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08/05/2017

Piano Concerto in la mineur, Op.16 (1868), d’August Winding

https://www.youtube.com/watch?v=0fyFRKKDZbg


Inconnu et pourtant brillant et romantique, Auguste Winding est un pianiste et compositeur danois (1835 – 1899). Certes sa musique est conforme aux thèmes de l’époque et a des ressemblances avec celle de Beethoven (2ème mouvement : andantino). Mais est-ce une raison pour l’oublier ?

08/05/2016

Adagio du concerto pour Hautbois en Ré mineur, d’Alessandro Marcello -1684-1750)

https://www.youtube.com/watch?v=aYnU-CaH0bM

 

L’adagio (en 3 :00) est un long chant qui se déroule avec continuité, bercé par la cadence des violons. C’est un chant d’espoir devant la vie, un vol dans le vide de l’âme qui contemple, nue, la beauté d’un matin, la douceur d’un soir, le souffle chaud d’un jour d’été.

Et si vous en avez le courage, vous vous envolez par la fenêtre, abandonnant vos soucis et vos intérêts. Vous reviendrez vous poser plus tard.

 

https://www.youtube.com/watch?v=tjLoOmDddgk

 

Voici une version beaucoup plus romantique que l’interprétation précédente. Bien qu’un peu lente, elle a son charme lascif et endort l’esprit. Elle est sans doute plus intérieure et moins brillante.

Pourquoi ne pas écouter les deux, avec des sensations différentes. N’est-ce par le charme de la musique.

30/01/2016

Une prestation de l'Ensemble MultiPiano

https://www.youtube.com/watch?v=7OwQOb6bd1M


 

03/05/2015

Largo du Concerto pour violoncelle en si mineur de Vivaldi

https://www.youtube.com/watch?v=Lv0-JNkxJlw


 

Une seule note et toute l’ambiance du largo est déjà là, un si majestueux, qui résonne tout au long de la pièce et vous enchante. C’est un doux ronronnement de l’âme qui remue en vous des élans et des tressaillements que vous ne connaissiez pas. Et peu à peu vous êtes submergé d’une paix  bienheureuse qui vous fait oublier tout souci. L’âme vibre en résonance, calmée, dévêtue de toute pensée, nue et reposée.

Et pourtant, elle n’est pas inerte, elle cherche dans ses changements de ton d’autres sonorités, des ouvertures qui font apparaître d’autres mondes sans toutefois les dévoiler complètement. L’âme s’élève, espère, chante, soupire et se réjouit d’être ainsi baignée de lumière tamisée.

 

O Dieu, pourquoi m’as-tu donné une âme ?
Elle erre dans le silence de la vie
Et espère… Elle ne sait… La paix...
L’enlacement du divin entraperçu…

 

09/02/2014

Adagio du concerto pour clarinette et orchestre en la majeur KV 622 de Mozart, avec Michel Portal

http://www.youtube.com/watch?v=TOqg8H7Ynxk


Composé quelques mois avant sa mort, ce concerto est le seul écrit pour clarinette par Mozart. L’adagio et connu et souvent utilisé dans les musiques de film. Il est lent, calme, mélancolique avec une alternative régulière des parties d’orchestre et de clarinette.

Il est écrit à la manière d’une aria, c’est-à-dire sous la forme d’un lied (un thème A suivi d'un thème B, puis d'un retour au thème A) : ce type d'aria est aussi connu sous le nom d'aria da capo ou aria avec da capo, c'est-à-dire reprise du commencement. Il est introduit par la clarinette qui joue le thème principal, repris ensuite par l’orchestre.

C’est un thème simple, une première phrase avec une montée en majeur et une demi-descente dans un rythme lent, expressif, charmeur. Puis une deuxième montée jusqu’à l’octave, sur le même thème et le même rythme. Enfin, une alternance de quarte et quinte en descente et une conclusion à la tierce finissant sur la note de départ. Le thème est ensuite repris par l’orchestre dans la même simplicité. La clarinette reprend alors la partie solo pour développer le thème dans le même rythme lent, mais avec des variantes descendante et finissant sur la même conclusion. Puis le thème se développe entre le soliste et l’orchestre, toujours dans la même simplicité tranquille avec reprise du thème de départ comme le rappel d’une quiétude permanente troublée modestement par quelques montées émotives de la clarinette.

Le film Amadeus de Milos Forman a fait beaucoup de mal à l'image de Mozart. Dans l’esprit de beaucoup de gens, il ne fut qu’un voyou doté de génie musical, avec une vie émotive indisciplinée. Comment une telle personne, proche d’une folie certaine, pourrait avoir composé une musique aussi sensible et équilibrée que celle-ci ? De la même manière, comment imaginer que c'est Michel Portal, musicien de jazz, aux couacs retentissants et obscènes pour le classique, qui joue avec brio cette aria, enchantant nos sens et réveillant en nous le meilleur. La musique parle mieux de ce que nous ne connaissons pas que l'analyse sociologique, culturelle ou psychologique.

 

13/06/2012

Concerto n°1 pour violon et orchestre de Philippe Glass, 2ème mouvement

http://www.youtube.com/watch?v=LFf6p6actPo&feature=relmfu

Début difficile, de quels sons parle-t-on ? Ils sont à peine audibles et ressemblent à ceux d’une machine. Puis monte une litanie  de cinq notes descendantes, cinq notes de la gamme tout ce qu’il y a de plus simple. Enfin, le violon intervient avec un chant plus pur, toujours aussi simple, minimaliste comme le disent les critiques musicaux. Et progressivement vous entrez dans la musique et vous laissez bercer par ce chant accompagné de la litanie. Vous flottez, vous partez vers d’autres cieux, vous quittez cette terre pour entrer dans le royaume de l’impersonnel et vous sentez chez vous.

4mn 50 : le chant s’amplifie, devient berceuse de l’âme, tout entier caresse, creusant un grand trou dans vos pensées habituelles, jusqu’à les faire oublier. Et vous errez en pensée dans cet univers sans même savoir où vous êtes. Et pourtant, que vous y êtes bien !

 

Philippe Glass est américain. Il est né en 1937 à Baltimore. Un temps intéressé par la musique dodécaphoniste, il devint un des pionniers de la musique minimaliste répétitive. Il a enfin évolué vers une musique très classique, se basant sur l’harmonie et le contrepoint. Il a également fait des études de mathématiques et de philosophie, ce qui explique sa conception personnelle de la musique. Inclassable réellement, c’est ce qui fait sa force.

Ce concerto pour violon fut écrit en mémoire de son père. « Ses œuvres favorites étaient des concertos pour violon et j'ai grandi en écoutant les concertos pour Violon de Mendelssohn, de Paganini, de Brahms. (...) Ainsi, quand j'ai décidé d'écrire un concerto, j'ai voulu en faire un que mon père aurait aimé. »

Oui, c’est un grand compositeur. Mais le connaît-on en France ?

 

26/03/2011

Concerto pour deux trompettes et orchestre à cordes d'Antonio Vivaldi

 

C’est le concerto de l’amour et de la joie. Deux sources qui coulent côte à côte dans la nuit pour se jeter dans la même mer d’ivresse. Les jeux des deux instruments s’enlacent et se dénouent comme une guirlande de fleurs entrelacées, puis se complètent dans une harmonie définitive.

 

Ecoutez :

http://www.youtube.com/watch?v=V8MLVuggshM&feature=related

Bien que l’orchestre soit un peu faible, c’est une bonne interprétation de la part des deux trompettistes.

http://www.youtube.com/watch?v=ONbAgllbzo0&feature=re...

Un rythme soutenu, des trompettes éclatantes (avec quelques couacs), une interprétation un peu pompière et appuyée.

http://www.youtube.com/watch?v=MKCQDVy9Cpk&feature=re...

Un orchestre assez brillant, et une bonne interprétation des trompettistes, mais un tempo un peu lent.

http://www.youtube.com/watch?v=9ZVKInM7es0&feature=re...

Interprétation nuancée et élancée qui crée une harmonie entre les trompettes et l’orchestre.

http://www.youtube.com/watch?v=QsIGCVdjNKM&feature=re...

Un certain manque de rythme, mais inversement une harmonie entre les deux trompettes. L’orchestre se contente d’accompagner sans faire ressortir sa personnalité, ce qui voile quelque peu le dialogue entre les deux instruments solo et les cordes.

 

 

Premier mouvement :

C’est la découverte de l’amour dans la vie. Il s’éveille et est annoncé par la première phrase des deux trompettes. Je suis là, je suis l’amour éternel et pur. L’orchestre décrit la joie du monde et son harmonie avec notre sensibilité. Le jeu des trompettes se sépare dans la même phrase, puis s’enlacent à nouveau, l’accord des deux solos se fait dans le temps par une fugue au contrepoint serré. L’orchestre alors accompagne leur duo dans la même ivresse et partage tour à tour leur verve et leur réflexion.

 

Deuxième mouvement :

Après une introduction de l’orchestre poignante dans les forte, mélancolique dans la reprise de la mélodie des forte en pianissimo à la conclusion délicate et rêveuse à laquelle le clavecin donne une ambiance romantique, les trompettes éclatent et mettent l’amour face à face dans la violence et l’extase. Après l’ivresse monte un chant dans la nuit, plein de pureté et d’union à deux, tendre, pur, partagé dans la plénitude retrouvée. L’harmonie est complète, c’est la béatitude et la pleine connaissance de l’âme et du corps dans le repos. L’auditeur sent monter en lui la joie qui éclate et l’empoigne toute entière.

 

Vivaldi, auteur pratiquement ignoré après sa mort et qui est redécouvert entre les deux guerres mondiales, est le créateur de l’art du concerto classique tel qu’on le connaît aujourd’hui. Virtuose du violon, il s’appuie sur ceux-ci pour donner du corps à sa musique et, dans le même temps, une légèreté inimitable. Il se laisse parfois aller à une pétulance gratuite, à tel point qu’Igor Stravinsky aurait dit qu’il n’a pas composé cinq cents concertos, mais cinq cents fois le même concerto. Admirons ici la place tenue par les trompettes, tantôt en solistes face à l’orchestre, tantôt en concertistes entre elles et passant de l’une des formes à l’autres avec aisance pour procurer un sentiment de plénitude et de brillance qu’il est seul à atteindre de cette manière.

En effet, sa musique est vive et enjouée ou sereine et mélancolique. Elle laisse un vide en soi lorsqu’elle s’achève, mais jamais non plus n’est dématérialisée. Elle ne rompt jamais avec l’expression de la vie pleine et entière et s’appuie sur des sensations palpables, issues d’une connaissance intime de la nature, qui font vibrer le corps avant d’imprégner l’esprit et l’ouvrir à la joie.

 

 

12/03/2011

Concerto pour violon et orchestre « A la mémoire d’un ange », d’Alban Berg

 

http://www.ina.fr/art-et-culture/musique/video/PHF0700941...
http://www.ina.fr/audio/PHF07009199/alban-berg-concerto-p...

 

Ce concerto emprunte à la fois à la musique tonale et à la musique sérielle. Alban Berg était élève d’Arnold Schoenberg, l’inventeur du dodécaphonisme, nouvelle technique de composition musicale fondée sur les douze notes de la gamme chromatique, mais auquel il donne une égale importance ou, pour le dire autrement, aucune ne sert de tonique ou de finale. De plus, aucune note n’est répétée dans l’audition de la série. Certains ont également appelé cette forme musicale l’atonalité. Cependant, afin de créer des variations dans l’énoncé de la série musicale, celle-ci peut être exploitée de différentes manières :

. Dans sa forme originelle, également appelée forme droite ;

. De manière rétrograde, c’est-à-dire en reprenant la série de la dernière note à la première ;

. En renversement, série dans laquelle tous les intervalles descendants deviennent ascendants et vice versa, aussi appelée forme miroir ;

. En rétrograde du renversement.

Ces quatre formes peuvent se transposer sur les douze degrés de la gamme chromatique, ce qui procure 48 séries (4x12) utilisables dans une même structure originelle.

Dans le concerto pour violon et orchestre d’Alban Berg, c’est une série de douze notes alternant des accords mineurs et majeurs et finissant par une gamme par tons dont les quatre notes correspondent à un choral de Bach. La série des neuf premières notes est donc construite d’accords de Sol mineur, Ré majeur, La mineur et Mi majeur, avec les accords de septième qu’elle contient.

 musique,concerto,dodécaphonisme,atonalité

La construction architecturale de concerto est encore plus intéressante : l’innovation du concerto en deux mouvements est motivée par une remarquable finesse psychologique et non par le désir de paraître original. De par sa dédicace, « A la mémoire d’un ange », cette œuvre se devait d’être plus ou moins descriptive. Mais au lieu du récit musical, Berg entend dégager le portrait spirituel de la jeune Manon Gropius qui mourut en 1935 des suites d’une paralysie de la colonne vertébrale provoquée par une poliomyélite. Ainsi le concerto est une sorte de requiem donnant l’essence de l’âme de la jeune fille telle qu’elle lui apparut dans sa vie comme dans sa mort.

Le Concerto est en fait une symphonie en quatre mouvements, divisée en deux parties, et les mouvements se suivent dans un ordre très informel : andante -- allegretto -- allegro -- adagio. Chaque partie a son unité expressive introduisant le contraste qui peut exister entre la vie et la mort.

 

Après une série d’arpèges énonçant la série dodécaphonique, d’abord sur le violon, puis accompagnés par l’orchestre, apparaît un rythme funèbre très bref évoquant la "marche funèbre" de Chopin, avant de revenir à l’énoncé formel, pour peu de temps, de la musique sérielle. En réalité, l’intérêt de ce concerto tient à son entremêlement des deux styles de musique, sériel et tonal. La musique est tendre, évocatrice du caractère de Manon que l’on devine en demi-teinte, avec parfois des moments de gaité, ceux d’une jeune fille qui rit de la vie pour ensuite revenir au sérieux des adolescents qui savent qu’ils ne vivront que peu de temps. C’est à un voyage dans sa pensée, ses sentiments que nous convie le violon en opposition ou en accompagnement de l’orchestre. On y distingue des moments de cafard, d’autres de souvenirs ou de rêveries, toujours dans une sérénité profonde malgré l’angoisse de la maladie. Parfois l’on distingue l’espièglerie de Manon, d’autres fois sa révolte. Cette première partie est une peinture des sentiments, assez exceptionnelle de simplicité et d’élévation.

La seconde partie est plus tragique, plus annonciatrice de l’inéluctable, comme un vent de fureur effaçant la paix de la première partie. On remarque cependant des moments de quiétude, mais sans sérénité, comme des instants de reprise du souffle avant de se laisser réinvestir par l’inévitable. Dans cette deuxième partie, l’orchestre apporte l’atmosphère trouble de l’emprise extérieure sur la réalité intérieure de Manon. Il se déchaîne parfois avec les percussions, comme un grand coup de tonnerre. Puis il se fait tendre, en écho du violon. Et l’on se rapproche lentement de la fin, dans une lente montée entrecoupée de respirations, avec plus de cuivres pour en mettre en évidence le côté tragique. Parfois le rêve revient, lente conjuration contre l’instant fatal, comme un souvenir du passé et une invitation à un autre avenir, différent, inconnu. Après un tendre solo de violon, ultime pensée de la jeune fille, le dernier souffle se prolonge sur une seule note jusqu’à l’épuisement.

 

 

15/02/2011

Adagio du Concerto n°5 pour piano et orchestre, en mi bémol majeur, de L. von Beethoven

http://www.youtube.com/watch?v=vr2AKxf8m14 : Van Cliburn et Leonard Bernstein, New York Philharmonic & Rudolf Serkin - Concerto No. 5 in E-Flat Major for Piano and Orchestra, Op. 73 "Emperor": II. Adagio un poco mosso

Oui, c'est un vieil enregistrement, mais combien émouvant et beau par la simplicité de l'interprétation de Van Cliburn et de Léonard Bernstein et ses nuances subtiles, imperceptibles, qui en font un chef d'œuvre.

http://www.youtube.com/watch?v=419h93TiCFg&feature=related Glenn Gould – Piano Concerto No. 5 in E-Flat Major, Op. 73 "Emperor": II. Adagio un poco Mosso

Glenn Gould, c'est Glenn Gould, le passionné, l'interprète exceptionnel de Bach. Il est plus fade ici, moins à l’aise dans un jeu trop romantique pour lui.

http://www.youtube.com/watch?v=TSf246tdR_g&feature=related  Valentina Lisitsa– Piano Concerto No. 5 in E-Flat Major, Op. 73 "Emperor": II. Adagio un poco Mosso

Valentina Lisitsa est plus proche de l’interprétation de van Cliburn que de celle de Glenn Gould. Mais l’introduction par l’orchestre est trop rapide, trop légère pour permettre d’entrer dans le mystère des premières notes du piano. Le jeu de Valentina Lisitsa n’a pas la conviction émotive de chacune des notes de Cliburn. C’est bien interprété, mais plus plat.

 

 

L’Adagio du Concerto n°5 pour piano et orchestre, en mi bémol majeur, de  Beethoven, comme les sons graves et mélodieux de l’orgue qui endorment peu à peu la perception extérieure du fidèle et l’élèvent vers une idée plus haute de Dieu, débute dans un recueillement  religieux, aiguisé et mis à vif par le rythme irrégulier des cordes des violoncelles qui pénètrent l’émotion de plus en plus intensément , comme à la descente folle et majestueuse par un cortège sacré des marches d’un parvis vers la foule qui attend toute entière tendue vers ce mouvement rythmé par ses arrêts entre des séries de marches incontrôlables dans leur symétrie.

Le chant s’imprègne alors d’une adoration plus subtile, d’une émotion soulevée plus haute comme le bateau pris dans la tempête qui s’élève dans une altitude insolite vers le sommet de la vague pour redescendre plus vite de façon à reprendre aussitôt son mouvement ascendant. Les deux brefs silences qui entrecoupent chacun de ces points hauts de notre émotion pour ensuite la porter à sa plénitude dans l’achèvement de la phrase, semblent en fait deux notes dans le silence de l’âme, deux notes qui produisent la même émotion physique que celle que produit un arrêt, ne serait-ce que d’un temps imperceptible à notre cerveau, des battements habituels du cœur (et c’est justement parce qu’il y a un arrêt imperceptible que nous goutons toute la saveur inconnue jusque là d’avoir un cœur qui bat). Le début de la phrase est alors repris avec la même intensité comme pour nous faire retrouver plus profondément le goût que nous avons éprouvé à entendre son déroulement découpé à vif par les silences, puis est à nouveau disloquée par deux arrêts entre les trois dernières notes déjà entendues de façon à bien en pénétrer la signification d’une manière à la fois plus simple et plus vraie que la première fois et à introduire la fin du chant, mystérieusement ciselée et dentelée comme des gouttes d’or qui aurait été coulées directement dans l’eau gazeuse, empruntes de la gravité et de la majesté des premiers violons et isolées par la pureté et la piété des seconds violons qui sont comme ces gouttes d’or qui tomberaient dans l’eau gazeuse  d’une verre en cristal avec la lenteur que donne la pénétration des objets dans l’eau au moment où ils rebondissent sur le fond si délicatement que seule la perception de l’onde pourrait nous la faire resentir.

Alors éclate joyeusement, seule, unique, la première note du piano comme si ces gouttes d’or qui tombent dans le verre avaient heurté légèrement le rebord où l’on pose ses lèvres et descendent ensuite en jouant avec les bulles de gaz qui la feraient remonter et toucher par moment la paroi de cristal. Et pour renouveler le périple de notre émotion, pour bien nous en pénétrer, une nouvelle note tombe en suivant le même parcours, mais quelques tons plus bas comme si la première avait alourdi la clarté du son que produit le cristal. Le piano alors brode en montant lentement et irrégulièrement de la note grave sur laquelle finissait le périple de la première note, vers la droite du clavier comme un danseur qui, par ses entrechats ne semble pas avancer et qui pourtant parcourt toute la scène pour ensuite revenir, sans donner l’impression de changer l’espace de l’air dans lequel il évolue, à son point de départ, et l’orchestre accompagne la main gauche du pianiste dans cette montée de notes essentielles pour laisser redescendre seule la droite dans le même mouvement qu’elle l’avait fait précédemment en finissant sur une trille. Cette trille comme pour donner un tremblement léger à l’émotion qui va suivre et peut-être pour voiler aussi son mouvement, annonce la reprise de quelques mesures du thème de l’introduction sur un ton moins religieux, mais plus voilé, plus discret, plus enfoncé dans les profondeurs de notre esprit où s’écoule encore le souvenir de l’introduction et qui en ravive avec douceur le feu à la manière du tisonnier qui ravive l’éclat des cendres dans l’obscurité. Le piano pour répondre à cette invitation des violons vers le souvenir des premiers instants reprend lui aussi le thème des premières notes, mais également transposé dans un ton plus bas et plus discret.

Un jeu lointain des cors, sur trois notes, qui semble un appel à la réflexion après la limpidité et la fraicheur du détachement des notes du piano et la reprise, qui paraît plus mordante et plus saccadée encore qu’elle ne l’est en raison justement des trois notes immatérielles que jouent les cors de la suite du thème du piano, tout ceci renouvelé une deuxième fois, mais la première note des cors reprenant la dernière des trois qu’ils avaient jouées auparavant et repris une troisième fois par l’orchestre, annoncent le forte du pianiste. Celui-ci remonte et redescend les touches, pour remonter ensuite, mais d’une ampleur moindre et à nouveau encore, comme le fait le jeu des vagues sur la plage, quand, regardant le feston mousseux du bord de la vague, on perçoit nettement ce va-et-vient continu dans son rythme et discontinu dans son ampleur, une plus forte vague venant en un mouvement inattendu et plus gracieux que les autres, recouvrir les traces laissées par le recul des vagues précédentes.

Dans un crescendo de la puissance des notes et de la hauteur de l’une par rapport à l’autre, le piano, ayant recours aux trilles qui, en changeant notre impression, ravivent notre émotion en la matérialisant complètement dans son tremblement léger du corps et de l’esprit que donne l’attente pure, annonce une nouvelle période, une nouvelle phase du recueillement de l’esprit avec une nouvelle mélodie qui pourtant nous paraît familière, car elle contient ces trois notes déjà entendues dans l’introduction, bien mises à nu par les silences et dans le jeu des cors par deux fois et repris par l’orchestre. Ce sont ces trois notes si simples par leur ascendance d’un ton, mais si émouvantes par leur détachement dans l’ensemble de la musique, qui entretiennent en nous le renouvellement du souvenir du thème, inconsciemment car elles ne font justement pas parti intégrante de la mélodie, de la même manière que le mouvement en volutes des nuages et leurs ombres sur la terre un jour d’été nous rappellent en un instant la tristesse d’un automne sans soleil. Cette nouvelle mélodie, brodée de festons de lumière indolents et fragiles, est d’abord exprimée par la voix pure du piano en un jeu très simple, mais orné par moment de fioritures graciles et rythmées par les cordes des violons qui soutiennent la mélodie en la reprenant, puis elle est reprise par les violons et accompagnée au piano sans que l’on sache exactement à quel moment le piano change son rôle comme ces petites filles qui jouant à la ronde passent du milieu de la ronde, isolées et immobiles, à un cercle virtuel tracé par le mouvement circulaire des autres.

 

Dans un recueillement plus sensible et plus véridique du fidèle recueilli dans une petite chapelle dépourvue de tout ornement, quand déjà le jour fait place à ce dilemme entre l’ombre et la lumière, l’œil ne percevant plus très bien où commence la lumière et où l’ombre se termine, l’adagio s’achève par la reprise du thème de l’introduction, rythmé, bercé, psalmodié par un enjambement successif de deux notes du piano qui paraissent si semblables dans leur rythme et ne sont jamais les mêmes dans leur son.