18/07/2012
Le Quatuor : Sur la corde rêve
http://www.youtube.com/watch?v=yl-VNu1rnV0
Cela commence par une musique de restaurant lorsque vous dinez, un soir, avec votre chérie et que les musiciens viennent vous entourer de leur musique envoûtante, mais sans beauté.
C’est ensuite une sorte de marche militaire avec démonstration à l’appui, prise d’armes sans lendemain, pour le plaisir des yeux, sans autre recherche.
Plongée dans la course échevelée des archets sur les cordes du violoncelle. Nouveau rythme, qui s’amplifie de mains, de frottements, de bruits suspects, pour laisser surgir, en coup de grâce, dans la nuit de l’ignorance, un chant échevelé, du plus pur style américain.
Contraste saisissant que ce voyage dans les styles de musique, sans queue ni tête, pour le plaisir de jouer, de s’amuser, de faire rire et d’emporter les cœurs hors de leur morosité habituelle.
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17/07/2012
Multitude
Tous semblables, comme des oiseaux de mer
Tournant au-dessus des bancs de poissons
Et plongeant dans l’eau lourde du souvenir
Pour se différencier, après coup
La multitude est une, invariable
Egale à un, mais composée de mille
Mille regards aux yeux bridés
Mille bouches affamées et ouvertes
Deux mille mains levées et vengeresses
Et un hurlement de désir, de haine
Ou encore de passion et de folie
La multitude s’avance, nue, fantomatique
Couvre la rue de son autorité
Hurle ses slogans vers le ciel chargé
Et renvoie les nuages vers d’autres cieux
Comme un animal blessé, elle respire fort
Centrée sur son pouvoir délétère
Sûre d’elle-même, ignorant le doute
Renvoyant en écho ses cris dans les rues
Entrant dans les consciences, peu à peu
Jusqu’au jour où rien ne résiste
A ses assauts meurtriers. Elle est.
Il n’y a plus de personnes, plus même
De femmes ou d’hommes ou d’enfants
Plus qu’un seul être, vivace
Tremblant de désirs, de volonté nuisible
Sombrant dans la folie d’un jour
D’une heure même, faisant tomber
Des minutes de civilisation individuelle
La caresse de l’existence unique
Développant sa propre illusion
Au-delà de la connaissance collective
Tous, nous sommes un, et pourtant
Différents, reconnus pour un être à part
Revenus des enchantements collectivistes
Et des embrassades uniformes
Chacun revêt le vêtement de son choix
Qui, la chemise rouge du gaucho
Qui, le pantalon noir des mineurs
Qui, l’obscure voile d’une mariée d’un jour
Mais derrière cette glace limpide
Et douce des apparences insolites
Se cachent la singularité de l’unique
La tendresse d’une différence vécue
La conjugaison numérique des nombres premiers
L’ineffable éclat de l’œuvre resplendissante
Miroir d’une sagesse découverte
Au long de nuits d’insomnie
Jusqu’à la transparence du sommeil
Où la multitude se retrouve
Noire, oppressante, vautour
Volant bas, plongeant sur chacun
Pour le contraindre à lever la tête
Et affirmer haut et fort
Ce qu’il ne veut pas entendre
Ah, l’ombre multitudaire
Réveillée une fois encore
Frappe un grand coup
Sur le front des vaincus
Eblouis, ils marchent vers leur destin
Oubliant leur liberté
Ne voyant que l’égalité
Homogènes, rasés de près,
Au canif de l’assujettissement
A l’uniformité sans saveur
Et celui qui respire un autre parfum
Est bon pour le rejet au loin
D’une sécurité enfantine
Dans laquelle se complaît
Cette multitude qui n’est qu’une
Mille visages, mille voix
Qui ne veulent qu’une chose
Courir vers le précipice
Aveugle et noir de l’obscurantisme
Le cri de celui qui saute dans le vide
Devient les hurlements sauvages
De ces oiseaux de mer
Plongeant inlassablement
Sur le ban muet des vagabonds
Qui glissent entre les eaux
07:38 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
16/07/2012
Perspectives inversés
Et si l'on croisait les perspectives? Cela trompe l'oeil sans froisser l'entendement. Il faut y regarder à deux fois pour apercevoir l'erreur. Pourquoi? Probablement en raison de l'ordonnancement des formes qui semblent figées dans un solide équilibre, reposant dans le fond de notre raisonnement simpliste : c'est équilibré, donc c'est vrai !
C'est ainsi que l'on trompe en communication. Les chiffres bien alignés sur des tableaux semblent tout dire à qui ne veut pas entendre. Et il accepte parce que c'est plus simple de croire à la rationalité. Mais si elle n'existe pas ?
(dessiné le 1er juillet 2012)
07:24 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art cinétique, op'art, dessin, peinture | Imprimer
15/07/2012
Premier souvenir
Jérôme avait trois ans. C’était un jour de printemps, ensoleillé, les femmes portant des robes d’été, les épaules nues, le sourire aux lèvres, l’œil égrillard. Elles se promenaient lentement sur le chemin pavé au milieu de la pelouse verte. Des messieurs les suivaient ou les précédaient, mais l’on ne voyait qu’elles, fraiches, spirituelles, les cheveux décoiffés par un petit vent tiède. Il entend encore leurs rires voilés qui se moquaient des hommes qui, eux-mêmes, s’efforçaient d’avoir l’air détachés. Comme toujours, ces jeux constituent les prémices à d’autres jeux, moins innocents, plus amusants, voire plus délurées. Mais tout ceci il ne le comprit que plus tard. Il ne se souvient plus des raisons de cette promenade. La famille était en voiture, une 202 légère Peugeot, somptueuse voiture à l’époque. Elle roulait au pas pour ne pas effaroucher les promeneurs. Comme ses frères, il observait, ébloui, cette foule bigarrée et légère qui s’écoulait de part et d’autre de la voiture et qui jetait par moments des yeux surpris de voir quatre bambins qui eux-mêmes les regardaient de leurs yeux grands ouverts. L’arroseur arrosé, n’est-ce pas !
Et, en un instant magique, il se retrouva sur les genoux de son père, roi parmi les rois, au volant, immense comme les barres à roues de voilier de luxe, environné de boutons et cadrans qui semblaient dire : « Quel beau capitaine nous avons ce jour ! ». Il dévorait des yeux les spectateurs pour acquérir la certitude qu’eux aussi le regardaient et s’exclamaient : « Quel heureux garçon au volant d’une si belle voiture ! » et cet instant dura suffisamment pour qu’il se souvienne encore du parc du château de Meudon ou peut-être un autre, il ne sait plus. Une carte postale imprimée dans sa mémoire, pleine de couleurs et de rires, illuminée par le soleil de la gloire d’un enfant de trois ans.
Cette journée est son premier souvenir. Pourquoi lui est-il resté et pas d’autres, sans doute aussi intéressants, sinon plus ? Il ne sait. Si ! Il croit le savoir. La raison est simple : c’est l’intensité du pouvoir qui lui était donné pour la première fois ce jour. Pouvoir d’être grand, de se faire remarquer, d’exister aux yeux des autres. Tout cela était parfaitement inconscient. Pas une fois cela ne lui a effleuré l’esprit à ce moment, ni même d’ailleurs maintenant. Mais en y réfléchissant, n’est-ce pas cette fierté intime d’être à l’égal des grands qui fait qu’il se souvient de cet épisode. Etrange. Il croyait être indifférent au pouvoir dans la plupart de ses formes. Et son premier souvenir concerne le pouvoir avec sa conséquence : la fierté que donne ce pouvoir. Quelle engeance !
07:56 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, psychologie, femme, littérature, écriture | Imprimer
14/07/2012
Exposition José Maria Sert, peintre décorateur, au Petit Palais
Peintre décorateur. Il n’a cessé de travailler pour l’élite économique et politique de l’Europe, puis du monde. C’est un homme du monde baroque qui s’appuie sur d’autres grands peintres, prenant exemple, tâtonnant, effectuant des montages pour trouver les meilleures attitudes pour chacun de ces personnages qui tous sont hauts en couleurs, utilisant la photographie, les maquettes pour, in fine, arriver à son tableau, immense, bigarré, empli d’êtres humains, de faune, de flore, d’exubérance folle, construit en décors époustouflants. Ce sont des décors de théâtre, des fêtes vénitiennes, mais dans
lesquels se mêlent des gratte-ciels, des patineurs, des montgolfières. Quel contraste avec la peinture abstraite qui faisait ses premiers pas dans ce début du XIXème siècle. Il fut vite oublié. Et pourtant, quel monstre sacré du temps de son vivant.
Les quatre saisons.
L’exposition vous plonge très vite, après un bref préambule, dans quatre grandes toiles qui représentent les quatre saisons dans les quatre continents (une par saison). C’est un déluge de couleurs : des rouges, des verts, des bleus, étincelants, chatoyants, avec des personnages hauts en couleurs dans des décors extravagants, exotiques, emplis d’animaux, de fruits, de fleurs. Un éblouissement pour l’œil, mieux une symphonie pour les sens.
La belle maraichère, carton pour tapisserie.
Un tableau de Goya, toujours coloré ! Le petit peuple à droite, la profusion au centre avec ses marchandises, les nantis à gauche. Ceux-ci trônent, plus hauts, mais ils ont peur des cris du peuple. Seule, la maraichère domine la scène et le contexte. Elle s’amuse de cette agitation. Et tout cela dans une profusion de détails, de couleurs, d’orchestration du tableau, comme un bas-relief antique.
Aéronautes.
Des ballons colorés dans un ciel nuageux auxquels sont suspendus des acrobates. Saisissant d’inventivité !
On se sent léger, on s’envole, l’esprit s’évade au-dessus du Petit Palais, on monte dans un ciel nuageux jusqu’au bleu profond de l’azur.
La production de ces décors grandioses était une longue étape ingénieuse :
· D’abord, naissance d’une idée après recherche et documentations ;
· Puis élaboration d’un dessin rapide pour camper le sujet ;
· Mise en scène avec des modèles photographiés (modèles humains ou mannequins articulés en bois) ;
· Agrandissement des photos jusqu’au format permettant de les accoler ensemble ;
· Puis construction d’une maquette complète du décor ;
· Alors un dessin final mis au carreau est effectué ;
· Il est enfin reporté sur toile ou bois qui sera monté sur le lieu de livraison.
07:12 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, décoration, exposition | Imprimer
13/07/2012
Le retour
Revenir, après un long voyage
Errer dans ses souvenirs,
Dont le goût est devenu âpre
Entendre chanter le passé
Et ne plus comprendre le présent
Décalage ! As-tu laissé ton cœur
Dans les vagues en rouleau
Ou la langueur de tes amours
Je ne sais. Premier regard
Vers celle qui fut longuement
Enviée, choyée, puis abandonnée
Par une absence silencieuse
Et tu reviens, heureuse
Quel découragement que l’accueil
Incertitude ou fausse mélancolie
Tu nous regardes sans nous voir
Encore emplie des eaux nuptiales
De la grande découverte
Il y a autre chose, un autre mystère
Dans ce monde empreint de solitude
Cet état d’âme, riche et plein
T’a transformée. Femme devenue
Mutante, ouverte, libérée
Hors des clous de la bienséance
Les vents t’ont courbée
Mais tu t'es façonnée arbre
Forte et vive comme une branche
Qui s’agite au gré du temps
Et tu reviens, nouvelle
Enjolivée de ta ferveur
Par de lointains horizons
Les yeux dans les étoiles
Constellations diverses
Jusqu’au papillon
Qui erre dans tes pensées
Et voile la tristesse du retour
Dis-moi, quand repars-tu ?
07:40 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, littérature, poésie | Imprimer
12/07/2012
Les hommes se sont également convertis
Oui , les hommes se sont également convertis à l’été. Ils ont troqué leur couleur uniforme pour des atours plus colorés. Dans le métro, ils sont sur le point de chanter, d’aise, de décontraction, sans souci, désendoctrinés de ce noir qui avale tout et obscurcit l’œil et le cerveau.
Je ne l’avais pas remarqué, mais hier, prenant la chenille à roues, j’ai constaté de visu cet effet nouveau. Non, pas une mode, un effet de la saison, sans doute, même si le costume noir reste l’appareil le mieux porté. Ceux-là restent également blancs, comme leur chemise. La seule couleur est leur cravate, pas toujours assortie. Le costume fatigue de ces longues stations dans la chaleur de l’été. Il fait des poches aux genoux et aux coudes, les clés dans les poches semblent des armes cachées. Bref, il est défraîchi.
Mais une grande partie de la gente masculine, à l’imitation du parti des femmes (non, pas le parti féministe) s’est mise aux couleurs. Ils reprennent de l’aisance, sourient parfois de se voir si colorés, portant du bleu, du jaune, du rose même. De corbeaux, ils deviennent geais, voire perroquets. Pour certains, les plus délurés. Et ils s’assagissent, souriant, parlant même avec leurs congénères, hommes ou femmes. L’atmosphère prend un petit air de fête, quelques jours avant les vacances. Ils rêvent. Ils se voient déjà, qui sur son bateau, qui dans sa caravane, qui maçonnant les murs d’une maison de campagne récemment achetée, qui marchant dans les bois ou la montagne, l’esprit libre, le corps reposé.
Certes, l’homme travaille, quoi qu’il arrive. Il ne peut paresser trop longtemps sans sentir les regards des autres, envieux, jaloux. Alors il se penche sur son ouvrage, pour faire comme les autres, irascible. Mais au fond de lui il se laisse aller, les yeux dans le vague, le vague à l’âme, la vague oppressante qui vous renverse sur son passage. Et il plonge, la tête la première, dans l’eau trouble des matins sans travail, quand rien ne vient réveiller les neurones, ne vient chatouiller le sentiment d’utilité qui est celui d’un homme dans la force de son âge. Il regarde, désorienté, la vie qui s’écoule sans lui, et il se demande ce qu’il doit faire, comment il peut ne pas être utile, comment il se fait qu’on n’ait pas besoin de lui.
Mais n’est-ce pas pareil pour la femme. A chaque instant elle s’interroge : comment vais-je faire telle chose, que faire pour faire plaisir à untel ? Mais inversement, la femme laisse venir la vie alors que l’homme ne veut qu'aller à sa rencontre.
En attendant, tous, hommes et femmes, sont colorés, habillés de tonalité joyeuse, retrouvant la verve française, éteinte pendant l’hiver à cause du froid et du noir. Dieu, quelle est bienvenue cette douce tiédeur, même si parfois la pluie pénètre les vêtements.
07:51 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, mode, culture | Imprimer
11/07/2012
L’arpenteur, roman de Marie Rouanet
L’auteur, Marie Rouanet, un beau nom de France qui fleure la terre paysanne et qui nous entraîne dans ces champs, prairies et bois du Rouergue qui sont le véritable sujet du livre. Elle évoque la vie campagnarde, simple, large, dans le souffle des vents qui brossent les collines. On s’étonne même qu’une femme puisse écrire ainsi sur cette fascination des hommes à rassembler la terre, à se l’approprier, à en connaître tous les mètres carrés par un arpentage quotidien, revêtu d’une bonne vieille veste paysanne en velours. Elle évoque ces instants qui marquent la vie d’un rural : la cuisson du pain, l’odeur particulière d’un lieu, un enterrement. Tous ces moments qui relient l’homme à la terre et lui font apprécier la force de sa possession. Elle explique sa vision du bonheur : Voilà encore le chardon, dont les petites graines sèches volent dans l'air de l'été. Le grand jeu consiste à essayer de les rattraper en faisant un vœu. C'est autre chose que tous ces jouets électroniques qui coûtent une fortune et tombent en panne, non ? Je trouve que transformer dès son jeune âge un enfant en consommateur tient à une mauvaise intention des adultes : le faire entrer de force dans un monde où il lui faudra tout acheter, du voyage, des voitures, de l'amour peut-être aussi.
Le livre conte, par l’intermédiaire du narrateur, la vie d’un notaire qui arpente la campagne chaque après-midi. Avec ses cartes, il fouille chaque recoin, débusque de vieilles ruines et ravive l’histoire des gens du pays qu’il connaît mieux que personne. Il savait les roches tendres ou dures, les érosions, les sols stériles, la terre qui descend les pentes avec la pluie ruisselante, les terres lourdes, les terres fines sous le pied nu, les moulins, les cultures, le grand rut des animaux de ferme, la lune dont, même en pension, il surveillait les phases : croître, arrondir son visage, décroître et mourir trois jours, la course estivale ou hivernale du soleil, les ubacs, la neige qui couvre et protège, la bénédiction de la pluie.
L’auteur connaît et défend âprement la vie des paysans, y compris leur manière de manger : Après avoir bu, ils passent le dos de leurs mains ou le bas de la manche sur leurs lèvres. Ils rassemblent les miettes tombées dans le creux de la paume et les avalent. Vous êtes-vous demandé pourquoi ? Ils ne salissent pas plus de vaisselle et de linge que nécessaire parce qu’ils n’ont pas des tripotées de domestiques pour nettoyer et laver. Ils savent ce que chaque miette, chaque goutte, chaque bouchée leur a demandé de sueur et que rien ne les assure de ce pain quotidien dont vous avez plein la bouche dans vos prières. Si vous aviez seulement vu combien leurs gestes sont respectueux de la nourriture, vous sauriez qu’il s’agit là de vraies manières de table. Plus vraies que les nôtres. A la fin du repas, leur assiette est nette – on n’irait pas gaspiller une fraction de ce qui se mange. Ils font du bruit en mangeant ! C’est qu’ils manifestent leur plaisir.
Les cartes permettent au notaire de s’approprier le paysage, avec tous ces recoins. Mais le but d’une carte n’est pas la beauté. Et quoi alors ? L’utilité administrative, les impôts à lever, les possessions de l’église. Le pouvoir. S’il y a des révoltes il est important de savoir la hauteur des montagnes, les bois fourrés, les forteresses. Ce sont des cartes pour régner, rançonner. Une coupe réglée du Royaume de France. L’arpenteur en possède de nombreuses : celle de Cassini bien sûr, une carte d’état-major sur laquelle il a tracé un cercle rouge autour de son village, son territoire qu’il arpente chaque jour, jusqu’à vingt kilomètres, mais aussi des cartes de l’Institut géographique national dont la 1/250.000ème qu’il étale sur une lit de feuilles ou de terre nue. Savoir, ce n’est pas la moindre de ses jubilations, c’est sa richesse cachée, donc incommunicable. Vrai trésor d’avare. Il est comme les collectionneurs qui possèdent un Botticelli ou un Picasso dans un coffre de banque, ils le contemplent. Personne n’en sait rien. Son trésor ne sert l’arpenteur pour rien de visible. Son savoir ne lui sert que pour un bonheur solitaire – il peut dire le mot de bonheur. Il est son épaisseur d’homme et ne durera que le temps de sa vie.
Et le temps passe, la vie s’écoule, faite de petits instants d’attention à la terre, aux tâches quotidiennes du terrien, aux relations profondes avec les hommes, à l’amitié abrupte, jusqu’aux moments de la fin. L’arpenteur meurt, puis c’est le tour d’Amans, que l’arpenteur appelait son seul ami, et le narrateur se prépare à mourir, à laisser tous ces trésors s’ensevelir, comme les ruines visitées par l’arpenteur.
C’est un beau livre, évocateur de cette campagne profonde qui disparaît peu à peu pour des manières de ville. Et, dans le même temps, il fait naître en nous une tristesse indissoluble de ce temps qui passe et qui efface, qui transforme un hameau en ruines branlantes, puis en un tas de pierres que l’on redécouvre sous les ronces. La campagne reste irascible comme l’arpenteur qui a été laid, orgueilleux, mais infatigable pour rassembler ces mille souvenirs qui font le trésor d’une vie.
Une remarque : Marie Rouanet parle de l’amour de la terre, celle qui est lourde, qui sent la feuille ou la fenaison, et non de la nature, expression écologique qui dénote une vision complètement différente de nos rapports avec le territoire. C’est elle qui aurait dû écrire « La carte et le territoire ». Elle aurait donné du poids aux élucubrations de Michel Houellebeq (Voir le 20 janvier 2012, dans Impressions littéraires). Mais l’une et l’autre n’ont rien à voir ensemble.
07:55 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, écriture, culture | Imprimer
10/07/2012
Drôles de machines !
http://www.youtube.com/watch?v=b694exl_oZo&feature=relmfu
Quelques tubes de plastique qui prennent vie, qui marchent comme un insecte. On est dans un autre monde, celui de l’imagination, de la sensation, de l’équilibre. On dirait des dromadaires, des éléphants, mais aussi des cerfs-volants ou des araignées.
Théo Jansen, l’inventeur de ces insectes tubulaires, est néerlandais et pratique l’art cinétique. Le moteur en est le vent.
« La locomotion est assurée par un « système de ventre à vent » mis spécialement au point par Jansen : de l’air comprimé — le carburant — emmagasiné dans des bouteilles, est ventilé par le truchement de simples clapets dans de petits tubes qui s’enfilent les uns dans les autres ; l’actionnement des pistons amorce la mise en marche des arthropodes géants. Pour calculer avec exactitude la longueur des différents tubes de plastique nécessaire dans cette mécanique, Jansen a utilisé des programmes de simulation extrêmement complexes – ses « squelettes préhistoriques » aux formes anachroniques en revanche ne nécessitent ni électricité ni assistance informatique.
Jansen a créé à ce jour sept générations d’animaux de plage, de l’insecte au mastodonte. La première était représentée par un organisme très simple qui s’est complexifié au fil du temps. L’actuelle est composée de géants polymorphes qui, malgré leur masse de plusieurs tonnes, ont gardé le pied léger. Ces créatures sont le résultat d’une fusion de l’art de l’ingénieur et des principes de la biologie. Et elles nous font rêver : ne proposent-elles pas pour l’avenir un concept alternatif de locomotion ? » (Arte)
Quelle poésie dans ces drôles de machines. Je vous laisse regarder et découvrir dans les autres vidéos ces monstres aussi amusants que ceux qui sont présentés ici :
http://www.youtube.com/watch?v=Di91H_Twqww&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=xjOJPBDwyxM&feature=related
07:49 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, culture, technologie | Imprimer
09/07/2012
Le poète
Un poète, c’est un homme ou une femme à part
Mais c’est aussi un être de tous les jours
Il peut ne pas écrire, mais il est poète
Car la poésie est un état d’esprit
Et non une qualité littéraire
Poète d’un jour, poète toujours
Oui et non, il faut pouvoir décoller
S’élargir l’esprit à la largeur de sa vision
Respirer ce gaz hilarant et enchanteur
Qui détruit le sens du terre à terre
Tu as beau mettre du sable dans tes poches
Tu montes le nez au vent, l’œil au balcon
Et contemples l’acidité du quotidien
Du haut de ta folie bienheureuse
En quoi es-tu différent ? Posons-nous la question !
Est-ce une acuité anormale et cinglante
Qui conduit à cet état d’apesanteur molle
Est-ce l’innocence d’un regard sans lunettes
Ou encore la tranquille assurance
D’un humain nu qui se croît habillé ?
Rien de tout cela sans doute et heureusement
Le poète ne se distingue pas de ses voisins
Il agit en discrétion, à petits pas menus
La paupière quasiment close, les pieds en dedans
Caché aux autres, inconnu de la foule
Il ne se sait pas poète, il plane dans l’atmosphère
Sans même savoir qu’il est en lévitation
Tout ceci est naturel, il n’a plus ces écailles
Qui obscurcissent la vue et donnent raison
A tous ceux qui ne voient pas la beauté
N’est pas poète qui veut, mais qui peut
Et cela n’est pas donné à tout le monde
Certains paieraient pour réciter fortement
Les vers d’un mirliton automnal
Et chanter la vie sans fond de l’insouciance
Mais l’on ne s’entraîne pas à devenir poète
Il faut un autre regard, acidulé et collant
Pour trouver à la vie sa grandeur
Malgré les légers contretemps ou contrefaçons
Qu’elle imprime dans l’âme quotidiennement
Le poète butine, il s’intéresse à tout
Tout peut devenir objet de poésie
De l’infiniment petit à l’infiniment grand
En passant le plus souvent par l’infiniment moyen
Qui est, il faut le dire, la norme habituelle
Oui, c’est vrai, la poésie n’est pas utile
Mais le pain l'est-il à qui n'a pas faim ?
Alors, chaque jour tu pars le nez en l’air
Humant les parfums exquis d’un monde
Où l’on se délecte de ce que l’on ne voit pas
Et tant pis pour les vers et césures
Tant pis pour l’équilibre des phrases
L’image a ce pouvoir de dérégler la machine
D’une trop précise vision versificatrice
Qui n’a de sens que pour les autres
Le poète se laisse guider par sa muse
Elle lui dicte sa joie et sa lucidité
Elle emplit ses poumons de verdeur
Et il écrit parfois, écoutant ces paroles
Qui sortent de son sac à vers
Le poète est seul au monde
Il tente de partager cette solitude
Il fabrique les mots d’amour
Pour tous ceux qui veulent bien l’entendre
Pour leur apporter cette solitude bienheureuse
Elle s’échappe en vapeur ondulée
De son cœur étonné d’autant de chaleur
Et se répand gentiment, subrepticement
Dans les pensées enracinées et lâches
D’humains en mal d’être et non d’avoir
Tu peux avoir des billets dans tes poches
Tu peux posséder ce que l’argent te donne
Tu peux aussi acheter quelques congénères
En mal d’impatiente possession. Mais rien
Ne te donnera ce supplément d’être, sauf la poésie
07:43 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
08/07/2012
Désir
J’attends, j’attends que le désir monte et me prenne à la gorge, m’envahisse au point d’être contraint de me mettre au travail. Ce peut être long, plusieurs jours, voire plusieurs semaines, mais cela peut aussi ne demander qu’une journée, voire quelques heures. Ce désir apparaît dans la conscience à un moment où on ne l’attend pas. Il suffit d’un regard inhabituel, d’un son divergent, d'une odeur exotique, et, d’un coup, l’image de cette création m’envahit. Ce n’est vraiment pas une image visuelle, mais plutôt une sensation, un tremblement des mains, une impatience de saisir le pinceau, sans savoir réellement comment cette impatience va se contrôler, vous amener à cette harmonie de forme et de couleurs que constitue un tableau. A cet instant, vous vous laissez porter par ce projet. Il apparaît devant vos yeux à tout moment du jour ou de la nuit. Vous le fabriquez pièce par pièce. Quelles formes et sous-formes ? Quelles couleurs leur donner ? Ce mariage est-il concevable ? Vous tâtonnez, vous imaginez différents couleurs, chaudes ou froides, claires ou foncées, et vous laissez aller vos impressions, sensations jusqu’à ce que, peu à peu, apparaissent dans votre esprit les grandes lignes de ce que vous voulez exprimer.
Alors commence le ballet de la pratique, le plaisir sensuel de toucher le pinceau, d’en éprouver la résistance, la consistance, la caresse sur la toile, avant de l’enduire de peinture et, d’un geste large mais craintif, de commencer à inscrire dans l’espace délimité le signe du temps, la temporalité de l’existence. Passer du vide au plein par une trace sur le blanc de l’inconsistance, comme la tache d’une vie reconnue, imaginative, exubérante, bref, le signe de l’entrain, de l’espoir, de l’accomplissement d’une finalité sans motif intéressé. Et progressivement, mais assez vite, tout se bouscule dans votre tête. Vous ne pensez plus, vous êtes couleurs, séparation, osmose, rupture. Votre corps se tend, s’extasie, s’unit à votre effort mental, se plie aux exigences du projet, le précède même, lui donne une réalité vivante qui n’est pas celle que vous aviez en mémoire, mais qui naît du geste et de la réflexion conjugués.
Parfois, vous vous arrêtez. Oh, pas trop longtemps de peur que cet enchaînement des gestes ne s’embrouille et vous laisse seul devant la page inachevée. Il vient pourtant un moment où cela va finir. Vous ne savez pas quand, vous ne pouvez le prévoir. Vous vous efforcez de conserver votre corps et votre esprit frais, alertes, inventifs, ouverts à toutes les solutions, vous corrigez ensuite et rebâtissez. Mais viendra bien un moment où le carburant manquera. Vous aurez brûlé vos réserves et en sortirez épuisé, mais comblé, renouvelé, léger comme un ballon d’hydrogène dans le ciel nuageux de ces jours d’un été qui n’en est pas un. Le soleil absent du monde mortel et quotidien a pourtant bien brillé sur le front de votre travail et l’a éclairé jusqu’à vous faire sortir de vous-même.
Vous vous réveillez lorsque vous nettoyez vos pinceaux. Vous aimez ces gestes simples d’un passage sous le liquide, quel qu’il soit, qui évacue le trop plein de couleurs, et rend son être primitif à ce tas de poils ramassés, accolés ensemble pour vous laisser rêver de la main et de l’œil. Ca y est, il est propre, essuyé, rangé dans sa boite. Un deuxième, un troisième. Et ce nettoyage est ce qui vous permet de reprendre pied avec le quotidien, d’atterrir sur les skis de votre réalité après le grand saut dans l’absence de pensées autres que celle de la création.
Mon Dieu, que de voyages dans l’imaginaire qui vous permet de ramener à chaque fois un souvenir de ce moment merveilleux, un tableau qui vous rappelle ces heures de liberté absolue et enchanteresse, loin de toutes les contingences du quotidien !
07:26 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, création, inspiration | Imprimer
07/07/2012
Arvo Pärt: The Deer's Cry
http://www.youtube.com/watch?v=OO9U4QWZUoI&feature=related
Oui, nous avons déjà écouté cette musique minimaliste d’Arvo Pärt, c’était le 27 mai, un magnificat extraordinaire. Aujourd’hui, écoutez le cri du cerf. C’est un cerf qui n’est ni l’animal sauvage et fier de nos forêts, ni l’homme esclave appartenant au seigneur. Ce cerf, c’est vous, c’est moi, qui bramons dans les bois notre soif de l’autre nous-même. C’est cet animal sauvage qui s’humanise et se divinise à la fois dans la durée d’une vie.
Christ with me, Christ before me, Christ behind me,
Christ in me, Christ beneath me, Christ above me,
Christ on my right, Christ on my left,
Christ when I lie down, Christ when I sit down,
Christ in me, Christ when I arise,
Christ in the heart of every man who thinks of me,
Christ in the mouth of every man who speaks of me,
Christ in the eye that sees me,
Christ in the ear that hears me,
Christ with me.
Dans le chœur des hommes, le Christ devient la caresse du vent, l’eau qui coule sur la peau, le baiser tendre d’une mère pour son enfant, le souvenir lointain de jours heureux de l’enfance ou de la plongée dans la nature. Le Christ est partout, avec moi, au-dessus de moi, derrière moi, sur ma droite et ma gauche, présent à chaque moment. Il est avec moi, en moi. Il est moi.
La soprane incarne au contraire la pureté du ciel, la sortie de ce monde contingent, plein de sensations et de sentiments. Son chant est désincarné, abstrait, comme un rappel de notre condition humaine qui nous conduit vers l’achèvement vers cette rencontre avec le divin. Et cette rencontre éclate par le rapprochement de voix, hommes et femmes dans un jaillissement sonore et lumineux. La rencontre du haut et du bas, de l’humain et du divin, mais aussi celle de la transcendance et l’immanence.
Nous sommes deux au commencement du chant, puis sous l’étincelle de la révélation, nous devenons un, plus fort, plus tendre, plus accompli, comme une symphonie vibrante de cette révélation qui crie au monde sa joie tendre, douce, profonde, qui ne se dit pas, mais qui se vit jusqu’au retour dans le royaume.
Quelle merveilleuse musique, quel chant, profond, tendre, puissant, évocateur de ce que les mots ne peuvent dire, mais de ce à quoi l’âme aspire !
07:25 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, minimalisme, sacré, musique religieuse | Imprimer
06/07/2012
La liste de mes envies, roman de Grégoire Delacourt
On se ment toujours.
Ainsi commence le premier chapitre qui est époustouflant. Il résume la psychologie et la vie de Jocelyne Guerbette, mercière à Arras :
Je sais bien, par exemple, que je ne suis pas jolie. Je n’ai pas les yeux bleus dans lesquels les hommes se contemplent ; dans lesquels ils ont envie de se noyer pour qu’on plonge pour les sauver. Je n’ai pas la taille mannequin ; je suis du genre pulpeuse, enrobée même. Du genre qui occupe une place et demie. J’ai un corps dont les bras d’un homme de taille moyenne ne peuvent pas tout à fait faire le tour. Je n’ai pas la grâce de celles à qui l’on murmure de longues phrases, avec des soupirs en guise de ponctuation ; non. J’appelle plutôt la phrase courte. La formule brutale. L’os du désir, sans la couenne ; sans le gras confortable.
Je sais tout çà.
Et pourtant, lorsque Jo (Jocelyn, son mari) n’est pas encore rentré, il m’arrive de monter dans notre chambre et de me planter devant le miroir de notre armoire-penderie…
Je ferme les yeux et je me déshabille doucement, comme personne ne m’a jamais déshabillée. J’ai chaque fois un peu froid ; je frisonne. Quand je suis tout à fait nue, j’attends un peu avant d’ouvrir les yeux. Je savoure, je vagabonde. Je rêve. Je revois les corps émouvants alanguis dans les livres de peinture qui trainaient chez nous ; plus tard, les corps plus crus des magazines.
Puis je relève doucement mes paupières, comme au ralenti. Je regarde mon corps, mes yeux noirs, mes seins petits, ma bouée de chair, ma forêt de poils sombres et je me trouve belle, et je vous jure qu’à cet instant, je suis belle, très belle même.
Cette beauté me rend profondément heureuse. Terriblement forte. (…)
Nue, si belle devant ce miroir, il me semble qu’il suffirait juste de battre des bras pour que je m’envole, légère, gracieuse. Que mon corps rejoigne ceux des livres d’art qui traînaient dans la maison de mon enfance. Il serait alors aussi beau qu’eux ; définitivement.
Mais je n’ose jamais.
Ce premier chapitre est un condensé de l’esprit du livre, au-delà de toute l’histoire que je vous laisse découvrir. Elle est racontée avec des mots simples, simplistes même diraient certains. Mais c’est cette naïveté apparente qui donne au livre son charme et à la narratrice sa savoureuse matérialité. Jo semble banale, et pourtant, elle s’inscrit dans la lignée des femmes méconnues, qui laissent s’enfuir leur rêve de jeune fille pour vivre leur vie de femme. Elles sont tenaces dans la vie de tous les jours, avec des accès de mélancolie. Alors elles dressent la liste de leurs besoins, insignifiants : deux poêles Tefal, un nouveau micro-ondes, un couteau pour le pain, une nouvelle pince à épiler, Belle du Seigneur (vous connaissez ! Le roman d’Albert Cohen) et bien d’autres choses encore, dont des cadeaux pour son homme. Mais cette liste est bien loin de la liste de ses envies, dressée un peu plus loin : couper mes cheveux, faire un régime, danser un slow avec Jo sur l’Eté indien au prochain 14 juillet, un sac Chanel, être enviée (enfin !!!) (C’est drôle d’écrire être enviée dans ma liste d’envies). Et elle finit par : Qu’on me dise que je suis belle.
"Les besoins sont essentiels, ce sont eux qui nous maintiennent en vie. Mais ce sont les envies qui nous permettent de nous sentir vivants", explique Grégoire Delacourt.
Sa vie était simple. Mais le billet de tombola qu’elle a gagné fait s’écrouler ce monde, mélange de réalité et de rêverie. Le livre finit par ces trois phrases, désolantes : Je chante pour moi, en silence, le visage tourné vers la mer obscure. Je suis aimée. Mais je n’aime plus.
Jo, serais-tu devenue adulte et si près de la mort ?
07:26 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman | Imprimer
05/07/2012
Ecran
Les yeux fixés sur l’écran…
Lequel ? S’agit-il du dispositif
Qui empêche la perspicacité de s’exercer
Ou inversement de ce qui permet de voir
Des images d’un passé qui se veut présent
Quel écran de fumée
Cherche à cacher la réalité de la vie ?
Je poursuis ma route, encombré
Défait de chaleur et de protection
Nu comme un vers sous les regards
La fumée s’est envolée, partie vers d’autres cieux
Et ne reste qu’un corps sans motivation
Pourtant un écran sert aussi de paravent
Qui abrite du souffle du voyeurisme
Et empêche le quidam d’entrer
Par des stratagèmes dans l’intimité
De pâles nuits d’été, étouffantes
Mais l’écran peut également
Dévoiler un monde virtuel
D’images, de mots, de chiffres
De tout ce qui peut passionner
L’esprit du spectateur
Scotché sur les points brillants
Qui sans cesse évoluent
Pour s’imprimer sur la rétine
Et faire naître espoir ou désespoir
Dans le cerveau de cet humain
L’écran peut aussi devenir masque
Il sert alors à voiler les pensées
Dans l’immobilité des expressions
Comme un paysage sans vent
Tu passes devant cet homme
Qui ne te regarde pas, ne te vois pas
Et tu n’es plus rien, qu’une ombre
Dans la densité des objets d’un matin
Tout à l’heure tu disparaîtras
Effacé, tu n’auras plus d’écran
Où reposer ton corps vide de substance
S’interposer c’est aussi servir d’écran
Volontairement, entre deux points de vue
Les balles ricochent sur votre carapace
Renvoyées à l’agresseur
Jusqu’à ce que l’écho de la bataille
Devienne un murmure d’amabilité
Et vous résonnez, ébranlé de ces assauts
Comme une cloche de verre
Dans l’eau trouble des passions
Avant ils étaient cathodiques
Ils sont devenus plats, exsangues
Grâce au progrès technique
Toujours plus petits ils mobilisent
De plus en plus les esprits
Bientôt ils ne seront plus qu’un point
Dans le vaste champ de la vue
Mais encombreront sans pitié
L’ensemble des possibilités d’attention
Endormies dans la chaleur moite
D’allégories bigarrées, devenues
Puits sans fond de concepts fascinants
Ouvre tes yeux, laisse tomber tes lentilles
Regarde la nature telle qu’elle est
Oublie les images chatoyantes
De paysages subtils mais inaccessibles
Ne te revêts pas d’écrans de protection
Contre un monde à toujours admirer
Malgré ses pans de laideur
Derrière le masque se cache une réalité
Comme un trésor à dévoiler
Pudiquement,
Lentement
Imperceptiblement
Amoureusement
07:36 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie, littérature | Imprimer
04/07/2012
Claude Garache, au musée d’art moderne de la ville de Paris
Rouge vermillon ou pourpre, éclatant, vivant, tremblant comme les cordes d’un violoncelle. Tout est suggéré, en mouvement, même dans les pauses statiques. Le peintre tourne autour de son sujet avant d’en extraire la gangue. Et celle-ci n’est pas précise, nette, visible directement ; elle ne se laisse approcher que peu à peu, dans toute sa nudité, modèle sculptural aux couleurs évanescentes.
Le corps dans tous ses états, assis, couché, accroupi, debout, courbé. Incandescence du corps féminin, comme une brûlure interne, en équilibre sur la toile. Rien d’autre que ces corps, présents sur toutes les toiles, dans des postures diverses, toutes émouvantes, à la fois très réelles, emplies de leur centre de gravité, et en même temps très éphémères et versatiles.
C’est beau, brut, parfois choquant, mais toujours équilibré.
Ce tableau a été acheté par le musée d’art moderne de la ville de Paris. Intitulé Yvie et Sauve, il suggère plus qu’il ne montre, comme toujours chez Garache. Il épuise les sensations du corps féminin par une représentation vue de dos et une autre vue de face. La première est perceptible dans son dessin, son modelé, ses ombres et reflets. La seconde est tellement suggérée qu’il faut progressivement comprendre qu’il s’agit également d’un corps de femme couché sur le dos que seule la tache du pubis permet d’identifier.
Claude Garache est ami des poètes, des écrivains et de nombreux artistes qui, pour la plupart, ont commenté son œuvre, singulière par le seul corps féminin et la seule couleur rouge vermillon. Chacun de ses tableaux est baptisé d’un faux prénom féminin (Ramonde, Ferretine) qui immobilise l’attitude comme un souvenir lointain, mais encore très présent.
La beauté réduite à l’attitude et l’attitude réduite à une sorte de mouvement immobile, comme un tremblement de l’air dans l’immobilité de la pause.
07:41 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, nu, art moderneou art contemporain | Imprimer
03/07/2012
Intemporel
Du haut du pont de pierre, je contemple l’écoulement de l’eau dans les deux jambes du barrage.
Quelle paix, malgré le bruit puissant de l’effusion de l’écume. On n’entend plus le frémissement de la brise dans les arbres. Seules les voitures qui passent sur le pont troublent le grondement monotone. L’écume blanche se festonne de jaune sable lorsqu’elle touche la surface inférieure du plan d’eau. Rien d’autre ne bouge. Seule la cime des peupliers ébauche un balancement. En amont
l’eau est un miroir piqué de nénuphars. Quelques fleurs jaunes émergent du tapis vert qui rappelle les pierres plates des jardins japonais.
A droite, le jardin d’eau. Les arbres ont les pieds dans l’onde qui envahit le sol, voilant la réalité d’un reflet argenté ou noir selon l’exposition au soleil. Mystérieux ce paysage lacustre, si petit en réalité, mais qui s’ouvre sur les perspectives du fleuve Amazone.
Je traverse le pont et m’assieds sur le parapet opposé. Tout est différent.
Un barrage de grosses pierres traverse le cours, laissant couler entre elles des rides ondulées qui s’épaississent et deviennent écume un peu plus bas. Au-dessus, l’eau frémit, se ride, s’ébroue gentiment, s’éclaire de reflets vivaces qui surgissent et s’évanouissent.
Qu’il est bon d’être là, inactif, sans pensée, en éveil cependant. Je ne donnerai ma place pour rien au monde. Enfermé dans la bulle de l’écoulement de l’eau, le temps s’est arrêté. C’est ce mouvement perpétuel, lent et continu qui ralentit l’horloge : agitation dans le micro, calme dans le macro !
Enfin, je descends jusqu’au plan d’eau supérieur. Je marche sur les eaux dans l’apesanteur de l’après-midi, dans cette absence de temps. L’eau est agitée de petites, toutes petites rides qui me donnent une image insolite du vieillissement : rien en bouge, rien ne change, mais à chaque instant passe le présent et se construit l’avenir.
08:18 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eau, présent, contemplation, temps | Imprimer
02/07/2012
Mouvement perpétuel
Descente et absence. Descente vers le primordial, absence de soi. Et tout ceci se vit en rouge, rose, jaune, comme une promesse d'avenir!
10:15 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : optique art, op'art, art cinétique, peinture | Imprimer
01/07/2012
Incroyable ! Rage et compulsion
Incroyable ! Rage et compulsion
Je suis défait, englouti, perdu
Tout se ligue contre moi
J’ai mal partout dans ma tête
Plus rien ne va plus !
J’ai perdu ma tranquille sérénité
Il n’y a plus rien de l’homme
Enchanté, dansant sur le fil
Je suis lourd et pataud
Mes idées tournent au ralenti
Comme prises dans la glue
Et mes émois ne m’intéressent plus
Calme plat sur les émotions
Viens me toucher
Je ne te sentirai même pas
La machine ne tourne plus
Elle est en panne
La dernière bouffée de vapeur
S’est échappée de ses tuyaux
Et s’est perdue dans l’azur
Comme un pet dans l’atmosphère
Dieu, quel inconfort
Revenir à l’insatisfaction
Redonner à l’inconsistance
Son humeur et ses tremblements
Pour, en retour
Ne recevoir que les larmes
Et la mortelle désespérance
De jours fades et sans étincelle
Ah ! Un éclair, une lueur vive
Un pincement des entrailles
Et me voici ragaillardi
Je vole, je plane, je looping
Le cœur en écharde
Encore un jour de voyage
Dans la vaste plaine
D’un cerveau vide
Quelle est bonne
Cette fuite des idées
Quel régal que cette absence
De vagabondage de l’esprit
Et de fixation sur l’aridité
D’une solution à trouver
Envole-toi, et plane
Jusqu’au bout du monde
Là où rien ne limite
Ta liberté de croire
La vapeur siffle à nouveau
Dans le cornet des chimères
07:49 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, écriture, littérature | Imprimer
30/06/2012
Pouvoir, gloire et passions d’une femme peintre (1593-1654), Artemisia Gentileschi, Musée Maillol
Au risque de décevoir tout le monde et de paraître iconoclaste, ignorant ou même inculte, je ne crie pas au miracle devant la peinture d’Artemisia Gentileschi. Sans nier son art, ni même son génie en tant que femme à cette époque, ce n’est pas pour autant que l’on peut l’assimiler aux plus grands peintres de l’époque, dont, bien sûr, le Caravage.
Mais avant d’aller plus loin, regardons ensemble quelques tableaux.
Autoportrait, 1637 (à l’entrée de l’exposition, à droite) :
Jamais je ne l’aurai imaginé ainsi. Dommage, elle s’est ratée. Ronde, presque sévère, l’œil noir, la main lourde et disproportionnée. Mais j’exagère sans doute !
Le suicide de Lucrèce :
Lucrèce semble jouer un rôle. Elle est irréelle, l’air figé, en catharsis, comme une mauvaise comédienne. Passons !
Allégorie de la peinture, 1636 :
Belle peinture, belles couleurs, un tableau séduisant. Mais si l’on y regarde de plus près, on constate que le visage est tordu et les doigts malhabiles, ce qui est un comble pour un peintre.
Allégorie de la renommée, 1630-1635 :
Elle est belle, pour une fois, fine et d’allure aristocratique. Dommage que son œil droit diverge et soit plus fermé que le gauche. Quelle renommée a-t-elle pu avoir ?
Saint Jérôme :
Enfin, un vrai et beau tableau. Le vieil homme regarde le ciel, à la fois reposé et tendu, serein, mais interrogateur. Ce qui frappe, c’est son cou de vieillard, épais, ridé, enchanteur de réalisme plutôt que de beauté. Il est fort, peut-être un peu trop sur le devant, mais il donne à la tête qu’il soutient élégance, majesté et ascétisme.
Autoportrait au luth, 1617 :
Son visage reste lourdaud, le cou fort, le buste large. Elle a sans doute allongée ses doigts reposant sur les cordes du luth. Mais elle possède un petit air distingué qui donne à cet autoportrait meilleure allure que le premier.
Trois vierges à l’enfant (au 1er étage) :
La première (1610, à gauche) nous montre un enfant charmant, blond, fin, éveillé, mais une vierge au visage lourd, presque commun. La seconde (au milieu) est belle, maternelle, préoccupée de sa maternité et son enfant est naturel, peut-être un peu confit de son futur. La troisième (à droite) est noble, élégante, un peu plus sévère, mais l’enfant est figé, presqu’hagard.
Oui, malheureusement, la plupart des tableaux contiennent des erreurs de dessins assez grossières ; formes parfois disproportionnées, membres mal placés, yeux dissymétriques, visages presque tordues, bouches décalées. Par exemple, Sainte Catherine d’Alexandrie est belle, mais son œil droit, trop sombre, semble infirme et glauque, voire aveugle et sans direction.
La religieuse (1613-1618) a une bouche qui n’est pas en face du nez et qui est peinte de face alors que le reste du visage est légèrement tourné.
De plus, et sans doute est-ce dû à l’époque, les femmes sont bien en chair, trop certainement, telle Cléopâtre (1620-1625), courtaude, les membres ramassés, à défaut d’élongation. C’est une forme de beauté qui devait être sensible en ce temps-là.
Cependant, admirons cette artiste-femme qui, à son époque, a su se trouver une place parmi les grands de la peinture. De plus, malgré les défauts indiqués, sa peinture est belle en couleurs, en drapés, en évocations historiques, à l’instar des grands peintres de l’époque.
Félicitations, Artemisia !
08:27 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, exposition | Imprimer
29/06/2012
Fanfan, roman d’Alexandre Jardin
Depuis que je suis en âge d’aimer, je rêve de faire la cour à une femme sans jamais céder aux appels de mes sens. J’aurais tant voulu rencontrer une jeune fille vertueuse qui m’eût à la fois adoré et obligé à contenir ma passion. Hélas, les femmes de ce siècle ont oublié l’art de faire piaffer les désirs. Il me fallut donc, au cours de mon adolescence, apprendre à me brider moi-même.
Ainsi commence le livre, et, pendant toute son adolescence, Alexandre Crusoé se retient. Jusqu’au jour où il rencontre Laure de Chantebise animée de désirs simples, posséder une belle maison et engendrer une grande famille. Laure l’a séduit. Il jura de n’épouser aucune autre femme.
Un jour, il rencontre Fanfan, une jeune fille qui vingt ans, mais en porte dix-huit. Il n’imaginait pas une fille capable de produire autant de désirs. Ne disposant que d’une seule chambre, elle lui propose de dormir ensemble, en tout bien tout honneur. Ce qu’ils font. Deux jours plus tard elle lui donne rendez-vous à minuit pour calmer leur faim. Mais la vie continue avec Laure et sa famille, très bon chic bon genre, trop, manquant de perspective. Alexandre se partage entre Laure, sa maîtresse, future femme, et Fanfan, son élu, qu’il s’efforce de rendre inaccessible. Il ne lui avoue pas sa passion et lui fait la cour sans le dire, d’une façon bien personnelle, drôle. Il cherche à lui faire croire qu’elle est plus une amie, une sœur, qu’une femme désirable. Il lui fait passer une soirée à Vienne où ils dorment dans un hôtel, mais elle découvre qu’il s’agit d’un décor de cinéma.
Il loue l’appartement côte à côte du sien, l’aménage à l’identique et la regarde dans un miroir sans tain. Elle lui présente son fiancé, en réalité un homme qu’elle a embauché pour lui faire la cour et rendre jaloux Alexandre. Mais il surprend leur empoignade et écarte ce faux rival. Il se glisse sous son lit et dort près d’elle. Le lendemain, elle lui parle :
Hier soir, j’ai perçu quelque chose de bizarre dans ce studio… J’ai été réveillé par un ronflement. Je n’étais donc pas seule… Ce qui serait merveilleux, ce serait que tu viennes enfin t’allonger près de moi.
Elle fait semblant de se noyer. Il la retrouve dansant avec des bohémiens, en jarretelles : Tous, ils seront tous à moi ce soir, lui dit-elle. Alors il lui dit : D’accord, je serai ton amant. Mais une seule fois dans notre vie. Je désire pour nous un amour parfait. Mais elle ne lui donne que son bras.
Enfin, son vieil ami de quatre-vingt ans, lui explique qu’il ne peut rester un éternel adolescent : L’amour exige le risque. C’est le prix à payer. Et la vie de couple est la seule véritable aventure de notre temps… Qu’as-tu fait jusqu’à présent de tes talents ? La seule chose importante en ce bas monde est de rendre heureuse une femme. Tout le reste n’est que vanité.
Le vendredi soir, Fanfan rentra chez elle, s’allongea sur son lit sans un regard en direction du miroir, et ferma les yeux. Je me tenais derrière la glace… Je me collais contre la vitre et, soudain, la fis voler en éclats à l’aide d’un tabouret. Nos deux studios se trouvaient réunis. Fanfan ne bougeait pas. Je pénétrai chez nous, m’approchai de son visage et lui baisais les lèvres. Ma princesse ouvrit les yeux. Veux-tu m’épouser ? murmurai-je. Oui, me répondit Fanfan.
Un livre plein de charme, d’espièglerie, de bonheur d’un amour naissant, cocasse, enjoué, insolite dans ces approches, résolument hors norme.
De ce beau roman a été fait un film que vous pouvez voir sur Youtube. Mais, il est décevant après avoir lu le livre.
07:37 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, film | Imprimer
28/06/2012
“Choux a la Crème” par Hiromi Uehara
http://www.youtube.com/watch?v=1oz143PbnUo&feature=relmfu
Quelle virtuose! Possédée par le rythme, elle joue en ayant l’air de s’amuser, comme une petite fille, mais derrière ses doigts se cache un rythme époustouflant, inextinguible, enchanteur. Elle joue du piano comme on respire, avec la même facilité. Mais, ne nous y trompons pas. Cela demande des années de travail et une virtuosité naturelle que peu de gens possèdent.
Pendant la première minute, elle lance le thème principal, complexe, sautillant, rythmé en diable. Puis, elle se lance dans une improvisation impressionnante, attendrissante comme un chou à la crème que l’on mangerait sur le quai d’une gare au départ d’un train.
Elle transforme son piano en violoncelle (3ème et 5ème minutes), lui donnant un nouveau rythme, une nouvelle sonorité, et tout cela en riant, telle un enfant pris la main dans la confiture. Elle se donne à fond, usant de tous les artifices, glissando, attaque du clavier par les poings, tremblements, etc.
C’est du grand art pour une japonaise qui semble née à Chicago.
07:35 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique, jazz | Imprimer
27/06/2012
Un jardin
Ce terrain clos qui abrite fleurs, fruits et légumes
Ou encore cet espace derrière la maison
Où les enfants s’ébattent, crient et pleurent
Lieu privé, à l’abri des regards inquisiteurs
Qu’a-t-il de si attirant, de mystère caché ?
Ces lieux peuvent être suspendus, emboitées
En d’innombrables escaliers enchevêtrés
Et constituer un labyrinthe de verdure
Devenir enchantés, bercés par les vagues
Ou s’organiser en grottes et cachettes
Dans lesquelles les amoureux s’épanchent
En certaines régions, il est d’hiver
Il y fait chaud, contrairement aux impressions
On se laisse aller respirant cet air moite
Comme on respire le cannabis, en cachette
Et l’on part en bateau, glissant sur les eaux
Les yeux sur l’horizon fermé des feuilles
Immenses des bananiers occultes
C’est mon domaine et il est secret
C’est ma connivence avec moi-même
Dont je possède seul la clé, petite
Dans la poche de mes souvenirs
Pour jouir en solitaire de bonheur retrouvé
Lorsqu’il se fait japonais, minuscule
Aux plantes petites, rares et chères
Et laisse aux passants l’exhalaison
Rentrée de méditation inconvenante
On peut s’interroger, inquiet
Sur la part de rêve et de délires
Qui attend le promeneur égaré
Mais lorsqu’il devient jardinerie
Où se mêlent enfants, chiens et passants
Dans un vertige de cris et de fureurs
Pour une tige en mal de fleur
Une fièvre s’empare de l’ensemble
Et le transforme en parvis bouillonnant
Même les plantes y perdent leur latin !
Il arrive que l’on y jette une pierre
La pierre de discorde, pommelée
Qui est lancée aux passants d’un air dégagé
La main droite ignorant la gauche
Un sourire de béatitude sur les lèvres
Comme le rosier au cœur des sentiments
Saint Fiacre est leur patron
Dont les Saint-Fiacrais sont très fiers
Irlandais en exil en Gaulle
Il devint ermite et cultiva son enclos
Bien qu’une femme contesta sa propriété
Il bâtit son hospice verdoyant
Et mourut environné de sa production
Chaque jardin est un royaume
Peuplé de vivants et de fantômes
Refuge du rêve et des souvenirs
Il vous conduit aux portes
De la délivrance et de l’ubiquité
07:20 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, écriture, littérature | Imprimer
26/06/2012
L’été, découvertes, elles flottent sur les trottoirs…
C’est l’été. Les femmes se sont découvertes. Quelle différence avec les hommes ! Les unes s’effeuillent, laissant leur peau s’emplir des rayons d’un soleil luxuriant. Les autres restent stoïquement inchangés. Seules les chemises se permettent quelques centimètres de moins à hauteur des bras. Chemisettes contre chemises, quelle différence ?
Certes, l’on rencontre bien des hommes en short. Vous savez, de ces pantalons sans jambes qui ont souvent l’air de combinaisons de travail mal repassées, généralement accompagnés de ces chaussures de sport aux semelles de plus en plus impressionnantes et visibles à cent lieues à la ronde. Mais ces hommes sont vacanciers. Ils se promènent la carte à la main, explorant du regard les rues parisiennes, noyés dans le brouhaha des voitures et des passants. Il convient de leur parler en anglais, seule langue qu’ils comprennent, après bien des explications, commencées en français, poursuivies dans la langue de Shakespeare, puis dans le sabir habituel aux sites touristiques. On trouve aussi des femmes en short. Certaines, aux côtés de leurs maris ou en bande de célibataires chargées de sacs à dos impressionnants. Celle-ci sont unisexes, touristes et proches des garçons, si proches qu’il faut y regarder à deux fois avant d’en faire le tri.
La parisienne a une autre allure. De longues jambes, si longues qu’il est difficile de ne pas y perdre son regard, certains jours de pluie apprêtées de bas ou de jambières. Vous connaissez ! Ces ronds de chiffons que l’on se met aux jambes pour éviter les flaques d’eau. Un short taillé par un expert en fantaisie, bleu clair, rouge vermillon, jaune canari, le tout surmonté d’un chemisier taillé à l’extrême, par un autre expert en ciseaux et coutures. Elles mènent leur combat toute la journée, impeccables, rutilantes même, comme des Chrysler aux enjoliveurs chromés. Munies d’un sac débordant, impressionnant de fond et d’objets, elles se remettent du rouge aux lèvres fréquemment, devant la devanture d’un magasin ou la vitre d’une voiture de luxe non décapotable. Elles ne fréquentent que les hommes bien mis, c’est-à-dire toutes saisons, costume noir, chemise rose, cravate colorée ou sans, les poches généralement bien remplies de beaux billets bien pliés, les cheveux au vent, en arrière, bronzés comme il se doit, la bague au doigt parfois. Et, ensemble, ils laissent leur voiture en double file, vont prendre un verre au Flore ou encore s’arrêtent devant une galerie pour admirer une couverture grise recouverte de poussière élégamment posée sur un vieux pneu, chef d’œuvre de l’art contemporain.
Mais on rencontre cependant des femmes élégantes, sans sophistication, fraîches et tendres comme une escalope de veau que l’on mange à la terrasse d’un restaurant chic entre deux messieurs bedonnants. On les reconnaît à leur sourire surprenant, fait de mystère caché et de naïf étonnement. Elles sourient à tous et toutes, spontanément, sans arrière-pensée, parce qu’elles sont heureuses de ce jour ensoleillé, de cette matinée chaude ou de cette après-midi à la brise légère. Elles sont parfois seules, affairées d’un sac cartonné sortant d’une boutique bien achalandée, ou encore accompagnées d’une autre personne semblable à elle-même, toute aussi fraîche et simple.
Oui, Paris est bien autre chose quand arrive l’été. La ville devient lumineuse, lavée de ses grisailles, magnifiée de ses habitants élégants comme sortis d’un film, qui vont la tête haute parmi la foule des obscurs figurants plus anonymes. Ce n’est ni Londres avec ses parapluies et melons, ni Rome avec ses élégants costumes d’une légère note fantaisiste. C’est bien Paris, la fleur des capitales, où il fait bon vivre et où les femmes flottent sur les trottoirs, admirables d’élégance et de charme.
07:38 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, paris, femme, culture | Imprimer
25/06/2012
La mort est un nouveau soleil, d’Elisabeth Kübler-Ross, Edition du Rocher, 1988 (suite et fin)
La troisième partie du livre est assez complète et se suffit à elle-même. Voici ce qu’en dit Elisabeth Ross : « Chaque jour des hommes meurent partout. Et néanmoins dans notre société qui a réussi à envoyer un homme sur la lune et à le faire revenir sain et sauf, aucun effort n’est entrepris pour étudier la mort et arriver à une définition actualisée et universelle de la mort humaine. N’est-ce pas étrange ? »
Alors elle nous raconte comment dans son équipe médicale, les expériences au seuil de la mort se multiplient. Elle constate même qu’au cours des dix dernières années on a rapporté dans le monde entier plus de vingt-cinq mille cas. Qu’on-t-il vécu ?
Au moment de la mort, nous vivons tous la séparation du vrai moi immortel de sa maison temporelle, c’est-à-dire du corps physique. On se voit mort physiquement et on se sait entité intégrale malgré tout. (…) On perçoit la présence de nos guides spirituels, généralement un être mort que nous avons particulièrement aimé. (…) On passa alors par une transition symbolique qui est le plus souvent décrite comme une sorte de tunnel et on approche d’une source lumineuse dans laquelle nous réalisons ce que nous aurions pu être, la vie que nous aurions pu mener. (…) Nous devons juger nos pensées, nos paroles et nos actes.
Elisabeth Ross fait alors part de sa propre expérience. Cette expérience a changé sa vie. Alors ne jouons pas les sceptiques à priori. Interrogeons-nous sur ces expériences qui furent suffisamment nombreuses pour qu’elles disposent d’une certaine légitimité. Nous ne trouverons pas la réponse tout de suite, mais cette méditation ne sera pas inutile.
C’est un beau défi, ne trouvez-vous pas ?
07:27 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, spiritualité, société, livre | Imprimer
24/06/2012
Séraphine Louis, dite de Senlis (1864-1942)
Séraphine est la femme de ménage de Wilhem Uhde, marchand de tableaux. Ils habitent Senlis. Il voyage, elle peint. Et, un jour, il découvre sa peinture. Emerveillement ! Allez voir au musée Mayol, à Paris, 61 rue de Grenelle. C'est sous les combles, mais montez-y, cela en vaut la peine.
Peinture naïve sans doute, mais dans un style italien du 17ème siècle. Belle de fraicheur, spontanée, lumineuse, de couleurs vives et bien mariées. Ce ne sont que des fleurs, mais elles font rêver car toutes imaginaires, sorties tout droit de la tête de Séraphine qui peint pour égailler sa vie, pour illuminer son regard. Et c’est beau d’innocence, de charme, de fraicheur, sans recherche académique, sans réminiscence.
Séraphine valorise la nature, lui redonnant la vision de la Bible, débordant de bon, de bien et, bien sûr, de beau. Le dessin est précis, les couleurs ajustées, ornant les feuilles et les fleurs de pointillés de couleurs vives, chaque tableau représentant une sorte de bouquet exaltant, plongeant le spectateur dans une vision onirique, d’une volupté chatoyante qui enchante l’esprit. Les feuilles semblent avoir des poils multicolores, des nervures rouges ou bleues, des pois comme des points d’interrogation sur leur surface. La feuille devient fleur elle-même ou même plume, à l’égale de celles du paon.
La plupart de ses œuvres peuvent être divisées en deux ou trois zones à peu près égales.
La première zone, au bas du tableau, comprend la naissance du tronc des arbres ou des tiges des plantes. Les couleurs y sont relativement foncées. Elle forme un arrière-plan symbolique, la racine de l’être et de la terre. Dans la seconde zone, au milieu de la toile, les feuilles, les fruits et les fleurs aux couleurs plus claires, s’étalent, lumineux, envoutants, exotiques, gorgés de tonalités très variées, mais toujours en harmonie. Cette surface semble une montée vers le sacré, vers un monde empli de parfums célestes. Parfois apparaît une troisième zone, en haut du tableau, encore plus lumineuse, comme une aspiration vers un monde meilleur, vide de toute représentation terrestre.
On pense aux peintures africaines, débordantes de teintes, de nuances qui s’ordonnent pour former un langage de ravissement devant une création entièrement imaginaire.
Elle préparait elle-même ses couleurs, faites de toutes sortes d’ingrédients dont l’huile d’éclairage utilisée dans les églises. Elle peignait à genoux, la toile posée sur le sol, sans s’arrêter, jusqu’à l’épuisement.
"Séraphine" a eu son heure de gloire avec le film de Martin Provost. Il relate le tragique destin d'une femme du peuple un peu illuminée, domestique puis peintre autodidacte, et a triomphé vendredi soir aux 34e César, en raflant sept prix dont ceux du meilleur film et de la meilleure actrice, décerné à Yolande Moreau. Mais, arrive-t-on à comprendre son art dans les images qui relatent sa vie plutôt que sa passion ?
07:49 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, naïf | Imprimer
23/06/2012
Mars
Pluie et soleil ! Le mois de Mars en tête, tu revendiques ton appartenance à l'abstraction. Tu penses aux bruits de la pluie sur une véranda, à la clarté de l'astre dans une éclaircie. Et tout cela frissonne dans ton cerveau comme les petits poissons dans une friture. Et qu'en sort-il ? Cela. Un dessin où l'angle et la rondeur se mêlent, où le pointu et l'aplat se mélangent. Et cela fait froid dans le dos et réchauffe la pensée. Ce n'est pas le juste milieu, mais le côtoiement des extrêmes.
08:04 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : op'art, art cinétique, peinture, dessin | Imprimer
22/06/2012
Labyrinthe
Quel dédale de pierres froides et grises !
Avance, te dis-je, ou l’on n’en verra pas le bout !
Et vous marchez, marchez sans cesse
Le nez levé, sans voir rien d’autres
Que ces murs qui tournent et passent
Toujours les mêmes, ronds à force de tourner
Pris dans les volutes de l’illusion
Partant en fumée dans votre imagination
Serais-tu perdu, homme sans horizon ?
Ces corridors, escaliers, chambres, galeries
Salons de brocart, couloirs de la mort
Ne t’ont-ils pas aguerri, élevé l’âme ?
Tu cherches sans trêve dans la solitude
Ton double dont tu perçois les ombres
Là, il est là ! Et tu cours derrière lui
Sans savoir qui tu vois réellement
Vous connaissez bien sûr le labyrinthe des mots
Celui de la chicane et de la jurisprudence
Et vous vous laissez noyer de lettres
Comme le mathématicien de chiffres
Il n’y a pas de nombres premiers
Dans les lois sans cesse faites et défaites
Il n’y a pas de nombre d’or, mais des rideaux
De papier, d’abjuration, de supplication
Et lorsqu’on les ferme, sous les applaudissements
De vieux relents d’incompréhension
Vous pilonnent de leur aigre rancœur
Les labyrinthes de la passion, de cœur ou de corps
Sont plus excitants. Vous vous heurtez
A la sensibilité d’autrui, en reflet
Et votre ombre devient mirage, multiple
Et vous courrez derrière, là aussi
Mais ce n’est qu’impression, engouement
Et vous courrez, exalté, fiévreux, ivre
De ces baisers de chair qui se laissent
Goûter derrière les orangers
Quel fruit délicieux que ceux-ci, n’est-ce pas ?
Un labyrinthe, qu’est-ce ?
Une machine à laver brassant le cerveau
Un coup à l’endroit, un tour à l’envers
Jusqu’au tournis conceptuel
Avec perte de la rose des vents
Vous marchez sur la tête
Vous courrez au plafond des visions
Et tombez raide, sans fard
Aux pieds de la bien nommée
Belle dans sa robe de taffetas
Souriant au benêt qui court
Croyant palper la vie
Alors qu’il n’embrasse que le vent
07:19 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, écriture, littérature | Imprimer
21/06/2012
Dream images, de George Crumb
http://www.youtube.com/watch?v=7HngOQIO2T4&feature=related
Réminiscences… Est-ce réellement un rêve ou un manque de mémoire, des trous dans la vie entrecoupés d’absence. Vous passez du souvenir ambigu au remplissage du temps.
Chopin passe, comme une ombre chinoise, écrasé ensuite par le silence et l’obsession d’une folie passagère ou d’un voyage spatial. Les gouttes d’eau retombent, éclatent, se pulvérisent avant de redonner vie à Chopin.
Trois notes de la gamme suffisent à créer le dépaysement. Elles reviennent obsessionnelles, comme la seule chose sur laquelle l’esprit arrive encore à de raccrocher. Trois notes dont la première jouée trois fois.
Est-ce beau ? Oui, sans doute, mais d’une beauté troublante, ambiguë, moins charnelle et vivante que monomaniaque et taillée dans le vide de la mémoire. Cela fait un peu froid dans le dos ces cloches qui résonnent derrière les trois notes fétiches. Après l’audition, on a envie de secouer son corps pour le débarrasser d’une poussière imaginaire.
La musique de George Crumb, américain né en 1949 en Virginie, est concise, rigoureuse, voire austère, influencée par Webern, mais aussi Debussy. Il s’inspire également des traditions orientales et populaires. C’est une musique mystique, quasi initiatique, agissant par des effets de timbres et de silence. Il fait référence à de nombreux poèmes, dont ceux de Frédérico Garcia Lorca et parsème ses œuvres de réminiscences de musique classique comme dans ce morceau Dream Images.
06:59 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, mystique | Imprimer
20/06/2012
Coronado, à la galerie Ariel Sibony
L’innocence sous un regard malhabile, voilé de taches de souvenirs disparus dans la tempête du temps. Tels apparaissent les portraits, silhouettes et paysages des tableaux de Coronado. Il est espagnol, mais il pourrait être d’autres nationalités, puisque ses évocations sont intemporelles, sans marque distinctive d’un attachement à un lieu. Le vert des jardins ou le bleu des piscines, tels sont ses encrages où se promènent, libres, les attitudes de ses réminiscences.
Les fonds bleus des piscines ou de la mer, conviennent particulièrement au style du peintre : à plat au couteau, parfois au-dessus d’un dessin au crayon, comme extrait de la buée de chlore habituel à ce décor. C’est beau d’inachèvement, de suggestion, d’impressions.
La galerie Ariel Sibony se trouve au 24, place des Vosges, 75003 Paris
07:07 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, dessin | Imprimer
19/06/2012
Déclaration d’impôts
Cela vous tracasse depuis plusieurs jours. La date approche, il serait temps de s’y mettre. Et puis, vous avez laissé couler. Jusqu’à aujourd’hui, avant dernier jour. Vous avez bien rassemblé quelques documents nécessaires tels que déclaration de dons ou encore montant des avoirs fiscaux. Papiers inutiles, car pour la plupart munis de zéro. Ce petit tas devra être trié, comme on sépare l’ivraie du bon grain. Mais l’essentiel reste à faire. C’est pourtant plus simple depuis qu’il y a la toile. On ouvre l’ordinateur, on a préparé sa page excel et on y met les chiffres, ceux que l’administration elle-même vous a donnés. C’est bête comme chou, mais qu’est-ce que c’est ennuyeux.
Alors, ce matin, courage. Vous vous levez du bon pied, prenez un bon café avant de vous plonger dans les chiffres. Colonne ou ligne, 2AB, 3BH, 7UF. Surtout ne pas se tromper. Mais où ai-je bien pu mettre le papier de la banque ? Vous vous faites une comédie, voire une tragédie, d’une demi-heure passée devant votre ordinateur à aligner quelques chiffres, à faire des totaux maigres et pâlichons. Vous en ressortez exsangue et défait, alors que ces quelques additions ne vous ont prises que quelques minutes. Et tout d’un coup, vous avez fini. C’était donc cela, toujours aussi simple, mais toujours aussi fâcheux d’ennui accumulé ! Après l’envoi au centre des impôts, vous vous sentez en vacances, allégé. Les nuages noirs sont partis, le ciel bleu vous aide à vous alléger du superflu.
A quoi peut bien servir tout cet argent accumulé en une année, vous dites-vous ? Et pourtant chaque mois le laisse filer doucement, mais sûrement. Une petite signature par ci, un code glissé par là, deux ou trois billets sortis de votre poche, encore frais et plein d’encre. L’argent a-t-il une odeur ? Oui, celle de vos journées à votre table de travail, celle de réunions avec d’autres pauvres imposables qui comme vous se sont arrachés les cheveux plutôt que de remplir leur déclaration sur une musique de Haydn, enjouée, espiègle, mais reposante.
Ah, quelle demi-heure ! Epoustouflante et traitresse. A l’an prochain, pour le même devoir, incestueux, comme un mal nécessaire et utile.
05:49 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, écriture, impôts | Imprimer