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08/10/2021

L'étouffoir

Retour à l’intériorité ouverte…
La sincérité est une vertu
Elle conduit les hommes au franc-parler
Et garde les cœurs purs

Qui ose dire ce que tous pensent tout bas !
Seuls quelques êtres crient dans le désert
Mais où se trouvent la vérité ?
Ne rien dire ne sert à rien

Parler non plus, disent les autres
Respectons le politiquement correct !
Plus rien n’exprime la vérité
Qui se cache derrière le masque

Le groin du silence s’épanouit
Que rien ne bouge dans l’allée du pouvoir
Laissez les consciences à leur place
Ne bougez pas l’équilibre précaire

Muselez vos propos sans bruit
Que vos cœurs soient vierges
Plus tard, peut-être pourrons-nous dire
Ce que nous avons vécu : l’étouffoir

15/05/2012

La notion de valeur

 

La notion de valeur est une notion suffisamment variée pour que nous interrogions sur sa signification. De nombreuses personnes se réfèrent à cette notion pour se justifier, qu’elles soient de droite ou de gauche, intégristes ou libérales, tournées vers le passé ou vers l’avenir. Toutes se disent guidées par les valeurs qui les portent.

Le terme valeur désigne, en premier sens, le prix d’une chose, voire d’un être vivant, animaux ou, cela a existé, hommes ou femmes ou même enfants. Ce terme implique donc obligatoirement une relation entre celui qui émet un prix et celui qui achète. L’un et l’autre doivent se rapprocher d’un juste prix qui leur permet de conclure une affaire, ce qui exige au moins une règle commune de jugement, rapprochement entre la valeur personnelle d’une chose, estimée par le vendeur et le désir d’acquisition de l’acheteur. Il y a donc à la fois un jugement d’ordre personnel (j’aime suffisamment cette chose pour lui attribuer tel prix) et un jugement commun (nous finissons par faire concorder notre besoin ou désir de céder ou d’acquérir la chose).

Mais depuis le XIXe siècle s’est développée une autre vision de la notion de valeur, qui oppose ce qui devrait être par rapport à ce qui est. La valeur devient une référence qui permet d’ « évaluer » une idée, un fait, une chose. Elle s’érige en assurance ou en cautionnement et ne peut donc plus être discutée par ceux qui l’adoptent. La valeur se place au-dessus de l’homme pour conduire son jugement et l’amener à une vision commune. Dis-moi qu’elles sont tes valeurs et je te dirai qui tu es ! Choisir une chose plutôt qu’une autre, c’est se déterminer pour  ce que l’on choisit et contre  ce que l’on rejette. Au sens commun, la valeur permet un jugement critique, une attitude d’adhésion ou de rejet. Mais de cette notion d’attitude on est arrivé à la notion d’absolu : la valeur est la référence universelle à laquelle chacun se réfère. Puis on s’est interrogé sur ce qui peut nous inciter à adhérer ou rejeter, à aimer ou détester. Quelles sont les critères qui permettent d’adopter une attitude commune ? Cette notion de valeur est alors devenue un objet de philosophie : comment choisir, qu’est-ce qui m’incite ou me contraint à tel choix plutôt que tel autre ? Cela mène à la notion de jugement de valeur qui dépend de manière plus large de l’identité de la personne ou plutôt des personnes qui s’accordent pour attribuer telle valeur à telle chose. Leur appartenance commune leur permet de s’accorder aux mêmes valeurs. La notion de valeurs serait donc dépendante du contexte, de la culture de ceux qui s’y réfèrent.

Alors, existe-t-il des valeurs universelles ? On voit bien que certaines notions telles que, par exemple, la liberté, l’égalité et la fraternité, ne sont pas réellement comprises par d’autres peuples qui considèrent ces valeurs comme purement individualistes : l’individu prime sur la société. Pour les sociétés orientales, cette vision est inversée : la société est la valeur suprême qui passe avant tout désir individuel. On peut cependant envisager un certain nombre de valeurs considérées comme suprêmes : le bien qui inclut le bien commun et le bien personnel ; le bon : la bonté ; le juste : la justice ; le beau : la beauté ; le vrai : la vérité. Que de chemins parcourus par les civilisations pour en arriver là ! Et encore, cela n’est pas encore encré dans les esprits, mais promu comme une idée de ce qui devrait être et non de ce qui est. Et c’est cette tension vers ces idéaux qui en font une véritable valeur. Les valeurs sont une aspiration plus ou moins commune vers une adhésion de référence qui permet d’accorder les visions individuelles. Mais que de chemins restent encore à parcourir pour qu’elles soient reconnues !

 

15/03/2012

L’opinion publique

 

En ces moments d’élections, lorsque les médias s’enflamment journellement pour ces héros conspués qui se présentent au suffrage universel, il est important de savoir jusqu’à quel point le quatrième pouvoir exerce son influence.

Pour Alfred Sauvy, l’opinion publique est le for intérieur d’une nation, un arbitre, une conscience. L’opinion publique, cette puissance anonyme, est souvent une force politique, et cette force n’est prévue par aucune constitution [1].

On a longtemps pensé que les médias avaient un impact important sur l’opinion publique. La propagande, au milieu du XXe siècle, a largement utilisé ceux-ci pour influencer l’opinion. Il s’avère cependant, contre toute attente, qu'ils n’ont pas un impact aussi important que celui qu’on leur attribue en matière de formation de l’opinion.

Les expériences de laboratoire et les enquêtes sur le terrain ont en effet mis en évidence que la propagande portant sur des objets aussi différents que des élections ou le moral d’un ennemi produit peu de changement sur les opinions. L’image d’un auditeur passif auquel on fait ingurgiter des vérités prémâchées et que l’on peut manipuler aisément est fausse, comme l’ont clairement montré Paul F. Lazarfeld, Bernard Berelson et Hazel Gaudet à l’occasion de la première étude par panel d’une élection présidentielle (celle de 1940 qui opposait Roosevelt à Willkie) [2].

 

Dans la plupart des sociétés contemporaines, on peut distinguer cinq catégories d’influence :

§        Les décideurs qui sont ceux qui détiennent le pouvoir politique, économique, administratif, judiciaire, militaire, policier, etc. Ils sont, dans les pays démocratiques, très sensibilisés aux réactions de l’opinion, doivent en tenir compte et sont parfois paralysés dans leur action pour cette raison. Dans le même temps, ils cherchent à faire évoluer l’opinion de façon à faire passer les réformes qu'ils jugent nécessaires, mais qui pourront être impopulaires.

§        Les leaders d’opinion sont ceux qui cherchent à faire valoir leur représentation du monde et leurs solutions aux problèmes de société. Il s’agit des chefs de partis politiques et d’institutions religieuses, des représentants de syndicats et de toutes sortes d’organismes fédérateurs ou d'associations. 

§        Les “ communicateurs ” ou professionnels des médias, qui tendent de plus en plus à se constituer en pouvoir autonome, indépendant économiquement, donc moins orienté politiquement qu’auparavant. Les anglo-saxons les appellent “ communicateurs professionnels ”, c’est-à-dire ceux qui maîtrisent une compétence spécifique dans la manipulation des symboles et qui utilisent ce talent pour nouer une liaison entre différentes personnes ou divers groupes. Pour P. Schaeffer, le communicateur remplit un rôle de médiateur, brisant la relation directe entre les décideurs et leaders d’opinion et le public. Il choisit parmi toutes les informations celles qu'il veut communiquer.       

§        Les instigateurs d’opinion, ou “ guides d’opinion ” pour les anglo-saxons, qui, in fine, modèlent l’opinion des membres du ou des groupes auxquels ils participent. Charles Horton Cooley, puis plus tard, Elihu Katz et Paul F. Lazarfeld ont fait ressortir l’importance de leur rôle. Ils servent de filtre entre les médias de masse et le reste du groupe (théorie du « Two steps flow of communications »).

§        Les groupes primaires, qui jouent également un rôle important dans la formation de l’opinion en raison des phénomènes de conformité et d’obéissance qu’ils fédèrent ou encore des phénomènes de déviance suscités.

Les opinions et les attitudes d’une personne dépendent en fait de celles de son environnement social. On ne peut pas vraiment parler d’influence, mais plutôt d’un processus qui lui permet de choisir entre la réalité objective et la réalité sociale constituée par les opinions de son entourage.

 

[1]  Alfred Sauvy, L’opinion publique, Que sais-je n° 701, Paris, Presses Universitaires de France, 1971, p.6.

 

 

[2]  Paul F. Lazarfeld, Bernard Berelson et Hazel Gaudet, The People Choice, New York, Columbia University Press, 1948.