Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

07/10/2011

59 Rivoli

 

Le 59 rue de Rivoli, à Paris, est un atelier et non une galerie d’exposition. Et copeinture,dessin,expositionsmme tout atelier, c’est un bric à brac qui dépend de la personnalité de chaque artiste. On y entre comme dans tout immeuble, par la porte, puis un escalier en vis jusqu’au dernier étage. Mais cet escalier est déjà un fourbi de dessins et peintures avec un fil directeur, sorte de dragon qui monte jusqu’en haut avec sa queue d’écailles.
Une trentaine d’artistes en ont fait leur atelier que chacun des passants peu visiter s’il lui vient à l’idée d’entrer dans le foutoir. Et bien lui en fera, car il y verra la création à l’état pur, différente selon les étages, selon l’inspiration de chaque occupant. Ils sont environ cinq ou six par étage, organisant leur espace comme ils l’entendent, des plus soignés au plus désordonnés. Qu’y voit-on ? Beaucoup d’esquisses, de réflexions, de découpages, de toiles inachevées, ce que l’on rencontre dans tout atelier.

Là, la machine à créer est en route, prolixe, sans gène, sans vergogne, sans mystère des échecs de la création, des incertitudes de formes et de couleurs. Elle fait côtoyer le gesso (apprêt des toiles) et le camembert, le chiffon pour essuyer les pinceaux et le mouchoir, la bouteille de jus de fruit et les pots de peinture. Un certain nombre se sont fabriqués une réserve peinture,dessin,expositionspersonnelle, sorte de cabane dans la pièce, faite de toutes sortes de matériaux, planches, étagères, échelles, etc. C’est leur lieu secret qu’il ne convient pas de fouiller du regard. De toute façon, vous avez déjà suffisamment à faire dans le reste de la pièce où chaque recoin regorge de trouvailles, de traits, de dessins, de peintures, qui débordent jusque dans l’escalier qui appartient à tous.

Les artistes et leurs œuvres, que sont-ils ?
On trouve de tout : collages d’Anita Savary, dont l’imagination enflamme les mondes sous-marins ; dessins-peintures portraits-paysages de la japonaise Etusko Kobayashi ; les aphorismes enfantins de Fabesko ; les personnages colorés et poignants de Francesco ; le bazar d’objets d’Igor Balut ; le microscope textile de Pascal Foucart ; les très beaux corps dessinés classiquement de Sandra Krasker ; les abstractions sobres de Simone Zucchi ; l’abstrait jazzique et coloré de Thierry Hodebar ; les distorsions et l'ambiance musicale de Linda McCluskey ; et bien d’autres que je ne peux tous citer sous peine de faire encyclopédie.

Je ferai cependant une exception pour Henri Lamy et ses portraits travaillés de manière intime alors qu’ils paraissent au premier abord peint à grands traits. Ils sont particulièrement vivants malgré le tachisme employé, et dévoilent la personne dans son intimité psychologique, bien que pas une fois on ne peut disposer de la totalité d’un visage. Quelle belle toiles alors qu’on pense vite à des juxtapositions de couleurs et de trait colorés qui ne montre que la personne décomposée !

Comme on ne peut prendre des photos, vous pouvez regarder les œuvres de ces artistes sur le site :

http://www.59rivoli.org/

et sur leurs sites personnels, pour ceux qui en ont créés, accessibles directement à partir du site ci-dessus.

 

 

06/10/2011

La fièvre du peintre

 

Retour à la fièvre du peintre, un éveil assuré, une vigilance accrue, un désordre dans la vie quotidienne, un tremblement des doigts au contact des pinceaux rassemblés, des images encombrant l’esprit jusqu’à vous empêcher de dormir la nuit. Vous vous levez à trois heures, allez vous faire une tasse de café, baillez un peu, malgré tout, puis prenez la toile que vous venez d’acheter, la contemplez, et… souriez de vous voir à l’œuvre, une fois de plus.

Mais auparavant, longues réflexions sur sa préparation. Il faut y dessiner les traits des formes et des couleurs, placer au bon endroit ces lignes qui feront un tableau d’un morceau de toile tendue. Alors, selon l’esquisse, vous calculez de façon à remplir l’ensemble de toute la largeur et la hauteur de votre ambition. Complexe est le dessin. Comment tracer l’image que l’esprit garde en mémoire, sans déformer par erreur de quelques millimètres la logique géométrique d’un assemblage élaboré ? Vous redoublez d’attention, prenant garde à ne pas salir la toile de quelques gouttes de transpiration ou de graphite dont vos doigts sont imprégnés.

Dans un jour, ou deux, j’aurai dessiné entièrement les motifs du tableau. Alors le délice de la peinture libérera la pensée. Il n'y aura plus que le plaisir de sentir le pinceau effleurer la toile et lui donner le velouté coloré dont vous avez rêvé.  Mais nous n’en sommes pas là. Prenons le plaisir dans le fil du temps, avec patience et jouissance !

 

La création artistique est comme un accouchement. Il y a une longue gestation, tranquille, progressive, enchanteresse dans l’imagination, parfois lassante parce que l’esprit est en permanence en supputation. Et puis vous vous mettez au travail,physiquement, fébrilement, le souffle court, dans la crainte de ne pouvoir réussir, haletant de hardiesse et de peur. C’est long, cela devient long, tellement long que vous posez les pinceaux, prenez du recul et contemplez la toile avec inquiétude. Mais vous reprenez jusqu’à ce que, dans un élan final, vous décidiez de mettre un terme à votre élaboration. Alors votre cœur s’envole, soulève votre corps et vous rend transparent et léger. Vous êtes le roi du monde pendant cinq minutes. Jusqu’à ce que l’introspection de votre rationalité vous conduise à vous interroger sur telle couleur, tel trait, telle forme, bref un détail qui ne vous conviendrait pas.

Ne vous laissez pas faire. Détourner les yeux et gardez en mémoire chaque instant de la construction. Réjouissez-vous, car vous avez franchi l’épreuve et vous êtes empli le cœur de bonheur !

 

 

05/10/2011

Réminiscence orientale

 

Tout le mystère de l'Orient derrière cette grille de style japonais.

Au delà ? La mer de Chine, étendue paisible d'où surgissent des îles élevées, ou encore lacs entourés d'habitations aux toits incurvées, languissantes dans la chaleur de l'été, ou enfin bouges sales d'où s'échappent des odeurs d'opium.

Peut-être une réminiscence de l' "Aesthetic movement" et de ses meubles anglo-japonais qui entrent dans ce style ?

 

peinture, dessin, op'art, art cinétique

 

 

04/10/2011

Et maintenant, on va où ? film de Nadine Labaki

11-10-04 Et maintenant affiche.jpg

 

 

Bande annonce :

http://www.youtube.com/watch?v=OqHm82eTUTw

Extrait 1 :

http://www.youtube.com/watch?v=bQbb63yba1s&feature=relmfu

Extrait 2 :

http://www.youtube.com/watch?v=8qZyk5Kb5v8&feature=relmfu

 

 

 11-10-04 Et maintenant3.jpg

Le film débute sur la marche des femmes dans un paysage quasi désertique, toutes en noir, les unes portant des croix autour du cou, les autres avec un voile sur la tête. Elles avancent vers leur destin de femmes qui les conduit au cimetière, où elles se séparent, chacune vers leurs morts, à gauche, les chrétiens et, à droite, les musulmans. Dommage cependant que la réalisatrice ait cru bon de leur faire faire quelques pas de danse mortuaire, leur marche silencieuse était suffisamment simple, donc belle et impressionnante.

Le village est isolé. Seul un étroit chemin ouvert entre les champs de mines et passant au dessus d’un précipice permet le ravitaillement qui se fait avec une moto munie d’une remorque construite avec une vieille baignoire. Dans ce village, musulmans et chrétiens se côtoient chaque jour, à chaque heure. Ils ont les mêmes magasins, démunis, le même café, celui de Madame Amal, jeune veuve chrétienne qui regarde avec attention un peintre musulman qui en refait la salle. 

Mais si les femmes s’entendent à peu près parce qu’elles souffrent de ces affrontements11-10-04 Et maintenant2.jpg permanents, les hommes se cherchent querelle pour des bricoles et en viennent aux mains, déclarant qu’ils sont prêts à déterrer leurs fusils. Alors, avec l’aide du curé et de l’imam, elles décident d’en finir avec cette hostilité ambiante. Elles inventent des stratagèmes pour détourner les hommes du sentier de la guerre : les hommes ne peuvent écouter les nouvelles à la télévision collective parce qu’elles parlent sans arrêt ; la femme du maire prétend que la vierge lui parle ; des jeunes femmes d’une troupe de danseuses post-soviétiques tombent en panne dans leur village isolé et vont distraire les hommes.

La mort d’un des deux garçons qui approvisionnent le village contraint celles-ci à aller plus loin. Elles organisent, avec l’aide du curé et de l’imam, une réunion obligatoire de tous les hommes et leur font manger des pâtisseries dans lesquelles elles ont mis un peu de drogue. Pendant ce temps, elles déterrent les armes pour les cacher ailleurs. Mieux, le lendemain, les femmes chrétiennes sont devenues musulmanes et inversement. Les hommes ne savent plus quoi faire. Ils ne peuvent faire la guerre à leurs propres femmes ou filles. Le village se rassemble alors pour enterrer le dernier mort. Les hommes portent le cercueil, suivis par le même cortège de femmes (et d’hommes malgré tout) qu’au début du film. Mais arrivés dans l’allée centrale du cimetière, les porteurs se retournent, puis demandent aux femmes : « Et maintenant, on va où ? »

L’histoire en soi est déjà désopilante. Mais on appréciera surtout les éclats de vie quotidienne, savoureux, pleins d’humour, qui affirme le caractère méditerranéen du village et, en même temps, les oppositions tenaces entre les deux religions. L’ambiance passe progressivement de la drôlerie au drame, entre musique et pleurs, entre hommes machos, mais enfants, et femmes stratèges, mais attentionnées. Quel merveilleux film, qui réussit sous des aspects humoristiques à nous faire entrer dans le drame permanent d’un Liban partagé qui va on ne sait où.

 

03/10/2011

Que dire devant la page vide

 

Que dire devant la page vide
D’une nuit verte, au coin d’un réverbère ?
Premiers mots qui passent comme un vol de cormorans.
Mais qu’y a-t-il derrière ? Un vent de fronde
Chassé par la profusion du langage.
Silence des sentiments.
Un vide dans le noir de l’esprit,
Image de la floraison du cœur.
Dans la tiédeur de l’obscurité monte en moi
Le chant heurté, puissant et magique,
Des sirènes mouvantes et volubiles.
Au loin le son aigu d’une voiture
Qui flotte au gré du vent sur la route de l’Espagne.
Pas un passant ne vient à mon secours,
Ne m’apporte le mot qui permettra la suite
De cette histoire sans fin, ni commencement.
Dorment les passants du jour,
Eveillés les fantômes de la nuit
Qui montent une garde acide
Aux tréfonds des portes cochères
Et rient de me voir, assis
Dans mes pensées sordides,
Faute de pouvoir dormir
Et laisser aller mon esprit
Dans la fraicheur du rêve.

Oui, la nuit s’enfonce en moi
Creusant un large trou
Que je remplis de verbes
Comme on enfile les huitres
Sur le fil à couper le beurre.
Elle ne cessera pas
Avant l’aube qui ne vient pas
De me dire « étends-toi ! ».

 

02/10/2011

Cosmétique de l’ennemi, roman d’Amélie Nothomb

 

Désolé, mais cette fois-ci je ne crierai pas au chef d’œuvre. Ce roman m’a paru plat, sans consistance, une performance littéraire peut-être, mais surement pas un livre enchanteur ou passionnant. Un exercice de style, sans intérêt littéraire.

"COSMETIQUE, l’homme se lissa les cheveux avec le plat de la main. Il fallait qu’il fût présentable afin de rencontrer sa victime dans les règles de l’art." Ainsi commence le livre qui raconte, dans un hall d’aéroport où les passagers attendent un avion en partance, l’étrange rencontre entre Jérôme Angust, qui part en voyage d’affaires, et Textor Texel, un homme qui veut à tout prix engager la conversation et ne plus le quitter. Jeux de passe verbaux, refus, redémarrage de la conversation, injures, rien n’y fait, Textor ne décolle pas de Jérôme.

Je ne vous raconterai pas la suite, je me suis arrêté à la page 75 après que Textor ait raconté le viol d’une jeune fille dans le cimetière de Montmartre, puis sa rencontre quelques années plus tard. J’ai estimé à cet endroit du livre que j’en avais assez lu pour me faire une idée de son contenu. J’avais tenu bon jusque là, mais je craquais. C’en était trop.

Alors, je regardais à la fin du livre. Oh stupeur (sans tremblement). Il finissait en suicide (dernière page) ou en meurtre (avant-dernière page). De quel personnage, me direz-vous ? Si le meurtre de Textor par Angus est bien conté de manière à peu près clair en quelques lignes, le suicide reste incertain, malgré une demi-page, entre une deuxième mort de Textor ou celle de l’auteur du meurtre précédent. Cela finissait aussi mal que cela avait commencé.

Que dire ? Amélie Nothomb ne signe pas là son meilleur livre, c’est certain. Elle a voulu jouer, jouer avec les mots, jouer avec l’échange entre deux êtres, jouer à tromper ses lecteurs au travers d’un dialogue qui lasse très vite, tel un échange de balles interminables entre deux mauvais joueurs de tennis. La seule fois où l’on entend la frappe sèche sur les raquettes se trouve en fin de livre, par la mort de l’un, puis peut-être de l’autre. Et encore, il faut dresser l’oreille pour l’entendre !

 

 

01/10/2011

L’Aesthetic Movement, exposition au Musée d’Orsay

 

L’Aesthetic Movement ou mouvement esthétique a précédé, en Angleterre dans les années 1860, l’art nouveau français du début du XIXème siècle. Ces précurseurs ne se voulaient ni école, ni théorie, mais formaient un groupe diversifié qui cherchaient à réagir contre le formalisme de l’ère victorienne accompagné du matérialisme industriel.

Il n’y a pas en effet d’unité de style dans ce mouvement. Les influences viennent d’un peu partout géographiquement et historiquement. On trouve ainsi des peintres inspirés par la sensibilité italiennes comme Rossetti, d’autres plus attirés par la Grèce antique  comme Frederick Leighton, d’autres encore cherchant des réminiscences dans l’art égyptiens. Enfin, un certain nombre prospectent auprès de la Chine et du Japon des formes et des motifs inusités en Europe.

Mais tous sont en recherche de beauté, tous veulent pratiquer l’art pour l’art, sans chercher à influencer un public par des considérations autres que l’esthétisme. Ils réfutent les intentions des pré-raphaéliques qui, en tant que prédécesseurs, cherchaient à élever les sentiments et favoriser de meilleures pensées. La beauté conçue par les adeptes du mouvement est une beauté mystérieuse, féminine d’abord, mais la femme y est représentée de manière légendaire et hiératique ; c’est également une beauté d’ordre décoratif, comme les meubles stylisés et les papiers peints aux couleurs chatoyantes ; c’est aussi une beauté fragile et affectée à l’image des porcelaines blanches aux dessins bleus très chinoises ; enfin c’est une beauté accaparante et obsédante puisqu’elle concerne l’ensemble du cadre de vie de ces anglais fortunés qui collectionnent tous ces objets jusqu’à transformer leurs maisons en musée.

Toutes les œuvres exposées ne sont pas des chefs d’œuvre. De nombreux tableaux et autres objets semblent même plus d’ordre mondain ou à visée esthétique. J’ai retenu deux tableaux qui sont très différents, mais procurent une émotion assez semblable. La « mère et l’enfant » de Frédéric Leighton et le « Champ de foin » de Thomas Armstrong. Malheureusement le premier est mal placé et il est difficile de le contempler assez longuement, car il se trouve dans un couloir où passent les visiteurs qui s’arrêtent le nez dessus sans comprendre l’importance d’un certain recul pour extraire une impression d’ensemble de l'oeuvre.

Champ de foin.jpg

Pour le « champ de foin », il n’y a en fait qu’un petit coin de champ et, de plus, un mur qui barre l’horizon, ne donnant aucune perspective. C’est en fait un quasi couché de soleil, dont on aperçoit le disque, sur un décor de ferme. Le tableau représente trois femmes, dont les visages ne cherchent pas à exprimer une beauté transcendante. Celle de gauche tient un enfant dans ses bras et les deux femmes de droite la regardent. Ces trois femmes semblent arrêtées, figées dans leur attitude. Elles sont graciles par leur taille étirée, leurs atours sont en désaccord avec l’environnement, elles sont comme des beautés fragiles, intouchables, étrangères à ce qui les entoure, malgré les outils que portent celles qui se trouvent à droite.

 


 

30/09/2011

Peuplement

 

L'oeuf primordial, issu de la rencontre opportune de deux entités, engendre la multitude. Et cet engendrement est coloré, contrasté, ininterrompu.

Ainsi en est-il du vivant, éternel jusqu'à quand ?

 

11-09-30 Peuplement.JPG

 

 

29/09/2011

Groznjan Blues - Bojan Z au piano et Nenad Vasilic à la contrebasse

 

http://www.youtube.com/watch?v=fjWj63VaAF0&feature=related

 

Quelle merveilleuse et surprenante introduction. Un pianiste qui fourrage dans son piano pour en sortir des sons inusités, une sorte de raga rythmée à laquelle se mêle la contrebasse qui ajoute une sonorité plus chaude, plus chatoyante et qui donne à l’ensemble une harmonie singulière, une sorte de danse en préparation, inachevée, mais bien présente.

Puis le jazz, avec son rythme propre, ses conventions, fait son apparition, et c’est un festival de sons, d’accords, entre le piano et la contrebasse, très syncopés, très classiques en jazz, mais très beau parce que ne cherchant aucun effet contrairement à la première partie. Le morceau est endiablé, mais il se déroule dans le calme, comme une course dans la neige ou comme une répétition de danse quand les danseurs s’échauffent progressivement jusqu’à danser sans y penser, dans une symbiose totale, presque mystiquement. Le piano égraine ses notes comme la pluie tombant sur une verrière, mais avec harmonie, tendresse, presqu’intimité. La contrebasse rythme avec discrétion, apportant une note chaleureuse, enrobant la solitude de chaque note séparée d’un halo de féminité, comme les émanations qui sortent de la bouche d’une fumeuse.

 

La rupture du charme se fait en final après un accord qui n’en est pas un, une reprise du thème au ralenti et un glissando vers les aigus pour conclure.

 

28/09/2011

Elle est là, glorieuse de féminité

 

Elle est là, glorieuse de féminité,
Assise, allongée sur le banc sous le rosier.
Elle lit, calme, la tête dans une main,
Concentrée, mais détendue, entière.
Je la revois au temps de notre connaissance ;
Quand j’aspirais à ces jours de quiétude,
Ne sachant si ce serait toi, ou une autre,
Ou même personne, peut-être.
Et tu es là, toujours, belle comme au premier jour,
Reine du jardin, évadée des songes,
Et je te regarde, rêveur, transi encore,
Je caresse mentalement ton visage épanoui,
Je baise ta bouche de feu, rose,
Je contemple ton attitude, fière,
Et derrière le feuillage qui obscurcit en partie
Ton corps, je rêve à nouveau à ces jours vécus,
A ces instants où le monde était toi.
Tu étais l’or des soirs d’automne,
La fraicheur des matins de printemps,
La chaleur des journées d’hiver,
Le rire enjôleur des nuits d’été.
Oui, c’est bien toi que j’aime,
Et que je continue de voir avec les yeux
De celui qui s’envole en te contemplant.

 

27/09/2011

Qu'est-ce que l'art ?

 

Vous êtes-vous demandé un jour ce qu’était l’art ? Il est, relativement, aisé de répondre à une telle question lorsqu’il s’agit de la science ou de la philosophie. Mais l’art ne se laisse pas définir aussi facilement. Si l’on s’en tient au sens étymologique, le mot vient du latin Ars, artis qui signifie habilité, métier, connaissance technique. C’est une activité humaine au même titre que la science et la philosophie. Mais le terme art concerne également l’œuvre, produit de cette activité. Enfin, il implique une réflexion sur sa nature même, l’idée que l’on s’en fait.

Aller au-delà de ces définitions trop vagues, donne des éclairages imprécis qui ne permettent que d’accumuler d’autres sens sans pouvoir les englober dans une définition unique et universelle. Alors tentons autre chose. Qu’est-ce que j’appelle art au sens le plus authentiquement personnel ? Essayons de le définir d’une phrase simple qui résume sa complexité.

Il me semble que l’art est avant tout une aspiration à la création de beauté. Concrètement, il se caractérise par la représentation d’une idée qui a germé dans l’esprit de l’artiste  et qui s’est affinée progressivement dans une sorte d’accouchement conceptuel, d’abord, puis matériel, jusqu’à la réalisation de l’œuvre et la reconnaissance de sa finition par l’artiste lui-même. Eh oui, je ne parle pas de sa perception par le public et de la reconnaissance de son esthétisme par les connaisseurs. L’art implique ces dernières fonctions. Mais sont-elles essentielles à la définition de ce qu’il est ? Je ne le crois pas, au moins dans le temps court d’une vie d’artiste. Un siècle, le temps de la maturation par les connaisseurs, est parfois nécessaire à cette reconnaissance, et même parfois plus, comme ce fut le cas pour Vivaldi, connu en son temps, oublié, puis redécouvert.

L’aspiration implique l’inspiration artistique, c'est-à-dire tout un mécanisme difficile à analyser parce que propre à chaque artiste. Mais l’inspiration ne suffit pas et doit être également aspiration, car elle est le résultat d’un désir, d’une transcendance qui pousse l’artiste à accomplir une œuvre. Cette aspiration est essentielle pour l’artiste, elle est source et cause de l’inspiration et elle est universelle chez tous les artistes, alors que l’inspiration est un processus individuel et différent selon les arts auxquels elle s’applique.

L’art est création, non pas imitation, ni reproduction en série de variantes proches d'un sujet. Chaque œuvre est unique, produit d’un artiste, fruit de son inspiration jusqu’à sa réalisation et la reconnaissance de sa finition. C’est ce qui distingue l’art de l’artisanat.

Enfin, l’art aspire à la beauté et c’est sa caractéristique principale. Beaucoup d’artistes contemporains, de critiques d’art, de connaisseurs diront que la beauté ne caractérise plus l’art, et même, ne l’a jamais caractérisé. Ils pensent que le but de l’art est de donner une représentation du monde à une époque particulière et que cette représentation change selon le temps. Avant la photographie, l’art pictural était en charge de la représentation de la réalité. Il était seul à fournir une image du réel. Cependant, les plus belles œuvres ne sont pas forcément des images exactes du monde, mais une représentation idéalisée qui en fait ressortir la beauté. Ainsi l’odalisque d’Ingres a probablement trois vertèbres de trop et c’est ce qui en fait sa beauté. De nos jours, ces experts pensent que l’art a avant tout une fonction sociétale (philosophique, religieuse, sociale, etc.), sans souci d’esthétisme. L’artiste, si l’on peut continuer à l’appeler ainsi, privilégie l’interaction et l’échange. Son objectif est le plaisir ou l’éducation du spectateur plutôt que la recherche à son adhésion intérieur à l’aspiration créative de l’auteur. Alors l’art se transforme en paillettes multicolores en charge d’attirer le public. Il rentre dans les vues de l’homme de la rue et renforce sa propre vision des choses au lieu d’apporter un éclairage unique et particulier qui enrichit ce que Teilhard de Chardin appelait la noosphère ou, mais c’est plus utilitaire et moins propre à l’aspect mystique de l’art, ce que Pierre Levy appelle l’intelligence collective.

A la réflexion, et cela dépasse l’idée d’une fonction sociétale de l’art, chaque œuvre se doit d’être unique, chaque artiste est unique et c’est en cela que l’art est une activité humaine intéressante, aspirante pourrait-on dire. Copier les autres artistes et produire ce que le public attend n’a rien de véritablement artistique. On revient à l’artisanat. Ce fut une tendance permanente dans le milieu artistique, que ce soit entre artistes (l’on copie plus ou moins celui qui a du succès), mais également pour chaque artiste qui a tendance à refaire les œuvres qui ont reçu un bon accueil du public. L’art y perd son esprit, sa magie, son aspiration et devient un simple objet de commerce ou de communication.

L’art est le sel de la vie, un inutile propre à l’homme, mais combien rafraichissant et goûteux sous le palais. Il nous donne une respiration d’un morceau d’univers, entièrement et humainement créé. Il élargit les dimensions de l’esprit et le conduit en des lieux personnels, celui de notre affection pour la vie. Pourrions-nous vivre sans l’art ?

 

 

26/09/2011

Détruire l’inéluctable enchaînement du temps

 

Détruire l’inéluctable enchaînement du temps en se contentant de l’instant pur, instant psychologique sans appel à la mémoire.

De même l’amour ne peut exister réellement dans un désir de devenir. Il faut qu’il soit, simplement. On le découvre en s’abstenant de toute recherche, de toute préoccupation, en s’ouvrant vers l’ensemble des choses, comme une porte derrière laquelle il n’y a que du vide à combler.

L’être réel ne se trouve que dans l’absence de conscience d’être.

 

25/09/2011

Il y a longtemps mon amour, roman de Vladimir Volkoff (1998)

 

Ce n’est pas un roman, plutôt une autobiographie voilée. Volkoff se raconte ou plutôt raconte ses amours passés, parce que le temps le poursuit et qu’il a encore beaucoup de choses à dire. Alors il relate sous le personnage de Ladislas  Radowa-Dzikowski, vicomte de La Vieillevigne, totalement fictif, mais très proche sentimentalement de lui, ses aventures féminines jusqu’au grand amour de sa vie, Elise. Grand nostalgique d’un passé révolu, qu’il considère en même temps comme totalement dépassé, il use de son ton à la fois romantique et réaliste, charmeur et désabusé. Volkoff traditionnel et moderne, aristo et homme de l’ombre.

Il décrit ainsi son premier amour, Aude, fille du secrétaire de mairie, qui était le sacré, la poésie même. A quinze ans, il apprit qu’elle était enceinte du mécano du village. Ils se revirent encore un fois, des lustres de lustres après, dans un bistrot, au fond d’une autre province… Touchant, oui, mais, finalement, ils n’avaient rien d’autre à se dire, sinon qu’ils s’étaient attendus et qu’ils ne s’attendraient plus.

Etudiant à la Sorbonne, il connut Rosemonde. Ils prennent le métro ensemble, saine distraction. Il l’invite au bal de la Sorbonne auquel elle va avec sa mère comme chaperon et où elle fit connaissance avec Michmich, jeune garçon qui va finir par ravir la belle à Ladislas sans toutefois en devenir le mari ou même l’amant. Mais, entre temps, Ladislas l’embrasse et en profite jusqu’au moment du choix, qu’il refuse.

Militaire, aspirant, il fait connaissance avec un personnel féminin de l’armée de terre, une PFAT, Yvonne, employée comme lui dans le renseignement. Ils sont faits l’un pour l’autre, affamés d’amour l’un et l’autre, lecteurs de romans et auditeurs de musique classique. Ladislas veut parfaire son éducation. Il voulait Yvonne transplantée, transmutée, il voulait une Yvonne qui ne fut plus Yvonne, et elle l’y encouragea. Le malentendu n’apparut pas immédiatement. Quinze jours plus tard, Ladislas lui demande si elle veut l’épouser. Ils se marièrent. Cela ne dura guère plus d’un an. Ce fut alors la séparation. Pour Ladislas, l’attente et la rencontre de l’âme sœur se terminaient dans la déconfiture totale.

Rentré en France, toujours dans le théâtre d’ombres, il découvre Luciole, secrétaire dans les mêmes lieux. Il déjeune chaque jour avec elle, mais elle est mariée. Il cherche à la prendre un soir, mais elle refuse. Il prenne une chambre dans un hôtel, mais elle refuse encore. Enfin, un jour, il la raccompagne et elle lui dit viens, maintenant, j’ai envie. Mais son père les surprend au lit. Il fuit. Après un dernier entretien, il ne la revit plus.

Toute autre est Bérénice de Fruminy, comtesse du Saint-Empire. Lorsque Bérénice parut au Hache-menu, elle déplut. Son port de tête altier, son cou sculptural, l’ovale irréprochable de son visage, la rigueur de ses traits classiques, la plénitude de ses formes, surprenante dans une aussi jeune femme, et l’arrogance constante de son maintien avait de quoi irriter de jeunes hommes qui aiment aimer facilement. Ladislas, lui, fut ravi de cette attitude hautaine à laquelle ce physique se prêtait si bien ; son orgueil trouvait enfin à qui parler ; il avait rencontré une femme à qui il n’avait rien à apprendre sur le chapitre du dédain. Ils se lièrent. Après les aventures habituelles entre une jeune fille et un jeune homme, une absence insolite et prolongée de sa petite amie, elle lui déclara : « Il y a une chose que je ne vous ai pas dite hier. Je devais avoir un enfant, d’où mon retard à rentrer à Paris. Une fausse couche la semaine passée. Passez me prendre ce soir à la même heure. » Mythomane, affabulatrice ? Il ne sut pas, il ne la revit pas.

Il y eut Emmeline (oui, avec deux m) avant Elise. Bretonne, un peu sorcière, il s’intéressait lui-même à l’ésotérisme, elle avait aimé un allemand pendant la guerre, puis s’était mariée avec un autre allemand. Avec d’autres, j’ai joué à des jeux. La coquetterie, la jalousie, la bouderie, les piques, le bras de fer amoureux. Vous, je veux vous aider à vivre. Vous n’aurez jamais un instant de déplaisir par ma faute.

Enfin, Elise dont Ladislas est tombé amoureux deux fois, à dix ans de distance en une pièce en quatre actes. Premier acte : A la Sorbonne, échange de lettres enflammées, mais elle refuse cette amourette. Deuxième acte : l’amitié, une affinité, sans doute, et l’élection de cette affinité, plus la confiance l’un dans l’autre, le besoin l’un de l’autre, l’admiration l’un pour l’autre, l’être bien avec l’autre, bref une flexion complète des prépositions sympathiques. Bien après le mariage de Ladislas avec Yvonne, il la revit et elle tombe amoureuse de lui. Troisième acte : l’amour. Il était à l’époque l’amant d’Emmeline. Vinrent les aveux, empreints d’une consternation amusée : « J’éprouve pour vous de l’amitié, de la confiance, de l’estime, de la tendresse, du respect, du désir. La somme ne s’appelle-t-elle pas amour ? écrivait Ladislas à son amie, et elle répondait, médusée : « Sans doute… » Comme l’annulation de son mariage tardait, elle le suit dans ses pérégrination et lui inspire la poésie. Quatrième acte : le mariage, lorsque l’annulation en cour de Rome arrive. L’amour qui liait Elise à Ladislas leur était si précieux qu’un instant ils hésitèrent à le hasarder sur la case mariage, comme jadis ils avaient hésité à miser leur amitié sur la case amour. Après la vente du château, ils s’installent dans la métairie voisine. Mais, époux et parents, ils restaient avant tout des amants.

Et voilà… Il y a longtemps, mon amour… Oui, il y avait longtemps.

 

C’était Volkoff, funambule et poète, homme de l’ombre, que j’ai rencontré dans le train pour Lille où nous allions à une table ronde parler de renseignement et d’information. Nous avions devisé toute la durée du voyage sur la manipulation, lui prétendant que toute conversation, voire toute rencontre humaine est une recherche de manipulation, moi défendant l’idée que ce qui différencie le juste des autres hommes est sa faculté à laisser libre l’autre de penser ce qu’il veut après lui avoir donné les raisons de croire à ce que lui, l’homme juste, croit.

 

 

24/09/2011

De tes doigts de fée, je ne retiens qu’une chose

 

De tes doigts de fée, je ne retiens qu’une chose
Le tremblement de mes paupières à leur frôlement
Comme un séisme sous-marin au passage de la comète
La nuit s’embrase alors d’étranges lueurs
Aux sons de tes doigts sur le verre de mon attente

J’avais pourtant connu la caresse des vents d’été
Le souffle froid de la source jaillissante
J’avais frissonné les nuits d’hiver sous le gel
Mais tes doigts ont la candeur de l’enfance
Et l’aisance de l’oiseau dans le vide

Avais-je déjà vu d’autres mains avant celles-ci
Avais-je déjà appris d’autres caresses
Je ne sais plus

Un grand vide est comblé
Un vide où les regards coupaient comme la glace
Où les mains fondaient entre les miennes
Comme s’évanouit l’inconsistante réalité des neiges

Tes mains devenues le fruit de ton amour
Esquissent une pâle lumière aux êtres et aux choses
Avant de rejoindre ton visage aux yeux clos
Pour y puiser de nouvelles forces

 

 

23/09/2011

Les voix bulgares

 

Concert « le mystère des vois bulgares », à Vancouver :

http://www.youtube.com/watch?v=bayG_Kzmr30&feature=related

 

Concert « le mystère des voix bulgares » à Belgrade en 1989 :

http://www.youtube.com/watch?v=9ZSR5TftbfU&NR=1

 

Bulgarian women's choir, Dva Shopski Dueta :

http://www.youtube.com/watch?v=hdjIEaDgEr8&feature=related

 

Le Mystere Des Voix Bulgares - Bezrodna nevesta (Childless Bride) :

http://www.youtube.com/watch?v=kpJsIYNEGjs

 

The MAGIC of Bulgarian Voices & music - Devoiko Mari Hubava & "Time of Violence" :

http://www.youtube.com/watch?v=1quUDSqr5b0&feature=related

 

Zaidi, Zaidi Iasno Slantce BULGARIAN song :

http://www.youtube.com/watch?v=4MdwDng0i2c&feature=related

 

  

Peu d’explications. Il suffit d’écouter et vous serez scotchés à l’écoute des chants bulgares.

Un style propre, extraordinaire, avec des voix spécifiques, qui, dans le monde musical occidental, sembleraient pauvres, mal placées, sans timbre et pourtant combien sont-elles émouvantes ces voix de femmes : pour le chœur, voix sans utilisation de la résonnance, telle que chantent les débutantes. Inversement, la chanteuse principale utilise un vibrato très savant comme c’est le cas dans les 3ème et 5ème pièces. Des harmonies extrêmement difficiles, dont l’utilisation d’accords de seconde majeur, très rares, du bourdon et des rythmes complexes, « boiteux » (aksak), à l'aide d'un mélange de combinaisons de 2 temps courts et 3 temps longs.

Une musique traditionnelle qui sort de la profondeur des forêts et des montagnes et qui retourne les auditeurs. C’est un retour à la magie, à l’élan primordial, à la tendresse et l’espièglerie féminine. Un véritable envoûtement pour cette musique unique qui semble venir d’un autre univers, imprégnée de musique orientale par la proximité de la Turquie, de musique slave, ses racines, mais encore d’influence tzigane et celte (cornemuse gajda).

 

 

22/09/2011

Création encre de Chine 2

 

Deuxième volet de l'encre de Chine publié le 24 février 2011: mariage de plume, rotring, feutre et lavis.

Magie de l'éphémère, instant de vie, comme un éclair dans l'éternité.

 

peinture,dessin,abstrait encre de chine

 

 

21/09/2011

Première des « Cinq méditations sur la beauté », de François Cheng

 

François Cheng nous parle de la beauté en tant qu’élément essentiel de définition de la vie. Homme de nulle part, ou de toute part, comme il le dit, il observe sans parti pris culturel, lui qui appartient aux cultures chinoise et occidentale. Il dit qu’il comprend le vrai qui permet l’existence de la réalité, qu’il comprend le bon, sinon l’humanité s’entretuerait et ne survivrait pas. Mais la beauté ? Elle est là, de façon omniprésente, insistante, pénétrante, tout en donnant l’impression d’être superflue, et c’est là le grand mystère.

Le mystère est pour lui la singularité de chaque être. Chaque herbe, chaque fleur, chacun de nous est unique et irremplaçable. C’est un don inouï. On pourrait imaginer un monde dans lequel chaque catégorie se différencie sans distinction des éléments qui la composent.  Non, dans notre monde, toute unité est toujours unique. Et cela, parce que notre unicité est liée à notre condition de mortels. La beauté est effectivement éphémère. Une vraie beauté ne saurait être un état figé perpétuellement dans sa fixité. Son advenir, son apparaître-là, constitue toujours un instant unique ; c’est son mode d’être. Chaque être étant unique, chacun de ses instants étant unique, sa beauté réside dans son élan instantané vers la beauté, sans cesse renouvelé, et à chaque fois comme neuf.

Chaque être est présence, virtuellement habitée par la capacité de beauté, mieux par le désir de beauté. Et cette présence est transcendance. Plus l’être est conscient, plus ce désir chez lui se complexifie : désir de soi, désir de l’autre, désir de transformation dans le sens d’une transfiguration. François Cheng va au-delà, il rejoint les grands mystiques et montre que l’homme, par ce désir, rejoint le désir originel d’une relation qui l’élève et le dépasse. La vraie transcendance est dans l’autre.

Quelle belle méditation, discrète et profonde, pleine de poésie et de mysticisme. Penser la beauté à travers l’Etre, unique, en mouvement, que dis-je, en désir de beauté, n’est-ce pas une idée merveilleusement vraie, fruit d’une connaissance de la vie que peu d’hommes ont.

 

 

20/09/2011

Nos cours d'eau

 

Exceptionnellement je vais revenir à un problème politique. Il est à la fois réellement politique, en ce sens qu'il implique la vie quotidienne présente et à venir des citoyens sur un sujet majeur, celui de l’eau et de la conservation de sa qualité et de sa quantité. Mais il est en même temps très politicien, en raison des intérêts mis en jeu par les parties en présence.

 

De quoi s’agit-il ? Le Parlement européen et du Conseil (Directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000) a établi un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, considérant que l'eau n'est pas un bien marchand comme les autres, mais un patrimoine qu'il faut protéger, défendre et traiter comme tel. En fait il s’agit principalement de réduire les pollutions domestiques, industrielles, agricoles et autres des rivières.

 

L’administration, du ministère de l’écologie aux préfets et diverses agences, commissions et autres organisations, a donc mis en œuvre une multitude de textes le plus souvent contradictoires pour atteindre la « continuité écologique », seul moyen d’après elle pour aboutir aux objectifs européens. Puis, au-delà, le cheval de bataille de la continuité écologique est devenu la destruction des seuils, barrages, vannes, de tout obstacle permettant une certaine gestion de la rivière. Une rivière doit couler de sa source à son embouchure, et in fine jusqu’à la mer, en parfaite liberté, sans obstacle, L’objectif étant de permettre la libre circulation des poissons et des sédiments.

 

Ainsi l’humanité qui, depuis plusieurs milliers d’années, utilise l’eau et la conserve grâce aux ouvrages de main d’hommes, avait tort (lire l’introduction de la pièce jointe). Et l’administration, sous des dehors pattes de velours (fausses réunions dite de concertation), lamine les riverains et usagers des cours d’eau et veut leur imposer des mesures inappropriées à la bonne gestion de l’eau. Derrière cette politique se cache de nombreux intérêts. Pour n’en citer que quelques uns : ceux des pollueurs chimiques et domestiques, ceux des gestionnaires utilisateurs des subventions européennes (qu’il faut à tout prix utiliser quel qu’en soit l’usage), ceux des politiques qui peuvent ainsi mettre ma main sur les rivières non domaniales.

 

 

Prenons conscience de cette dérive politique et réagissons !

 

Ouvrez le document ci-dessous :

 

Yatilunediscontinuiteecologique.pdf  

 

Si vous êtes convaincu, mobilisez vos élus locaux pour qu'ils ne donnent pas leur accord. Leur consultation a lieu d'ici la fin du mois pour certaines régions.

 

 

19/09/2011

Brouillard fou de la percée informationnelle

 

Brouillard fou de la percée informationnelle

Comme une bataille de lettres et de chiffres

Qui engendre la peur et la concupiscence

Et qui colle sur chaque être une déformation

Comme l’homme s’amuse à faire le singe

 

La rumeur se déploie en volutes doucereuses

Comme la fumée d’un cigare autour d’un cendrier

Et contamine l’entourage qui respire ce poison

Pour le distiller à son tour, insidieusement

Et le jugement se détache en lambeaux indolores

Pour laisser place à l’arrogante certitude

 

Chaque nouvelle est commentée, jamais expliquée

Information tronquée et poudre aux yeux

Qui fait pleurer l’innocent et rire l’initié

Jusqu’au moment où il devient cible

Et perd toute prestance jusqu’à l’oubli

Car c’est le risque des adeptes de la diffusion

Jusqu’où aller pour ne pas tomber

 

Chaque jour déverse son flot d’évènements

Mais chacun d’eux s’interprète et se diffuse

A sa manière, selon la volonté de l’informateur

Dire au plus vite sans connaître ce qui se passe

Interpréter sur la base de rumeurs colportées

Propager le premier sans regard sur les conséquences

Dévoiler sans pudeur ce qui tuera la vie

Sans considération sur la personne

 

Tel est le monde où nous vivons

Un petit monde fait de pressions

Un monde où le scoop, même insensé

Vaut mieux que l’absence pour vérification

Un monde où l’homme n’est plus l’homme

Mais le propulseur d’évènements

Qui déclenche l’avalanche médiatique

Un monde où la personne n’a pas de droits

Face au maquillage des faits

Par ignorance, méconnaissance ou machiavélisme

 

 

18/09/2011

Stupeurs et tremblements, roman d’Amélie Nothomb


 

Monsieur Haneda était le supérieur de monsieur Omochi, qui était le supérieur de monsieur Saito, qui était le supérieur de mademoiselle Mori, qui était ma supérieure. Et moi, je n’étais la supérieure de personne.  […] Donc, dans la compagnie Yumumoto, j’étais aux ordres de tout le monde.

11-09-18 Stupeurs et tremblements.jpg

 

Ainsi commence cette incroyable histoire qui est bien quelque peu autobiographique. Amélie est embauchée pour un an par la compagnie. Elle va connaître les affres de tous les japonais débutants. On commence en bas de l’échelle et l’on ne s’élève qu’à la condition d’une obéissance sans limite. Pas d’initiatives, elles sont toutes mal vues.

Elle commence, sur demande d’un de ses supérieurs, par rédiger une lettre à un certain Adam Johnson pour accepter son invitation à jouer au golfe. Ce directeur lui fait recommencer, recommencer, recommencer, sans explications, jusqu’à ce que sa supérieure, mademoiselle Mori, arrive. Fubuki, c’est son prénom, la charme. Elle était svelte et gracieuse à ravir, malgré la raideur nippone à laquelle elle devait sacrifier. Mais ce qui me terrifiait, c’était la splendeur de son visage. […] Elle avait le plus beau nez du monde, le nez japonais, ce nez inimitable, aux narines délicates et reconnaissables entre mille. […] Fubuki incarnait à la perfection la beauté nippone, à la stupéfiante exception de sa taille. Elle mesurait en effet un mètre quatre-vingt.

Elle prend la fonction de l’ôchakumi, l’honorable thé. Mais lors de la réception d’une délégation étrangère à l’entreprise, elle psalmodie les plus raffinées des formules d’usage, baissant la tête et s’inclinant. On lui donne l’ordre d’oublier le japonais, car il est indécent qu’une blanche parle le japonais. Alors, pour s’occuper, elle décide de distribuer le courrier. Mais elle se fait très vite rabrouée, car voler son travail à quelqu’un est une très mauvaise action. Donc, toujours pour s’occuper, elle décide de mettre les calendriers à jour, après accord de son supérieur. Aussi Monsieur Saito, sans la contredire ouvertement, lui demande de faire des photocopies. Ce qu’elle fait rapidement avec la machine munie d’une « avaleuse ». Il lui demande de le refaire à la main, une fois, puis deux, puis trois, sous prétexte qu’elles sont décentrées. Tout ça pour un règlement de son club de golf. Fubuki compatit. Monsieur Tenshi lui demande alors de rédiger un rapport sur les procédés de fabrication du beurre allégé. Elle se met à la tâche, recherche les raisons des japonais de s’intéresser à ce procédé, téléphone en Belgique où il est mis en œuvre, et sort le lendemain son rapport que l’autre s’attribue sans vergogne. Quelques jours plus tard, nouvelle engueulade, cette fois-ci pour Monsieur Tenshi. Elle apprend ensuite qu’elle a été dénoncée par mademoiselle Mori, qui a souffert des années pour obtenir le poste qu’elle a aujourd’hui. Elle tente une explication avec Kubuki, peine perdue : « Vous avez brigué une promotion à laquelle vous n’aviez aucun droit. » Elle répond : « Vous êtes ma supérieure, oui. Je n’ai aucun droit, je sais. Mais je voulais que vous sachiez combien je suis déçue. Je vous tenais en si haute estime. » Elle eut un rire élégant : « Moi, je ne suis pas déçue. Je n’avais pas d’estime pour vous. »

Alors, Kubuki la met à la comptabilité. Comptable, moi ? Pourquoi pas trapéziste ? lui demande-t-elle. Il n’était pas rare qu’entre deux additions je relève la tête pour contempler celle qui m’avait mise aux galères. Sa beauté me stupéfiait. Mon seul regret était son brushing propret qui immobilisait ses cheveux mi-longs en une courbe imperturbable dont la rigidité signifiait : Je suis une executive woman. Alors elle passe les trois dernières nuits au bureau pour tenter de venir à bout de son travail. La dernière nuit, « soudain, je ne fus plus amarrée. Je me levai. J’étais libre. Jamais je n’avais été aussi libre. Je marchais jusqu’à la baie vitrée. La ville illuminée était très loin au-dessous de moi. Je dominais le monde ? J’étais Dieu. Je défenestrai mon corps pour en être quitte ».

 Enfin, après d’autres péripéties, comble de l’horreur, pendant sept mois, elle fut postée aux toilettes de la compagnie Yumimoto. Elle ne perdit pas la face. Mais elle acquit la désaffection des hommes pour les toilettes de son étage. Aussi reçut-elle l’ordre d’être aux toilettes sans y être, c’est-à-dire de sortir lorsqu’un homme entre et d’entrer lorsqu’il ressort pour remettre du papier et nettoyer comme il se doit. Cela dura jusqu’au 7 janvier, date de fin de contrat. Elle eut encore une dernière mission à accomplir : remercier ses supérieurs : la compagnie Yumimoto m’a donné de multiples occasions de faire mes preuves. Je lui en serai éternellement reconnaissante. Hélas, je n’ai pas pu me montrer à la hauteur de l’honneur qui m’était accordé… Nous approchons du terme de mon contrat et je voulais vous annoncer avec regret que je ne pourrai le reconduire.

Elle passe ces derniers instants aux toilettes. « D’instinct je marchai vers la fenêtre… Elle était la frontière entre la lumière horrible et l’admirable obscurité, entre les cabinets et l’infini, entre l’hygiénique et l’impossible à laver, entre la chasse d’eau et le ciel… Une ultime fois, je me jetais dans le vide. Je regardais mon corps tomber. Quand j’eu contenté ma soif de défénestration, je quittai l’immeuble Yumimoto. On ne m’y revit jamais.

 

Une fois de plus, Amélie Nothomb enchante ses lecteurs d’une histoire qui semble vraie, mais à dormir debout. Sa particularité : décrire avec un sérieux imperturbable ce qui est farfelu, relater avec humour ce qui est sérieux. Au fond, ce livre est-il autobiographique ou non ? Dans les deux cas, le lecteur passe un bon moment, voire un moment merveilleux, comme une oie qui passe au dessus d’une ville lors de sa migration et qui rit des contorsions des humains qui l’habite.

 

17/09/2011

Blow-Up, film de Michelangelo Antonioni (1966)

 

Blow-Up est un film anglo-italo-américain de Michelangelo Antonioni, sorti en 1966 et inspiré de la nouvelle Las babas del diablo (Les fils de la Vierge) de Julio Cortázar. Il obtint la Palme d'or au festival de Cannes en 1967.

 

Bande annonce du film :

http://www.youtube.com/watch?v=2Xz1utzILj4&feature=re...

 

Episode du film :

http://www.youtube.com/watch?v=r9u78vNOvvQ&feature=re...  

 

 

Blow-up1.jpg"À Londres, Thomas, un photographe de mode, se rend dans un parc où un couple qui s'embrasse attire son attention. Il prend des clichés, mais la jeune femme, Jane, exige les négatifs, allant jusqu'à s'offrir à lui pour les obtenir. Thomas lui donne une autre pellicule et il développe les photos du parc. En agrandissant celles-ci, il découvre un crime, ce qu'il vérifie dès la nuit suivante, en décoBlow-up2.jpguvrant la présence du cadavre dans le parc. Désemparé, il cherche conseil auprès de ses amis, en vain. Pendant ce temps, les bobines ont été volées dans son atelier. De retour au parc, il s'aperçoit que le corps a disparu. Tout près de là, une troupe de clowns mime une partie de tennis, se renvoyant une balle invisible."

Mais au-delà de ce bref résumé, tiré de l'encyclopédie Hachette, l’apothéose du film se trouve dans cette partie de tennis où chacun suit l’effort des joueurs, la trajectoire de la balle, le choc de celle-ci Blow-up3.jpgcontre le grillage et que le photographe prend d’abord pour un jeu, mais qui, à partir du moment où il s’associe au jeu involontairement en ramassant la balle imaginaire, devient une réalité, jusqu’à lui faire percevoir le choc de la balle contre les raquettes. Ainsi la réalité et l’imaginaire se rejoignent à la fin du film comme ce fut le cas au commencement quand la femme lui demande les négatifs. Le cercle est fermé.  

Le film reprend le vieux thème énoncé par Platon sur la réalité du monde extérieur, celui de la réversibilité des choses de Cocteau : derrière chaque objet perçu se cache une existence insoupçonnée. Percevoir, c’est toujours interpréter par l’intelligence une sensation (ce que fait que le photographe dans sa recherche sur les photos) et chacun recrée à chaque instant le monde, car la vision n’est qu’un agrégat de raisonnement et comme il y a illusion des sens, il peut y avoir des illusions psychologiques (le choc des balles contre les raquettes). Cette balle qui, bien que n’existant pas, existe virtuellement comme le cadavre, ces photos qui, bien qu’ayant existé, semblent n’avoir jamais existé, où est au fond la vérité : dans qu’on voit ou dans ce qu’on devine derrière ce que l’on voit ?

 Certes, le film ne date pas d’hier, mais d’avant-hier, avec ses images provocantes et pseudo-modernes. Mais ces quelques défauts qui viennent avec le temps n’effacent pas la beauté du film, mieux même, ils la font ressortir.

 

 

16/09/2011

Un musicien chinois à Paris

 

Il se tenait là, sur le trottoir, bien propret, magnifique dans son11-09-15 Un musicien chinois à Paris.jpg costume gris, mal coupé, mais beaucoup plus élégant que les vêtements habituels des passants, entouré de ses quelques biens, une sacoche pour ordinateur portable, qui n’en contenait pas, et l’étrange boite protectrice de son drôle d’instrument dont il tirait des sons…chinois.

L’Erhu est une sorte de violon à deux cordes. D’abord instrument d’accompagnement dans les opéras, il devint instrument solo grâce aux améliorations apportées par deux grands artistes à la fin du XIXème siècle. Il possède une sorte de tambour en bois d’ébène ou de santal qui constitue sa caisse de résonance. Le manche est en roseau et mesure 81 cm de long. Il a deux cordes. L’artiste en joue assis, l’instrument posé sur la cuisse gauche, la main gauche tenant le manche et la droite l’archet. Lerhu est un des représentants les plus communs de la famille des huqins (vielles chinoises à deux cordes) qui compte une trentaine de modèles différents.

 

http://video.google.com/videoplay?docid=-3875038914279072592&q=erhu&pl=true#

Ecoutez une interprète de la musique traditionnelle d’Erhu accompagné par un yang qin, instrument à cordes d’acier sur lesquels l’artiste joue avec deux maillets en bambou. Musique typiquement chinoise dans laquelle les notes s’enchaînent sans rupture, en passant de l’une à l’autre par glissement.

 

http://video.google.com/videoplay?docid=-3875038914279072...

Voici une interprétation très différente sur le même instrument, beaucoup plus moderne. L’interprète est doué et joue en s’amusant, avec ou sans archet.

 

http://video.google.com/videoplay?docid=-3875038914279072...

Admirez le mariage entre l’Erhu et le violon, dans une interprétation tout à fait occidentale. L’Erhu vaut le violon.

 

http://video.google.com/videoplay?docid=-3875038914279072...

Mais ce que j’ai entendu du chinois à Paris était plus de ce style. Ce n’était pas un grand interprète. Il avait cependant eu le courage de s’expatrier en France, ne parlant pas notre langue ni même l’anglais, et il méritait bien une grosse pièce pour continuer à nous faire écouter de la musique chinoise.

 

15/09/2011

Dorure subtile d’une feuille

 

Dorure subtile d’une feuille

Dont le soleil darde de lumière

La nervure plus solide, tandis que l’épiderme

Étincelle de l’éclat de sa sève blonde

 

Bercée d’autres feuilles vertes

Elle se réjouit de son règne doré

Diffusant son spectre royal

Sur ses compagnes alentour

 

Et bientôt, vieillie et flétrie

De cette sève absente

Qui dessèche sa tige frêle

Elle s’en ira au vent

Légère, attendrie, gondolée

Secouée par d’invisibles ondes

Pour tomber ignorante

Sous les pas d’un petit garçon

Qui la glissera dans un cahier

Avant de la laisser voler

Au printemps, dans la rue

 

 

14/09/2011

L'autre jour, dans le métro

 

J’étais l’autre jour dans le métro, je ne sais pour quelle raison. Sans doute à cause du mauvais temps. Mais peu importe, l’essentiel est ailleurs. C’était un métro ordinaire, sale, bruyant, sentant la poussière, bref, un métro comme les autres. Je me préparais à faire les dix stations de mon trajet en pensant à autre chose, en m’abstrayant du contexte morose d’une après-midi pluvieuse qui m’avait contraint à prendre la chenille infernale.

Debout parce que je n’avais pas trouvé de place assise, je regardais autour de moi. En face, face à face pourrait-on dire, se trouvait une femme, la quarantaine, au premier abord sans signes particuliers. Mais en la regardant plus attentivement, je notais un maintien élégant, une expression du visage heureuse, comme une fée qui se promène aujourd’hui parmi les humains, emprunte de sérénité. Elle ne bougeait pas, se contentait de contempler au loin un rêve inaccessible aux autres, et ce rêve embellissait son visage au point qu’il le transfigurait (au figuré bien sûr !). Mais je ne saisis pas tout de suite cette transformation de l’atmosphère (en formation, évidemment). Laissant poursuivre mon regard sur d’autres occupants de la voiture, je remarquais un homme, la trentaine, également sans signes distinctifs. Son attitude respirait une certaine noblesse, par sa façon de se tenir à la barre verticale qui se trouve au centre de l’emplacement dégagé devant chaque porte. Drôle, cette rampe qui, en d’autres lieux, sert à d’autres contorsions qui n’ont rien d’aristocratiques. Mais là c’était un ange qui se tenait à la barre, un ange de tous les jours que l’on ne distingue des autres que parce que l’on est attentif à son apparence. Les doigts légèrement recourbés sur la barre de métal, il semblait aérien, ne tenir debout que par la simple pression de l’extrémité d’un doigt, comme un équilibre merveilleux de grâce et de gravité.

Je m’interrogeais : Que se passe-t-il dans ce métro aujourd’hui ? Je regardais à côté de moi. Etait assise une jeune fille. Elle n’était pas d’une beauté éblouissante, ses vêtements n’avaient pas l’aspect soigné des toilettes de femmes qui attachent de l’importance à leur apparence. Elle regardait au loin, les yeux perdus dans ses préoccupations. Et pourtant, en la regardant un peu plus, je remarquais à nouveau une extrême harmonie qui transfigurait tout son être. Tiens, un deuxième ange, me dis-je, étonné. Comme je continuais à la regarder, elle se tourna vers moi et me fit un sourire. Très rares sont les jeunes femmes qui font un sourire à un homme dans le métro. C’est un signal fort d’invitation que se garde bien de manifester toute personne sensée. Mais il s’agissait d’un sourire autre, comme une invitation au bonheur, à profiter de la vie, à s’ouvrir les bronches pour crier sa joie d’être en vie et d’aller où bon vous semble, monté sur un nuage de béatitude. Très vite, elle reprit une attitude conventionnelle. Mais combien était émouvant ce clin d’œil qui ouvrait sur une autre dimension, celle d’un vol au dessus du métro accompagnant les âmes qui s’y trouvaient.

Intrigué, je poursuivis l’inspection des autres occupants de la voiture. Je n’en trouvais aucun qui donne un sentiment de vulgarité, de laideur ou d’abjection. Chacun possédait une aura propre, qui ne se remarquait pas au premier abord, mais qui, en un instant magique, se dévoilait au travers d’un coup d’œil, d’une expression, d’une attitude, d’un maintien particulier. Ce métro était-il véritablement ensorcelé ou bien était-ce moi qui avait changé mon regard sur les autres ? Je ne sus le dire, mais l’effet était là : le monde était différent, l’invisible devenait visible, sa beauté transparaissait comme une sudation interne que l’on remarque et que l’on caresse de l’œil pour imprégner ce jour d’un titre spécial que je n’ai pas encore trouvé. Mais peu importe le nom, peu importe la manière de le raconter. Seul compte la naissance en soi d’une bouffée évanescente de la grandeur sidérale de l’être humain.

 

 

13/09/2011

Reptile

 

Comment à partir d’une pince de forge on imagine un reptile monstrueux  pourvu de défenses inquiétantes.

Et ce monstre envahit l’imaginaire pour construire un monde virtuel plein d’imprévu et de peur réjouissante.

 

11-09-12 Reptile1.jpg

 

11-09-12 Reptile2.jpg

 

 

12/09/2011

Aux champignons

 

Cet après-midi, vers deux heures, je découvrais, étonné, des ceps dans le jardin. Comment diable peut-il y avoir ici des ceps ? Aussi décidais-je d’aller faire un tour en forêt. Sait-on jamais !

Arrivé sur place, j’empruntais le chemin pénétrant dans les sous-bois. Il faisait chaud, une chaleur écrasante qui vous contraint à marcher lentement, en respirant petitement. Pas un bruit, même pas le chant d’un oiseau. La forêt dormait, en léthargie. Seul le bruit de mes pas sur les branches mortes emplissait le silence d’un chant de percussions. Le soleil donnait dans les feuillages, réchauffant le sol, brûlant les feuilles mortes, enfermant la végétation dans un immobilisme écrasant. Le sol était trop sec, bien sûr. Quelle idée de partir aux champignons alors qu’il n’a pas plu suffisamment. Et pourtant, à un carrefour de chemins, je tombais sur une amanite rougissante, excellent champignon dont le nom fait fuir les faux amateurs. Elle était seule. Aussi, repérant son emplacement, j’attendis d’en voir plusieurs avant de la cueillir. Connaissant le coin, je me dirigeais vers l’ « Emplacement », celui que tous connaissent, qui est piétiné, mais dont on ne parle à personne. Pas l’ombre d’un renflement sur le sol de feuilles mortes et de fougères. Je continuais et sentis tout d’un coup l’odeur, signe caractéristique de leur présence, une odeur forte de pourriture parfumée, comme, dans votre potager, vous sentez l’odeur des tiges d’oignon, prenante et audacieuse. Mais j’eus beau chercher, me mettre à quatre pattes pour tenter d’apercevoir un chapeau de n’importe quelle couleur. Rien, pas l’ombre d’un tube ou d’une lamelle. Plus loin, cependant, surprise, une amanite épaisse, espèce assez proche de l’amanite rougissante. A la troisième, je les cueille. Mais il n’y eu pas de troisième.

Comme il était bon de se promener, seul, environné de silence lourd et charnu, marchant à petits pas, les yeux au sol, écrasé par l’atmosphère lénifiante d’une après-midi magique. Et soudain, je me suis rappelé cette même ambiance, il y a longtemps déjà, lorsque la chaleur enveloppait nos corps d’enfants, mais que notre vivacité surmontait facilement jusqu’au moment où nous tombions, écrasés de fatigue et mourant de faim. Après les courses éprouvantes dans les bois, il fallait rentrer. Plus rien ne pouvait nous faire bouger. Nous reprenions le chemin du retour, assis dans la charrette, l’un d’entre nous conduisant l’âne, les autres endormis sens dessus-dessous, jusqu’au réveil à l’arrivée à la maison, où, reposés, nous repartions pour mille autres folies à faire avant la fin de la journée.

Pourquoi y avait-il des ceps dans le jardin ? Sans doute parce qu’il conserve l’humidité plus facilement qu’un sous-bois inondé de soleil ; mais aussi, c’est certain, parce que ce jour-là, je devais forcément faire un tour en forêt pour me souvenir de ces journées d’enfance : une vie dans l'instant, libre de toute intention.

 

11/09/2011

Le livre de ma mère, d'Albert Cohen

littérature, roman

« C’était ma mère et jamais plus je ne vivrai ces merveilleux moments passés ensemble ». Chacun de nous, ou presque, pourrait le dire à propos de sa mère, mais personne ne saurait le dire aussi bien, de manière aussi belle, qu’Albert Cohen. Avec la même verve et la même délicatesse que dans Belle du seigneur, l’auteur se rappelle ces petits riens qui constituent l’ensemble des souvenirs d’une personne aimée au-delà d’un amour des corps.

Il a des mots tendres et drôles comme l’herbe au printemps :

« Mais si je la grondais, elle obéissait, pleine de foi, immédiatement atterrée par les perspectives de maladie, me croyant si je lui disais qu’en six mois de régime sérieux elle aurait une tournure de mannequin. Elle restait alors toute la journée scrupuleusement sans manger, se forgeant tristement mille félicités de sveltesse. Si, pris soudain de pitié et sentant que out cela ne servirait à rien, je lui disais qu’en somme ces régimes ce n’était pas très utile, elle approuvait avec enthousiasme. « Vois-tu, mon fils, je crois que tous ces régimes pour maigrir, ça déprime et ça fait grossir. » Je lui proposais alors de dîner dans un très bon restaurant. « Eh oui, mon fils, divertissons-nous un peu avant de mourir ! » Et dans sa plus belle robe, linotte et petite fille, elle mangeait de bon cœur et sans remords puisqu’elle était approuvée par moi. »

Il décrit les délirantes promenades dans les rues de Genève, en été, lorsque sa mère, cardiaque, avançait à pas menus :

« Quand on traversait la rue ensemble à Genève, elle était un peu nigaude. Consciente de sa gaucherie héréditaire, et marchant péniblement, ma cardiaque, elle avait si peur des autos, si peur d’être écrasée, et elle traversait, sous ma conduite, si studieusement, avec tant de brave application affolée. Je la prenais paternellement par le bras et elle baisait la tête et fonçait, ne regardant pas les autos, fermant les yeux pour pouvoir mieux me suivre ma conduite, toute livrée à ma direction, un peu ridicule d’aller avec tant de hâte et d’épouvante, si soucieuse de n’être pas écrasée et de vivre. Faisant si bien son devoir de vivre, elle fonçait bravement, avec une immense peur, mais toute convaincue de ma science et puissance et qu’avec son protecteur nul mal ne pouvait lui survenir. »

Il a la mélancolie des jours d’automne lorsque les souvenirs viennent effleurer la conscience :

« Maman de mon enfance, auprès de qui je me sentais au chaud, ses tisanes, jamais plus. Jamais plus, son odorante armoire aux piles de linge à la verveine et aux familiales dentelles rassurantes, sa belle armoire de cerisier que j’ouvrais les jeudis et qui était mon royaume enfantin, une vallée de calme merveille, sombre et fruitée de confitures, aussi réconfortante que l’ombre de la table du salon sous laquelle je me croyais un chef de guerre. Jamais plus son trousseau de clefs qui sonnaillaient au cordon du tablier et qui étaient sa décoration, son Ordre du mérite domestique. Jamais plus son coffret plein d’anciennes bricoles d’argent avec lesquelles je jouais quand j’étais convalescent. O meubles disparus de ma mère. Maman, qui fus vivante et qui tant m’encourageas, donneuse de force, qui sus m’encourager aveuglément, avec d’absurdes raisons, qui me rassuraient, Maman, de là-haut, vois-tu ton petit garçon obéissant de dix ans ? »

Il a enfin les pleurs de l’hiver lorsque le ciel si bas fait resurgir la complainte des regrets :

« Elle attendait tout de moi avec sa figure un peu grosse, toute aimante, si naïve et enfantine, ma vieille Maman. Et je lui ai donné si peu. Trop tard. Maintenant le train est parti pour toujours, pour le toujours. Défaite et décoiffée et bénissante, ma mère morte est toujours la portière du train de la mort. Et moi je vais derrière le train qui va et je m’essouffle, tout pâle et transpirant et obséquieux, derrière le train qui va emportant ma mère morte et bénissante. »

 

Oui, ce livre est un petit chef d’œuvre de mémoire, drôle, plein d’anecdotes, aux souvenirs embués des regrets qu’ont tous les enfants à la mort d’un parent. Méditation d’un enfant vieilli resté seul face à son enfance, il fait revivre celle-ci, l’enjolive, puis revient aux derniers jours, ceux de son âge adulte, se reprochant ses manquements, son impuissance à lui faire plaisir parce que trop préoccupé de sa propre vie.

« Voilà, j’ai fini ce livre et c’est dommage. Pendant que je l’écrivais, j’étais avec elle. Mais sa Majesté ma mère morte ne lira pas ces lignes écrites pour elle et qu’une main filiale a tracées avec une maladive lenteur. Je ne sais plus que faire maintenant. Lire ce poème moderne qui se gratte les méninges pour être incompréhensible ? »

 

 

10/09/2011

Vacances 6 (et fin) : La maison

 

Le silence et rien d’autre.

Du fond de la ruelle

Monte le fracas de la ville

Murmures et cris

Pétarades de scooters

Bruits assourdis des voitures

Mais franchi le seuil

Rien, l’absence, le désert auditif

Tel le vizir dans sa cellule

Nous nous enfermons

Dans ce calme d’Olympie

Pour jouir plus réellement

De cette paix entière

De ce paysage de rien

De cette absence de bruits

 

Et pourtant,

Cette maison doit résonner

De pleurs d’enfants

De pépiements de petites filles

De cris sauvages de garçons

De murmures entre fiancés

De conversations passionnées

Entre personnes sensées

D’échanges secourables

Et de nostalgie rentrée

 

Tout cela on l’entend

Lorsque, la porte close,

On prend garde

Aux effluves de la salle du bas

A l’odeur de fenaison de l’escalier

Après l’ouverture du loquet

A la fragrance de pin de la chambre

Aux exhalaisons du vent au dehors

A l’arôme du fond du jardin

 

C’est une vraie maison,

De celle qu’on habite volontiers

Parce qu’elle fait revivre

Les années passées

Et qu’elle donne à chacun

Une idée de l’avenir.

 

Quel silence dans la maison pour faire parler une mémoire imaginaire !

 

 

09/09/2011

Trimurty (BharataNatyam) seven dances of Shiva Raghunath Manet et Michel Portal

 

http://www.youtube.com/watch?v=hEDYv3hxYDQ

 

Michel Portal reprend la tradition de rencontres culturelles entre l’Inde et l’Occident. Et ce mariage est splendide. L'instrument de Michel Portal fait merveille.

 

Ce n’est pas du jazz, ce n’est pas non plus de la musique classique et encore moins de la musique indienne. Mais cela convient si bien avec le danseur indien Raghunat Manet et les musiciens indiens qui l’accompagne que l’on comprend alors que la musique est le seul langage universelle que tous peuvent appréhender parce qu’il ne se sert pas de la raison, mais de la sensibilité. Le rythme est bien indien, la musique varie selon les diverses danses, même si l’on ne sait pas exactement à quel moment l’une finit et l’autre commence. Mais justement, la musique se passe de ses conventions (savoir quand commence et finit un morceau). Elle doit prendre le spectateur au point qu’il devient musique lui-même, qu’il s’assimile entièrement à la mélodie, au rythme, à l’accompagnement du morceau.

 

Bravo Michel Portal pour cet art extraordinaire qui va plus loin qu’une simple interprétation. C’est une improvisation permanente de sons, et derrière, d’images, de sensations, d’émotions, voire de sentiments.

 

08/09/2011

Vacances 5 : Pêche à pied

 

L’homme marchait sur les flots
N’émergeaient que quelques bouts de roche
Il avançait courbé, regardant derrière la surface
Cherchant quelques gastéropodes
Pour emplir une besace grisâtre
Et les flots avançaient sans concession
Enfouissant dans son monde sous-marin
De grands squelettes de pierre
Pourtant tout semblait immobile
 La sérénité mortelle de jours sans fin
Comme un désert d’eau et de vase
D’où seul émergeait cet homme
 Qui marchait sur les flots
Point gris au milieu d’eaux grises
Comme le carré blanc sur fond blanc
De Kasimir Malevitch, peintre des ombres
Désert dont seul le cri des mouettes
Rappelle qu’il est nautique et mouillant
Fenêtre dans le paysage
Il avance prudemment, mais sans fin
Dans l’eau claire du matin
Sur un ciel dégagé presque blanc
Est-ce un spectre ou une apparition ?