03/01/2012
Enlacement
Il tourne, danse, seul ou à deux, selon l’angle sous lequel on le regarde. Il a l'air pataud. Il manie un énorme madrier. Mais, dans le même temps, il enlace tellement bien sa partenaire !
« Savez-vous ce que j’ai découvert ? Que si l’extase est la capacité de sortir de soi-même, la danse est une manière de s’élever dans l’espace. Découvrir de nouvelles dimensions, et cependant rester en contact avec son corps. Avec la danse, le monde spirituel et le monde réel parviennent à cohabiter sans conflits. Je pense que les danseurs classiques restent sur la pointe des pieds parce qu’ils touchent la terre et en même temps atteignent les cieux. »
(Paulo Coelho, La sorcière de Portobello, Flammarion, 2007, p.90)
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02/01/2012
L'ignorance, roman de Milan Kundera
« Qu’est-ce que tu fais encore ici ! » Sa voix n’était pas méchante, mais elle n’était pas gentille non plus ; Sylvie se fâchait. « Et où devrais-je être ? demanda Irena. « Chez toi ! ». « Tu veux dire qu’ici je ne suis plus chez moi ? ». « C’est la révolution chez vous ! » (…) Elle le dit sur un ton qui ne supportait pas la contestation. Puis elle se tut. Par ce silence, elle voulait dire à Irena qu’il ne faut pas déserter quand de grandes choses se passent. (…) Irena vit des larmes d’émotion dans les yeux de Sylvie et elle lui serra la main : « Ce sera ton grand retour ». Et encore une fois : « Ton grand retour ».
C’est un livre entre deux : entre deux types de livres de Kundera, les livres anecdotiques, tels que « Risibles amours », et les livres philosophiques tels que « L’immortalité », voire « L’insoutenable légèreté de l’être » ; entre le retour au pays après l’exil et le retour au pays d’exil devenu le vrai pays. D’ailleurs ce livre fut écrit directement en français et non en Tchèque comme les autres cités. Peut-être pour se prouver que maintenant sa vraie patrie est là, en France.
Il raconte l’histoire de deux émigrés : Iréna, d’abord mariée à Martin, puis, après sa mort, vivant avec Gustaf. Elle rencontre à l’aéroport un homme, Josef, qu’elle avait connu autrefois, à Prague. Elle le reconnaît, engage la conversation avec lui. Mais lui ne se souvient pas d’elle et n’ose le lui dire. Il lui laisse le numéro de téléphone de son hôtel. Le livre raconte alors les retrouvailles avec leurs parents et connaissances d’avant l’émigration. Elle convoque ses amies au restaurant, prépare de bonnes bouteilles de vin français. Mais elles lui font comprendre qu’elles préfèrent ce qui vient de chez eux, des chopes de bière. Elles parlent toutes de ce qu’elles vivent, de ce qui se passe à Prague. Elle prend conscience que sa vie en France ne les intéresse pas. Quant à Josef, il refait connaissance avec son frère qui l’accueille chaleureusement. Mais peu à peu il ressent une gêne. Le frère s’est approprié leur maison familiale, s’est emparé de tous les biens, comme si Josef était mort. – Nous avons essayé de te joindre, en vain. – Comment ? Tu connais pourtant mon adresse ! Seul un tableau semble encore l’intéresser, cadeau d’un peintre qui l’avait même dédicacé. Progressivement, il regrette cette visite à son frère et surtout sa belle-sœur. Il souhaite au moins emporter le tableau, mais ceux-ci ne semblent pas le comprendre. Alors il part, sans rien, sauf un cahier qu’il avait écrit lorsqu’il était jeune. Et il revit une scène dans laquelle il ment à une jeune fille qui était amoureuse de lui. Elle tente de se suicider. Elle garde comme un fétiche un cendrier qu’il avait volé dans un hôtel. Il revit également les années passées avec sa femme, avant qu’elle ne meurt.
A la fin du roman (mais est-ce vraiment un roman qui raconte une histoire ou des réminiscences d’une réalité vécue ?), Josef retrouve Irena à l’hôtel. – Alors, comment te plais-tu ? Tu voudrais rester ? – Non, dit-il. Puis il demande à son tour : Et toi ? Qu’et-ce qui te retient ici, toi ? –Rien. Alors ils parlent, parlent encore de tout et de rien. Et ils boivent, ils boivent encore, du vin, de la bière, de l’alcool. Elle se donne à lui, dans une entente totale, avec des mots obscènes. Dans la tête d’Irena, l’alcool joue un double rôle : il libère sa fantaisie, encourage son audace, la rend sensuelle et, en même temps, il voile sa mémoire. Sauvagement, lascivement, elle fait l’amour et, en même temps, le rideau de l’oubli enveloppe ses lubricités dans une nuit qui efface tout. Comme si un poète écrivait son plus grand poème avec une encre qui, immédiatement, disparaît.
Pris d’une impulsion soudaine, elle sort de son sac le cendrier. Tu le reconnais ? Et elle comprend qu’il ne se souvient pas, qu’il ne sait même pas qui elle est. Elle finit par s’endormir. Il part, en laissant un mot sur le tapis : Dors bien. La chambre est à toi jusqu’à demain midi… Ma sœur. Il prend la route de l’aéroport et quitte Prague.
Pourquoi l’ignorance ? Pourquoi pas la nostalgie, souffrance causée par le désir inassouvi de retourner au pays. Kundera l’explique au chapitre 2 de son roman. La nostalgie est la souffrance de l’ignorance. Tu es loin et je ne sais pas ce que tu deviens. Mon pays est loin, et je ne sais pas ce qui s’y passe. (…) Il faudrait ajouter un complément : le désir du passé, de l’enfance perdue, du premier amour.
C’est le roman de ce désir qui s’écroule progressivement au fur et à mesure qu’il devient réalité, jusqu’à ne laisser qu’un goût d’amertume face à l’ignorance des autres qui font comme si l’émigré n’existait pas et comme s’il ne s’était rien passé. Il n’est plus. Il est mort à leurs yeux, ou plutôt, son existence hors du pays ne s’incarne pas dans ce retour. Alors le retour devient un nouveau départ ou un vrai retour dans le pays élu librement.
07:09 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, roman, immigration | Imprimer
01/01/2012
Nouvelle année !
Nouvelle année ! Plus elles passent,
Ces nouvelles années, plus elles semblent
Toujours les mêmes : une nouvelle année
Semblable à elle-même, petitement
Oui, vous vous réveillez la veille,
Comme tous les jours, hagard,
Vous comptez vos abattis et vos poils de cheveux
Et vous vous dites : tiens, demain…
Et ce soir, que faire ! bien sûr,
Vous êtes invités au réveillon
Qui consiste à diner, assis, engourdi,
En attente d’une heure qui vient difficilement
Minuit, tous s’empêtrent d’un même vocabulaire
On croirait un hôpital psychiatrique
Ou une publicité pour handicapé
Que de « bonne année », produits publicitaires !
Après ces paroles malheureuses
Vous rentrez chez vous, refroidi
La tête pleine de rire et de larmes
Et vous vous couchez, honteux
Alors, le jour se lève lentement
Vous admirez son remuement léger
Vous sentez monter en vous cette évasion
Que vous procure l’extinction de votre égo
Et en un instant merveilleux et unique
Vous ressentez ce nouveau jour, seul
Face à l’immensité de la vie
Comme une bouteille d’espérance
Vous la buvez en douce, colorée et sucrée
Vous en palpez le grain indolore dans la bouche
Vous souriez à l’éternelle envie
De poursuivre votre voyage terrestre
Un autre jour, nouveau, excitant,
Une autre vie à construire, libre
Vous courrez dans la mer des délices
Et chantez à en perdre la tête
Merci à cet univers insolite
Merci à ce Dieu méconnu
Qui fait de vous un homme
C’est-à-dire un être à conserver
Alors bonne année nouvelle
Comme ce beaujolais de novembre
Que vous soyez ivres de jours
Et fiers de vos nuits
Que les amis qui nous ont reçu hier soir se rassurent. Ce poème est, comme tous les poèmes, l'expression de l'imagination qui n'a rien à voir avec la réalité vécue d'une excellente soirée. Tous les premiers de l'an comportent immanquablement une soirée et, inéluctablement il y a un matin nouveau, riche d'une nouvelle année pleine de promesses. Morale de l'histoire : profitez chaque jour de ce que la vie vous donne, le soir comme le matin !
07:46 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème | Imprimer
31/12/2011
L'art du roman
Détenir une histoire dans sa tête n’est rien. Encore faut-il être capable de la raconter bien. Si le récit a son mot à dire dans l’art du roman, la manière de le dire importe encore plus.
Et, au fond, est-on sûr que raconter une histoire soit si important que cela pour faire un roman. En réfléchissant bien, sûrement pas. Il existe de nombreux romans qui ne constituent pas une histoire munie d’un début et d’une fin, avec une intrigue et des personnages. Par exemple, les romans de Milan Kundera sont un patchwork de récits courts de personnages qui se mélangent dans le temps et dans l’espace. Mieux, l’histoire peut être poétique ou encore se dérouler hors d’un temps mesuré, voire hors d’un espace défini. Enfin, un roman peut être bâti sans intrigue, de manière pouvant paraître illogique, et cette construction est faite volontairement par l’auteur.
De manière plus générale, on peut dire qu’il existe deux origines pour le récit d’un roman.
Soit celui-ci est fondé sur des souvenirs auquel, bien sûr, l’auteur ajoutera de nombreuses inventions de lieux, de temps, d’action, de personnages, ou encore mêlera sans aucune gêne des souvenirs appartenant à des moments et des lieux différents. Ce genre est parfois ennuyeux parce que l’on sent, sans pouvoir le préciser, cette pâtée mixte qui laisse de gros grumeaux dans un récit chaotique. Mais d’autres auteurs brossent de véritables bijoux à partir d’une expérience personnelle, telle Amélie Nothomb lorsqu’elle fait de ses souvenirs d’enfance un feu d’artifice de paillettes dorées et éblouissantes.
D’autres auteurs, construisent par l’imagination pure. Ces romans font souvent plus vrais, aussi bizarre que cela puisse paraître. La difficulté pour ces imaginaires est d’aller jusqu’au bout de leur épopée inventée, d’en créer des intrigues durables de la première à la dernière page. Admirons dans ce régistre Ken Follett dans son ouvrage "Un monde sans fin". En fait, tout dépend de la manière de construire le récit. Soit l’auteur se fie à une imagination démesurée et la laisse courir librement dans les champs en butinant de ci de là ; soit, au contraire, il construit méticuleusement le plan à suivre, préparant son livre dans les moindres détails jusqu’au déclic qui lui donnera le signal de commencer. Il peut arriver qu’il ne vienne jamais, malheureusement.
En réalité, la plupart des auteurs empruntent aux deux manières, mêlant la fiction à des souvenirs réels avec plus ou moins de bonheur. Ceux chez lesquels prédominent les souvenirs font généralement des romans courts, émouvants. Ceux pour lesquels l’imagination prédomine peuvent écrire des centaines de pages si la verve scripturale est avec eux. Entre les deux existe logiquement le roman historique, mixte des deux tendances, chemin étroit au bord du précipice de l'authenticité. Les deux manières font de bons ou de mauvais livres.
Une autre difficulté du roman est celle des dialogues. Allez dans une librairie et feuilletez les livres qui s’y trouvent. Vous serez frappé de voir que certains romans n’affichent que très peu de dialogues, alors que d’autres sont plutôt chiche en description de contextes ou de sentiments, seules comptent les situations et les réparties. On peut penser que cette différence tient à la psychologie personnelle de l’auteur. Est-il bavard, homme du monde, primaire ou serait-il un secondaire plus renfermé sur lui-même, mais pénétrant le monde d’un œil plus avisé ? Il est sûr que cela joue dans l’art d’écrire et même de se décrire.
Car derrière tout cela que cherche le romancier ? En fait, à se décrire lui-même au travers de tous ces personnages, en fonction de la multitude de personnes qu’il détient en lui-même. Nous avions déjà entraperçu notre difficulté à constituer un être unique, indélébile, constant en pensée et en action. Nous avions également constaté ensemble combien était importante et fragile cet équilibre entre la solitude et le partage, accomplissement nécessaire entre le moi et le soi (voir solitude et partage du 12 août 2011). Or cet équilibre est différent pour chacun. Il n’y a pas de règle, l’important est de le trouver, de pouvoir marcher sur sa crête et de s’y sentir bien, suffisamment bien pour avoir envie de le dire, de le décrire, de le donner en cadeau aux autres. Cela ne signifie pas que le roman sera forcément gaie, instructif, donnant une vision intéressante de la vie. Il pourra être difficile à lire, triste à souhait, mais il y aura toujours au-delà des premières impressions un arrière-goût d’optimisme, d’espoir, de lumière qui rappelle au lecteur que la fonction d’un romancier est avant tout de lui livrer sa vision de la vie, son expérience et ses espérances.
Mais tout ceci ne dit rien du style, de la phrase, de l’art d’écrire qui est aussi important, sinon plus, que tout ce que nous venons de dire. Il faudra en reparler un des prochains jours.
07:46 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, roman, art | Imprimer
30/12/2011
La diphonie, voix de l’outre terre
La diphonie est l’émission simultanée de deux sons différents. Le chant diphonique émet un son fondamental, de hauteur constante, et un son harmonique que le chanteur fait varier.
http://www.youtube.com/watch?v=qNFSB4PnVPI&feature=related
Voix extra-terrestre semble-t-il qui vous projette dans l’univers sans rapport avec les sons habituels produits par la voix. Est-ce du chant, est-ce une technique, est-ce un concours de souffle, est-ce une farce ? C’est beau, mais d’une beauté incompréhensible. C’est harmonieux, mais l’harmonie reste factice ; C’est mystérieux comme une grotte mi-marine, mi-terrestre dans laquelle les flots créent des sons inhabituels. Est-ce de la musique, sont-ce des bruits ? Tout dépend de l’art du chanteur et de son souffle, car il en faut.
http://www.youtube.com/watch?v=8Y4SCDzNwUY&feature=endscreen&NR=1
Un exemple d’utilisation du chant diphonique dans la musique mongole. C’est une véritable symphonie, certes lassante, mais tellement inusité à nos oreilles qu’on peut l’écouter sans se lasser. Bien qu’étant au centre Pompidou, on est projeté à mille lieues de Paris, de la société occidentale et de la musique savante. Retour à la nature, au corps, à ses résonnances naturelles.
http://www.youtube.com/watch?v=0M3YFK3sJ54&feature=related
La diphonie se mêle au chant normal pour évoquer toute l’horizontalité de la terre mongole et toute la verticalité de leur vision de la vie. Rencontre opportune entre la vie quotidienne, difficile, et une aspiration magique vers d’autres vies, plus secrètes, cachées dans les replis du chant comme dans une couverture aux plis immenses.
http://www.youtube.com/watch?v=NNVrmW0VL2I&feature=related
Sans explication technique, voici les différentes manières de produire la diphonie. Passionnante leçon de choses qui montre la diversité de l’homme et son ingéniosité.
Vous pouvez aussi écouter des démonstrations intéressantes de chant diphonique qui met en évidence les différents styles d’obtention de la diphonie.
http://www.alashensemble.com/French/demos.htm
Si vous êtes intéressés par cette technique vocale, lisez l’article très bien documenté de Wikipedia sur le chant diphonique :
http://dictionnaire.sensagent.com/chant+diphonique/fr-fr/
06:56 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, chanson, chant | Imprimer
29/12/2011
Je ne puis regarder une feuille d’arbre sans être écrasé par l’univers (Victor Hugo)
L’arbre, cathédrale naturelle, pont entre ciel et terre, les pieds dans l’humus et la tête dans l’azur, déployant ses bras et ses doigts vers l’avenir, empruntant son existence au passé de ses racines, le tronc rond, bossu, bien présent lorsque vous vous adossez, sentant le bois, parfois sec comme la poudre des allumettes, d’autres fois humide à la senteur plus chaleureuse.
En voici deux, à l’existence mêlée, comme devisant ensemble dans leur promenade terrestre, se tenant bien droits, majestueux de finesse et de force, les doigts de pied recroquevillés sur le sol, mais laissant entrevoir l’image inversée des racines déployées sous la terre aussi vivaces que leurs branches, branchages, radicelles et feuillages de plates et tendres pièces de verts multiples. Exposés au soleil, ils s’épanouissent là, comme des naufragés sur la mer verte, uniforme et rayée de ces coups de charrue encore visibles malgré le léger duvet de blé tendre qui les recouvre.
Autre pente, autre silhouette grandiose, barbue, enrobée de touffes de poils, dessinant la même voûte aux reflets roses, les manches recouverts de mitaines végétales jusqu’au milieu des doigts, laissant libre les extrémités pour écrire au vent leur histoire, montée vers l’azur, vers la lumière, vers l’espérance. A ses pieds, les traces tournantes de la herse comme un grand disque de vinyle laissant entendre sa mélopée engageante et flutée.
Et voici l’arbre torturé, aux doigts rongés comme ceux d’un lépreux, au poing tendu vers l’univers pour attester de la brutalité humaine, recouvert du duvet de l’année déjà bien florissant, mais fin et léger comme une toison d’adolescente. Il rit sous le soleil, les membres raidies, mais encore verts, se posant comme une borne de propriété au coin d’un champ.
Autre arbre torturé, mais cette fois-ci par la rapacité naturelle des autres espèces, sorte de cataclysme brutal, qui englobe de gouttes de cire lourde les doigts malhabiles sortant de ses moufles poilues. C’est peut-être un père Noël inventé par la création ou des fleurs de vert tendre poussant sur les tiges délicates d’une espèce disparue.
Ce n’est plus qu’un corps sans extrémité, comme un infirme ne pouvant ni marcher, ni parler aux autres végétaux. Il est juste recouvert de poils délirants, hirsutes, comme une barbe de trois jours sur un vieillard grabataire, le corps enfoui sous une couverture sale émergeant au dessus d’un lit douillet. Il finit sa vie comme un géant fauché par la voracité des hommes toujours en recherche de matériaux à brûler ou de poteaux à enfouir sous terre pour supporter les fils de fer barbelés de la honte d’être un morceau d’arbre qui a perdu sa liberté.
Enfin un arbre rassurant, semblable à une mariée dans sa robe de cérémonie dont on devine le corps encore vert, bien proportionné, attendrissant de courbes qui conduit le regard sur un ventre plein, léger, affiné, en attente de promesse. Il déploie ses artifices aux alentours, comme des effluves de romarin et de jasmin, ne portant qu’une seule bague, comme un nid d’amour sur l’annulaire qu’il montre à tous, par fierté.
L’arbre protecteur, étendant ses bras au dessus des châteaux, paisiblement, se laissant ausculter par les rayons d’une radiographie de ses membres permettant de contempler la magnificence de son squelette dont il ne manque pas un os, même parmi les plus petits. Légèrement penchée vers la demeure qu’il ombrage de loin, il veille avec assurance sur la vie de ses habitants sans que ceux-ci en prennent conscience.
Un arbre paon, aux plumes emmêlées, comme après un orage. Il tente de faire une roue, mais ses aigrettes mouillées par la pluie de la tornade font piètre mine devant un ciel rieur. Seul le haut de la roue porte un arbre miniature, comme un enfant d’arbre poussant sur un corps de sorcière. Il s’épanouit harmonieusement, semblant dire au reste des branches : « Voyez ma beauté structurée, mon indolence hautaine, la jeunesse de mes articulations, la souplesse de mes cheveux de roi. Vous ne pourrez monter si haut. Que vos regards convergent vers ma hauteur et se croisent en mille feux d’étincelles émerveillées ! »
Un arbre maternel, en pleine gestation, rond et plein d’avenir, s’épanouissant dans l’herbe grasse, dans l’enclos de haies souples, puisant au sol sa vigueur épanouissante, aux racines baignant dans des pots de bébé de couleurs jaune, vert, comme pour mieux se nourrir et s’enrober de bienfaisantes rondeurs qui, un jour, feront émerger d’autres branches, d’autres feuilles pour finir en forêt dodue et luxuriante.
Enfin, le justicier, dominant la campagne, affichant ses prétentions, développant sa rotondité, se suffisant à lui-même, sûr de son aspect solitaire et grandiose. Mais il possède en même temps une verve, une onctuosité, un embonpoint de bon aloi qui vous font dire : « Quel symbole de la nature charnelle, vivante, foisonnante et nourricière. Nous pourrions rester une vie sous son ombre et nous voudrions encore le contempler dans tout son achèvement de perfection naturelle. »
L’arbre ne possède-t-il pas comme l’homme ces ramifications de neurones et de synapses qui font de lui l’intelligence de la nature, le penseur naturel de la surface terrestre. Apprendre à parler arbre, à penser arbre, pour le plus grand bienfait d’une santé mentale absorbée de techniques et de finalités uniquement humaines !
07:02 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photo, poésie, nature, culture | Imprimer
28/12/2011
Bonjour, mot de passe ou de bienvenue ?
De nombreuses personnes n’ont plus la volonté, le courage, la joie de dire « bonjour Monsieur » ou « bonjour Madame » ou « bonjour Noémie ». Ils se contentent de donner un « bonjour » qui s’adresse à tous, c’est-à-dire à personne. On se salue sans reconnaissance de l’autre, comme si sa personne était évacuée au profit d’un automatisme social, voire politique. Mais ce salut, il ne faut pas l’omettre. Ne pas dire bonjour, c’est faire preuve d’incivilité, de manque de savoir vivre en communauté, quasiment d’indigence morale (et non pas esthétique). Et on vous le fait savoir. Cela s’affiche dans le métro, cela s’affiche dans les administrations, cela se proclame dans les magasins, certaines vendeuses déficientes vous répétant dix fois bonjour plutôt que de vous demander quoi que ce soit si vous omettez le mot de passe sacro-saint de la politesse républicaine. Vous pourrez vous adresser à elle avec une courtoisie royale, elle vous considérera comme le dernier des paltoquets et vous demandera d’entrer le mot de passe dans son ordinateur personnel, sans quoi il ne peut y avoir démarrage de la machine commerciale.
Mais il y a aussi différentes manières de proclamer ce mot de passe.
« Bonjour ! » vous contraint à remarquer la personne qui le profère d’une voix claire, comme s’il semblait dire « Evident, mon cher Watson ! ».
« Bonjour... » montre l’inexpérience d’une vraie salutation ou le regret de n’oser dire « bonjour untel ».
« Bonjour ? », avec une interrogation dans la voix, semble attendre impérativement qu’on lui réponde le même mot de passe, comme un jeu de reconnaissance d’espions dans un pays ennemi.
De même un bonjour où l’on appuie sur le jour plutôt que sur le bon laisse supposer un échange difficile et donc une mauvaise journée si l’on n’y répond pas.
Il y a aussi le bonjour des fonctionnaires d’organismes publics à un usager et non à un client : usez, mais n’en abusez pas.
Toute lettre doit également commencer par bonjour-virgule et le début du texte. C’est la lettre type distribuée par l’Internet à l’usage des vrais clients, ceux qui payent quoiqu’il arrive. Cela signifie dans quatre vingt dix neuf pour cent des cas que l’entreprise regrette, mais qu’elle n’est pas en mesure de répondre à votre demande légitime, car elle n’est pas incluse dans le contrat (voir le paragraphe 605 bis-§3, en bas de l’avant dernière page, que vous ne lisez même pas avec une loupe).
Prononcer autre chose que bonjour en signe de bienvenue signifie, pour les fiers partisans d’un civisme légalisé, ne rien dire, donc être incivique. Vous ne pouvez plus donner de salutation (trop risible), salut (trop intime), hi (trop américain), hello (trop apostrophant). Quant à commencer par : « S’il vous plaît pourriez-vous m’indiquer… », c’est tellement ringard que seuls quelques croulants osent encore s’afficher avec de telles paroles et ils semblent tout droit sortis d’un théâtre du XVIIIème siècle.
L’uniformité du bonjour a l’avantage de mettre tout le monde sur un pied d’égalité et même d’une certaine fraternité. Mais quel manque de liberté. Pourtant légaliser l’obligation du bonjour sous peine d’amende pourrait bien être une préoccupation de nos prochains élus républicains, qui se rejoindraient, de droite et de gauche, dans l’absurdité de la civilité transformée en civisme devenu règle juridique, à l’image de la loi pénalisant la négation du génocide arménien.
Mais où est donc passée la simple politesse où la manière de s’exprimer est plus importante que l’obligation de dire ou de ne pas dire ?
07:13 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, politique, actualité | Imprimer
27/12/2011
Oscar et la dame rose, roman d’Eric-Emmanuel Schmitt (Albin Michel, 2002)
Cher Dieu, Je m’appelle Oscar, j’ai dix ans, j’ai foutu le feu au chat, au chien, à la maison (je crois même que j’ai grillé les poissons rouges) et c’est la première lettre que je t’envoie parce que jusqu’ici, à cause de mes études, j’avais pas le temps.
Ainsi commence les lettres d’Oscar, enfant cancéreux à l’hôpital, dont tous savent qu’il va mourir, mais personne ne le lui dit.
Le second personnage important de l’histoire est Mamie-Rose. Elle est là en contrebande. Il ya un âge limite pour être dame rose. Et elle l’a largement dépassé. – Vous êtes périmée ? lui demande Oscar. Pas tant que cela, car elle est la seule à assumer la vérité de l’état d’Oscar et à lui dire, à mots couverts, mais il comprend. Alors elle invente son personnage, elle le dresse devant l’enfant et joue son rôle à merveille : catcheuse, tel est mon métier, lui dit-elle. Elle lui explique que Dieu n’a rien à voir avec le père Noël. Il faut lui écrire, comme cela il se sentira moins seul. – Moins seul avec quelqu’un qui n’existe pas ? – chaque fois que tu croiras en lui, il existera un peu plus. Alors l’enfant lui écrit et lui demande : est-ce que je vais guérir ? Il découvre que ces parents sont venus voir le médecin et qu’il n’ont pas eu le courage de venir le voir après avoir appris la triste nouvelle. Il veut voir Mamie-Rose et elle obtient l’autorisation de le voir tous les jours pendant douze jours. A partir d’aujourd’hui, tu observeras chaque jour en te disant que ce jour compte pour dix ans. – Alors, dans douze jours, j’aurai cent trente ans !
Dans ces lettres, Oscar raconte les autres enfants qui comme lui sont relégués dans leur chambre, s’amuse, donnent des surnoms tels que Bacon, enfant brulé,, Einstein pour une macrocéphale et Peggy Blue, l’enfant bleue. Elle attend une opération qui la rendra rose. Moi, je trouve que c’est dommage, je la trouve très belle en bleu, Peggy Blue. Il y a plein de lumière et de silence autour d’elle. – Est-ce que tu lui a dit ? – Je ne vais pas me planter devant elle pour lui dire « Peggy Blue, je t’aime bien ». Il ya aussi Sandrine, leucémique. Elle l’incite à l’embrasser. Mais il sait bien que c’est Peggy Blue qu’il aime. Mais elle est fiancée à Pop Corn. – Elle te l’a dit ? demande Mamie Rose. Alors il lui fait écouter son appareil de musique et lui dit : – Peggy Blue, je veux pas que tu te fasse opérer. Tu es belle comme ça. Tu es belle en bleu. Le lendemain, il est monté dans son lit. On était un peu serrés mais on a passé une nuit formidable. Peggy Blue sent la noisette et elle a la peau aussi douce que moi à l’intérieur des bras, mais elle, c’est partout. On a beaucoup dormi, beaucoup rêvé, on s’est tenu tout contre, on s’est raconté nos vies.
Mais Peggy Blue se fait opérer et bientôt part de l’hôpital. Alors, le jour de Noël, dans sa cinquième décennie, il fait une fugue. Il part retrouver Mamie Rose en montant dans sa voiture. Celle-ci invite les parents à venir chez elle. Quand ses parents sont arrivés, il leur a dit :
– Excusez-moi, j’avais oublié que, vous aussi, un jour, vous alliez mourir. Cela les a débloqués, car il les a retrouvés comme avant.
Il a maintenant quatre-vingt dix ans. Et ce jour-là, il comprend que Dieu est là. Qu’il lui dit son secret : regarde chaque jour le monde comme si c’était la première fois.
Cent dix ans. Ça fait beaucoup. Je crois que je commence à mourir.
Il meurt après avoir mis une pancarte sur sa table de chevet : « Seul Dieu a le droit de me réveiller. »
Livre cucu pour enfant ou adulte en mal d’émotion, me direz-vous. Oui, c’est vrai, il est facile d’utiliser un tel thème, qui rappelle un peu Love Story. C’est vrai, il est facile de faire pleurer les âmes sensibles avec une telle histoire. Mais si vous deviez écrire cette histoire, trouveriez-vous les mots pour la dire, dans toute sa vérité, avec une telle simplicité. Sauriez-vous écrire à Dieu et lui dire ses quatre vérités ? Sauriez-vous inventer Mamie Rose et Peggy Blue ? Sauriez-vous faire de la catcheuse une âme aimante et sagace ?
Le livre est court, mais il n’en est pas moins beau, intelligent, sans fausse sensiblerie. Il se lit en deux heures, mais vous le gardez au cœur pendant deux jours au moins.
07:07 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, roman | Imprimer
26/12/2011
Attente immobile, au fil des sons
Attente immobile, au fil des sons,
Qu’éclate dans le cerveau
Le pépiement inconsidéré
Du frottement des tissus
Et de la chair de poule
Qu’il procure… Frisson.
Je ne sais plus ce que je cherche.
Peut-être ta candeur
Toujours renouvelée,
Rafraichissante, émouvante,
Comme une source d’eau vive ?
Et je t’écoute. Cette voix
Qui sort du fond des âges
Et module sa tendresse
En volutes percutantes,
Enchanteresses.
Je me laisse bercer, hagard,
Au fil du temps qui s’écoule,
Et toujours repris par ton absence.
Encore une fois,
J’erre dans le jardin inconsidéré
De nos rencontres inopinées,
Pour admirer, chaque jour,
Le tremblement de tes cils
Et le signe de ta main,
Comme l’envol de la colombe.
Je repose et serre mes mains
Sur les tiennes, serres de verre,
Dans l’éclat de ton sourire.
Et nos regards croisés
Mêlent leur connivence
Au-delà de la bulle close
De notre amour de toujours.
07:02 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème | Imprimer
25/12/2011
Vivre la nativité
Dans sa sagesse, chaque année, l’Eglise nous offre de vivre et de revivre l’expérience chrétienne. Car c’est bien à une expérience qu’elle nous invite au-delà de la vision théologique. Chaque année, l’Eglise m’invite à la conversion dans le temps de l’Avent; chaque année, l’Eglise m’invite à vivre la naissance du Christ en moi; chaque année, l’Eglise m’invite à mourir à moi-même comme le Christ le fit lors de sa passion; et chaque année, l’Eglise m’invite à participer à la gloire du Père dans la lumière de la Pâque. Chaque année de ma vie, je suis invité à approfondir ce cycle merveilleux de l’expérience chrétienne. Lié au cycle naturel des saisons, il se déroule en spirale, à l’égal de ma vie humaine, avec ses élans et ses chutes, avec sa puissance et ma pauvreté, avec la distance toujours vécue qu’il y a entre l’expérience de la vie divine en nous et l’expérience de notre pesanteur à la faire perdurer en nous.
La liturgie du temps de Noël nous convie à méditer les trois aspects du mystère de l’Incarnation. D’abord la naissance éternelle du Verbe qui reçoit éternellement la nature divine du Père. C’est à ce titre qu’est lu dans la messe du jour de Noël le prologue de l’évangile de Saint Jean : Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. Par lui, tout s’est fait... Ensuite, la naissance temporelle du Verbe dans l’histoire des hommes : et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous... Enfin, la naissance spirituelle du Verbe en chacun de nous pour donner vie à l’Eglise, corps mystique du Christ : tous ceux qui l’ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu.
Saint Grégoire de Naziance, dans un sermon pour le jour de Noël, résume la fête de la nativité comme celle de la re-création :
“ Moi aussi, je proclamerai la grandeur de cette journée : l’immatériel s’incarne, le Verbe se fait chair, l’invisible se fait voir, l’impalpable peut être touché, l’intemporel commence, le Fils de Dieu devient le Fils de l’homme, c’est Jésus-Christ, toujours le même, hier, aujourd’hui et dans les siècles (...) Voilà la solennité que nous célébrons aujourd’hui : l’arrivée de Dieu parmi les hommes, pour que nous allions à Dieu ou plutôt revenions à lui; afin que, dépouillant le vieil homme, nous revêtions le nouveau et que, de même que nous sommes morts en Adam, ainsi nous vivions dans le Christ, nous naissions avec lui, nous ressuscitions avec lui (...)
Miracle non de la création, mais bien de la re-création (...) Car cette fête est mon achèvement, mon retour à l’état premier, à l’Adam originel.
Révère la nativité qui te délivre des liens du mal. Honore cette petite Bethléem qui te rend le paradis. Vénère cette crèche. Grâce à elle, toi, privé de sens (de logos), tu es nourri par le Sens divin, le logos divin lui-même. ”
C’est bien à une expérience vivante que nous convie la fête de la Nativité et cette expérience intérieure est à l’image et à la ressemblance du mystère de l’incarnation dans sa totalité dynamique : Dieu, en Christ, vient chercher l’humanité. Marie, dans son attente virginale, accueille et enfante Dieu. Par cette naissance, l’homme devient participant de la nature divine (2 Pierre 1,4).
Dieu en Christ vient chercher l’humanité :
Il ne nous appelle pas comme un grand personnage qui veut montrer sa magnificence. Il vient nous chercher en se faisant semblable à nous. Saint Paul explique qu’il s’est dépouillé, humilié, évidé, ékénosen (Phil 2,7). Il renonce à lui-même, par amour, pour trouver notre amour. Il vient réveiller ce bonheur qui sommeille en nous : la joie de l’amour. Il ne nous l’impose pas, il attend, il espère, vide de désirs, avide de nos regards.
Marie accueille et enfante Dieu :
Marie aussi est vierge, comme le Christ s’est fait vierge. Elle est vide d’elle-même, centrée sur son origine, sur celui par qui tout a été fait et qui est la vie. C’est cette virginité qui permet la naissance du Verbe et l’accomplissement du mystère des mystères : la créature enfante de son créateur. Marie nous guide ainsi sur le chemin de la vie : rejoindre au plus profond de nous-mêmes ce lieu vierge de notre personnage, au-delà de l’image que nous cherchons à donner, à la ressemblance de la lumière incréée.
L’homme devient participant de la nature divine :
“ Le but de l’incarnation, c’est d’établir une pleine communion entre Dieu et l’homme, pour que l’homme trouve en Christ l’adoption et l’immortalité, ce que les Pères nomment souvent la déification : non pas évacuation de l’humain, mais sa plénitude dans la vie divine, car l’homme n’est vraiment homme qu’en Dieu. ” (O. Clément, Sources, Stock, Paris, 1982, p.37). C’est en cela que Grégoire de Naziance parle de re-création ou de nouvelle naissance, et c’est bien un événement personnel comme il le montre en parlant à la première personne du singulier.
Au-delà de la fête extérieure, vivons, revivons à chaque instant ce mystère étonnant : le Verbe se fait chair en nous et nous rend participants à la nature divine. Cette nouvelle naissance nous fait enfant de Dieu et membre du Corps du Christ. Marie, nouvelle Eve, nous ouvre à la vie nouvelle, car toute l’humanité en la Vierge enfante Dieu. En Marie, par Marie, l’humanité est recréée. Le cosmos est recentré en Christ, son origine et son achèvement est en lui.
00:26 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : noël, spiritualité, religion, christianisme | Imprimer
24/12/2011
Stalker, film d’Andrei Tarkovski (1979)
1ère partie :
http://www.dailymotion.com/video/xk38ve_stalker-partie-1-...
2ème partie :
http://www.dailymotion.com/video/xk3aj3_stalker-partie-2-...
3ème partie :
http://www.dailymotion.com/video/xk3che_stalker-partie-3-...
Lente, très lente entrée dans une chambre où dorment une femme, un enfant et un homme. Passe un train. L’homme se lève. La chambre est grise, sale, la pièce d’à côté également. La femme, qui s’est levée peu après lui, lui fait une scène : Pourquoi repars-tu dans la zone ?
L’homme y part avec un professeur, chercheur scientifique, et un écrivain. La zone est un lieu où une météorite serait tombée. Elle est désormais interdite d’accès, gardée par des miliciens. Mais elle est devenue un lieu mythique, un lieu où tous les vœux se réalisent. Ce serait un cadeau ou un message au genre humain. Au cœur de la zone, la chambre. On ne l’atteint pas par la ligne droite, car elles n’ont pas cours. De même, on ne retourne jamais par le même chemin.
Les alentours de la zone, ce sont d’abord des ateliers, des trains qui passent, des policiers qui veillent. Tout est en ruine, sale, boueux, hors d’usage. Ils troquent leur jeep pour une draisine et poursuivent leur chemin sur une voie ferrée. Les bruits et les images sont quasiment les seuls éléments du film. De noir et blanc, celui-ci passe en couleur lorsqu’ils franchissent une première frontière, invisible. C’est le matin. Quel silence…
Puis commence une deuxième étape, à pied. Ils s’engagent dans une plaine où des combats eurent lieu, avec des carcasses de chars qui rouillent dans une herbe haute. Le stalker fait des détours, mais l’écrivain veut prendre au plus court. Alors le passeur explique : La zone est un savant système de pièges qui sont mortels. Les endroits que l’on croyait sûrs deviennent impraticables. Voilà ce qu’est la zone. Elle est ce que notre état psychique en fait. Elle ne laisse passer que ceux qui n’espèrent plus rien. Et la caméra montre un trou d’eau qui fait dire au stalker : Qu’ils se fient à ce qu’ils voient et qu’ils s’amusent à découvrir leurs passions. Elles n’ont rien à voir avec l’énergie de l’âme, ce n’est que le produit de son frottement contre le monde matériel. L’essentiel, c’est qu’ils en viennent enfin à croire en eux-mêmes et deviennent impuissants comme des enfants, car la faiblesse est grande et la force n’est rien…
Ils abordent un moulin dans lequel l’eau bruisse à pleine force, augmentant encore la tension. Il faut franchir un tunnel détrempé par les eaux. Mais le professeur se perd et ils ne vont le retrouver qu’à la sortie du tunnel. Au cours d’une longue pause, le professeur et l’écrivain discutent de la science, du désintéressement de l’art et du sens de la vie. Ces propos sont pessimistes, mais pour le stalker, tout a un sens, un sens et une cause.
Enfin, ils arrivent à une longue conduite dans laquelle ils s’engagent, l’écrivain en tête. Longue, très lente marche vers la porte finale. Sont-ils ou non dans la chambre. On ne le sait. Ce sont de longs échanges : Le principal, y croire ! Alors, on y va. Qui commence ? Le professeur sort à ce moment de son sac un objet, l’appareil à sonder les âmes, l’animomètre. En réalité, une simple bombe, car ce lieu n’apportera jamais le bonheur à personne. Il vaut mieux le détruire. Et ils se battent, le passeur voulant à tout prix récupérer la bombe. Vous ne voyez pas qu’il veut tuer votre espérance ? Alors le stalker explique que par sa fonction il ne peut pénétrer dans la chambre. Il proclame qu’il n’a rien fait d’utile dans ce monde et est incapable de rien faire. Mais :
– Dans la zone est mon bonheur, ma liberté, ma dignité ! Laissez-moi ce qui m’appartient ! Je guide des malheureux qui souffrent, qui n’ont plus rien à espérer ! Moi, je peux les soulager.
– L’idiot du village, voilà ce que tu es ! Tu n’as pas la moindre idée de ce qui se passe ici en réalité. Ne s’accomplira ici que ce qui correspond à ta nature profonde. Un aspect de ton moi dont tu n’as aucune idée, mais qui est en toi et te gouverne toute ta vie durant.
Le professeur démonte alors sa bombe. Il refuse de comprendre. Et la paix s’installe dans cette pièce en ruine, envahie par une pluie d’orage. Quelle belle image que ces trois hommes assis dos à dos, dans cette ruine, en paix pour la première fois.
Retour au début du film. Cette fois sa femme entre dans le bistrot : de retour ? Le passeur est fatigué, tellement fatigué. Ceux qu’il passe ne croient à rien. Ils n’ont pas la foi. Et sa femme se met à parler aux spectateurs du film. – Vous avez déjà compris que c’est une âme innocente. Un passeur est un condamné. Et pourtant, j’étais sûr qu’avec lui je serais bien. Lui, il est venu me trouver et il m’a dit : « Viens avec moi ». J’y suis allé et ne l’ai jamais regretté.
Réalisé par Andreï Tarkovski, sorti en 1979, « Stalker », mot anglais désignant un chasseur à l’approche, un rodeur, est un film hors du commun, à l’image de ces vues glauques de bâtiments industriels en ruine, de pièces délabrées, de campagnes dégradées par l’homme moderne, de visages sales, presque morbides. Et malgré tout cela, malgré l’homme ignorant et provoquant, il en ressort une sorte d’optimisme, même de métaphysique heureuse qui tend vers une perfection spirituelle inatteignable. Si l’être humain est en rupture avec son environnement, le stalker, lui, s’efforce de réconcilier le monde et l’homme à travers ce voyage initiatique qu’il offre à ses clients. Au delà du rationalisme du professeur et du scepticisme de l’écrivain, le passeur devient un guide spirituel qui veut reconstruire un monde meilleur.
06:41 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, société, communisme, spiritualité | Imprimer
23/12/2011
Corrida
La corrida : instant magique où l'homme et l'animal se retrouve face à face dans un combat à mort.
Les uns diront macho et crieront au scandale devant un tel spectacle.
Les autres s'exclameront : Quel art magnifique !
Cette encre de Chine à la manière de Picasso, dessinée il y a déjà un certain temps, témoigne de ces après-midi au cours desquelles la brutalité, le courage, la force, la puissance côtoient la noblesse, l'esthétisme, la grâce féminine, le tout couronné par la mort, de l'un ou de l'autre, mas plus souvent de l'autre, c'est-à-dire du taureau.
06:45 Publié dans 24. Créations dessins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, art, culture | Imprimer
22/12/2011
Le concert vu par un choriste qui n’a rien compris à la musique
Ce ne sont que des impressions, sans plus, qui ne rendent nullement compte de l'atmosphère réelle du véritable concert. La musique vue par un non initié qui s’intéresse aux réactions plutôt qu’à l’effet musical.
Instants précédents, dans l’église
Lorsque les spectateurs toussotent benoîtement
Lorsque les choristes deviennent ordonnés
Lorsque le chef de chœur sent un nœud
Au plus profond de son ventre
Avant de dire : A Dieu va !
Entrée, à pas menus, celui des femmes
Montée sur l’estrade, face au public
Regard des choristes sur celui-ci, curieux
Puis report de l’attention sur l’initiatrice
Qui dresse ses mains comme une déesse
Un battement et l’orchestre commence à jouer
Ensemble, les violons chatoyants,
La clarinette sourde, la flute aigrelette
D’où sort un air réglé, sonore et vaillant
Rythmé par les battements du chef
Amoureusement, avec souplesse
Elle imprime sa volonté aux instrumentistes
Réservant sa verve gestuelle
Aux choristes qui pour l’instant écoutent
Enfin, voilà leur tour, ils s’agitent, pas trop
Placent leur partition en face de leur regard
Respirent en mesure, grandement
Et entrouvrent leur bouche, rondement
Pour sortir un accord devenu parfait
A force de répétitions et d’encouragements
Dans le sens voulu par le compositeur
Peu à peu, le chant s’harmonise et se fond
Module avec une précision mathématique
Les notes entremêlées, individuelles
Jusqu’à former une conjonction de mélodies
Que l’oreille avertie peut distinguer
Et qu’entendent ceux d’en face
Assis sur leurs chaises branlantes
Bougeant en périodes indéterminées
Pris d’une soudaine envie de tousser
Mettant discrètement la main
Devant une bouche ouverte et silencieuse
Quel spectacle ! Les spectateurs observés
Par les chanteurs qui s’attendent
A une manifestation chantée de leur part
Mais rien ne vient, rien qu’un discret grondement
De celui qui ne peut se retenir
Mais qui cherche à le camoufler
Par un mouvement de sa chaise
Et pendant ce temps la pièce musicale
Egraine sa mélodie, avec toutes ses embûches
La voix collée au palais, ils chantent
Encouragés par l’attention soignée
Du maître de musique tout en rondeur
Et sourire affectueux et prudent
Reprise des instruments, au fil du temps
Organisant l’espace musical
Découpant la musique en pièces
Piécettes et comptes d’apothicaire
Silence, soupirs, reprise
Rien n’est épargné à l’auditeur
Qui se délecte sur sa chaise
Se gratte l’oreille, croise ses jambes
Fait mille bruits incongrus, en murmure
Inaudible à l’inhabitué des concerts
Et voilà, déjà les dernières mesures
Un geste apaisant, menu
Avant celui définitif d’une fin annoncée
Fermées les bouches des choristes
Sans souffle ni toucher pour les instruments
Un instant de suspension
Un air plus léger, résonnant encore
Des derniers accords jusqu’au fond
De l’église avant de revenir atténués
Vers les exécutants. Encore un instant
De silence encouragé par le chef
Qui lentement abaisse ses bras,
Relâche ses épaules, incline la tête
Avant que les applaudissements
Ne lui laissent un sourire au coin des lèvres
L’esprit tranquille, elle respire
L’air des fleurs du travail bien fait
Quel beau concert, merci à tous
Semble-t-elle dire en regardant
Sa petite ménagerie chantante
Mais où est donc passé le compositeur
D’une aussi divine musique
Et le chant a-t-il élevé les sopranes
Enrobé les alti, approfondi les basses
Ennuagé les ténors ?
Oui, sans doute, mais seuls
Les auditeurs peuvent le dire
Il leur reste au creux de l’oreille
Des souvenirs et des caresses
Et l’âme encore endolorie
D’une nostalgie incontestable
Troublante et difficilement exprimable
04:22 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, musique, concert | Imprimer
21/12/2011
Acide sulfurique, roman d’Amélie Nothomb
Vint le moment où la souffrance des autres ne leur suffit plus : il leur en fallut le spectacle.
Ainsi commence ce roman extraordinaire ! Il conte une émission de téléréalité, dénommée « Concentration », reproduisant les camps exécrables du nazisme, offerts aux spectateurs de tous les jours. Singulière omelette psychologique qui conduit à la mort. Est-elle réelle, on ne le sait et on ne le saura pas.
Il y a les acteurs du jeu terrible : les kapos, bourreaux impitoyables qui chaque jour décident qui doit mourir ; les détenus, pris parmi la population, au hasard des rafles ; les organisateurs, inconnus, souterrains et vils par leur inaction face aux souffrances des détenus, pour eux seule compte l’audience ; enfin, les spectateurs qui se repaissent des malheurs des détenus et s’insurgent contre les organisateurs, mais qui ne cessent de regarder à travers la caméra voyeuse.
Plus particulièrement, on suivra la kapo Zdena, brutale, défavorisée par la nature tant physiquement que psychologiquement. Elle est intriguée par la divine Pannonique, jeune fille de vingt ans, au visage angélique, ramassée un jour au jardin des Plantes. CKZ 114, ainsi s’appelait Pannonique, était désormais l’égérie des spectateurs. Les journaux consacraient des articles à cette jeune fille admirable de beauté et de classe, dont personne ne connaissait la voix. On vantait la noble intelligence de son expression. Sa photo s’étalait en couverture de nombre de revues…Peu à peu, CKZ devient l’obsession de Zdena. Elle brûle de connaître son prénom. Devant ce refus, elle use d’abord de la schlague. Puis, elle tente la douceur. Elle remplace sa schlague par une imitation inoffensive. Alors elle repose sa question et Pannonique répond : « Je m’appelle CKZ 114. » Le lendemain, nombre de chroniqueurs titraient : Elle a parlé ! Ce qu’il y a de plus singulier dans cet énoncé, c’est le JE. Ainsi, cette jeune fille qui, sous nos yeux consternés, subit la pire infamie qui soit, la déshumanisation, l’humiliation, la violence absolue, cette jeune fille que nous verrons mourir et qui est déjà morte, peut encore fièrement commencer une phrase par un je triomphant, une affirmation de soi. Quelle leçon de courage ! »
La kapo Zdena cherche alors à la corrompre avec du chocolat, car les détenus meurent de faim. Pannonique ne cède pas. Elle distribue le chocolat à sa chambrée. Mais lorsque la kapo envoie la protégée de la jeune fille à la mort, CKZ 114 se poste face à elle, plante ses yeux dans les siens et clame haut et fort : Je m’appelle Pannonique !
Désormais, c’est la lutte entre le bien et le mal qui domine. Pannonique a un besoin de Dieu atroce. Elle a faim de l’insulter jusqu’à plus soif… C’était le principe fondateur qu’elle avait besoin de haïr… Alors, elle serait Dieu pour tout. Elle s’essaye à aimer ZHF 911, une vieille, épargnée en raison des atrocités qu’elle profère et qui font monter l’audience. Il était terrible de se rendre compte que l’être le plus mauvais du paysage appartenait au camp des détenus et non au camp du mal. Pannonique aime réellement une petite fille, malmenée par un homme appartenant vraisemblablement aux organisateurs. Or un jour, à la sélection des condamnés du jour, la vieille et la fillette sont nommées. Les extrêmes s’attirent, on dirait.
Pannonique se tourne alors vers EPJ 327, un homme qui cherche toujours sa présence, car celle-ci est devenue sa raison de vivre. Zdena en conçoit de la jalousie. Elle prend conscience qu’il lui manque la parole : parler pour dire quelque chose. Je suis vide, pense-t-elle. Le lendemain, Pannonique déclare devant les caméras : Spectateurs, éteignez vos télévisions ! Les pires coupables, c’est vous ! (…) Quand vous nous regardez mourir, les meurtriers, ce sont vos yeux. Vous êtes notre prison, vous êtes notre supplice ! Et Zdena lui dit : Bravo. Je pense comme toi.
Désormais la conversation s’engage entre la kapo et CKZ 114, ou plutôt entre Zdena et Pannonique, deux êtres humains. Mais Zdena éprouve du désir pour la jeune fille qui se refuse. Or un jour, l’audience cesse de monter. Les organisateurs inventent donc une nouvelle règle : les spectateurs désigneront chaque jour ceux qui doivent mourir. L’audience repart en flèche. Zdena toujours éprise, accepte de préparer l’évasion de la chambrée.
Mais le lendemain, MDA 802, l’amie de Pannonique est désignée par les spectateurs. La surprise passée, Pannonique s’avança d’un pas et déclara : « Spectateurs, vous êtes des porcs ! Vous faites le mal en toute impunité ! Et même le mal, vous le faites mal ! » Alors la kapo Zdena intervient de façon extraordinaire. Elle exige que l’on relâche les prisonniers sinon elle fait exploser les cocktails Molotov qu’elle tient dans ses deux mains. Elle joue le rôle de sa vie, elle jubile. Elle contraint les organisateurs à faire appel à l’armée qui encercle le camp et laisse sortir les détenus sous l’œil des caméras. Pannonique comprend le revirement de Zdena et lui dit :
– Il faut que je vous dise l’admiration et la gratitude que j’ai pour vous. C’est un besoin, Zdena. J’ai besoin de vous dire que vous êtes la rencontre la plus importante de toute mon existence.
– Attends. Comment as-tu dit ?
– La rencontre la plus importante…
– Non. Tu m’as appelée par mon prénom.
Et, inversement, Zdena appelle pour la première fois CKZ 114 par son prénom : Pannonique.
Lorsqu’on lit les critiques littéraires, on reste ahuri d’une telle unanimité. Terne et gris : voilà ce qu'est le livre d'Amélie, en dit Mélanie Carpentier. Le menu nothombien de cet automne s'avère bien avarié. La voracité a fait place à la gloutonnerie, la finesse à la grossièreté, l'excentricité à la trivialité, écrit l’Express. Tant de bêtise, alliée à une telle absence de talent, décourage presque la protestation, proclame Le Nouvel Observateur. Enfin , Le Monde : "Eteignez vos postes !" Un cri aussi pathétique que ce roman, boursouflé de clichés, de lieux communs, de démonstrations pesantes et de dialogues insipides (...) la romancière montre ses limites et sombre rapidement dans le grotesque et le vain. On peut zapper.
Oserait-on penser que le monde médiatique, attaqué subtilement par ce roman, s’insurge contre une critique de son jeu ? Eh bien oui. Les organisateurs se font connaître par leur dédain, voire leur haine, de tout de ce qui attaque leur pouvoir. Ils n’acceptent l’imagination que si elle les caresse dans le sens du poil. Car finalement, les plus horribles dans ce roman, ce sont bien eux et leur espérance, leur désir, leur amour de l’audience, l’audience, l’audience…
07:43 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, société, médias | Imprimer
20/12/2011
Oublivione, avec Richard Galliano à l’accordéon
http://www.youtube.com/watch?v=yAsmVnwiKu4&feature=related
Quai des brumes, le troisième homme, une musique venant des ports lointains d’un autre continent, une nostalgie amplifiée par l’accordéon accompagné par les cordes. Quelle belle entrée en matière pour pénétrer dans une rêverie profonde.
Certes, tout ceci fait un peu vieille garde 1930 ou 1950. Cela rappelle les femmes accordéonistes aux cheveux bouclés, portant sur le ventre leur instrument comme un bébé, le dorlotant dans leurs bras, le brassant comme on masse un malade, lui tirant des miaulements qui font monter les larmes aux yeux.
Mais cela vous fait partir dans les plaines du rêve, au bord d’une eau qui laisse trainer quelques filaments de brume, sur un chemin de pierre qui semble sans fin, jusqu’au tournant dans le noir de la nuit qui, en un instant, découvre un autre monde, le creux des pavés d’une ville où résonnent les pas d’un promeneur nocturne qui marche sans but, sans ligne de pensée. Il marche et se voit, jeune, attendrissant d’innocence, observant les femmes danser entre elles, des femmes alanguies, esseulées, ne se regardant pas, l’œil triste, mais vif, perdues dans leur nostalgie, mais laquelle ? L’une d’elle le dévisage, lui sourit, le regard éclairé, son corps devenu plus souple, plus félin, malgré les bras de sa compagne qui reste raide et froid. Elle le suit des yeux, lentement au fur et à mesure de sa marche lente, elle compte ses pas et se dit : « je vais le perdre. Comment attirer son attention ? »
Alors, d’un mouvement improvisé, elle lance son bras en l’air, la main recourbée, élastique, aux doigts enchanteurs qui dessinent des volutes que l’on suit des yeux grâce aux traces de fumée qu’ils laissent dans l’air froid, le coude plié, légèrement. Et l’on voit le creux de l’avant-bras, juste après le coude, dont la chair est fascinante de douceur, refléter son désir de vivre, malgré cette danse dans les bras d’une autre femme, moins favorisée par la nature. Et elles tournent, tournent, avec lenteur comme des poupées, le regard fixe, perdues dans leurs pensées ou plutôt leurs souvenirs d’une vie rêvée.
Et vous avez déjà dépassée ce souvenir, comme une image de télévision, éphémère, accompagnée d’une musique d’accordéon, aux notes pâles, aux sons cependant fermes, à la mélodie rengaine d’années passées, aux couleurs de fraises enrobées de noisettes. Vous continuez votre route de la vie, ragaillardi malgré tout, le cœur embaumé de guimauve, salivant quelques morceaux de chocolat au lait jusqu’à ne plus rien avoir dans la bouche. La musique s’est tue, vous poursuivez et entrez dans votre nouvelle vie, le cœur ouvert, prêt aux aventures à venir.
07:12 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, mélodie populaire, nostalgie | Imprimer
19/12/2011
La ménagerie du jardin des Plantes
Cinq hectares et demi de dépaysement en plein Paris. L’équivalent de Deyrolle (voir le jeudi 15 décembre 2011), mais là les animaux sont réels, vivants, bien nourris, peut-être pas cependant heureux d’être là.
C’est un retour à nos premières amours, lorsque, fiancés, nous promenions nos espérances en contemplant la somnolence des pensionnaires à l’heure d’une sieste méritée. Même heure, même saison, même temps frileux. Rien n’a changé, sauf, probablement, les animaux. Mais est-ce vrai ? Le temps s’est arrêté sur une portion de Paris, sur ces presque 2000 animaux, à l’air, dans des abris, dans des cages ou des bâtiments.
Vous me direz : un vrai camp de concentration quoi ? Non, finalement, bon nombre d’entre eux a été sauvé par le fait même de la ménagerie, c’est du moins ce que prétend le dépliant remis à l’entrée où l’on nous dit que la mission du zoo est la conservation des espèces animales, la recherche et la sensibilisation du public à la préservation et de la biodiversité. Que de mots savants pour nous dire qu’ils tentent de les choyer malgré leur condition. Et ce désir de bien faire ne se limite pas aux 5,5 hectares de la ménagerie, il s’étend à l’ensemble de la ville grâce au parcours biodiversité en ville : 1500 espèces animales et autant d’espèces végétales qui rendent d’importants servies aux citadins, nous dit-on. Et de conclure : il est donc important de faire connaître cette nature afin de mieux l’aimer et d’agir pour la préserver.
Mais nous avons mieux à faire : se laisser aller dans ce jardin secret où la faune nous fait des clins d’œil, malgré sa lassitude. On entre par les vieux bâtiments dont l’un a été refait récemment et l’autre pense ses plaies sous la couche de crasse accumulée, sous les yeux d’un porc-épic plus grand que deux hommes (monument artistique à la manière moderne qui n’a, bien sûr, rien à voir avec la véritable création artistique). Au bout d’une allée, une petite maison de nains : la porte de la fée qui ouvre son royaume au peuple parisien. Achetez un billet et entrez, vous ne le regretterez pas !
Si vous prenez à gauche, vous ne tarderez pas à tomber sur des pois roses s’épanchant dans un jardin russe (selon la vision de la photo, en raison du bâtiment du fond) ou encore, en changeant l’angle de vue, dans un parc africain verdoyant dans lequel ces flamands (oui, roses) s’essayent à des équilibres reposants sans avoir l’air d’en souffrir. Ballet de grâce de ces pierres précieuses venant de contrées qui ne sont pas si lointaines que çà puisque nous en avons, en France, oui !
Le contraste est ensuite assez saisissant avec le bâtiment en face de cet espace privilégié. Ici les dimensions de la nature sont rétrécies. On concentre dans quelques centimètres des milliers de mètres cubes d’atmosphère africaine ou américaine. Et, parfois, on arrive à y voir une faune bizarre faite de carapaces somnolentes qui se confondent avec une flore fabriquée de toute pièce : arbre en ciment, paille artificielle, eau verte comme il se doit, le tout gardé à l’entrée par l’Homme qui mate sous son pied l’alligator déchaîné. Les petites filles n’en reviennent pas : des tortues petites nageant avec souplesse ou des monstres ne pouvant pratiquement plus bouger ! On y croise également quelques promeneurs cherchant des yeux sous les feuilles des objets insolites qui s’appellent espèces animales.
Ressortis, vous vous laissez guider par votre nonchalance, presque somnolence, à l’image des espèces qui vous entourent. Vous passez devant une immense cloche de fer (non pas des cloches à fromage qui sont en verre) dans laquelle vous surprenez un jaguar en chasse. Lui ne dort pas. Il se détend à une allure si vive que vous n’arrivez pas en saisir le mouvement.
Finalement, vous vous laissez aller à votre rêverie, en plein air, parmi les arbres, les allées, environné d’animaux indifférents à votre spleen. Vous passez devant les autruches, ballon de rugby sur échasses, devant les lamas dorés comme un soleil montagnard, devant des zébus ou autre espèce ruminante qui calment leur ennui en mâchant un peu de foin qui sent la liberté. Ces allées vous enivrent par leur vide majestueux, par l’espace qu’elles prennent par rapport aux clôtures dans lesquelles chaque espèce tente de trouver un motif de vivre. Progressivement, vous vous sentez vous-même environné de ces barrières et enviez ces carrés d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique où l’air est différent, moins anonyme.
Et vous vous dites : qu’il serait bon un jour de pouvoir se coucher dans cette petite maisonnette et ne plus penser, simplement vivre sans avoir à toujours, toujours faire et refaire cette gymnastique intérieure brassant des souvenirs désuets d’événements passés. Vous seriez là à contempler les humains qui passent sans réellement vous voir. Ils arriveraient par l’allée, petitement, en mangeant des marrons chauds, riant de certains congénères qui cachent leur honte derrière leurs pattes. Ils grandiraient jusqu’à avoir une réelle expression individuelle, comme une âme qui se dessine. Ils vous regarderaient selon leur humeur, indifférents, compatissants, dédaigneux, émerveillés. Puis ils continueraient leur promenade et vous les laisseriez partir, vous-même lassé par ces passages permanents, comme si le temps revenait sans cesse au point de départ : un être humain qui grandit pour ensuite se perdre dans les méandres des allées, jusqu’à une mort annoncée et inéluctable.
08:36 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écriture, paris, nature | Imprimer
18/12/2011
Voilà... Quelques pas de plus
Voilà…
Quelques pas de plus
Un geste, toujours le même
Ébauché cette fois-ci
Vers les paysages inconnus
Où mène la route de la colline
Un regard échangé mollement
Une étreinte un peu plus chaude
Un sourire fatigué de sourire
C’est le soir d’une amitié
Qui ne durera qu’un jour
La fin d’un beau rêve
Abandonné sur la berge
Un jour où l’eau coulait
Plus lentement, par malice
On entend la sirène de l’usine
Et le ronronnement de la péniche
L’arbre teint de poussière blanche
Ne connaît plus la fête des oiseaux
Le chemin retourne vers le pont
Celui qui ouvre sur la ville
C’est le soir d’une amitié
Qui a duré le temps d’une promenade
07:15 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
17/12/2011
Japonaiserie
Mettre d'abord la musique : http://www.youtube.com/watch?v=r6ALjvjmjHg
Puis, regarder la gravure :
Recherche du style des estampes japonaises, à la fois par le procédé qui n'est qu'une gravure, mais surtout par le style.
C'est plus une impression, aérienne, diluée dans la nature, comme un symbole de la matière, mettant en évidence son évanescence et sa pesanteur.
Esprit Zen, recherche d'une unité interne de l'être où la profusion est éphémère et le trait brut devient épanouissement.
Méditation : écoute du silence intérieur. Visualiser le trait jusqu'à ne plus penser !
Ecouter encore :
http://www.youtube.com/watch?v=-5GtFXBPIRg&feature=re...
07:01 Publié dans 25. Création gravures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, gravure, peinture, japon | Imprimer
16/12/2011
Mathématique existentielle
Milan Kundera parle d’une mathématique existentielle à propos de rencontres très improbables entre personnes habitant dans des lieux éloignés l'un de l'autre et qui se sont connues il y a longtemps, dans un autre pays. La rencontre était parfaitement improbable, et cette improbabilité même fait tout son prix. Car la mathématique existentielle qui n’existe pas, poserait à peu près cette équation : la valeur d’un hasard est égale à son degré d’improbabilité (Milan Kundera, L’immortalité, 5ème partie - le hasard, 4).
Quelle belle formule. Certes très littéraire, mais la beauté littéraire est comme la poésie. Elle fait effet sans logique réelle. La phrase, les mots, la tournure même de ce qui est exprimée rend en un instant la compréhension plus claire, comme si nous montions sur un petit nuage pour contempler librement la vaste plaine d’une logique hagarde.
Et pourtant, que pourrait bien signifier ce terme de mathématique existentielle. Kundera ne l’explique pas. Il susurre simplement : « Que peut-on dire de sérieux sur les hasards de la vie, sans une recherche mathématique ? » Alors il rêve et dit : « Rencontrer inopinément, en plein Paris, une belle femme qu’on n’a pas vue depuis des années… » Et son interlocuteur, Avenarius, lui répond : « Je me demande sur quoi tu te fondes pour décréter qu’elle était belle. Elle tenait les vestiaires dans une brasserie qu’en ce temps-là je fréquentais tous les jours… En nous reconnaissant, nous nous sommes dévisagés avec embarras. Et même avec un certain désespoir, le même qu’éprouverait un jeune cul-de-jatte en gagnant une bicyclette à la tombola. Nous avions l’impression, tous les deux, d’avoir reçu en cadeau une coïncidence fort précieuse, mais parfaitement inutilisable. Quelqu’un semblait s’être moqué de nous et nous avons eu honte l’un devant l’autre. »
Si les mathématiques ne sont qu’un moyen de calcul du hasard, ils ne disent rien de ce que sera cette rencontre. A chacun de rebondir sur celle-ci ou de la laisser tomber. Le problème est d’ordre psychologique et non mathématique. Ainsi l’on reste libre de traiter ce hasard comme on l’entend, d’en faire un bien, un mal, ou un non événement.
06:49 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, psychologie | Imprimer
15/12/2011
Deyrolle : mystérieux magasin, musée, librairie…
La maison Deyrolle possède le mystère des cabinets de curiosité. Elle est située rue du Bac, au 46. Le magasin semble au premier abord petit. C’est la boutique du Prince jardinier, créée par Louis Albert de Broglie, « nature et découverte » en plus beau, au rez-de-chaussée. On y trouve de très beaux cache-pots, des outils pour le jardinage, etc.
En fait, il faut monter l’escalier en face de la porte pour arriver dans un petit Versailles des animaux. Un salon vert d’eau, disposant d’un grand lustre, environne une multitude d’animaux empaillés : ours, crocodile, zèbre, fauves, etc.
Vous voici projeté en Afrique, dans les savanes chaudes et ondulées, et vous marchez parmi les rois de l’univers, lorsque les hommes n’étaient encore que de pauvres réfugiés dans des grottes introuvables. Ce n’est pas la beauté de chacun d’entre eux qui retient l’attention. C’est le contraste entre un Paris du XXIème siècle, plein de pétarades d’outils à moteur, et ce salon digne des plus beaux châteaux abritant l’Afrique et d’autres continents avec la sagesse que donne le poids des années. La maison Deyrolle est en effet ouverte depuis 1831. On y entre comme dans un couvent, avec componction et respect. Le premier choc passé, on s’avance et l’on découvre, au premier étage, une enfilade de trois grandes pièces, aussi encombrées les unes que les autres d’animaux de tout horizon, empaillés (du renard des sables au héron cendré en passant par l’antilope ou le buffle), formolés (pour les insectes et papillons), démontés pièce par pièce (pour les crustacées), organisés en bataillon d’envahisseurs des yeux égarés devant tant de débordements animaliers.
L’émerveillement, la stupeur et l’admiration sont vos premières impressions. Vous avancez à pas lents, regardant de tous côtés, vous heurtant à une panthère, lui demandant pardon, manquant de marcher sur les pieds d’un élan, entamant une conversation muette avec un poisson, caressant inconsciemment les coraux exposés.
Vous étouffez de cette profusion admirable et vous dirigez vers la pièce du fond dont vous devinez qu’elle est différente. Consacrée au monde marin et aux insectes, celle-ci est couverte de bibliothèques vitrées emplies de planches où foisonnent mille carapaces, deux mille ailes de toutes couleurs, trois mille gastéropodes marins. Elle renferme également des meubles à tiroirs immenses cachant de nombreuses autres merveilles que seuls les initiés peuvent admirer. Les clients parlent avec douceur, les employés, semblables à des gardiens de musée, manient avec milles précautions ces trésors. On s’attend à les voir avec des gants blancs à l’égal des vendeurs d’une célèbre marque de parfum (mais leur unique gant est noir).
Après la suffocation devant ces multiples détails de la nature, vous allez dans la bibliothèque, sorte de couloir parallèle à la pièce du milieu, et vous découvrez (et oui, encore) une autre spécialité de Deyrolle, les planches pédagogiques utilisées pendant des décennies par tous les instituteurs de France et des colonies. L’éducation par les yeux : qui de nous ne se souvient pas des planches cartonnées suspendues sur les murs de la classe, détaillant le corps humain ou la machine à vapeur. Et cette activité continue, orientée vers la sacro-sainte écologie et le développement durable, sans ostentation cependant.
Enfin, vous achevez ce tour d’horizon dans des livres enchanteurs tels que les « herbiers... oublié… toxique… érotique… fantastique… boisé… voyageur… », les monstres marins, les bestiaires, ou encore les leçons de choses, les cabinets de curiosité, le bestiaire sauvage et bien sûr le calendrier Deyrolle. Quelle évasion de l’esprit. Vous n’avez plus les pieds sur terre, vous planez comme un fantôme sur le monde réel et imaginaire et vos pensées s’envolent dans toutes les directions, comme pourraient le faire, en rêve, les papillons cloutés sur leur cimetière de planche dans la pièce du fond.
Au bout d’un long moment, vous vous réveillez : « Suis-je bien à Paris ? » Alors vous vous décidez à sortir de ce cloître de la mémoire des êtres vivants. Vous redescendez l’escalier, regardant une dernière fois les lions, autruches ou flamands roses, et ressortez en somnambule dans un Paris encombré de voitures et de passants qui ignorent sans doute les trésors entassées à côté d’eux. Que de surprises réserve Paris !
Voir le site internet de la maison Deyrolle, d’où proviennent les photos qui sont interdites dans le magasin :
http://www.deyrolle.fr/magazine/
Mais aussi, pour les assoiffés du développement durable :
http://www.deyrollepourlavenir.com/
06:05 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
14/12/2011
L’autre jour, j’ai vu un homme
L’autre jour, j’ai vu un homme,
Un homme qui faisait les vitres.
C’est presque tout un chapitre,
Un chapitre où se perd un homme.
Il se dressait vers les carreaux,
Élevant ses bras aux cieux,
Pour ensuite tremper, le pauvre vieux,
Sa tirette de caoutchouc dans l’eau.
Ses lents gestes de somnambule
Étaient chargés de rêves et de pensées.
Son triste monologue courrait sur les roses fanées.
Par instant se formait une bulle,
Qui s’enflait et éclatait sous son nez.
Alors il pleurait doucement sur ses mains burinées.
06:43 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
13/12/2011
Grand nu, de Georges Braque (1907-1908)
Au Centre Pompidou
Si l’on regarde ce tableau sans en connaître l’histoire, on peut s’étonner d’une femme musclée comme un lanceur de disque et enveloppée de papier kraft. On pourrait croire à une petite sculpture orientale que l’on emballe pour l’offrir à un être cher. Certes, elle n’est pas très représentative de la beauté parisienne, même s’il s’agit de beautés de Pigalle. Et pourtant, si l’on poursuit son observation, on finit par s’attendrir devant cette femme nue qui apparaît si peu féminine.
Elle semble enroulée sur elle-même, comme une vrille de tire-bouchon et sa partie haute est somme toute pleine de charme, alanguie sur son oreiller. Elle fait penser à ces estampes japonaises, esquissées, dont l’objet est l’impression plutôt que la représentation. Elle croise ses deux mains derrière sa tête avec sensualité. Elle minaude devant l’homme qui la regarde, s’offrant, mais indifférente. Elle n’a pas de regard, donc pas de personnalité, mais malgré tout, elle séduit dans sa pause charmante, comme une fleur offerte.
Par quel hasard ou quelle idée saugrenue, Georges Braque a-t-il alors peint ce buste surmoulé qui n’a rien d’une nymphe ? A-t-on déjà vu demoiselle aux formes masculines comme un cheval de trait par rapport à ce que l’on peut imaginer d’un pur-sang ? Cependant, le buste lui-même reste féminin et presque voluptueux. Arrondi, il est chaud de par sa couleur et son aisselle accueille le regard. Et si vous l’examinez bien, vous constatez une deuxième torsion à hauteur de la naissance des jambes, si bien que ce corps se présente de manière pudique à la convoitise des passants. Mais elle ne le sait pas. Elle rêve sur son emballage, les yeux ouverts, mais vides, attendant le mouvement de la vie.
Ce n’est pas encore du cubisme, d’autant que le mot ne fut inventé que plus tard par Matisse à la vue d’un tableau de Braque. Mais ce n’est plus ni l’impressionnisme, ni le fauvisme des premières années du peintre. Il a rencontré Picasso, ils deviennent amis et ils initient le nouveau courant décrit par Cézanne en 1904 : « Traitez la nature par le cylindre, la sphère, le cône, le tout mis en perspective, soit que chaque côté d'un objet, d'un plan, se dirige vers un point central. » Ils n’en sont pas encore à l’abstraction pure, tout au moins dans ce tableau comme dans celui des « Demoiselles d’Avignon » de Picasso. La couleur importe, car elle donne le relief, l’impression et la légèreté. Imaginez le même tableau sans ces éclaircies apportant une touche de soleil, chaud et stimulant. C’est une caresse d’air frais qui passe et emplit vos yeux de paillettes d’or.
A force de décrire cette femme, je me mets à l’aimer. Je sens le parfum de son fond de teint, lourd, capiteux, mais fait de fleurs naturelles, comme le jasmin. Je l’entends se retourner sur sa couche et minauder d’une voix douce, mais ferme. Elle s’offre sans s’offrir et se cache derrière ses circonvolutions.
Il y a du génie dans ce tableau qui, pourtant, au premier abord, semble sans réel intérêt, hormis celui historique de l’évolution du style.
06:31 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, cubisme | Imprimer
12/12/2011
Messe de Minuit de Marc-Antoine Charpentier (suite)
http://www.youtube.com/watch?v=UkuxKTJ0tvE&feature=related
Je reviens sur la messe de Charpentier. Je ne vous ai en effet que parlé du Kyrie, première pièce chantée de l’ensemble qui comprend non seulement des morceaux chantés par des solistes et le chœur, mais également des parties d’orchestre. C’est donc une composition musicale complexe à laquelle s’est livré Charpentier. Mais son originalité ne tient pas seulement à cela. Il reprit une pratique ancienne qui consiste à utiliser des œuvres existantes pour l’adapter aux textes de l’ordinaire de la messe. Empruntant à plusieurs airs populaires de Noël, il fabriqua un véritable patchwork musical en respectant la verdeur et l’allégresse de ces mélodies qui étaient autant des danses que des pièces chantées.
http://www.youtube.com/watch?v=hQYoBysjCnQ&feature=related : Noël pour les instruments.
C’est ainsi que le Kyrie est construit sur les airs de « Joseph est bien marié », « Or nous dites Marie » et « Une jeune pucelle ». Mariage entre l’imagination musicale populaire, une musique plus savante et élaborée et la musique sacrée, cette composition est une œuvre entière, structurée, qui constitue un véritable répertoire des formes musicales du XVIIème siècle.
Ce style de musique laissait de nombreux choix dans la manière d’interpréter la composition en dehors des parties chantées. Les Noëls peuvent être adaptés soit à un véritable orchestre, soit à un petit groupe de musiciens, ou encore, à l’orgue seul sur lequel l’organiste peut ajouter des variantes. Le tout laisse une impression curieuse. Ce n’est pas vraiment une messe de part le style de musique employé, ce n’est pas non plus une œuvre profane. C’est une pièce pleine de vie, de profusion de couleurs musicales, qui donne envie de danser ou au moins de se réjouir de la venue du Sauveur à la manière des gens du Moyen-âge, de manière simple, directe, bon enfant, alternant les airs de danse, la méditation de certaines paroles, la puissance du chœur, pour proclamer l’heure importante que vivent les fidèles en ce jour de Noël.
Vous êtes à nouveau conviés à venir écouter cette messe qui sera précédée de quelques chants de Noël traditionnels aussi enjoués :
. Die heilige Nacht (douce nuit),
. Dans une étable il est couché (choral de Bach),
. A pleine voix chantons pour Dieu, mélodie du psautier de Genève, d’après une harmonisation de Goudimel,
. Dans une étable obscure, de Praetorius,
. Quand Dieu se fut résolu, sur l’air de « Joseph est bien marié ».
Ensuite, place à la magnificence de Charpentier.
07:01 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, chant, danse, choeur, composition | Imprimer
11/12/2011
Slogans et liberté
Nous sommes subvertis par les slogans qui créent des réflexes. La pensée se fractionne en une somme de vérités qu’on nous impose sans démonstration véridique. Elle ne sait plus suivre un raisonnement logique et passer d’une idée à l’autre dans un enchaînement dialectique. Elle hurle l’émotion, sans la lucidité du recul.
L’implication empathique à tout évènement est devenue beaucoup plus importante, dans notre monde médiatisée, que la recherche d’informations permettant d’approcher la vérité. Celle-ci importe peu. Et si l’on s’est trompée, tant pis, une information en chasse une autre.
Seule compte la nécessaire implication du public à ce qui lui est proposé. Pourquoi ? Parce que celle-ci crée l’audience et l’audience est indispensable aux médias pour vivre. Alors, n’ayons aucune illusion : les slogans, qu’ils soient publicitaires, politiques, écologiques, économiques et toute autre forme en « ique », resteront la règle et ne cesseront de nous envahir par tous les pores du cerveau. A nous de nous blinder, de créer des disjoncteurs permettant d’y échapper.
Il ne s’agit pas de s’isoler de toute information comme le font certaines personnes qui, pour lutter contre les ondes de la téléphonie mobile ou du Wifi, se logent dans des grottes au fin fond d’une épaisse forêt. Il s’agit simplement d’exercer notre libre arbitre de citoyen : Que penser de ce qui se passe, en toute liberté individuelle, avec le recul nécessaire à un véritable jugement ? Mais, me direz-vous, il est impossible d’avoir un jugement quand nous ne savons pas ce qui se passe. Et pourtant. N’est-ce pas le rôle premier du politique : prendre des décisions sans avoir l’ensemble des informations permettant de décider en connaissance de cause. A chacun de nous d’exercer sa propre responsabilité : qu’est-ce que je pense de ce vacarme médiatique sur tel ou tel sujet ?
C’est justement la porte ouverte à l’émotion et l’implication empathique, me direz-vous. C’est exact. Il est donc nécessaire d’apprendre à traduire les faits, et non l’information en soi, véhiculée par des centaines de médias. La première interrogation est donc : que s’est-il passé réellement et non que penser de ce qu'on nous dit de ce qui s’est passé ? C’est le véritable métier du journaliste et c’est la conception d’un certain journalisme anglo-saxon qui sépare les faits, de ce que certains en pensent et de ce que l’on peut en penser soi-même.
La seconde interrogation concerne bien sûr les conséquences de ces faits. Et pour arriver aux conséquences, il faut passer par les causes et les acteurs, en s’interrogeant sur leurs motivations et leurs buts. On ne peut certes que faire des hypothèses. Mais on peut émettre des pourcentages de probabilités sur celles-ci. Ce qui nous conduira à également émettre des probabilités en ce qui concerne les conséquences. On verra les médias s’engouffrer immédiatement dans les probabilités les plus folles et les plus improbables. Mais elles sont intéressantes parce que justement elles font appel à l’émotion. Le plus probable n’est pas intéressant, parce qu’il dégonfle l’agitation médiatique.
Cela me rappelle une anecdote lors de la guerre d’Irak conduite par la coalition américaine en 2003. Leurs troupes étaient aux portes de Bagdad, prêtes à y entrer. Participant à une table ronde journalistique dans laquelle les hypothèses et rumeurs étaient extravagantes d’alarmisme, j’avais émis l’hypothèse très probable d’un non massacre : Bagdad allait tomber comme un fruit mûr. Cette hypothèse m’a immédiatement mis à l’écart des tours de table des experts. Elle n’intéressait pas parce que non sensationnelle. C’est pourtant ce qui s’est passé.
Alors, prenons-nous en main ! Réfléchissons par nous-mêmes et n’allons pas chercher des béquilles pour cheminer sur la vérité (sans grand V). Et admettons ne pas connaître l’avenir, malgré le nombre de « madame soleil » qui nous entourent et nous divertissent sous prétexte d’information.
06:37 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, politique, presse | Imprimer
10/12/2011
Oui, je me retrouve en toi
Oui, je me retrouve en toi
Lorsque tu me tends les bras
Et que tu penches la tête
Pour me dire, à mots couverts,
Je t’aime.
Lentement tu délies tes pensées
Pour ne plus avoir que celles
Que nous avions à vingt ans
Dans les yeux de l’autre
Sur le miroir de nos inconsistances
Installés sur la terre ferme
Emplis de nos réalités
Contemplons le chemin parcouru
Et admirons l’unicité désuète
D’un engagement à contre-courant
Oui, je me retrouve en toi
Moi-même, double de toi-même
Toi aussi, revêtue de ma nuit
Dans laquelle luit la lueur
Des amants extasiés et comblés
07:20 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
09/12/2011
La source des femmes
Film réalisé par Radu Mihaileanu, avec Leïla Bekhti, Hafsia Herzi, Biyouna
http://www.youtube.com/watch?v=fj_vYku6AmE
Cela se passe de nos jours dans un petit village, quelque part entre l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. La tradition depuis la nuit des temps : les femmes vont chercher de l’eau pour le village, loin en dehors. L’eau sert à la maison, c’est à la femme d’aller la chercher. Ce n’est pas le travail des hommes. Ils étaient là pour les protéger, mais le village n’a plus besoin de protection. Pourquoi ne le font-ils pas ? Alors les femmes décident de faire la grève… de l’amour. C’est le seul pouvoir qu’elles ont sur les hommes. Plus de câlins, plus d’amour tant que les hommes n’apportent pas l’eau au village ! Et cette histoire est vraie. Elle s’est déroulée en Turquie en 2001 et le gouvernement a dû régler le problème qui dégénérait.
Les femmes, ce sont : Leila, mariée au seul homme qui comprend ce combat, Sami, l’instituteur. Elle est étrangère au village et elle déclenche la guerre contre les hommes. Loubna, la jeune sœur de Sami, en quête d’amour, appelée également Esméralda en référence à sa passion pour un film mexicain qui lui fait dire sans cesse « Te quiero ! ». Rachida qui s’oppose à la grève, car elle a soif de son mari. Enfin, Vieux fusil, la femme âgée qui entraîne les autres et les font persister dans cette grève entamée. Mais s’oppose à elles, Fatima, la belle-mère de Leila, dure et traditionnelle.
Les hommes, ce sont : Sami, déjà cité, qui accepte le choix de sa femme, mais ne peut non plus accepter la mésentente entre hommes et femmes. Hussein, père de Sami, qui médite sur sa terrasse et cherche à mettre un terme à ce conflit. Mais aussi l’ancien amour de Leila qui s’est laissé marier à une autre sans même lui dire.
Et ces femmes et ces hommes s’affrontent au travers d’un récit qui fait parfois un peu cliché : des danses orientales où, par le chant, les femmes et les hommes évoquent leur point de vue ; le hammam où les femmes sont libres et s’expriment sur l’amour et le sexe ; la suffisance des hommes qui s’arrangent bien de traditions ancestrales transformées par certains en islamisme plus ou moins intégriste ; le marché à la ville, somme de toutes les rencontres importantes. Les situations, surtout au début du film, paraissent outrés, grandiloquentes, voire fausses. Mais lentement, on entre dans le film, avec ses longueurs et ses instants humains, émouvants. Il est rarement drôle. On sourit à certaines situations, mais on ne retrouve pas l’humour du film libanais « Et maintenant, on va où ? » (voir le 4 octobre 2011). C’est un instant sérieux, deux heures entre les machos et les défenseuses du sexe faible, avec, comme dans le film libanais, l’imâm, le sage, non doublé d’un curé.
Ecoute ta femme, chantent-elles aux hommes.
Elles finiront par avoir l’eau, par retrouver leurs hommes comme il fallait s’en douter. Le chant final résume le thème. La source des femmes, c’est : la source où elles vont puiser l’eau qui est vie ; c’est l’enfantement, renouveau permanent de l’humanité ; c’est l’amour qui coule de leur féminité. La femme est l’énergie qui fait avancer le temps, dit un des chants du film.
07:02 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, femme, société, islam | Imprimer
08/12/2011
Les têtes fleuries, un magasin des jardins du Palais royal
Quel monde imaginé pour vendre de vulgaires sacs à main ou des vêtements ! Certes ces derniers ont du chic, quoique, encore, ils sacrifient à la mode du noir. Mais ici ce noir a quelque chose d’aérien, comme un dessin en noir et blanc qui laisse passer le souffle quotidien entre les interstices pour le conduire vers des sommets difficilement atteignables.
Pour mettre en évidence ce constat, cette évaporation du souffle vers le ciel, les décorateurs ont trouvé un artifice : la tête dans les nuages et, bien sûr, des nuages noirs et blancs. Ils forment une grosse boule de papier, comme un cumulus vu d’avion, et l’on devine, au dessous, mais l’on ne sait où, la tête hilare des mannequins qui respirent cet encens, les yeux clos, les lèvres entrouvertes, un sourire s’esquissant sur le coton gazeux. Alors ces femmes deviennent des déesses immatures, qui, par leur corps banal, posent dans la mode conventionnelle d’une publicité tapageuse, et qui prennent une autre dimension grâce à ce fumet vaporeux qui coiffe leurs prétentions relationnelles. Vous imaginez tout : hors du temps, elles flottent dans un ciel limpide et passent sur les consciences pour leur dire : « Evadez-vous, ne vous laissez pas engluer dans un quotidien grisâtre ! Vous valez mieux. Planez en toute liberté dans les coulisses des songes et laissez votre esprit se divertir comme ces papillons qui nous entourent et nous chantent des chants merveilleux ».
Et, peu à peu, vous laissez vos pensées se rafraichir dans les nuées, se diluer dans un éther lumineux et monter, s’élever, se surélever jusqu’à ce jour, encore une fois, qui vous laisse un souvenir impérissable, comme une fuite de gaz s’échappant par une fenêtre ouverte dans un appartement vide. La vie devient transparente, à l’image du mannequin de droite dont l’ébauche d’une radiographie laisse discerner une demi-colonne vertébrale et deux seins frêles qui ressemblent aux phares sur une calandre de voiture.
Mais elle peut aussi évoquer un monde sous-marin illuminé par le projecteur que vous pouvez distinguer sur cette dernière photo : les mannequins deviennent objets inanimés flottant dans une eau trouble, sereins malgré tout.
06:30 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, communication, publicité | Imprimer
07/12/2011
Tour des blogs, par ennui ou distraction
Cela arrive rarement : faire un tour de blogs comme on fait un tour de manège à huit ans, laissant ses cheveux s’envoler et le rire s’évader. C’est à chaque fois différent. Cela dépend du choix de l’instrument de rêve sur lequel vous vous asseyez. Il peut être un cheval ailé qui monte et descend et vous rend fou d’images et de paroles. Il peut être un carrosse de citrouille dans lequel vous montez serein et qui vous conduit sagement là où vous aviez prévu d’aller. Mais l’on peut monter sur une licorne à la pointe aiguisée et se perdre dans les méandres d’une poésie.
Tous ces blogs font sourire : quelle imagination pour se faire connaître ! Mais souvent, l’on décèle derrière les phrases une envie de vivre réellement et non de n’être qu’un être de surface que l’on ne connaît que par une situation dans l’échelle sociale. On perçoit la plainte intérieure des humains qui ont du mal à se satisfaire d’une vie monocorde. L’homme a besoin de diversité, de profusion, de méandres et de circonvolutions, pour faire des choix et trouver un chemin vers sa réalisation. L’autoroute qui fonce droit dans un paysage désertique ne l’intéresse pas, il n’y rencontre pas de quoi le distraire, puis l’attirer.
Mais attention ! A se noyer dans les autres, on finit par se perdre soi-même. Au bout de quelques temps, variables et inappréciables puisque dépendant de votre humeur, vous vous laissez enduire d’une couche de glu qui vous colle à l’écran et emprisonne votre esprit. Vous pataugez dans des peintures de fleurs plus ou moins tournicotées ; vous vous arrêtez sur des critiques acerbes de la vie actuelle, comme si autrefois tout était délectable ; vous vous noyez dans des poèmes en spaghettis et sauce tomate adoucie ; vous écoutez des musiques qui font frémir vos oreilles et donnent la chair de poule. Pire encore, votre imagination s’éteint, vous êtes au cinéma de la vie et le film vous laisse un goût amère de déjà vu, déjà entendu, déjà essayé, déjà, déjà, déjà…
Alors sautez dans l’inconnu, fermez votre engin et laissez-vous aller à une cure de désintoxication : pain blanc pour un cerveau gris avec un morceau de fromage pour activer les neurones. Laissez-vous nourrir de votre propre esprit qui, même si vous ne le savez pas, recèle à profusion une vie personnelle qui n’a rien à envier au monde de l’affichage. Certes, cela demande un mental d’explorateur. Vous pouvez vous perdre dans des dédales entrecoupés de précipices ou au contraire errer dans des plaines à l’horizon tellement dégagées que vous n’y voyez rien. Poursuivez, il en sortira un bien, une évasion merveilleuse qui conduit aux portes de votre propre réalisation. Et ce sera bien la vôtre, unique, réelle, dans laquelle vous ne vous reconnaîtrez pas, parce qu’il s’agit d’un autre vous-même, le vrai, celui que vous ignoriez.
Alors, en route pour le voyage ! Montez sur le manège, mais seul avec vous-même et tournez, tournez, jusqu’à ce que la solitude, opposée à la force centrifuge, vous conduise au centre d’où vous contemplerez le tourbillon des évènements en restant immobile.
06:17 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, blog, écriture, crise | Imprimer
06/12/2011
Les yeux fermés : voyage
Les yeux fermés, le cerveau clos,
Roulements aigus des boggies sur le rail,
Avec le claquement plus sec des aiguillages,
Eclairs palpables des arbres devant le soleil,
Grattement d’une joue irritée par le dossier,
Une main alanguie reposant sur la cuisse,
Les pieds fouillant d’autres pieds, sous la table,
Odeur de jambon beurre en fond de tableau,
Rires étincelants de groupes s’ennuyant,
J’ouvre lentement des paupières alourdies
Sur un défilement de champs à rayures,
De bois à tronçons et d’étangs à la surface gercée.
L’horizon s’affaisse, éperdu,
En grandes taches sales et perverses
Pour proclamer l’envie d’un repos mérité
Taches aussi des vaches dans les prés
Comme des champignons sur le green
D’un golf imaginaire et mouvementé
Des voisins très sains, aux reins solides,
Qui devisent éperdument en solitaires
Jusqu’au sourire d’un regard lointain
Perdus dans leur monde déconnecté
Plus rien ne vient
Du tout à l’horizon
Empreinte commerciale
Des contrôleurs désabusés
Jusqu’à la gare noire
Le débouché aveuglant
Sur un parvis de voyageurs
Et de voitures ensablées
Patinant entre les corps
Circulant sur le chemin
Du retour éternel
Aux pistes inconscientes
D’une enfance heureuse
07:13 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poème, poésie | Imprimer
05/12/2011
Ondes à angles
Jetez un caillou dans l’eau. Les ondes se propagent et s’amplifient jusqu’à se perdre dans l’immensité de la surface liquide. Et si elles prenaient des angles, cela pourrait donner quelque chose de semblable à ce dessin.
On peut d’ailleurs imaginer qu’il continue jusqu’à ne plus être que des carrés noirs.
Tiens, quelle bonne idée, je vais essayer. Ce sera pour une autre fois !
06:05 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : op'art, art cinétique, peinture, dessin | Imprimer