05:09 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, récit, allemagne, nazisme | Imprimer
26/05/2013
L'art et le hasard
On peut noter, actuellement, chez plusieurs compositeurs de notre génération, une préoccupation constante, pour ne pas dire une hantise, du hasard. C’est, à ma connaissance du moins, la première fois que pareille notion intervient dans la musique occidentale, et le fait vaut certainement la peine qu’on s’y arrête longuement, car c’est une bifurcation trop importante dans l’idée de composition pour le sous-estimer ou le refuser sans condition.
(Pierre Boulez, Relevés d’apprenti, Editions du Seuil, 1966, p.41, Alea)
Pierre Boulez analyse les possibilités de l’emploi du hasard. Il y a ceux qui en font un recours contre l’asphyxie de l’invention. Ne se sentant pas responsable de leur œuvre, ils se jettent par faiblesse dans une magie puérile. Non-art à la beauté amère, nous dit l’auteur ! Il y a ceux qui cherchent l’objectivité par la schématisation : ne pas troubler le processus de développement en introduisant l’erreur humaine dans un ensemble aussi parfaitement déduit. Là aussi, il y a refus du choix, qui est laissé à l’interprète.
Et Boulez de conclure que le danger est que le compositeur fuit devant sa propre responsabilité, se dérobe devant le choix inhérent à toute création (p.53).
Cette analyse s’étend en fait à toute une partie de l’art contemporain. N’en est-il pas de même pour la peinture. L’art brut et le tachisme, semble, au premier abord, assez imprégné d’une telle philosophie, laissant à la matière seule le privilège de la forme par le réveil d’un processus créateur qui n’appartient pas à l’artiste, mais à l’élément matériel du monde. Cependant, il s’agit d’un processus différent de celui dont parle Pierre Boulez. Le hasard n’intervient que comme accident dans un processus de création dû à la consistance et la malléabilité de la matière qui serait seule à l’origine de la création.
De même, l’art informel est trop imprégné du geste créateur, de l’impulsion passionnée pour pouvoir prétendre à une soumission au hasard. Il s’agit plutôt d’une nouvelle expression du moi de l’artiste qui se libère de sa culture et de ses préjugés pour s’ouvrir, nu, au spectateur. Ainsi de Mathieu, de Tancredi, de Tapies. L’expressionnisme abstrait ne peut, non plus, être qualifié d’ouverture à la créativité du hasard. L’abstraction y est nourrie par l’émotion et le moi profond de l’artiste qui s’expriment par l’action painting.
Alors revenons à l’essai des iconoclates : la queue de l’âne qui sert de pinceau dont le balayement n’est dû qu’au hasard des mouches à chasser.
Mais… Est-ce de l’art ?
07:02 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, hasard, nécessité, création, processus, musique, peinture, informel | Imprimer
25/05/2013
L'écume des jours, film de Michel Gondry
Boris Vian comme si on y était. Tous les gadgets y passent : le piano cocktail d’abord, la souris, la danse "biglemoi" et bien d’autres encore. On s’amuse de retrouver l’esprit inventif et farfelu de Boris Vian. On aime sa tendresse sauvage, son romantisme délicat.
Les critiques n’ont pas aimé : trop d’effets spéciaux. Et pourtant, c’est bien cette première partie du film que j’ai appréciée plutôt que la seconde au contraire des critiques. Certes, la poésie passe après la trouvaille inédite, mais le sérieux de la seconde partie rend le temps long (le film dure deux heures cinq). L’appartement se dégrade, se couvre de toiles d’araignée, le cœur n’y est plus. Le nénuphar n’en finit plus d’envahir le poumon de Chloé.
Malgré le mauvais avis des critiques, le film est à voir pour ceux qui ont lu le roman. Cela leur rappellera les rêveries et les fumées d’un livre d’avant-garde à une époque révolue.
10:55 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, romantisme, suréalisme, roman | Imprimer
24/05/2013
Une branche frissonne
Une branche frissonne, la nuit
Trois pieds m’observent fixement
Pendant que j’écoute le fruit
Des silences du firmament
La lune rouge s’évade vers le bleu
Un homme assis me fixe de deux yeux
Derrière une canne nouée
une chauve-souris zèbre un nuage
qui se rétracte de plaisir
La terre respire mes pas
Trois maigres cheveux se balancent
Sur une main riant lentement
L’éclat pervers des étoiles
Pique ma joue enflammée
Une grande symphonie
La symphonie d’une feuille
M’entoure de rouge et de bleu
Trois gouttes de brume sur les cils
Trois larmes dans ma main
Le sommeil interrompra-t-il la litanie ?
07:03 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
23/05/2013
Jardin Albert Kahn : la forêt vosgienne (2ème partie, suite du 10 mai)
Poursuivons notre promenade dans le jardin d’Albert Kahn. Quelques pas et nous passons d’un jardin japonais à la forêt vosgienne. Certes entre les deux il y a un jardin à la Française bien ordonné, bien aligné entre les cordons imaginaires d’un architecte maniaque. Mais un pas de plus vers les arbres et nous sommes terrassés, immergés dans le massif des Vosges, ses sapins, ses rochers, ses étroits chemins encaissés.
Pas besoin de fermer les yeux, d’écouter le chant des ruisseaux dévalant des hauteurs. Les yeux ouverts, le regard incrédule, vous errez dans ces paysages étonnants dans le bruit perceptible de la circulation parisienne.
La forêt vosgienne, créée sur une parcelle acquise en 1902, est directement liée à la vie d’Albert Kahn, originaire de la ville de Marmoutier dans le Bas-Rhin. Il a souhaité reconstituer, là, un décor montagneux, chargé de souvenirs d’enfance volés par la guerre de 1870. Les deux versants, lorrain et alsacien, du massif des Vosges y sont aujourd’hui représentés.
Selon les témoignages, de gros blocs de granit et des arbres déjà de grande taille ont été transportés des Vosges par wagons spéciaux et ont obligé à démonter momentanément les fils électriques du quartier durant leur installation.
(Source : http://albert-kahn.hauts-de-seine.net/les-jardins/les-differents-jardins/foret-vosgienne/)
Un dépaysement certain à la porte de Paris. Qui eut cru être ainsi plongé au cœur de la porte de la France alors qu'il se trouve au milieu.
07:02 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jardin, nature, environnement, écologie, banquier | Imprimer
22/05/2013
Couleur du temps, récit de Françoise Chandernagor
Une plongée dans un autre siècle, celui des lumières. Ce n’est qu’une histoire imaginée, mais avec un tel réalisme que l’on pense qu’elle fut réelle et que le peintre V*** fut bien un peintre du Roi.
V*** fut-il un grand peintre ou un petit maître ? Un coloriste-né ou un fabricant sans génie ? Nous n’en savons rien : la postérité n’a pas rendu son arrêt. Tout juste peut-on dire que V*** était déjà mort de son vivant : lorsqu’il disparut, sa belle époque était révolue, sa mode démodée. Et pourtant il avait vécu, s’était fait connaître, avait obtenu le succès, avait négligé sa famille, voyageant partout où il était demandé pour peindre les grands de ce monde. Au-delà de l’histoire elle-même de sa vie, Françoise Chandernagor nous décrit à la fois la société de l’époque, sa conception de la peinture, la compétition entre les peintres pour obtenir les faveurs de la famille royale. Elle le fait d’une manière naturelle, introduisant dans le récit ces réflexions sur les événements d’une vie d’artisan-peintre.
Jeune, il ose : des jeunes gens impatients tirent le tapis. La guerre est finie, on veut s’amuser. Le tableau de bataille rebute, la peinture religieuse assomme, les grands sujets, les grandes idées ennuient les Français ; place au moi, place à l’intime, place au portrait ! (…) On voudrait tout entreprendre, tout oser…Mais les personnes bien nées, si elles ont du goût, hésitent encore à afficher la leur. Le jeune V*** trouva l’art de montrer ce qu’on tient caché sans choquer la décence : les dames de qualité n’avaient qu’à se faire représenter costumées. Pas en Madeleine repentante, évidemment ! Ni en Sainte Elisabeth. Costumées en dévêtues : une muse, une nymphe, une sultane, une allégorie. Il proposa du portrait déguisé « mythologique » ou « oriental ».
Bien sûr il se marie, a des enfants. Il a des instants de joie et des périodes de malheur. Sa vie est à découvrir dans la lecture même du livre. Au-delà, on s’intéresse à l’époque et à sa conception de la peinture.
Nous nous plaignons d’un siècle de courtisans, mais sachons qu’au temps de Voltaire et Diderot la flagornerie et la flatterie étaient obligatoires pour qui voulait se faire connaitre et obtenir des facilités.
A l’époque, l’art de la peinture est tout d’artisanat. C’est par la pratique qu’il pêchait, lit-on à propos du fils de V***. « Pas tant d’huile sur ton pinceau, Nicolas ! Ah oui, je sais : la couleur semble plus facile à étendre, elle est flatteuse, onctueuse, voluptueuse. Et puis, n’est-ce pas, on en a plus vite fini ? Solution de paresseux ! Qui se paie cher : ton tableau séchera, mais seulement en surface – dans dix ans sa peau craquera, il sera gercé de partout, tombera en morceaux. Alors chaque maître possède son atelier, ses apprentis, et le tableau se fait en équipe. Les uns peignent les mains, les autres sont spécialisés dans les pieds, les plus habiles, en passe de devenir maîtres à leur tour, les visages. Le maître met sa touche finale, alanguissant les membres, donnant de la vie aux joues ou à l’œil du sujet représenté. Cela donne une collectivité vivante, soudée, récréative, loin de la méditation individuelle de l’artiste d’aujourd’hui et du travail solitaire d’exécution. Sans doute retrouve-t-on maintenant cela dans certains genres de peinture, tels la production d’œuvres originales en plusieurs exemplaires, dites multiples, ou encore dans l’atelier de Vasarely où les petites mains peignaient inlassablement des ronds et des carrés. Il concevait les tableaux que d’autres exécutaient en grande partie.
Baptiste V*** aime les couleurs, le jaune en particulier. Il en parle avec son nouvel ami sur la fin de sa vie :
– Et qui t’a dit, Baptiste, qu’on peignait avec des couleurs ?
– Si l’on ne peint pas avec des couleurs, avec quoi peint-on ?
– On se sert des couleurs, mais on peint avec le sentiment…
– Le sentiment, Le sentiment ! Et pourquoi pas le naturel tant que tu y es !
Tout au long de sa vie, il conçoit et remanie le portrait de famille, fil directeur du récit. Après tous ses malheurs, il les rajeunit, reprenant les esquisses conservées. Il finit par se peindre lui-même en vieillard. Il l’expose et se retrouve en butte avec tous les critiques. A ce peintre qui ne vendait plus rien, que tout le monde avait cru mort, et dont le nom seul, entouré d’un vague respect, disait encore quelque chose au public, il fallait ôter ce qui lui restait : la renommée. « V*** est fini : Voici le titre. On assure que cet homme a été un bon portraitiste. Il n’est plus rien : le portrait de sa famille est faible, c’est-à-dire flou et léché.
Et ce livre s’achève avec l’interrogation, ma foi somme toute habituelle : V*** fut-il un grand peintre ou un petit maître ? Et d’ailleurs qu’est-ce qu’un grand peintre, qu’est-ce qu’un petit maître ? Vermeer fut un petit maître pendant trois siècles ; et Meissonier qui fut un grand peintre quand Béranger était un grand poète, n'est plus rien…
06:51 Publié dans 21. Impressions picturales, 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, récit, peinture, classicisme, temps | Imprimer
21/05/2013
Dynamo ou l’art cinétique en trompe-l’œil
http://www.grandpalais.fr/fr/article/le-spectateur-acteur-de-dynamo
Quelle misère. L’explication du commissaire général de l’exposition Dynamo n’est pas vraiment convaincante. Certes « on n’est plus dans une relation assise du visiteur ». « Les artistes demandent qu’on touche ». « On crée sa propre composition dans un système défini, donc on participe à la création de l’œuvre en jouant le jeu de l’artiste ».
Oui, comme le disait Marcel Duchamp, « c’est le regardeur qui fait le tableau.. » Mais quand le regardeur manipule le pinceau, y a-t-il vraiment un geste artistique qui fait une œuvre des objets, des couleurs, des sons. Cette parodie a-t-elle du sens (artistique). Je n’en suis pas sûr.
Cette exposition, apparemment très appréciée des spectateurs, se tient au Grand Palais. Beaucoup de tape-à-l’œil et de bling-bling. Mais aussi quelques purs chefs-d’œuvre. Certes, il faut aimer ce genre d’art qui passe de l’éclairage au néon s’allumant et s’éteignant en cadence, aux verres multicolores et aux miroirs déformants. Beaucoup de gadgets ! Cela commence d’ailleurs avant même l’entrée dans le Grand Palais, dans cette fontaine où le brouillard et la fumée ont remplacé le jaillissement de l’eau. L’idée n’est cependant pas mauvaise.
C’est dans les premiers pas de l’exposition que sont rassemblés les objets les plus médiatiques : une barrière de lumière, un labyrinthe de glaces, un jeu de noirs et blancs mobiles selon la place du spectateur, etc. Il est d’ailleurs étonnant de constater que les photos qui se trouvent sur le site de l’expo sont principalement celles de ce style d’objets.
Pourtant, il y a de belles choses si l’on s’intéresse au cinétisme. Admirons ces cercles de Bridget Riley peint en 1963 (Blaze 4, acrylique sur panneau) ou cette gouache sur bois de Julio Le Parc « »Instabilité, peinte en 1959, ou encore cette œuvre intitulée V32 (verres sérigraphiés, tubes fluorescents et bois, 1963) d’Angel Duarte.
A noter également cette impression d’orange géométrique sur une galerie du Grand Palais. C’est saisissant et très bien fait, probablement par projection du dessin avec un vidéoprojecteur très puissant.
Bref, à boire et à manger, mais avec des digestions différentes selon ce que l’on regarde, voit, contemple, admire ou fuit. Un bon point : les explications sur panneau des différents types de cinétisme, tels qu’Interférence, Pionniers (développements futurs visant à traduire le mouvement et à utiliser la lumière dans l’art), Halo, etc. Pédagogiques, ils permettent de comprendre les différentes possibilités offertes au créateur. Le premier d’entre eux :
Espace : Au cours du XXème siècle, l’art a changé : il a changé de nature. Il a trouvé de nouveaux moyens, il s’est fixé d’autres objectifs. L’art abstrait a été l’un des facteurs principaux de ces changements. Il a largement contribué à la conquête de l’espace, en incitant les artistes à quitter le tableau, à abandonner la ronde-bosse et à considérer l’espace pour lui-même. Plutôt que d’être représenté, l’espace va être utilisé, investi, devenir le sujet même de la création. Il s’agit de le structurer ou de faire disparaître ses limites ; il est saturé de lumière ou au contraire plongé dans l’obscurité, on cherche à l’habiter ou à le rendre impraticable. (…)
07:50 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art cinétique, art optique, art contemporain | Imprimer
20/05/2013
Aurore
Je me levais au moment où se glisse
Dans la fente entre étoiles et opacité
Un pâle rayon, une ombre de lumière
Derrière cette atmosphère sombre
Réveillé, dégrisé, ragaillardi
Je tendais les doigts vers la lueur
Mais j’eus beau allonger le bras
Je ne touchais que le vide et l’obscurité
L’œil est plus rapide que le bras
Il comprend d’un regard étincelant
Le feu du matin, même fragile
Et ce reflet grandit, s’élargit
Ouvre ses bras au vide de la nuit
Qui recule prudemment
Derrière les pans de murs
Même cachée, l’obscurité est traquée
Les traits de la nature se dévoilent
Comme la trame d’un tableau
Les contours du flou se précisent
Toucher enfin du regard
Les tiges élancées des bambous
Avant la fleur dans les prés
L’air se purifie, léger
Il me pénètre les poumons
Et éclaire mes pensées
Dispersant les miasmes du sommeil
Quelle prière muette
Les mains dans l’azur enfin
Je danse la chacone devant le soleil
Un jour nouveau est survenu
Instant d’apesanteur, les pieds légers
07:40 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie, littérature | Imprimer
19/05/2013
Facettes de rêve
Oui, il m’arrive de rêver de rose, mais il n'est jamais seul. Il est toujours environné de rouge, de violet et de bleu. Et ces choix surchargés font le bonheur des yeux, à condition de disposer, comme les mouches, d’une très large gamme de facettes.
En tout elles nous battent, de ce point de vue du moins : « Une mouche dispose de deux yeux composés de 1 500 facettes individuelles élémentaires dans chaque oeil qui peuvent gérer 200 images par seconde et possédant une vision panoramique et mosaïque incroyable sur 360°. Mosaïque signifie que la mouche ne voit pas un objet en entier mais le voit en quantité d'images. Les yeux des mouches mâles sont très développés et ces facettes diagonales sont bien distinctes. Ces dernières sont composées de 48 000 récepteurs sensibles à la lumière connus sous le nom de cellules coniques ou ommatidies. La mouche dispose d'une vue perçante et de capteurs ultrasensibles lui permettant de réagir rapidement au moindre mouvement instantané. C'est d'ailleurs pour cela qu'il est difficile de l'attraper. L'observation de ces lentilles résulte de l'expérience menée sur les yeux d'une mouche après avoir retiré tous les vaisseaux. Au microscope, l'on peut voir à travers les microparticules comment les yeux d'une mouche permettent une vue grossissante des objets éloignés. »
(Source: http://www.web-libre.org/breves/mouche,15541.html)
07:51 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : op'art, art cinétique, peinture | Imprimer
18/05/2013
La traversée, récit de Philippe Labro
En prologue, les visiteurs : Ils sont debout, en un seul rang serré, en ligne droite, le long du mur blanc et ils sourient tous. Leurs regards, leurs gestes, leurs visages expriment un drôle de sourire, comme une invitation. Tout, dans leur attitude bienveillante, semble vouloir me dire : – Viens ! (…) Ils sont morts, ai-je dit, mais ils ne sont pas morts puisque je suis vivant et puisqu’ils sont là, bien présents le long du mur blanc-jaune, et puisqu’ils me parlent. Ou alors, est-ce moi qui ne suis plus vivant.
C’est bien à un récit de Near Deth Experience que nous invite Philippe Labro. Ce n’est plus l’expérience d’une spécialiste de ces événements, le Docteur Elisabeth Kübler-Ross (voir Impressions littéraires les 2 » et 25 mai 2012 : La mort est un nouveau soleil), mais celle d’un homme comme vous et moi, au bord de la mort, et qui, finalement, s’en sort. Il est possible que ces expressions paraissent banales : « Aller de l’autre côté », quel cliché ! « Passer le cap Horn », quelle image facile ! Il faut se moquer de ces remarques. Si l’image paraît facile, c’est qu’elle est l’image vraie. Le problème n’est pas d’écrire : « L’autre côté », mais d’essayer de décrire à quoi il ressemble. Et d’abord, d’affirmer ceci : il y a un autre côté.
Qui eut pu croire que cela suffisait à faire un livre ? Et pourtant, c’est un livre vivant écrit par un ex-moribond et passionnant pour les réflexions qu’il contient.
Comment mesurer le temps lorsqu’on est attaché, perfusé et tubé ? J’ai besoin de me fabriquer une notion du temps. Me raccrocher à tout ce qui évolue : la lumière artificielle, la lumière du jour. Les bruits du matin dans le couloir de la réa, le silence de la nuit.
Il se dédouble, deux voix parlent en lui, celle de la vie et celle de la mort. C’est à l’instant où ce dialogue entre Moi et Moi s’est amorcé que j’ai entamé une nouvelle étape de la traversée. Deux voix vont désormais sans cesse se croiser (…). Elles font partie de moi, ces deux voix sont miennes, mais elles vont s’affronter dans un combat dont je suis le seul acteur et seul témoin. La voix de la tentation de la mort. La voix de la lutte pour la vie.
Et il redécouvre l’amour : Alors revient comme un contre-courant, le visage de l’amour. Alors revient la troisième force. Première force : la volonté et la résistance, transformés en un combat verbal entre les deux voix (la négative et la positive). Deuxième force : le rire. Troisième force : l’amour, les autres.
L’amour qui sauve, c’est non seulement celui des proches, sa femme, ses enfants, mais aussi celui que donne les infirmières, celles qui vous soignent. Ainsi Florence qui parle avec une extrême politesse qui force à l’obéissance.
Trois fois, il passe de l’autre côté, avec une expérience différente à chaque fois. Je me sens sortir de mon corps. J’ai l’impression que je me vois sur le lit, entouré des hommes en blanc et en vert, avec, derrière ce rideau d’hommes, les assistantes et les infirmières. (…) Et voilà que ce corps et cet esprit, qui ne font qu’un, sont entraînés dans le même trou en forme de tunnel qui m’avait fait si peur la première fois. Or ce tunnel n’a plus rien d’effrayant. Non seulement il n’est pas en pente, il ne descend pas, mais il semble monter doucement, dans une ascension bienveillante. En outre, il est clair, de plus en plus clair, il devient même tellement lumineux que je suis aveuglé par cette lumière et je ne vois plus que cela ; de la lumière.
Oui, c’est un livre choc parce que vrai, au-delà des histoires, des visions habituelles de la vie. Philippe Labro a franchi le cap Horn et il en est revenu. Sa vie a changé. Ils sont rares ceux qui sont allés jusqu’à la frontière. Ce sont nos seuls témoins. Alors lisons-les avec respect.
07:55 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, récit, expérience de mort approché | Imprimer
17/05/2013
Raga Flamenco
http://www.youtube.com/watch?v=YbhF3g4wI_w
Un tel mariage des genres semblent impossible. Et pourtant, pour notre plus grande joie, il est réalisé par Anoushka Shankar, fille de Ravi Shankar et un groupe flamenco qui n’est pas nommé, ce qui est dommage pour la chanteuse. L’Inde et l’Espagne réunies dans la musique et c’est une vraie fête !
Le sitar indien au diapason avec la guitare, dans un rythme qui convient aux deux civilisations. Plus de deux minutes de pure musique indienne, puis brusquement le chant flamenco, enfin l’accompagnement de guitares. Quelle surprise, déroutante, mais qui peu à peu, vous fait entrer dans une atmosphère particulière : un raga indou agrémenté au chant plein d’émotions du flamenco. Les deux adorent l’ornement et les variations instrumentaux ou vocaux. Alors le mariage est finalement réalisable.
Un voyage, les yeux fermés : défilent à la fois les fleuves indiens et les bodega ibériques.
07:12 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, inde, espagne, raga, flamenco, chant | Imprimer
16/05/2013
Le pinceau
Un pinceau, c’est une mouche qui vole
De pots de confiture en lieux d’aisance
L'insecte décrit des cercles d’espoir
Navigue en entrechats et pirouettes
Soumis au gré de la concentration
D’une main et de sa réflexion
Voyons ? Un peu de rouge carmin
Au coin de ce cercle de lumière
Du jaune fluo dans ce trou évasé
Elle passe d’un pot à l’autre sans vergogne
La barbe engluée de couleurs
Et chante modestement son habileté
C’est ainsi que s’essaime avec modestie
Le liquide coloré sur la toile blanche
Et que le monde connaît une œuvre de plus
Un carré de tissu tendu sur un châssis
Qui représente le monde imaginaire
D’un homme à la main leste et sûre
Le peintre est bien le magicien
Attendu ce jour à la sortie du train
07:25 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer