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28/06/2014

Le langage universel

Si l’enfant qui tient son cône de glace
Savait qu’il porte le plus grand mystère
Celui de l’origine  et du devenir
De notre univers dont les galaxies
Filent dans le cosmos et s’éloignent
Toujours plus loin de notre compréhension

A sa pointe, rien, une poussière, si petite
Si ténue, si dépourvue de visibilité
Que l’homme la balaye d’un souffle
Qu’est-elle ? Nul ne le sait
Le mur de Planck cache la vérité
Si évidente, mais inatteignable

A l’autre bout du cône, le vide, le rien
Vers lequel se précipitent les astres
Certes il leur faudra du temps pour mourir
Leur vitesse augmente sans cesse
Ils fuient ce monde comme le prisonnier
S’évade en esprit et reste libre

Et plus ces objets, semblent-ils inanimés
S’éloignent et prennent de la vitesse
Plus leur propre temps ralentit
Plus cette fuite leur semble vaine
Ils courent, mais comme pour le vieillard usé
Chaque foulée est si courte qu’elle l’englue

La gravitation courbe leur propre temps !
Il s’entortille comme le fil de fer
Jusqu’à ne plus faire qu’un point
Puis s’évade vers un imaginaire pur
Que seules les algèbres déformées
Peuvent appréhender à l’échelle de Planck

Le temps devient espace, il ne coule plus
L’espace est immobile et mesurable
Le temps imaginaire et l’espace présent
Se mêlent, s’emberlificotent,
Jouent à cache-cache. Qui êtes-vous ?
L’univers n’est plus, il perd sa consistance

Quelle soupe étrange, une vraie tempête
Inappréciable, inabordable, un maelström
De particules invisibles et tenaces
Qui tiennent le monde entre leurs mains
Sans être soumises à sa loi habituelle…
Une énergie noire qui guide vers l’avenir !

Le temps s’arrête, c’est un trou noir
Il s’enfonce hors de l’univers, il fuit
Tous courent vers la mort assurée
Le sourire aux lèvres, la tête haute
Ils franchissent le mur de Planck
Ils ne sont plus, ils ont perdu l’espace-temps

L’univers est soumis aux mêmes lois
Que l’humain. Le trou noir de la mort
Ne serait-il pas gage de renaissance
Dans un autre univers sous une autre forme ?
Cette fuite du temps, cette accélération folle
N’est pas l’entropie, mais la surprise de la vie

Certes l’intelligence collective n’en est pas là
Elle creuse son sillon en inversant la loi
Plus elle avance, plus le temps se dévoile
Il est la clef de la compréhension du monde
Un jour viendra où le langage des savants
La mathématique universelle, dévoilera

La pensée de Dieu à la pointe du cône de glace

© Loup Francart

27/06/2014

La peinture visionnaire (expo Raw Vision à la Halle Saint Pierre)

Autre artiste assez extraordinaire : Donald Pass, un anglais, né en 1930 qui, après des études d’art, peignait des portraits et des paysages. En 1969, il reçoit la vision de la résurrection au cimetière de Cuckfield : « Tout a commencé à changer et un énorme ténèbre m'entourait.  Le paysage entier, cimetière, des champs proches et lointains, semblait rempli de milliers de chiffres d'étirement à l'horizon.  Dans la noirceur était une lumière énorme ; grandes figures ailées avec des visages comme des lions ... ». Elle dure plusieurs heures et il a l’impression d’un espace infini et d’une absence de temps. Il réalise plusieurs dessins avant que la vision s’évanouisse. Il rencontre une femme qui lui dit : « Vous avez été entouré de lumière ! »

Donald Pass change totalement sa peinture. Certains pensent qu’elle est surréaliste, d’autres qu’elle est visionnaire et spirituelle. Ces tableaux racontent la vie après la mort ou plutôt le passage de la vie terrestre à une autre vie hors du temps et de l’espace.

http://www.donaldpass.com/artgallery.html

 

Un autre peintre, John Danczyszak, entreprend une œuvre constituée de onze tableaux, représentant chacun une année de travail. Il perçoit qu’un envoyé de Dieu saura les interpréter. Il travaille comme un médium sous l’emprise d’une force qui entre en communication avec sa main.

 

Il peint des œuvres très chargées de détails, des mandalas exprimant sa vision de la spiritualité, d’une manière très abstraite, contrairement à Donald Pass.

 

 

 

Norbert Kox commence à exposer en 1988 des peintures visionnaires à base de constructions gothiques et de révélations chiffrées. Ses œuvres sont emplies de codes bibliques qui concernent l’apocalypse. Il est au bord du gouffre par l’alcool et la drogue lorsqu’il se retire pendant dix ans dans les bois du Wisconsin où il prie, médite, étudie les écritures. Alors il peint pour faire passer ses messages et dévoiler le mystère de l’au-delà.

26/06/2014

Fête de la musique

Présent à Paris en raison de la grève des trains, nous décidâmes de participer pleinement à la fête de la musique.

Choisir le programme fut un long travail d’approche. Oscillation entre le classique ou le jazz. Les deux figurent sur la liste soigneusement sélectionnée dans l’Officiel des spectacles. Le rock, non ; le tam-tam, non plus ; la musique urbaine, qu’est-ce que c’est ? La variété ? Sa fréquence à la télévision nous suffit.

Entrée par le côté dans l’église Saint Eustache : Quelle immense église ! On entend un vague timbre de piano, la hauteur des voûtes écrase le son au ras du sol. Arrivée dans la nef : les chaises sont tournées vers le buffet d’orgue, splendide, monumental, écrasant. On lève les yeux et on monte vers le ciel jusqu’à la rosace à demi-cachée par la majesté de l’instrument. Mais il est silencieux. Les auditeurs sont parqués à la croisée de la nef et du transept. Un grand espace les sépare du piano et de la chanteuse, dont on n’entend que faiblement la mélodie, sauf dans les aigus. Alors, je m’approche sur le côté et là se dévoile l’immense talent de ces femmes qui ont donné leur vie à l’art de l’opéra. Elles sont dans la force de l’âge, 25-35 ans, certaines sont intimidées, d’autres plus souriantes, mais toutes ont une voix superbe, ronde, usant de variations infinies qui font monter les larmes aux yeux. Regardant cette bouche ouverte, aux lèvres fines, je me demande comment une si petite ouverture peut produire de tels sons : l’esprit chante à sa place, je le vois s’envoler dans l’immensité de la voûte et danser dans l’air en disant : « Vois comme ma voix est belle, ressens mes sentiments et pleure devant tant de grâce ». On est suspendu à cette mélodie et le cœur s’emballe. Il ne pense plus, il ne cherche plus à comprendre. Il est et s’en trouve bien, attentif aux seuls sons qui sortent de cette bouche céleste.

Tuileries : un monde différent, en promenade digestive ou accompagnant les enfants qui bien sûr veulent aller jouer au jardin, se dépenser jusqu’au moment où ils s’écroulent de sommeil ou pleurent d’énervement. Sous un des arbres, un groupe de spectateurs attentifs au son d’un piano. Il est électronique et manque de puissance et de suavité, mais le public est bon enfant et applaudit aux prestations de qui veut bien jouer, des apprentis, des confirmés, des jazzmen, des classiques, des batteurs de bruit qui tapent sur l’instrument en pensant qu’il va déployer plus de force, des enfants qui ânonnent leur chansonnette, la jeune fille qui joue sans faiblesse une valse de Chopin, l’asiatique qui égraine son rythme avec lourdeur d’abord, puis de plus en plus souplement. Ils se succèdent avec un petit applaudissement d’estime, plus ou moins marqué. Quelques-uns déclenchent un vrai soutien, mais aucun ne salue, n’entre en contact avec la foule des badauds, par timidité, par dédain, par ignorance de l’art du spectacle. Au suivant… Même si, parfois, entre deux musiciens passe le temps, comme un instant de silence dans le bruit de la musique échevelée, mutine ou tambourinant.

Cathédrale Saint Volodymyr le Grand, rue des Saints Pères, à l’écoute du chœur ukrainien. Une heure et demie de chants liturgiques et de folklore traditionnel. Une merveille, si différente de ce qu’on a écouté auparavant. La musique liturgique orthodoxe des compositeurs des XVIIIème et XIXème siècles issue des musiques occidentales et principalement italiennes, avec ses modes, sa rythmique syllabique, ses ralentissements et accélérations calqués sur le texte, nous donne un air de paradis (voir Le chant orthodoxe slave en date du 28/07/2011). Hors du temps, nous errons attachés au seul chant qui enchante nos oreilles : Dans ce mystère, de Borniansky, La cène mystique de Lvov, sont de purs chefs-d’œuvre de musique sacrée. Le concert se finit avec des chants traditionnels et populaires : le rituel du printemps, interprété pour méditer sur la nature pendant la fête de la Saint Jean, Marousia qui fait ses adieux à un cosaque, harnaché du haut de son cheval partant pour la guerre. Chant national ukrainien, debout, pour terminer cet instant qui nous a dépaysé et enchanté.

Repus de musique, nous traversons la foule des parisiens qui écoutent les tambours des Africains, les guitares électriques et les trémolos de chanteurs sans voix. Rentré chez soi, on rêve dans un état second, bercé toujours par ces instants musicaux si revigorants. Oui cette année la fête de la musique est réussie. Le temps s’y prête, la bonne humeur vient et les sourires nous le disent.

25/06/2014

Le pigeon

Ce matin-là, il était encore tôt. Mais l’été le soleil adore se montrer nu en fin de nuit. Aussi décidai-je de me lever pour aller courir. Doucement je m’habillai et sortis sans bruit. Je n’avais pas vu que le ciel était noir. Quelques gouttes de pluie, sans plus. Alors allons-y malgré cela !

Prendre le rythme. Il faut se l’imposer dans le premier kilomètre. Puis il vient de lui-même, en toute impunité.  On se sent mieux, respirant avec sérénité à condition de ne pas allonger la foulée. C’est parti ! Je m’arrête pourtant deux kilomètres plus loin pour contempler au bord de la route quelques brins de ciboulette. J’en goûte un brin, laissant l’acidité pénétrer dans la gorge et l’odeur aillée envahir l’air respiré. Quelle est bonne cette création qui nous donne au détour d’un chemin un semblant de paradis ! Allons, il faut repartir…

Retour au village, quand l’inattendu se produit alors que l’on ne s’y attend pas. L’irruption de la grâce, en un instant qui change le cours de la journée. Je vois arriver, comme au ralenti, un pigeon qui vole à un mètre cinquante du sol, droit vers moi. Je continue à courir, mais suis un peu interloqué. Trois, quatre foulées et il est devant moi. Il se détourne avec lenteur comme s’il me fixait des yeux et regardait mes réactions. Il passe, lentement, avec élégance, comme un prince à cheval sur la route des rencontres fortuites. Je me retourne, il poursuit sur 50m, puis, d’un coup d’aile, il monte droit vers le ciel. Je continue à courir, mécaniquement d’abord, puis plus léger comme si une goutte de lubrifiant était tombée du ciel et m’autorisait à fendre l’air sans aucune réserve. Je me remémore l’arrivée du pigeon, son lent vol à hauteur de mes yeux, fonçant droit sur moi, en douceur. Rien d’autre, je ne voyais plus rien d’autre, que lui et moi, allant ensemble vers une rencontre du troisième type, évitant en souplesse le choc par un basculement  léger de l’ensemble des corps, lui à sa gauche et moi de même, à ma gauche.

Quel signe ! Mais de quoi au juste ? Je ne sais et ne le saurai jamais dans cette vie. Mais… C’est sûr, c’est un signe. Que les signes sont éclairants, même si l’on ne sait d’où ils viennent et ce qu’ils signifient ! Oui, ils sont signifiants et nous donnent un signal, celui d’un ailleurs dont on nous entrouvre la porte.

24/06/2014

J’étais et ne serai jamais plus

J’étais et ne serai jamais plus

Ce bébé qui hurle dans un lit de fer
Auquel sa mère est attachée
Et qui dort benoîtement
Au moment de sortir

Cet enfant frondeur et espiègle
Qui n’en fait qu’à sa tête
Et donne des coups de pied
Dans les portes du ciel

L’adolescent réservé et rêveur
Qui regarde les filles aimables
Et leur parle en onomatopées
Les yeux doux, il n’ose leur parler

Le jeune homme au premier pas seul
Qui rit du pouvoir nouvellement acquis
Et considère du haut de sa foi en lui-même
Tous les petits défauts des grands de ce monde

L’homme qui veille sur sa famille
Après avoir découvert une moitié
Promise depuis des lustres
A laquelle il a rêvé chaque nuit

L’homme mûr qui courre sans cesse
Pour faire valoir sa personne
Au marché des inégalités
Et à la surenchère surabondante

L’aguerri qui contemple son destin
Et l’approuve, même imprévu
Il partit marcheur sur corde raide
Et finit détrousseur de touristes

Le vieux beau plus tout jeune
Qui se berce d’illusion
Et tente toujours sa séduction
Auprès des égéries ricanant

Le vieillard qui contemple las
Ce monde écervelé et chahuteur
Auquel il a participé ardemment
Et qui perturbe sa somnolence
 
Le grabataire qui s’enferme
Dans ses souvenirs échevelés
Et radote sur ses désirs
Sans pouvoir les mener à bien

Le mourant qui s’interroge
Et tout bien considéré prétend
Que la vie vaut d’être vécue
Même si la moisson est maigre

Le cadavre enfoui sous terre
Qui du haut de l’éternité
Ne sait que penser
De ce séjour enchanté

J’étais et ne serai jamais plus
Ce nuage qui déleste sur la terre
La pluie de ses insuffisances
Et mouille de larmes son univers

© Loup Francart

23/06/2014

Exposition Raw Vision à la Halle Saint Pierre

Cette revue anglo-saxonne, Raw Vision, fondée en 1989 par John Maizels, fête cette année son 25ème anniversaire. Elle ne traite que d’art populaire contemporain : art brut, art visionnaire, Black Folk Art, Outsider Art, bâtisseurs de l’imaginaire. Vous y voyez cent exemples de la créativité du facteur Cheval ou des jardins de Tatin. C’est un foisonnement de formes et de couleurs qui donne une autre vision de l’art, complètement décalée, mais passionnante. On y trouve du meilleur au plus mauvais, tant dans les sujets que dans le style. Certains sont des peintres aguerris, d’autres sont d’horribles barbouilleurs, les troisième fabriquent des maquettes bizarres à l’imagination délirante.

Voici François Monchâtre, peintre et maquettiste : « Lorsqu’on le rencontre pour la première fois, il apparaît timide et réservé aux côtés de son exubérante épouse Danièle mais derrière ce personnage conventionnel se cache un véritable iconoclaste ennemi actif de tous les dictats.  Il saisit l’instant hilarant où le réel trébuche dans l’absurde. A défaut de le sauver, il faut changer le monde. En œuvrant contre la bêtise toujours renouvelée, François Monchâtre peintre-sculpteur s’y emploie : il nous fait partager sa vision acerbe de la société avec ses machines à broyer le vide, ses femmes aux bains dans l’œil avide de la caméra du voyeur, cette sculpture où la liberté coiffe toutes les dictatures d’un bonnet d’âne. Inexorablement avec une patience d’artiste, il rajoute quelques gouttes de liberté dans un océan de conformismes. »

Un de ses prédécesseurs, Augustin Lesage, né en 1876, se rattache au mouvement spirite. « En 1911, alors qu’il travaillait au fond de la mine, il entendit une voix qui lui disait : « Un jour, tu seras peintre. » Après avoir commencé ses premiers dessins automatiques, l’esprit lui dicte : « Aujourd’hui il n’est plus question de dessin, mais de peintures. Sois sans crainte, et suis bien nos conseils. » 

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La toile achetée est une pièce de 3 m sur 3 m en 1912 que le peintre aborde dans le coin supérieur droit, et sans aucun plan préconçu de ce qu’il adviendrait ensuite. « L’esprit m’a tenu dans ce petit carré pendant trois semaines consécutives. Je ne faisais rien et c’en était un travail… Après, tout s’est développé, le pinceau a marché de gauche à droite, il y a eu de la symétrie… »

 

 

 

Vous rencontrerez aussi Dalton Ghetti, un brésilien qui sculpte les mines de plomb des crayons. Depuis 25 ans, il exerce avec minutie sa passion. Vu la taille d’une mine de crayon en graphite, on peut dire que cet homme a une patience et une habileté impressionnante.

 (A suivre)

22/06/2014

L’amour dure trois ans, de Frédéric Beigbeder (Gallimard, 1997)

Le premier chapitre résume tout le livre. Au début tout est beau, même vous. Le bonheur existe, et il est simple : c’est un visage. Vous vous mariez le plus vite possible. Pourquoi réfléchir quand on est heureux ? Penser rend triste ; c’est la vie qui doit l’emporter. La deuxième année, vous comprenez votre femme à demi-mot ; quelle joie de ne faire qu’un. La troisième année, vous ne parlez plus à votre femme. Vous êtes tombé amoureux d’une autre. Il n’y a qu’un seul point sur lequel vous ne vous étiez pas trompé ; effectivement, c’est la vie qui a le dernier mot.

Parler du mariage et de sa fin pendant deux cent pages est en soi une performance. Peut-être se lasse-t-on à la moitié du livre, mais il y a toujours de bons mots, quelques phrases assassines, alors on continue quitte à sauter14-06-20 L'amour dure 3 ans.jpg quelques longueurs. C’est vrai, l’auteur écrit bien et nous fait partager son désarroi. Il a de la verve et cela lui sert pour ses conquêtes, mais la vie passe et qu’en reste-t-il ? Sa thèse : Personne ne vous prévient que l’amour dure trois ans. Le complot amoureux repose sur un secret bien gardé. On vous fait croire que c’est pour la vie alors que, chimiquement, l’amour disparait au bout de trois années. Je l’ai lu dans un magazine féminin… Le coup de foudre, ce sont les neurones du système limbique qui sont saturés en PEA. La tendresse, ce sont les endorphines (l’opium du couple).

Quelques bons mots : La case départ promet tellement. C’est comme si on s’était jusque-là retenu de respirer sous l’eau, en apnée juvénile. L’avenir est l’épaule nue d’une inconnue. La vie vous donne une seconde chance ; l’Histoire repasse les plats.

Ce qu’il y a de beau chez une femme, c’est qu’elle soit saine… Des dents aussi blanches que le blanc des yeux, une bouche fraîche comme un grand lit, des lèvres cerise dont chaque baiser est un bijou, une peau tendue comme un tam-tam, des clavicules fines comme des ailes de poulet, des jambes dorées comme le ciel de Toscane, un cul rebondi comme une joue de bébé et surtout, surtout PAS DE MAQUILLAGE.

Mais aussi de nombreuses inélégances pour faire moderne : Alors il s’est passé une chose terrible : j’ai commencé à garder mes chaussettes pour dormir. Il fallait réagir, sans quoi bientôt je me mettrais à boire ma propre urine. Est-ce utile ?

Bref, un livre, même un roman, mais malgré ses bons mots, qui ne casse trois pattes à un canard ! Un roman de plage ? Non, sans doute un peu mieux.

21/06/2014

La femme, pile ou… face

Vous ne me croirez pas. Ce matin, comme à l’accoutumée, je partis courir dans les rues, le nez au vent, l’haleine fraiche, le pied léger. Mais je n’ai pas les yeux dans ma poche comme ceux qui courent en se concentrant sur eux-mêmes, sans rien voir de ce Paris qui a toujours quelque chose à montrer, voire à dévoiler. Ce fut le cas ce matin. Je m’échauffais doucement, courant en petites foulées, musardant vers une vitrine, regardant pas les fenêtres ouvertes au quatrième étage (les rez-de-chaussée ne sont jamais ouvertes (ça doit cocoter !), observant les passants de dos avant de les considérer de côté, voire de les examiner de face. Une jeune femme marchait élégamment, décontractée, allant dans la vie la tête haute. Je me préparai à la doubler, quand, en m’approchant, je constatai une certaine dissymétrie dans sa démarche. Que se passe-t-il ? me demandai-je. Elle portait une petite robe légère, à mi-cuisse, noire bien sûr, volante et luisante. Tout d’un coup, en m’approchant, je n’en crus pas mes yeux. Si à gauche elle était bien mise et élégante, à droite, sa jambe montait, montait, si haut que l’on voyait non seulement sa cuisse, ferme et galbée, mais également, chose tout de même assez rare à Paris, sa fesse droite, dévoilée, que je ne décrirai pas. Elle allait sans souci, souriant intérieurement, se racontant probablement des histoires, peut-être pensant à ce jeune homme qu’elle avait rencontré la veille dans une de ces invitations à laquelle on se rend pour voir des gens avec qui l’on parle sans  savoir quoi dire. Du coup, je m'interrogeai, me demandant comment j’allais doubler une aussi charmante égérie. Etonnant même… J’arrêtai ma course, fasciné par cette vision insolite, extravagante et peu usitée. Elle poursuivait tranquillement, inconsciente de ses effets. Sa jambe longue comme un canon de fusil, blanche comme une baguette peu cuite, la chair au plus haut tremblante parfois sur un pas moins souple, me laissait béat. Ah, le feu du boulevard ! Dieu soit loué, il est au rouge. Elle n’eut pas à s’arrêter devant les autres passants. Elle traversa en toute dignité, comme si de rien n’était. Pendant ce temps, je me demandais ce que je devais faire. L’arrêter et lui dire discrètement ce qu’il en était. Continuer à courir après m’être amusé quelques instants. Rester derrière elle pour la protéger. Pendant que je m’interrogeais, elle avait traversé la rue et poursuivait sur le trottoir d’en face. Au moment où j’allais moi-même franchir l’asphalte où ne passaient que quelques rares voitures, je la vis poursuivre sa route, toujours digne, encore plus divine, car redevenue symétrique. Entretemps elle s’était aperçue de sa bévue et l’avait corrigée comme si de rien n’était.

Oui, Paris offre toujours quelque chose à voir d’insolite, de drôle, et même parfois d’extraordinaire. Ses femmes restent exemplaires, jamais troublées, l’œil sur l’horizon, jamais inquiétées par un dérangement involontaire qu’elles considèrent comme un épisode sans importance au regard de leur élégance.

20/06/2014

Passage d’une voiture dans la rue à minuit et quatre heures

Dans les seuls bruits de la nuit
Vient ce grand tremblement
Roulement sur les pavés
Il monte dans l’oreille
Il grandit, élégant
Et m’envahit
Impact…
Il s’éloigne
Il se fait oublier
Il se couvre de silence
Mais reste présent, encore
Jusqu’à la lointaine absence
De tout suspect… Il est minuit…

4 heures
Qui d’autre
Se tient éveillé
Contemple le monde
Au creux de l’œil parfait
Allumé dans l’obscurité ailée
Ferme tes oreilles, ouvre ton regard
Seul secours dans les ténèbres destructrices
Flash ! Tout se dévoile. J’ai saisi la fuite du temps
Peu importe l’espace qui court avec vivacité
L’être se dévoile dans ce mouvement
Il respire l’absence d’oxygène
Et s’enivre de ce mystère
Qui éclaire l’univers
La seule parole
Une lumière
Unique

© Loup Francart

19/06/2014

Canto a tenore, chant traditionnel sarde

https://www.youtube.com/watch?v=ydsIH9Nuua0

 

Le chant est une seconde nature pour les Sardes. Bergers de tradition, ils sont également poètes et conteurs. Le chant est un moyen d’expression de l’individualité sarde, avec un particularisme important que l’on ne retrouve qu’en Corse, différemment. Il s’inspire du timbre guttural de la langue sarde et s’exécute en chœur (gruppa) qui se compose de quatre voix masculines. Chacune d’entre elles a une fonction définie. Sa boghe (la voix) chante la poésie et dirige les autres voix. Sa mesa boghe accompagne la voix principale en brodant sur la mélodie avec un chant plus aiguë. Sa contra est la voix central du chœur et accorde les autres voix. Sa bassu est une voix grave, gutturale, assez proche des voix diphonique de Mongolie (voir le 30 décembre 2011). En fait en dehors de la voix principale qui raconte une histoire, les autres voix sont sans réelles paroles. Elles prononcent des syllabes sans signification dont les modulations rythment la mélodie de Sa boghe. Les Sardes disent que chaque voix imitent qui le bœuf (Sa bassu), qui le mouton (Sa contra), qui la brebis (Sa mesa boghe) et que sa boghe est la voix du berger. On retrouve ainsi la civilisation pastorale et ses traditions.

https://www.youtube.com/watch?v=N2axbUL9v9w 

Chaque région, voire chaque village, a ses traditions propres. Ainsi les tenors d'Orgosolo possèdent un style dur et âpre, alors que ceux de Fonni disposent d’un style souple. Les tenors de Bitti font l’intermédiaire entre les deux. À Bitti on trouve trois styles exceptionnels de chants religieux exécutés "a tenore" : le chant de Noël, un dédié à la "Madonna" et le chant des pénitents. Une autre forme à signaler est "su Mutu", qui trouve dans le tenor une exécution spéciale : les autres chanteurs interviennent avec des blocs polyvocaux, basés sur des textes verbaux.

Les Tenores de Bitti sont un des meilleurs groupes polyphoniques sardes.

 

« Les concours de poésies ont un peu partout disparus et pourtant c'est une tradition encore populaire et vivante en Sardaigne grâce entre autre aux occasions qui sont données par les nombreuses fêtes des saints patrons des villages, les partis politiques, etc. Le poète chanteur est accompagné comme les chanteurs a tenores. Ils improvisent sur des thèmes parfois d'actualité qui leur sont proposés par les organisateurs, par exemple " liberté et tyrannie " ou " la paix, la guerre ", " le travail, le chômage ", " la nature, la pollution ", etc. Ce sont des semi-professionnels qui utilisent des schémas traditionnels, l'un chante quelques minutes celui qui lui succède reprend son dernier vers et lui répond en défendant la thèse opposée, même si ce n'est pas son opinion réellement, ce qui est important c'est d'être aussi convaincant que son adversaire. Ces joutes sont très appréciées du public, il n'est pas rare que celui-ci passe la nuit entière à les écouter. »

(http://yves.barnoux.free.fr/sarde/musique.htm)

18/06/2014

La grande cascade du bois de Boulogne

Côté pile, la campagne… ou plutôt le bois ou les bois. Calme, platitude et sérénité. Quelques silhouettes déambulent autour de la pièce d’eau sur laquelle quelques canards cherchent une vaine nourriture. Il fait bon à l’ombre des grands arbres. On s’endormirait facilement en regardant ces scintillements à la surface, les ondulations argentées en perpétuel mouvement, ces reflets palots de la majesté des arbres puissants qui s’élèvent autour des rebords du lac. Calme, platitude et sérénité.

Mais j’étais arrivé côté face, face à la cascade située à un grand carrefour. Impressionnante et harmonieuse. Au fond, une immense grotte enrochée, surmontées de cèdres qui donnent une hauteur supplémentaire. C’est une anfractuosité à deux étages. Du second coule la cascade en un rideau de gouttelettes d’argent qui tombent sur les roches baignant dans l’eau d’une autre pièce d’eau que côté pile. On pourrait être dans les Rocheuses aux Etats-Unis ou encore au Liban. Seul le bruit incessant des voitures nous rappelle la proximité de la capitale. Alors, bouchons-nous mentalement les oreilles et poursuivons cette promenade dans un autre siècle.

Côté intérieur, il est possible de descendre au bord de l’eau, derrière la chute dans un étroit boyau qui sent la verdure pourrissante des roches éclaboussées. Je suis l’acteur face à son public (les voitures tourbillonnantes sur le carrefour), isolé, éperdu de présence.

Un dernier coup d’œil avant d’enfourcher ma monture et de rejoindre la civilisation non civilisée.

« La Grande cascade du Bois de Boulogne a été aménagé en 1856, sous le Second Empire grâce à des rochers en grès amenés depuis Fontainebleau. La nappe d'eau provenant d'un plan d'eau tombe de 7,50 mètres. Napoléon III, afin d'agrémenter ses haltes au bois, fait construire le Buffet de la cascade en 1857. Agrandi pour l'exposition universelle de 1900, il adopte un décor Belle Epoque. Endommagé pendant les bombardements, le pavillon est démoli vers 1950. Il est remplacé par le restaurant actuel de la Grande Cascade au style “rétro-moderne”. »

(http://paris1900.lartnouveau.com/paris16/bois_de_boulogne/la_grande_cascade.htm)

17/06/2014

Eric Roux-Fontaine

Quels étranges paysages : une forêt amazonienne dans laquelle erre un  homme qui vit sa vie ou trône un objet dont la présence est improbable. Et cette forêt devient le concentré de nos lourdeurs et le mausolée de nos aspirations. Elle est abondante, opaque, déraisonnable, recouverte d’eau et de brume, empreinte de clarté et d’ombre. Tiens une piscine entouré d’eau, quelle curiosité !

Et même un plongeur entouré de feu qui se jette dans le vide, fou d’il ne sait quoi !

Et là la forêt dans toute sa magnificence, au matin, émergeant de la brume, montant dans l’azur, ne reposant plus sur terre et dévoilant ses coroles au regard admiratif.

Mieux encore. Le rêve achevé. Il ne reste qu’un lit dans la profusion des fleurs, boutons et akènes. Le ciel se montre, réel, bleu azurin, perçant au travers des feuillages.

« Sa peinture, sensible et pudique, exprime des émotions contenues qui nous touchent au plus profond. Elle transcrit l’insaisissable, l’apparence fugitive, le regard suspendu, dans une relation mystérieuse à la beauté du monde. Bachelard nous dit que « le réel n’est plus que le reflet de l’imaginé », c’est en cela que la peinture d’Eric Roux-Fontaine touche à l’intemporel. » (Gérard Gamand, Rédacteur en chef du magazine Azart)

 

Allez voir son exposition à la galerie Felli (127 rue vieille du Temple 75003), une excellente galerie qui donne de la peinture une vision réconfortante. 

http://www.rouxfontaine.com/publications.php

16/06/2014

Alpha et Oméga

Derrière le cœur
Soupirent les mots.
Craquelure de l’apparence,
Chute du personnage.
Au-delà, l’apesanteur,
L’aspiration, la dissolution.

Tu es l’alpha de l’être,
L’appel du bonheur,
L’oubli de mes pauvretés.
J’aspire à m’éveiller
Et m’endors, lové,
Au creux de mes insuffisances.

Tu es l’oméga des inspirations,
Lieu de nos éternités rêvées,
Quand, épuisés par nous-mêmes,
Nous recueillons le vide
Au fond de nos mains ouvertes.
Je m’éveille à la nudité de l’âme.

© Loup Francart

15/06/2014

Maître-mot

Il y a trente ans, je visitais le gouffre de Padirac. Le nautonier paysan qui nous emmenait sur l’eau obscure eut ce mot merveilleux : « Cette rivière, elle est tellement inconnue qu’on ne sait même pas son nom… » Il exprimait par là, avec naïveté, deux certitudes profondes qui hantent nos âmes : à savoir que les choses n’existent pour nous réellement qu’une fois nommées, et qu’il y a un nom, de toute éternité, qui correspond à chaque chose, la contient et l’exprime entièrement.

Louis Pauwels et Jacques Bergier, L’homme éternel, Gallimard, 1970, p.136.

  

N’avez-vous pas, un jour, été grisé par un nom que vous avez répété sans cesse d’abord dans votre tête, puis à mi-voix, puis à voix haute. Et ce mot vous a obsédé pendant plusieurs jours, jusqu’à ce qu’une autre préoccupation l’ensevelisse dans les profondeurs de votre mémoire. De même, vous avez dans votre jeunesse très probablement parlé une langue inconnue de vous-même, dans laquelle vous pouviez exprimer ce que votre langue maternelle ne pouvait faire. L’inexprimable parlait alors dans ces mots inconnus que formulait votre bouche. Et là aussi, vous vous êtes grisé de ce que vous permettait de révéler cette langue qui vous ouvrait les portes d’un monde inconnu dans lequel vous vous sentiez bien.

Le mot possèderait-il un pouvoir s’il est le nom éternel que Dieu lui a donné ? Pour les juifs, Dieu possède quatre-vingt-dix-neuf noms qu’ils peuvent utiliser pour le nommer. Mais le centième est réservé aux initiés. Il est la porte qui ouvre sur l’éternité et la compréhension de l’univers. L’apprendre élève celui qui le prononce au-dessus de la condition humaine. Il devient le maître du nom.

L’évangile de Jean commence sur une étrange assertion : au commencement était le Verbe et (…) le Verbe était Dieu. (…) Tout par lui a été fait (…) Et la lumière luit dans les ténèbres… Le Verbe serait avant même la lumière. C’est le Verbe qui crée la lumière et l’univers par la seule puissance de son souffle. La Genèse explique le même procédé de création : Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut.

La logique de la connaissance réside dans l’enchaînement Pensée – Parole – Action. La lumière est apparue par le fait du Verbe. La parole est l’acte d’autorité qui permet le passage de la pensée à l’action. C’est pourquoi certains mots sont interdits, ils peuvent déclencher  des événements.

Dans cette logique nous sommes loin de la communication dont on nous rabâche les oreilles : la parole est action quoique que l’on pense, lit-on dans les médias, elle produit l'action par la seule force du verbe. L'homme moderne a inversé la proposition. La pensée s’est évanouie au profit de l’action qui a perdu son sens. L’homme se veut libre, mais cette liberté est-elle la bonne ?

14/06/2014

Funérailles

Hier, j’ai assisté à mes funérailles. Je me trouvai là par hasard, à la sortie d’un restaurant, encore alourdi  de ses victuailles sirupeuses, lorsque je vis passer un corbillard tiré par deux chevaux fringants. Le prêtre était mon vieil ami, mais malgré un signe de ma main, il ne me reconnut pas et passa, préoccupé par le vent qui se levait. Comment ai-je su qu’il s’agissait bien de mes funérailles ? Ma famille suivait derrière, à pied, affligée. J’en reconnus quelques-uns. Philbert, mon petit-fils espiègle et trop grand pour son âge. Pricilla, une jeune fille douce, mais coriace. Ma femme, Adélaïde, d’une beauté sauvage, ouverte sur le monde et enfermée de convenance. Mon frère, César, revêtu de dignité frêle, marchant en tant que chef de famille. Mais je voyais également d’autres êtres chers, des amis, tels Montgomery, le grand soldat, Yves Saint Martin, le jockey, Arthur, l’animateur radio. Je m’abritais derrière une colonne de façon à ce que personne ne puisse me voir. Ils m’auraient sauté dessus et fait mourir pour de vrai. Mais au fond, suis-je mort ou non ?

Je fus alors pris de panique. Je me pinçai fortement et poussai un cri de douleur. J’étais bien vivant pourtant ! Peut-être s’agissait-il d’une répétition dans le but de préparer un éventuel décès. Ils avaient pourtant l’air frappés. Une ambiance de catastrophe flottait dans l’air, recouvrant les suiveurs d’un nuage léger, grisâtre, un peu collant. Je voyais une de mes filles, déjà âgée, marcher silencieusement, reniflant et s’essuyant les yeux. Elle paraissait désolée. Mes yeux s’humidifièrent. Je n’allais pourtant pas pleurer sur ma mort alors que j’étais vivant !

Enfin ! La foule anonyme achevait le défilé. Ni une, ni deux, je m’invitai à mon enterrement et pris place derrière les derniers badauds. Ceux-ci parlaient entre eux de tout autre chose : l’accident désolant survenu à la princesse des Asturies lors de son voyage en Andalousie. Elle s’était fracturée le bras en empêchant la chute d’un échafaudage sur une petite fille. Devenue héroïne malgré elle, elle devait fuir les journalistes. Comme le convoi avançait à pas menus, j’eus tôt fait de les doubler sans cependant donner l’impression de vouloir en finir plus vite. J’arrivai à hauteur de mes ennemis ou supposés tels. Il y avait là Hector Malefoi, le secrétaire de l’association des sans-papiers qui m’avait accusé de nationalisme égoïste parce que j’avais énoncé le principe d’instauration d’un quota. Relevant mon col de pardessus, je passais devant lui. Il était tellement occupé à parler avec un collègue qu’il ne m’aurait dans tous les cas jamais remarqué. Je passai devant Emilie Prodhomme, mon ancienne maîtresse, ou presque. Elle gardait cet air mélancolique qui m’avait séduit. Son visage restait beau, jeune, malgré une légère voussure du dos qui mettait en évidence son âge réel. Je la revis nue, souriante, émue, lors de notre première rencontre dans la Tour des Parfums. Elle s’était entourée d’un nuage de « Bienséance », cette senteur créée par Dior quelques années plus tôt. J’avais été ensorcelé alors que je n’avais jamais pensé tromper ma femme. Et encore, l’ai-je vraiment trompé ? Nous ne sommes jamais allés au bout de nos pensées et de nos gestes et nous nous sommes séparés sans avoir goûté à l’indésirable. Je dépassai Arnold Macasse, un vieux grincheux qui toujours ne put m’accoster sans dire : « Bonjour cher ami, j’espère que cette fois vous ferez preuve de bon sens ! » Je ne sus jamais de quoi il parlait. Je le saluai d’un coup de chapeau, sans toutefois insister. Il ne répondit pas.

Ah, ma cousine Germaine, cette chère amie des premières années, qui m’initia aux premiers baisers. Sa bouche, charmante, avait un goût de fraise. Nous passions plus d’une heure, dans le froid du grand salon, à nous bécoter  et nous caresser. Je fis quelques pas avec elle, portant ma main sur son épaule. Elle en rosit un peu, se redressa, regarda autour d’elle et sourit comme si elle rencontrait une vieille connaissance. Interloqué, je lui dis que c’était moi. Mais elle n’entendit pas et replongea dans ses pensées. Ici, le cousin Sigismond, un peu snob en raison de son prénom, mais au demeurant brave et gentil. Il avait épousé une terreur qui hurlait dans l’appartement dès qu’il rentrait du travail. Il finit par ne plus rentrer. Elle hurla encore quelques jours, puis s’assagit. Elle se remaria avec un marchand de canon qui lui disait : « Si tu cries, je t’attache sur le champ de tir et procède aux réglages de la mire. » Elle se calma et ils vécurent quasiment heureux. Je passai devant Epitocle, mon vieux professeur de mathématiques. Que faisait-il là ? Je ne sais. Il m’avait initié à la prédiction par les mathématiques. Il m’était arrivé de passer trois jours enfermé dans ma chambre pour savoir s’il convenait de porter un parapluie ou une ombrelle. Depuis, la météo me donne le résultat sur Internet. Quel progrès !

J’arrivai à hauteur de la famille proche.  Judeline, ma fille devenue artiste, portait un sac transparent empli de pinceaux. Elle en parlait à une autre de mes filles : « Je les ai trouvé au vide-grenier à côté de chez moi. Ils sont bien un peu usés, mais tellement malléables. » Je poursuivis et arrivai à côté d’Adélaïde. Elle n’avait pas changé, portait toujours son sourire candide, sa mèche de cheveux lui tombant sur la joue. Vêtu de noir, elle semblait plus vive, attentive. Elle marchait sereinement, seule devant les autres, sans paraître incommodé par l’absence d’un soutien. Je la saluai au passage, émis un bruit de baiser comme nous avions l’habitude de le faire lorsque nous ne pouvions nous rapprocher. Elle me regarda, parut interloquée, mais j’étais déjà devant elle et ne vis pas comment elle prit la chose. Je poursuivis vers le corbillard, le touchai et d’un saut sans effort me glissai à l’intérieur. Le cercueil s’ouvrit. Je me couchai sur la soie bleu à fleurs jaunes, fermai les yeux et sombrai dans un sommeil sans fin.

Oui, c’est vrai, j’ai bien assisté à mes funérailles et j’y ai même participé.

13/06/2014

Vertu et politique

Certains mots vieillissent, comme les humains. On s’en sert sans y prendre garde, et puis, un jour, quelqu’un rit : de quoi parle-t-il ? Oui, vous êtes décalé, ce mot ne s’emploie plus, il est ringard. Ainsi en est-il de la vertu. Certes, l’expression de « femme de petite vertu » s’applique-t-elle toujours à certaines catégories de la gente féminine, mais comme ces catégories ont singulièrement augmentées ces dernières années en raison de la libération des mœurs, on ne l’utilise plus guère.
Du temps des romains, la vertu était synonyme de force. Elle désignait le courage physique ou moral, la force d’âme, la vaillance. Son origine est dérivée de vir qui donna viril et virilité. D’après Caius Marius : « La vertu est la clef de voûte de l'empire (romain), faisant de chaque seconde de la vie du citoyen, une préparation minutieuse aux dures réalités de la guerre, et de chaque bataille rien d'autre qu'un sanglant entrainement ».
La vertu s’est ensuite déclinée en vertus cardinales (le courage, la prudence, la tempérance et la justice), en vertus intellectuelles (la sagesse, la connaissance, l’humilité), en  vertus morales (la charité, la chasteté) ou même théologales (la foi, l’espérance et la charité). Mais ces déclinaisons nous semblent bien loin.
Les Romains étaient-ils aussi vertueux que nos politiques sont obstinés ? Les premiers flottaient dans leur image et montaient au plus haut des opinions, les seconds persistent et signent pour accumuler sièges et mandats. La vertu étant devenue un mot ringard, on lui cherche des équivalents. Celui qui semble le plus proche serait sans doute l’éthique. Ce mot fait plus sérieux, plus philosophique et moins moraliste. On en parle beaucoup, on la pratique peu. Elle est l’objet de débats et de colloques, mais sa pratique reste tiède. Pourquoi s’encombrer d’un moteur de quatre chevaux alors que la puissance se situe sans conteste du côté de la pratique des amitiés politiques. Pourtant la vertu politique, disait Robespierre, est un « sentiment sublime qui suppose la préférence de l'intérêt public à tous les intérêts particuliers ; d'où il résulte que l'amour de la patrie suppose encore ou produit toutes les vertus : car sont-elles autre chose que la force de l'âme qui rend capable de ces sacrifices ? Et comment l'esclave de l'avarice et de l'ambition pourrait-il immoler son idole à la patrie ? ».
Au siècle précédent la vertu restait à l’honneur, mais de manière plus personnelle. Elle désignait une personne propre et devenait synonyme d’austérité. Les grandes figures morales devenaient  des hommes ou des femmes à principes, pratiquant la chasteté, la fidélité, l’honnêteté. Mais ces façades cachaient beaucoup d’hypocrisies.
La vertu existe-t-elle encore ? Oui, certes. L’utilisation de la locution en vertu de reste un pied de nez littéraire, une culbute des artistes de la parole comme des hommes de loi. Et lorsqu’elle est employée dans la formule magique en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, on atteint le fond de l’hypocrisie politique. Cependant, la vertu républicaine est remise à la mode, mais une mode fantoche.
Le mot vieilli. Et pourtant, n’est-elle pas belle cette qualification de vertueux ? Elle me fait penser immanquablement à la personne qui s’enduit de crème transparente pour errer dans le monde et se glisser entre les colères et autres luttes sociales, au-dessus du lot et des foules.
Aussi, je m’interroge : quelle est ma vertu première ? Je n’ai pas encore trouvé.

12/06/2014

Une morte gisant dans la mousse

Une morte gisant dans la mousse des arbres
Comme un corbeau aux branches des palétuviers
Elle rit de ses ongles de chair, le marbre
De ses rides s’écrase sur ce noir ouvrier

Les oiseaux, une pie, ricanent de leur langage envieux
Et s’amusent à lui picorer ses dents recroquevillées
Le silence voile l’épais tremblement de chaleur
Qui s’allonge bruyamment sur ses flancs agenouillés

Un soleil rouge écarte ses doigts enflammés
Et sourit aux crevasses de l’écorce noircie par ses regards
Seul un insecte aux yeux verts comme des soucoupes fumées
Allonge ses pattes velues pour y prendre sa part

Et, pendant ce temps, elle rit de ses lèvres claires
Comme la chair des citrons sous la lune
Ses cheveux alourdis volent au vent de la colère
Et s’éparpillent en procession sur les dunes

L’air est sale et mauve et a le goût
De l’aurore aux antilopes sans sommeil
Qui glissent leur tête suspendue à mille cous
A la cadence des pendules aux poils vermeils

© Loup Francart

11/06/2014

Joyau

C'est un objet de grande valeur. Vous le contemplez et vous vous voyez dedans, enfoui sous la pyramide, environné d'or, reposant sur les rubis. Quel rêve loufoque, mais qui certains jours résonnent dans votre tête jusqu'à vous obséder. Mais certains s'en détachent pour voguer aux sources de l'imagination, là où même la brillance ne joue plus son rôle !

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10/06/2014

L'intuition métaphysique

« Elle est une compréhension qui nous vient ; n’ayant pas d’origine, on ne peut la situer ni la relier à quelque condition antécédente dans une série de causes à effets. Elle apparaît comme ces visitations dont parlent les textes religieux. Si elle se trouvait déjà dans le mental, nous pourrions découvrir et analyser le processus de sa venue, mais elle échappe aux relations de la dualité dans laquelle nous effectuons nos recherches ; nous nous trouvons dans l’incapacité de la définir. Elle dépasse le cadre de l’état de veille dans lequel s’exercent nos facultés intellectuelles. De même qu’elle n’a pas son origine dans le « moi », ce n’est pas au « moi » que cette intuition vient. »

Swâmi Siddheswarânanda, L’intuition métaphysique, Dervy-Livres, 1976, p.29

  

Ce que le Swâmi Siddheswarânanda appelle « l’intuition métaphysique », d’autres la nomment souffle, grâce, esprit. Certains la dénomment inspiration ou génie.

Contemplant une pomme tombant de sa branche, Newton s’interroge : pourquoi la pomme tombe-t-elle toujours à la perpendiculaire du sol ? Il lui vient à l’esprit qu’il doit y avoir une force qui attire la pomme et il en déduit, par intuition qu’il existe une Force qui s’exerce, au-delà de la pomme et de la Terre, entre la Lune et la Terre, et les autres corps célestes. La théorie de la gravitation était née.

Cette intuition n’est pas réservée à quelques génies de l’espèce humaine. Chacun d’entre nous a un jour, comme par magie, fait l’expérience de ce plus que le moi qui nous fait comprendre ou accomplir ce que nous étions loin de pouvoir faire par nous-mêmes. Mais personne n’est capable de dire comment cette intuition lui est arrivée. Elle était là, en un instant, alors que l’instant précédent elle n’était pas.

Inversement, celle-ci ne vient pas sans relation avec nos préoccupations. L’intuition est le fruit d’une longue réflexion et méditation sur un sujet particulier qui s’empare de l’esprit et ne le quitte plus. Râmakrichna disait : « La grâce est semblable à la brise qui souffle éternellement, nous n’avons qu’à déployer nos voiles ».

Disons que la grâce peut se manifester de deux manières : par la pensée ou l’intuition proprement dite, c’est-à-dire un déclic qui vous permet de comprendre subitement ce que l’on n’arrivait pas à saisir intellectuellement par notre simple raison ; par l’action, instant de grâce qui vous permet d’accomplir dans la plus parfaite harmonie ce que vous aviez du mal à faire en temps normal. Si vous êtes peintre, vient à un moment des gestes qui produisent des merveilles, si vous êtes musicien, vous vient sous les doigts de la mélodie, de l'harmonie et du contrepoint sans égales, si vous êtes sportif, vous accomplissez comme dans un rêve vos meilleures performances. Je me souviens d’un concours complet où après avoir franchi le premier obstacle, le reste du parcours, long de plus de cinq mille mètres, se passa dans un état second, entre une grande concentration et une sortie de moi-même qui me permit de sourire tout au long du parcours à la beauté de la vie. Descendu de cheval, je flottais sur le sol, sans connexion avec la réalité, dans un silence impressionnant, conscient d’avoir vécu un moment extraordinaire. J’étais libre et cette liberté m’ouvrait à la vraie vie.

C’est en ce sens que le Swami Siddheswarânanda ajoutait : « L’idée de non-liberté est l’unique obstacle à la liberté », ou encore que Râmana Maharshi affirmait : « Vous êtes déjà libre. Il vous reste à le savoir ».

Malgré mes efforts, je n’ai jamais trouvé comment reproduire cet état de grâce. Elle va et vient comme elle l’entend et nous ne pouvons qu’une chose, nous tenir prêts à l'accueillir en restant ouverts.

09/06/2014

Course

Je suis seul dans l’appartement. Vacances ou oppression ? Je ne saurai le dire, tout dépend du moment. Ce matin, vint le moment de se demander ce que je vais me faire à déjeuner. Un rapide coup d’œil dans le frigo met en évidence quelques biens appauvris, insuffisants ou inadaptés pour un repas. L’entrevue du placard à provision n’attire pas non plus l’appétit. J’en conviens, il est temps de faire quelques emplettes pour se sustenter. Je m’empare de la chariote (appellation ancienne et plus sympathique du chariot à provision), fais mentalement l’inventaire de ce que je désire acheter, prends mes clés, claque la porte, descends l’escalier et sors de l’immeuble.

Elle est légère, roule avec facilité, ne fait pas trop de bruit, bref ma compagne est docile, sauf lorsqu’il s’agit de franchir un trottoir. S’y prendre de face ou pas du tout ! J’arrive à la superette du coin et abandonne à son sort ma chariote quesociété,quotidien,vie,expérience je troque contre un engin à roulettes sur lequel on enfile des paniers en plastique. C’est pratique, mais quel étrange ballet que tous ces gens qui, après leurs achats et ayant récupéré leur chariot personnel, retirent les paniers, les entassent sur les autres et posent leur engin dans un coin prévu à cet effet. D’autres attendent presque pour le reprendre et y installer à nouveau des paniers. Je regarde cinq minutes cette étrange chorégraphie avec son rituel immuable, plus ou moins bien exécuté. Les jeunes filles le font en papotant, sans se soucier des difficultés. Les jeunes gens sont moins à l’aise, ils tâtonnent pour trouver les crochets où enfiler les encoches des paniers. Les veilles dames le font par habitude, mais le panier d’en bas est mal encastré sur l’engin. Les femmes sont généralement détachées, considérant cela comme un mauvais moment à passer, sans plus. Les hommes en costume (pas tous) qui passent avant de se rendre au travail pestent de devoir assembler leur véhicule avant de pouvoir s’en servir.

Ca y est, le portail est franchi, je suis dans le magasin. Quel désordre. Des caisses entre deux rangées de conserves, des paquets devant les victuailles, des hommes et des femmes au plastron rouge, couleur du magasin, s’activent pour entreposer les produits à renouveler. Oui, le patron a décidé de remplir ses étals à l’ouverture du magasin. Cela lui revient moins cher que de le faire au petit matin. Les engins mis à disposition des clients n’apprécient pas ce mélange des genres. Heurts permanents, non passage par telle allée, celle où justement je dois aller, carambolage d’amas de conserves mal équarries, la cohabitation est difficile. « Pardon Madame ». Elle tient le milieu de l’allée et l’on ne passe ni à droite, ni à gauche. On ne peut cependant passer au-dessus. Absorbée en contemplation d’une boite cartonnée surchargée de couleurs éclatantes, elle s’interroge vainement pour savoir si elle va l’acheter ou non. Je fais demi-tour plutôt que d’attendre. Oui, c’est vrai, les hommes, surtout en course (pas d’automobile, ni même à cheval), n’aiment pas attendre. Je finis par atteindre le fond du magasin, là où se trouvent les boissons (toujours au plus loin des caisses), lieu que l’on atteint alors que les paniers sont déjà pleins et que les bouteilles peinent à s’encastrer entre les paquets déjà accumulés. Je commence par-là, mais je dois pousser le poids des boissons pendant toute ma pérégrination dans les couloirs et impasses de l’établissement. Mon Dieu, où trouver le poivre en grains que je dois acheter depuis quinze jours ? J’erre dans les couloirs, cherche de haut en bas et de droite à gauche, change de rayon, parcours la moitié de la boutique, pour finalement demander à une charmante employée où il se trouve. Elle cherche trente secondes et m’envoie à l’autre bout. « Merci ». Je m’y dirige, à moitié convaincu de la véracité de ses dires. Mais oui, il est bien là trônant dans un rayon. Mais il n’est pas seul. Il y en a de toutes sortes et de tous emballages. Lequel choisir ? Bref, je prends le premier qui me tombe sous la main et me dirige vers les caisses.

Dernier acte : l’inventaire. Il faut du temps pour s’infiltrer entre les chariots bourrés de toutes sortes de choses. Je finis par m’installer derrière une ménagère au sourire avenant. Quel bonheur. Quelqu’un qui sourit et vous regarde avec gentillesse. Devant elle une autre femme dépose sur le comptoir roulant au caoutchouc mal en point ses victuailles. La caissière venue des îles ne regarde personne. Elle fait défiler les objets qui se présentent devant la glace de son enregistreur, bip…bip…bip… Elle fait défiler son tapis roulant pour alimenter ses mains dévoreuses jusqu’à plus soif. Elle appuie sur un bouton : Dringlllll… Elle empoche l’argent et recommence son manège avec la dame qui me précède. Ah ! Un produit n’est pas étiqueté. Que faire ? Elle sort de sous ses jambes un téléphone, appelle la direction qui détache un spécialiste en patins à roulettes dont la tâche principale est le déplacement rapide dans les allées encombrées. Il zigzague, saute un panier, demande pardon, pardon, pardon… et revient avec célérité : trois euros vingt. La caissière tape et reprend son manège.

Enfin, c’est à moi. Je déballe modestement mes quelques achats non encore payés sur le tapis roulant, passe devant la dame des îles et les récupère, plus lourd cette fois du prix affiché dans la machine. Je sors ma carte, celle qui paye sans que l’on ait besoin de billets. Il y a bien un numéro à taper, mais je le connais par cœur et cela ne me fait ni chaud ni froid. Ca y est. J’ai récupéré ma chariote, entassé mes boissons et victuailles, et franchi en vainqueur la porte de sortie, la tête haute, tirant sur la poignée de ma réserve personnelle comme un joueur de golf avec son attirail. Oui, je ne m’en suis pas mal sorti ! Mais je ne ferai pas cela tous les jours !

08/06/2014

Profusion ou confusion

Une telle profusion, un jour à la nuit pure
Le vol des corbeaux s’en est allé, remplacé
Par celui des idées folles d’un jour d’été
Emprisonnant le temps ailé dans sa pliure

Seule l’eau coule encore au milieu du front
Le cyclope ouvre un œil béant et inquiet
D’où provient donc ce trou fixe et replet
Qui expose vertement son origine sans fond

L’air surchargé de lourdeur et de parfum abusif
S’envole en volutes gracieuses et vertes
Qui montent sans fatigue proclamer l’alerte
Attrapant au passage le turban du calife

Lumière et ombre, immobilisme et chute
D’un inconnu enfoui entre deux feuilles
En charge dernièrement d’organiser l’accueil
De l’éternité béante en pleine culbute

La pureté retrouve sa verte origine
Les reflets dansant la sarabande sur le feuillage
Ensorcellent notre entendement sans âge
L’âme s’ouvre, dévoilant le yang et le yin

© Loup Francart

07/06/2014

Calligraphie et soufisme

En prolongement de la réflexion sur le Sheikh al-‘Arabî ad-Darqâwî, ouvrons les yeux et les oreilles à l’art soufi qui n’est pas seulement celui de derviches tourneurs.

 https://www.youtube.com/watch?v=V2Z2w081Ga8&list=RDV2Z2w081Ga8#t=504

La calligraphie fait de l’écriture arabe un art. Elle englobe le plus souvent un mot ou une phrase du Coran, à la différence de la calligraphie européenne du Moyen-Age qui s’exerce sur la première lettre et est enluminée. « L’écriture arabe a beaucoup évolué au cours de son histoire, prenant des formes variées suivant les supports et les usages. À partir de l’écriture arabe, les calligraphes ont été amenés à créer, selon les époques et les lieux, un certain nombre de styles. L’art de la calligraphie arabe a évolué vers deux formes maîtresses : le Koufique (rigide et anguleux) et le Naskhi (cursif, souple et arrondi). Ces deux styles de base ont engendré une multitude d’autres calligraphies. » (From : http://www.firdaous.com/0013-la-calligraphie-arabe-et-isl...)

Comme les musulmans refusent toute représentation de Dieu, leur art est abstrait. La beauté tient à sa géométrie et celle-ci s’inspire des formes naturelles stylisées (fleurs, feuilles, tiges, etc.) sans toutefois chercher à copier la création.

La calligraphie arabe se caractérise soit par l’élégance de ses courbes qui se complètent, s’entrecroisent, se déploient en parallèles ou par ses droites également parallèles, dressées vers le ciel ou nageant à l’horizontal. Le tout est complété par des points, le plus souvent carrés. La forme générale du dessin est toujours finie. Elle peut être ronde, ovale, parfois représenter un objet, un animal. C’est un tout en soi, qui s’ouvre sur une autre compréhension, difficile à définir, une ouverture.

La musique est fondée sur des modes ou maqâm, structure modale, sans hauteur absolue universelle. Chaque mode détermine un style mélodique, une atmosphère, induits par les intervalles, la marche mélodico-rythmique, les ornements, les formules et les cadences. Le maqâm permet l’improvisation, le chant épique ou spirituel lié étroitement au texte.

La psalmodie, quant à elle, établit le lien entre l’oral et l’écrit, entre le chant et la calligraphie.

06/06/2014

Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, film de Felix Herngren

Allan Karlson a aujourd’hui cent ans. Tout est prêt pour fêter cet heureux événement. Mais il passe par la fenêtre et s’enfuit, les charentaises aux pieds. Il ne sait où aller, échoue à la gare routière et prend un billet pour une toute petite ville. Alors commence les aventures du vieux, insolites : des situations rocambolesques, des personnages truculents, des souvenirs impossibles dans le XXème siècle, jusqu’au jour de l’entrée dans la maison de retraite.

Allan avait un métier : artificier ou plutôt dynamiteur. Il fit ses premiers essais tout jeune. Après un certain nombre de péripéties, il en vint à conseiller Robert Oppenheimer sur la manière de provoquer l’explosion de l’uranium. Promu savant atomique, il conseille les grands de ce monde : Truman, Franco, Staline et d’autres. Ses aventures sont alors sans fin.

Mais est-ce un film si drôle que cela ? Aucun comique chez les personnages. Ils sont normaux, anormalement normaux dans leur genre, et pas désopilants. Chacun poursuit son idée sans en démordre. Seules les situations sont drôles. On rit bien sûr lors des accidents de voitures, des déconvenues du gang, des oublis du vieux.  Mais au final tout ceci est trop déjanté pour constituer une véritable histoire qui tient la route. Ce sont des explosions de situations qui n’ont pas de suite dans les idées et instaurent des destructions successives du récit sans réelle connivence avec le spectateur.

05/06/2014

Rudolf Hoflehner

Sculpteur, mais aussi peintre, graveur et lithographe, Hoflehner est né à Linz en 1916. Il fait sa première exposition de sculpture en 1951. En 1955 il entreprend un voyage en Grèce qui le marque profondément. Il sculpte alors des invocations de la mythologie grecque, tel Sisyphe, monumental (2,20m de haut). Ce sont des blocs de métal soudés, bruts, parcourus de sillons ou au contraire lisses, emboités les uns dans les autres, marqués d’une violence abrupte. Mythique, cette sculpture, grandiose, évoque les dieux grecs.

Hoflehner est un peu l’image d’un dieu herculéen, qui reproduit des sculptures pesantes, mais toujours debout, en verticale.  

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L’homme était costaud, mais fin. Il suffit de voir ses dessins de sculpture pour comprendre cette force de caractère mêlée à une extrême sensibilité. 

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 Ces dernières sculptures, vers 1964, sont plus fines, presqu’aériennes, empreintes d’apesanteur. Mort en 1995, cet artiste mérite qu’on lui consacre un juste hommage.

 Hoflehner6.jpg.jpg

04/06/2014

Elégance

Simplicité et grâce
Deux signes qui ne trompent pas
Et quand on pense élégance
On rêve élégante

L’élégant se distingue
Il dispose de vêtements
Et s’entoure de colifichets

L’élégante respire
Et son souffle vous enchante

L’un est un habillage
L’autre la vie même
Et cette manifestation légère
Ouvre à l’invisible

La grâce étend son ombre
Et découvre des paysages
Irréels et délicats
Un battement de cils
Et tout est dit !

Ce clic silencieux pénètre
La couche rugueuse de l’apathie
Un sifflement de surprise
S’échappe de cette ouverture

Touché, vous vous éloignez
En titubant, les yeux retournés
Sur l’harmonie délicieuse
Entrée un instant dans votre vie

Vous partez ragaillardi
Marchant avec sérénité
Empli de beauté intérieure


Gonflé à l’hélium, insouciant
Vous poursuivez en lévitation

© Loup Francart

03/06/2014

Envie et espoir

L’envie, un besoin, un impératif très enfantin qui glisse vers l’adolescence et l’âge mûr jusqu’à encore émettre son clignotant dans les dernières années. « Oh, Maman, j’en ai tant envie ! » Et vous attendez ce jour de Noël avec une impatience extrême jusqu’au moment où vous l’avez. C’est bien dans la jeunesse que les envies sont les plus impérieuses. Adolescent, un cyclomoteur fut l’objet d’une folle expectative, avec ses rebondissements, ses pleurs et la joie de la possession.

Il y a trois types d’envie. Le plus simple et qui n’est nullement répréhensible est le désir d’avoir ou de faire quelque chose, que quelque chose arrive. C’est une convoitise qui vous prend à la gorge, qui obsède vos pensées, qui vous rend malade jusqu’à sa satisfaction. Ainsi en est-il de l’homme qui achète une voiture hors de prix et qui invite sa femme à faire un tour pour lui dévoiler sa merveille. Il en est de même de la femme qui a acheté une robe également hors de prix et qui invite son mari à l’admirer le soir après un bon diner bien arrosé. Seule la banque ne s’en remet pas.

Un deuxième type d’envie, plus ennuyeux à gérer, est le désir de ce qu’un autre possède. On entre alors dans la démesure. On est prêt à dépenser beaucoup plus que ce que nous mettrions normalement. Prêt à se presque ruiner pour montrer que l’on peut posséder la même chose, que l’on est aussi riche, aussi pourvu, bref mettre en avant l’orgueil, la vantardise et le satisfecit. Ce genre d’envie, une fois satisfait, ne vous donne plus cette tension raisonnée du corps et de l’esprit pour l’objet convoité. Vous l’avez, votre envie est passée… La vie continue.

Le troisième type d’envie est ce sentiment de frustration face au bonheur d'autrui et à ses avantages. C’est un désir qui ne peut être satisfait. Il vous fait mourir à petit feu. Vous tendez la main au travers des grilles d’une prison imaginaire, la paume vers le ciel sans attendre qu’il y tombe quelque chose. Vous le savez, mais ne pouvez vous en empêcher. Votre esprit se rapetisse, vous vivez dans une boite de sardine à rêver d’une vie hors de proportions avec vos compétences et à vos aspirations. Désir fréquent que celui de l’envieux de la vie de l’autre. C’est un moteur tyrannique qui a ses bons et mauvais côtés. Mieux vaut l’abandonner en chemin et partir à l’aventure sans savoir où l’on va.

Et pourtant, peut-on perdre toute envie ? Peut-on vivre sans désir ? C’est ce passage de l’envie à l’espoir qui marque le tournant d’une vie. L’espoir est sans envie. Il illumine le parcours sans jamais le contraindre. Il éclaire la pensée et l’action sans jamais y mêler le désir. C’est un guide qui conduit au bonheur que l’on n’atteint bien évidemment jamais totalement. Mais ces plumes caressantes du bonheur suffisent à combler une vie agitée. Trop, c’est trop !

02/06/2014

Homme

Il est. Est-il jeune ou dans la force de l’âge, irascible ou avenant ? Il est romantique et fait penser aux chanteurs des opéras de Wagner.

Une gravure composée après un opéra : ombre et clarté, visible et invisible, vérité et apparence. A ne contempler que sur Tannhäuser, même si l’enregistrement est un peu vieux :

 https://www.youtube.com/watch?v=SG05stAjO1Q

 

 © Loup Francart

01/06/2014

Un maître soufi, le sheikh al-‘Arabî ad-Darqâwî

« L’âme est une chose immense ; elle est le cosmos entier, puisqu’elle en est la copie. Tout ce qui est en lui, se retrouve en elle, et tout ce qui est en elle, est également en lui. De ce fait, celui qui la domine, le domine certainement, de même que celui qui est dominé par elle, est certainement dominé par le cosmos entier. »

Sheikh al-‘Arabî ad-Darqâwî

 

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Le Sheikh al-‘Arabî ad-Darqâwî vécut au Maroc et y mourut en 1823 à l’âge de 80 ans. Son enseignement peut se comparer à celui des vrais maîtres de tous les temps, par son contenu doctrinal autant que par sa spontanéité spirituelle. Il est essentiellement pratique et sa forme d’expression est simple et directe. Mais n’oublions pas qu’un maître soufi n’invente rien. S’il est une source spirituelle immédiate et originale, il ne fait que reprendre la tradition pour l’adapter au cas par cas. Il ne s’agit pas pour lui de préconiser un mode de vie, mais de recommander à chacun ce qui lui convient.

Maintenant écoutons bien : "l’âme est le cosmos entier.Tout ce qui est en lui, se retrouve en elle, et tout ce qui est en elle, est également en lui". Contempler les étoiles serait contempler son âme. Le monde invisible est en nous, à l’égal du monde visible extérieur que constitue le cosmos. Aussi le Sheikh ajoute : "De là je compris la parole prophétique : « Une heure de méditation est meilleure que soixante-dix ans de pratique religieuse. », étant donné que par une telle méditation, l’homme est transporté du monde créé au monde de la pureté, et l’on peut également dire, de la présence du créé à la présence du créateur".

La méditation permet de s’oublier soi-même et de s’ouvrir à la liberté du cosmos, au vide sidéral qui fait apparaître la présence de Dieu. N’est-il pas étonnant que la vision du satellite COBE montrant la naissance de l’univers soit considérer comme la vision du visage de Dieu ? Là où la première image de l’univers (ou dernière image de ce qui était avant le Big-Bang) apparaît, on entrevoit Dieu. Il en est de même dans l’âme : au-delà de nous-même, aux confins du connu et de l’inconnu, l’âme découvre la divinité.

Et le Sheikh de conclure : "Il est impossible qu’on voit notre Seigneur tout en voyant autre chose que Lui"

 

Un petit livre à lire et relire : Lettres d’un maître soufi, le Sheikh al-‘Arabî ad-Darqâwî, traduites de l’arabe par Titus Burckhardt, Edition Archè Milano, 1978.

31/05/2014

Equilibre

Vertu annoncée française, comme le cartésianisme
Souvent contredite par la réalité des faits
Elle soutient l’opinion et la conforte dans son arrogance.
Ne serait-ce pas de l’inertie dont parlent nos citoyens ?

Certes l’équilibre  des façades de nos châteaux altiers
Donnent un sens harmonieux aux apparences
La réalité n’est-elle pas toute autre, plus statique
Cet équilibre est fondé sur deux béquilles égales

Le véritable équilibre ne serait-il pas impression ?
Balance des sentiments, des émotions, des perceptions
L’équilibre de la terreur de l’égalité des cerveaux
Les poids seraient-ils la preuve de la même consistance ?

L’équilibre ne se trouve pas, il advient et s’impose !
Il est léger comme l’air au soleil, vapeur de bonheur
Un souffle et sa constance se brise, altérée
Il fuit la logique et le poids des mots recherchés

L’équilibre des pouvoirs contrebalance l’autorité
Est-ce une vertu française, un souhait non exprimé ?
Ici la vie est contraire à la parole, contradiction
Entre l’intégrité austère et l’amitié chaude

Aucune prédominance, pas de passe-droit
L’œil à l’horizon, la face non corrompue
Transpirant sous la bise de l’intégrité
Le citoyen ravive sa fureur révolutionnaire

Mais l’équilibre n’est-il pas harmonie ?
Comme deux sons emmêlés chers à l’oreille
Ils vont dans les chemins de la vie heureuse
Et se détendent sur l’herbe caressée de rires

Vraiment, quel avenir sans équilibre
De quel côté pencher : raison ou imagination ?
Le papillon noir s’élève dans l’azur
Il monte, vide, empli d’espoir, sans pensée

© Loup Francart

30/05/2014

Un dimanche après-midi après un déjeuner

Il vous arrive d’être invité à déjeuner un dimanche. L’épreuve n’est pas le déjeuner, mais les quelques heures qui le suivent. Instants d’indécision, de mal-être et d’ennui.

Vous rentrez chez vous, repu, trop, l’esprit lourd et brouillé, sans savoir pourquoi. Vous avez encore en tête le cercle des paroles échangées qui tournent autour de vous comme les hirondelles avant la pluie. Vous entendez le rire aigre d’une des convives, l’histoire égrillarde du maître de maison, la toux sèche d’une de vos voisines. Vous vous remémorez le goût du rôti saignant, mais pas trop, et de la salade qui l’accompagnait, verte et prolixe. Vous sentez encore les barreaux de la chaise de jardin qui vous entre dans le dos. Mais tout ceci s’efface dans une sorte de brouillard trouble comme un voile de gaze blanc faseillant sous le vent. Vous avez pris le volant sans l’allégresse habituelle et sans les images de détente d’un après-midi de farniente. Vous voici devant votre porte, ouvrant celle-ci après avoir cherché votre clef dans plusieurs poches. Vous entrez et… Qu’allez-vous faire ?

Rien. Non seulement vous n’avez envie de rien, mais rien ne vous attire. Et ce rien devient votre obsession. Rien de rien. Le jardin ? Il fait un peu chaud ! Et puis, quoi faire dans un jardin lorsqu’on a envie de rien ? Rien ! S’installer au salon pour lire un livre ? Mais lequel ? Depuis quelque temps, vous constatez une acédie pour la lecture. Chaque livre commencée ne signifie plus un bon moment d’oubli du monde, mais une lourdeur pénible qui vous fait fermer les paupières à la vitesse de l’éclair. Alors, vous ouvrez le piano, vous vous laissez aller à quelques accords, incertains, pauvres, qui vous cogne la tête et vous embrouillent les idées. A-t-on besoin de notes égrainées dans le désordre pour survivre à une après-midi de dimanche ? Votre double erre comme vous, avec le même manque d’entrain, assise sur le canapé, les yeux dans le vague, souriante, modeste, sans savoir quoi faire. Pour elle aussi, ce rien devient un tout, vide d’objet, vide de sensations, vide de sentiments. Si encore vos deux trous noirs se rejoignaient. Mais non, ce rien reste rien et non deux riens qui pourraient peut-être devenir quelque chose. Vous vous levez. Vous allez boire un verre d’eau à la cuisine pour vous sortir de ce marécage. Mais rien n’y fait. Vous ne ressentez rien. Quel ennui !

Alors vous prenez la décision qui s’impose. Vous montez tous les deux vers votre chambre, vous vous étendez sur votre lit en justifiant cela par la facilité de lecture d’une bande dessinée, seule littérature autorisée ces jours de tremblements du bonnet. Vous mettez quelque temps à trouver de quoi satisfaire votre impécuniosité. Ni à l’eau de rose, ni à l’action éperdue qui offre trop de contraste avec votre acédie. Vous trouvez Lefranc ou un autre héros tout aussi mobilisateur. Mais aujourd’hui cela ne marche pas. Rien n’y fait. Les aventures vous laissent de marbre, froid et lisse comme le dessus de la commode. Vous mélangez ce que vous lisez avec ce que vous avez entendu pendant le déjeuner. Tout cela s’embrouille dans votre tête qui pourtant ne veut pas encore se laisser aller complètement et s’endormir divinement. Vous reprenez le récit sans même savoir ce que vous avez déjà lu. Mais vos mains laissent tomber ce livre trop grand, trop encombrant. Vous vous tournez vers elle, vous la regardez, vous fermez les yeux involontairement, lui tendez la main pour une ultime caresse. Elle n’atteint pas son objectif et elle repose, inerte, sur le drap, rattrapée par le sommeil qui vous envahit.

Vingt minutes plus tard, vous émergez. Vous n’êtes pas éveillé comme chaque matin, en pleine forme à l’ouverture de paupières. Celles-ci ne vous ouvrent pas à la joie de vivre. Mais, progressivement, vous reprenez vos esprits, vous poussez quelques manettes, cherchez à entraîner les poulies de la compréhension. Cela met du temps. Peu à peu vous réalisez que ce dimanche vaut la peine d’être vécue. Vous vous levez, vous buvez un verre d’eau. L’éclair de la fraicheur dans votre bouche vous réveille complètement et vous êtes vif, prêt à entrer dans cette après-midi sacrée qui vous offre ce rien que vous allez transformer en création.