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22/12/2012

Inondation

Les eaux dans la nuit noire
Avancent à grandes enjambées
Elles fuient, par peur ou découragement
Elles s’évadent vers les lointains paysages
Où plus rien ne limitera l’horizon
Et si vous tentez de les retenir
Vous êtes emmenés avec elles
Fondus en elles, tourbillonnant paisiblement

Les eaux dans la nuit noire
Que vous préférez regarder
Sur la rive droite et fière
Ce passage furieux d’écume
Jaune, stupide de bonne volonté
S’engouffrant sans vergogne
Entre les piliers des ouvrages
Aspirant avec plus de netteté
A une course sans fin ni souvenirs

Les eaux dans la nuit noire
Dévalent dans mon cœur
Y laissant la marque profonde
D’un coup de couteau
Saigne petit ! Dégaine tes indolences
Ouvre tes yeux à l’aspiration
Et laisse-toi aller vers le sans fond
Là où plus rien ne peut t’atteindre

Les eaux dans la nuit noire…
Comme un commencement d’éternité

21/12/2012

Jusqu'où vont-ils !

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(Horizon Mayenne, le journal du Conseil général de décembre 2012)

 

Que cherchent à nous faire croire les politiques ? Ils sont prêts à tout récupérer et à transformer en choix politique les conséquences de leurs erreurs.

Si vous lisez cet article qu’un journaliste ignorant du passé récent a écrit, vous avez l’impression que le recul des haies date de 1995. Et on nous explique quelles en sont les raisons : diminution de l’élevage, développement des surfaces cultivées (on a simplement remplacé les prés par des terres agricoles), coût d’entretien, etc. Ce que l’auteur de l’article oublie de dire, car on s’est bien gardé de le lui dire, c’est que la diminution des haies date d’abord et avant tout de la politique de remembrement que l’Etat a imposé, contre le gré de nombreux propriétaires, à partir des années 1960. C’était l’époque de l’idéologie de la rationalisation et de l’industrialisation de l’agriculture. Plus une haie, des champs à perte de vue, sans arbre, la Beauce pour toute la France, sans distinction de lieux géographiques, géologiques, géoculturels !

Et, tenez-vous bien, nos politiques refont la même erreur, sans comprendre la leçon durement apprise : il s’agit maintenant de détruire tous les barrages et ouvrages sur l’ensemble des cours d’eau non domaniaux. Propriétaires et usagers des cours d’eau ont beau tenter de s’y opposer, le rouleau compresseur de l’administration passe de la même manière qu’il est passé il y a cinquante ans avec le remembrement. Tout cela au nom d’une idéologie écologique inventée par les gens des villes qui n’ont pas d’expérience des campagnes. Et le coût est bien sûr salé, et même très salé ; mais il reste caché. Très probablement plusieurs milliards d'euros, vu le coût de plusieurs millions d'euros pour un seul bassin. Mais peu leur importe, ils vous disent qu’ils sauvent nos campagnes d’une eau de mauvaise qualité. Ils n’ont pas étudié suffisamment les conséquences de leur politique délirante. Peu importe, l’idéologie est là et exige, envers et contre tous.

Alors que nos politiques fassent preuve d’un peu d’humilité plutôt que de se vanter en permanence des millions qu’ils font dépenser aux finances publiques.

20/12/2012

Du domaine des murmures, roman de Carole Martinez

« On gagne le château des Murmures par le nord. Il faut connaître le pays pour s’engager dans le chemin qui perce la forêt épaisse depuis le pré de la Dame Verte. (…) Nous passons l’énorme huis de chêne et de fer, aujourd’hui disparu, et foulons l’herbe haute du parc en friche qui s’étend devant la façade nord du château. (…) La forteresse entière vacille sous nos yeux. Car ce château n’est pas seulement de pierres blanches entassées sagement les unes sur les autres, ni même de mots écrits quelque part en un livre, ou de feuilles volantes disséminées de–ci de-là (…) Non, ce lieu est tissé de murmures, de filets de voix entrelacées et si vieilles qu’il faut tendre l’oreille pour les percevoir. De mots jamais inscrits, mais noués les uns aux autres et voir qui s’étirent en un chuintement doux. »

Prologue du livre, il en donne le ton : un voyage au XIIème siècle dans un monde de folie, hanté par l’urgence de la vie courte et le fait de Dieu qui domine les vies et les prend dès leur naissance. La première page poursuit :

« Je suis l’ombre qui cause. Je suis celle qui s’est volontairement clôturée pour tenter d’exister. Je suis la vierge des Murmures. A toi qui peux entendre, je veux parler la première, dire mon siècle, dire mes rêves, dire l’espoir des emmurées.

En cet an 1187, Esclarmonde, Damoiselle des Murmures, prend le party de vivre en recluse à Hautepierre, enfermée jusqu’à sa mort dans la petite cellule scellée aménagée pour elle par le père contre les murs de la Chapelle qu’il a bâtie sur ses terres en l’honneur de sainte Agnès, morte en martyre à treize ans de n’avoir pas accepté d’autres époux que le Christ.

(…) Je suis Esclarmonde, la sacrifiée, la colombe, la chair offerte à Dieu, sa part. J’étais belle, tu n’imagines pas, aussi belle qu’une fille peut l’être à quinze ans, si belle et si fine que mon père, ne se lassant pas de me contempler, ne parvenait pas à se décider à me céder à un autre. (…) Mais les seigneurs voisins guettaient leur proie. J’étais l’unique fille et j’aurais belle dot. »

Mais elle dit non devant l’ensemble des invités de la noce et se coupe l’oreille pour montrer sa détermination.

Avant de se laisser enfermer, elle se fait violer et se retrouve enceinte dans son réduit. Elle met au monde un garçon, Elzéar. Elle est recluse, mais en fait elle vit ce siècle avec toute la puissance de son imagination et la vigueur de la réalité.

Etait-elle sainte ou était-elle une fille perdue malgré elle ? A vous de juger, de marcher sur ce fil où l’on tombe d’un côté ou de l’autre en un rien de temps, sur une impression, un murmure qui fait pencher la balance.

Un siècle où également on passe du réel aux contes :

« Le monde en mon temps était poreux, pénétrable au merveilleux. Vous avez coupé les voies, réduite les fables à rien, niant ce qui vous échappait, oubliant la force des vieux récits. Vous avez étouffé la magie, le spirituel et la contemplation dans le vacarme de vos villes, et rares sont ceux qui, prenant le temps de tendre l’oreille, peuvent encore entendre le murmure des temps anciens ou le bruit du vent dans les branches. Mais n’imaginez pas que ce massacre des contes a chassé la peur ! Non, vous tremblez toujours ans avoir pourquoi. »

Un livre lent, méditatif, et, dans le même temps, violent, hurlant les conventions, la mort et, enfin, le mystère de la vie. A lire, mais surtout à relire, car c’est en le relisant, par bribes, que l’on y prend goût. On le ferme en rêvant d’un monde où l’on n’aurait probablement pas aimé vivre. Mais l’imagination permet d’oser ce que l’on ne ferait probablement pas dans la réalité.

19/12/2012

Mouvement et repos

L’hélice, au centre, tourne de toute sa vigueur, s’échauffant elle-même. Mais les frottements étouffent ce feu et le conduit immuablement vers le froid de la mort symbolisée par les croix. Le passage est progressif, presqu’invisible. Seule la couleur change et laisse apparaître derrière le monobloc l’imperceptible modification de l’être.

 

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18/12/2012

Le cercle

Sa ligne est frontière
Fermé sur lui-même
Il s’impose sur les angles
Et même sur le vide
Il est plein, vertueux
Il sourit à sa plénitude
Dans son encombrante forme
Ce n’est pourtant qu’un trait
Sur l’espace ouvert
Mais il se ferme rondement
Pressé de se retrouver
S’avalant lui-même
Jusqu’à satiété
Qu’enferme-t-il ainsi
Dans ce corps épais ?
Le rêve d’un monde clos
Où l’on s’endort finement
Dans le sommeil du juste
Pour ne plus ouvrir les yeux
A l’immensité du ciel
Toi, perdu dans sa magie
Que deviens-tu, aveugle ?
Il faut deux yeux pour voir la magnificence
D’un cercle parfait
Si bien tourné qu’il donne le vertige
Comment descendre de cette lune
Enfermé dans l’espace
Et retrouver la feuille
Blanche et nette
Où l’imagination conduit la main ?

Le cercle, c’est la promesse
D’un avenir plein, sans surprise
Un monde fini
Le palpable derrière le trait

17/12/2012

Le mystère de la matière noire (Arte-TV)

http://videos.arte.tv/fr/videos/le-mystere-de-la-matiere-noire--7112260.html

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Une matière inconnue occupe 95% de l’univers et elle est invisible. Est-ce de la matière ou autre chose ? Personne ne le sait. On sait ce qu’elle n’est pas, mais on ne sait pas ce qu’elle est. Tous les scientifiques se penchent sur le problème sans pour l’instant avoir trouvé la solution. Ils le tentent par tous les moyens : l’astronomie, les radiotélescopes, l’infiniment petit, sous terre avec le LHC. Rien pour l’instant.

Mieux même, derrière la matière noire se cache l’énergie noire (ou sombre), détectée par le fait que l’univers accélère son expansion. L’espace se reproduit de plus en plus vite et cet agrandissement s’oppose à la gravitation.

Quelle ignorance ! Les atomes ne représentent que 5% de l’univers. La matière noire, inconnue, en représente 23%. L’énergie noire 72%. Et on en sait encore moins sur celle-ci que sur la matière noire. Mais dans le même temps, quel savoir ! Il existe quelque chose dont on ne sait rien, mais on sait, indirectement, qu’elle existe.

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Quelle exaltation ! Nous aurons toujours quelque chose à découvrir. C’est bien le propre de l’homme, cette curiosité insatiable qui le pousse encore et toujours à aller au-delà de ce qu’il connaît. Qui, il y a encore cinquante ans, aurait pu soupçonner que l’ignorance de l’homme était aussi grande. On pensait, en auscultant l’idée du big-bang, arriver à savoir d’où nous venons et où nous allons, et l’on se trouve devant un puit sans fond qui attire les étoiles et les galaxies toujours plus loin.

Jusqu’où « Dieu » va-t-il nous entraîner ?

16/12/2012

La délicatesse, roman de David Foenkinos (Gallimard, 2009)

Ce n’est pas un roman de haute tenue intellectuelle, mais, ne serait-ce que par son titre, il se laisse facilement lire et s'émaille de quelques bons mots.

Nathalie était plutôt discrète (une sorte de féminité suisse). Elle avait traversé l’adolescenceroman,littérature,société sans heurt, respectant les passages piétons. Elle aimait rire, elle aimait lire. Elle rencontre François dans la rue et ce fut comme dans un roman. Un soir, il construit un puzzle devant elle. Elle y lit : « Veux-tu devenir ma femme ? »

C’est l’amour parfait. Mais François se fait écrasé en courant dans la rue. Errance de l’esprit et du cœur, pendant plusieurs mois avant de reprendre le travail.

Son patron, Charles est amoureux d’elle, mais elle ne le supporte qu'en tant que patron. Markus, un suédois engagé par la société, entre dans sa vie par la petite porte, sans effraction, imperceptiblement. Il était doté d’un physique plutôt désagréable, mais on ne pouvait pas dire non plus qu’il était laid. Il avait toujours une façon de s’habiller un peu particulière : on ne savait pas s’il avait récupéré ses affaires chez son grand-père, à Emmaüs, ou dans une friperie à la mode. (…) Elle décida alors de marcher vers lui, de marcher lentement, vraiment lentement. On aurait presque eu le temps de lire un roman pendant cette avancée. Elle ne semblait pas vouloir s’arrêter, si bien qu’elle se retrouva tout près du visage de Markus, si proche que leurs nez se touchèrent. Le Suédois ne respirait plus. Que lui voulait-elle ? Il n’eut pas le temps de formuler plus longuement cette question dans sa tête, car elle se mit à l’embrasser vigoureusement. Un  long baiser intense, de cette intensité adolescente.

Malgré ce baiser, c’est un lent apprivoisement qu’ils devront faire tous les deux, l’un envers l’autre, avant de se découvrir. L’insolite est la délicatesse de ces rencontres, l’étonnement de Nathalie devant la maladresse de Markus. Il est hésitant, gauche, mais délicat. Et cette délicatesse devient pour lui un atout. Progressivement Nathalie se laisse enfermer dans ce charme discret.  Elle comprenait qu’elle avait voulu cela plus que tout, retrouver les hommes par un homme qui ne soit pas forcément un habitué des femmes. Qu’ils redécouvrent ensemble le mode d’emploi de la tendresse. Il y a avait quelque chose de très reposant dans l’idée d’être avec lui. (…) Elle savait juste que c’était le moment, et que dans ces situations, c’est toujours le corps qui décide. Il était sur elle maintenant. Elle s’agrippait.

Seule la délicatesse sauve le livre, naïf et même banal. Mais il est plus que sauvé, il est délicat comme peut l’être un amour incongru. Et ils se sentaient bien...

15/12/2012

Le li

Pour Zhu-Xi (1130-1200), adepte du néo-confucianisme, toute chose, donc l’homme également, est formée d’un principe ordonnateur, le li, et de la force vitale, le qi. L’apparence extérieure est définie par le qi. Le li détermine le caractère, la nature, l’être de la chose, des événements ou de la personne. Le qi façonne l’être tandis que le li détermine sa véritable nature. C'est un peu l'opposition entre le moi et le soi des hindous. Ce principe ordonnateur préexiste au monde et à tous les objets qu'il renferme.

La masse d’eau de l’océan symbolise bien ces deux concepts qui se côtoient en chacun d’entre nous. Sa surface met en évidence sa force, mais ses profondeurs restent inchangées quoi qu’il arrive et détermine sa véritable nature.

Une gravure conçue il y a longtemps, mais qui reste d’actualité.

IMG_4927 Grav Le li (2).jpg

14/12/2012

Les lis naissants, de François Couperin

http://www.youtube.com/watch?v=eu2qfGmaN74&feature=related

 

Vous vous promenez au printemps dans la campagne, au bord d’une rivière et vous vous laissez bercer par l’écoulement de l’eau sur les pierres. Rien ne trouble ce repos. Le temps s’est arrêté et pourtant l’égrenage de la musique vous poursuit et fait fuir toute pensée.  Quatre notes en variation dont la seconde comporte un mordant. Rien que cela ou presque. Et vous êtes enchantés, au septième ciel. Vous planez au-dessus des humains dans votre sphère sans pensée, j’allais dire sans bruit et sans musique.

Une vraie leçon de composition de part sa simplicité mélodique et harmonique, sans qu’aucun effet de changement de rythme ou de sonorité ne cherche à séduire l’auditeur.

Cinq heures, je peux maintenant aller me coucher… dans les nuages…

13/12/2012

Le mouvement

Synthèse de l’espace et du temps,
Ainsi naît le mouvement
Les deux concepts sont inséparables
Sans eux le mouvement est mort-né
La pensée est elle-même mouvement
Méditer : apprivoiser la pensée

Elle avait vingt ans et le geste sûr
Elle parlait avec ses mains
Et celles-ci étaient sa nature même
Une courbe dans l’espace
Tracée avec la lenteur qui convient
Reconstituait sa pensée et lui donnait vie

Le premier mouvement est le bon mouvement
De la pensée au geste, sans intermédiaire
Jusqu’où cela peut conduire ?
Ainsi naissent les révolutions
Dans la griserie d’un avenir bouleversé
Ça bouge, ça bouge… Quelle opportunité !

Mais qu’est-ce qu’un mouvement ?
Le repos n’est qu’un mouvement déguisé
Il cache son agitation derrière le visible
Mais le cœur bat dans la poitrine
Et l’esprit rêve à l’infini
Même la mort est lente décomposition
Et entretient le mouvement universel

Dieu est-il sans mouvement ?
Son royaume est mouvement du cœur
Elan vital vers… Irradiation…
Et ce tremblement léger de l’amour
Atteint chaque être de l’intérieur
Pour le transformer en mouvement

Le mouvement s’arrête et tout s’écroule
Ce n’est pas une page noire
Il n’y a plus de page, ni de noir
Rien ! Inimaginable
Et avant le big-bang, qu’y avait-il ?
Quelque chose, quelqu’un ou le néant ?

Mais déjà imaginer le néant
C’est faire le grand saut
Et le saut est lui-même mouvement
Alors le néant n’existe pas
Quelle fiction ! Et pourtant
Comment l’imaginer, le nommer ?
Non, le néant n’est pas
Tout est mouvement

Alors, dansons la vie
A pleines jambes !

12/12/2012

Les deux cages

Ainsi s’intitule ce très bref récit, cette fable ou parabole, de Khalil Gibran, publié dans l’opuscule "Le fou" :

Dans le jardin de mon père, il y a deux cages. Dans l’une, il y a un lion que les esclaves de mon père avaient apporté du désert de Ninive ; dans l’autre, il y a un moineau silencieux.

Chaque jour, à l’aube, le moineau s’adresse ainsi au lion : "Bonjour, frère prisonnier !"

 

A quoi tient donc notre égalité entre les hommes ? Elle n’est due ni à notre corps, qui marque des différences importantes avec ceux de nos voisins, ni à notre intelligence, ni à nos dons multiples. Chaque homme est homme par les différences qu’il a par rapport aux autres hommes. Alors, où est l’égalité ?

Nous sommes tous prisonniers du monde dans lequel nous vivons et chacun fait de cette prison un royaume ou un enfer. Qu’êtes-vous, vous qui dormez dans votre cellule ou qui rugissez entre les barreaux ou encore qui rêvez à ces paysages du dehors, inaccessibles ? Vous êtes le lion, puissant et fier, mais prisonnier.

Et ce moineau, qu’a-t-il de plus ? Il est silencieux, c’est-à-dire qu’il ne parle pas pour ne rien dire. Chaque matin, il apporte sa goutte de rosée à la journée : « Bonjour, frère prisonnier ! » Il est conscient de ce qu’il vit, de cette prison imposée à lui-même. Mais il la dépasse par cette adresse à son frère. Et cette adresse est un rayon de soleil pour tous : que le jour soit bon malgré notre prison. Nous sommes frères devant la vie et nous serons frères devant la mort. Puis, plus de prison.

11/12/2012

Le credo du créateur (Paul Klee, Théorie de l’art moderne, Editions Gauthier, 1968)

« L’art ne reproduit pas le visible ; il rend visible ».

C’est ainsi que Paul Klee pose son postulat, et il explique : « Tout devenir repose sur le mouvement. (…) L’œuvre d’art naît du mouvement, elle est elle-même mouvement fixé et se perçoit dans le mouvement (muscle des yeux) ».

En cela, il s’intéresse à la construction du tableau qui se fait dans le temps et l’espace, pièce par pièce comme il le dit. Mais le spectateur fait trop souvent le tour de l’œuvre instantanément. Et il rate l’œuvre, car le mouvement est donné préalablement à tout. « La paix sur la terre est un arrêt accidentel du mouvement de la matière. Tenir cette fixation pour une réalité première, une illusion. » 

Pour cela, le peintre moderne utilise le graphisme : « Plus pur est le travail graphique, c’est-à-dire plus d’importance est donnée aux assises formelles d’une représentation graphique, et plus s’amoindrit l’appareil propre à la représentation réaliste des apparences. »

12-12-11 Paul Klee.jpg

C’est donc tout ce travail d’abord imaginaire, puis gestuel, qui produit l’œuvre d’art. La difficulté est de le mener de bout en bout, dans l’harmonie du mouvement. Seul l’équilibre du mouvement permet l’obtention du repos. C’est ce que Paul Klee appelle la « polyphonie plastique ».

La peinture est avant tout manuelle. La pensée conçoit, mais seule la main, le corps, créent. En musique, la création s’effectue en deux temps, un temps de mise au monde, travail de composition qui se transcrit par l’écriture de la partition, et un temps de manifestation par l’interprète qui anime la musique et la fait connaître. Pour le peintre, ce travail s’effectue en une seule fois et le spectateur doit en reconstituer les étapes.

Comprendre un tableau, c’est aller au-delà de la première impression et comprendre pourquoi et comment il fut peint ainsi. Ainsi le tableau rend visible sa beauté et par là la beauté du monde, car, comme le dit encore Klee, l’art est à l’image de la création, c’est un symbole tout comme le monde terrestre est un symbole du cosmos.

10/12/2012

Sophie Taeuber-Arp, peintre

Sophie Taeuber-Arp portrait dada.jpg

Sophie Taeuber était danseuse et belle. Elle abandonna la danse pour les arts plastiques, devint professeur à l’école des Arts et Métiers de Zurich, s’exprimant en surfaces colorés, parfois à la manière de Delaunay.

 

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sophie-taeuber-arp-davos-1939.jpg

Sophie Taeuber-Arp Tête dada.jpg

Pendant un temps, elle s’attacha au mouvement dada où elle rencontre son mari, le peintre et sculpteur Arp : Tête dada, 1918.

 

 

Sophie Taeuber-Arp Ronds.jpg

Mais elle était en avance sur son temps, novatrice et initiatrice de nouvelles tendances, telles ces pastilles de couleurs que Damien Hirst continue de reproduire inlassablement :

 

 

Elle s’introduit dans l’art cinétique avec ces tableaux l’un « Intervalles » et l’autre « Schematic Composition » :

Sophie Taeuber-Arp cinétique.jpgSophie Taeuber-Arp Intervalles.jpg

 

 

 

 

  

 

 

Elle utilise aussi le dessin, apparemment simple, tel ces courbes très féminines et pleines de chaleur :

sophie_taeuber-arp_mouvements_de_lignes_1939.jpgsophie-taeuber-arp-painting-1940.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Elle meurt prématurément en 1943, asphyxiée par un poêle. Elle aimait les formes pures, les lignes ondoyantes, les courbes, les rectangles et entretenaient avec eux des rapports simples qui font d’elle la poétesse du géométrisme.

09/12/2012

La vie, c’est le mouvement

Flottements de mouvements perpétuels
Quel étrange monde que la ville
Bruits en collision permanente
Sursaut et atonie vous frôle les sens
Seul le geste reste placide
Et flotte dans l’air froid de l’automne
Le piétinement des passants
Immense charge journalière
Vers la dévoration bureautique
Dans les rires dépersonnalisés des uns
Et les grognements d’autres délaissés
Ces inconnus vous passent à travers le corps
Sans même vous toucher, insistants
Légers, parfois cependant caressants
Fin du jour, entrée dans la nuit
Nausée de paroles et d’ignorance
Chercher refuge dans sa boîte

Havre de paix…
                       Ouf, j’y suis
Cerclé de ces révolutions fugaces
Vous laissez tomber votre masque
Le noir, l’absence, le non-être

Vite,
         remettre sa peau civilisée
Ouvrir son monde à l'univers médiatique
Pouvoir à nouveau respirer
L’odeur de cette agitation
De ces rumeurs, de ces affrontements
Et se dire : « Aujourd’hui encore,
Je vis ! »

08/12/2012

Le démon et mademoiselle Prym, récit de Paulo Coelho

Le bien et le mal, éternels opposés, mais toujours tellement proches l’un de l’autre en un seul être humain, si bien que le problème permanent de l’homme, n’est pas de se comporter tantôt bien tantôt mal, mais de marcher sur la crête incertaine qui les sépare, sans jamais tomber d’un côté ou de l’autre.

Quelle idiotie, me direz-vous. Certes, je ne parle pas du bien à la manière de saint François d’Assise ou du mal à la manière d’Hitler (sans doute parce quelittérature,spiritualité,religion,philosophie,bien et mal j’ai encore en souvenir le livre d’Eric-Emmanuel Schmitt). Je parle des petits biens et des petits maux qui sont à notre portée. Ils sont si opposés et si proches en même temps. On croît faire le bien, mais le résultat ou les conséquences deviennent des maux, et inversement. De plus, la frontière n’est jamais visible. Elle se faufile comme une ficelle tombée par terre, tantôt à gauche vers le mal, tantôt à droite, vers le bien. Et elle bouge. Alors cette instabilité est décourageante. Comme l’équilibriste sur son fil, il faut regarder au loin, et ne jamais baisser les yeux, sinon le vertige vous prend et vous conduit d’un côté ou de l’autre.

C’est l’histoire de Mademoiselle Prym, Chantal, serveuse de bar dans un village perdu et paisible qui, en un jour, ne regarde plus au loin et se laisse entraîner à droite et à gauche selon les circonstances. L’étranger, arrivé la veille, lui montre des lingots d’or qu’il a cachés dans la terre. Pour la séduire, pense-t-elle. Je ne me laisse pas prendre par un piège aussi grossier. Mais… Elle pourrait apprendre à l’aimer. Et l’homme lui dit : « C’est exactement ce que je veux savoir. Si nous vivons au paradis ou en enfer. » Il poursuit : « J’ai découvert que si nous avons le malheur d’être tentés, nous finissons par succomber. Selon les circonstances, tous les êtres humains sont disposés à faire le mal. » Enfin, il propose son marché : « Si au bout de sept jours, quelqu’un dans le village est trouvé mort, cet argent reviendra aux habitants et j’en conclurai que nous sommes tous méchants. Si vous volez ce lingot d’or mais que le village résiste à la tentation, ou vice versa, je conclurai qu’il y a des bons et des méchants, ce qui me pose un sérieux problème, car cela signifie qu’il y a une lutte au plan spirituel et que l’un ou l’autre camp peut l’emporter. (…) Si, finalement, je quitte la ville avec les onze lingots d’or, ce sera la preuve  que tout ce en quoi j’ai voulu croire est un mensonge. Je mourrai avec la réponse que je ne voulais pas recevoir, car la vie me sera plus légère si j’ai raison – et si le monde est voué au mal. »

Et commence les tractations qui font l’objet du livre. Vers quoi Chantal, puis les habitants, vont-ils pencher ? Va-t-elle dire aux autres ce que l’étranger lui a dit ? Va-t-elle prendre au moins un lingot ? Les habitants vont-ils s’entendre pour tuer quelqu’un ?

C’est une fable que nous conte Paulo Coelho qui dévoile en même temps la nature humaine, ni ange, ni démon. Chantal explique : « Moi, je ne sais pas si Dieu est juste. En tout cas, Il n’a pas été très correct avec moi et ce qui a miné mon âme, c’est cette sensation d’impuissance. Je n’arrive pas à être bonne comme je le voudrais, ni méchante comme à mon avis je le devrais. »

07/12/2012

Douze variations en sol majeur pour violon et piano, de Wolfgang Amadeus Mozart

http://www.youtube.com/watch?v=HoGdiwtvt10

 

Une musique fraiche et enfantine, mais si difficile à jouer ! Elle vous enchante l’ouïe et vous détend le corps. Vous êtes baigné d’ondes chaleureuses et vous partez au bord du Danube pour une promenade intemporelle dans un autre siècle, sans souci.

L’interprétation est parfois un peu lourde pour le piano, à tendance appuyée (il n’est pas dit qui interprète), mais les nuances sont brillantes, avec ses ralentissements et glissandos. Ces défauts sont peut-être dus à l’enregistrement, le piano couvre parfois le violon.

Il n'empêche, quelle fraicheur !

06/12/2012

L'art en guerre, exposition au musée d'Art moderne (1ère partie)

Cette exposition rassemble près de 400 œuvres et plus de 100 artistes. Elle montre ce qui restait dans les cartons à l’époque, une peinture qui s’exprime en toute liberté, qui éclate en tendances très variées, qui redéfinit la manière dont le peintre voit la société et le monde. De cette période naîtra l’art brut, le tachisme, l’art informel, l’emploi de matériaux de récupération dont certains proviennent directement des combats.

Comme dans toute exposition, il est impossible d’avoir le coup de cœur pour toutes les œuvres présentées. La visite commence par l’exposition internationale du surréalisme, en janvier 1938. La salamandre pompéienne, de Gérard Vulliamy est particulièrement intéressante, mais je n’en ai pas trouvé de reproduction sur la toile.

Puis, avec l’occupation, de nombreuses œuvres sont présentés : La maternité au lange, d’Edouard Pignon, peinte en 1942, est représentative d’une partie de son art, figurative, alors qu’il s’exprime dans le même temps dans des déchainements de couleurs et de traits de manière presque totalement abstraite. Il dit de lui : « Je suis un mélange d’anarchiste et de conservateur, dans des proportions qui restent à déterminer. »

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La chaise de cuisine, une toile magnifique de couleurs et d’expression, sur un sujet bateau quasiment sans intérêt, de Maurice Estève, montre la richesse des styles de ce peintre qui, finalement, s’oriente vers le non figuratif avec des toiles très colorés, aux tons chauds et vifs. Cette chaise, peinte en 1942, est magnifique d’évocation d’une réalité de tous les jours, à la fois très matérielle, mais qui laisse transparaître une certaine joie ou même un vrai bonheur de vivre, malgré un contexte difficile.

La chaise de cuisine-M Estève.jpg

Un autre coloriste, d’un style bien différent, mais qui a la même verve des couleurs est le peintre et sculpteur allemand Otto Freudlich, ami de Picasso. Qualifié d’artiste dégénéré, il pensait que l’art a le pouvoir de changer l’homme et de créer une société nouvelle. Sa morale cosmique lui permet de transcender la matière et de mettre en évidence cet « espace intermédiaire » qui rend toute chose interdépendante des autres.

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Et, bien sûr Picasso, avec L’aubade, peinte en 1942. Quel étrange concert que cette aubade d’une musicienne à une femme couchée, nue, qui semble apprécier pleinement ce délassement. Tout est mouvement dans ce tableau, si bien qu’on ne sait de quel endroit on regarde et comment se situent les corps dans l’espace. Et pourtant, l’impression de détente est bien là, présente et absente dans la semi-obscurité de la chambre.

L'aubade - Picasso.jpg

05/12/2012

Maison de campagne en hiver

Entrée dans l’eau glacée du vestibule
Pépiement lumineux du noir charbon
Avant que la lumière ne soit faite
Sur la montée d’escalier vertigineuse

Rien ne vient…
                      la congélation verte
Du billard immobilisé sur ses quatre pieds
Le salon rouge comme un poisson
Au-delà le gouffre des casseroles
Qui tintent d’aigreur pétrifiée
Enfin, la porte du néant, jardin olivâtre
Sans poignée…

Retournement de l’être
Les yeux vers le cerveau opaque
Je contemple cette image absconse
Enroulé sur moi-même
Bras et mains en extase
Jambes et pieds cramponnés
Dispersé, le sang se meut en serpent câlin
Qui relie les grains d’être
En étranges colliers d’alignements
Je passe de l’un à l’autre, sans sauter
Guidé par le fil des pensées noires

Plongeon dans l’absence
Saut dans l’irréalité caressante
Qui frissonne dangereusement
Entre les cils entrouverts
Qui ne veulent voir au-delà
De la froidure impalpable
Du crabe aux yeux fixes et glauques

Dieu, pourquoi la vie se pare-t-elle
D’autant de sens pour l’inconnu ?

04/12/2012

La guerre du sens, de Loup Francart

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Préfacé par le professeur Jean-Léon Beauvois, socio-psychologue,  « La guerre du sens » est éditée chez  Economica, dans la collection Stratèges et Stratégie.

Depuis dix ans les nations occidentales sont confrontées à des conflits dans lesquelles le sens de la guerre et la recherche de légitimité par les belligérants entraîne une véritable guerre du sens par médias et opinions interposés. L’art de persuader par le verbe prend le pas sur l’art de l’affrontement physique. La guerre du sens ne peut être évitée. Ne pas vouloir y participer revient à laisser aux autres le soin d’expliquer ce que nous voulons et ce que nous faisons. 

Le général (2S)Loup Francart en décrit les raisons et les modes d’action : communication, persuasion, désinformation, intoxication, propagande. Il en définit les règles pour que la démocratie n’y perde pas son âme. 

 

Le bonheur

Le bonheur, c’est la délivrance de son petit personnage. Non pas une évasion dans un obscur néant, mais l’absence de ces grains de matière qui obscurcissent notre vision. Le moi s’efface pour le soi, universel, hors de l’espace et du temps, lumière qui change le regard.

Certains parleront de la découverte de notre véritable nature, d’autres, de l'irruption du divin. Mais n’est-ce pas tout simplement la rencontre des deux ? Cette rencontre n’a lieu ni hors de soi, ni en soi. Ni hors de soi, sinon en quoi nous concernerait-elle personnellement ? Ni en soi, car le moi n’est plus concerné par cette rencontre.

Je pense souvent à l’eau qui chauffe, puis qui commence à bouillir. Elle devient vapeur, s’élève en volutes dans l’air, semble mourir pour renaître ensuite dans les pluies bienfaisantes. Le bonheur est un changement de nature, l’abandon des lunettes du moi. C’est alors que je suis véritablement présent, un avec la matière, avec l’autre qui devient moi.

Le bonheur est l’abolition de la distance entre le monde et moi par la transformation réciproque de l’un et de l’autre. C’est en cela que « le royaume des cieux n’est pas de ce monde », mais que « En vérité, je vous le dis, le royaume des cieux est au milieu de vous ». Quelle contradiction !

03/12/2012

La part de l’autre, roman d’Eric-Emmanuel Schmitt

Adolf Hitler : recalé.

Adolf H. ; admis.

Cette annonce de l’Académie des beaux-arts change le monde. On oscille entre12-12-03 La part de l'aute, d'E-E Schmitt.jpg un monde réel, dans lequel le personnage d’Hitler se promène avec difficulté jusqu’à son suicide et un monde imaginaire où Hitler devient peintre. Pas le grand peintre qu’il souhaite devenir, mais un artiste acceptable qui finit par reconnaître qu’il n’a pas l’étoffe d’un grand maître et qui survit à cela.

Toutes les deux ou quatre pages, on passe d’un personnage à l’autre, parfois en se demandant duquel il s’agit : Docteur Jekyll ou Mrs Hyde ?

Du nouveau chancelier de l’Allemagne, l’auteur écrit : « Ils ignoraient qu’ils n’avaient pas désigné un homme politique, mais un artiste. C’est-à-dire son exact contraire. Un artiste ne se plie pas à la réalité, il l’invente. C’est parce que l’artiste déteste la réalité que, par dépit, il la crée. D’ordinaire, les artistes n’accèdent pas au pouvoir : ils se sont réalisés avant, se réconciliant avec l’imaginaire et le réel dans leurs œuvres. Hitler, lui, accédait au pouvoir parce qu’il était un artiste raté. »

Du peintre, il imagine, dans un dialogue entre le professeur et un de ses élèves, la lutte de celui qui découvre qu’il n’est pas un grand peintre : « – Une vie, ça ne se fait pas tout seul. Ce n’est pas vous qui la donnez. Ce n’est pas vous qui choisissez vos dons. (…) A quarante ans, vous décidez de faire des enfants et vous décidez de ne plus peindre. En fait, ce que vous désirez, c’est décider. Maîtriser votre vie. La dominer. Fût-ce en étouffant ce qui s’agite en vous et qui vous échappe. Peut-être ce qu’il y a de plus précieux. Voilà, vous avez supprimé la part de l’autre en vous comme à l’extérieur de vous. Et tout ça pour contrôler. Mais contrôler quoi ?  »

Eric-Emmanuel Schmitt se justifie et explique son roman dans son journal : « J’élabore un double portrait antagoniste. Adolf H. cherche à se comprendre tandis que le véritable Hitler s’ignore. Adolf H. reconnaît en lui l’existence de problèmes tandis qu’Hitler les enterre. Adolf H. guérit et s’ouvre aux autres tandis qu’Hitler s’enfonce dans sa névrose en se coupant de tout rapport humain. Adolf H. affronte la réalité tandis qu’Hitler la nie dès qu’elle contrarie ses désirs. Adolf H. apprend l’humilité tandis qu’Hitler devient le Führer, un dieu vivant. Adolf H. s’ouvre au monde ; Hitler le détruit pour le refaire. Non seulement La part de l’autre donne le principe du livre mais ce titre en suggère la dimension éthique : poursuite de l’altérité chez Adolf H., fuite de l’altérité chez Hitler. »

C’est un livre profond, parfois intéressant, mais qui devient lassant pendant sa lecture. Où veut-on en venir ? Cette question vous taraude tout au long des pages et la réponse ne se trouve pas dans le livre, mais dans le journal où l’auteur décrit ses interrogations. Vous êtes frustré lorsque vous fermez ce long roman de 500 pages, vous l’aimez lorsque vous le refouillez et retournez au point de départ. Que ce serait-il passé si l’Académie des beaux-arts en avait décidé autrement ? Adolf H. manque sans doute un peu de personnalité pour devenir la controverse d’un Hitler névrosé, mais sorcier des foules. A l’opposé d’Adolf Hitler, qui craint les femmes, Adolf H. réussit sa vie grâce aux femmes : Onze-heures-trente, sœur Lucie,  Sarah, sa femme, juive.

Maîtriser la violence, une option stratégique, de Loup Francart

Depuis la fin de la guerre froide, se sont développées des situations conflictuelles intra-étatiques dans lesquelles une violence multiforme remplace les batailles conventionnelles qui caractérisent les conflits inter-étatiques.

Publié en 1999, anticipant les événements du Kosovo, ce livre faitcouverture.jpg l’objet d’une réédition tenant compte des évolutions de ce type de conflits dans lesquels la communauté internationale mandate une force pour préserver, rétablir ou recréer la stabilité. Dans ces opérations, destinées à empêcher la guerre, les armées ne peuvent s’attaquer directement à la puissance militaire adverse. Leur position sera le plus souvent en interposition plutôt qu’en opposition. Dans bien des cas, il ne sera pas désigné d’adversaire.

Cette approche nouvelle propose une stratégie de contre-violence destinée à prévenir, contrôler, contenir l’escalade de la violence. Après avoir analysé les types de violence rencontrés par les forces dans ces engagements et précisé les différences entre l’emploi de la force et l’utilisation de la violence, les auteurs explicitent les éléments de conception de ces opérations et décrivent les procédés de maîtrise à mettre en œuvre sur le théâtre lui-même.

 

Le général (2s) Loup Francart dirige la société EUROCRISE, spécialisée dans la gestion des crises et l’intelligence stratégique. Au cours des années 90, Il a été l’initiateur de la nouvelle doctrine d’emploi des forces armées en tant que chargé de mission à l’état-major de l’armée de terre. Il a ensuite été directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques où il a travaillé sur les problèmes stratégiques européens. Il a également publié La guerre du sens (Economica, mai 2000), ouvrage traitant de la guerre médiatique et de la gestion de l’environnement psychologique dans les conflits. Il est considéré comme un expert international en matière de stratégie et de doctrine d’emploi des forces.  

Jean-Jacques Patry a largement contribué aux recherches multidisciplinaires et à la mise en forme des chapitres. Il est docteur en Droit Public et Sciences Politiques et titulaire d’un DESS de défense.

Voir : http://www.eurocrise.com/

02/12/2012

Signatures (Street art 3ème et dernière partie)

La signature ne remplace pas l’image. Elle en crée parfois une parallèle, pâle copie de la réalité. Mais lorsque signature et portrait devienne fruit de l’imagination, quel méli-mélo :

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A tel point que certains s’insurgent devant tant de fantaisie. A quoi sert la beauté des formes si derrière se cache la fureur de vivre ?

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Et ricanent ceux qui volent dans les flots en contemplateurs de ces luttes entre artistes :

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Alors laissons parler la poésie, échevelée, extasiée, aux cheveux entremêlés, qui regarde passer le papillon des rêves, alors qu’en vis-à-vis la passion se repose, entourée de ses ardeurs apparemment innocentes :

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Retour à la bande dessinée, où l’opératrice de charme se prépare à faire sauter votre propre image, celle qui la regarde, concupiscente :

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Enfin trois regards sur notre société, très différents, mais qui met en évidence la diversité des artistes :

L’irréel éclaboussant

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La fureur s’en prenant à l’écriture

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L’argent qui n’a plus besoin de signatures 

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Au-delà de l’enfer, au bout des lettres entrechoquées, se cache la mort, les yeux sur l’éternité, bien sûr le visage à moitié dissimulé par une capuche qui est la signature des dieux de la rue et des rois de la peinture en bombe.

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01/12/2012

Octosyllabique en ver…(s,t,rre…)

Ces vers qui ont huit pieds !
Avez-vous vu des vers à pied
Au banquet du cimetière
S’entrechoquant les jambières ?

D’autres verres translucides
Sont remplis de mots fluides
Qui coulent en sérénité
Sur la page d’ubiquité

Les mille-pattes s’emmêlent
Croque en jambe, sans semelle
Ils rampent tels des vermisseaux
Sur les poèmes horizontaux

Ambiguïté du sous-verre
Emprisonnant le poème
Qui vit son dernier calvaire
Dans cet encadré bohème

Jamais en fibres de verre
Ils deviennent parfois libres
D’une main forte, en revers
Ils sont remis au calibre

Le vers se mire dans son mètre
Quelle élégance vaine !
Y a-t-il toujours mal-être
Face à cette déveine ?

Le vers se rime dans ses sons
En prudents octosyllabes
L’oreille en contrefaçon
Mesuré par l’astrolabe

Le vert se consacre couleur
Lorsqu’enfin au petit matin
Découvrant du jour la lueur
Il renvoie la nuit aux lutins

Les vers blancs sont mangés sans faim
Comment les offrir aux passants ?
Bataille de crève-la-faim
Où trouver l’enrichissement ?

Mais le vers est parti, vers quoi ?
Passant si vivant, insoumis
N’arrivant pas à rester coi
Si tu confirmais l’infamie !

Découragés s’en vont les vers
Comme des artistes bafoués
Arriveront-ils sous terre
Ou devront-ils se méjuger ?

30/11/2012

Danseuse

La danseuse de fer s'exerce seule, longuement, , s'étire, se regarde dans la glace, jusqu'à l'extase. Le corps se sent à l'aise et l'esprit, progressivement, s'allège des peines et des tourments du jour.

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Si nous pouvions être de fer, que ressentirions-nous?

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Sculpture réalisée à partir de morceaux de moissonneuse. Jusqu'où va la transformation!

29/11/2012

Au-delà des collines, film de Cristian Mungiu

Une Roumanie pauvre, retardée autant mentalement que physiquement, un monastère fait de quelques baraques et d’une église non finie, que l’on découvre, au début du film, au-delà de la colline que franchissent deux jeunes filles, amies de cœur. L’une semble avoir trouvé Dieu au sein de sa communauté, l’autre, seule, vient chercher son amie, car elle ne supporte pas sa solitude.

Les critiques retiennent du film de nombreuses explications historiques, sociales, religieuses, soit l’opposition d’une passion mystique à un amour12-11-23 Au delà des collines.jpg profane, les dysfonctionnements de l’hôpital et d’une église arriérée, la révolte contre l’autorité masculine du prêtre. Au-delà de ces collines d’explications, c’est la tentative obstinée d’Alina, la jeune fille venue d’Allemagne pour faire sortir du monastère son amie Voichita, qui est le vrai sujet du film. Elle emploie tous les moyens, les souvenirs, la camaraderie, l’affection de cœur ; elle fait semblant d’être croyante, de vouloir entrer elle-même au couvent ; elle use de colère, de blasphèmes jusqu’à semer le trouble dans l’ensemble de la communauté. Certes, cette communauté est pauvre d’esprit, elle obéit au prêtre qui est lui-même perdu devant tant d’échappatoires, et, peu à peu, elle tombe dans la certitude qu’Alina est possédée, d’autant plus que le médecin de l’hôpital renonce à la soigner, estimant qu’elle n’a besoin que de repos.

Le film est bien monté. Ce passage d’une histoire de cœur à une histoire de superstition se fait progressivement, sans heurt, de manière naturelle. On se laisse surprendre par la fin, bien qu’on s’interroge tout au long du film sur le devenir d’Alina et de Voichita : cette dernière cèdera-t-elle devant les supplications de son amie, se sépareront-elles, partant chacune de leur côté. Cela finit par la mort d’Alina, même si l’on peut se demander de quoi elle meurt exactement. Sont-ce les mauvais traitements de la communauté, qui ne sont cependant pas aussi terribles que les critiques semblent le dire ? Est-elle réellement hystérique et malade ? On ne sait.

L’atmosphère est à la fois belle et oppressante : de très belles images de ce monastère dans le froid de l’hiver, des personnages simples, voire simplistes, une description glacée parce que sans sentiments exprimés, une histoire entre deux femmes qui ne se comprennent plus, sans réellement savoir pourquoi. C’est long parfois, on a envie de partir, mais l’on reste, on ne sait pourquoi.

28/11/2012

La chambre à remonter le temps, roman de Benjamin Berton

L’histoire pourrait être passionnante. Une chambre qui, lorsqu’on y reste suffisamment longtemps, vous fait sortir deux ou trois jours plus tard ou, parfois, plus tôt. Benjamin a découvert cette propriétélittérature,roman,société,couple de la chambre après l’achat d’une maison au Mans. Le prologue du livre reprend sa fin, comme un retour sur le temps, un éternel recommencement. Mais quel recommencement ? La vie de Benjamin n’est ni drôle, ni passionnante. Celle d’un Français moyen qui côtoie des Français moyens. C’est long et ennuyeux de voir à quel point ces vies sont sans aucun idéal, aucune passion, ni même joie d’instants partagés. Céline, sa femme, n’arrange rien, elle est égale à lui-même et autoritaire : métro (mais on est au Mans), boulot (il le sèche de plus en plus souvent), dodo (ils ne dorment que rarement ensemble).

L’auteur est prolixe. On se demande comment il fait pour trouver tant de choses à dire pour traduire l’ennui et la grisaille. De toutes petites aventures avec des gens sans intérêt. Alors pourquoi poursuivre ce livre ? Parce que, malgré tout, l’histoire pourrait être passionnante. Ces allers et retours du temps sur l’échelle métrique ! Alors, on espère, on devance le moment où le quotidien sera dépassé par l’insolite, le fantastique, l’irrationnel. Mais on traîne ainsi jusqu’aux dernières pages qui vous ramène aux premières. Si l’on n’y prend pas garde, on recommence la lecture sans même s’en rendre compte. Le temps est circulaire pensent certains peuples. Oui, c’est vrai, ici il tourne en rond et on ne sait quand va s’arrêter cette dissociation entre personnages vrais et ectoplasmes comme ils finissent par s’appeler.

Mais pour ne pas rester sur une note pessimiste, je vous fais part de la critique de Bernard Quiriny : « D’un côté, c’est un tableau doux-amer de la vie des trentenaires, confortable et mesquine, avec ses petits événements (faire un enfant), ses petits engagements (s’acheter une maison), ses petits rites (recevoir à dîner) et ses petits drames (se séparer). D’un autre, une peinture des frayeurs de la classe moyenne : l’insécurité, le fantasme de la barbarie à nos portes, la tentation de l’autodéfense. D’un autre côté encore, une chronique conjugale drôle et effrayante (Céline n’est pas commode, il finit par ne plus la supporter, la trompe et, sommet de comique macabre, recourt à un marabout africain pour l’empoisonner) et un autoportrait du trentenaire mâle (fier et plein de doutes, consommateur de porno en ligne). Et, pour finir, c’est un récit fantastique bien mené, qui recycle le thème du voyage dans le temps pour en faire l’échappatoire d’un garçon qui s’ennuie, comme si seul l’irrationnel pouvait encore troubler le flux prévisible de la vie moderne. »

27/11/2012

Fil (pour couper les cheveux en quatre)

Coup de fil… A l’eau

Tiens-tu le fil de ton discours
Dans le droit fil de tes convictions ?

Au fil des pensées, au fil du temps
Qu’y a-t-il de commun, si ce n’est
L’absence de fil à la patte ?

Coiffé sur le fil par son rival
Il devint marionnette à fil
Et celui qui tient ses fils
N’est-il pas fil de feriste ?

As-tu le fil, coupant et rusé
Comme la lame du mensonge
Sur la candeur du spectateur
Ou tires-tu les fils des affaires
Avec la même ténacité ?

Engranges-tu au fil des jours
Les nouvelles de la télégraphie sans fil
Pourtant le fil à plomb préserve
L’intrus d’une horizontalité subite
Recouds-tu à chaque heure
L’étoffe de la toile virtuelle ?

Quelle histoire cousue de fils blancs
Qui va cahin-caha, de fil en aiguille
Nourrir nos mémoires desséchées
D’un fil d’Ariane émouvant
Et s’effilochent encore les fils de la vierge
Dans l’air et le vent du Nord
Pour le bonheur des fils de l’homme

26/11/2012

4ème mouvement « Fuga, allegro con spirito » de la sonate pour piano opus 26 de Samuel Barber (1949)

http://www.youtube.com/watch?v=Ga_280If08A&feature=fvwp&NR=1

 

Le thème donne un accent guerrier, triomphant, à cette fugue équilibrée, à la fois classique dans son organisation et moderne à la manière de Stravinsky.

Déferlement de notes en cascades avant une pause à la manière de Bach en 0.24 : cela dure peu, mais quel rappel au grand compositeur.

En 1.50, introduction d’un nouveau thème, rappelant la musique de Gershwin ou de Bernstein (West Side Story). C’est bref puisqu’en 2.06 on revient au thème principal, arrangé, clairsemé de bouquets de notes, comme un rappel nostalgique.

La sonate finit en étincelles, en gerbes de notes distendues, feu d’artifice en finale qui laisse l’auditeur épuisé, mais heureux.

 

 

Admirons le jeu de Marc-André Hamelin. La partition est extrêmement difficile et trouver une unité dans ce puzzle demande un effort de réflexion, puis de restitution dans le jeu, dont peu de pianistes sont capables.

25/11/2012

Signatures (Street art 2ème partie)

En poursuivant le chemin, j’entrai dans un monde de plus en plus bigarré, mais inquiétant, car l’imagination des signataires devenait chaotique :

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Les lettres parlaient d’autres langages, à voir beaucoup plus qu’à écouter :

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Certaines étaient prises de tremblements dans lequel on voyait la folie se glisser sous forme de vapeur :

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D’autres se dénudaient, en groupe compact, sous forme de protestation :

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D’autres enfin se cachaient en équipage, comme des fantômes, devant l’enchevêtrement de corps brisés d’une meute en délire :

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Cri d’effroi, cri de colère, peut-être cri d’amour, se cachent derrière cette mêlée de rugby :

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Plus loin encore, commence le monde dans lequel les lettres n’ont plus d’importance : l’impact de l’image est plus fort que le bruit des mots. Ce sera pour la troisième partie.