Denis Jully, à la galerie Claudine Legrand (49 rue de Seine 75006) (11/02/2013)

Si l’on recherche des contrastes, il suffit de se déplacer de quelques mètres dans la rue pour découvrir la peinture de Denis Jully, très différente de celle de Numa Droz. Ce sont aussi des paysages, sans êtres vivants, intemporels, mais proches de la catastrophe industrielle. On est attiré par la peinture, mais dans le même temps on ne peut l’approuver totalement. Elle rend trop compte de l’inconscience de l’homme dans ce monde qu’il fait et défait sans cesse. L’oppression nous gagne à contempler ces panoramas noirs, poussiéreux, informes de cendres et de débris. La main de l’homme est passée par là, détruisant la verdure, annihilant les couleurs, pour ne laisser qu’un monde de constructions industriels en ruine, dans lequel l’œil se noie, brouillé par les particules en suspension.

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La peinture est, disons, rugueuse. Elle laisse de larges conglomérats de noir, gris, brun, sur lesquels tranchent les notes de blanc, jaune ou rouge. On ne distingue pas les nuances du paysage qui est noyé dans une épaisse couche de poussière et de brouillard. On a l’impression de voir en aveugle, les mains en avant, cherchant des yeux notre chemin impossible à trouver dans cet amas de semi-obscurité. Alors on marche la tête entre les épaules, les yeux mouillés d’une brume fantomatique. Parfois, on sent un pincement au cœur, quelle est cette lueur qui donne espoir et rend la vie supportable ? Mais très vite on retombe dans l’inconsciente moiteur de l’atmosphère.

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Cependant, ces paysages catastrophiques laissent une impression d’arrière-main qui permet de ne pas sombrer dans la dépression. Il suffit d’un rayon de soleil qui transparaît, d’un rebord de rivière qui reflète un argent pur, d’une lueur même de haut-fourneau qui rougeoie et enrobe la campagne d’un peu de fièvre. C’est le cas de cette mine ou haut-fourneau abandonné, dans un environnement désolé, mais qui nous dévoile un ciel plein de promesse qui ressemble à une plage tranquille sur laquelle on s’étend après avoir couru et que l’on contemple, l’esprit au repos.

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C’est également le cas cette banlieue qui semble s’évanouir dans le rêve, épuisée par l’absurdité de l’existence. Ce contraste entre la campagne sous la pluie, la ville en fond de tableau et la part d’inconnaissance de la partie droit du tableau procure un sentiment d’avenir possible, même si l’on ne sait encore ce qu’il sera.

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Et là, le simple effet de blancheur accentuée des nuages et d’une légère ouverture du ciel dans un bleu tendre donne une note d’espoir dans ce paysage digne des romans sociaux du XIXème siècle :

 

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Là encore, un paysage certes plus champêtre, mais qui laisse supposer que, peut-être, le jour va réellement se lever et ensoleiller cette glèbe endormie :

 

 

Allons ! Ne désespérons pas de la vie. Elle réserve toujours des surprises. Ce qui compte c’est d’y faire face sans rien perdre de son acuité à la contempler avec recul pour en extraire la substantifique moelle, la part qui vous appartient et qui vous fait progresser.

 

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