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11/08/2011

Le reliquaire, chronique de Frantz André Burguet

 

« S’il nous est donné d’envisager sans désespoir le cours du temps, c’est parce que notre passé grandit à mesure que notre mort approche, que les souvenirs nous occupent et nous émeuvent. Reliquaire inviolable, notre mémoire fait pour nous ce que les musées ne sauraient faire pour les arts et les techniques : c’est qu’il n’y a jusqu’à notre mort aucun progrès possible en dehors d’un passé qui est éclairé après coup, mais déformé, mais trahi.

Le privilège de notre mémoire, Elia, c’est sa faiblesse, son infidélité, cette fausseté qui nous permet, en un passé formé à notre image, de vivre selon notre cœur. »

 

L’auteur nous dit qu’il s’agit d’une chronique. En effet, le récit est conté par l’intermédiaire de lettres non envoyées, de phrases inachevées, de notes sans suite, de fragments de journal. Celle-ci dépeint le drame d’adolescents qui éprouvent leur sensualité en la refusant.

Poétique recherche du souvenir d’heures merveilleuses, le reliquaire est formé des images que l’amour a façonnées au cours des heures de solitude et de rêve. Sans doute, le narrateur n’a-t-il pas vécu les heures qu’il dépeint avec la même force d’âme et la même sensibilité, mais la mémoire a le privilège d’abolir ces imperfections qui nous empêchent de réaliser la béatitude de certains moments.

Il nous reste de ces heures une étrange sensibilité mise à vif par l’impossibilité matérielle de les revivre dans leur réalité propre (et d’ailleurs elles nous décevraient), l’impression que donne un tableau de Corot ou un prélude de Chopin.

 

 

 

10/08/2011

Attente

 

Attente…

Du bout des doigts, ce tremblement léger
Une fièvre parcourt les veines

Le creux adouci des bras se teinte de crépuscule

Chaque bruit à la mesure d’une symphonie
Chaque regard d’un oiseau dans la nuit
L’oublie d’un pétale au fond des mains
La chaleur de nos pieds sur la terre mouillée

Ses doigts entrelacés de fleurs
Comme un feu d’artifice
Sont le soir le parfum de notre remord

Les diamants mouillés de la pluie
Ensevelissent de bijoux sa parure de cheveux

Les pieds écartelés dans la mousse de l’abandon
Nous écoutons ensemble la naissance de l’herbe

 

 

 

09/08/2011

Chant orthodoxe grec

 

Ecouter :

http://www.youtube.com/watch?v=FFFS2N_6iA8&feature=re... 

http://www.youtube.com/watch?v=5Z8qfKoUBKY&feature=re...  

 

v     L'évolution à partir du byzantin

Ø     De 1453 à 1600 : Période critique pour le peuple grec, elle est peu propice au développement de la musique religieuse.

Ø     De 1600 à 1830 : Le patrimoine musical de l'église grecque s'enrichit dans les centres musicaux de Constantinople, le Mont Athos, la Crête et les îles Ioniennes. Les chants sont basés sur les formules mélodiques byzantines, mais acquièrent certains éléments turcs.

Ø     De 1830 à nos jours : C'est à partir de cette date qu'apparaissent graduellement des versions harmonisées des chants traditionnels homophones.

 

v     Rapport du texte et de la mélodie

Le chant post-byzantin est étroitement lié aux paroles :

·        phrases mélodiques ascendantes : notions d'élévation, de ciel, de mont ;

·        phrases mélodiques descendantes : abîme, enfer, terre ;

·        modulation chromatique sur les mots exprimant un sentiment douloureux (mort,   damnation, maladie), dans les chants diatoniques ;

·        modulation diatonique dans les chants chromatiques où le texte comprend un mot exprimant la joie ;

·        brefs mélismes sur les mots-clés.

Cependant, le chant reste suffisamment impersonnel pour ne pas tenter de refléter l'émotivité implicitement suggérée par le texte.

 

v     L'harmonisation

On distingue :

·        une harmonisation reprenant l'harmonisation russe ou l'influence italienne : c'est une harmonisation à quatre voix ou les ténors chantent en tierce supérieure de la voix principale ;

·        une harmonisation devenue topique du chant orthodoxe grec : la voix principale est la voix supérieure, la seconde est à la tierce inférieure, la troisième termine l'accord à la basse.

 

v     Un exemple d’adaptation des mélodies grecques

  « Adapter sur les mélodies grecques de la liturgie byzantine une traduction en langue barbare n’est pas une nouveauté imputable à notre temps. Le même processus fut à l’origine du chant liturgique en langue slave dans les églises byzantines de Russie et des pays balkaniques, et le chant monastique de ces églises conserve parfois des mélodies encore très proches du chant grec, dans la mesure où celui-ci n’a pas subi d’altérations depuis le temps de l’évangélisation des salves.
Mais avant que les slaves ne puisent aux sources byzantines, c’et l’Occident lui-même qui, en ses liturgies hispanique, ambrosienne, gallicane et finalement romaine, utilisa les chants liturgiques de l’Orient syro-palestinien et byzantin. Les travaux récents de musicologues tels que Egon Wellesz et Michel Huglo ont montré l’étendue et le cheminement de ces influences, qui ne sont point un héritage de la période de transition (entre 360 et 380) au cours de laquelle l’église de Rome abandonna le grec pour le latin.
L’abbaye de Chevetogne, en Belgique, s’efforce de rendre ces sonorités insolites à nos oreilles, en les adaptant à une polyphonie relativement moderne. Jean Sakellaridis, en se ratachant à la fois à la tradition musicale byzantine et à l’harmonie européenne, a tenté, le premier, de purifier le chant liturgique grec des sonorités, d’ailleurs étrangères à sa nature, qui pouvaient heurter la sensibilité moderne occidentale. Cette rencontre, déjà œcuménique, de Sakellaridis avec l’Occident attendait une réponse, un geste de sympathie, de la part des occidentaux entre vers cet héritage que la Grèce mettait à leur portée. C’est le travail effectué par l’abbaye de Chevetogne et l’adaptation des mélodies grecques aux paroles françaises est chose relativement aisée. » (1) 

Bien sûr, les mélodies grecques, comme les modes byzantins dont elles sont directement issues, contiennent 8 tons aux tonalités et formules mélodiques différentes qui sont connues des chanteurs à tel point que les recueils musicaux ne sont que des aide-mémoires, l’importance étant toujours donnée à la parole plus qu’à la musique. Le chant est avant tout une lecture, expressive et harmonieuse, une déclamation.

L’harmonisation des mélodies grecques se contente  le plus souvent de trois voix maximum, et la mélodie se trouve à la première voix.  Elles peuvent être chantées à trois voix d’homme (ténor, baryton, basse), à deux voix de femme et une voix d’homme (soprano, alto et basse).

 

v     Les caractéristiques du chant orthodoxe grec

Voici les caractéristiques mélodiques et harmoniques du chant grec :

 

 chant orthodoxe grec tons 1 à 4.pdf 

 

Chant orthodoxe grec tons 5 à 8.pdf 

 

 

[1] Monastère de Chevetogne, liturgie byzantine, vêpres et matines, mélodies slaves et grecques, textes français, 1972

 

 

 

 

08/08/2011

Quatuor pour la fin du temps, d’Olivier Messiaen

 

« Lorsque j’étais prisonnier, et j’ai conçu et écrit ce quatuor pendant ma captivité à Görlitz en 1941, l’absence de nourriture me donnait des rêves colorés : je voyais l’arc-en-ciel en l’Ange et d’étranges tournoiements de couleurs. Mais le choix de l’ange qui annonce la fin du temps repose sur des raisons beaucoup plus graves.

Musicien, j’ai travaillé le rythme. Le rythme est par essence changement et division. Etudier le changement et la division, c’est étudier le temps. Le temps (mesuré, relatif, physiologique, psychologique) se divise de mille manières dont la plus immédiate pour nous est une perpétuelle conversion de l’avenir en passé. Dans l’éternité, ces choses là n’existeront plus. Que de problèmes ! Ces problèmes, je les ai posés dans mon quatuor.

Au nom de l’apocalypse, on a reproché à mon œuvre son calme et son dépouillement. Mes détracteurs oublient que l’Apocalypse ne contient pas que des monstres et cataclysmes. On y trouve aussi de silences et des adorations, de merveilleuses visions de paix. » (Olivier Messiaen)

Cette pièce comprend huit parties. Quelles impressions pour les trois premières ?

 

I- Liturgie de cristal

http://www.youtube.com/watch?v=PhQVX46ooro&feature=related

Commentaire de Messiaen : « Un oiseau soliste improvise, entouré de poussière sonore, d'un halo d'harmoniques perdus très haut dans les arbres ». La clarinette devient l’oiseau chantant, avec ses trilles et ses notes décalées. On perçoit bien une mélodie derrière ce chant sylvestre, mais on ne saurait dire en quoi elle se manifeste à l’esprit. En fait, c’est l’accompagnement subtil des trois autres instruments (Violon, Violoncelle et Piano) qui donnent la sérénité et l’harmonie du morceau. C’est une longue promenade sur un chemin bordé de haies au moment où le soleil se lève sur l’horizon, alors que l’esprit est encore vierge des impressions de la journée. Les yeux écarquillés, on contemple un monde neuf comme est neuf l’esprit de celui qui le contemple.

 

 II- Vocalise, pour l'ange qui annonce la fin du temps

http://www.youtube.com/watch?v=O1BYOtb_q4w&feature=related

La clarinette n'intervient qu'en introduction et en finale. L’introduction, brutale, bruyante, dérangeante, évoque bien ces sons organisés, mais sans mélodie réelle, des vocalises. La clarinette y tient le rôle principal, celui de l’auteur des vocalises. Puis c’est une longue plainte des cordes, lente, décharnée, accompagnée par le piano, sur un rythme égal, qui rejoue les quelques phrases mélodiques d’accompagnement comme une litanie. S’agit-il réellement d’annoncer quelque chose ou de permettre l’entrée dans un autre univers, déshumanisée, mais emprunt d’une certaine beauté, celle d’un après la vie, après le mouvement ? Est-on déjà entrée dans cette atmosphère sans durée ni étendue annoncée par l’ange ? Probablement pas, car revient, en conclusion, l’irruption des sentiments humains, qui semblent protester contre cette fin du temps, donc de l’espace et du monde en tant qu’entité matérielle. Les quatre instruments (Violon, Violoncelle, Clarinette et Piano) jouent cette finale très brève, trépidante, mais comme une espérance vers ce monde insolite aux humains d’un après le temps.

 

 III- Abîme des oiseaux

http://www.youtube.com/watch?v=rnJHEqwhSNY&NR=1&feature=fvwp

Joué par la clarinette en solo, ce mouvement atteint l’intérieur de l’être au plus profond, dans une sensibilité primaire ne venant ni de la tête, ni du cœur, mais plutôt du creux de l’estomac, lieu de communion intime avec la nature. On dirait une marche froide dans une neige profonde, sur une plaine sans fin, comme un retour à l’essentiel, avant que la perception s’affine et entre en vibration avec quelques gouttelettes de givre qui viennent troubler la pesanteur étouffante de l’atmosphère. Et la marche reprend, aussi calme, aussi peu brouillée par l’environnement, jusqu’à un achèvement imperceptible, comme les derniers sons d’un cloche qu’on ne distingue pas des autres, mais qui a un moment s’arrêtent sans que l’on sache pourquoi, même si un ralentissement sensible du rythme l’annonce plus ou moins.

 

 

07/08/2011

Pluie et divagations

 Eau, pleine, grasse, qui tombe du ciel et des arbres jusque dans le cou et chatouille les idées jusqu'à vous contraindre à écrire (n'importe quoi). C'est un jour de matinée au lit, dans le lit, sur le lit, ventousé entre les draps, l'appareil à images sur genoux, les mains sur le clavier, la tête dans les jambes pour mieux réfléchir à rien. Quelle journée épuisante, rien à faire, rien à penser, rien à vivre.

Et pourtant, comme il est bon de contempler cette pluie qui court et marbre le paysage de traits fins et discontinus, comme un filet défilant, comme un nuage flottant, comme une voile gonflée du vent de l'imagination.

La deuxième moitié de la première de la journée (comprenez qu'il est 10h30) se montre tout autant indolente. Le gris lumineux des jours sans tâche éclaire la pièce qui se concentre sur quelques objets : le réveil qui nargue l'heure insolite, la lampe qui ne s'allume plus à l'apparition de quelque idée, la robe de chambre qui dessine toujours la place du corps assis dans le fauteuil. Pas de musique, et pourtant, Chopin ou Mozart seraient les bienvenus, ou encore la petite machine à coudre de Bach, dont les notes égrainent une conception de la vie qui aide à monter, non pas sur ses grands chevaux, mais sur l'olympe de la béatitude.

Merci d'avoir lu ces quelques mots de rêverie au coin du lit.

06/08/2011

Chaîne de vie

 

Essaimer pour emplir le vide, quel objectif !

Et le vide fut comblé.

Dessin très simple, mais qui demande malgré tout un équilibre qui n’est pas si aisé que cela à réaliser.

 

11-08-05 Chaîne de vie.JPG

 

 

 

05/08/2011

A nouveau, le silence de la nuit

 

A nouveau, le silence de la nuit

Comme une auréole sur le tissu

Des souvenirs et de l’avenir

Où donc m’entraîne cette indolence

Avant le lever du jour, pâle et désorienté

 

J’erre dans ma solitude bénite

Comme un amant se noie

Dans les bras échevelés et caressant

D’une belle au visage de marbre

 

C’est le temps de la création

Des virages sublimes de l’imagination

Emportée par les courants improvisés

De l’air et du palpable imperceptible

Qui chemine dans la peau transparente

Qui me sépare de la vie réelle

 

Et je me noie, englué dans l’ignorance

De jours meilleurs, de plaisirs subtils

En contact avec le vrai et le beau

Et j’erre inlassablement, détourné

De cette connaissance chaleureuse

D’une intimité de pensée conduisant les héros

Vers les cieux blancs et vides

De la présence souhaitable

De cette évanescence indescriptible

Seule, sensible, brûlante et mystérieuse

Au fond de soi, de toi,

Oui, de nous… Probablement.

 

 

04/08/2011

Peut-on parler de progrès en art ?

 

Peut-on parler de progrès en art ? C’est une des questions évoquées par le livre de Milan Kundera intitulé La vie est ailleurs. Dans le chapitre 15, il pose la question au travers d’une discussion dans un cercle de jeunes marxistes. L’un des participants affirme qu’on ne peut pas dire que Shakespeare soit inférieur aux auteurs dramatiques contemporains. Pour Jaromil, le personnage principal du livre, le progrès est incontestable : "les tendances de l’art moderne signifient un bouleversement total dans une évolution millénaire ; elles ont enfin libéré l’art de l’obligation de propager des idées politiques et philosophiques et d’imiter la réalité, et l’on peut même dire que c’est avec l’art moderne que commence la véritable histoire de l’art."

La question ne manque pas d’intérêt. Si l’on peut penser sans trop de difficulté qu’il y a progrès en science, peut-on réellement dire que le même phénomène se répète en art ?

Certes, on constate des ruptures. Ces ruptures sont d’ordre conceptuel. Qu’attend-on de l’art ? C’est ainsi que l’on constate une rupture conceptuelle entre l’art helléniste qui consacre sa plénitude à la contemplation de l’homme et l’art byzantin qui décrit l’invisible derrière le visible, entre l’art classique dont le but est la représentation la plus parfaite de la réalité et l’art impressionniste qui donne la priorité à la perception intérieur, à l’expression du ressenti plutôt que de la représentation exacte de ce qui est vu, enfin jusqu’à l’art abstrait qui évacue la réalité pour une autre, purement fictive. Mais constatons que ce sont les évolutions de la science qui permirent cette transformation : à quoi serviraient les reproductions fidèles de la réalité puisqu’il existe maintenant la photographie et le cinéma ? Mais si ceci est vrai pour la peinture, en est-il de même pour les autres arts ?

C’est certain en ce qui concerne l’architecture. Les progrès techniques de la construction permettent des schémas d’assemblage des matériaux réellement inimaginables il y a encore une centaine d’années. Mais peut-on dire qu’il en est de même pour la littérature ? Je ne le pense pas. Certes, il y a eu un changement culturel dû à l’évolution des idées et des modes de la société. On peut même dire qu’il y a eu un changement conceptuel, par exemple dans la manière d’envisager la poésie : le carcan des règles a sauté au profit d’une pleine liberté d’expression, qui a conduit à autant d’aspects positifs que négatifs. Mais la littérature, par le fait qu’elle est pure invention de l’esprit, échappe au progrès scientifique et donc échappe à l’esprit de progrès irréversible.

Enfin, pour ce qui concerne la musique, l’idée même de progrès reste, me semble-t-il, irréaliste. Là aussi, les progrès techniques dans la construction des instruments, l’utilisation du son numérique et les mixages possibles entre l’instrument joué et le son produit par un ordinateur ont modifié les possibilités offertes. Mais dire que la musique techno est un progrès par rapport aux autres styles de musique me semble une aberration. Certes, au dix-neuvième siècle a été épuisée une bonne partie des possibilités de variations musicales utilisant l’harmonie classique. Oui, ont été inventées au vingtième siècle d’autres conceptions d’utilisation de l’harmonie et du contrepoint allant de l’emploi de modes traditionnels sortant du cadre harmonique classique aux gammes dodécaphoniques. Cependant, peut-on parler de progrès dans ces évolutions, j’en doute. Disons qu’il y a eu un élargissement important des palettes de sons utilisables et de leur organisation dans le temps et l’espace qui a marqué de manière indiscutable le siècle dernier. Mais en quoi peut-on parler de progrès au même sens que le progrès scientifique ou technique ?

Alors sans doute faudrait-il revenir aux fondamentaux : qu’appelle-t-on progrès ? Il sous-entend l’idée d’un avenir meilleur et, de manière plus intellectuelle, l’idée du sens de l’histoire, issue d’une vision du monde occidental, laquelle est assez liée à une conception chrétienne d’avènement du royaume de Dieu. Certes, c’est un résumé facile et simpliste, mais qui ne manque néanmoins pas de vérité, même si le christianisme, tout au long de l’histoire de l’Occident, s’est longtemps opposé à l’évolution des sciences, de la pensée philosophique et de la réalité politique et sociétale.

Si le progrès n’est pas une évolution rectiligne dans le temps et l’espace de l’impact de l’homme sur la création, il demeure cependant en tant que progrès scientifique, qu’accroissement des connaissances, que passage d'un paradigme du savoir à un autre. L’idée de progrès est certes liée à un système d’explication du monde, mais n’existe-t-il pas également une emprise plus élargie de l’homme sur l’univers, pour le meilleur, mais aussi pour le pire ?

 

 

03/08/2011

La vie se crée dans le délire

 

La vie se crée dans le délire et se défait dans l’ennui. L’ennui, cette maladie incurable… L’univers transformé en après-midi de dimanche.

Nous ne pourrions atteindre le terme d’un seul jour si la possibilité d’en finir ne nous incitait pas à recommencer le jour d’après. Pouvoir disposer absolument de soi-même et s’y refuser, est-il don plus mystérieux ?

Qui fut assez audacieux pour ne plus rien faire parce que tout acte est ridicule dans l’infini ?

On ne discute pas l’univers, on l’exprime : nous ne commençons à vivre réellement qu’au bout de la philosophie.

L’être est muet et l’esprit bavard. Cela s’appelle connaître.

J’ai voulu supprimer en moi les raisons qu’invoquent les hommes pour exister et pour agir… Et, me voilà dans l’hébétude, vide…

Notre existence, réduite à son essence, continue à être un combat contre les éléments de toujours, combat que notre savoir n’adoucit aucunement.

Qui n’a convoité l’ignominie, pour couper à jamais les liens qui l’attachaient aux autres, pour subir une condamnation sans appel et arriver ainsi à la quiétude de l’abîme ?

L’homme est l’être dogmatique par excellence, et ses dogmes sont d’autant plus profonds qu’il ne les formule pas, qu’il les ignore et qu’il les suit.

 

 

02/08/2011

D'acier, roman de Silvia Avallone

 

C’est le roman de l’adolescence, moment où les sentiments sontlittérature,société exacerbés, en particulier ceux de l’amitié et de l’amour, mêlés au désir du corps, brutal pour les garçons, plus sournois pour les filles, mais tout aussi réel.

Elles sont deux filles canon, les plus remarquées de Piombino, faubourg ouvrier, au bord de la plage, face à l’île d’Elbe. Elles sortent de l’enfance, entre les manifestations d’amitié de l’enfance et les tentations physiques de l’adolescence. Toute la plage les regarde, les admire, les envie. Elles ne sont pas insolentes, simplement épanouies et sans complexes, sûres de leur beauté. Elles découvrent l’amour. Après des tentatives de manifestation d’amour entre elles, Anna tombe amoureuse de Mattia, beau loup de mer ayant navigué trois ans en Mer Noire. C’est la fin de l’amitié entre Anna et Francesca, cette dernière se sentant trahie par l’attitude d’Anna. Francesca adopte une autre amie, par dépit, une petite boulotte qu’elle n’aime pas. Elle ignore Anna qui découvre l’amour à quatorze ans. Mais, après des péripéties, elles finiront par se réconcilier : Elles souriaient, ne parlaient pas. L’une avait la bouche pleine de dentifrice, l’autre les lèvres entrouvertes, un peu gercées. Elles étaient parfaitement accordées l’une à l’autre.

Histoire banale, sans grand intérêt, semble-t-il. Mais, en premier lieu, elle se passe dans un univers très dur où les hommes sont des machos et les femmes soumises, où les pères veillent sur leurs filles avec des arrière-pensées, dans l’ambiance de l’aciérie, seul moyen de gagner sa vie à Piombino, univers inhumain où les hommes s’épuisent et s’enferment dans des certitudes d’enfant. Et dans ce monde éclosent deux chrysalides sans complexe, devant lesquelles les vieux bavent d’impuissance et les adolescents de désir. Elles sont pourtant comme toutes les filles, regardant les garçons, se pavanant en bande devant eux, rêvant d’être dans leurs bras, mais dédaignant leurs plaisanteries obscènes.

En deuxième lieu, ce qui surprend, c’est la maîtrise des descriptions et de l’écriture en général. Deux exemples :

 

Anna et Francesca, quand chez Anna il n’y a personne.

Leur corps pulse comme la musique, avec la musique. Elles attendent que la chanson commence pour se déshabiller.

La fenêtre est ouverte. Elles se sont enfermées à clé dans la salle de bain. Elles le font tous les lundis matin, l’été, quand la classe est finie et que tout le monde est au travail. Elles relèvent le store, ouvrent les rideaux. Elles se tiennent là, à moitié nues, au milieu de la pièce. Dans l’immeuble en face, seuls sont restés les retraités et les tire-au-flanc.

Elles se sont maquillées, outrageusement. Le rouge à lèvres déborde, le rimmel coule avec la chaleur et plâtre leurs cils, mais elles s’en fichent. C’est leur carnaval à elles, la provocation qu’elles lancent par la fenêtre. Au fond, elles le savent que quelqu’un pourrait les mater et tomber le pantalon. (p.32)

 

Elle lui plaisait trop. Elle lui faisait un effet, nom de Dieu, inexplicable. Et puis il se dit que ses intentions n’étaient pas mauvaises. Se persuada qu’il voulait juste la connaître un peu, parler avec elle, découvrir ce qu’il y avait dans cette petite tête, et peut-être même la tenir une minute dans ses bras.

« Eh, la frisée ! », cria-t-il.

Anna en freinant se retourna et scruta la foule.

Merde : elle était à tomber.

Cette frimousse insolente, pendant qu’elle cherchait qui l’avait appelée… elle était fantastique !

Tant pis, il lui expliquerait ; à Alessio, et s’il fallait encaisser la beigne, il l’encaisserait. Anna soudain le vit. Le reconnut. Pila brusquement.

Mattia. MAT-T-IA. Accoudé à la balustrade, beau comme Brad Pitt dans Thelma et Louise, beau comme Ricardo Scamarcio sur la couverture de Cioè.

Elle éprouva une seconde de désarroi, de joie folle, sauvage… (p.182)

 

Mais je n’irai pas jusqu’à dire qu’il s’agit d’un roman social comme le prétend La Repubblica. Ce serait le déclasser. C’est un bon roman, écrit à 25 ans et tiré à 350 000 exemplaires. C’est tout. Mais, c’est déjà beaucoup.

 

 

01/08/2011

Bulle de savon translucide

 

Bulle de savon translucide,

Tu es l’espace et le temps

L’infini et le fini

Mon système solaire

 

Au-delà du globe transparent de ton regard

Se cachent ta propre image

Et l’image de ton univers

 

Tu es l’aleph de ma contemplation

Le commencement et la fin du temps

Ta présence est mon éternel présent

Et je mourrai de ton achèvement

 

Au-delà du goût de tes lèvres

Je prends conscience de ta densité

Et ne peux plus me définir

Qu’en relativité à ton existence

 

Le jeu de la lumière dans ta chevelure

Est la courbure de mon atmosphère

Où je découvre implacablement

Le champ de gravitation de mon espérance

 

Je suis d’apesanteur, exempt d’inertie

Inexorablement, éternellement

Attiré vers le centre de ton être

Concentré de ma pleine conscience

Vers le point de chute que tu es

 

 

31/07/2011

Le chat au point d'interrogation

 

Est-ce une nouvelle, est-ce un conte? Je ne sais. Mais je souhaite qu'il vous apporte un peu de plaisir en cette fin maussade de juillet.

 

le chat au point d'interrogation.pdf 

 

30/07/2011

L’année dernière à Marienbad, film d’Alain Resnais

 

L’année dernière à Marienbad 1 :

http://www.dailymotion.com/video/xa92dg_l-annee-derniere-a-marienbad-1_music

L’année dernière à Marienbad 2 :

http://www.dailymotion.com/video/xa93fl_l-annee-derniere-a-marienbad-2_music

L’année dernière à Marienbad 3 :

http://www.dailymotion.com/video/xa95yk_l-annee-derniere-a-marienbad-3_music

L’année dernière à Marienbad 4 :

http://www.dailymotion.com/video/xa96hp_l-annee-derniere-a-marienbad-4_music

L’année dernière à Marienbad 5 :

http://www.dailymotion.com/video/xa96uq_l-annee-derniere-a-marienbad-5-fin_music

 

D’un autre siècle, cet hôtel immense, luxueux, baroque, empli de couloirs, de galeries, surchargés de décors de stucs, de miroirs, de glaces noires, débouchant sur des salons déserts, surchargés, aux tapis lourds, épais, silencieux. Les personnages sont figés, rêveurs, les yeux fixes, ne regardant rien, indifférents. Et pourtant, ils réagissent à la fin du spectacle qu’ils regardaient : applaudissements, brouhaha des voix ; mais très vite tout se fige à nouveau, comme des pauses silencieuses, accompagnées d’un morceau d’orgue. Et bientôt, l’hôtel semble s’endormir lentement dans des conversations à deux, homme et femme. Mais la vie continue dans les salons auparavant silencieux, toujours en conversations saisies au vol, sans continuité.

 

Après l’introduction au jeu de Nim où toujours perd celui qui ne connaît pas l’astuce, on fait connaissance des personnages principaux du film : une jeune femme, Delphine Serig, belle, à la voix enjôleuse, mais légèrement agaçante ; un homme, Giorgio Albertazzi, de la même taille, séduisant, qui s’efforce de lui rappeler ce qui s’est passé l’année dernière à Marienbad et qui lui fait la cour ; un autre homme, Sacha Pitoëff, plus grand, également séduisant, dont on découvrira qu’il est le mari de la première et qui gagne toujours au jeu de Nim. La femme erre dans les décors, monte des escaliers, s’esquive, reprend le contact, mêlant deux moments et deux lieux, l’hôtel du présent  et celui de Marienbad, voire d’autres. Tous ces fantômes se déplacent dans le décor, tantôt conversant à voix basse, tantôt silencieux, tels des spectres glaciaux, mais malgré tout attachants et même, parfois, vivants.

_ Que voulez-vous donc, vous savez bien que c’est impossible… Laissez-moi, je vous en supplie, dit-elle à celui qui lui fait la cour et dont on ne connaîtra pas le nom. Il l’accompagne cependant au concert, malgré l’intervention de l’autre personnage. Ils s’y tiennent comme deux étrangers. Puis retour à l’hôtel, dans les salons silencieux, et jeu d’attitudes entre la femme et l’homme, avec la remémoration de ce qui a peut-être existé auparavant, en un autre lieu, un autre temps, l’année dernière à Marienbad. Mais elle garde toujours une certaine distance :

_ Approchez-vous, plus près, lui dit-il.

_ Laissez-moi.

_ Et pourtant vous êtes là, à portée de ma main.

_ Pourquoi moi ?

_ Vous m’attendiez.

_ Non.

_ Il s’agit de votre vie, la vôtre. Debout devant moi, attendant peut-être, immobile, les bras le long du corps, vos lèvres un peu disjointes, vous avez peur !

_ Tout cela est faux, je ne connais pas cette chambre, il n’y a pas de glace au dessus de la cheminée. Je ne sais de quelle chose vous parlez. Je n’ai jamais été avec vous dans cette chambre. Vous inventez, je suis sûre que vous inventez.

_ Je vous ai regardé, je vous aimais, vous étiez vivante.

Et elle s’enfuit, une fois de plus.

 

Retour au dialogue entre elle et lui :

_ Vous m’avez demandé de vous laisser une année entière, pour me mettre à l’épreuve. Je viens maintenant vous chercher.

_ Non, non, c’est impossible.

Vision de l’année dernière à Marienbad : Seule dans sa chambre. Il explique ce qu’elle fait, mais elle-même fait autre chose, elle tourne autour de la chambre, doucement, frôlant les murs et les miroirs, alors qu’il lui dit :

_ Et vous êtes retournée vers le lit. Ecoutez-moi ! Pourquoi vouloir toujours vous échapper.

Les souvenirs se mélangent, il tente de se remémorer, mais il est incertain, il ne se souvient plus lui-même.

 

Ils se cherchent, ne se trouvent pas. Elle ne sait ce qu’elle veut. Elle craint son mari. L’histoire a commencé il ya un an, dans une architecture en trompe l’œil, entre un miroir et des colonnes, dans une chambre toujours ouverte.

Elle doit le retrouver à minuit. Il vient. Elle était là, assise sur une chaise, au pied de l’escalier, belle. Elle se lève, il la suit, dans l’hôtel de colonnes et d’escaliers. Ils sortent dans le parc, où ils se perdent dans la nuit tranquille, elle, seule avec lui.

 

 

Consacré Lion d’or en 1961 au festival de Venise, c’est le second film d’Alain Resnais, réalisé à partir du scénario d’Alain Robbe-Grillet. Ils recherchaient tous deux une nouvelle expression cinématographique, sortant des habitudes, comme le nouveau roman s’efforçait de renouveler le roman traditionnel. Le temps tient un grand rôle dans le film. Ce sont de perpétuels changements de temps et de lieux tout au long du film qui font qu’au bout de quelques minutes, on ne sait plus où l’on est et à quel moment. Le début du film est conçu pour envoûter le spectateur : travellings et panoramas donnent la dimension physique de l’espace. Les commentaires du narrateur qui répète pratiquement toujours la même chose d’une voix monocorde, ainsi que la musique d’orgue, qui accompagne ces descriptions, sont là pour tromper la perception de la durée. Il ne s’agit pas d’une histoire que l’on raconte d’une façon linéaire, mais d’une rêverie de l’imaginaire qui relie entre eux différents temps et différents lieux. La femme n’y croit pas et refuse les prétendus souvenirs de l’homme. Et pourtant elle se laisse prendre au jeu, au point, à la fin du film, de céder à la demande de son admirateur.

Et pourtant, on finit par douter comme la jeune femme de la réalité de ce que raconte l’homme, de ce qui s’est passé l’année dernière à Marienbad. On peut penser qu’Alain Resnais joue avec le spectateur. Il veut le contraindre à fabriquer sa propre compréhension du film, sans rien imposer. Il bâtit le décor, les personnages, certains faits et c’est au spectateur de les relier ensemble, de les animer pour faire dire au film ce qu’il veut entendre et comprendre.

 

 

29/07/2011

Assemblage intrépide

 

Cet assemblage intrépide est le fruit d’une longue quête, croisement de points hauts centraux et latéraux sur fond de losanges. Je ne sais s’il peut exister, mais en dessin tout est possible.

 

 

11-07-29 Assemblage .JPG

 

 

28/07/2011

Le chant orthodoxe slave

 

Le chant orthodoxe slave est profondément différent du chant romain. Intimement lié à l’âme russe, il puise ses caractéristiques dans la musique slave, elle-même influencée par de nombreux courants. Comme le chant grégorien, il dispose de huit tons, avec leurs caractères propres.

 

 

Découvrez la richesse de cette tradition : 

 

le chant orthodoxe slave.pdf

 

 

Ecoutez quelques chants :

http://choeurslava.free.fr/extraits-sonores.htm

http://www.youtube.com/watch?v=wj5A1zvw-T8&feature=related

 

Mais bien d'autres sites vous offrent l'écoute de nombreux chants orthodoxes slaves, par exemple :

http://www.youtube.com/watch?v=jawFHHtqzD8&NR=1

 

 

 

 

 

27/07/2011

Pourquoi courir après les actes

 

Pourquoi courir après les actes ?

Pourquoi vouloir faire et défaire ?

S’arrêter, prendre le temps de se regarder !

Contempler le monde comme le hibou,

Les yeux ouverts, sans bouger

Et voir passer les incidents

Comme de petites blessures

A la perfidie de la vie

 

Calme serein des fontaines

Qui coulent au pied des jardins

Comme immobiles et vivantes

D’une vie statique et immortelle

 

Tel le scaphandre en eaux douces

Nous attendons la remontée

Pour sortir nos trésors :

Un doigt de poupée rose

Une couronne de fleurs artificielles

Trois lapins de porcelaine

Un chapeau défraichi

Par son séjour dans l’eau noire

 

Au-delà de ces assemblages

Nous retrouvons, cachée,

La sensation de froideur vitale

Des escargots idéologues

Qui courent aux murs de la honte

 

Petits délires matinaux

Comme un soulagement

Offert gratuitement

A l’errant qu’est

Chacun (ou chacune) de nous !

 

 

26/07/2011

Nouvelle promenade campagnarde

 

Retour aux trous blancs déjà évoqués le 2 mai.

 

Hier, promenade dans la campagne, au gré des pas et des humeurs, sous un temps moutonneux. Après la vision d’un château, hélas trop refait pour attirer notre attention, nous nous engageâmes dans un petit chemin au fond d’un vallon. Et nous entrâmes dans un autre monde, celui des trous blancs, monde merveilleux, d’un autre âge, empli d’inattendu, comme un voyage chez Alice (celle du pays des merveilles).

 

11-07-26 Prom Camp trou blanc.jpg

 

 

Marcher en catimini sur une douce couche d’humus pour pénétrer dans ce pays inconnu. De part et d’autre, un bois aux arbres emplis de lianes et de mousse, comme mis en conserve et ouvert à notre approche. Déboucher sur un chemin creux récemment débroussaillé dont les arbres pleuraient de longues tiges de cigares qui permettraient de fumer jusqu’à la fin de ses jours. Silence, lumière atténuée, aucun chant d’oiseaux, une impression d’entrer dans un monde ancien, presque préhistorique, résurgence d’un temps sans voiture, où seule la force animale permettait ce type de travaux.

 
11-07-26 Prom Camp chemin dénudé.jpg

 

 Un vieil arbre, enrobé de paillettes qui lui font une barbe crissant, semblait servir de nid à des vautours imaginaires. Perdu au milieu du chemin dénudé, il apparaissait comme un fantôme volontaire, pour rappeler l’écoulement du temps.

  

11-07-26 Prom Camp arbre.jpg

  

Poursuite vers le fond du vallon, là où repose au creux des bois une eau suintant de rigoles creusées dans la pente. La lumière créait un reflet d’argent à sa surface, comme une couche de glace en plein été, dans laquelle les feuilles et la réverbération des squelettes des arbustes figeait l’ensemble en une immobilité mystérieuse et poignante. Une invraisemblable nostalgie s’empara de nous, comme un creux dans le ventre. Le regard embué, nous contemplâmes la résurgence des eaux sous le coton du ciel.

  

11-07-26 Prom étang 1.jpg

 

Pour finir, une petite halte au bord d’une route où poussait une11-07-26 Prom chapelle ext.jpg chapelle du siècle dernier. Elle n’était pas très belle extérieurement, mais entretenue avec soin, enrobée d’un jardin naturel d’arbustes taillés et d’allées minuscules, mais proprettes. Regard par les deux vitres de la porte d’entrée qui nous fit découvrir un palais spirituel, aux peintures un peu éteintes, mais encore vives, et une sainte vierge enrobée de lumière nous présentant l’enfant Jésus.

 

 

11-07-26 Prom chapelle int.jpg

 

Quelle belle promenade, qui nous a apporté un soleil intérieur en un jour maussade !

 

  

 

25/07/2011

Sénescence

 

En biologie, la sénescence (du latin senex, "vieil homme" ou "grand âge") ou vieillissement est un processus physiologique qui entraîne une lente dégradation des fonctions de l'organisme.

Le vieillissement d'un organisme débute après la phase de maturité, et progresse alors de façon irréversible jusqu'à la mort. Il se caractérise le plus souvent par une dégradation des capacités générales de l'organisme. (Wikipedia)

 

       " Le vrai problème n’est pas de savoir si nous serons vivants après la mort, mais bien si nous serons vivants avant la mort... L’immortalité est une valeur, une dignité, une vocation, une exigence : comma la personnalité et comme la liberté. C’est pourquoi nous sommes des candidats à notre immortalité."

 

       "C’est pourquoi l’au delà n’est pas à situer après la mort, il est d’abord un au delà de la biologie et il est en réalité un au dedans. Rigoureusement parlant en effet, on ne peut parler d’après la mort, parce que le disque du temps tourne autour d’un centre immobile."      

Maurice Zundel

 

Ces deux faces de la réalité humaine apparaissent dans ce dessin à l’encre de chine que j’ai réalisé il y a déjà un certain temps. L’idée : l’élégance de l’homme malgré la sénescence, grâce à l’immortalité de l’âme.

 

11-04-03 Sénescence red.jpg

 

 

24/07/2011

Michel Portal & Jacky Terrasson – Concert à Marciac 2007

 

http://www.youtube.com/watch?v=zcGt4YeSR2k&feature=related

 

 

Après une introduction un peu bizarre pour ceux qui sont habituésmusique,jazz,création à la musique classique, comme une sorte de clin d’œil au public, avec, en fin, l’utilisation de bruits plutôt que de notes, commence le morceau, un duo, sorte de petit chef d’œuvre entre le saxo et le piano, comme une ballade, calme, tranquille, une promenade, sur la Seine par exemple.

Sur une même note, il introduit réellement le morceau, accompagné par le rythme du piano, il tourne autour de la note, un sol bémol, seul d’abord, puis avec le pianiste qui lui-même joue un contrepoint. Alors commence un dialogue entre les deux instruments, avec des oppositions, mais aussi de parfaits accords, mélodiques et rythmiques. Ce dialogue est conduit par le saxo qui tourne autour de sa note, avec de brusques sautes d’humeur, avec des frasques rythmiques reprises par le piano qui enveloppe les échappées du basson d’un soutien permanent, mais volontairement retenu.

musique,jazz,créationIls reprennent enfin la mélodie de départ, avant d’entamer, comme c’est l’habitude en jazz, un solo, solo de piano, endiablé, plein de fioritures, beau de virtuosité. Ce solo est fait de petits morceaux qui s’enchaînent les uns les autres, tous subtils, tantôt pleins de pétulance, tantôt presque romantiques, toujours pleins de vie, avec quel brio !

Puis, le morceau reprend à deux, toujours sur la même note, tournant autour, avec un très beau contrepoint du piano qui se termine sereinement, au rythme de la main gauche du pianiste, juste avant le final, presqu’aussi bizarre que l’introduction, mais bien dans le style jazz.

 

Comment définir l’impression que vous laisse un tel morceau. On ne peut dire qu’il évoque en vous des souvenirs, à la manière de la musique classique, ou qu’il vous séduit par un équilibre harmonique et contrapuntique à la manière de Bach. C’est un remuement de tout l’être, qui chatouille d’abord la peau, par l’induction des sons, comme une sorte de dessin fait par des vagues à la surface de l’eau, puis qui vous prend par une sensation d’oubli de l’environnement pour vous enfermer dans la bulle du rythme et d’une mélodie qui semble vous atteindre de l’intérieur, à l’envers de votre enveloppe, là où l’être est à vif, mais en même temps pacifié, prêt à tout écouter, parce que restant dans cette bulle. Et vous êtes suspendu à cette musique non parce qu’elle évoque en vous quelque chose, mais parce qu’elle vous procure un sentiment indéfinissable, mais combien envoûtant. 

 

 

 

23/07/2011

Voici revenus le gris et le mouillé

 

Oui, voici revenus le gris et le mouillé.

 

Gris du ciel d’abord, mais aussi

Griserie des rues sans âme,

Rues grisâtres des jours verts

Vers des horizons sans fin,

Là où rien ne dit à personne,

Là où se promène, nostalgique,

Le poète dénudé des haricots blancs

Qui pleure lorsque rien ne l’enchante

Et qui rit au plaisir de savoir

Si, un jour, il sera bègue.

Alors combien sera rude sa tâche

De récitant de vers prolongés

Dans l’aube inconnue de la ville.

 

Mouillé aussi, comme la fourrure

Des rats un jour d’inondation

Ruisselant de brillants

Et prostrés dans un coin obscure,

Avant de ressortir au soleil du soir

Pour réchauffer leur vieille carcasse.

Enfermé dans un halo de condensation,

L’homme mouillé de larmes

Se prête au faux semblant

D’un attendrissant retour

D’une certaine innocence.

Mais au fond de lui,

Il sait bien, malgré ses dires,

La puissance de l’instant,

L’évocation irrésistible et instantanée

De souvenirs inconnus

Et d’un présent irrévocable,

Malgré le rêve, l’intention,

La paresse ou la vision.

 

Oui, voici revenus le gris et le mouillé.

Quand t’abstiendras-tu d’apercevoir,

Au-delà du temps et de l’espace,

L’espoir des jours blancs

Et des nuits de pleine lune ?

Couché dans ton lit trop grand,

Réveillé par la clarté diurne,

Tu rêves, tu deviens autre,

Tu te laisses empoigner

Par le miracle de la passion,

Une passion indéfinissable,

Celle de la création

Et de la démolition,

Pour que les lendemains

Soient autres, rosés

D’attente et de désirs,

Verts d’optimisme,

Jaune de bonheur.

 

 

22/07/2011

Secrets de couple

 

Chaque couple, pour former un véritable couple, doit avoir ses secrets. C’est son trésor de guerre, amassé au fil des années, au gré des circonstances et de l’entente. Ce peut être des secrets anodins, tels que la manière de se comprendre sans avoir besoin de parler. Ce peut-être un secret ignoré d’un des deux membres du couple, tels qu’un défaut de l’autre qu’il ou elle aurait remarqué et qu’il se garde d’évoquer. Ce peut-être également un secret partagé volontairement, qui concerne une personne de leur entourage, avec laquelle ils continuent à avoir des relations tout en sachant au fond d’eux-mêmes telle ou telle chose. Mais tout ceci ne sont que des secrets superficiels, qui ne font pas le couple en lui-même, c’est-à-dire une entité propre, unique, que personne ne peut partager et qui leur permet de tenir toute leur vie ensemble, malgré les vicissitudes au fil des ans.

 Le premier vrai secret est celui de leur rencontre. Non pas la rencontre extérieure telle que le lieu où ils se sont rencontrés ou par quels intermédiaires ils ont fait connaissance, mais tous ces instants d’or qui font qu’ils se sont sentis attirés l’un vers l’autre jusqu’au point où l’un et l’autre ne peuvent se passer de la présence de l’aimée(e) qui l’enrichit : la première fois où ils se sont tenus par la main, leur premier baiser, l’annonce de leur amour réciproque. Ne jamais partager ces secrets, ce sont ceux qui font vivre le couple au-delà des apparences et qui font qu’il est unique.

 Le second secret, et ce n’est qu’un classement par ordre chronologique, est celui de leur vie intime, au plus profond de leur corps, dans leur bulle personnelle pourrait-on dire. Avez-vous ressenti l’importance de cette bulle ? Comme un refuge vis-à-vis du monde et de ses turpides, qui vous permet de vous déconnecter et de vous unir pour retrouver des forces. C’est la naissance de cette intimité secrète qui fait de vous un vrai couple : découverte du lieu intime de l’autre qui fait que vous y puiser un surcroit d’être, que celui-ci vous suffit et même vous comble. Ce n’est pas abstrait, contrairement à ce que pourront penser certains. C’est au contraire très vivant, réel, mais profondément intime, tels que le besoin de caresser doucement le creux de l’aine, comme un signe de reconnaissance indivise, ou de sentir le creux du cou de l’aimé(e), ou encore laisser reposer sa tête sur sa poitrine et se dire un de ces petits secrets dont nous avons parlé tout à l’heure. Un des signes de l’existence de ce secret intime est l’impression de toujours découvrir le corps de l’autre, comme une cathédrale à explorer, dans laquelle on prie ensemble (quelle métaphore !), pour renforcer la beauté du monde et des êtres. Et cette redécouverte permanente vous assure une plénitude incommensurable.

Contrairement à ce que prétendent les médias la transparence ne conduit pas forcément à plus d’être et de compréhension. Cette intimité de la vie de couple, qui ne peut se partager, est un signe de santé. La préserver est indispensable. Si celle-ci meurt, par manque de soins (extinction de ces petits gestes que nous avons évoqués) ou par dévoilement aux autres (céder ces secrets contre une excitation provisoire), alors le couple dépérit, se délite et, peu à peu, s’éteint faute de combustible.

Enfin, il existe un troisième secret, sans doute moins secret que les deux premiers, car il peut être apparent, c’est celui de leur but. Pourquoi formons-nous un couple ? Qu’est-ce qui nous tient ensemble, malgré les difficultés, les aléas de la vie ? Certes les deux secrets précédents permettent d’y répondre en partie, mais ce n’est pas suffisant. On tente d’y répondre au moment de l’engagement. Mais en réalité, il faut y repenser au fil des ans et le faire évoluer, pas seulement au fil des générations, mais également sur les motivations intimes du couple, et non se contenter d’une torpeur de bien-être qui est plus un lavement de tranquillité qu’un stimulateur d’énergie.

 Ce sont les secrets de la vie intime du couple qui lui permettent d’assurer vis-à-vis des autres, son rôle d’accueil, d’entraide et d’amitié, chaque couple à sa manière, car chacun à « son entente secrète ». C’est aussi en cela que vos enfants, lorsqu’ils sont mariés, deviennent un peu des étrangers. Auparavant tous leurs secrets devaient vous concerner, sans forcément que vous en fassiez état. Mais c’est fini : ils ont leur secret, sur lequel vous ne devez pas les interroger.

 

 

21/07/2011

Danse, danse, danse, d'Haruki Murakami

 littérature,société,livre,philosophie

Je lis ce livre d’Haruki Murakami dans lequel il est confronté, dans un hôtel curieux, grand building construit sur l’emplacement d’un petit hôtel minable, mais portant le même nom, l’hôtel du dauphin, à l’homme-mouton (qui a déjà fait l’objet d’un livre antérieur). Et celui-ci ne lui donne qu’un conseil : danse, danse, danse.

" Mais il n’y a rien d’autre à faire que danser, poursuivit l’homme-mouton. Et danser du mieux qu’on peut. Au point que tout le monde t’admire. Danser tant que la musique durera. Ne te demande pas pourquoi. Il ne faut pas penser à la signification des choses. Il n’y en a aucune au départ. Si on commence à y réfléchir, les jambes s’arrêtent. "

Et Haruki (ou plutôt le personnage de ce livre) danse. Il décide de s’installer dans cet hôtel. Il a fait la connaissance de la réceptionniste avec laquelle il devient plus ou moins ami. Il rencontre également Yuki, très belle, qui n’a que treize ans et dont il se fait une amie, malgré les réticences de la jeune adolescente. Il retrouve un camarade d’école qui a réussi et qui est acteur. Il fait la connaissance d’une magnifique prostituée et en fait une amie de cœur. Enfin (je n’en suis qu’au tiers du livre), il revoit au cinéma une amie avec laquelle il a passé quatre ans, Kiki, et s’interroge sur ce qu’elle est devenue. Tout cela semble décousu. Mais au fond, ce qui semble important dans ce livre se résume au simple mot « danse ».

Mais qu’est-ce que danser ? Je vais laisser aller mon imagination ou plutôt ma propre compréhension de ce mot, sans cependant savoir ce que me dira la suite du livre. Je me trompe peut-être, mais c’est ma vision personnelle. Danser, c’est se tenir sur le fil du rasoir entre le besoin de sincérité vis-à-vis de soi-même et la nécessité de jouer un rôle en face des autres. C’est également le juste milieu entre la vie personnelle, intime, et la vie extérieure, en société, même restreinte. Et réussir sa vie, c’est la capacité de chaque individu à réaliser ce cocktail difficile, ni trop, ni trop peu.

Pour cela il faut se lancer des défis qui feront progresser votre personne, pas simplement votre personnage, mais votre moi profond, dans sa confrontation avec lui-même et avec les autres. Ce sont des défis tout à fait personnels, qu’aucun n’a besoin de connaître. Ils ne peuvent être imposés par les conventions ou les ambitions sociales. Ils ne peuvent non plus être une recherche de satisfaction personnelle. Ils doivent comporter l’équilibre entre vos deux êtres, votre moi et votre personne, celle qui se présente aux autres.

Danse, danse, danse… C’est l’exigence de la vie. Si l’on s’arrête de danser parce qu’on est fatigué, ou inversement si l’on tourne sans rythme ni grâce parce qu’on se complaît à ne plus faire que ce que les autres attendent de vous, alors on meurt à soi-même.

C’est bien sur le fil du rasoir que doit se délivrer la danse, jusqu’au jour de l’envol final.

 

 

20/07/2011

Parure

 

Jusqu'au XIIIe siècle, le saphir était appelé lapis-lazuli. Il était déjà connu dans l'Antiquité grecque sous le nom de huakinthos, nom donné à l'iris bleu violacé et par extension à une gemme bleue violacée, le saphir du Ski Lanka.

Le lapis-lazuli était, à la cour égyptienne, utilisé comme fard à paupières. Cette couleur continue à être utilisée de nos jours avec d'autres poudres, celle-ci étant vraisemblablement trop chère pour nos petites bourses, même pour faire plaisir à une femme adorée. Est restée longtemps la croyance que cette pierre guérissait les maux des yeux. 

Le vrai saphir sert de talisman au voyageur. Il le protège de la peste, des éclairs et des blessures. De plus, il entretient la prudence et donc procure la paix à son propriétaire.

 Fort de toutes ces références, ce dessin, réalisé hier, est toujours le jeu de plans divers et de couleurs assemblées pour procurer harmonie et sérénité à qui le contemple.

 Le bleu est bien la couleur de la vacuité.

   

11-07-19 Parure CL Fil.JPG

 

 

19/07/2011

Vivre en somnolence perpétuelle

 

Vivre en somnolence perpétuelle sans jamais vraiment connaître la réalité.

Qu’a-t-on d’ailleurs à connaître ? Des phrases, des mots alignés sans fin qui sont lancés vers le miroir concave de la curiosité. Les regarder vivre sans se sentir concerné. Même, est-ce bien moi qui renvoie les mots comme une balle de tennis ? On reconnaît le joueur adroit à cette promptitude de la réplique.

J’attrape parfois au vol un mot que je renvoie dans le jeu… Information… Négociation… Affaire… Que de mots creux et significatifs du jeu. Si toutes les raquettes pouvaient être percées !  Un jeu de silence sur une pelouse verte. Le monde de fer et de béton est fait pour résonner. Vivre dans le grand tambour où les mots s’éparpillent en ondes, comme les particules dont certaines seulement produisent une réaction.

Evaporation de la parole où la bouche s’ouvre sur la bulle irisée de l’incompréhension, carpe suburbaine, poissons de métabolisme buccal, je vous regarde vous affronter dans vos joutes mortelles. Car la parole est l’arme du crime parfait, de l’assassinat social.

Quand d’un regard je te pénètre, pourquoi détruire par le mot l’instant éternel de la compréhension.

 

 

18/07/2011

Quoi de plus beau qu’un chant !

 

Quoi de plus beau qu’un chant !
Et pourtant, comme ils sont différents.

Il y a le chant de la midinette
Qui n’enchante que les cœurs esseulés

Il y a le chant des marins
Qui se chante à pleine voix
Pour couvrir le bruit des tempêtes
Le chant des sirènes est d’un autre registre
Est-ce un chant ou un maléfice ?

On trouve aussi la voix égarée et criarde
Voire le cri éraillé et bestial
De ceux qui ont besoin d’électricité
Pour faire fonctionner leur guitare

Des noirs on entend la plainte longue
Et tristement joyeuse dans les champs de coton
Comme si l’accord des voix
Apportait un baume aux corps fatigués

Ecoute la voix de la chanteuse de flamenco
Qui sort de la danse des pieds
Vibre dans l’ondulation du buste
Se fait rauque dans son cri évocateur
D’une passion jalouse et brûlante
Et s’envole au dessus des mains ondoyantes

Le chant du troubadour à sa dame
Apporte un instant de distraction
A celle qui est au cœur du texte
Comme un lampion dans l’obscurité

Il y a l’accord de seconde
Du chant des femmes bulgares
Qui tournoient dans le délire
Pour enivrer qui l’entend

Il y a l’harmonie secrète
Du chant corse en bord de mer
Qui prolonge son écho dans les montagnes
Et fait frémir l’âme qui dépérie

On trouve le son unique et pur
De la note chinoise tenue longuement
En mille variantes proches
Pour aiguiser le cœur
Et fendre sa dureté légendaire

Dans les ports de l’Atlantique
On entend le tango déhanché
Qui enchante par passion
Le lyrisme n’est pas fait pour les gauchos
Qui dressent les femmes comme les chevaux
Mais qui se laissent prendre au jeu
De la séduction ondulante

Curiosité inégalée mais prenante
Le chant diphonique de la Mongolie
Qui résonne dans les collines perdues
D’une immensité enivrante
S’élevant du corps vers la tête
Au travers de cavités insoupçonnées
Jusqu’à produire des harmoniques
Entourées du bourdon des coléoptères

Plus policées ou plus maîtrisées
Les vocalises délirantes et alphabétiques
Des chanteuses d’opéra
Qui de cette gymnastique buccale
Font un enchantement des oreilles
Et caressent la corde sensible
De spectateurs attentifs et acquis

Que dire des chœurs de Wagner
Qui bouleversent l’âme allemande
Et l’entraîne vers d’extatiques rêveries
Sur fond de puissance et d’audience

Il y a aussi les voix d’enfants
Comme une campagne nouvelle
Au matin des jours de printemps
Qui éclaircissent l’entendement
Et font trembler le dur à cuire

La voix du haute-contre
Ou encore celle du castrat
Qui tierce celle du ténor
Ou délivre une couleur particulière
Aux voix chatoyantes des femmes
Qui ne s’en montrent pas jalouses

Et puis il y a le chant religieux
Destiné à réunir les fidèles
Et à les faire entrer dans la prière

L’appel guttural du muezzin
Qui plane au dessus des têtes
Et incite le croyant occupé
A laisser son ouvrage
Pour se dissoudre en Dieu

La psalmodie de l’officiant
En ténor pour le prêtre romain
En basse pour l’orthodoxe
Entraîne au voyage céleste
De la supplication ou de l’adoration

La digestion du grégorien
D’un texte biblique par la mélodie
Qui repose le cœur dans le chœur
Et lui donne une pincée mystique

Le bourdonnement des reclus
De monastères himalayens
Venu du ventre et résonnant
Vers les vallées perdues
Des origines de l’homme

Les parfaits chœurs anglais
Dont la précision légendaire
Font de l’évocation divine
Une équation mathématique

L’harmonie des chœurs orthodoxes
Emplie d’accords de septième
Qui envahit le méditant
Et l’invite à la vacuité sacrée

Le brouhaha intempestif
Des assemblées de fidèles
Qui chantent sans savoir
Et font pleurer les oreilles
De ceux qui subissent leurs affronts

Enfin le murmure de l’enfant
Qui fredonne sans y penser
Une étrange complainte
Comme une réminiscence d’antan
Acquise dans une vie antérieure

 

 

17/07/2011

Ivan Ivanovitch Kossiakoff, nouvelle de Jean Giono

 

C’est l’histoire d’une amitié de signes et d’entendement dans la même idée de l’homme et de la nature. Elle est au-delà de l’amitié des camarades de combat, bien qu’elle ait lieu en pleine guerre.

En 1917, Giono reçoit l’ordre de se rendre au fort de la Pompelle où il fait connaissance avec Ivan Ivanovitch kossiakoff, l'un des deux soldats russes dont il partage la chambrée dans une casemate du fort, et qui l'accompagne au poste de signalisation, où , à l'aide d'une lanterne, il communique en morse avec les batteries d'artillerie qui ont pris position de l'autre côté du canal.

De temps à autre, Giono sort de sa casemate : Calme plat. Un cycliste, machine en main, passe sans se presser sur la piste du canal. Le petit vent aux dents aiguës danse dans les maigres herbes jaunes. Une phrase de Spinoza me hante : « L'amour c'est l'accroissement de nous-mêmes » [...].

Bien que ne se comprenant pas, Giono et kossiakoff réussissent à se parler par signes. Ils sortent de leurs portefeuilles les photographies de leurs familles. Et progressivement, d’abord une camaraderie, puis une amitié réelle naît entre les deux hommes, si bien que Giono demande à ne pas être relevé comme cela était prévu. Et l'amitié, chaque jour, me lie plus étroitement à Kossiakoff [...] Nous allons sur le canal pêcher la carpe à la grenade ; à la coopé du moulin nous achetons des confitures, des provisions et nous les mangeons en route avec notre main comme cuiller. Je fume du tabac russe, des cigarettes comme le doigt, roulées dans du papier buvard. Kossiakoff m'a procuré une blouse pareille à la sienne ; il m'appelle Ivan et il tire sur ma pipe sans grande conviction [...]

Puis, un jour, un ordre arrive qui enjoint Giono de retourner à sa compagnie. Il dit rapidement adieu à Kossiakoff qui l'accompagne jusqu'au canal, et ils se quittent pour toujours : Kossiakoff me saisit aux épaules, m'embrasse légèrement sur la bouche, puis à grandes enjambées, sans un regard en arrière, il contourne le dépôt des obus et disparaît. Abasourdi, seul, vide, j'essaye d'appeler Kossiakoff et le nom s'embourbe dans la gorge [...]  Ivan Ivanovitch Kossiakoff a été fusillé au camp de Châlons en juillet 1917.

 

 

 

Ecoutons aussi ce morceau de jazz assez extraordinaire et émouvant, intitulé du nom du héros de la nouvelle. Est-ce une musique écrite pour le film, est-ce en mémoire de la nouvelle de Giono ? Je ne sais, mais comme elle est belle et comme sont brillants et inventifs ces musiciens.

 

Michel Portal et Richard Galliano jouent Ivan Ivanovitch Kossiakoff, de Michel Portal :

 

http://www.youtube.com/watch?v=xF0adG2PPv8 

 

 

C’est un chant de liberté pure, peut-être une ode à l’amitié, comme la nouvelle de Giono. Il commence par une sorte de plainte, puis très vite devient un hymne à l’entente, grâce à un passage assez classique au regard de l’ensemble. Il utilise ensuite une mélopée très balancée, faite d’envolées de notes montantes et descendantes  dans un rythme propre, au gré des émotions.

Puis commence le duo avec l’accordéon, qui change dans un premier temps le style de la musique, la rendant argentine par moments, mais toujours très personnelle, faite de rires musicaux, de cris de la clarinette, de sourires de l’accordéon et de pleurs des deux instruments  pour finir dans une envolée romantico-argentine.

 

 

16/07/2011

Lever de soleil derrière la montagne

 

Derrière la montagne, se cache l’avenir, incertain, trouble certes, mais lumineux, attirant comme les bras d’une femme.

Le reflet laiteux dans l’ombre de la montagne n’est qu’un pâle souvenir du passé qui s’estompe devant un avenir inconnu, mais combien captivant.

 

peinture,rêve,montagne

 

Cette toile à l’huile n’emploie qu’une seule couleur, ocre brun très foncé ou ocre rouge jaune très clair, les deux plus ou moins blanchis. L’ocre est en Afrique la couleur de l’initiation. C’est une des plus beaux pigments naturels encore utilisés de nos jours. Elle est inaltérable, ce qui explique la conservation des peintures pariétales. Sa chaleur envoûte, sa couleur charme le regard, sa profondeur entraîne à la rêverie.

 

 

 

15/07/2011

Abandonne tout désir

 

Abandonne tout désir.

Que rien ne vienne empêcher

Ton appréhension de la vie.

Que la nuit soit le jour

Et qu’inversement,

Les jours restent vierges.

Alors, du fond de ton être,

Surgissant de nulle part,

Un feu brûlant te prendra

Et te conduira plus loin,

Là où rien de sensible

Ne peux t’atteindre.

Dans ce halo de lumière,

Emprisonné d’indifférence,

Tu règneras en roi,

Tu officieras en prêtre,

Tu parleras en prophète.

Et parce que tu sauras

Conserver ton innocence

Sans te laisser griser

Par ce vide immense,

Déroutant et fragile,

Tu deviendras ce que tu n’es pas,

Tu te découvriras autre.

Et libéré de toute contingence,

Tu ouvriras ton corps,

Ton cœur, ton intelligence,

Ton esprit enfin, à la beauté

De l’absence de personnage,

A la nudité absolue,

A l’étrange pâleur

De ta renaissance.

 

 

14/07/2011

Jardin d’agronomie tropicale (bois de Vincennes)

 

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Un parfait abandon.

 

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Les simples bruits de la nature qui se superposent à ceux de la ville, en fond sonore indescriptible. Et là, dans une forêt qui reprend ses droits, surgissent des images coloniales : treillages aux dessins géométriques et compliqués, murs ajourés de briques en quinconce, portes de bois ouvrant sur des ruines, ruisseau boueux et, un peu partout, des bambous, les uns petits et verts tendres, les autres en sous-bois de pousses et d’adultes bleus-verts, colonisant certaines étendues d’eau, à profusion.

 

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Beaucoup de pins également comme un jardin du midi ayant échoué en plein Paris, avec un ciel bleu, sans nuage, recouvrant ce coin d’Indochine perdu en terre française. Rien, pas un passant, pas une ombre parmi ces monuments qui sont tous, ou presque, des monuments dédiés aux Indochinois morts pour la France. Tout est plus ou moins à l’abandon, comme ce passé colonial dont on n’ose plus parler.

 

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Et plus on reste dans ce décor passé, plus une incroyable mélancolie s’empare de vous. En effet, il y règne un parfait abandon, volontaire, nous dit la Mairie de Paris. Seules les allées de gravier sont encore entretenues. Autour la forêt prolifère, en désordre, lianes envahissant les pins et certains bâtiments, pousses d’acacia piquantes, lierres s’emparant des sculptures, boue s’entassant dans un ruisseau malodorant. Atmosphère de mélancolie coloniale, comme un film de Marguerite Duras, les personnages en moins.

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On s’attend à voir surgir de ce décor passé un vietnamien au chapeau de paille pointu, courbé sur l’eau d’une rizière. Il ouvrirait la porte de bois et ferait signe d’entrer dans sa cabane en ruine. Sans parler, nous échangerions quelques amabilités gestuelles avant de nous quitter en joignant les mains et en s’inclinant devant l’autre.

 

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Ce jardin a une histoire. Créé en 1899 pour accroître les productions agricoles des colonies, il fournissait en graines et boutures les exploitations des colonies et recherchait une acclimatation de ces plantes à notre climat. En 1907, une exposition coloniale reconstitue cinq villages habités : indochinois, malgaches, congolais, soudanais et touareg. Tout ceci est resté longtemps à l’abandon. En 2002, la ville de Paris envisage des travaux de restauration qui ont commencé avec le pavillon Indochine.

 

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Mais le sortilège de ce jardin est bien son abandon voulu, revendiqué, fait de menues détresses, de démission de l’homme civilisé, pour ne laisser apparaître que le fait historique brut : bâtiments en ruine, délaissés, plantations de bambous proliférant et statues perdant des morceaux de pierre ou de ciment pour leur donner l’air pathétique et désuètes.

 

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13/07/2011

Perception affective du matin

 

La perception affective, c’est-à-dire cette faculté, à la vue d’un objet, de ressentir une certaine émotion qui, en quelques instants de communion avec celui-ci, suffit à nous donner de la joie pour une journée, n’est pas une valeur constante et varie en fonction d’un certain nombre de facteurs dont l’humeur, l’espace, le temps et, en particulier, ce temps qui se renouvelle périodiquement, celui d’une journée.

Au matin, à cette heure où le jour est suffisamment levé pour avoir la possibilité de percevoir chaque détail d’un objet, mais où le soleil n’est pas encore assez haut pour lui donner un volume de lumière, et que l’esprit, libéré pendant le sommeil de l’affectivité accumulée dans la journée précédente, est prêt à recevoir et à emmagasiner un nouveau courant de sensations, nous percevons avec une émotion plus intense, plus aiguisée par la liberté de l’esprit, la beauté d’un paysage jusqu’alors peu remarqué, le charme d’un bibelot sans importance, le tendre attachement à un objet usuel. A l’état de l’air, plus léger et plus libre, donnant aux formes une netteté accrue, correspond un état d’esprit semblable qui permet une perception intense dans l’émotion purifiée au maximum puisqu’elle est dégagée de tous les facteurs affectifs accumulées pendant la journée.

Quelques minutes plus tard, déjà l’esprit se remet en marche et fait remonter des fonds vers la surface les bulles de soucis, de préoccupations et de souvenirs qui, lui redonnant sa fonction normale, c’est-à-dire un filtre qui permet de passer de la perception sensorielle directe à la perception intellectuelle, y ajoutant justement le courant qu’il a accumulé, lui retire cette faculté précaire, mais facilement éducable, de percevoir l’objet dans l’émotion directe de son contact. Et pendant la journée, au hasard des circonstances, des rencontres, d’autres bulles feront surface, créant une certaine tension entre les deux pôles du cerveau, celui de la sensation pure et celui de la sensation intellectualisée, jusqu’à perdre les références de la première impulsion des sens.