Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/08/2014

Voyage difficile

Un train est un lieu où la vie privée des gens s’étale au grand jour. Cette vie est le plus souvent normale et on ne la remarque pas. On relève de ci de là quelques petites anomalies, telles ce Monsieur qui discrètement se cure le nez ou cette dame dont la chair déborde du fauteuil, obligeant chaque passager empruntant le couloir à se contorsionner avec douceur. On observe parfois un couple qui, contre toute attente, est assis dans une intimité qui aurait dérangé la plupart des gens il y a encore quelques années. Mais comme dans les trains tout le monde fait comme chez soi, cela importe peu.

Les petits enfants prennent possession d’un train et ont beaucoup de mal à prendre conscience qu’ils ne sont pas seuls sur ce terrain de jeu. Les parents (de ces enfants) ont également beaucoup de mal à comprendre qu’ils sont responsables de la conduite de leur enfant et que leur liberté de faire ce que l’on veut est limitée par la liberté des autres. Les enfants ont une autre caractéristique. Ils ne savent pas parler, ils crient. Pas tous, mais un certain nombre, ceux à qui l’on n’a jamais dit de parler doucement. Il appartient aux parents de leur apprendre que leurs propos n’intéressent pas forcément l’ensemble de la population d’une voiture de chemin de fer. Enfin, il est évident que les enfants tâtent le terrain pour savoir jusqu’où ils peuvent aller. Un voyage se déroule donc sur plusieurs épisodes.

Une entrée dans la voiture peut être bruyante, mais avouons qu’elle est généralement calme. L’enfant (petit) est intimidé et tient sagement la main d’un de ses parents. Ceux-ci l’installent et s’assoient autour de lui. Il est le roi, mais on ne le montre pas. Il prend son pouce, loge sa tête entre les seins de la mère et accepte de faire semblant de dormir pendant un certain laps de temps, généralement court. Les parents devisent à voix basse d’affaires importantes (Où as-tu mis son doudou ? Il va s’endormir ! Etc…). Tout semble pour le mieux dans le meilleur des mondes. Sauf que l’enfant n’a pas vraiment envie de dormir. Les yeux ouverts, il observe son environnement et son entourage. Il commence à faire quelques remarques : « Dis Papa, tu as vu, le monsieur, il a un gros ventre ! » ou encore : « Pourquoi la dame elle a un chapeau. Il pleut pas dans le wagon ! » Ces questions ne dérange pas le père qui lui raconte quelque chose dans l’oreille du style : « C’est parce qu’il mange trop ou c’est parce qu’elle n’a plus de cheveux au-dessous. » Aussitôt l’enfant reprend : Ah bon, qu’est-ce qu’il mange ? » Nouveau conciliabule, mais cette fois-ci le père a l’air gêné. Ce qui n’empêche pas l’enfant de reprendre : « Parle plus fort, j’entends rien ! ». La mère dit alors au père : « Emmène-le aux toilettes. » Le père, trop heureux de ce divertissement, se lève. Les femmes ont souvent l’art de modifier l’attention par une remarque ou une demande plus générale empêchant la conversation de s’appesantir sur des paroles un peu lourdes. Ce n’est pas forcément une remarque d’intérêt culturel du style : « Il y a une nouvelle exposition à la galerie Tartepeintre. Tu sais, l’artiste qui assemble des épingles et fait des sculptures piquantes ! » Non, généralement, lorsque la famille déjeune, c’est plutôt : « Qui reprend de ces délicieuses nouilles au beurre ? » Mais cette petite demande a l’avantage de détourner la conversation sur du plus concret ou du moins gênant.

Cette promenade au bout de la voiture est cependant un calvaire pour le père et une détente pour l’enfant. On passe au deuxième épisode. Il fait connaissance avec l’assemblée, regardant un peu partout, échappant à la main paternelle, courant dans l’allée centrale et bousculant ceux qui ont le malheur d’avoir qui un coude débordant du fauteuil (après son passage le monsieur se masse le coude longuement), qui un pied malencontreusement pas dans l’axe du corps (là c’est l’enfant qui manque de s’étaler, ce qui contraint la personne à lui faire un sourire et à s’excuser auprès du père), qui encore le fil de la souris de son ordinateur qui pendouille à l’extérieur et dans lequel l’enfant se prend les pieds (l’ordinateur est rattrapé de justesse par son propriétaire). Tout ceci se passe sur un ton badin dans la plus parfaite correction, même si les parents n’ont qu’un sourire à l’égard des personnes dérangées sans aucun mot d’excuse. C’est normal, semblent-t-ils dire. Quelle idée de s’étaler sur l’allée centrale !

Troisième épisode : retour à la place attitrée. On aurait bien voulu qu’elle soit attitrée ailleurs, mais là, il n'y a pas le choix ! La mère tente de distraire l’enfant une fois installé : « Tiens, voilà tes petites voitures ! » L’enfant considère les trois jouets, s’essaye à en faire rouler une. Elle tombe bien sûr de la table qui n’est pas faite pour cela. Le père la ramasse et lui donne. Aussitôt il recommence, elle tombe à nouveau, le père la ramasse. Troisiè… Non le père la rattrape au vol et lui dit d’arrêter. Alors l’enfant jour au stockcar. Les accidents arrivent vite au royaume des enfants. C’est beaucoup plus drôle qu’une vie sans histoire. Entre temps, les décibels commencent à monter malgré les airs attendris des spectateurs qui ne se doutent pas que cela ne fait que commencer. L’enfant, enhardi par ces signes encourageants, commencent à parler. Une vraie trompette ! Et, de plus, un moulin à paroles. Toute la voiture sait de quoi il parle et avec qui. Les parents ne semblent pas émus par ces échanges doucereux pour eux. C’est le mode de communication normal. Eux-mêmes cependant parlent de manière atone ce qui contraint l’enfant à sans cesse dire : « Quoi ? Quoi ? » Personne ne comprend personne, mais cela augmente la tension.

Vous abandonnez votre livre, abaissez légèrement votre siège et tentez de vous réfugier dans le sommeil ou, au moins, une légère somnolence qui vous fera oublier ces petits inconvénients des voyages. Le ronronnement du train, trente secondes de silence, vous font revenir à de meilleurs sentiments. Vous pensez à des choses agréables. Vous partez à la mer et pensez au bain que vous prendrez en arrivant ; vous vous rendez à la campagne et faites une promenade dans les bois à la recherche de champignons. Bref, votre vie reprend le dessus sans rien pour la faire trébucher. Erreur !

Quatrième épisode : un cri suraigu retentit dans la voiture : « Dis Maman, regarde, des vaches. », dit l’enfant en montrant le paysage. On lui pardonne cet étonnement (un enfant des villes n’en voit probablement pas suffisamment souvent). Mais on lui pardonne moins ce cri. On est cependant bien contraint de passer. On se réinstalle, on ferme à nouveau les yeux, on se réfugie dans ses pensées. Nouveau cri, on ne sait même plus pour quelle raison. Il s’accompagne d’une dégringolade des voitures que l’enfant fait tomber sans motif. Ramassage, sourire, apaisement. Mais rien vers l’enfant qui continue de plus belle. Excité, il ne parle plus, il hurle et secoue ses voitures les unes contre les autres.

Alors, excédé, vous vous levez, rassemblez vos affaires, prenez votre valise et changez de voiture. Que ne l’ai-je fait plus tôt, vous dites-vous une fois installé. Comme tous les voyageurs, vous sortez vos oreillettes, réglez votre appareil et vous vous plongez dans les délices d’une symphonie de Mozart. Vous vous endormez. Vous êtes malheureusement très vite réveillé par un arrêt à une nouvelle gare. Zut ! Une famille s’installe de l’autre côté de l’allée. Cette fois-ci, vous n’attendez pas, vous changez de place.

10/08/2014

Sur la corniche Kennedy à Marseille

14-08-03 Corniche Marseille1.jpgAujourd’hui, je ne cours pas. Je regarde les autres courir le long de la mer sur cette corniche où veillent des villas grandioses aux côtés de petites maisons fermées. Et ils passent, les coureurs de tous poils, transpirant, s’épongeant, buvant de l’eau ou toute autre boisson énergisante. Nombreux sont ceux qui courent petitement, les coudes au corps, le buste droit comme un I, le regard lointain perdu  dans leur propre contemplation, en échauffement permanent devant l’immobilisme d’une mer plate, sans vague, juste un frémissement  et scintillement d’une surface bleue.

Beaucoup de femmes et d’hommes courent, bardées de fils, aux oreilles (on ne court pas sans musique bruyante!), aux poignets (combien de pas fait-on en cent mètres?), parfois au bas du sein gauche (quelles pulsations par minute ?), le plus souvent, il est vrai, au bras gauche (le droit étant trop noble pour s’accoutrer ainsi), une petite télévision. Que dit leur petit écran ? J’ai beau tenter de savoir, rien n’apparaît. Blanc comme neige. Pourtant il enregistre les foulées, les battements du cœur, le rythme de la respiration, l’arthrose de la hanche droite, la faiblesse du pied gauche (oui, l’égalité des pas n’est la même), tout ce qui fait un homme ou une femme au corps sain parce que sachant ce qui s’y passe.

Les femmes agitent leur queue de cheval, désinvoltes, courant moderato, regardant autour d’elles, semblant dire : « Regardez ma brelle silhouette, mais ne la suivez pas ! » Et elles poursuivent, longilignes sous le soleil, telles des étoiles filantes. En voici une, toujours queue de cheval flottante, de rouge vêtue, une bouteille (petite) d’eau dans chaque main, toujours des fils aux oreilles comme un prolongement d’elle-même. Elle court petitement, mais sûre d’elle. Ah, celle-ci marche, un peu trop enveloppée pour courir. Mais elle marche comme un bulldozer et l’on s’écarte sur son passage. Rien ne saurait la faire dévier. Et celle-ci dont la queue de cheval revêt l’aspect d’un plumet triomphant semblant dire : « Ralliez-vous à mon panache noir ».

Entre cette union féminine contre l’embonpoint, courent les hommes. A chacun sa manière de courir. Lui, concentré sur lui-même, la tête dans les épaules, est un automate des petits pas, légers cependant, mais suspendus à son écoute de soi, le regard vague, courant sans savoir qu’il court. Tap, tap, tap, tap… Le bruit des chaussures de sport tapant du plat le macadam. Oui, cette fois-ci c’est un inhabituel du jogging. Il passe tel un ours, la jambe raide, les épaules figées, semblant souffrir le martyre. Mais il poursuit inexorablement, la volonté bloquée, malgré le fait qu’il est doublé par de jeunes élites en mal de transpiration. En voici un, volant sur le bitume, à la foulée légère, le maillot dégoulinant, sûr de sa sveltesse et de sa morgue non exprimée. Un vieil homme, très digne, très bien fait, courant en habitué, me faisant un petit clin d’œil au passage, parfait d’élégance non recherchée, zigzagant entre les piétons, humains la chair flasque, marchant à pas poussifs et déjà essoufflés.

Quelle belle fraternité que celle des joggeurs, tels un troupeau de jeunes poulains courant dans un pré fleuri comme dans un tableau naïf, la casquette sur la tête. « La France en marche » pourrait dire un slogan politique conçu par des gens n’ayant jamais couru et ne rêvant que d’une chose, qu’elle ne marche pas trop vite pour conserver leurs privilèges, celui des publicistes médiatiques faisant la pluie plutôt que le beau temps.

Au loin, derrière l’horizontalité de l’eau, les îles blanches, couvertes de crème solaire étirent leurs membres. Le château d’If leur fait une tête renfrognée et résolue, au-delà du cou fluet, le corps des îles se poursuit par les deux seins aux pointes bien visibles, l’un d’une tour, l’autre d’une antenne. Ces îles ont du poil sur le nombril, mais restent imperturbables au passage des voiliers qui les contemplent. Immobiles, elles semblent mortes, terrassées par l’histoire, la chaleur et la nonchalance des passants qui les regardent de la corniche sans les voir.

Les hommes courent derrière les femmes. Les femmes agitent toujours leur queue de cheval. Jusqu’où vont-ils ? Nul ne le sait. Mais… Ils y vont, et vite…

09/08/2014

Au-delà du moi

Celui qui, regardant en lui-même n’y trouvera qu’obscurité, mécontentement, faiblesse et vanité ne doit pas traduire sa déception par un scepticisme amer. Qu’il regarde toujours plus moins, toujours plus profond en lui, jusqu’à ce qu’il perçoive à de faibles signes de souffle léger qui naît de la sérénité renaissante. Qu’il les recueille pieusement, ces signes, car ils prendront vie, grandiront et se changeront en hautes pensées qui franchiront le seuil de son esprit comme des missionnaires célestes annonciateurs d’une voix qui viendra plus tard, la voix d’un être caché, mystérieux qui habite au centre de son être et n’est autre chose que son moi originel.

(Paul Brunton, L’Inde secrète, Payot, 1983, p.308)

 

La recherche de ce Moi originel, appelé également Soi, au-delà du moi, est en Inde un besoin et une tradition. Tradition des hommes qui se dédie à cette recherche à un moment de leur vie ou toute leur vie. Besoin, intérieur et profond, qui taraude l’esprit et le corps et non simplement le cœur et l’intellect comme en Occident. Et quoi de plus simple et de plus naturel que de s’assoir et d’entrer en soi-même.

Alors commence la bataille : comment apaiser, dans un premier temps, la multitude de pensées diverses qui envahissent le cerveau. Oui, on s’en doute, elles empêchent la voix de se faire entendre. Mais comment les arrêter ? Chaque jour reprend à zéro son travail d’élagage. Toutes les pensées repoussent dans la journée. Les examiner chaque soir jusqu’à s’endormir en ayant évacué les impressions du jour. Chaque matin, les empêcher de revenir par la méditation.

Un jour vient où elles se taisent. Mais il reste toujours notre propre voix qui, ayant pris de la hauteur, domine notre univers intérieur et lui impose le silence. Elle parle et c’est toujours moi qui parle. Elle est coriace, elle ne cesse de s’imposer, d’autant plus qu’elle est fière d’avoir vaincu le bruit cosmique. Mais il peut vous arriver à certains moments de trouver le silence total, cette paix merveilleuse et enchanteresse qui donne à votre âme la dimension de l’univers. Vous vous êtes oublié vous-même et cet oubli devient évasion. Vous ne vous contemplez plus, détaché de vos propres actions comme auparavant. Non. Vous n’êtes plus ce moi qui toujours vous accompagne. Vous êtes libre, totalement. Vous n’avez même plus à secouer vos vêtements, votre propre corps ou même encore vos pensées. Tout cela est parti en fumée, envolé, et vous êtes libre. Le Soi est là, à portée de main, vous le savez, mais vous ne savez ni qui il est ni ce qu’il est. Mais qu’il est bon d’être englobé d’une telle nébuleuse qui vous accompagne un bout de chemin. Vous n’êtes plus Monsieur ou Madame Untel, vous êtes la vie.

08/08/2014

Matinée

Tel l’oiseau survolant lentement les plus hauts pics
Il flottait entre deux litotes, encouragé
Par le chant des perroquets et leurs cris archaïques
Et bâtissait ses vers en comptant d’un doigt agile

Dieu qu’elle est jolie cette petite endiablée
Elle courre d’un pas enchanté sur les cailloux
Et montre ses jupons au passant attentionné
Sans gène ni remord, en dansant le guilledou

Et cette enchanteresse matinée s’écoule
A petits pas menus et sous le vent qui soule
Jusqu’à ce que sonnent les douze coups de midi

Que ces jours sont bons, baignés d’un soleil fulgurant
Ils s’étirent joliment sur le bleu des événements
Et gardent en souvenir leur tendre alibis

© Loup Francart

07/08/2014

Pluie, roman de Kirsty Gunn (Christian Bourgois éditeur, 1996)

L’eau avant tout, l’eau d’un lac qui dans ce coin a une odeur de rivière, puis la solitude de deux enfants, l’absence des parents, fêtards et négligents, la maturité de la fillette, l’amour qu’elle porte à son petit frère dont elle 14-07-31 Pluie.jpgest la vraie mère. Ce n’est pas une histoire avec un commencement, des épisodes et un dénouement. Non, c’est un étirement de la surface du lac, quelques rides à sa surface, une pierre lancée par Jim Little, et le retour au calme comme ces nuits où ils se réfugient près du lac sans que le moindre adulte s’en soucie. Le roman coule comme de l’eau, au rythme poétique des sensations et des descriptions de Janey, la fillette, qui observe, constate, juge parfois, tout cela avec impartialité, sans référence morale. Maman est belle, d’une beauté remarquable et remarquée. Papa est à ses genoux, esclave et heureux de l’être. Les invités, tous les soirs, s’amusent, jouent aux cartes, dansent, boivent beaucoup.

Nuit après nuit, les mêmes gens se mêlent et s’entremêlent dans les remous ; il s’agit là de leur version du temps. Ils discutent et ils dansent, ils vont et viennent parmi leurs congénères, s’imaginant, à chacun de leurs déplacements qu’il y a quelque chose dans cette soirée qui va les transformer. Les femmes se maquillent, s’appliquent des touches de parfum en des endroits mystérieux. Les hommes assistent à cela  comme de jeunes animaux et le disque, sensuel, tourne et brûle dans son sillon. (C’mon, baby… You know I love you…). J’imagine les frotti-frotta qu’ils doivent pratiquer ensemble ces maris et ces femmes, tant d’espoirs évaporés dans la nuit.

Maman tarde à aller se coucher. Elle respire la nuit, puis, enfin, se couche pour ne se réveiller que très tard. C’était bizarre, mes parents se satisfaisaient de leur pelouse jaune, de leurs fauteuils tachés. Mon petit frère et moi avions un lac entier en guise de terrain de jeux, mais eux ne bougeaient, ils restaient là, près de la maison, allongés comme des cadavres sur leurs lits de repos cassés. Un drôle de spectacle à offrir à des enfants, à la fois splendide et décadent ! Il y avait le corps de notre mère, tout luisant d’huile, bronzé absolument de partout, magnifique d’élégance à côté de notre pauvre père, tout couvert de croûtes. Il n’avait jamais supporté le soleil.

Alors les enfants vivent leur vie. Janey chérie son frère. C’était toujours moi qu’il réclamait à grands cris, mais c’était la soie de ses cheveux à elle qui lui effleurait le visage quand elle s’inclinait au-dessus de son lit la nuit. « Chhh… » Légère comme un souffle, elle l’embrassait pour lui dire bonne nuit, sa propre mère. « Chhh… » Qui étais-je à côté d’elle ? Qui étais-je pour encourager si pleinement cet enfant dans sa conviction que je pouvais le protéger, quand je n’étais moi-même qu’une gamine au ventre bombé ?

Et le rêve tourne au cauchemar. On ne sait exactement ce qui se passe, on ne fait que deviner qu’il s’agit de Jim. Le récit se concentre sur la tentative que fait Janey d’une respiration artificielle. Que deviennent-ils ? Vont-ils au bout de leur rêve ou de leur cauchemar ? Nul ne le sait. Ils s’évanouissent de ce rêve éveillé et se perdent dans l’histoire du monde. Je me souviens comme, il y a longtemps, mon petit frère et moi sortions toujours dans la pluie d’été. Nous disparaissions ou nous revenions, je ne sais plus. Nous entrions dans l’eau. Là-bas au lac, la pluie était tellement douce. C’était une étoffe légère, un rideau transparent de gris et d’argent, pareil aux voiles des vaisseaux fantômes, arachnéen. Il y avait des nuages dans la pluie, des brumes blanches qui s’élevaient du lac si bien que l’eau s’amalgamait à l’air comme si elle y vivait. (…)

Rien d’autre n’existait à cette époque que ces deux enfants. Regardez-les. Ils sont deux et ils ont toute la plage pour eux, la blancheur des nuages et de l’eau qui tourbillonne à leurs pieds tandis qu’ils dansent en rond à l’infini… A chaque tour qu’ils font ils rapetissent, ils s’éloignent, ils rapetissent de plus en plus dans le lointain jusqu’à ce qu’on ne puisse plus les voir du tout.

06/08/2014

Bains de mer

Retour en Méditerranée et ses plages chaudes après de nombreuses vacances en d’autres lieux.

Première impression : le bruit, un bruit confus fait d’abord, comme sur tous les bords de mer, du Fraooo…om, Fraaa…am des vagues venant faire leur dernière révérence à vos pieds. Il emplit vos oreilles de son bercement chaotique, incessant, fractionné. Vous ne l’entendez plus, mais il est là, permanent, comme du poil à gratter sous votre chemise. Il faut changer de lieu comme il faut changer de chemise pour s’en débarrasser.  Puis les cris aigus des enfants. Que disent-ils ? Peu importe. Ils crient, et comme le bruit alentour est constant, ils rajoutent quelques décibels à leur manière habituelle de s’exprimer. Cela signifie qu’ils s’amusent. Enfin, les conversations d’adultes, plus douces certes, réservées au cercle des proches dont vous profitez obligatoirement étant à très faible distance de tout un chacun. Madame qui raconte que l’autre jour son petit s’est fait piquer le pied en entrant dans l’eau. Monsieur qui explique qu’il a vu, également sous l’eau, un poisson d’au-moins soixante-dix centimètres. Il était énaurme ! Et ses proches le regardent, peu convaincus, mais n’osant pas le contredire. Le jeune homme qui raconte son ascension du Mont Blanc un jour d’orage et la fille qui lui demande s’il n’a pas eu peur. Le vieillard qui demande à tous ses voisins s’ils n’ont pas vu une petite fille au maillot vert. Tous ces bruits, conversations, manifestations de joie, vous font penser au métro. Pas celui de Paris où les gens ne parlent pas et remâchent leurs problèmes en eux-mêmes, le visage fermé ; mais celui de Rome, où les conversations vont bon train et vous laissent cois.

Deuxième impression : le mouvement qui envahit vos yeux comme le bruit agresse votre ouïe. Certes, le mouvement, faible, des vagues qui viennent arracher quelques grains de sable sous vos pieds, mais surtout cette impression de désordre indescriptible, chacun ne pensant et n’agissant que pour lui-même (mais y pense-t-il ?). Un tableau cubiste de jambes en perpétuel mouvement, de bras s’étendant, de pieds écrasant le sable, de cheveux volant sous la brise, de postérieurs s’enfuyant. Curieux que ces gens qui viennent chercher le repos en vacances, ne cessent de bouger, sauter, se retourner face au soleil comme le fait la saucisse posée sur la grille du barbecue.

Troisième impression : la couleur ou plutôt les couleurs, sans ordre, sans organisation, mêlées au mouvement. Un véritable caléidoscope. Elles sont exacerbées par les rayons du soleil, attirent l’œil droit comme l’œil gauche. Votre regard ne sait plus où aller pour se reposer : serviettes de bain étendues sur lesquelles les humains sont assis, couchés, debout parfois, accrochés à leur île minuscule qui les protègent de l’envahissement ; maillots unis, à fleurs, rayés en longueur ou en largeur, d’autres comportant des nœuds sur les seins, sur le nombril, dans le dos (comment fait-elle pour faire un nœud aussi artistique dans son dos ?) ; bleu de l’eau couverte de têtes ; jaune de la plage que vous distinguez difficilement étant trop encombrée de corps. Un vrai cimetière urbain ! Vous admirez le maillot de Madame qui lui permet de cacher un embonpoint certain, le short serré sur les cuisses de l’adolescent qui gonfle ses pectoraux, l’élégance de l’absence de tissu sur de nombreuses parties du corps de la jeune femme. Enfin ces bouches rouges, roses, violacées de femmes commentant les faits et gestes de leur enfant, riant ne sachant pas pourquoi ou ouvertes de surprise sans émettre un son.

Bref, vous êtes au bord de l’eau… Mais cette proximité de la mer n’est-elle pas également proche de l’atmosphère parisienne, du métro, du stade, du zoo de Vincennes, de l’opéra, des berges de la Seine où passent les bateaux emplis de monde qui regardent ceux qui les regardent. Quel jeu de cache-cache ! Vous courrez en province pour vous retrouver dans la capitale, vous regardez ces gens qui vous regardent et vous n’avez rien d’autres à voir, à entendre, à toucher.

Le soir, rentré dans votre location (vous n’avez pas les moyens de vous acheter une maison que vous n’utiliserez qu’une fois l’an), soulé de bruits, de mouvements et de couleurs, vous affirmez : « L’an prochain, j’irai en montagne ! ».

05/08/2014

Vertu

Certains mots vieillissent, comme les humains. On s’en sert sans y prendre garde, et puis, un jour, quelqu’un rit : de quoi parle-t-il ? Oui, vous êtes décalé. Ce mot ne s’emploie plus, il est ringard. Ainsi en est-il de la vertu. Certes, l’expression de « femme de petite vertu » s’applique-t-elle toujours à certaines catégories de la gente féminine, mais comme ces catégories ont singulièrement augmentées ces dernières années en raison de la libération des mœurs, on ne l’utilise plus guère.

Sous les romains, la vertu était synonyme de force. Elle désignait le courage physique ou moral, la force d’âme, la vaillance. Son origine est dérivée de vir qui donna viril et virilité. D’après Caius Marius : « La vertu est la clef de voûte de l'empire (romain), faisant de chaque seconde de la vie du citoyen, une préparation minutieuse aux dures réalités de la guerre, et de chaque bataille rien d'autre qu'un sanglant entrainement ».

La vertu s’est ensuite déclinée en vertus cardinales qui sont le courage, la prudence, la tempérance et la justice, en vertus intellectuelles (la sagesse, la connaissance, l’humilité), en  vertus morales (la charité, la chasteté) ou même théologales (la foi, l’espérance et la charité). Mais comme ces déclinaisons nous semblent loin.

Les Romains étaient-ils aussi vertueux que nos politiques sont obstinés ? Les premiers flottaient dans leur image et montaient au plus haut des opinions, les seconds persistent et signent pour accumuler sièges et mandats. La vertu étant devenue un mot ringard, on lui cherche des équivalents. Celui qui semble le plus proche serait sans doute l’éthique. Ce mot fait plus sérieux, plus philosophique et moins moraliste. On en parle beaucoup, on la pratique peu. Elle est l’objet de débats et de colloques, mais sa pratique reste tiède. Pourquoi s’encombrer d’un moteur de quatre chevaux alors que la puissance se situe sans conteste du côté de la pratique des amitiés politiques. Pourtant la vertu politique, disait Robespierre, est un « sentiment sublime qui suppose la préférence de l'intérêt public à tous les intérêts particuliers ; d'où il résulte que l'amour de la patrie suppose encore ou produit toutes les vertus : car sont-elles autre chose que la force de l'âme qui rend capable de ces sacrifices ? Et comment l'esclave de l'avarice et de l'ambition pourrait-il immoler son idole à la patrie ? ».

Au siècle précédent la vertu restait à l’honneur, mais de manière plus personnelle. Elle désignait une personne propre et devenait synonyme d’austérité. Les grandes figures morales devenaient  des hommes ou des femmes à principes, pratiquant la chasteté, la fidélité, l’honnêteté. Mais ces façades cachaient beaucoup d’hypocrisies.

La vertu existe-t-elle encore ? Oui, certes. L’utilisation de la locution en vertu de reste un pied de nez littéraire, une culbute des artistes de la parole comme des hommes de loi. Et lorsqu’elle est employée dans la formule magique en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, on atteint le fond de l’hypocrisie politique. Cependant, la vertu républicaine est remise à la mode, mais une mode fantoche.

Le mot vieilli. Et pourtant, n’est-elle pas belle cette qualification de vertueux ? Elle me fait penser immanquablement à la personne qui s’enduit de crème transparente pour errer dans le monde et se glisser entre les colères et autres luttes sociales, au-dessus du lot et des foules.

Aussi, je m’interroge : quelle est ma vertu première ? Je n’ai pas encore trouvé.

04/08/2014

Matin

Bleu et vert et or, tout s’embrase
L’astre monte dans un ciel gris
Pour apporter la couleur du matin
Lentement la brise survole
Les massifs obscurs qui effrayent
Et bientôt le disque clair apparaît
Entre les chênes dont seul le toit
Est pourvu de feuilles maigres
L’oiseau bavard picore sur le seuil
Il étire son ver pour mieux le gober
Puis s’envole en riant fortement
Comme un enfant malin et sournois
Tout dort encore, rien ne pérore
Les grandes jambes de nos voisines
Ne cousent pas les kilomètres
Et reposent allongées telles des potiches
Elles ont dansé toute la nuit
Et courut à quatre sur la plage
Leur douceur fait rêver les cœurs
Et enflamment le bouillonnement
Des corps jeunes et altiers
Tout s’éclaircit, se pare de lumière
S’arrondit de bien-être
Se courbe de suffisance
Devant la bienfaisante aurore
Qui redonne la vie éblouissante
A un monde encore endormi
Mais prêt à éveiller ses papilles
Devant l’éclat du dieu soleil
Qui chatouille l’œil ouvert

Célébrons ensemble la fête
Toujours renouvelée
De l’espérance d’un jour nouveau
Où les humains se découvrent
Et saluent d’un recueillement joyeux
La montée de la lumière

© Loup Francart

03/08/2014

La femme, pile ou… face

Vous ne me croirez pas. Ce matin, comme à l’accoutumée, je partis courir dans les rues, le nez au vent, l’haleine fraiche, le pied léger. Mais je n’ai pas les yeux dans ma poche comme ceux qui courent en se concentrant sur eux-mêmes, sans rien voir de ce Paris qui a toujours quelque chose à montrer, voire à dévoiler. Ce fut le cas ce matin. Je m’échauffais doucement, courant en petites foulées, musardant vers une vitrine, regardant pas les fenêtres ouvertes au quatrième étage (les rez-de-chaussée ne sont jamais ouvertes (ça doit cocoter !), observant les passants de dos avant de les considérer de côté, voire de les examiner de face. Une jeune femme marchait élégamment, décontractée, allant dans la vie la tête haute. Je me préparai à la doubler, quand, en m’approchant, je constatai une certaine dissymétrie dans sa démarche. Que se passe-t-il ? me demandai-je. Elle portait une petite robe légère, à mi-cuisse, noire bien sûr, volante et luisante. Tout d’un coup, en m’approchant, je n’en crus pas mes yeux. Si à gauche elle était bien mise et élégante, à droite, sa jambe montait, montait, si haut que l’on voyait non seulement sa cuisse, ferme et galbée, mais également, chose tout de même assez rare à Paris, sa fesse droite, dévoilée, que je ne décrirai pas. Elle allait sans souci, souriant intérieurement, se racontant probablement des histoires, peut-être pensant à ce jeune homme qu’elle avait rencontré la veille dans une de ces invitations à laquelle on se rend pour voir des gens avec qui l’on parle sans  savoir quoi dire. Du coup, je m’arrêtai, me demandant comment j’allais doubler une aussi charmante égérie. Etonnant même… J’arrêtai ma course, fasciné par cette vision insolite, extravagante et peu usitée. Elle poursuivait tranquillement, inconsciente de ses effets. Sa jambe longue comme un canon de fusil, blanche comme une baguette peu cuite, la chair au plus haut tremblante parfois sur un pas moins souple, me laissait béat. Ah, le feu du boulevard ! Dieu soit loué, il est au rouge. Elle n’eut pas à s’arrêter devant les autres passants. Elle traversa en toute dignité, comme si de rien n’était. Pendant ce temps, je me demandais ce que je devais faire. L’arrêter et lui dire discrètement ce qu’il en était. Continuer à courir après m’être amusé quelques instants. Rester derrière elle pour la protéger. Pendant que je m’interrogeais, elle avait traversé la rue et poursuivait sur le trottoir d’en face. Au moment où j’allais moi-même franchir l’asphalte où ne passaient que quelques rares voitures, je la vis poursuivre sa route, toujours digne, encore plus divine, car redevenue symétrique. Entretemps elle s’était aperçue de sa bévue et l’avait corrigée comme si de rien n’était.

Oui, Paris offre toujours quelque chose à voir d’insolite, de drôle, et même parfois d’extraordinaire. Ses femmes restent exemplaires, jamais troublées, l’œil sur l’horizon, jamais inquiétées par un dérangement involontaire qu’elles considèrent comme un épisode sans importance au regard de leur élégance.

02/08/2014

Message des hommes vrais au monde mutant, récit de Marlo Morgan (Albin Michel 1995)

La narratrice, car c’est une femme, une américaine, est invitée par des aborigènes à une réunion en temps qu’invitée d’honneur. Elle se pomponne, monte dans une jeep crasseuse conduite par un homme en short et T-shirt blanc crasseux. Après de nombreuses heures, elle se retrouve au milieu d’un peuple qui l’accueille, qui la purifie et qui lui dit : 

– Viens, on s’en va.
– Où allons-nous ?
– Faire une marche.
– Où, une marche ?
– A travers l’Australie.
– Magnifique ! Et ça prendra combien de temps ?
– Environ trois lunes.
– Vous voulez dire trois mois ?
– Oui, environ trois mois.

L’aborigène lui dit : « Tout va bien. Celui qui a besoin de savoir saura. (…) Tu as été mise à l’épreuve et tu as été accepté. C’est un honneur que je ne peux expliquer. Tu dois faire l’expérience. C’est la chose la plus importante que tu feras dans ta vie ici-bas. C’est pour cela que tu es venue au monde. L’unité divine est à l’œuvre. C’est ton message, je ne puis t’en dire davantage. » Elle suit la tribu, pieds nus, avec un sac en guise de robe, en se sentant captive et victime.

Tout de suite, elle est importunée par les épines qui se plantent dans ses pieds. « Apprends à supporter le mal. Fixe ton attention ailleurs. » Elle subit toutes sortes d’épreuves et constate des choses extraordinaires comme, par exemple, cet homme qui se casse une jambe et qui le lendemain, marche comme vous et moi. Elle perçoit une étrange collusion entre ces hommes et la nature dans une vision d’unité non pas intellectuelle, mais d’émotions, de sentiments et d’attitudes. C’est la différence entre le Vrai Peuple, comme ils s’appellent, et le monde des Mutants, c’est-à-dire le monde dit civilisé, un monde trop rempli d’occupations pour que leurs habitants puissent devenir des êtres. Etre Mutant est une attitude. Un Mutant, c’est quelqu’un qui a perdu ou qui a occulté une très ancienne mémoire et des vérités universelles. Ooota, le seul qui parle anglais, lui explique : « Pour nous, l’Unité divine perçoit les intentions et l’émotion des êtres vivants et s’intéresse moins à ce que nous faisons qu’aux raisons de nos actes. » Il poursuit : « D’après mon peuple, ce que les Mutants appellent Dieu, ils ont du mal à le définir parce qu’ils sont des drogués de la forme. Pour nous, l’Un n’a ni taille, ni forme, ni poids. L’Un est essence, créativité, pureté, amour, énergie illimitée et sans frein. » Elle comprend que la conscience créatrice est en toute chose. Elle est dans les rochers, les plantes, les animaux l’humanité. Selon les croyances tribales, d’Un divin a d’abord créé la femelle, puis le monde a été chanté et est né. L’Unité divine n’est pas une personne, c’est Dieu, puissance suprême, positive et aimante. Il a créé le monde par expansion de l’énergie. »

Elle apprend une autre conception de la vie et de la mort : « Vers cent vingt ou cent trente ans, quand un être humain éprouve le très grand désir de rejoindre l’éternité après avoir interrogé l’Unité divine pour savoir si cette aspiration est pour son plus grand bien, il demande une cérémonie, une célébration de la vie. (…) Après celle-ci, la personne qui veut partir s’assied dans le sable, bloque ses systèmes corporels et, en moins de deux minutes, c’est fini. Il n’y a ni chagrin, ni larmes. » Elle constate également une autre vision de la vieillesse : nos sociétés sont si riches en vieillards irresponsables, amnésiques, détraqués ou séniles, tandis qu’ici, dans la brousse, plus les gens prennent de l’âge, plus ils deviennent sages, plus ils sont estimés et assument un rôle important dans les discussions. Ils sont des exemples à suivre, les véritables piliers du groupe.

Le Vraie Peuple et fait d’attente et d’accueil des dons divins. On lui explique la différence entre les prières des Mutants et la forme de communication utilisée par les aborigènes : par la prière, le Mutant parle au monde spirituel tandis qu’eux font tout le contraire, ils écoutent. Après avoir fait le vide dans leur esprit, ils attendent de recevoir.

Ne poursuivons pas. C’est un livre surprenant, attachant, qui fait penser aux livres de Castaneda ou de James Redfield (la prophétie des Andes). On se pose néanmoins la question, comme pour les deux autres auteurs : où est la vérité ? Ce qu’ils racontent est-il vrai ? Et bien sûr, nous n’avons pas la réponse. Mais… C’est dérangeant…

01/08/2014

Une vague…

Vous êtes là, impuissant, quasiment mort, incapable d’une pensée suivie. Votre esprit erre dans des impasses enchevêtrées les unes dans les autres. Parfois vous vous reprenez : stop ! Mais vous ne faites qu’arrêter cette course sans fin pour qu’elle reprenne de plus belle. Vous vous promenez dans vos souvenirs, dans vos rêves, dans vos ambitions, dans vos déceptions, comme si vous exploriez un grenier immense sans buts, sans finalités définies. Quel maëlstrom !

Puis, en un instant la vague ! Vous ne l’avez pas sentie venir. Elle vous a surpris. Une ondulation qui vous a propulsé dans un autre paysage, plus serein. Vous avez bien perçu cette onde calme, énergique, comme un turbo qui vous fait sortir de vous-même. Vous respirez plus librement, vous regardez par la fenêtre et le jour se lève à peine.

Cette lueur balbutiante vous réjouit, enchante vos neurones, exalte vos papilles, dégage vos bronches. Le monde respire autour de vous et vous le contemplez. Il s’éveille, s’ouvre, s’épanouit, s’enchante de sa propre résurrection. Les objets prennent forme, vous ne percevez pas encore les couleurs, mais vous voyez le blanc sur le noir, la clarté sur l’ombre, la solidité sur l’éphémère. Cette onde bienfaisante n’est qu’un simple tremblement de votre sens intérieur, comme une porte qu’on ouvre doucement et qui laisse passer un filet d’air rafraichissant. Vous ne la sentez pas immédiatement, mais peu à peu elle vous fait glisser dans l’extase de l’ignorance de soi. Et plus vous vous oubliez, plus vous rencontrez le monde et sa magnificence. Vous devenez le monde, vous êtes ce moustique qui tourne autour de vous et que vous ne chassez pas, vous êtes la tourterelle qui réjouit vos oreilles, vous êtes l’arbre tordu qui se dresse vers l’aube. Quelle aération en vous. La transparence s’empare votre être. Mais… Où est-il ? Vous essayez de vous rattacher à vous-même, vous vous palpez, mais vos mains passent au travers de votre corps. Vous touchez la terre poussiéreuse, les feuillages caressants, l’étincelle de la dernière étoile. Vous aspirez à cet au-delà infini qui transforme le ciel en livre du rien et du tout. Et vous demeurez là, immobile, résonnant des bruits de l’éveil, devenu le monde.

Oui, le monde est en vous comme vous êtes en lui. Et cette découverte vous élève au loin, hors de vous et hors du monde.

31/07/2014

Petits bouts de rien

En attente de référencement, les commandes ne fonctionnent pour l'instant que sur :
- Sur le site internet : www.editions-pantheon.fr
- Par courriel adressé à : commande@editions-pantheon.fr
- Par courrier adressé à :
    Les Editions du Panthéon
   12 rue Antoine Bourdelle
   75015 Paris
- Par télécopie au 01 43 71 14 46
- Par téléphone au 01 43 71 14 72 du lundi au jeudi de 9h30 à 13h et de 14h à 18h et le vendredi de 9h30 à 13h et de 14h à 16h30

Pour les commandes :
 - Sur Amazon : http://www.amazon.fr/
 - A la FNAC : http://livre.fnac.com/
Il faut attendre que le référencement soit effectué, soit à partir de la mi-août.

Désolé pour ce contretemps.

30/07/2014

Destinée

Tu veux tout et tu n’as rien
Tu ne veux rien et tu as tout
Quelle différence ?

Tu n’as rien, qu’un corps, un esprit et une âme
Ton corps, tu le sais est vivant
Ton esprit te permet de l’apprécier
Il complote et agit
Ton âme, qu’est-elle ?
Elle flotte, invisible
Comme le parfum d’une jeune fille
Qui va prier le dimanche
Et peu à peu elle devient femme
Puis mère, puis mère de mère
Son âme grandit en douceur
Dans l’amour de ses enfants
Qui, eux-mêmes, prennent sa place
Mais cette âme est Une
Grandiose d’amour partagé
Immortelle de bonheur

Tu veux tout : la terre et le ciel
La voûte étoilée et le puit noir
Entre les deux, tu es
La nuit tu erres en imagination
Le jour tu agis de tout cœur
Entre les deux, tu dors
D’un sommeil lourd d’angoisse
Pour marquer ton territoire
Une ligne entre deux mondes
Comme un trait sur l’horizon
C’est tout ton avoir, un fil de soie tendu
Sur lequel tu trébuches à tout instant
Tu t’y accroches en chantant
Et le chant te délivre. Tu chavires…

Tu ne veux plus rien, même pas toi
Où es-tu dans cette immensité ?
Serais-tu ce grain de poussière
Qui colle à ma chaussure ?
Serais-tu cette lueur vague que je distingue
Dans la nuit chaude et bruyante
Comme un spectre lointain
Qui largue ses amarres et dérive
Dans l’étendue moite et collante ?
Serais-tu ce tapis déroulé
Sur l’ombre de mes sentiments
Qui leur donne cet air penché et bancal
Rien qu’un millilitre d’eau plate
Qui humidifie l’esprit et fait naître une âme
Une vapeur qui fuit au matin de la vie ?

Tu as tout : les murs et le vide
Contenu dans ce cocon douçâtre
Les murs se dressent
Entre la naissance et la mort
Epais de questions, sans hublot
Pas même un regard sur l’au-delà
Aveugle de naissance tu erres
Entre ces extrêmes dans un espace
De fumée odorante, sans visibilité
Dans un temps limité à la vie
Une, indivisible et enivrante…
Reste humble et laisse aller tes pas
Cette quête est ta vocation…
Trouve le trou, creuse-le
 Et évade-toi, toi-même brouillard
Comme la vapeur s’échappe
De la bouilloire de tes pensées

La pression baisse, elle n’a plus de force
Elle est toujours colorée, aguichante
Elle fait miroiter des images, des rêves
Des faits et des vœux, la vie passe
Empreinte de terreur et de miel
Ton nuage s’élève. Il est si maigre
Que tu ne le vois plus
Mais tu es, entier, moins lourd
De tes caprices, de tes ambitions
Seul te retient encore l’espoir
D’une autre aventure, souriante
Puis, peut-être d’une autre
Jusqu’à la fin du cycle et le retour
Du rien dans le tout

Tu veux tout et tu n’as rien
Tu ne veux rien et tu as tout
Il n’y a pas de différence
Tu es, tout et rien
Ce rien est ton soutien
Ce tout est toi-même
Dans l’immensité de ta destinée

© Loup Francart

29/07/2014

Une rencontre inattendue

Le train laisse à loisir le temps de remarquer les détails des êtres, tant leurs petits défauts que leurs avantageuses attitudes ou leur noblesse présumée. Ainsi ce matin, nombreuses étaient les femmes, jeunes ou moins jeunes à monter dans notre wagon à cette dernière gare avant Paris. L’une d’elle s’installa en face de moi, mais de l’autre côté de l’allée centrale. Rien ne la distinguait des autres : visage fatigué, les traits creusés, un nez prééminent, de grosses lunettes d’écaille, les cheveux froufroutants sur les épaules, un jean enserrant fortement des mollets bien faits apparemment, un pull autour de la taille, sans élégance. Elle s’ennuyait, bougeait imperceptiblement, regardant à droite, puis à gauche, puis derrière. Elle ne regardait rien, mais elle avait le plaisir de se remuer. Parfois elle pensait, le menton enserré entre ses doigts tendus, aux bagues étincelantes, et sa main ferme.

Il vint un moment où je la regardais tapotant sur son téléphone mobile et je remarquai alors l’extrême élégance de son avant-bras. Sortait de son corsage sans charme un bras de princesse, jeune, aux courbes rafraichissantes, un poignet aux attaches faisant un angle parfait avec l’avant-bras. Elle utilisait sa main avec rapidité et douceur, semblant effleurer les touches sans avoir besoin d’appuyer. Chaque doigt s’élevait et s’abaissait imperceptiblement et l’on ne voyait que des déplacements d’air, une sorte de film accéléré. Fasciné je la regardais faire, ne reconnaissant pas la femme entrevue auparavant, fade et défraîchie. C’était une divinité venue d’ailleurs qui ne se manifestait que par un bras sublime qui éclipsait toute autre considération. Plus qu’une main de velours, elle personnifiait la caresse par l’élégance de ses comportements, et le reste de son corps disparaissait devant la splendeur de ce bras vivant, léger, aimable et de cette main agile, souple, imprévisible et câline.

Le train freina brutalement, projetant les voyageurs contre ou hors de leur siège. La femme interrompit son texto et changea de position. Elle redevint celle aperçue riant grassement avec ses copines. Le charme était rompu. Je me frottai les yeux, je me mordis les lèvres. C’était fini. L’instant de grâce était passé. La pluie d’étoiles distribuée par un inconnu enjôleur avait poursuivi sa route, afin de terrasser d’autres rêveurs et leur donner à contempler l’invisible derrière le visible. Trois secondes d’enchantement, deux minutes d’extase, trois heures d’incrustation dans la mémoire, trois jours de bonheur gratuit, trois ans de contact avec l’inconnu qui me fit traverser le temps et l’espace et goûter l’éternité. Qui est-ce : moi, lui, soi, nous, le néant, l’unité ou le tout ? Le mystère demeure entier, mais je sais qu'il cache une réalité palpable.

28/07/2014

Les fiançailles

Les fiançailles sont un temps inestimable, un temps hors du temps, un temps d’éternité, avant que l’écoulement de la vie ne plonge à nouveau le couple dans la lutte de la connaissance de soi. Mais cette fois-ci ils feront l’expérience à deux, se soutenant mutuellement.

Il est dommage que la modernité ait évacué cette période privilégiée. A vouloir aller trop vite, on brise la confiance à établir. En effet, le terme fiançailles est de la même étymologie que confiance : le mot vient du latin fidere qui signifie « se fier », « croire ». Les fiançailles sont la reconnaissance de la con-fiance (se fier avec, fidéliser avec) que chacun a pour l’autre.

Les fiançailles comportent deux temps :

Le premier temps consiste à reconnaître en l’autre celui ou celle qui nous aidera à donner, par sa présence et son amour, un sens à notre vie. C’est le moment où l’on se dit la possibilité, le désir et l’espérance de vivre ensemble. Cela suppose une vision globale de la vie : connaissance de son propre passé et du passé de l’autre, sentiment de la présence lumineuse et bienfaisante pour l’être dans l’instant, vision de l’avenir non en tant qu’événement, mais en tant qu’accomplissement de l’être. « C’est en elle ou en lui, que je m’accomplirai ».

Le second temps amène à faire connaître cette espérance et ce choix à la famille, les amis, la société. C’est aussi faire passer l’instant de grâce amoureuse dans la durée. C’est s’engager à se souvenir, à porter attention à chaque instant à l’amour échangé pour qu’il devienne vie pour soi-même, pour l’autre et pour les autres. Ce moment est le passage de l’ouverture aux autres de l’amour qui jusqu’alors avait besoin d’une certaine intimité pour s’éveiller et grandir. La lumière de l’amour étant née, il faut maintenant la faire rayonner, la partager avec les autres, apporter sa pierre à l’édifice fragile de la solidarité humaine.

Les fiançailles vont donc bien au-delà de l’attirance physique, qui bien sûr existe. Elles consistent à se découvrir moralement, spirituellement, à s’unir par la pensée avant de s’unir par le corps. Cette découverte de l’autre, mutuelle, est la source de la confiance qui s’établit entre les deux fiancés. Lorsque la transparence est totale, le moment du mariage est venu. Je te vois nu(e), tu me vois nu(e) et nous avons confiance l’un dans l’autre : je sais que, grâce à toi, je pourrai aller au-delà de moi-même sur le chemin de notre destinée.

27/07/2014

Onze minutes, roman de Paulo Coelho

Un très beau livre, mais qui traite d’un sujet scabreux, le sens de la sexualité. Qu’est-ce : besoin, plaisir véniel, violence à la manière du marquis de Sade, amour éros ou amour agapé ?

Le sujet est abordé à travers la vie de Maria, jeune brésilienne qui, à Rio de Janeiro, se voit proposer de devenir danseuse à Genève. Rêvant de gloire, elle se14-07-15 Onze minutes_Coelho.jpg retrouve prostituée. Parcours fréquent, mais ce qui compte ce n’est pas ce parcours sociale hélas assez habituel, mais le parcours quasi spirituel que va découvrir progressivement Maria. Elle s’interroge, elle ne se laisse pas faire, elle s’en sort.

Elle  apprend à dissocier l’âme du corps, à ne pas juger et elle s’interdit de tomber amoureuse. Elle pratique son métier en professionnelle avertie. Elle accumule de quoi rentrer au Brésil et acheter une ferme pour ses parents. Elle découvre différent types de clients, mais elle rêve d’un véritable amour et écrit : Le désir profond, le désir le plus réel, c’est celui de s’approcher de quelqu’un. A partir de là, les réactions s’expriment, l’homme et la femme entrent en jeu, mais l’attirance qui les a réuni est inexplicable. C’est le désir à l’état pur. Quand le désir est encore en cet état de pureté, l’homme et la femme se passionnent  pour l’existence, vivent chaque instant avec vénération, consciemment, attendant toujours le moment opportun pour célébrer la bénédiction prochaine.

Deux clients dont elle fait la connaissance sont très opposés. Mais ils sont tous les deux patients. Ils ne se précipitent pas.

Le premier lui enseigne la souffrance comme un stimulateur du plaisir. Pour la première fois, elle va au bout de sa sexualité et éprouve un plaisir qu’elle n’avait jamais goûté. Maria sentit qu’elle entrait dans un trou noir au plus profond de son âme, où la douleur et la peur se mêlaient au plaisir absolu, l’entraînant au-delà de toutes les limites qu’elle avait connues. (…) L’art du sexe est l’art de contrôler la perte de contrôle. Elle note dans son journal intime : La rencontre d’une femme avec elle-même est un jeu qui comporte des risques sérieux. Une danse divine. Quand nous nous rencontrons, nous sommes deux énergies divines, deux univers qui s’entrechoquent. S’il manque à cette rencontre la déférence nécessaire, un univers détruit l’autre.

Le second va lui apprendre tout autre chose : la puissance spirituelle de la sexualité transcendée. « J’ai rencontré un homme, et je suis éprise de lui. Je me suis permis de tomber amoureuse pour la simple raison que je n’attends rien… Il me suffit de l’aimer, d’être avec lui en pensée, et que ses pas, ses mots, sa tendresse donnent des couleurs à cette ville si belle. (…) Tout le monde sait aimer, c’est inné. Quelques-uns le pratiquent naturellement, mais la plupart doivent réapprendre, se rappeler comment on aime et tous sans exception doivent brûler dans le feu de leurs émotions passées, revivre des joies et des douleurs, des chutes et des rétablissements, jusqu’à ce qu’ils parviennent à distinguer le fil directeur qui existe derrière chaque rencontre. Alors les corps apprennent à parler le langage de l’âme : cela s’appelle le sexe, c’est cela que je peux donner à l’homme qui m’a rendu mon âme, même s’il ignore totalement à quel point il compte dans ma vie. C’est cela qu’il m’a demandé, et il l’aura ; je veux qu’il soit heureux. »

N’en disons pas plus. Maria finira par se réconcilier avec elle-même : Je savais que c’était le moment. Tout mon corps se relâcha, je n’étais plus moi-même - je n’entendais plus, ne voyais plus, ne sentais plus le goût de rien – je n’étais que sensation… Ce n’était pas onze minutes, mais une éternité, c’était comme si tous les deux nous sortions de nos corps et nous promenions, dans une joie, une compréhension et une amitié profondes, dans les jardins du paradis. J’étais femme et homme, il était homme et femme. Je ne sais combien de temps cela a duré, mais tout paraissait silencieux, en prière, comme si l’univers et la vie étaient devenus sacrés, sans nom, hors du temps.

26/07/2014

Rodomontade

Silence ! Pas un bruit. Tout est immobile…
La seule vie est dans les pensées.
Et ça s’agite. Une vraie tempête,
Une bouilloire en ébullition !
C’est si rare ce calme intangible,
Cette immuabilité inexorable,
Cette pointe de diamant offerte
Comme un fruit mûr.
J’y goûte avec prudence, inquiet.
Se peut-il que le monde se soit arrêté ?

Une vague plainte, un aboiement,
Comme un regret de vous avertir.
Le chien fidèle vous fait signe.
Tu n’es pas seul éveillé.
Je veille aussi et j’aboie
Pour que tu existes.
Dans ce bouillon de culture, tu es !
Plus rien…L’inexistence…

Je sors et je ne vois rien…
Enfin, quelques minutes plus tard,
Voici au-delà des feuillages
Un nuage qui passe, si lentement,
Si pauvrement, qu’il n’existe pas.
Je ne vois en fait que deux étoiles
Qui apparaissent, puis s’évaporent
Comme un feu de détresse
Ou un avertissement insolite :
« Tiens-toi éveillé ! Entre en toi-même ! »

Que dit-il ? Je suis moi dans ce tout
Et ce tout échappe à mes sens.
Plus rien à toucher, plus rien à goûter,
Plus rien à entendre, plus rien à voir,
Juste l’odeur douçâtre de la lavande,
Immense marée bleue des plateaux
En vagues rectilignes
Pointant leurs épis chatoyants
Vers un ciel jaune de bonté
Et la ligne verte, presque qu’indigo,
Séparant l’épaisseur des pas
De la légèreté des pensées…

Dans ce silence, tout revit
Dans la boite crânienne
Tournant en rond, exposé
A l’immense machine à laver
Qui brasse tout ce qui s’échappe
Du trou intense et noir
Suintant sourdement dans les eaux
Claires et transparentes
Du monde endormi…

Le cul du monde intérieur
Qui pète tes rodomontades !

© Loup Francart

25/07/2014

Hasard ou osmose

Lecture d’un livre impressionnant non pour sa littérature à qui se contente de raconter, mais pour les idées exprimées : Message des hommes vrais au monde mutant, de Mario Morgan, J’ai Lu ou Editions Albin Michel, 1995. Nous en reparlerons, mais pas tout de suite. Il faut le digérer.

Ici, j’étais dans une réalité d’hémisphère droit, peuplée de personnes qui n’utilisaient aucun de mes si importants concepts éducatifs et n’obéissaient pas à mes obligations civilisées. C’étaient des maîtres du cerveau droit, qui utilise la créativité, l’imagination, la connaissance intuitive et les concepts spirituels. Ils ne jugeaient pas nécessaire de s’exprimer verbalement : ils communiquaient par la pensée, la prière, la méditation, donnez à leur méthode le nom que vous voulez. Comme j’avais dû leur paraître ignorante. (…) Je demandai mentalement de l’aide : « JE peux apprendre, je ferai ce qu’il faut. Aidez-moi à trouver de l’eau. Je ne sais pas quoi faire, quoi chercher, quelle direction prendre. » (…) Une autre pensée vint alors : « Sois eau. Sois eau toi-même. Quand tu seras eau, tu trouveras de l’eau. » Je m’ouvris à l’intuition et, fermant les yeux, je m’efforçai de devenir eau. (…) Je crois vraiment que cette première gorgée d’eau tiède me rapprocha plus de notre créateur que toutes les communions à l’église…

Alors, comme j’aime expérimenter, je tentai une expérience. Je suis dans le midi, près du massif de l’Estérel. Tous les matins, je pars dans la montagne, courir et méditer (concentré) ou rêver (débridé). Je pensais à ce livre que j’avais lu la veille et je me dis : « Cherchons quelque chose qui ne se trouve pas vraiment facilement, mais qui, bien sûr, existe. » Et je pensai au thym. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il n’est pas si facile à trouver sur ces étendues pierreuses sur lesquelles poussent plutôt les chênes lièges, l’Euphorbe, l’Osmonde royale, Cytise, Daphné garou, Salsepareille.

Je pensais : « Fais-toi thym. Fais-toi thym. » Je m’accrochais à la pierre éclatée au soleil, je descendis des canyons profonds, j’escaladais des escarpements, montais vers le ciel et descendais vers dans les vallons. Rien. Devenant thym, j’avais besoin d’humidité. Oui, il faut chercher dans les lieux où passe l’eau lorsqu’il pleut. Encore faut-il les trouver ! Je cherchais, je cherchais et ne trouvais rien. Je pris le chemin du retour. Sur ce chemin pierreux, je vis une rigole, pas vraiment un début de cours d’eau au flanc de la montagne. Je m’arrêtai, instinctivement. Il doit y en avoir ! Je descendis dans l’anfractuosité et ne trouvai rien. Toujours ces herbes assez ressemblantes, mais qui n’ont ni son odeur acidulée et aigre, ni ces petits bouquets de feuilles sur un rameau maigrichon qu’il faut égrainer pour nourrir votre plat de senteur délicieuse. Allons, pourquoi perdre du temps à tout ceci ! Et mes yeux tombent sur une petite pousse de thym rachitique et sans noblesse, mais si odorante. Un balai comme ceux des nettoyeurs de rue à Paris. Trois brins d’écorce sans consistance, mais si voluptueux dans ses effluves qu’on lui pardonne et même que l’on loue sa misère. Je cherchai autour et j’en trouvai quelques autres brins, à l’ombre de plus grandes plantes, poussant modestement, si peu visibles.

Oui, c’est vrai, je m’étais fait thym et j’avais trouvé inconsciemment. Quelle osmose ! Qu’en conclure : rien, c’est parce que l’on veut en tirer un concept qu’on dénature la vérité. Vivons et réjouissons-nous !

Deux jours plus tard je repassais au même endroit. J'y trouvai profusion de thym. Quel comique cet auteur. Qu'a-t-il été raconter !

24/07/2014

La femme

Une femme, c’est le mystère du monde. Elle n’a l’air de rien, elle s’efface devant l’autre, plus fort et plus puissant. Mais elle reste la gardienne de l’ordre naturel. Nos politiques défendent la femme comme égale de l’homme. Mais la femme est bien plus que l’homme. Elle est le contenant, alors que l’homme n’est que le contenu. Elle est matrice de l’univers, un monde en soi qui ne cherche rien, qui ne veut rien, mais qui est dans toute sa splendeur de mystère et d’instantanée.

Tu es l’étrangère, inconnue même de toi-même
Enfant pleurant sur elle-même
Fille qui se découvre autre et en use
Jeune fille, réservée ou fantasque
Qui danse la nuit et sert le jour
Vierge d’un jour, dévêtue de pudeur
Douceur et chaleur recueillies
Qu’un baiser du fond d’elle-même
Amène à la vie de femme
Tu acceptes cette ambiguïté
Je suis et pourtant tu es au-delà
Hors de portée de mes mains ouvertes
De mon regard avide de ta beauté profonde
Et chaque caresse fait fondre
Ce que je croyais être moi
Et qui devient toi, unique et royale
Tu es femme maintenant, devenue forte
Et souple de soumission feinte
Tu es celle qui passe devant moi
Mais reste derrière les ombres
Et regarde nos silhouettes égarées
Alors tu redresses le chemin
Pas par là, mais prenez ici
Elle te laisse partir et t’assoiffer
Puis vient te donner la boisson de l’immortalité

Oui, je t’aime car tu es le refuge
De mon corps impatient
De mon cœur émerveillé
De mon esprit rêveur
De mon âme éclairée
Par ta lumière sacrée

© Loup Francart

23/07/2014

Entre ciel et terre

Entre ciel et terre,
L’odeur argentée des basses eaux
Et la plainte lointaine des oiseaux.
Là voyage l’être,
Au fil de l’horizon bleuté,
Dans le son cristallin du clocher.
L’inconnu entre les mains
Je contemple
La vie et la mort entrelacées.

© Loup Francart

Ile de Ré, un jour d'orage...

22/07/2014

Noosphère

La première pensée, que fut-elle ?

Comment dans cet assemblage de neurones
Est née une idée abstraite, sans consistance ?

Plus qu’une sensation, plus qu’un sentiment
Elle marqua son auteur d’une auréole
Et lui délivra l’avenir de l’humanité

Mais qu’est-ce qu’une première pensée ?
Un premier mot, un premier son,
L’établissement d’un premier rapport
Entre deux objets proches et différents

Serait-ce une étincelle jaillissante
Comme un geyser sorti de terre
Une première réflexion : poule ou œuf
Un premier outil pour séparer,
Le second pour assembler !

Un premier concept émergé de nuit
Dans la froideur d’un ciel scintillant
Devant le vide de l’univers
Le plein d’une terre trop matérielle
Le choc et la rencontre de deux mondes
Qui s’entrecroisent sans se comprendre


Une première création inutile et honnie
Des habitudes inscrites dans la faim
Le danger, le sommeil, la rage
Et qui d’un regard ou d’une ouïe attentive
Fit frissonner la peau poilue
Et entrer dans le monde intérieur
Et grandir un espace non profané

 

Ne dépassons pas le nombre sept
Nombre vivifiant de signification
Il consacre une renaissance
Un autre cycle d’épisodes
Marqué de nouveaux liens
Jusqu’à la dissociation bien-mal

La première pensée fut-elle une souffrance
Ou plus simplement une réjouissance
Ou encore l’atonie d’une non compréhension ?
Mais quand donc est survenue
La seconde idée : en un même lieu ?

Peut-être est-elle née d’un homme
Qui s’interrogeait sur l’existence
D’un autre homme, imaginaire
Et suffoquant de cette absence

Venu du fond des âges, lentement
S’est formé ce nuage impalpable
Qui recouvre l’homme de rosée

Et maintenant une planète s’en empare
S’entoure de rêves ou de mathématiques

Je suis et j’en viens à penser...

© Loup Francart

poésie,écriture,poème,littérature

 

 

 

C'est vrai, n'oublions pas ! Allez voir le 21 juillet... Parution du livre ...

21/07/2014

Petits bouts de rien

 

livre,littérature,écriture,société,politique,arts,culture,peinture,femme,homme,ville,campagne

livre,littérature,écriture,société,politique,arts,culture,peinture,femme,homme,ville,campagne

 

 Les éditions du Panthéon vous font part de la parution du livre

Petits bouts de rien

le 21 juillet 2014

 

272 p. format 13x20cm

Prix de vente:

  • imprimé : 19,40 €  TTC;
  • numérique : en moyenne 15 €, selon les réseaux de distribution. 

Les commandes peuvent être passées :
- Sur le site internet : www.editions-pantheon.fr
- Par courriel adressé à : commande@editions-pantheon.fr  
- Par courrier adressé à : Les Editions du Panthéon
                                     12 rue Antoine Bourdelle  75015 Paris
- Par télécopie au 01 43 71 14 46
- Par téléphone au 01 43 71 14 72 
- Sur Amazon : http://www.amazon.fr/
- A la FNAC : http://livre.fnac.com/

 

Emmenez-le en vacances, lisez un récit et laissez-vous rêver...

20/07/2014

Musée Guggenheim de Bilbao

Pour une fois, nous ne parlerons pas du contenu, mais du contenant. A Bilbao, sait-on d’ailleurs ce qu’est le contenu et le contenant, l’un et l’autre étant semblables, œuvres d’art à contempler, l’une de dehors, puis de l’intérieur, les autres, extérieurs intégrées à l’intérieur.

Le bâtiment est en soi un navire amiral, grandiose, dont la silhouette assemble le titane, le verre, la pierre et l’eau. Coins et recoins, blocs et unités, ouvertures et secrets, les oppositions sont multiples et toujours harmonieuses.

Quel que soit la façade dont on l’observe, il reste majestueux :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Une fois dans le Vestibule, où convergent toutes les galeries, le visiteur accède à l'Atrium, cœur authentique du Musée et l'un des traits distinctifs de la création de Gehry. Ce grand espace libre, aux volumes courbes, connecte l'intérieur et l'extérieur de l'édifice grâce à de grands murs en rideau de verre et une grande verrière zénithale. Les trois niveaux du Musée s’organisent autour de cet Atrium central et sont reliés grâce à un système de passerelles curvilignes, d’ascenseurs en verre et en titane et de tours d’escaliers. L’Atrium, qui fonctionne aussi comme un espace d’exposition, sert d'axe autour duquel se structurent les 20 galeries du Musée, certaines ont une forme plus classique, avec des lignes orthogonales, et d’autres présentent une irrégularité singulière. Le jeu des volumes et des perspectives permet de disposer d’espaces intérieurs où, pourtant, le visiteur ne se sent à aucun moment écrasé. Cette diversité de salles et cette adaptabilité se sont révélées d’une énorme utilité entre les mains expertes des commissaires et des créateurs, qui ont trouvé l’atmosphère idéale pour la présentation d’œuvres de grand format et de supports contemporains mais aussi pour des expositions de caractère plus discret et intime. » (From : http://www.guggenheim-bilbao.es/fr/le-batiment/linterieur/)

Une merveille d’architecture, abritant des œuvres grandioses elles-mêmes, mais de purs chefs d’œuvre, c’est la question !

« La Matière du temps (The Matter of Time) permet au spectateur de suivre l’évolution des formes sculptées de l’artiste, de la relative simplicité d’une ellipse double à la complexité d’une spirale. Les deux dernières pièces de ce développement sont créées à partir de sections de tores et de sphères qui génèrent divers effets sur le mouvement et la perception du spectateur. En se transformant de façon inattendue au fur et à mesure que le visiteur les traverse et en fait le tour, elles créent une vertigineuse et inoubliable sensation d’espace en mouvement. La totalité de la salle devient partie intégrante du champ sculptural : comme avec quelques-unes de ses sculptures composées de nombreuses pièces, l’artiste organise les oeuvres avec détermination pour déplacer le spectateur à travers elles et à travers l’espace qui les entoure. La distribution des oeuvres tout le long de la galerie donne lieu à des couloirs de différentes proportions (larges, étroits, allongés, comprimés, hauts, bas) toujours imprévisibles. L’installation contient aussi une dimension de progression temporelle : d’un côté, le temps chronologique qu’il faut pour la parcourir et l’observer du début à la fin ; et de l’autre, le temps de l’expérience dans lequel les fragments du souvenir visuel et physique se figent, se recombinent et se revivent. » (From : http://www.guggenheim-bilbao.es/fr/oeuvres/la-matiere-du-temps/)

 

architecture,musée,peinture,art contemporain,société

 architecture,musée,peinture,art contemporain,société

 

 

 

 

 

C'est vrai, n'oublions pas ! demain, 21 juillet...

19/07/2014

Une étape de la vie

Le passage de la cinquième à la quatrième est un des moments  de la vie parmi les plus fascinants. On découvre l’autre sexe. Certes, on parle encore de filles et de garçons, mais avec une retenue qui voile le mystère de cette découverte. C’est14-07-10 adolescente-dos.jpg bien sûr un des sujets de discussion, pratiquement le seul, mais toujours de façon indirecte. Ce fut un choc pour Jérôme, même si, pendant une bonne partie de cette année de quatrième, cet étonnement ne fut que d’ordre psychologique. Cela constituait un bouleversement sans précédent dans la vie du jeune garçon qui, progressivement, devenait un adolescent. En réalité, cette prise de conscience ne s’effectua pas en un jour, celui de la rentrée scolaire. Il lui fallut bien un an pour saisir consciemment les modifications dans son corps et ses pensées.

Les premières semaines, assis au fond, dans la classe, il regardait ces filles qui commençaient à devenir jeunes filles, plus sérieuses, plus appliquées que les garçons, plus attentives à leur corps, à leurs attitudes, à la douce tiédeur de leurs formes découvertes dès la sortie de l’hiver : le pli du coude, le pli plus secret des aisselles, la rondeur devinée de leurs jeunes seins, la verdeur inimaginable de leurs cuisses reposant sur la chaise d’écolier. Ce fut au printemps, après six mois d’aveuglement enfantin, qu’il commença vraiment à sentir cette nouveauté en elles, puis en lui. Ce fut lent. Parfois, regardant l’une d’elles, il éprouvait comme un pincement quelque part, sans savoir exactement où, et ce pincement l’étouffait de mystère caché, incompréhensible. La promiscuité des sexes dans la salle de classe creusait un fossé incommensurable entre elles et lui, et, dans le même temps, l’histoire humaine devenait son histoire, personnelle, envoûtante, mystérieuse, grâce à la découverte de la plus grande énigme existant sur terre, celle de l’homme et de la femme qui se regardent et se voient semblables et différents. Envoûtantes, ces demoiselles faisaient semblant de ne rien voir de ces émois qu’elles provoquaient auprès des garçons. Envoûtés, ceux-ci continuaient à jouer la comédie de la virilité, celle de jeunes gars fiers d’être ce qu’ils sont, sans savoir qui ils sont. Mais tout ceci était diffus, imperceptible, comme le soupçon de lait que l’on met dans son café le matin, encore ensommeillé, et qui monte en nuages épais dans le liquide noir. La frontière restait indécise en raison de l’égalité de l’âge, tentatrice par sa nouveauté attrayante, imprécise par les différences inconnues.

Que se passait-il dans les corps et les esprits de ces jeunes adolescents qui sortaient de l’enfance par une porte dérobée ? Avant tout des images, des sensations, voire des sentiments non interprétables. De sa place, il n’écoutait plus le professeur, il regardait ces bustes de presque femmes, ces cheveux virevoltant d’abord involontairement, puis de manière plus consciente, la courbe de l’épaule dénudée à partir de mai, le tissu tendu par la naissance des seins et leurs regards, entre elles, de secrets inavouables, mais évidents. La puberté était tombée en un jour sur leur corps, alors que pour les garçons, rien n’était aussi franc. Ils ne la découvraient que progressivement, de manière plus lourde, d’abord dans une sorte de rêve, avant qu’elle ne devienne affirmée physiquement.

société,bonheur,affectif,relation,culture

 

 

C'est vrai, n'oublions pas ! Le 21 juillet...

 

18/07/2014

Dernier poème d'amour

Quelques poèmes encore, d’amour évidemment
Et nous partirons ensemble pour cet au-delà
Qui nous fit rêver les jours de désespoir…
Le rêve va s’achever, il va devenir réalité

Nous nous en irons la main dans la main
Les yeux sous le regard de l’autre
Les lèvres tendues vers l’autre visage
Celui de l’aimé(e) de toujours et de partout

Jamais je n’oublierai le poids de ton abandon
Jamais je ne retrouverai les plis de ta nudité
Tu resteras l’unique, fille et femme
De mes vingt ans et autres années passées

Je t’ai frôlée, j’ai approfondi l’inconnue
De ton corps et de ton âme, ensemble
Nous avons erré dans la vie noire
Et vogué dans une liberté éclatante

Quelle belle promesse nous nous sommes faite
Un jour de printemps sur le seuil d’une église
Savions-nous alors qu’elle nous engloutirait
Dans ces plongeons nocturnes de délivrance

C’est encore avec joie et des larmes d’abandon
Que nous partirons vers ce nouveau monde
Où les âmes n’ont plus de corps
Où les corps ont perdu leur gravité

Peut-être ne serons-nous ni homme ni femme…
Mais nous nous reconnaîtrons malgré tout
Par le tremblement de nos êtres
Au-delà du désir… Dans la transcendance…

© Loup Francart

poésie,écriture,poème,littérature

 

 

C'est vrai, n'oublions pas ! Le 21 juillet...

17/07/2014

Sakura "Cherry Blossoms" (fleurs de cerisier) : Musique traditionnelle pour Koto

https://www.youtube.com/watch?v=AK51LblcEOw&list=RDrRM_FNooJHc&index=3 

 

Le Koto est un instrument de musique à cordes pincées utilisé en musique japonaise traditionnelle. Originaire de Chine, il fut introduit au Japon entre le VIIe siècle et le VIIIe siècle et était joué à la Cour impériale.  Son usage s'est ensuite démocratisé. 

C’est une longue cithare, de 1,80 m de long et comptant 13 cordes. La caisse est traditionnellement fabriquée en bois de paulownia évidé, et les hauts chevalets amovibles, en ivoire. Ses cordes sont en fil de soie que l'on pince avec des grattoirs en ivoire. Il produit un son lyrique, comparable à celui d'une harpe, ce qui peut expliquer le terme souvent rencontré de « harpe japonaise ».

Le Koto possède une échelle de sons spéciale, l’échelle Kumoijoshi, bien sûr sur cinq notes comme toute la musique orientale ancienne (avec ajout de piens ou sans). Comme la hauteur de la fondamentale est indéterminée, elle est ici élevée d’un ton par rapport à l’échelle donnée dans le schéma (ré-mib-sol-la-sib). Mais les intervalles reste les mêmes : 0,5 – 2 – 1 – 0,5 / 2. La mélodie principale est sol-sol-la, sol-sol-la, sol-sol-la-sib-la-sol-la-sol-ré.

Petite musique du matin, dans la fraicheur des cerisiers en fleurs. La musique vous vide l’esprit et vous emplit d’une douce quiétude revigorante. Vous êtes prêts à partir d’un bon pied pour une journée active, mais de manière ordonnée, avec paix et sérénité. Mieux vaut écouter cette musique que de prendre un cachet pour supporter une journée supplémentaire !

musique orientale,musique japonaise,musique à cordes,koto

 

 

 

C'est vrai, n'oublions pas ! Le 21 juillet...

16/07/2014

Fraicheur printanière

Imaginez-vous, vous qui toujours n’avez connu qu’une banlieue sale et grise, vous retrouver à la campagne dans un pré, environné de fleurs. Certes ce jardin est petit. Vous voyez toujours les carcasses de voitures et les cafés aux devantures marrons, mais vous êtes assis(e) sur votre mètre carré de pré au soleil parmi les senteurs de fleurs des champs, au bord d’une rivière qui coule lentement et vous berce de son gazouillis. Quel enchantement !

Alors je vous l’offre ce mètre carré. Qu’il vous fasse rêver et qu’au dernier jour de votre vie vous vous souveniez de cet instant, si court, où vous avez rêvé d’un autre monde que vous allez bientôt connaître.


 

 

art optique,art cinétique,peinture,géométrie,dessin

 

 

 

C'est vrai, n'oublions pas ! Le 21 juillet...

 

15/07/2014

Le Soufisme

Le Soufi, c’est l’homme de connaissance assumant pleinement  son humanité et ouvert à ce qui est au-delà de l’homme, celui qui connaît le but et à qui la connaissance du but donne la connaissance des moyens qui permettront à d’autres de s’avancer sur la voie qu’il a parcourue. (…)

Le Soufi est dans le monde sans être du monde.

Dans le monde : bien qu’enraciné dans une tradition millénaire, il appartient à son temps et le devance bien souvent. (…) Pour le Soufi, le service est prière. Mais il sert la vérité et non les espoirs pieux. (…)

Sans être du monde : parce qu’il a vécu l’expérience de la perception du réel, il vit en accord avec cette réalité dont notre sommeil intérieur et le jeu des apparences nous tiennent séparés, dont notre monde n’est qu'une modalité provisoire, une approximation relativement grossière.

Jean Néaumet, Le soufisme aujourd’hui, article tiré du livre Le Soufisme, la voie de l’Unité (« Doctrine » et « méthode »), L’Originel, 1980, p.7. 

spiritualité,connaissance de soi,la voie,l'unité,islam

Le Soufisme est donc une école non pas de pensée, mais de vie. Il ne s’agit pas de croire, émotionnellement, intellectuellement, mais d’expérimenter l’éternité. C’est un apprentissage permanent de l’expérience cosmique. Le Sama (la danse)  permet d’exprimer la communion de l’être cosmique et se traduit par l’allégresse du corps et de l’esprit en mouvement.

« O jour, lève-toi, les atomes dansent,
Les âmes éperdues d’extase dansent,
La voûte céleste, à cause de cet être, danse. »
 

L’expérience mystique est liée à l’expérience de l’univers. La danse des atomes reflète la danse des âmes à la recherche de l’éternel.

« Le danseur qui célèbre le sama, tourne sur lui-même, il est point et cercle à la fois. Il est l’axe du monde. Par lui, la terre se relie au ciel et ils entrent en mouvement. »

(Michel Random, Mawlana le Soufisme et la danse, Sud éditions, 1980).

Alors dansons, chantons, mais que la danse et le chant soient intérieurs, que la jubilation envahisse notre corps et notre esprit et nous rendent transparents.

 spiritualité,connaissance de soi,la voie,l'unité,islam

 

C'est vrai, n'oublions pas ! Le 21 juillet...

 

 

 

14/07/2014

Oublier son moi ordinaire

Tiens ! Je l’ai perdu. Où est-il donc passé ?
Toute la nuit j’ai couru pour m’en séparer
Au matin, il a disparu, brusquement
Je me suis délesté et élevé, mais vers quoi ?

Je passe en rêve, regardant le monde
Quelle agitation extrême et délicieuse
Un lokoum au goût de miel poisseux
Et pourtant j’en suis détaché, allégé

Certes les paysages de cette absence
N'ont pas le charme de l’attachement
Leur brillance est plate comme l’horizon
Je piétine le macadam des certitudes

Mai où donc se trouve ce moi recherché
Peu importe ! Quelle absence de pensées...
Seul compte le lent glissement huilé
Du corps transparent sur l’horizontalité

Je ne peux le rattraper, il fuit vite
Je le regarde partir, comme un enfant
Et me dit : enfin, loin des inquiétudes…
Mais… Te souviens-tu de ton nom ?

© Loup Francart

poésie,écriture,poème,littérature

 

 

C'est vrai, n'oublions pas ! Le 21 juillet...

 

 

  

13/07/2014

L'aquarium du Trocadero à Paris

Est-ce vraiment un aquarium et non un trou du diable ? Certes, l’entrée est avenante, mais on descend, on descend et on descend toujours plus bas, sous terre, dans le noir, pour mieux faire ressortir les fonds marins et ceux qui les habitent.  Les architectes qui ont construit ce lieu nous plonge dans le monde du silence par l’ambiance. Peut-on parler de silence d’ailleurs. Cris des enfants : « Oh ! Maman, regarde ! » Et réponse des parents : « Ne va trop près ! ». Mais, miracle, on ne les entend plus au bout d’un moment. On s’isole et l’on se plonge dans les profondeurs d’une eau chaude et bleu. On remue le bassin, on gigote des pattes, on ouvre un œil maussade, on donne un coup de nageoire pour s’éloigner d’un intrus qui vient pérorer à nos côtés. On fait un clin d’œil à la murène, un signe d’amitié au pageot rose, on jette un regard craintif au squale effilé qui se profile derrière le rocher. On ouvre la bouche en cadence, pour respirer, les poumons emplis d’eau. On sent même l’odeur aigre de la grande raie guitare qui vient vous effleurer le dos du bout de son aile et qui repart lentement, insensible au charme qu’elle vous a fait.

Première grande halte, les calanques de Cassis, grandioses : une grotte sortie des contes de Pagnol, environnée d’ombres glissant dans le liquide bleu. On distingue les énormes mérous, passifs et s’imposant d’eux-mêmes, les castagnolles aux petites rayures dorées, les coquettes rouges, le Crénilabre commun (peut-être, mais qui le connaît si bien ?). On sent la chaleur de la Méditerranée : pourquoi n’a-t-on pas amené notre maillot de bain ?

Un détour au cinéma avec les scientifiques qui devisent avec force conviction sur le sexe des anges, non, des poissons… 

Entrée dans l’eau des Outre-mers. Drôle d’appellation. Ce pourrait être également d’outre-tombe, car l’on descend progressivement dans les entrailles de la terre. On admire les poissons typiques des  Caraïbes et leurs fantastiques colorations qui proviennent de l'exposition importante et soutenue au soleil, un bronzage naturel dû à la faible profondeur des eaux lagunaires. On y voit le poisson papillon, le Gramma royal bistré, bleu à la tête et jaune à la queue, le sergent major aux rayures de zèbre, le chirurgien bleu à l’œil jaune.

Et l’on descend, suffoquant de la chaleur de volcan qui s’échappe des grilles d’aération, car il faut bien respirer malgré tout. Passage au "bassin caresses" où chacun peut toucher les carpes koï et les ides peu farouches. Les enfants s’en donnent à cœur joie, relevant leurs manches, se trempant le haut des bras, agitant leurs petites mains en tous sens. Certains adultes ne peuvent résister et font de même avec un sourire enchanté qui donne envie à ceux qui n’osent pas d’essayer ces caresses affriolantes. Retour à l’enfance, au temps des deux pieds dans l’eau, sautant pour éclabousser tout le monde, y compris soi-même.

Autres bassins et aquariums avec des fantômes aux formes et aux couleurs étranges. Ils sont nombreux et fastidieux à décrire. Enfin, on arrive au grand bassin après avoir traversé une multitude de bazars plastiques sous forme de Play mobil qui n’attire personne, même pas les enfants qui viennent voir la vie qui est plus palpitante, même sous-marine.

Ce bassin est immense et peuplé de créatures effilées, glissant dans l’onde comme l’oiseau vole dans l’air : requins gris, à pointe noire, requin-chabot, requin-zèbre indolents. Ils se déplacent lentement, mais d’un coup de queue se propulsent à l’autre bout de l’espace, en un instant. Oui, c’est vrai le temps diminue quand la vitesse augmente. On n’est pourtant pas près du mur de Planck ! Bizarrerie de la nature ! Ah, voici la grande raie qui plane lentement et creuse son ombre sur le roc, effrayant les Pompaneaux lune, argentés et majestueux. Après la contemplation de ce volume d’eau impressionnant, peuplé d’animaux extraordinaires, rien d’autre ne peut nous intéresser. Aussi est-on poussé vers la sortie avec un passage obligatoire dans le grand bazar où il n’y a pas grand monde pour sortir quelques billets supplémentaires. Sortie des méandres du volcan, dans un Paris ensoleillé. Le grand bassin des jets d’eau nous rafraichit fort heureusement.

14-07-04 Aquarium (4).JPG

Ce n’était pas le grand bleu, mais ce fut un moment agréable reposant, méditatif si l’on s’abstrait des cris et des humains qui dénotent dans ce paysage aquatique.

L’on se prend à rêver être poisson. On retrouve ses jambes à la sortie. C’est moins palpitant qu’une torsion du buste pourse déplacer.

promenade,poisson,monde du silence,monde sous-marin 

 

C'est vrai, n'oublions pas ! Le 21 juillet...