Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/10/2012

Sicilian Blue, improvisation d’Hiromi Uehara

http://www.youtube.com/watch?v=KCy755hus80&feature=related

Premières phrases, comme un appel à l’évasion. C’est une sorte de poème que nous fait entendre Hiromi, avec une introduction insolite qui ne laisse nullement présager ce qui suit. Elle ne cadre pas le décor. Elle nous aide à sortir de nos pensées, par l’interrogation qu’elle suscite : quel est le message ? Il n’y en a pas. C’est un plus fascinant que nous offre la pianiste, sans intention délibérée, hormis celui de nous introduire dans son monde.

jazz, piano, improvisationEt puis, changement, qui se voit à l’expression de son visage. Nous sommes prêts à l’écouter. C’est une romance : souvenir, souvenir… promenade en bord de Seine, au petit matin, quand la brume envahit les pensées et empêche toute réflexion. On se laisse aller, errant dans cette atmosphère insolite, en espérant que cela va continuer.

Mais, arrêt, réflexion, et nouveau départ. Un déferlement de notes, une pluie de sonorités insolites et charmeuses, une chute d’eau en liberté. Et nous sommes transportés vers un autre monde, tout aussi difficile à définir, fait d’étincelles jusqu’au retour au thème de la romance qui revient, inespéré dans ce déchaînement.

La conclusion est aussi imprévue que l’introduction, mais elle permet de revenir à soi, dans le calme, avec nostalgie. C’est fini, dommage ! Admirons chaque transition, sur une seule note comme une incantation, qui divise le morceau en strophes différenciées, laissant chacun à sa rêverie.

 

16/10/2012

Perfection ou plénitude ?

« Il n’y a pas de lumière sans ombre et pas de totalité psychique sans imperfection. Pour son accomplissement, la vie n’a pas besoin de perfection, mais de plénitude. Celle-ci inclut « l’écharde dans la chair », l’expérience douloureuse de l’imperfection sans laquelle il n’y a ni progression, ni ascension. » (C.G. Jung, Psychologie et alchimie, Buchet/Chastel, 1970, p.208, §208)

On recherche le plus souvent la perfection, sans jamais y arriver. Beaucoup échoue en route. Quelques-uns atteignent cet état de plénitude qui est lorsque la question de la perfection n’est plus.Il importe peu d’être parfait. Il est heureux d’être comblé.

Et par quoi un homme est-il comblé ? Par l’enrichissement que lui apportent l’apprentissage de ses imperfections qui sont la montagne qui s’élève elle-même et qui conduit à la plénitude. Cependant l’imperfection n’est valeur éducative que si elle propose au regard la perfection comme idéal. Inatteignable par nature, mais réelle par nécessité. Sans miroir de l’impossible, l’homme reste dans sa fange.

 

15/10/2012

L’horloge publique de Charles V

On ne la voit que très peu et beaucoup passent dessous sans l’apercevoir. C’est pourtant la plus vieille horloge de Paris et, de loin, la plus belle. Elle se situe sur une des faces de la tour de l’horloge (eh oui, la tour a pris son nom) au palais de justice, ancienne résidence royale, dans l’île de la Cité.

12-10-12 Tour de l'horloge.JPG

 

Que voulait le roi ? Donner l’heure aux Parisiens qui avaient du mal, dans la ville aux rues étroites, à percevoir l’heure au soleil. Seuls les riches disposaient de clepsydres ou de sabliers.

En réalité, l’horloge actuelle est celle d’Henri III, le dernier Valois, monarque aimant la beauté et l’art. Au fil du temps, elle fut restaurée plusieurs fois. Mais on découvrit à la Bibliothèque nationale un document de l’époque qui décrivait de manière précise l’horloge.

Elle vient d’être restaurée telle qu’elle était lors de sa construction. Elle attend les passants, bien qu’elle soit cachée en partie par les arbres du boulevard. Elle rayonne de tous ses feux, éclat d’or des statues, et donne à nouveau l’heure. Que les Parisiens se le disent !

 

PA110097.JPG

 

14/10/2012

Histoire

Histoire,
Histoire de tes vingt ans,
Histoire de nos années passées
Et de celles à venir
Cette histoire que tu racontes
Toujours semblable, jamais la même
Entre deux sourires
Pour notre émerveillement

Vous découvrirez aussi les histoires
Celles de quelques milliers d’hommes
Qui vécurent ensemble et s’aimèrent parfois
Et nous sommes parmi eux
Vivant notre amour
Pour partir un jour

Géographie
Géographie de nos vingt ans
Celle de notre paysage
Et de nos attitudes diverses
Comme une carte du monde
Comme un monde sans fin
Que je découvre au fil des ans
Jusqu’à celui de notre achèvement
Où nous irons ensemble nous aimer
Éternellement

13/10/2012

Jérémiade

 

Il crie haut et fort son message. Personne ne l’entend ! Et il reste fidèle malgré les persécutions. Tel est Jérémie le prophète, serviteur de Dieu, qui lance ses lamentations sur Jérusalem et sa destruction.

« Pourquoi ma souffrance est-elle continuelle ? », crie Jérémie. Et il conclut : « Maudit soit le jour où je suis né ! »

Cette encre de Chine traduit la solitude de Jérémie et sa constante obstination à proclamer la nouvelle. Jérusalem brûle, mais il crie encore face à l’iniquité des hommes. 

12-10-11 Jérémiades retouché.jpg

 

12/10/2012

L'art, peinture et poésie

« J’ai dit que la poésie devait assaillir le système nerveux, la peinture aussi. Peinture et poésie sont pareilles. Un choc visuel ici, un choc auditif là. Quelques mots suffisent parfois pour le créer alors que les longs discours de Shakespeare ou de Racine le réduisent. » (Francis Bacon, dans Comment dire la grâce en peinture, écrit par Dominique Vergnon, Editions Michel de Maule, 2010).

 Que cherche-t-on dans un musée ? Sûrement pas à voir chaque tableau dans sa profondeur et sa vérité. Ce n’est pas possible. Notre capacité à nous laisser séduire par une œuvre d’art a des limites. Non, nous marchons, nous regardons, admirons de l’extérieur, jusqu’au moment où le flash survient. En un instant l’œil voit autre chose, un éclair de libération, une bouffée d’invisible qui vous prend le corps et l’esprit et vous rend autre. On entre dans une autre dimension, plus large, plus aérienne, mieux dotée de pouvoirs magiques, qui fait dire : Que ce monde est beau. Et il en est de même pour la poésie. Une phrase nous transperce, déclenche une cascade d’étoiles autour de nous, et nous permet de nous oublier nous-même.

« L’art est un mensonge qui aide à comprendre la réalité », disait Nietzche. On pourrait inverser la proposition. L’art est la seule façon de saisir la réalité parce qu’un chef d’œuvre ne peut mentir. Car la compréhension de l’art est au-delà de l’œil, il est dans cette combinaison difficile du regard, de l’intuition et de la connaissance qui, par une alchimie subtile, embrase l’être et le transforme.

 

11/10/2012

Un amour, roman de Dino Buzzati

« Un matin de février 1960, à Milan, l’architexcte Antonio Dorigo, quarante-neuf ans, téléphona à Mme Ermelina. »

Ainsi commence le roman de Dino Buzzati. Il s’agit d’obtenir un rendez-vous avec une fille. Quand ensuite le rendez-vous avec une fille était pris son corps entier commençait à attendre, dans un état tout ensemble douloureux et superbe, difficile à expliquer, presque la sensation d’être une victime qui s’offrait sans restriction au sacrifice, de tout son corps dénudé, en un abandon et un débordement de languissantes ardeurs…

Il rencontre Laïde et se souvient, en un instant, d’avoir déjà vu cette fille : Ce fut à ce moment précis qu’un déclic se produisit au plus profond d’Antonio, une sorte de mystérieux coup de cloche ; il vécut ce qu’on peut ressentir quand – perdu dans une immense campagne déserte – on entend l’appel d’une voix très lointaine… Antonio s’aperçut soudain qu’une fille marchait devant lui…. Elle marchait un pas décidé, impérieux, presqu’arrogant, sans remuer les hanches, d’une allure splendide, orgueilleuse, faisant battre avec un aplomb remarquable ses talons hauts et fins sur le pavé. Le mouvement imprimait à ses jeunes jambes une sorte de trépidation interne, qui allait des chevilles à l’évasement des mollets, allant se perdre ensuite sous le jupon…

Une fillette du peuple, un de ces types physiques bien définis, sans tape à l’œil, en qui l’on découvre peu à peu une élégance naturelle totale.

La retrouve-t-il, en est-ce une autre ? Il ne sait. Elle se trouvait assise sur le divan long. Il en eut au premier regard une impression agréable, sans plus. Une frimousse pâle, qu’un nez bien planté et bien droit, une petite bouche, des yeux ronds et étonnés, rendaient spirituelle. Un ensemble frais, plébéien, mais sans vulgarité. Il la regarda, cherchant à mesurer le plaisir qu’il allait bientôt en retirer. Il s’aperçut que l’ovale du visage était fort beau, pur, sans rien de classique pourtant…

Dans quelques minutes cette créature fraîche et gracieuse, dont il avait toujours ignoré l’existence, qui possédait une famille, une enfance, une jeunesse, tout un monde peuplé d’une infinité de personnages, fait d’un tissu compliqué à l’extrême de souvenirs, d’habitudes, de connaissances, d’espoirs, de particularités physiques, de journées heureuses et de tristes instants, complètement ignorés par lui, cette créature tellement plus jeune que lui, dans quelques minutes il allait la tenir nue entre ses bras, étendue sur le lit.

Antonio reprend rendez-vous, une fois, deux fois, et devient amoureux de cette fille. C’est l’histoire de cette dépendance que nous conte Dino Buzzati et de tous les affronts que subit l’architecte. Elle est danseuse à la Scala. Elle lui raconte quelques brides de sa vie et très vite, il y avait bien  des invraisemblances dans toute cette histoire… Que lui importait après tout ? Il allait encore la posséder une ou deux fois au maximum, cette Laïde. Et puis sa curiosité émoussée ; il s’en lasserait. En réalité, le voici embarqué dans une aventure sans limites dans laquelle elle tire les ficelles. Il n’a pas conscience de cette dépendance. Non. Il l’aimait pour elle-même, pour ce qu’elle représentait de féminin, de caprice, de jeunesse, de simplicité populaire, d’effronterie, de liberté, de mystère. Elle était le symbole d’un monde plébéien, nocturne, joyeux, vicieux, ignominieusement intrépide et sûr de soi qui fermentait d’une vie insatiable auprès de l’ennui et de la respectabilité des bourgeois.

Comment peut-on apprécier un livre qui ne parle que de rendez-vous avec une putain, me direz-vous ? Tout simplement parce que l’auteur écrit d’une merveilleuse façon, décrit les rapports entre les deux êtres ou plutôt ce que pense et ressent Antonio, avec tant de mélancolique volubilité, que l’on ne peut qu’être ébloui. On pense parfois au livre d’Albert Cohen « Belle du Seigneur » : même hymne éternel à la femme, symbolisé par la noblesse de cette fille du peuple (ce qui n’était pas le cas d’Ariane), et même fascination et désespoir de l’homme qui ne peut l’attendre réellement. On pense aussi, à la lecture d’autres passages, à Marcel Proust. Buzzati invente un style particulier lorsqu’il décrit impressions, sensations, sentiments d’Antonio, sans jamais non plus se mettre parler en son nom (je…). Un exemple : C’est celle-ci qui lui a pénétré l’âme, cette Laïde de cet instant précis, l’enfant qui croyant voir la brillante fortune de l’autre côté du fossé a plongé en frissonnant ses petites jambes dans l’eau pour passer, gluante terre glaise, la terrible vase mise en place par la grande ville où elle se sent absorbée peu à peu, ou de jour en jour elle s’engloutit davantage et pendant ce temps-là sur la rive opposée la lumière d’or s’éloigne s’éloigne devient un mirage inaccessible ; le fossé est un marais qui se perd à l’infini, sombre et boueux ; et rageuse entêtée elle continue d’avancer, on lui a dit que l’important était d’insister… Et alors elle se débat pour sortir de la fosse, elle veut faire voir aux autres qui lui sourient sur la berge mais ne la respectent plus, qu’elle aussi est une créature digne de vivre et, oubliant tout ce qui est arrivé, elle redevient enfant, comme pour tout reprendre dès le commencement.

Ce sont des moments de folie littéraire où le style qui se veut ne pas en être un, parce que débridé, sans ponctuation, comme sorti brut du cerveau. En réalité, il est d’une concision merveilleuse, d’une vérité pure, véritable enchantement non des phrases et de leur musique, mais de l’ambiance intérieure qu’il procure. Ainsi se perçoit et se vit l’emprise de cette fille sur Antonio. Ce n’est pas un roman social, ni même un roman sur les rapports entre la femme et l’homme. Non. C’est une histoire dont le seul plaisir est dans sa lecture, même si vers la fin, elle traîne un peu.

 

10/10/2012

Egarement

Perdu, même en lui-même
Il se cherche
Il regarde sous ses vêtements
Où se trouve son corps ?
Il ne voit que du blanc
Pure colombe sans duvet

Caresse. Ses mains secouent
La peur du lendemain
Les heures sonnent au clocher
Et sortent lentement du rêve
Quel lieu insolite
Que celui des nuits
Noir, calme, vide
Prison ouverte sur le monde
L’esprit dénote et s’embrouille
Les yeux se ferment
Sur le mensonge des pensées

D’autres folies peuvent surprendre
Elles incitent, elles bousculent
Elles vous prennent le cœur
Et vous voilent la lumière
Projeté hors de vous
Vous errez sur le fil de soie
Sans jamais tomber
Ni vous arrêter

Où donc ai-je la tête ?
Je la porte lourdement
Elle me regarde et rit
Les yeux fermés
Sur les rêves enfiévrés

Je me suis égaré
Sur la route de la vie
Et poursuis mon chemin
Sans canne ni soutien
Allons, remets ta tête
Sur les épaules larges
De l’avenir sans horizon

09/10/2012

Vous montez ou vous descendez ?

 

12-10-09 Escalier Brantome.JPG

Cette photo prise dans l’escalier de la mairie de Brantôme n’est pas sans rappeler les gravures d’Escher où les personnages montent, descendent, errent dans les escaliers fantomatiques.

12-10-09 Escalier 1 Escher.jpg

univers,sciences,photographie,labyrinthe


Admirons également cette photographie d’Ezekiel (http://www.mayoz.fr/photographe/ezekiel/) :

12-10-09 Escalier Escher.jpg

 

Serait-ce une nouvelle forme de labyrinthe ? Un monde sans gravité qui nous entraîne vers des espaces sans fin et non plus seulement des surfaces ?

De quoi nous interroger comme le fait Jean-Pierre Luminet sur la forme de l’univers :

http://luth2.obspm.fr/~luminet/LeMondeSciences.pdf

 

08/10/2012

Refondation de l’école

C’est la fin de la concertation sur l’école. On s’est posé la question de sa refondation. Qu’en sort-il ? Les horaires, les vacances, l’accueil des jeunes enfants,  le nombre de professeurs. Certes, les débats ont été plus larges. Mais désormais la réflexion est menée par les enseignants, les experts (santé, pédagogie, etc.) et les décideurs. Que décidera-t-on ? Pas grand-chose en dehors des problèmes évoqués par les médias, ceux signalés plus haut. Le fond du problème a été une fois de plus évacué.

Remarquons également que cette concertation a consisté à écouter ce que certains ont à dire, mais jamais à réfléchir ensemble à ce qu’il conviendrait de faire. Or nous savons tous qu’il est plus facile de dire ce qui ne va pas que d’analyser ce qu’il conviendrait de faire, qu’il est plus simple d'édicter des mesures qui n’ont aucune vue d’ensemble plutôt que de réfléchir à une véritable refondation.

Prenons un exemple : Compte-rendu de l’atelier « La culture, fondement de la réussite scolaire », concertation du mardi 18 septembre 2012, Lycée Jacques Decour, durée 2h20. 70 personnes présentes, inspecteurs, principaux, enseignants, responsables de la ville, syndicalistes, chercheurs, artistes. Les parents ne sont pas mentionnés. On peut espérer qu’il y en avait, mais même si c’était le cas, leur point de vue n’est jamais exprimé et encore moins pris en compte. Qu’en reste-t-il ?

« Parmi les idées fortes qui émergent, on peut extraire :
- la prise en compte nécessaire du rôle des réseaux sociaux et de l’internet dans les activités des élèves, valant souvent « auto-apprentissage » de la culture par les élèves : cela invite à s’interroger sur les moyens permettant aux jeunes de se construire en autonomie et sur la prise en compte que doit en avoir l’école ;
- l’intérêt porté au développement des résidences d’artistes (de statut et volume très divers…) qui ne doivent cependant pas se substituer aux dispositifs « ateliers et projets » ;
- le désir d’organiser plus facilement des formations associant éducation et culture, au-delà de ce qui est fait dans les PNF (ex. Arles) ou avec les PREAC, aidant à définir la place de l’artiste dans les actions menées avec les enseignants. »
(Extrait du texte trouvé sur le site « Refondons l’école de la république »,
 http://www.refondonslecole.gouv.fr/wp-content/uploads/2012/09/12_0926_paris_concertation_refondons_l_ecole_culture.pdf)

Bravo pour les idées fortes !

Et maintenant, le ministère va décider, c’est-à-dire faire des propositions qui seront ensuite déclinées dans un projet de loi. A quoi aura servi cette concertation. Si les idées qui en sortent sont celles qui sont mises à notre disposition sur Internet, c’est quelque peu attristant.

Or de nombreuses questions de fond se posent, dont en particulier celle du rôle de l’école :
. A quoi doit-elle servir (base commune de savoir, culture, professionnelle, pratique...) ?
. Que doit-on former (l’intellect, le corps, l’esprit et…) ?
. Que doit-on y faire et pourquoi ?
. Que doit connaître l’élève (et non savoir uniquement) en fin de primaire, à la sortie du collège, au bac ?
. Comment répartir ces matières dans le temps, en primaire, collèges, dans les lycées ?
. Quelle pédagogie doit-être utilisée ?

Ce n’est qu’à cette condition qu’une véritable refondation pourra être entreprise. Avouons que ce n’est pas en trois mois que ceci peut être fait. Et pourtant, il y a si longtemps que nous l’attendons.

 

07/10/2012

Barcarolle Op.65 N°6, de Charles-Valentin Alkan, jouée par Marc André Hamelin

http://www.youtube.com/watch?v=ywaE1Mg4y2U&feature=related

Regrets, nostalgie, mélancolie, comment qualifier cette pièce romantique qui se trouve  à l’opposé de ce que l’on a entendu du même compositeur le 17 août (Le festin d’Esope, étude). Bien que musicalement elle soit très différente des pièces de Chopin, on peut dire qu’elle appartient à la même famille.

Une barcarolle est à l’origine le chant des gondoliers. C’est une forme musicale qui évoque les ondulations d’une barque sur l’eau. En Sol mineur, celle-ci nous berce de son accablement joyeux, comme le remord d’un passé qui revient sans cesse nous bousculer. Cette impression est donnée par l’accompagnement de la main gauche qui reprend sans cesse la première phrase énoncée par la main droite : trois notes montantes, puis descendantes, qui se terminent par un rappel à la basse avant de revenir à la finale. Et cette petite phrase va bercer notre vague à l’âme avec des variations qui peuvent rappeler celles de Chopin.

L’interprétation d’André Hamelin semble dans l’esprit de la pièce : romantique à souhait, elle met en valeur toutes les nuances. Peut-être en ajoute-t-elle-même ? Mais qu’importe, ces ralentissements, les diminuendo apportés dans la première phrase en donnent un exemple intéressant. Ecoutez comment la première note de la première phrase est émise : légère, détachée, piano, ralentie, elle donne le ton à la barcarolle.

 

http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=aScyFhJafBU

Cette interprétation de Jack Gibbons est moins fine, moins chargée d’émotions. Elle est brillante certes, mais ne donne pas la même impression de rêverie douce que procure l’autre.

 

06/10/2012

La résonance

Sonne la campanule dans l’église
Résonne son timbre dans la mémoire
Qui diffuse la fraicheur d’un dimanche
Et l’éclat d’un rayon sur les vitraux

Terre et lune sont elles-mêmes en résonance
Comme deux vieilles sur le pas de leur porte
Devenues jumelles par mimétisme
Elles errent dans leur vie trop large

Chaleur et mirage, effet de la réverbération
L’œil se lasse de se vouloir ouvrir
Alors que l’obscurité étincelante
Réduit la pensée au battant qui vibre

L’écho intérieur est plus puissant
C’est une vague qui submerge l’être
Et qui tintinnabule dans la poitrine
Eclatante de verdeur juvénile

Cette résonance profonde fait chavirer
Vos plus intimes convictions
Et vous entraîne dans des paysages
Aux couleurs chimériques. Flash !

Le coloriste émet ses signaux
En tonalités multiples et souples
Et le regard se noie dans le nuage duveteux
Emportant la magie en écho

Nostalgique est la résonnance
Qui tinte, inflexible, la même mélodie
Elle chuchote dans l’oreille qui l’attend
Et d’un baiser vous emplit l’âme

05/10/2012

Peintures et vitraux de Kim En Joong (2ème partie)

Le Père Kim En Joong s’est lancé dans le vitrail, support idéal pour exprimer l’illumination de la connaissance. Il peint sur le verre et les effets dépendent bien sûr de l'endroit où la composition est placée :

Vitrail 1.jpg

Mais il crée surtout des vitraux pour des églises et couvents :

Vitrail 2.jpg

Il pratique également la céramique ou plutôt, il peint sur des céramiques. Et là, on a du mal à aimer ce style :

Céramique 1.jpg

Il écrit aussi, sur l’art bien sûr, mais aussi sur sa foi de prêtre,Livre 1.jpg tels Ave Maria ou Vraie lumière née de vraie nuit. Fragments d’un monde inconnu, paru en 1996 au Cerf, explicite son attachement à l’invisible derrière le visible de ses tableaux : « Toute beauté vient de Dieu. Et particulièrement celle que les créateurs humains essaient de nous transmettre, car ils ne sont que les interprètes de ce qui leur a été donné. Ici, le peintre écoute en lui-même cette voix qui a ravi, dans le sens littéral, les mystiques... »

Enfin, il a créé un institut qui a pour but de :

·         Développer et favoriser les valeurs spirituelles et humaines en lien avec l’Eglise Catholique romaine par la création artistique dans l’esprit de l’Art Sacré ;

·         Détenir et gérer les œuvres artistiques du Père Kim En Joong dont notamment ses œuvres picturales et tout autre support comme les vitraux, les céramiques, les soies, les livres d’art, les photos ;

·         Aider le Père Kim En Joong dans sa création artistique ;

·        Organiser des rencontres, des sessions, des journées de vernissage, l’accompagnement d’artistes dans l’esprit de l’Art Sacré.

 

 Merci à vous, Père Kim En Joong, pour ce que vous nous laissez voir de ce monde inconnu, au-delà de cette réalité que nous avons déjà du mal à connaître.

 

 

04/10/2012

Peintures et vitraux de Kim En Joong (1ère partie)

Il est dominicain et peintre. Il est né en Corée en 1940 sous l’occupation japonaise, est admis aux beaux-arts et devient catholique en 1967. Après son service militaire, il étudie la philosophie en Suisse. Il poursuit dans la peinture et le dessin en parallèle à sa vie intérieure, puis est ordonné prêtre en 1974.

Il peint la lumière, marqué une expérience de son enfance où un professeur leur montre la décomposition de la lumière à travers un prisme. Ebloui, il chercha toute sa vie à rendre témoignage de la lumière, qu’elle soit naturelle ou intérieure. Une maxime chinoise dit : « Si tu bois l’eau, n’oublies pas où est la source ». Il raconte également : J’ai vécu une autre expérience fondatrice à la cathédrale de Chartres, il y a plus de trente ans, alors que j’étais encore novice dominicain. Lorsque je pénétrai à l’intérieur de la nef pour la première fois, je fus ébloui. Il me semblait percevoir comme un avant-goût du ciel. Je n’avais vu nulle part cette lumière diffusée par les baies où dominent mes trois couleurs préférées : le bleu de l’’espérance, le rouge de la naissance, le jaune signe de la joie.

D’abord tenté par les impressionnistes, il se lance dans l’abstrait, fasciné par la couleur et l’art de manier les taches avec le pinceau. Il participe d’une double influence, orientale et occidentale, ce qui donne à sa peinture une vigueur originale qui laisse entendre le monde vierge de l’invisible.

Le père Kim En Joong est peintre avant tout. Il peint la fluidité de la lumière dans un monde de blancheur immaculée. Chaque tache de couleur est comme une aile de papillon, fragile, aérienne, en mouvement.

huile 1.jpghuile 3.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

Ses noir et blanc traduisent un espace invisible, fragment d’impressions mystiques traduit dans un réalisme abstrait qui ouvre l’âme à l’invisible :

 

huile 4 N&B.jpg

Nous verrons que son talent ne s'arrête pas à la peinture,  mais que toujours il tente de faire part de son éblouissement devant le monde invisible transparaissant derrière l’univers visible.

 

03/10/2012

Téodora pécheresse, film d’Anca Hirte

 Ce n’est pas une fiction, ni même une histoire. On entre par hasard12-10-03Téodora pécheresse.jpg dans la salle, s’attendant à un conflit, même non-dit. Là, rien. C’est un documentaire ? Non plus. Le documentaire tente de motiver le spectateur pour ce qu’il voit. Ici, c’est la vie de chaque jour dans le monastère de Varatec, en Roumanie. Mieux, ce sont les derniers instants de Téodora qui va prononcer ses vœux et se donner au Christ, pour la vie. Une seule chose la soucie, garder son prénom. Une seule chose symbolise ce passage, pour Anca Hirte : les cheveux de téodora qui seront coupés.

Elle n’est pas très belle. Son visage est ordinaire. Mais deux fossettes lui donnent un charme certain lorsqu’elle sourit. Elle ne parle pas, n’explique rien. Elle est humble et sereine, sans hésitation. Elle se livre à la caméra sans y prendre garde. Elle est ailleurs, en elle-même, sans concession avec l’extérieur. La caméra l’explore, sans curiosité ni voyeurisme. Elle met en scène des détails, en gros plan : les lèvres de Téodora, priant ou immobile, ses cils dans la pénombre, sa nuque dénudée et ses cheveux abondants, coiffés par sa marraine du couvent. On la voit accomplir les rituels de la préparation aux vœux perpétuels. On ne sait pas ce qu’elle pense, comment elle réagit. Elle dit simplement qu’elle est heureuse, joyeuse, emplie de la présence du Bien Aimé. Ses seules paroles sont celles échangées avec ses compagnes : d’abord sa marraine avec laquelle elle passe de longs moments, en réalité très banals, comme deux collégiennes préparant un examen ; les autres sœurs de la communauté, à travers leurs chants ou lorsqu’on assiste à une récréation dans la neige où elle s’amuse comme toutes les jeunes filles de son âge ; la mère supérieure qui finit par la rassurer sur le fait qu’elle gardera son prénom.

On vit la cérémonie de l’extérieur, en spectateur passif. On n’imagine ni ses certitudes de foi, ni ses peurs, ni ses doutes si elle en a. Chaque geste est un geste quotidien. Mais le déroulement de ces gestes sur une heure et demie de film leur donne un poids, une signification qui dépasse toute explication. Elle se donne, sans question ni réponse, dans la banalité d’une éternité qu’elle vit déjà.

Est-ce un beau film ? On ne sait. On s’ennuie parfois, mais on reste en attente de quelque chose qui ne vient pas. Lorsqu’on sort de la salle, on a le sentiment d’avoir assisté à quelque chose d’insolite, de décalé par rapport à ce qu’on appelle un film. C’est ce qui en fait sa beauté.

 

02/10/2012

Terre

La terre entassée, lourde, dure, et pourtant belle
D’un pouvoir d’arrachement de soi égale
A sa collante attraction de pesanteur
Oui, mes membres ne sont plus à moi, mais à elle

Elle peut être pomme, velouté et rondeur
Que l’on tient dans sa main, charnue
Avant de la cuire à sa convenance
Et de s’emplir de son goût si varié

D’autres sont terre à terre, face contre face
S’observant en combat, les yeux exorbités
Et bouillonnants d’impatience d’en venir aux mains
Les pieds encrés dans la chair de la glèbe

Parfois elle se sent battue, piétinée par l’humain
Et, humblement, silencieusement,
Elle se couche à ses pieds, en attente
Comme une femme enceinte, à son terme

Cuite, elle devient bronzée, comme l’olive
D’un soleil chaleureux et odorant
Admire la pâte devenue autre
Objet de convoitise et rêve de beauté

Quand le cavalier met pied à terre
Il descend de son nuage, blanc d’écume
Et semble un fantôme évadée
Des rêves d’enfants devenus grands

Elle fut promise à beaucoup, mais peu
Poursuivirent jusqu’au bout
Aussi semble-t-elle un mirage, incandescent
A  qui la regarde de loin, en rêve inconnaissable

De Sienne, elle se colore d’ocre, de brun et de rouge
Son bonnet s’enflamme parfois, la faisant brûlée
Mais naturelle elle est femme dans son huile
Et revêt son chaste abandon au désir

Jean s’est trouvé sans terre, orphelin
Des îles de propriété, rien, sans pain
Ni même un souffle de désir
Esclave du temps et de l’espace

Adélie, elle s’appelle vierge et animale
Pourtant les glaces survivent, raidies
Transparentes d’un long séjour
Au royaume de la mort coupante

Malgré tous ces défauts les vers
Se régalent de leur pâtée quotidienne
Creusant inconsciemment dans la nuit
Des routes tracées et significatives
De la vivante résurgence de tant de naissances

01/10/2012

Pierre-César Lagage, galerie Pierre Lévy (2ème partie)

 

Ces bouillonnements intérieurs se transforment en un art abstrait plein de renouvellement, chaud, lumineux dès les années 45, qui s’épanouit à partir de 1950. La « nature morte au pichet » en est la première manifestation.

Nature morte au pichet 1947.jpg

Deux compositions sont significatives de cette évolution :

Composition 1951.jpgComposition 1952.jpg 

 

 

 

 

 

 

 Cette période donne la pleine mesure du peintre, dans des compositions équilibrées, aux couleurs chaudes, éclatantes de vitalité et de vie intérieure. Oui, cela peut paraître étrange, mais l’abstraction, autant que le figuratif, favorise l’expression d'une force vitale tendant vers la transcendance. C’est un véritable embrasement qui apparaît dans la période suivante, à partir des années 60. Sa peinture devient tachiste, telles ces compositions de 1956 et 1960 :

Composition 1956.jpgSans titre 1960.jpg

 

 

 

 

  

 

Sa dernière période est plus sombre, ou peut-être moins compréhensible. C’est un retour à une abstraction non géométrique faite de nature brute. Elle fait penser aux roches délavées par l’eau de mer que l’on regarde en détail jusqu’à ne plus voir que grains détachés les uns des autres qui manifestent encore l’intériorité caractérisant la vie du peintre.

 

Composition abstraite rose 1967.jpg

 

30/09/2012

Pierre-César Lagage, galerie Pierre Lévy (1ère partie)

D’abord figuratif, peignant la baie de Somme et les paysages du Nord, son pays natal (il est né en 1911), Pierre-César Lagage s’intéresse à la peinture abstraite dès 1945. Vivant à Montmartre, il ne fait partie d’aucun courant.

Pierre-César Lagage est un homme intérieur. Il peint pour manifester sa vision du monde dans laquelle il aspire à une certaine transcendance. Regardons certaines de ses œuvres figuratives. « La procession » dénote déjà une certaine abstraction. Très dénudée, elle se fond dans le paysage. Elle semble en sortir, comme un fleuve débordant, comme une coulée de lave sortant de terre. On passe de l’abstrait à une réalité quasi mystique avec les visages du premier plan. Très vite ils se fondent dans la masse. Seul le premier a les yeux ouverts vers le ciel, l’air apeuré, mais confiant.

 

La procession 1935.jpg

Regardons aussi « l’adoration des bergers », toile à la fois très enfantine, mais emplie de puissance intérieure. On ne voit pas leurs regards. Les personnages sont concentrés sur eux-mêmes avec l’enfant au centre. Sa couverture rouge, seule tache de cette couleur, met en évidence la source cette intense tension intérieure. Chaque personnage est seul face à l’incompréhensible mystère de cet être qui vient de naître.

 

Adoration des bergers 1937.jpg

 

Nous verrons que ceci le conduit vers d'autres formes de peintures, très différentes.

 

29/09/2012

Vox Balaenae, de George Crumb

 

http://www.youtube.com/watch?v=e6IWoHguF4o&feature=relmfu

http://www.youtube.com/watch?v=TvNfjyWHXLA&feature=relmfu

http://www.youtube.com/watch?v=HmBldH5lD8I&feature=relmfu

ou cette interprétation, plus visible, ce qui aide à écouter :

http://www.youtube.com/watch?v=qj29FFqg-Iw&feature=related

 

Nous avons déjà entendu la musique de George Crumb (voir le 21 juin 2012 : Dream Images).

Mais qui aurait imaginé entendre les baleines sur une scène de concert ! Et pourtant, dès les premiers instants, nous sommes saisis : leur chant comme si vous vous trouviez au fond de la mer !

Est-ce beau ? On peut se poser la question. C’est certes une belle performance qui fait courir sur votre peau la chair de poule du plongeur baignant dans ces sons insolites. Mais est-il vraiment nécessaire de parler de beauté ?

On se laisse progressivement envahir à la fois par la masse d’eau, sa transparence et le jeu des baleines, qui trouble avec bonheur cette atmosphère sans repère. On flotte, on est porté par l’onde, on descend au fond de nous-mêmes, c’est une méditation insolite. Va-t-on franchir la frontière entre l’air et l’eau ?

 

« Le chant de la baleine à bosse se compose d'une structure globale déterminée et prévisible, elle-même composée d'une série d'unités sonores. Un chant typique comporte de 5 à 7 thèmes différents, qui sont habituellement repris selon un ordre séquentiel. Sa durée moyenne est de 8 à 15 minutes, mais peut atteindre 30 minutes. Répétés encore et encore, chaque session de chant peut se prolonger plusieurs heures.

Les sons utilisés vont des couinements suraigus jusqu'aux grondements infrasoniques et aux cliquètements variés. Une caractéristique frappante de ce chant est qu'il ne cesse d'évoluer au cours du temps. Chaque année, des sons différents et des arrangements orignaux suscitent la création de nouvelles phrases et de nouveaux thèmes. Ces changements sont peu à peu incorporés dans le chant, tandis que d'autres éléments plus anciens disparaissent complètement. De telles modifications surviennent de façon collective  au sein de toute la population. Au terme de quelques années, le chant initial devient totalement différent de la version originale. »

(From : http://www.dauphinlibre.be/chant-des-baleines.htm)

 

28/09/2012

Cloitre de l’abbaye de Cadouin

Etonnant ce cloître de style gothique flamboyant alors que l’abbatiale est de style roman. « De fonds roman, il a été décoré du XVe au XVIe siècle. Des colonnes richement sculptées supportent des voûtes compliquées. Dans la galerie nord, on trouve un magnifique siège abbatial en pierre. Aux angles se trouvent de belles portes flamboyantes du XVe et portes Renaissance du XVIe siècle. Il fut restauré au XXème siècle. »

Les galeries donnent sur le préau (ou jardin) par des baies à claire-voie. Au premier abord on les imagine toutes semblables. Puis, à force de tourner, on s’aperçoit que certaines baies contiennent une colonne centrale, d’autres deux.

religion,architecture,gothiquereligion,architecture,gothique 

 

 

 

  

 

 

Intrigué, on les regarde de plus près et on découvre leur variété.

En voici deux semblables avec leurs fleurs de lys au sommet dont le centre est un cœur.

1B baie.JPGreligion,architecture,gothique

 

 

 

 

 

 

 

 

Elles sont pour la plupart différentes, parfois de manière minime.

Ici le nombre de piliers passe de un à deux :

1Coeur.jpg2Coeur.jpg

 

 

 

 

 

 

 Là ils varient si peu qu’il faut chercher les différences : la baie de droite n’est pas totalement sculptée (pignon de droite encore en bloc de pierre) et les éléments des deux cœurs du haut se rejoignent alors qu’ils sont séparés sur la baie de gauche.

1dif1P9170103.JPG1dif2P9170104.JPG

 

 

 

 

 

 

 

 Celui-ci est seul de son espèce, sans pendant en deux piliers :1sP9170100.JPG

En voici deux autres, superbes :

2P9170098.JPG2sP9170105.JPG

 

 

 

 

 

 

 

 

Et tout ceci fait à la main, la prière en tête !

 

27/09/2012

La plaine

L’espace ouvert à perte de vue, sans obstacle
Le temps s’arrête dans cet horrible désert
Pourtant c’est là que se tient la richesse
Là où poussent les plantes nourricières

Parfois s’incrustent un fil d’argent
Dans ses profondeurs veloutées
Il courre en lacets au gré de l’invisible
Comme un couteau ouvrant la peau
Et ses flots sont la respiration
De ces terres, poussière ou limon

Parfois noyée, la plaine est abyssale
Et s’enfonce dans les mers
Lorsque les eaux sont au plain
Les vaisseaux les labourent
Visibles au seul plain de la poupe

De plain-pied dans ce malentendu
La plaine s’oppose à la montagne
Sur les bancs de la Convention
Et vote à l’opposé les lois de la république

Morne est la plaine de la défaite
Wellington serait-il vainqueur ?
Pourquoi tous ces coups échangés
Pour finir en exil, sans un regard d’envie

Dans l’espace du plain-chant
Rien n’émerge de cette monotonie
L’unisson y est la règle stricte
Les autres chants seraient-ils vides ?

Le plain est sans obstacle
Lisse de laine tissée
Quelle contradiction avec le plein
Qui suggère la hauteur et la profondeur
Empli d’une multitude de tout

 

26/09/2012

La danse de l'esquive

Pilate leur dit : « Que ferai-je donc de Iéshoua, dit le messie ? »
Ils disent tous : « Il sera crucifié ! »
Mais il dit : « Quel mal a-t-il donc fait ? »
Alors ils crient très fort et disent : » Il sera crucifié ! »
Pilate voit que rien ne sert  mais que le tumulte grandit.
Il prend de l’eau, se lave les mains face à la foule et dit :
« Je suis innocent de ce sang. A vous de voir ! »
(La Bible traduite par André Chouraqui, Matyah 27,22-24)

L’homme danse devant la question précise
Il l’esquive et s’aveugle de sa propre vision
De même Pilate, qui sait l’innocence de Jésus
Esquive  sa responsabilité devant la foule
Et reporte cette innocence sur lui-même
Le fils de l’homme est face à l’homme

12-09-26 Abandonné red.jpg

 

Brûlure d’un soleil noir
Dans le désert de la conscience
Et ce désert est celui de la tentation
« Dis que ces pierres deviennent des pains. »

Dessin fait à l’encre de Chine.

25/09/2012

L'actualité

L’actualité existe-t-elle ? Elle est du jour et meurt à peine née. Sa nature est éphémère. Son caractère est de passer vite. Son essence est d’être inactuelle dans la minute qui la suit. Rien de plus arbitraire également : elle est composée de faits triés par les journaux. Sans eux elle n’existerait pas. Et les journaux ne peuvent rendre compte, pour cent raisons, que d’une partie infinitésimale de tout ce qui arrive : ils ont laissé passer (quel oubli !) la naissance de Napoléon. L’actualité la plus répandue est celle dont il parle le moins : le solstice, la neige, la Saint Sylvestre, les saisons, la première fleur, la dernière feuille. Où est le journal qui parle de l’aube ? L’aube, suprême curiosité de l’homme. Car, ils l’ont bien compris (la Bible aussi, relisez la Genèse, relisez l’histoire du pommier), l’homme vit surtout de curiosité. C’est le dernier vice qui lui reste. Toutes ses curiosités blasées, il garde celle de son décor. Il a vu le jour. Il ne cesse de le vouloir. Au bout du compte l’homme de la grande actualité, ce n’est peut-être pas le journaliste, mais le poète. Son actualité ne se fane pas.   (Alexandre Vialatte, La porte de Bath-Rabbim, Presses Pocket, Julliard, 1986, Chroniques des longues actualités, p. 43)

 

Ephémère ? Dans la plupart des cas, oui. Mais l’actualité est-elle éphémère lorsqu’on assite en direct à la chute du mur de Berlin, à l’explosion d’AZF ou aux premiers pas sur la lune. Certainement non ! Comment faire le tri entre l’éphémère et l’évolution du monde (qui n’est pas à confondre avec le progrès) ? Ephémère toujours ou presque, les émotions. Et pourtant elles font la une de l’actualité. Ephémère également la politique politicienne. Le Français préfèrerait de l’action efficace plutôt que de la communication qui ne communique rien. Ephémère enfin, les faits divers.

Arbitraire ? Oui, certainement. D’autant plus arbitraire que maintenant les journalistes de télévision sont soumis à la dictature de l’image. Sans image, rien à dire, ou presque. Donc on peut passer beaucoup de temps sur une affaire sans intérêt et très peu sur quelque chose qui annonce un changement stratégique, mais sur laquelle on n’a pas de prise de vue.

Mais le plus souvent les deux qualificatifs se rejoignent. Politique politicienne et choix journalistique. Ainsi, écouler 10mn d’interview de Cécile Duflot pour la forcer à dire qu’elle devrait démissionner (en raison de la position des verts sur le traité européen) est d’un ridicule qui malheureusement ne tue pas le journaliste.

Mais qu’est-ce que la curiosité ? Bernard Pivot nous dit que le journaliste est un interprète de la curiosité publique. Il est évident que lorsqu’on parle de la curiosité publique on ne parle pas de l’envie de connaître, de créer ou de s’enrichir l’esprit. On parle d’une curiosité indiscrète, insolente, voire maladive. Et plus l’on est en groupe plus la curiosité devient un impératif nuisible. Certes, certains hommes (ou femmes, bien sûr) sont plus curieux que d’autres. Mais dans tous les cas, plusieurs hommes ou plusieurs femmes sont toujours plus curieux qu’un seul. Que dire alors lorsqu’il s’agit d’une caméra dont l’objet est l’actualité !

 

24/09/2012

Eglise fantôme à Saint Jean d’Angély

 

Quelle fierté ! Ses deux tours dominent la ville. Elle vous regarde de ses quatre yeux noirs. Le dernier, troisième œil, jette un regard d’aveugle sur l’infini du ciel. Les portes sont closes, on ne regarde pas à l’intérieur d’un fantôme !

Cette façade est-elle un chef d’œuvre ou un décor de cinéma ?  

Eglise 1.JPG

Eglise 3.JPG

 

 

La majesté du fronton (le plus classique qui soit) au premier étage cache bien l’absence des sculptures accompagnant logiquement un tel édifice. La pierre y reste brute, taillée d’un bloc, en attente du burin.

 

 

 Et lorsqu’on se déplace de quelques pas, elle est vide. Non pas vide à l’intérieur, mais vide d’intérieur. L’espace illimité derrière la façade est sa seule existence, comme une planète lancée dans l’univers, un OVNI réel, mais sans existence.

Au loin une autre église, réplique d’un imaginaire autrement plus charmeur.

Eglise 2.JPG

Tournez autour du monument tel un satellite autour de son astre, vous découvrirez l’envers du décor, attristant comme un moule dans le tiroir d’une cuisine en attente de bonnes choses.

Eglise 4.JPG

 Et pour finir, un peu d’histoire, pour satisfaire votre curiosité si vous ne connaissez pas.

P9150031.JPG

 

23/09/2012

Un instant

Qu’est-ce qu’un instant ?

Pour beaucoup, ce n’est qu’un petit espace de temps
Mais pourquoi nous parler d’espace lorsqu’il s’agit du temps
Serait-ce un petit coin de paradis, ou d’enfer parfois
Un papillon qui s’envole dans l’espace à partir d’un toit ?

D’autres le voit plus long, ils le situent dans la durée
Mais cette continuité infinie du devenir appartient au passé
Comment concilier cette anomalie précaire
D’une définition juste bonne à un bibliothécaire ?

Un instant, c’est aujourd’hui, c’est maintenant
C’est le t que j’écris et il est déjà passé pourtant
Dans cette course du temps, ne nous arrêtons pas à cela

L’instant, c’est l’éclair d’un sentiment ou d’une impression
C’est une note de musique sur la vague des émotions
C’est le moment crucial où tout s’arrête, là

22/09/2012

Puissance du trait

Le trait possède des propriétés insoupçonnées. Qui eut cru que de simples traits parallèles pouvaient avoir une puissance émotionnelle, voire sentimentale. Certes, la couleur joue également. C’est ce mariage entre traits et couleurs qui donnent autant d’élégance à ce tableau.

 

 

12-09-22 Traits encadrés.jpg

 

21/09/2012

Fontaines en Périgord

L’eau, source de vie, rassemblée, condensée, qui s’écoule d’un tuyau à profusion, pour le plaisir des yeux, le rafraichissement du visage, la satisfaction de la soif. Presque chaque village a sa fontaine, de la plus simple à la plus monumentale :

 P9170060.JPG

Mais que font là ce robinet et ce seau rouillé. Est-ce pour nettoyer les pinceaux du décorateur de ces lieux ? Est-ce par dérision que les habitants conservent une telle fontaine ? Elle est modeste, on ne la remarque pas, et cela vaut mieux !

 

 

 

 P9170052.JPG

On dirait un monument funéraire, quel classicisme. Mais la symétrie lui donne une beauté certaine. Accolée à une maison, à quoi pouvait-elle servir : à mettre en évidence la richesse du propriétaire, à rafraîchir ses habitants, à ravitailler le quartier ? Peut-être manque-t-il une statue dans l’évidement central ? Imaginons une nymphe laissant couler la vie de son amphore. Les fleurs la remplacent et caressent d’autres sens.

 

De tous temps, les hommes ont été fascinés par le mystère des eaux qui sourdent des profondeurs de la terre. Force de fécondité, de fertilité, de purification, l'eau était vénérée par les Celtes, comme les arbres ou les pierres. On attribue aux eaux des vertus bienfaisantes.

L'Eglise, après avoir essayé en vain d'interdire les cultes païens, christianise ces lieux en les plaçant sous le nom d'un saint. A Sarlat, il y a plus qu’une fontaine, un véritable bassin. Non, ce n’était pas un lavoir ! C’est la fontaine Sainte Marie, située en plein centre-ville, dans une grotte naturelle aménagée au XIIe siècle. Polluée au XIXe siècle, elle fut murée. Ce n’est que depuis 1970 qu’elle fut de nouveau accessible au public.

 

Fontaine Sainte Marie.jpg

 

P9180122.JPG

 

 

Périgueux : au pied de la cathédrale, une fontaine dédiée aux pèlerins de Compostelle. Elle orne bien ce petit jardin qui donne accès à l’Isle.

 

 

 

 

La fontaine Médicis de Brantôme coule dans l’ancien jardin privéP9190157.JPG des Abbés sous la façade de leur château abbatial. On y voit l'Abbé Pierre de Bourdeille, mieux connu sous son nom de "Brantôme", homme d'épée, Abbé commendataire de 1558 à 1614, chroniqueur (auteur entre autres des célèbres Dames Galantes). Il sauva sa ville des guerres de religion. En fait, son buste n’a été inauguré qu’en 1895 sur cette fontaine du XVIIème siècle.

Elle paraît incongrue sous les parois de la falaise. Mais elle apporte une note de frivolité dans ce cadre à la fois austère et grandiose.

 

P9190154.JPG

 

 

P9190163.JPGEnfin, toujours à Brantôme, cette petite vasque décorative, au pied de l’église. Elle réjouit les fidèles à la sortie de la messe dans les chaleurs d’été et leur rappelle que Brantôme est aussi appelé la Venise du Périgord, appellation exagérée, mais sympathique.

 

 

 

20/09/2012

La vérité affective

 

Dans Ultime dialogue entre Jorge Luis Borges et Osvaldo Ferrari (Editions Zoé/éditions de l’aube, 1988), Osvaldo Ferrari parle de vérité affective et Borges lui répond :

– La vérité affective ? Oui. En d’autres termes, j’invente une histoire, je sais que cette histoire est fausse ; c’est une histoire fantastique ou une histoire policière (un autre aspect de la littérature fantastique), mais tout le temps que j’écris, je dois y croire. En cela je coïncide avec Coleridge, pour qui la foi poétique est la suspension momentanée de l’incrédulité.

Ces considérations sont à rapprocher de celles d’Alexandre Vialatte, dans « La porte de Bath-Rabbim » :

Tout ce qu’on invente est vrai, a dit Gustave Flaubert. (…) C’est le bon sens même. Il y a une vérité de la vie et une vérité littéraire. La vérité de la vie est vraie avant même qu’on la raconte, et elle reste vraie après ; elle est vraie avant, pendant, après. La vérité littéraire n’en demande pas tant. C’est pourtant elle qui survit aux faits ; on se rappelle les mots historiques qui sont presque tous apocryphes, mieux que l’histoire de ceux qui les ont prononcés. Qui ne se souvient du vase de Soissons ? (…) « Tout ce qu’on invente est vrai. » (Alexandre Vialatte, La porte de Bath-Rabbim, Presses Pocket, Julliard, 1986, Fictions et réalités, p. 33-34).

Au-delà de ces considérations sur la vérité de la littérature, dont la réalité tient à l’angle d’attaque que l’on se donne, il est sûr que l’écrivain doit croire à ce qu’il écrit. Qui pourrait y croire si lui-même n’y croit pas.

Mais croire à quoi ? Croire à sa fiction ? Croire qu’elle va devenir vraie parce qu’il aura des lecteurs ? Croire enfin qu’il est vrai parce qu’il a écrit cette fiction ? C’est sans doute la dernière assertion qui transforme la fiction en réalité. L’écrivain, comme tout artiste, doit ressortir transformé par son œuvre, devenir plus détaché. Sinon, il reproduira sans cesse ce premier écrit et ne saura se renouveler. Il doit croire à sa possibilité de se renouveler.

 

19/09/2012

Passion

Passionné je suis, pour tout et tous.
En même temps, indifférent et solitaire,
Aux autres et à moi-même.
Je préfère voler dans le ciel pur !

Fruit de la passion : l’achèvement de l’œuvre.
Alors vous la laisser partir, mener sa vie
Propre, sur sa barque enchantée,
Et vous contemplez ce désir qui fuit.

Plus rien ne vous rattache à l’objet
De vos attentions longues, hésitantes.
Il s’en va solitaire et vous laisse seul,
Face à une nouvelle inspiration, en ébullition.

L’énergie de la vie et de la mort.
Quelle émotion ! Je bous, je tremble.
Plus rien d’autre ne m’attire.
Ce nouveau mirage est mon unique bien.

Si cette passion devient amour, libre à toi
Le mirage se transforme en paradis
Et vous montez, bulle d’air
Au plus haut des cimes de votre exaltation

Mais passion signifie aussi mort cruelle
Asservissement au destin des grands hommes
Ou de l’inconnu ignoré et découvert
Lorsqu’enfin son corps repose, détendu

Quel mystère, un si grand bonheur
De telles peines encouragées et joyeuses
Comme le fil ténu à tirer sans cesse
Jusqu’à l’instant ailé du mot fin

18/09/2012

Le Talisman, nouvelles de Vaikom Muhammad Basheer (Zulma, 2012)

« Vaikom Muhammad Basheer (1908-1994) est né à Vaikom, au Kerala (côte sud-ouest de l'Inde). À l'adolescence, il s'échappe de chez ses parents afin de participer au mouvement de lutte pour l'Indépendance de l'Inde. Il connaît la prison pour ses positions et activités politiques, puis passe de nombreuses années à voyager à travers toute l'Inde, côtoyant sages hindous et mystiques soufis. Il est l'un des écrivains les plus importants de la littérature malayalam contemporaine. Et l'auteur de très nombreuses nouvelles et plusieurs romans courts. Le gouvernement indien lui a attribué le prestigieux prix Padmashri en 1982. »

(from : http://www.zulma.fr/auteur-vaikom-muhammad-basheer-281.html )

Surnommé le Maupassant indien, Basheer nous entraîne dans la vie quotidienne, mais poétique de son Kerala natal. Avec simplicité, il nous conte de courtes et fraiches histoires d’amour (L’empreinte, La maison vide, La faim, Les cœurs accordés) et met en valeur l’intelligence des femmes et leur discrétion. Autre thème : les luttes raciales et les systèmes ancestraux (Par une nuit de lune, Les cœurs accordés). Mais tout ceci est dit de manière drôle, vivante, tendre.

Il termine quelques nouvelles par ces mots :

– Que la chance vous sourit.

– Que tous les bonheurs vous sourient.

Et c’est une invitation à la poésie et l’élégance du vivant, dont le symbole est La Femme.