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13/02/2013

Entrée en Carême, entrée en soi-même

 Le terme Carême signifie quarantaine. C'est le chiffre indiquant le temps d'une étape spirituelle, d'une transformation. Il y a ainsi les quarante ans d'exode, les quarante jours de méditation de Moïse sur la montagne, les quarante jours au désert de Jésus.
 C'est une période où l'homme entre en lui-même pour renaître à une vie nouvelle.
Cette renaissance, ou passage, ou Pâque, est nécessairement précédée par une période difficile où l'homme connaît des hauts et des bas, une nécessaire épreuve où il apprend peu à peu à abandonner sa volonté entre les mains de Dieu alors qu'il a besoin en même temps de sa volonté pour lutter contre lui-même.
 L'expérience du Carême, c'est la découverte de l'amour que Dieu nous porte et qui nous pousse à aller au-delà des apparences. C'est à la fois un effort et une délivrance joyeuse.

12/02/2013

L’éternité est-elle cette grande page blanche

L’éternité est-elle cette grande page blanche
Vide de signes, volant dans le silence assourdissant
Ne l’attrape surtout pas ! La mort t’attend
Cours derrière, mais attention au changement de vent
Tu frissonnes dans la pâleur du jour levé
Dernier jour d’une multitude d’autres
Pas une tache sur la feuille immaculée
Partir sans laisser d’adresse comme un voleur
Dans le ciel clair, le cœur étreint
Par une envie d’air frais. Mais pas un souffle
Où est donc passé l’écriture de l’éternité
Rien que le blanc, noyé dans cette laine
Et tu t’envoles dans l’espace entre les astres
Tu contemples ce monde bleu quitté à jamais
Il s’éloigne et tu ressens le froid de l’absence
Tu oublies la caresse de la lune sur tes joues
Tu… Tu… Mais es-tu, toi ? Tu ne te connais plus
Tu voles de concert avec la page blanche
Enfoui dans ses grains, sourd au sifflement du vent
Et tout devient blancheur immaculée
Ah, le blanc est fini. Il m’a bien fait rêver.

11/02/2013

Denis Jully, à la galerie Claudine Legrand (49 rue de Seine 75006)

Si l’on recherche des contrastes, il suffit de se déplacer de quelques mètres dans la rue pour découvrir la peinture de Denis Jully, très différente de celle de Numa Droz. Ce sont aussi des paysages, sans êtres vivants, intemporels, mais proches de la catastrophe industrielle. On est attiré par la peinture, mais dans le même temps on ne peut l’approuver totalement. Elle rend trop compte de l’inconscience de l’homme dans ce monde qu’il fait et défait sans cesse. L’oppression nous gagne à contempler ces panoramas noirs, poussiéreux, informes de cendres et de débris. La main de l’homme est passée par là, détruisant la verdure, annihilant les couleurs, pour ne laisser qu’un monde de constructions industriels en ruine, dans lequel l’œil se noie, brouillé par les particules en suspension.

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La peinture est, disons, rugueuse. Elle laisse de larges conglomérats de noir, gris, brun, sur lesquels tranchent les notes de blanc, jaune ou rouge. On ne distingue pas les nuances du paysage qui est noyé dans une épaisse couche de poussière et de brouillard. On a l’impression de voir en aveugle, les mains en avant, cherchant des yeux notre chemin impossible à trouver dans cet amas de semi-obscurité. Alors on marche la tête entre les épaules, les yeux mouillés d’une brume fantomatique. Parfois, on sent un pincement au cœur, quelle est cette lueur qui donne espoir et rend la vie supportable ? Mais très vite on retombe dans l’inconsciente moiteur de l’atmosphère.

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Cependant, ces paysages catastrophiques laissent une impression d’arrière-main qui permet de ne pas sombrer dans la dépression. Il suffit d’un rayon de soleil qui transparaît, d’un rebord de rivière qui reflète un argent pur, d’une lueur même de haut-fourneau qui rougeoie et enrobe la campagne d’un peu de fièvre. C’est le cas de cette mine ou haut-fourneau abandonné, dans un environnement désolé, mais qui nous dévoile un ciel plein de promesse qui ressemble à une plage tranquille sur laquelle on s’étend après avoir couru et que l’on contemple, l’esprit au repos.

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C’est également le cas cette banlieue qui semble s’évanouir dans le rêve, épuisée par l’absurdité de l’existence. Ce contraste entre la campagne sous la pluie, la ville en fond de tableau et la part d’inconnaissance de la partie droit du tableau procure un sentiment d’avenir possible, même si l’on ne sait encore ce qu’il sera.

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Et là, le simple effet de blancheur accentuée des nuages et d’une légère ouverture du ciel dans un bleu tendre donne une note d’espoir dans ce paysage digne des romans sociaux du XIXème siècle :

 

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Là encore, un paysage certes plus champêtre, mais qui laisse supposer que, peut-être, le jour va réellement se lever et ensoleiller cette glèbe endormie :

 

 

Allons ! Ne désespérons pas de la vie. Elle réserve toujours des surprises. Ce qui compte c’est d’y faire face sans rien perdre de son acuité à la contempler avec recul pour en extraire la substantifique moelle, la part qui vous appartient et qui vous fait progresser.

 

10/02/2013

Le caquètement de Sheila Chandra

http://www.youtube.com/watch?v=-5nzeG052_c


Une performance étonnante qui n’est ni de la musique, ni du langage parlé. Cela doit avoir un nom, mais je l’ignore.

Son « ta-que-ta » est extraordinaire. Ce type de performance est appelé « speaking in tongues ». Pourquoi ? Cela n’a pourtant rien à voir avec le parler en langue des charismatiques. Il ne s’agit pas ici d’exaltation quelconque. Tout ce langage est rationnellement conçu, même s’il ne signifie rien. Ce n’est qu’une performance vocale conçue pour mettre en évidence sa maîtrise de la voix et de l'élocution.

Ce Ta-que-ta et sa suite nous laisse sans voix !

09/02/2013

Imaginaire et réel

Victor Segalen dans Equipée (p.11) pose une drôle de question : « L’imaginaire déchoit-il ou se renforce-t-il quand il se confronte au réel ? »

J’ai d’abord cru à une galéjade devant cette proposition. L’imaginaire et le réel sont différents et n'ont pas de rapport entre eux. Mais, en réfléchissant, il m’apparut qu’il n’était pas inintéressant de se poser la question. Mais elle peut se poser de deux manières : soit l’imaginaire mène au réel, soit le réel est le point de départ de l’imaginaire.

En réalité, chaque jour, l’homme élabore son avenir en l’imaginant. C’est même pourrait-on dire le propre de l’homme : voir loin, imaginer et agir dans le sens de son intérêt ou de ses valeurs. Il dispose maintenant d’outils spécialisés pour affiner sa réflexion : statistiques, méthode des scénarii, et même, depuis longtemps, voyance.

Mais l’inverse est également vrai : on ne peut commencer à imaginer un avenir qu’à partir du présent, c’est-à-dire du réel. La boucle est bouclée, les deux hypothèses sont vraies.

Ce n’est cependant pas exactement ce que dit Victor Segalen : « L’imaginaire déchoit-il ou se renforce-t-il quand il se confronte au réel ? » On peut déjà supposer que l’imaginaire dont il parle n’est pas la capacité d’imaginer un avenir, mais celle de créer un monde nouveau, déconnecté de la réalité, réellement né de son imagination. Il ne s’agit donc plus d’utiliser l’imaginaire pour se rapprocher du réel en le confrontant aux exigences des contraintes. Il s’agit de savoir si l’utilisation de la réalité dans l’imaginaire affaiblit celui-ci ou, au contraire, le renforce.

Disons d’emblée et tout net : l’imaginaire s’inspire toujours de la réalité, sinon il serait incompréhensible et non porteur de valeurs. La réalité est obligatoirement un point de départ de l’imaginaire. En effet, il faut bien utiliser les images, les sons, le langage, qui représentent la réalité quotidienne, pour commencer à imaginer quelque chose qui en dérive. Au-delà même de ces matériaux communs au réel et à l’imaginaire, il y a l’utilisation d’un contexte ou simplement d’un objet ou même d’un sentiment qui permet de passer du réel au fictif. On peut penser que l’imaginaire s’inspirant du réel pour ensuite bifurquer vers la fiction, renforce nettement l’intérêt du spectateur, lecteur, auditeur ou autre pour l’imaginaire né de cette réalité. La bonne science-fiction est proche d’une réalité qui peu à peu bifurque. Les extraterrestres n’intéressent le lecteur que dans la mesure où ils sont confrontés aux humains. Rien ne sert de les décrire si aucun homme n’est présent, ou, au moins, des créatures proches de l’humain.

Mais en est-il de même de l’imaginaire pictural ? Il semble bien que non, tout au moins au premier degré. La peinture abstraite est totalement imaginaire, sans référence au réel, au moins une partie. Cependant, est-ce si vrai ? Les tachistes, sans véritablement s’inspirer du réel, rejoignent le réel dans leur peinture, réel naturel et minéral, réel quasi artificielle, dû au grossissement du microscope électronique, ou encore réel conceptuel de la géométrie, qui rend compte d’une réalité abstraite, tels l’art cinétique ou l’art optique. Là aussi, in fine, et contre parfois l’avis des artistes, l’imaginaire se renforce du réel.

Enfin, l’imaginaire mathématique se renforce-t-il du réel ou au contraire s’appauvrit-il ? On peut tout de suite dire que le but des mathématiques est de conceptualiser le réel, de le rendre compréhensible, de le réduire en équations simples qui explique de manière claire la complexité du monde. Le réel renforce bien l’imaginaire pour l’aider à tendre vers une compréhension du monde.

In fine, on peut sans doute conclure que c’est l’imaginaire qui permet non pas de construire le réel, mais de l’aménager dans un sens favorable. Il se renforce dans sa confrontation au réel. Mieux même, il renforce lui-même le réel, le rend plus humain (pas forcément plus juste). L’imaginaire est l’énergie de l’évolution.

08/02/2013

Le rêve

OK… Voilà la poupée huilée et cosmétique
Des publicités tapageuses et anonymes
Elle est prête à tout, peu importe
Ce qui compte, c’est attirer l’œil et l’attention
Pendant une minute ou deux
Pas plus, pas moins, et encore…

Le rêve, nature indissoluble d’une réalité
Inventée de toutes pièces et entraînant
Des débordements tumultueux

Le rêve, nuage poussé par les vents
De l’imagination incontrôlée
Pour notre plus grand plaisir personnel

Le rêve, méditation interne  et exaltée
Qui conduit aux extrêmes la vision
De la comédie humaine

Et pourtant, on peut rêver aux anges
De plaisirs à venir et de délires joyeux
De départs pour des contrées lointaines
De séjours dans des grottes oubliées

Oui, les rêvoirs sont infinis
Une vie ne suffirait pas à les connaître
Les plus beaux ne sont pas les mieux aimés
Un rêve dans les étoiles et le cosmos
Vaut bien celui de bals enchantés

Mieux vaut rêver sa vie
Que vivre sans motif

07/02/2013

Passage de Lancre, Paris

P2060024.JPGCe passage se situe entre la rue Saint-Martin et la rue de Turbigo, dans le 3ème arrondissement.  Il apparait soudainement, alors que vous passez en vélo à sa hauteur, ouvrant par une porte de cirque, sur une campagne en miniature, une sorte de forêt verte, étroite, un long boyau dans les entrailles de la ville, perdu entre les immeubles.

 

 

 

Il est ainsi nommé par déformation de son nom pendant la révolution (passage de l’ancre nationale) et sous la monarchie (passage de l’ancre royale). Mais il existe une autre explication : l’ancien passage du puits (quel puits ?) s’est muté en passage de l’ancre en raison d’une ancre servant d’enseigne à une auberge.

 

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D’abord, le P2060023 (2).JPGcalme. Pas un bruit. Vous marchez sur du velours, les doigts de pied écartés, n’osant pas regarder derrière les vitrines de peur de réveiller les habitants. Et il est vrai que le passage fait un peu Belle au bois dormant : « La princesse se piquera le doigt sur un fuseau et en mourra, mais au lieu d'en mourir, elle tombera seulement dans un profond sommeil qui durera cent ans, au bout desquels le fils d'un Roi viendra la réveiller ». Mais cela ne risque pas de  vous arriver, car il n’y a pas un siège et encore moins une table. Ce n’est qu’un passage qu’emprunte un habitant du quartier.

Alors vous errez dans cet étroit couloir bordé de petites boutiques aux flancs laqués de couleurs vives. Vous vous laissez subjuguer par les lierres et bambous qui gênent votre marche et voilent les devantures. Circulez, il n’y a rien à voir. Laissez-nous dormir !

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Après un dernier coup d’œil, vous vous laissez convaincre que s’il y a quelque chose à voir, il faudra que vous reveniez.

Oui, passage de  l’Ancre parce qu’on s’y sent à l’abri comme dans un port ou passage du puits creusé dans les flancs de pierre de groupe d’immeubles. Bel endroit de Paris !

06/02/2013

Bélard et Loïse, roman de Jean Guerreschi

Un roman, un récit de mœurs, un livre érotique ? On ne sait comment qualifier ce livre de Jean Guerreschi et, de plus, on ne sait comment le lire. Doit-il être lu vite, en impatience de nouveaux incidents palpitants, ou doit-il être savouré13-02-02 Bélard et Loïse.jpg lentement, avec toute l’attention qu’il réclame, en raison de la qualité du style et de la narration ? Ce fut selon les moments. Mais plus l’on avance, plus on tente de profiter de cette lecture, s’intéressant plus à l’écriture de l’auteur qu’à l’histoire qui s’allonge, sans doute un peu trop.

C’est une histoire qui pourrait être banale. L’amour d’une étudiante pour son professeur qui pourrait être son père. Elle a choqué certains critiques : « Jean Guerreschi a beaucoup d'imagination. On ne saurait le lui reprocher. On ne peut pas non plus lui reprocher de nous livrer ses frustrations en décrivant ses fantasmes. » (François Jardin, Pour les amateurs de mélo, A-lire.info)

Mais les prémices de cet amour sont enchanteresses : e-mail à double-sens,  messages codés, et le désir qui monte intensément : Ils se trouvèrent soudainement tout près, trop proches l’un de l’autre. Loïse l’éprouva la première. Je suis trop près de lui, se dit-elle, je sens la rétraction de sa zone intime, mais je ne peux faire autrement que de rester là. Elle ne bougea donc pas. (…) Il était si près d’elle qu’il voyait le duvet de ses phalanges. Elle était si proche de lui qu’elle serra la main sur l’étagère pour ne pas verser. S’il me touche, je crie, pensa Loïse. S’il ne me touche pas, je hurle, pensa-t-elle l’instant d’après. Si je la touchais, songeait Bélard, elle ne me repousserait pas. De cela il était sûr. Puis il pensa au futur simple. Si je la touche, je l’aurai dans les bras toute la vie.

La narration de leurs aventures amoureuses est hors du commun : tendre, extatique, mais aussi érotique, sinon pornographique. Mais écrit avec une langue merveilleuse, pleine de justesse, de délicatesse également : Bélard vit Loïse nue. Il oublia son âge. Bélard oublia son âge. Il s’étonna de sa jeune faim. Loïse goûta au corps de Bélard. Elle le trouva bon. Son appétit d’elle surprit Loïse. Son appétit de lui la troubla. Bélard s’étonna de sa jeune faim. Que si jeune faim eût appétit de lui le surprit.

Lorsqu’il se retrouve seul, Bélard s’extasie : Je suis comme un bœuf amoureux… Elle répondit qu’elle serait volontiers sa génisse. Il protesta qu’ils étaient au milieu du carrefour, que la morale publique les écraserait plus vite et plus certainement qu’un semi-remorque. (Il pensait : m’écrasera moi, mais il ne l’écrivit pas.) Elle répondit que, sous lui, elle ne sentirait pas le semi-remorque.

Ne poursuivons pas ce récit. Laissons au futur lecteur le soin de le découvrir. Il se tire un peu en longueur, en étrangeté (mêler l’actualité du 11 septembre à cette histoire forte). Le livre ne vaut en fait que par la langue, le style, la justesse des comparaisons. La crudité du compte-rendu des ébats des deux amants pourra choquer, mais c'est écrit avec une telle délicatesse.

Le livre fait penser à « Belle du Seigneur » d’Albert Cohen. Même art de la narration juste, même hymne à la femme, même délectation de ces rencontres, étreintes, tensions et détentes amoureuses. Mais : Le plus étrange, c’est qu’un tel roman fasse aujourd’hui scandale — au point qu’une œuvre constamment maîtrisée, souvent admirablement écrite, soit boycottée par des journalistes plus pressés de rendre compte des pauvretés nothombiennes ou houelbecquiennes, écrit Jean-Paul Brighelli sur le site de Marianne.

05/02/2013

Numa Droz, peintre paysagiste

« Le paysage est mon unique préoccupation », explique le peintre Numa Droz, qui expose à la galerie de l’Europe (55 rue de Seine, 75006). Il ne s’agit pas de paysages industriels ou citadins. Ce sont des paysages peints dans la tradition des peintres paysagistes du XVIIème siècle.

Bosquet dans un pré.jpg

Lenteur du regard et du corps devant cette tranquille assurance. L’éternité est à nos portes et nous ne le savons pas. Nous passons en courant devant des paysages époustouflants et il faut qu’un peintre nous le rappelle : arrêtez-vous et regardez, respirez calmement, laissez votre tête reposer ! Et l’on prend conscience que, malgré ses transformations permanentes, la terre reste la même, chaleureuse, accueillante, splendide de sérénité, nous apprenant par sa beauté notre vocation première, rendre grâce pour ces dons immenses.

Le silence.jpg

Il part d’émotions réelles survenues dans ses promenades en Bourgogne, dans le Vercors ou encore les Pyrénées. Il aime affiner ses éclairages, aussi choisit-il des moments particuliers tels que les lever ou les coucher de soleil. Les ciels sont clairs, exempts d’une couche grisâtre qui fait le plaisir de nombreux peintres contemporains. Il reflète la tranquillité intérieure du peintre, un peu de brume, une coloration venant de la montée de la lumière, légère, attendrissante comme l’épiderme féminin. En contraste, la chair rurale se fait plus foncée, parfois presque noire, pleine de recoins cachés, de mystères insoupçonnés. Elle s’éclaire progressivement, sans perdre de son mystère, jusqu’à l’horizon qui se noie dans la clarté du ciel.

Mer en fond de tableau.jpg

Lorsqu’il trouve un paysage qui lui parle, il prend des photos, quelques croquis, et range tout cela dans sa mémoire jusqu’à ce que l’émotion ressentie pendant la flânerie devienne impression, sentiment, puis connaissance d’un au-delà de la vision brute du paysage. Celui-ci est alors une source de joie sereine pour le peintre et un message à faire passer au spectateur. Il devient habité d’une présence qui n’est nullement humaine (il n’y a aucun personnage sur ses toiles), une manifestation de l’éternité qui nous enveloppe. Le temps n’a plus de prise sur lui, il devient éternité.

Une terre rouge.jpg

Allez voir ce peintre aux paysages enchanteurs. Il expose jusqu’au 28 février. Vous y admirerez la finesse, l’élégance et la précision de cette peinture qui semble sortir d’un autre siècle et qui hante nos esprits lassés des paysages grisâtres que nous voyons tous les jours.

04/02/2013

J'ai vécu de multiples vies

J’ai vécu de multiples vies
Pour chercher celle qui me convient
J’ai trouvé la folie, la persévérance…
Toujours à fond pour tirer la corde
Du rêve qui ne mène à rien…
J’ai chevauché les centaures,
Etroitement enlacé à leur piétinement
J’ai parcouru en pensée
Toutes les geôles endoctrinées
J’ai contemplé l’océan des sentiments
Et subi les balbutiements mondains
Je me suis donné aux notes, fraiches
Qui font naître l’élégance et le secret
J’ai tordu le fer et assoupli le bois
Fait de la matière une ébauche de vie
Représenté ce que je ne pouvais dire
Couleurs et formes répandues
Je me suis adonné à la méditation
Contemplant l’épais nuage de l’ignorance
Jusqu’à ce qu’il devienne blancheur
J’ai quitté la pensée et l’action
Pour plonger hagard et bienveillant
Dans les univers dépeuplés
Et j’ai trouvé dans cette immensité
Ce creux de chaleur intense
Qui guide la vie et voile les heures…
Explosion !
Quel chemin depuis le jour
Où je me suis réveillé dans la nuit
Planant au-dessus du destin…
C’est là que j’irai, mais comment ?

03/02/2013

Explosion en étages

Coup de grisou, attentat, voire Big bang !

Et pourtant, n’est-ce pas harmonieux cette échappée en étages. Cela rappelle la technique d’effondrement des immeubles, explosion après explosion, jusqu’à l’anéantissement complet. Et cela se poursuit dans le temps, en permanence, jusqu’à la fin des univers. Mais d’autres naissent au même moment. On pourrait croire que le temps est un éternel recommencement.

Optimisme, c’est sûr, en harmonie et en musique !

 

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02/02/2013

Messe en si mineur, de Jean-Sébastien Bach BWV 232

http://www.youtube.com/watch?v=YgVWaFvF0mg 

 

Magnifique interprétation, très aérienne, du chef Seiji Ozawa et de son ensemble, le Saito Kinen Orchestra. Notez qu’il dirige sans partition et que les chanteurs connaissent également par cœur leur texte.

Certains trouveront le kyrie un peu mièvre, interprété de manière trop classique, sans émotion. On aime de nos jours impressionner par certaines bizarreries d’interprétation dont on parsème la partition. Là rien de tout cela. Un déroulement calme, balancé, équilibré. Le chef ne fait pas d’effets, la polyphonie s’écoule comme un fleuve lent, serein. Il n’y a pas respiration marqué, de coupures du déroulement.

Ne sommes-nous pas déjà en paradis, dans les affres de la pureté et de l’éternité ?

01/02/2013

Désirs et reflets

A l’image de la vie : Les fruits et légumes bien encadrés dans leurs cases. Ils servent à la cuisine du restaurant et montrent leur aspect frais et réel.

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Mais tout ceci se trouve derrière une vitre qui reflète le monde extérieur. On neP1230006.JPG peut voir à l’intérieur ce que font les cuisiniers. S’agitent-ils ? Méditent-ils et laissent-ils légumes et fruits se couper, se saler, se prélasser dans l’eau chaude jusqu’à devenir une soupe bienfaisante ou un accompagnement de viande ? C’est l’alchimie mystérieuse de la vie, l’apprentissage permanent des décisions qui ne vous appartiennent pas.

 

Et le monde défile sous le regard des légumes, sans les voir, sans en sentir la subtile odeur et contempler leurs couleurs éclatantes. La beauté à portée de main. Mais que faire des aveugles passants qui ne savent pas la richesse qu’ils côtoient ?

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Signalons cependant que nous n’avons pas goûté la cuisine de ce restaurant. La vue de ses trésors nous a rassasiés.

31/01/2013

Quand reviendras-tu de ton pays des rêves ?

Quand reviendras-tu de ton pays des rêves ?
Tu es là, absente, seule dans la foule
Hésitante, trébuchante, sans but ni projet
Une vie, pourtant, ce n’est pas une promenade
On ne démarre pas assis dans la voiture
Sans plein d’essence ni biscuits
Silence, en réponse... Je me cache
Derrière mes esbroufes et pirouettes
Tu n’as rien à connaître de ma vie secrète
Blanche, transparente, je passe
Sourires, rires même, discrets
Qui transforme la statue en marionnette...
Ton ombre s'en va, légère, uniforme
De lassitude heureuse et dénudée
Tu marches, tu marches, je te vois
Je te perds de vue...
Où se trouve l’horizon de la vie ?

30/01/2013

La magie d’un instant

Sur le tapis déroulé, ils dansaient tels des lutins, dans la joie de Noël. Et plus ils sautaient, plus ils devenaient invisibles aux yeux des adultes, perdus dans leur monde de rêve, de mouvements et d’exaltation.

Ils rejoignaient ainsi les rescapés de la gravitation.

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29/01/2013

Manuella, roman de Philippe Labro (Gallimard, 1999)

Une collégienne, sympathique, qui ne sait si elle va avoir son bac. Quoi de plus classique ! Mais, j’ai revu la libellule de mon rêve et je me suis dit qu’une fille qui commençait la matinée la plus horrible de sa vie avec une libellule dans un carré d’espace bleu ne pouvait pas être entièrement foutue.

Pourtant, elle est vierge et la plupart de ces amies ne le sont plus. Lorsqu’un13-01-31 Manuella.jpg garçon veut coucher avec elle, elle répond : « Je t’aime bien, mais je ne t’aime pas. » Quand une fille dans le train, assise en face d’elle, lui demande : « Est-ce que vous êtes vierge ? » Elle la regarde, stupéfaite : « Ça va pas bien, non ? Ça te regarde ? »

En fait l’intérêt du livre n’est pas dans l’histoire, mais dans les réflexions et les anecdotes concernant la vie d’une adolescente qui se dit ratée.

Ainsi l’auteur consacre un chapitre à la mode du noir : Dehors dans la rue, j’ai l’impression que tout est en noir, que tout le monde s’habille de noir. Le deuil de qui ? Ils portent le deuil de quoi, les gens ? Ils vont à l’enterrement de quoi ? C’est une cérémonie, c’est une manif ou c’est un film ? (…) Oh ! Les mecs, les filles, vous affichez quoi exactement, là ? Vous avez peur de quoi ? Parce que si vous vous ressemblez tous autant les uns les autres, c’est que vous avez peur de quelque chose ? La couleur du jour, pour vous, c’est ça ? C’est la couleur de la nuit ?

Sa mère lui fait remarquer qu’elle utilise le terme pur très souvent : un pur film, un pur chanteur, une pure note de classe, une pure soirée, un pur plat de spaghettis, un pur CD. _ Qu’est-ce que tu préfères, lui ai-je répondu, que je dise pur ou putain ?

Et, malgré ses impressions, elle est reçue au bac : une profonde sensation de plénitude, jouissance, gaité, plaisir sensuel qui ne s’affaiblissait pas et qui allait, au contraire, grandir, grandir, pousser toute la journée dans mon corps (…) Question : Peut-être que l’amour, ça ressemble à ça, la légèreté totale du corps et de l’esprit ?

Mais elle revient souvent sur l’amour tel qu’elle le conçoit : On sait tout ça, maman. On a tout lu, on a tout vu, on a tout entendu. Du cul, du cul, du cul, au cinéma, sur les affiches, dans les bouquins qui se vendent bien, les magazines, à la télé, c’était incroyable ce que les gens pouvait parler de cul et montrer du cul. Ils préféraient utiliser le mot sexe, ça faisait plus noble et plus technique, d’ailleurs, sexe, en soi, il faut bien le dire, c’est un mot irrésistible. C’est pas vulgaire. (…) Je voulais bien être comme les autres, Yami, Daph, Nade, je voulais bien connaître l’amour au moins une fois, mais j’aurai souhaité que ce ne soit pas… banal. Plus la société avait trivialisé l’amour, plus j’attendais autre chose que du trivial.

Elle le rencontre ce garçon qui la fait frissonner. Il est frimeur, mondain, une machine à sortir des aphorismes (cette salade est incongrue, mais digne d’intérêt), à citer des auteurs (on peut rêver qu’un jour la vérité soit à la mode. C’est du Raymond Queneau). Mais,  au loin, le grand bateau bleu et blanc prenait le large, et moi, Manuella, j’étais gagnée par une sorte de gaité rêveuse, une petite joie intérieure, comme en attente d’un événement.

Et, à la fin du livre : j’avais toujours souhaité que la première fois me change, que ça se passe de façon telle que j’en sorte différente, transformée. Le suis-je ? Quand j’y pense, ce n’est pas une courte nuit avec un garçon en été qui a modifié ma vision des choses. Je m’étais donnée à lui parce que c’était plus qu’un geste, mais ce n’était aussi que cela, une série de gestes. Aimer sans amour n’est pas aimer.

28/01/2013

Dieu(x), modes d’emploi, au Petit Palais (2ème partie et fin)

L’exposition est partagée en plusieurs sections :

Section 1 : les divinités

Elles sont représentées par leur image ou absence d’image :

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Bouddhisme : Le Bouddha, suprême Vajradhara, Tibet, XIVe siècle – bronze doré.



 

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Hindouisme : Siva, "Roi de la danse", Tamil Nâdu, Inde du sud, XIe siècle – bronze.

 


 

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Christianisme : Christ en croix, Le Puy-en-Velay, XIIe siècle – bois polychrome.

 

  

Section 2 : les cultes

Cette section expose une variété d’objets cultuels destinés à « la communication » avec le divin. Mais la plupart de ces objets sont exhibés à la manière d’un cabinet de curiosités.

Section 3 : Passages

Evocation des rites de passage tout au long de la vie au travers les cérémonies des différentes religions. C’est plus une évocation de la société que la découverte des rapports entre l’homme et le divin : entrée dans la communauté avec la naissance, passage à l’âge adulte, mariage et rites mortuaires.

Section 4 : les intercesseurs, c’est-à-dire les prêtres, prophètes, chamanes, etc. Je ne m’en souviens pas !

Section 5 : le corps

De l’ascèse aux interdits alimentaires et à l’habillement, jusqu’à la possession. Est-ce attrayant ?

Section 6 : conflits et coexistence

Seul intérêt, anecdotique, une « œuvre musicale » de Cédric Damfrain, intitulée Tempora 2006, qui n’est pas réellement de la musique, mais une synthèse sonore de musiques, chants et bruits religieux de toute nature. Bref, un syncrétisme musical.

Section 7 : les lieux

Quelques maquettes de lieux de culte modernes, innovants, curieux, hors souvent des conceptions classiques de l’architecture religieuse.

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Chapelle de Villéaceron, Espagne

 

 

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Eglise San Paola, Foligno, Italie

 

  Section 8 : Cycles

(sans intérêt)

Section 9 : Au-delà

« Que croyez-vous qu’il va advenir de vous après votre mort ? » Dans cette salle, la dernière, huit personnes sont interrogées et proposent leur réponse à cette question selon leur religion ou leur absence de croyances dans le cas de l’athéisme. Ce n’est pas forcément la meilleure section. Disons qu’une ou deux des personnes interrogées ont de véritables réponses et non des clichés.

 

Mais cette exposition reste plate, muséologique. Bref, une soupe sans sel ni poivre, ni même ingrédients qui font de la nourriture un vrai plat cuisiné, voire un enchantement des sens et de l’être.

Deux aspects essentiels des religions manquent :

L’évocation de la musique religieuse, voire sacrée, et en particulier le chant. Cet aspect n’est nullement abordé alors qu’il ouvre l’être à l'inconnaissance (voir les articles consacrés à la musique sacrée sur ce blog).

Enfin et surtout : Où se trouve la seule vraie dimension de toutes les religions, l’intériorité, l’expérience du divin et la réalisation mystique ? Bref, comment l’homme répond-il à la question : « Où vais-je ? Que fais-je de ma vie ? »

27/01/2013

Sortir sans conscience dans le froid

Sortir sans conscience dans le froid
Vous la laissez à la maison, au chaud
Et allez libre de toute contrainte…

L’air vivifiant envahit vos poumons
Comme une sucette à la menthe
Vous êtes retourné de fraicheur
Qu’il est bon de ne plus disposer
De pensées délétères et ruineuses

Pas à pas vous laissez le pavé résonner...
Il sonne plus fort aujourd’hui
Cloches environnées de crème chantilly
Les sons ont une autre allure
Secs, revigorants, ils s’affrontent
Dans la tête vide et éclatent
En bruits de verre éparpillé
Ils remplacent le toucher interdit
Par la caresse collante du métal refroidi
Et le pincement détaché des doigts

Et soudain vous vous envolez
Dans la nuit blanche de froidure
Contemplant la ville émasculée
Repliée sur elle-même, résorbée
Dans ses cubes rayonnants
Où l’homme et la femme reposent
Sous les couettes des délices...

26/01/2013

Ils ont perdu la boule !

Des extra-terrestres à la mode, quelle aubaine !

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N’est-ce pas nos attitudes habituelles ? Bien mis, en conversation, mais chacun dans son monde. La face blindée dans ce lieu magnifique, les jardins du Palais Royal. Ils ne savent pas qu’ils sont là, les yeux fermés sur leur complétude. Et pourtant ils reflètent ces jardins, ces arbres, les jets d’eau, mais à leur manière, en rond, laissant leurs pensées errer en boucle.

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Et ceux-ci, que sont-ils, jeunes hommes ou femmes déjà ? Un délicieux mélange pour vendre, encore, vêtements et colifichets. Ils réfléchissent la nature dans leur magnificence pour mieux attirer le client dans ce monde clos des achats frénétiques. Mais tout ceci avec élégance.

 

En ces jours de solde, nous sommes conviés à une évasion hors du temps. Se perdre dans les rêves les plus fous, les atours les plus séduisants, et marcher sur la tête, les yeux dans les nuages de la cupidité.

25/01/2013

Dieu(x), modes d’emploi, au Petit Palais (1ère partie)

Ainsi est présentée l’exposition "Dieu(x), modes d’emploi", au Petit Palais jusqu’au 3 février : « Croyants, agnostiques ou athées, chacun a pris en France l’habitude de vivre dans une société largement laïque. Ce n’est pas le cas ailleurs. Or nous voici tous confrontés à un phénomène nouveau : à la faveur des échanges migratoires et de la mondialisation des communications, les villes d’Europe sont devenues le creuset des religions du monde. Cette rencontre n’est pas facile. Les croyants connaissent leur propre religion, très peu celle des autres ; les non-croyants appréhendent mal le fait religieux. Beaucoup ont tendance à ne voir dans la résurgence du fait religieux que ses aspects les plus révoltants. Aussi est-il urgent de comprendre ce phénomène, qui risque d’être la grande affaire du XXIe siècle. »

Soyons sérieux ! C’est tout de même un peu agaçant de nous faire croire que les religions ne sont plus que des cas d’études anthropologiques. Cette présentation des religions, malgré la beauté des œuvres présentés, laisse pantois. L’ambiance est celle des trésors du Louvre : bien présentés, attrayants, emmitouflés de commentaires trop souvent banals, mais faisant savants. Bref, c’est tout sauf vivant alors que les religions sont l’essence même de la vie humaine, ce qui distingue celle-ci de la vie animale. Pour les organisateurs, ce n’est qu’un « phénomène », comme ils le disent dans cette présentation. Certes, ils retiennent le mot attribué à Malraux : « Le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas ! », mais plus pour dire l’importance politique et sociétale des religion,exposition,société,culturereligions que pour penser à une évolution spirituelle de l’homme.

Donc le Petit Palais propose un voyage au travers des religions d’aujourd’hui, telles que pratiquées aux quatre coins du globe et de Paris. On y croise les quatre religions monothéistes (judaïsme, christianisme, Islam et sikhisme), les religions polythéistes comme le bouddhisme, l’hindouisme, le taoïsme, mais également l’animisme, le culte des ancêtres, le vaudou, jusqu’au syncrétisme et même l’athéisme ( ? ). Mais l'on commence par cette magnifique stèle de Hasor prêtée par le musée d'Israël, à l'entrée de l'exposition.

Œuvres d’art, objets ethnographiques, maquettes côtoieront photos, films et bornes interactives pour tenter d’éclairer la variété de la foi et témoigner de la richesse des cultes pratiqués ici et là sur la planète.

24/01/2013

Les incertitudes de la science

 

« La cible privilégiée de René Thom, ce sont tous les savants qui, à la manière de Prigogine, nous expliquent que le monde n’est que bruits et hasards : la « prétendue science du chaos ».

Prigogine, selon Thom, a amalgamé dans une science du chaos des phénomènes essentiellement différents, dont relèvent du déterminisme et d’autres de la description probabiliste. Thom reprend l’exemple de la pièce de monnaie cher à Prigogine : Prigogine nous a expliqué qu’il est par définition impossible de prévoir si une pièce lancée en l’air retombera sur pile ou sur face, et que la seule détermination est d’ordre statique. Cette image d’incertitude et de probabilité résumerait assez bien, selon Prigogine, l’état actuel de la science contemporaine. Mais, me dit Thom, Prigogine nous abuse : si les physiciens ne peuvent pas prévoir le mouvement de la pièce, ce n’est pas parce que c’est impossible, mais parce que c’est expérimentalement difficile et coûteux. Cette prévision reste théoriquement possible pour un observateur qui contrôlerait les conditions initiales du jet de manière assez précise. »

Guy Sorman, Les vrais penseurs de notre temps, Fayard, 1989, p.61

 

René Thom, mathématicien français (1923-13-01-25 René Thom1.jpg2002), n’était pas que mathématicien. Il s’intéressait également à la philosophie. C’est cette alliance entre les mathématiques et la philosophie qui lui font dire que la théorie du hasard et du chaos n’est qu’une mode intellectuelle. Prétendre que la matière ou la vie sont les produits du hasard, c’est se glorifier de son incompréhension, accepter que le monde ne soit pas intelligible.

Bref, Thom pense qu’il faut retrouver Aristote et rapprocher le quantitatif du qualitatif, le sensible et l’intelligible, la science et la conscience.

Le génie est moins dans la science des mesures que dans une science herméneutique : l’interprétation des signes par les mathématiques.

23/01/2013

Téléphone

Un coup de fil, qu’est-ce ?
Le téléphone sonne
On suit le grésillement du câble
Sans savoir où l’on va
Et qui nous appelle
Exclamation,  déception
Peut-être enchantement, qui sait !
C’est toi, c’est vous, c’est nous
A nouveau réunis, collés à l’écouteur
Cela revient, l’ancien langage
L’intonation chaude des voix de femme
La glaciale attitude des hommes d’affaires
La camaraderie bon enfant des adolescents
Et les souvenirs explosent
Mais ce qui compte c’est l’évanescence
D’une sensation, d’un sentiment
Là tu étais assise, riante
Ici vous avez versé vos larmes
Tous nous laissons tourner
Ces éclairs en volutes
Et entretenons nos souvenirs communs
Au revoir, adieu ou à bientôt
Qui sait ce qu’il adviendra de nous
Mais ce réveil de la mémoire
Regonfle ces instants délicieux
Où nous avons connu
L’osmose, la superposition des émotions

A quand ? Tout à l'heure, demain...

22/01/2013

Echappée

Quelle fuite !

Et pourtant la rondeur reste là, immobile dans la mouvance des lignes, comme un hublot ouvert sur un autre monde dédoublé du premier. Le regard part à gauche, mais ne rencontre rien. Il imagine le point de fuite, mais les autres sens se sentent bien là, au creux du nid, enfoui dans les pliures, le nez dans la couette !

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21/01/2013

Les canons de l'Offrande musicale

L’offrande musicale est un des chefs d’œuvre de Bach. Il a conçu les canons comme de véritables rébus musicaux qui font également penser aux gravures de Escher, à la géométrie et plus particulièrement aux symétries diverses. Le canon en crabe en est un exemple. Il constitue un palindrome musical, figure de style désignant un mot, ou même un texte, qui peut être lu à l’endroit et à l’envers (exemple : ressasser).

http://www.youtube.com/watch?v=4VFJdMRg_Yo

 

Le manuscrit de Bach peut être joué dans les deux sens, du début à la fin ou de la fin au début. Mieux, il se décompose à deux voix dans de nombreuses dimensions qui vont jusqu’à former un ruban de Mobius.

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N’est-ce pas génial cette complicité inventive dans des domaines différents qui se rejoignent : littérature, dessin, musique, mathématique. Et tout cela à partir de différentes formes de symétrie, comme un miroir enchanté qui vous aide à rêver.

 

Alors, écoutons et regardons...

 

20/01/2013

Rue du Mail (2ème arrondissement, Paris)

Une rue qui n’a rien d’extraordinaire habituellement. On peut penser que son appellation ne date pas d’hier, ni d’Internet, et que donc il ne s’agit pas de courriels, mais de promenade publique, voire de boulevard. Alors quelle idée de superposer des synonymes : l’avenue de la promenade ou mieux la rue de la rue ! Elle est petite, étroite, un peu noire, mais contient des magasins de décoration assez chics.

Eh bien, pour les soldes, les commerçants ont inventé une belle décoration, originale, lunaire pourrait-on dire : des abat-jours géants suspendus dans les airs. Oui, cela surprend, mais en bien, ce qui est rare.

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Et me voici passant sous les abat-jours, pas plus éclairés puisqu’il fait jour, mais le crâne tamisé par ces éteignoirs à bougies. Quel chapeau !

Chaque magasin dispose d’une flamme de tissu jaune qui semble inviter le passant à l’intérieur. Et pour plus d’attirance, les devantures sont fournies, fourbies avec des intentions artistiques : défilés de tissus, coin de fenêtre miroitant, même un dragon veillant sur l’ameublement.

 

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Et je repars sous les abat-jours, étonné bien sûr, pas blasé. Les étrangers disent que les Français sont frivoles et imaginatifs, on va finir par le croire.

Allez, encore un tour d’abat-jours :

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Je remonte sur ma bicyclette, le cœur léger, j’arrive à la fin de la rue, qui possède un bistrot bien de chez nous, intitulé « Chez Georges ».

Mais... Il est temps de rentrer.

 

19/01/2013

Blanc

Blanc comme le plein ou le vide ?
Ebloui, je ne sais
Le blanc est le regard de l’aveugle
Un puits clair d’absence

Vêtu de lait, j’erre
Dans la prison des rois
Enfoui dans les nuages

Pourtant ils voient la mort en noir
Ceux à qui la foi échappe
Le trou et rien, la coupure

Carte blanche dans ces divagations
Mais encore faut-il distinguer
Ombres et méfaits plus sombres
Noir ou blanc
Bonnet blanc et blanc bonnet
C’est cousu de fil blanc
Que d’expressions à tâtons
Tout ceci est connu comme le loup blanc

Les yeux ouverts dans l’eau
Je cherche mon corps disparu
Qu’ai-je encore à moi
Je n’ai plus de poids
Je crie sans bruit dans ma tête
Et rien ne bouge, rien ne tressaute

N’ouvre pas la bouche
L’étouffement du silence
Te prend à la gorge

Quel bel accomplissement
Que cette vie en blanc
Rien ne m’affecte
Seuls les mots glissent
Sur tes cheveux de rêve

18/01/2013

Effroyables jardins, roman de Michel Quint (éditions Joelle Losfeld, 2000)

Un petit livre, petit roman. Tel il apparaît au début. D’ailleurs même pas un roman, un récit, une badinerie. Le style est celui d’une conversation au bord du zinc. L’image du père que garde le gamin est celle d’un instituteur qui joue les clowns dès qu’il a un instant de libre : C’est que mon père traquait et prenait aux cheveux toutes les occasions13-01-18 Effroyables jardins.jpg de s’exhiber en auguste amateur. Larges tatanes, pif rouge et tout un fourbi bricolé de ses vieux costumes, des ustensiles de cuisine mis au rencard. Faut-il le dire, quelques dentelles aussi, abandonnées par ma mère, lui donnaient une couleur trouble. Ainsi armé et affublé de la sorte, casqué d’une passoire à l’émail écaillé, cuirassé d’un corset rose à baleines, presse-purée nucléaire à la hanche, casse-noix supersonique au poing, c’était un guerrier hagard, un samouraï de fer-blanc qui sauvait l’humanité intergalactique et aussi la nôtre, toute bête, dans un numéro pathétique de niais solitaire contraint de s’infliger tout seul des baffes et des coups de pied au cul. Et il a honte, honte de son père, de sa vieille Dyna Panhard : un long crapaud au mufle rond, jaune canari, à la banquette de skaï imitation zèbre et au bruit de casserole. Une bagnole de clown.

Et un jour, Gaston, cousin de son père, le délivre de la malédiction de l’auguste, en racontant ce qui s’était passé début 43, à Douai. Le cousin Gaston parlait patois. Un patois que je comprenais parfaitement mais quand il m’a raconté, là, sur ce formica tout fendillé, le pourquoi des fêlures de mon père, il s’est appliqué. (…) Et sauf des expressions, des passages que j’ai encore dans l’oreille, j’ai fini par oublier la chair de cette langue que Gaston ne faisait pas semblant, que ses mots étaient pas l’ombre des choses et des moments inhumains, mais qu’il m’ouvrait sa vie et m’offrait humblement tout ce qu’il avait, d’effroyables jardins, dévastés, sanglants, cruels.

Il raconte leur arrestation, à lui et son père, dans la cave de leur maison. Comment ils se sont retrouvés au fond d’un ravin plein d’eau, avec deux autres types, otages des allemands, gardés par un schleu qui parlait français, humain, gentil, mais allemand malgré tout. Pris comme otages anonymes, ils étaient en fait les coupables de l’attentat en gare de Douai, ce que les allemands ne savaient pas, ni les deux autres hommes. De fil en aiguille, ils se voient contraints de désigner un premier exécuté. Choisiront-ils ou non ? Consentir à autrui le pouvoir de vie et de mort sur soi, ou se croire au-dessus de tout qu’on puisse décider du prix de telle ou telle vie, c’est quitter toute dignité et laisser le mal devenir une valeur.

Le soir, culotte de cheval, l’Herr Oberst qui avait laissé le choix, revient et commence à combler le trou avec de la terre, comme pour les ensevelir. Mais Bernd, le gardien parlant français, leur crie : « Vous êtes sauvé les gars, vous êtes sauvés ! Ils font seulement tomber un peu de terre parce qu’on n’a pas de cordes sous la main. » Et Bernd leur apprend qu’il est clown, Auguste, avec une perruque rouge et un gros nez.

Ils surent plus tard qu’une femme avait dénoncé son mari à leur place. Il était mourant, il a confirmé et a été fusillé. A la libération, ils sont allés la remercier. Et Gaston a fini par l’épouser.

Avec sa perruque carotte, mon père a donc vécu chapeau bas. Dans les deux sens de l’expression puisqu’il n’a jamais porté de couvre-chef. Et la dame noire l’a pris un jour de frimas, peut-être par erreur, parce qu’il arborait, pour m’attendre à Lille dans une gare à courants d’air, une caquette neuve.

Quel contraste, ce père clown qui fait honte à son fils et, dans le même temps, ce père résistant, qui révèle des instants tragiques par l’intermédiaire de son cousin. Si cette histoire dévoile la véritable personnalité du père à l’auteur, elle révèle également la dure réalité vécue par les Français dénoncés par d’autres Français et envoyés à la mort par une administration complaisante et anonyme. Désigner des otages, quelle petite action, mais quelles conséquences !

17/01/2013

Le Tic Toc Choc ou Les Maillotins, de François Couperin

 

Interprétation de Sokolov :

http://www.youtube.com/watch?v=wPWMlozkn58

 

C'est frais, coulant, sans une aspérité, sans un son trop fort ou faible, et cela se poursuit jusqu’à la fin avec douceur et célérité. Une source de volupté sonore !

Le rondeau est d’abord un poème à forme fixe de 13 vers comportant 3 strophes. Puis il fut chanté et organisé en polyphonie pour finalement être joué par un ou des instruments.

Celui-ci est particulièrement complexe à jouer. En effet, il est vraisemblablement conçu pour être joué sur un clavecin à deux claviers. L’interpréter sur un seul complique singulièrement le jeu. De plus, si l’on écoute en même temps qu’on lit la musique, on s’aperçoit que les sons de la mélodie et de l’accompagnement sont mêlés entre la main droite et la main gauche. Ce qui complique encore plus une interprétation mélodieuse et coulante.

Merveilleuse interprétation de Sokolov qui est un pianiste extraordinaire : une justesse de jeu imparable, un rythme infaillible qui s’écoule sans effort, des sons nets, vivants, dansants.

Et si l’on écoute l’interprétation de Cziffra, on est nettement déçu :

http://www.youtube.com/watch?v=s5hbKUr5WnE

 S’agit-il du même morceau ? On peut se le demander. Ce n’est qu’à la deuxième reprise du rondeau que l’on retrouve l’air bien découpé de Sokolov. Les deux premiers énoncés du rondeau sont très décevants. Oui, ce sont bien des maillotins, mais leurs tic toc choc ne sont pas aussi coulants que celui de Sokolov. Ils font déréglés, hésitants et ne commencent à s’harmoniser qu’au premier couplet. Puis progressivement tout cela se met en forme. On peut se laisser aller et apprécier. Mais Sokolov est d’une autre classe.

16/01/2013

Ferdinand Pelez de Cordova, peintre

Une belle vidéo pour nous présenter Ferdinand Pelez de Cordova, peintre français, né à Paris le 18 janvier 1848 et mort à Paris le 7 août 1913.

http://www.youtube.com/watch?v=iSDys36zg9A

Formé à la peinture académique, il se rebelle assez vite, installe son atelier boulevard de Clichy et s’intéresse au petit peuple qu’il a côtoyé dans son enfance aux Batignolles et à Montmartre. Surnommé le peintre des humbles, il s’adonne à une peinture réaliste, d’abord colorée, puis de plus en plus terne. "Il y a de la boue dans son pinceau", écrit Emile Henriot.

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Il croque les marginaux, les exclus, plus particulièrement les femmes et les enfants : les ouvrières au lavoir, l’enfant marchand de citrons, tous fatigués, écrasés, endormis.

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Mais il fut également le peintre des petites danseuses, des figurantes, qui laissent s’écouler leur vie d’artiste  dans l’intimité des loges où elles s’habillent.

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Deux magnifiques tableaux :

1. "Grimaces et misères  ou les saltimbanques", peint en 1888, en fait trois tableaux accolés : les enfants tristes, boudeurs, s’affichant sur la scène ; les clowns adultes et un peu poivrots ; les musiciens, vieux, épuisés, attendant la vie de leur vie de misère. C’est cette juxtaposition qui rend le tableau émouvant, donnant des trois âges de la vie la même impression d’inutilité, de lassitude sans possibilité d’évasion.

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2. Ses "danseuses" sont belles d’innocence, de laisser aller, seules dans leur monde de rêve échoué, juvéniles et déjà vieilles de leur vision de la vie.

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Vous pouvez encore voir la toile « Les saltimbanques » au Petit Palais. Elle est belle, émouvante et contraste avec les autres  toiles qui l’entourent. Pelez était un vrai peintre, habité par un humanisme profond.

15/01/2013

Marchant sur la plage blanche des jours

Marchant sur la plage blanche des jours,
Nous laissons sur notre chemin incertain
Quelques galets  entassés chaque année.
Amas de souvenirs, dans le sable des moments
Que le reflux des eaux éparpille peu à peu.
Mais chaque année à nouveau, inlassablement,
Après avoir échafaudé une pyramide de cailloux,
Nous nous penchons encore, la main ouverte,
Pour emplir nos poches d’espérances vieillissantes.

Dans la fontaine des sabliers,
Les grains de sable de nos instants s’accumulent
Jusqu’à former une figure parfaite, mais friable,
De souvenirs imperceptibles du sommet.
Parfois se forme une vague idée du cône supérieur,
Une vue en perspective de son opacité,
Mais nous ne pouvons évaluer la hauteur
Du volume des grains qui y reposent.
L’annonce d’une nouvelle année
Renoue l’espoir de leur multitude,
Comme si la source était intarissable.