25/03/2012
De calvaire en calvaire (2ème partie)
Cette croix incite au départ, départ mystique vers la lumière, que même la fée électricité suit. Elle semble s’y noyer. Un panneau indique la direction, pour que personne ne se trompe. On y va, malgré les ronces, malgré l’éloignement et la hauteur. Quelle incitation au voyage ! Mais c’est un voyage particulier, on part très loin, en restant sur place. On frémit dans la lumière, on se laisse illuminer, on est ébloui, mais on avance, lentement, veillé par la croix réparatrice. On avance, on avance, et l’on sait où l’on va, enfin !
Le calvaire du prisonnier. La vierge enfermée derrière son grillage, lui-même cloué sur le bois de la croix. Elle se tient là, dans le bois évidé, les mains ouvertes, prisonnière de cette croix qui fut également pour elle un calvaire. Elle semble un jouet enfoui dans un morceau de bois mal équarri, tenu grâce aux fils de fer. C’est une image quasi enfantine, mais l’enfance n’est-elle pas la porte de l’innocence, comme ce ciel qui l’entoure et lui donne le vertige. On croirait qu’elle va tomber sur sa droite et l’on voit le nuage défiler de droite à gauche et emmener nos soucis loin de sa présence.
Une croix pattée, croix dont les bras sont étroits au niveau du centre et larges à la périphérie, sur lesquels rayonne la lumière divine qui, elle-même, est représentée par un globe cerclé. Ce n’est pas vraiment une croix celtique, mais plutôt une croix nimbée. Ses bras triangulaires se referment sur eux-mêmes et l’on passe de l’horizontalité croisée avec la verticalité, symbole de la transcendance, au cercle maternel, symbole de l’immanence. Elle paraît forte, bien assise sur sa colonne de pierre, mais a un curieux air étranger, teuton ou romain. Elle protège la prairie, symbole terrien de par sa solidité, mais aussi symbole de propriété marquant sa possession sur cette terre nourricière.
Quelle croix impressionnante ! C’est une croix de consécration, nommée croix de répétition ou croix allemande. Que fait-elle dans ce pays ? Elle s’impose dans un enclos fermé, environnée de branchages, dressant ses bras vers le ciel limpide, montrant sa force, défensive, solide comme le roc. Sa colonne l’adoucit, passant d’arêtes anguleuses à la rotondité simple, comme si cette force impressionnante naissait du cercle féminin qui s’érige vers le ciel. Quel beau symbole : de la complexité naît la simplicité !
Curieux mélange. Une croix inspirée de l’ordre du Temple (croix pattée) ou, peut-être une croix tréflée ou croix de Saint Maurice qui refusa de tuer les chrétiens d’une ville des Alpes et qui devint, avec sa légion, martyre. En voici le récit fait par Saint Eucher, évêque de Lyon de 435 à 449 : « Il y avait à cette époque une légion de soldats, de 6 500 hommes, qu'on appelait les Thébains (…) Comme bien d'autres soldats, ils reçurent l'ordre d'arrêter des chrétiens. Ils furent toutefois les seuls qui osèrent refuser d'obéir. Lorsque cela fut rapporté à Maximien, (…), il entra dans une terrible colère. Il donna l'ordre de passer au fil de l'épée un homme sur dix de la légion, afin d'inculquer aux autres le respect de ses ordres. Les survivants, contraints de poursuivre la persécution des chrétiens, persistèrent dans leur refus. Maximien entra dans une colère plus grande encore et fit à nouveau exécuter un homme sur dix. Ceux qui restaient devaient encore accomplir l'odieux travail de persécution. Mais les soldats s'encouragèrent mutuellement à demeurer inflexibles. Celui qui incitait le plus à rester fidèle à sa foi, c'était saint Maurice qui, d'après la tradition, commandait la légion. Secondé par deux officiers, Exupère et Candide, il encourageait chacun de ses exhortations. Maximien comprit que leur cœur resterait fermement attaché à la foi du Christ, il abandonna tout espoir de les faire changer d'avis. Il donna alors l'ordre de les exécuter tous. Ainsi furent-ils tous ensemble passés au fil de l'épée. Ils déposèrent les armes sans discussion ni résistance, se livrèrent aux persécuteurs et tendirent le cou aux bourreaux. »
Enfin, une croix des chouans qui marque la limite paroissiale et devenue, en raison de sa solitude éloignée de toute habitation,lieu de rendez-vous des royalistes. Elle constituait également un lieu de dévotion avec une tablette encastrée à hauteur des mains pour y déposer une offrande. Elle se dresse comme un gardien, à la croisée des chemins champêtres, monumentale dans son piédestal, croix pattée également, mais simple, sans fioriture, pure de tout désir : une vraie croix de Malte. Elle semble dire : « Entrez dans la paroisse, mais sous le regard de Dieu. Si vos pensées sont mauvaises, prenez garde ! » Et ce chemin bordé d’arbres est une montée vers le paradis qui se trouve derrière ce ciel d’azur, dans la froideur d’une neige persistant encore dans les creux.
06:42 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, poésie, nature, art, philosophie, spiritualité | Imprimer
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