19/09/2011
Brouillard fou de la percée informationnelle
Brouillard fou de la percée informationnelle
Comme une bataille de lettres et de chiffres
Qui engendre la peur et la concupiscence
Et qui colle sur chaque être une déformation
Comme l’homme s’amuse à faire le singe
La rumeur se déploie en volutes doucereuses
Comme la fumée d’un cigare autour d’un cendrier
Et contamine l’entourage qui respire ce poison
Pour le distiller à son tour, insidieusement
Et le jugement se détache en lambeaux indolores
Pour laisser place à l’arrogante certitude
Chaque nouvelle est commentée, jamais expliquée
Information tronquée et poudre aux yeux
Qui fait pleurer l’innocent et rire l’initié
Jusqu’au moment où il devient cible
Et perd toute prestance jusqu’à l’oubli
Car c’est le risque des adeptes de la diffusion
Jusqu’où aller pour ne pas tomber
Chaque jour déverse son flot d’évènements
Mais chacun d’eux s’interprète et se diffuse
A sa manière, selon la volonté de l’informateur
Dire au plus vite sans connaître ce qui se passe
Interpréter sur la base de rumeurs colportées
Propager le premier sans regard sur les conséquences
Dévoiler sans pudeur ce qui tuera la vie
Sans considération sur la personne
Tel est le monde où nous vivons
Un petit monde fait de pressions
Un monde où le scoop, même insensé
Vaut mieux que l’absence pour vérification
Un monde où l’homme n’est plus l’homme
Mais le propulseur d’évènements
Qui déclenche l’avalanche médiatique
Un monde où la personne n’a pas de droits
Face au maquillage des faits
Par ignorance, méconnaissance ou machiavélisme
05:57 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
18/09/2011
Stupeurs et tremblements, roman d’Amélie Nothomb
Monsieur Haneda était le supérieur de monsieur Omochi, qui était le supérieur de monsieur Saito, qui était le supérieur de mademoiselle Mori, qui était ma supérieure. Et moi, je n’étais la supérieure de personne. […] Donc, dans la compagnie Yumumoto, j’étais aux ordres de tout le monde.
Ainsi commence cette incroyable histoire qui est bien quelque peu autobiographique. Amélie est embauchée pour un an par la compagnie. Elle va connaître les affres de tous les japonais débutants. On commence en bas de l’échelle et l’on ne s’élève qu’à la condition d’une obéissance sans limite. Pas d’initiatives, elles sont toutes mal vues.
Elle commence, sur demande d’un de ses supérieurs, par rédiger une lettre à un certain Adam Johnson pour accepter son invitation à jouer au golfe. Ce directeur lui fait recommencer, recommencer, recommencer, sans explications, jusqu’à ce que sa supérieure, mademoiselle Mori, arrive. Fubuki, c’est son prénom, la charme. Elle était svelte et gracieuse à ravir, malgré la raideur nippone à laquelle elle devait sacrifier. Mais ce qui me terrifiait, c’était la splendeur de son visage. […] Elle avait le plus beau nez du monde, le nez japonais, ce nez inimitable, aux narines délicates et reconnaissables entre mille. […] Fubuki incarnait à la perfection la beauté nippone, à la stupéfiante exception de sa taille. Elle mesurait en effet un mètre quatre-vingt.
Elle prend la fonction de l’ôchakumi, l’honorable thé. Mais lors de la réception d’une délégation étrangère à l’entreprise, elle psalmodie les plus raffinées des formules d’usage, baissant la tête et s’inclinant. On lui donne l’ordre d’oublier le japonais, car il est indécent qu’une blanche parle le japonais. Alors, pour s’occuper, elle décide de distribuer le courrier. Mais elle se fait très vite rabrouée, car voler son travail à quelqu’un est une très mauvaise action. Donc, toujours pour s’occuper, elle décide de mettre les calendriers à jour, après accord de son supérieur. Aussi Monsieur Saito, sans la contredire ouvertement, lui demande de faire des photocopies. Ce qu’elle fait rapidement avec la machine munie d’une « avaleuse ». Il lui demande de le refaire à la main, une fois, puis deux, puis trois, sous prétexte qu’elles sont décentrées. Tout ça pour un règlement de son club de golf. Fubuki compatit. Monsieur Tenshi lui demande alors de rédiger un rapport sur les procédés de fabrication du beurre allégé. Elle se met à la tâche, recherche les raisons des japonais de s’intéresser à ce procédé, téléphone en Belgique où il est mis en œuvre, et sort le lendemain son rapport que l’autre s’attribue sans vergogne. Quelques jours plus tard, nouvelle engueulade, cette fois-ci pour Monsieur Tenshi. Elle apprend ensuite qu’elle a été dénoncée par mademoiselle Mori, qui a souffert des années pour obtenir le poste qu’elle a aujourd’hui. Elle tente une explication avec Kubuki, peine perdue : « Vous avez brigué une promotion à laquelle vous n’aviez aucun droit. » Elle répond : « Vous êtes ma supérieure, oui. Je n’ai aucun droit, je sais. Mais je voulais que vous sachiez combien je suis déçue. Je vous tenais en si haute estime. » Elle eut un rire élégant : « Moi, je ne suis pas déçue. Je n’avais pas d’estime pour vous. »
Alors, Kubuki la met à la comptabilité. Comptable, moi ? Pourquoi pas trapéziste ? lui demande-t-elle. Il n’était pas rare qu’entre deux additions je relève la tête pour contempler celle qui m’avait mise aux galères. Sa beauté me stupéfiait. Mon seul regret était son brushing propret qui immobilisait ses cheveux mi-longs en une courbe imperturbable dont la rigidité signifiait : Je suis une executive woman. Alors elle passe les trois dernières nuits au bureau pour tenter de venir à bout de son travail. La dernière nuit, « soudain, je ne fus plus amarrée. Je me levai. J’étais libre. Jamais je n’avais été aussi libre. Je marchais jusqu’à la baie vitrée. La ville illuminée était très loin au-dessous de moi. Je dominais le monde ? J’étais Dieu. Je défenestrai mon corps pour en être quitte ».
Enfin, après d’autres péripéties, comble de l’horreur, pendant sept mois, elle fut postée aux toilettes de la compagnie Yumimoto. Elle ne perdit pas la face. Mais elle acquit la désaffection des hommes pour les toilettes de son étage. Aussi reçut-elle l’ordre d’être aux toilettes sans y être, c’est-à-dire de sortir lorsqu’un homme entre et d’entrer lorsqu’il ressort pour remettre du papier et nettoyer comme il se doit. Cela dura jusqu’au 7 janvier, date de fin de contrat. Elle eut encore une dernière mission à accomplir : remercier ses supérieurs : la compagnie Yumimoto m’a donné de multiples occasions de faire mes preuves. Je lui en serai éternellement reconnaissante. Hélas, je n’ai pas pu me montrer à la hauteur de l’honneur qui m’était accordé… Nous approchons du terme de mon contrat et je voulais vous annoncer avec regret que je ne pourrai le reconduire.
Elle passe ces derniers instants aux toilettes. « D’instinct je marchai vers la fenêtre… Elle était la frontière entre la lumière horrible et l’admirable obscurité, entre les cabinets et l’infini, entre l’hygiénique et l’impossible à laver, entre la chasse d’eau et le ciel… Une ultime fois, je me jetais dans le vide. Je regardais mon corps tomber. Quand j’eu contenté ma soif de défénestration, je quittai l’immeuble Yumimoto. On ne m’y revit jamais.
Une fois de plus, Amélie Nothomb enchante ses lecteurs d’une histoire qui semble vraie, mais à dormir debout. Sa particularité : décrire avec un sérieux imperturbable ce qui est farfelu, relater avec humour ce qui est sérieux. Au fond, ce livre est-il autobiographique ou non ? Dans les deux cas, le lecteur passe un bon moment, voire un moment merveilleux, comme une oie qui passe au dessus d’une ville lors de sa migration et qui rit des contorsions des humains qui l’habite.
05:56 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, société | Imprimer
17/09/2011
Blow-Up, film de Michelangelo Antonioni (1966)
Blow-Up est un film anglo-italo-américain de Michelangelo Antonioni, sorti en 1966 et inspiré de la nouvelle Las babas del diablo (Les fils de la Vierge) de Julio Cortázar. Il obtint la Palme d'or au festival de Cannes en 1967.
Bande annonce du film :
http://www.youtube.com/watch?v=2Xz1utzILj4&feature=re...
Episode du film :
http://www.youtube.com/watch?v=r9u78vNOvvQ&feature=re...
"À Londres, Thomas, un photographe de mode, se rend dans un parc où un couple qui s'embrasse attire son attention. Il prend des clichés, mais la jeune femme, Jane, exige les négatifs, allant jusqu'à s'offrir à lui pour les obtenir. Thomas lui donne une autre pellicule et il développe les photos du parc. En agrandissant celles-ci, il découvre un crime, ce qu'il vérifie dès la nuit suivante, en déco
uvrant la présence du cadavre dans le parc. Désemparé, il cherche conseil auprès de ses amis, en vain. Pendant ce temps, les bobines ont été volées dans son atelier. De retour au parc, il s'aperçoit que le corps a disparu. Tout près de là, une troupe de clowns mime une partie de tennis, se renvoyant une balle invisible."
Mais au-delà de ce bref résumé, tiré de l'encyclopédie Hachette, l’apothéose du film se trouve dans cette partie de tennis où chacun suit l’effort des joueurs, la trajectoire de la balle, le choc de celle-ci contre le grillage et que le photographe prend d’abord pour un jeu, mais qui, à partir du moment où il s’associe au jeu involontairement en ramassant la balle imaginaire, devient une réalité, jusqu’à lui faire percevoir le choc de la balle contre les raquettes. Ainsi la réalité et l’imaginaire se rejoignent à la fin du film comme ce fut le cas au commencement quand la femme lui demande les négatifs. Le cercle est fermé.
Le film reprend le vieux thème énoncé par Platon sur la réalité du monde extérieur, celui de la réversibilité des choses de Cocteau : derrière chaque objet perçu se cache une existence insoupçonnée. Percevoir, c’est toujours interpréter par l’intelligence une sensation (ce que fait que le photographe dans sa recherche sur les photos) et chacun recrée à chaque instant le monde, car la vision n’est qu’un agrégat de raisonnement et comme il y a illusion des sens, il peut y avoir des illusions psychologiques (le choc des balles contre les raquettes). Cette balle qui, bien que n’existant pas, existe virtuellement comme le cadavre, ces photos qui, bien qu’ayant existé, semblent n’avoir jamais existé, où est au fond la vérité : dans qu’on voit ou dans ce qu’on devine derrière ce que l’on voit ?
Certes, le film ne date pas d’hier, mais d’avant-hier, avec ses images provocantes et pseudo-modernes. Mais ces quelques défauts qui viennent avec le temps n’effacent pas la beauté du film, mieux même, ils la font ressortir.
07:40 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, réalité, imaginaire | Imprimer
16/09/2011
Un musicien chinois à Paris
Il se tenait là, sur le trottoir, bien propret, magnifique dans son costume gris, mal coupé, mais beaucoup plus élégant que les vêtements habituels des passants, entouré de ses quelques biens, une sacoche pour ordinateur portable, qui n’en contenait pas, et l’étrange boite protectrice de son drôle d’instrument dont il tirait des sons…chinois.
L’Erhu est une sorte de violon à deux cordes. D’abord instrument d’accompagnement dans les opéras, il devint instrument solo grâce aux améliorations apportées par deux grands artistes à la fin du XIXème siècle. Il possède une sorte de tambour en bois d’ébène ou de santal qui constitue sa caisse de résonance. Le manche est en roseau et mesure 81 cm de long. Il a deux cordes. L’artiste en joue assis, l’instrument posé sur la cuisse gauche, la main gauche tenant le manche et la droite l’archet. L’erhu est un des représentants les plus communs de la famille des huqins (vielles chinoises à deux cordes) qui compte une trentaine de modèles différents.
http://video.google.com/videoplay?docid=-3875038914279072592&q=erhu&pl=true#
Ecoutez une interprète de la musique traditionnelle d’Erhu accompagné par un yang qin, instrument à cordes d’acier sur lesquels l’artiste joue avec deux maillets en bambou. Musique typiquement chinoise dans laquelle les notes s’enchaînent sans rupture, en passant de l’une à l’autre par glissement.
http://video.google.com/videoplay?docid=-3875038914279072...
Voici une interprétation très différente sur le même instrument, beaucoup plus moderne. L’interprète est doué et joue en s’amusant, avec ou sans archet.
http://video.google.com/videoplay?docid=-3875038914279072...
Admirez le mariage entre l’Erhu et le violon, dans une interprétation tout à fait occidentale. L’Erhu vaut le violon.
http://video.google.com/videoplay?docid=-3875038914279072...
Mais ce que j’ai entendu du chinois à Paris était plus de ce style. Ce n’était pas un grand interprète. Il avait cependant eu le courage de s’expatrier en France, ne parlant pas notre langue ni même l’anglais, et il méritait bien une grosse pièce pour continuer à nous faire écouter de la musique chinoise.
08:07 Publié dans 11. Considérations diverses, 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, chine | Imprimer
15/09/2011
Dorure subtile d’une feuille
Dorure subtile d’une feuille
Dont le soleil darde de lumière
La nervure plus solide, tandis que l’épiderme
Étincelle de l’éclat de sa sève blonde
Bercée d’autres feuilles vertes
Elle se réjouit de son règne doré
Diffusant son spectre royal
Sur ses compagnes alentour
Et bientôt, vieillie et flétrie
De cette sève absente
Qui dessèche sa tige frêle
Elle s’en ira au vent
Légère, attendrie, gondolée
Secouée par d’invisibles ondes
Pour tomber ignorante
Sous les pas d’un petit garçon
Qui la glissera dans un cahier
Avant de la laisser voler
Au printemps, dans la rue
07:13 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
14/09/2011
L'autre jour, dans le métro
J’étais l’autre jour dans le métro, je ne sais pour quelle raison. Sans doute à cause du mauvais temps. Mais peu importe, l’essentiel est ailleurs. C’était un métro ordinaire, sale, bruyant, sentant la poussière, bref, un métro comme les autres. Je me préparais à faire les dix stations de mon trajet en pensant à autre chose, en m’abstrayant du contexte morose d’une après-midi pluvieuse qui m’avait contraint à prendre la chenille infernale.
Debout parce que je n’avais pas trouvé de place assise, je regardais autour de moi. En face, face à face pourrait-on dire, se trouvait une femme, la quarantaine, au premier abord sans signes particuliers. Mais en la regardant plus attentivement, je notais un maintien élégant, une expression du visage heureuse, comme une fée qui se promène aujourd’hui parmi les humains, emprunte de sérénité. Elle ne bougeait pas, se contentait de contempler au loin un rêve inaccessible aux autres, et ce rêve embellissait son visage au point qu’il le transfigurait (au figuré bien sûr !). Mais je ne saisis pas tout de suite cette transformation de l’atmosphère (en formation, évidemment). Laissant poursuivre mon regard sur d’autres occupants de la voiture, je remarquais un homme, la trentaine, également sans signes distinctifs. Son attitude respirait une certaine noblesse, par sa façon de se tenir à la barre verticale qui se trouve au centre de l’emplacement dégagé devant chaque porte. Drôle, cette rampe qui, en d’autres lieux, sert à d’autres contorsions qui n’ont rien d’aristocratiques. Mais là c’était un ange qui se tenait à la barre, un ange de tous les jours que l’on ne distingue des autres que parce que l’on est attentif à son apparence. Les doigts légèrement recourbés sur la barre de métal, il semblait aérien, ne tenir debout que par la simple pression de l’extrémité d’un doigt, comme un équilibre merveilleux de grâce et de gravité.
Je m’interrogeais : Que se passe-t-il dans ce métro aujourd’hui ? Je regardais à côté de moi. Etait assise une jeune fille. Elle n’était pas d’une beauté éblouissante, ses vêtements n’avaient pas l’aspect soigné des toilettes de femmes qui attachent de l’importance à leur apparence. Elle regardait au loin, les yeux perdus dans ses préoccupations. Et pourtant, en la regardant un peu plus, je remarquais à nouveau une extrême harmonie qui transfigurait tout son être. Tiens, un deuxième ange, me dis-je, étonné. Comme je continuais à la regarder, elle se tourna vers moi et me fit un sourire. Très rares sont les jeunes femmes qui font un sourire à un homme dans le métro. C’est un signal fort d’invitation que se garde bien de manifester toute personne sensée. Mais il s’agissait d’un sourire autre, comme une invitation au bonheur, à profiter de la vie, à s’ouvrir les bronches pour crier sa joie d’être en vie et d’aller où bon vous semble, monté sur un nuage de béatitude. Très vite, elle reprit une attitude conventionnelle. Mais combien était émouvant ce clin d’œil qui ouvrait sur une autre dimension, celle d’un vol au dessus du métro accompagnant les âmes qui s’y trouvaient.
Intrigué, je poursuivis l’inspection des autres occupants de la voiture. Je n’en trouvais aucun qui donne un sentiment de vulgarité, de laideur ou d’abjection. Chacun possédait une aura propre, qui ne se remarquait pas au premier abord, mais qui, en un instant magique, se dévoilait au travers d’un coup d’œil, d’une expression, d’une attitude, d’un maintien particulier. Ce métro était-il véritablement ensorcelé ou bien était-ce moi qui avait changé mon regard sur les autres ? Je ne sus le dire, mais l’effet était là : le monde était différent, l’invisible devenait visible, sa beauté transparaissait comme une sudation interne que l’on remarque et que l’on caresse de l’œil pour imprégner ce jour d’un titre spécial que je n’ai pas encore trouvé. Mais peu importe le nom, peu importe la manière de le raconter. Seul compte la naissance en soi d’une bouffée évanescente de la grandeur sidérale de l’être humain.
07:12 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : société, transfiguration | Imprimer
13/09/2011
Reptile
Comment à partir d’une pince de forge on imagine un reptile monstrueux pourvu de défenses inquiétantes.
Et ce monstre envahit l’imaginaire pour construire un monde virtuel plein d’imprévu et de peur réjouissante.
05:38 Publié dans 26. Créations sculptures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : beaux-arts, scupture | Imprimer
12/09/2011
Aux champignons
Arrivé sur place, j’empruntais le chemin pénétrant dans les sous-bois. Il faisait chaud, une chaleur écrasante qui vous contraint à marcher lentement, en respirant petitement. Pas un bruit, même pas le chant d’un oiseau. La forêt dormait, en léthargie. Seul le bruit de mes pas sur les branches mortes emplissait le silence d’un chant de percussions. Le soleil donnait dans les feuillages, réchauffant le sol, brûlant les feuilles mortes, enfermant la végétation dans un immobilisme écrasant. Le sol était trop sec, bien sûr. Quelle idée de partir aux champignons alors qu’il n’a pas plu suffisamment. Et pourtant, à un carrefour de chemins, je tombais sur une amanite rougissante, excellent champignon dont le nom fait fuir les faux amateurs. Elle était seule. Aussi, repérant son emplacement, j’attendis d’en voir plusieurs avant de la cueillir. Connaissant le coin, je me dirigeais vers l’ « Emplacement », celui que tous connaissent, qui est piétiné, mais dont on ne parle à personne. Pas l’ombre d’un renflement sur le sol de feuilles mortes et de fougères. Je continuais et sentis tout d’un coup l’odeur, signe caractéristique de leur présence, une odeur forte de pourriture parfumée, comme, dans votre potager, vous sentez l’odeur des tiges d’oignon, prenante et audacieuse. Mais j’eus beau chercher, me mettre à quatre pattes pour tenter d’apercevoir un chapeau de n’importe quelle couleur. Rien, pas l’ombre d’un tube ou d’une lamelle. Plus loin, cependant, surprise, une amanite épaisse, espèce assez proche de l’amanite rougissante. A la troisième, je les cueille. Mais il n’y eu pas de troisième.
Comme il était bon de se promener, seul, environné de silence lourd et charnu, marchant à petits pas, les yeux au sol, écrasé par l’atmosphère lénifiante d’une après-midi magique. Et soudain, je me suis rappelé cette même ambiance, il y a longtemps déjà, lorsque la chaleur enveloppait nos corps d’enfants, mais que notre vivacité surmontait facilement jusqu’au moment où nous tombions, écrasés de fatigue et mourant de faim. Après les courses éprouvantes dans les bois, il fallait rentrer. Plus rien ne pouvait nous faire bouger. Nous reprenions le chemin du retour, assis dans la charrette, l’un d’entre nous conduisant l’âne, les autres endormis sens dessus-dessous, jusqu’au réveil à l’arrivée à la maison, où, reposés, nous repartions pour mille autres folies à faire avant la fin de la journée.
Pourquoi y avait-il des ceps dans le jardin ? Sans doute parce qu’il conserve l’humidité plus facilement qu’un sous-bois inondé de soleil ; mais aussi, c’est certain, parce que ce jour-là, je devais forcément faire un tour en forêt pour me souvenir de ces journées d’enfance : une vie dans l'instant, libre de toute intention.
05:41 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : champignon, chaleur | Imprimer
11/09/2011
Le livre de ma mère, d'Albert Cohen
« C’était ma mère et jamais plus je ne vivrai ces merveilleux moments passés ensemble ». Chacun de nous, ou presque, pourrait le dire à propos de sa mère, mais personne ne saurait le dire aussi bien, de manière aussi belle, qu’Albert Cohen. Avec la même verve et la même délicatesse que dans Belle du seigneur, l’auteur se rappelle ces petits riens qui constituent l’ensemble des souvenirs d’une personne aimée au-delà d’un amour des corps.
Il a des mots tendres et drôles comme l’herbe au printemps :
« Mais si je la grondais, elle obéissait, pleine de foi, immédiatement atterrée par les perspectives de maladie, me croyant si je lui disais qu’en six mois de régime sérieux elle aurait une tournure de mannequin. Elle restait alors toute la journée scrupuleusement sans manger, se forgeant tristement mille félicités de sveltesse. Si, pris soudain de pitié et sentant que out cela ne servirait à rien, je lui disais qu’en somme ces régimes ce n’était pas très utile, elle approuvait avec enthousiasme. « Vois-tu, mon fils, je crois que tous ces régimes pour maigrir, ça déprime et ça fait grossir. » Je lui proposais alors de dîner dans un très bon restaurant. « Eh oui, mon fils, divertissons-nous un peu avant de mourir ! » Et dans sa plus belle robe, linotte et petite fille, elle mangeait de bon cœur et sans remords puisqu’elle était approuvée par moi. »
Il décrit les délirantes promenades dans les rues de Genève, en été, lorsque sa mère, cardiaque, avançait à pas menus :
« Quand on traversait la rue ensemble à Genève, elle était un peu nigaude. Consciente de sa gaucherie héréditaire, et marchant péniblement, ma cardiaque, elle avait si peur des autos, si peur d’être écrasée, et elle traversait, sous ma conduite, si studieusement, avec tant de brave application affolée. Je la prenais paternellement par le bras et elle baisait la tête et fonçait, ne regardant pas les autos, fermant les yeux pour pouvoir mieux me suivre ma conduite, toute livrée à ma direction, un peu ridicule d’aller avec tant de hâte et d’épouvante, si soucieuse de n’être pas écrasée et de vivre. Faisant si bien son devoir de vivre, elle fonçait bravement, avec une immense peur, mais toute convaincue de ma science et puissance et qu’avec son protecteur nul mal ne pouvait lui survenir. »
Il a la mélancolie des jours d’automne lorsque les souvenirs viennent effleurer la conscience :
« Maman de mon enfance, auprès de qui je me sentais au chaud, ses tisanes, jamais plus. Jamais plus, son odorante armoire aux piles de linge à la verveine et aux familiales dentelles rassurantes, sa belle armoire de cerisier que j’ouvrais les jeudis et qui était mon royaume enfantin, une vallée de calme merveille, sombre et fruitée de confitures, aussi réconfortante que l’ombre de la table du salon sous laquelle je me croyais un chef de guerre. Jamais plus son trousseau de clefs qui sonnaillaient au cordon du tablier et qui étaient sa décoration, son Ordre du mérite domestique. Jamais plus son coffret plein d’anciennes bricoles d’argent avec lesquelles je jouais quand j’étais convalescent. O meubles disparus de ma mère. Maman, qui fus vivante et qui tant m’encourageas, donneuse de force, qui sus m’encourager aveuglément, avec d’absurdes raisons, qui me rassuraient, Maman, de là-haut, vois-tu ton petit garçon obéissant de dix ans ? »
Il a enfin les pleurs de l’hiver lorsque le ciel si bas fait resurgir la complainte des regrets :
« Elle attendait tout de moi avec sa figure un peu grosse, toute aimante, si naïve et enfantine, ma vieille Maman. Et je lui ai donné si peu. Trop tard. Maintenant le train est parti pour toujours, pour le toujours. Défaite et décoiffée et bénissante, ma mère morte est toujours la portière du train de la mort. Et moi je vais derrière le train qui va et je m’essouffle, tout pâle et transpirant et obséquieux, derrière le train qui va emportant ma mère morte et bénissante. »
Oui, ce livre est un petit chef d’œuvre de mémoire, drôle, plein d’anecdotes, aux souvenirs embués des regrets qu’ont tous les enfants à la mort d’un parent. Méditation d’un enfant vieilli resté seul face à son enfance, il fait revivre celle-ci, l’enjolive, puis revient aux derniers jours, ceux de son âge adulte, se reprochant ses manquements, son impuissance à lui faire plaisir parce que trop préoccupé de sa propre vie.
« Voilà, j’ai fini ce livre et c’est dommage. Pendant que je l’écrivais, j’étais avec elle. Mais sa Majesté ma mère morte ne lira pas ces lignes écrites pour elle et qu’une main filiale a tracées avec une maladive lenteur. Je ne sais plus que faire maintenant. Lire ce poème moderne qui se gratte les méninges pour être incompréhensible ? »
04:23 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman | Imprimer
10/09/2011
Vacances 6 (et fin) : La maison
Le silence et rien d’autre.
Du fond de la ruelle
Monte le fracas de la ville
Murmures et cris
Pétarades de scooters
Bruits assourdis des voitures
Mais franchi le seuil
Rien, l’absence, le désert auditif
Tel le vizir dans sa cellule
Nous nous enfermons
Dans ce calme d’Olympie
Pour jouir plus réellement
De cette paix entière
De ce paysage de rien
De cette absence de bruits
Et pourtant,
Cette maison doit résonner
De pleurs d’enfants
De pépiements de petites filles
De cris sauvages de garçons
De murmures entre fiancés
De conversations passionnées
Entre personnes sensées
D’échanges secourables
Et de nostalgie rentrée
Tout cela on l’entend
Lorsque, la porte close,
On prend garde
Aux effluves de la salle du bas
A l’odeur de fenaison de l’escalier
Après l’ouverture du loquet
A la fragrance de pin de la chambre
Aux exhalaisons du vent au dehors
A l’arôme du fond du jardin
C’est une vraie maison,
De celle qu’on habite volontiers
Parce qu’elle fait revivre
Les années passées
Et qu’elle donne à chacun
Une idée de l’avenir.
Quel silence dans la maison pour faire parler une mémoire imaginaire !
06:53 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
09/09/2011
Trimurty (BharataNatyam) seven dances of Shiva Raghunath Manet et Michel Portal
http://www.youtube.com/watch?v=hEDYv3hxYDQ
Michel Portal reprend la tradition de rencontres culturelles entre l’Inde et l’Occident. Et ce mariage est splendide. L'instrument de Michel Portal fait merveille.
Ce n’est pas du jazz, ce n’est pas non plus de la musique classique et encore moins de la musique indienne. Mais cela convient si bien avec le danseur indien Raghunat Manet et les musiciens indiens qui l’accompagne que l’on comprend alors que la musique est le seul langage universelle que tous peuvent appréhender parce qu’il ne se sert pas de la raison, mais de la sensibilité. Le rythme est bien indien, la musique varie selon les diverses danses, même si l’on ne sait pas exactement à quel moment l’une finit et l’autre commence. Mais justement, la musique se passe de ses conventions (savoir quand commence et finit un morceau). Elle doit prendre le spectateur au point qu’il devient musique lui-même, qu’il s’assimile entièrement à la mélodie, au rythme, à l’accompagnement du morceau.
Bravo Michel Portal pour cet art extraordinaire qui va plus loin qu’une simple interprétation. C’est une improvisation permanente de sons, et derrière, d’images, de sensations, d’émotions, voire de sentiments.
06:14 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
08/09/2011
Vacances 5 : Pêche à pied
L’homme marchait sur les flots
N’émergeaient que quelques bouts de roche
Il avançait courbé, regardant derrière la surface
Cherchant quelques gastéropodes
Pour emplir une besace grisâtre
Et les flots avançaient sans concession
Enfouissant dans son monde sous-marin
De grands squelettes de pierre
Pourtant tout semblait immobile
La sérénité mortelle de jours sans fin
Comme un désert d’eau et de vase
D’où seul émergeait cet homme
Qui marchait sur les flots
Point gris au milieu d’eaux grises
Comme le carré blanc sur fond blanc
De Kasimir Malevitch, peintre des ombres
Désert dont seul le cri des mouettes
Rappelle qu’il est nautique et mouillant
Fenêtre dans le paysage
Il avance prudemment, mais sans fin
Dans l’eau claire du matin
Sur un ciel dégagé presque blanc
Est-ce un spectre ou une apparition ?
06:46 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
07/09/2011
Qu'est-ce que la poésie ?
Qu’est-ce que la poésie ?
L’art de la métamorphose du réel.
Ce matin, je lisais dans la chambre, tout entier dans la douceur du matin, quand le ciel s’étire de bleu en dansant sur les nuages. Je finissais le livre de Didier Decoin, « Une Anglaise à bicyclette », et je me disais qu’il était bon de n’avoir pas d’heure, aucune obligation et que je pourrais, si je le désirais, rester toute la matinée au lit, sur le lit, couché entre les draps, l’esprit au frais, les pieds dans la douceur. Et tout d’un coup, à l’image évocatrice des fées rencontrées par Emily au cours de sa promenade à bicyclette, j’ai senti l’essence de la poésie monter en moi, s’engouffrer dans ma poitrine comme un ruisseau s’engouffre dans une faille terrestre, en grosses cataractes, dans un bruit inquiétant.
La poésie, c’est faire de tout ce qui est extérieur votre intérieur, en personnalisant par cette transmutation subtile du passage de la frontière chacun des objets, décors, personnages que vous choisissez pour leurs attraits indétectables à d’autres. La casserole qui chauffe sur le feu, la main de l’enfant qui joue à vos pieds, la tenture qui clôt la porte du salon où se cachent les fantômes, jusqu’à votre propre corps dont les extrémités semblent ne plus vous appartenir. Tout cela est devenu vôtre, par la grâce de la poésie, et vous les chérissez non pas d’un amour possessif, mais d’un sentiment doucereux, miel sauvage et agapanthe odoriférante, qui vous conduit dans un autre monde, où les jours ne se comptent plus, où les nuits s’écoulent sans que les heures s’égrènent, où seul le souvenir de ces évocations renforcent en vous le plaisir de vivre.
Cette métamorphose s’accompagne d’une modification de la vue, de l’odorat, de l’ouïe et du toucher, et même du goût. Plus rien ne se vit comme avant. La moindre attention à un objet devient un évènement, un livre, presqu’un monument. Vous y découvrez ce que vous n’aviez jamais vu auparavant : le charme ignoré, la couleur cachée, la froideur glacée et bienfaisante, le son rugueux au toucher et bien d’autres choses encore dont vous ne conservez pas forcément un souvenir intangible. Et cette métamorphose vous enchante, vous fait découvrir un nouvel art de vivre, un décor inédit à vos réflexions, une version originale de votre appréhension de la réalité. Celle-ci devient rêve éveillé, voyage sur un nuage doré, symphonie exubérante, mélange de parfums passés et de touches évanescentes du futur. Et pourtant cette transmutation est celle du présent, variable à chaque seconde, faisant de chaque instant une éternité vécue pleinement, douloureuse comme un enfantement.
Mais, simultanément, la poésie, c’est également faire de tout son intérieur un extérieur à donner à tous. C’est se mettre à nu devant les autres, sans peur ni pudeur. C’est accepter de ne plus avoir d’intimité, de dévoiler sa fragilité. C’est s’ouvrir sans fard et donner à contempler ce que d’autres cachent à tout prix : ce que vous ressentez en vérité, ce que vous vivez réellement, au-delà d’une façade de bon ton que vous avez pris l’habitude de fabriquer quotidiennement. Et ce n’est pas toujours simple. Ça peut même, parfois, être une souffrance qu’il faut vaincre.
Et, soudainement, le charme se rompt, chaque objet reprend sa place habituelle. L’œil redevient clair, les bruits coutumiers. Vous caressez la table qui ne résonne plus, vous goûtez le bout du crayon qui ne sent que le bois. Le monde est revenu, il s’étale devant vous, sans mystère ni peur. Vous êtes dans ce qui est et plus rien ne fait que ce qui est extérieur ne devienne intérieur. Avez-vous rêvé ?
En fait, vous avez retracé la ligne de démarcation entre l’imaginaire et l’identitaire, tout cela parce que vous êtes à nouveau entré dans votre coquille, celle que vous vous êtes fabriqué, l’image que vous vous donnez, à vous et aux autres.
Comment repartir vers les cieux de la poésie ? Guetter ce qui vous touche pour le saisir lorsqu’il arrive et ne plus le lâcher avant de l’avoir exploité. Face à la feuille blanche, vous êtes seul, mais dans un entourage de légendes personnelles.
03:45 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
06/09/2011
Vacances 4 : Port
Horizontal : blanc
Vertical : Gris, noir ou argenté
Partout, des taches rouges et bleues
Renforçant l’enchevêtrement des coques
Quelques pavillons flottent au vent
Et, au centre, les flots, gris, endormis
Bête immobile et doucereuse
Prenant du bon temps, câlinante
Comme il sied à un port abrité.
Au loin, court sur l’horizon
Un chapelet de nuages cotonneux
Hachuré par la forêt de mâts
Et la vie court autour du port
Comme un orage sur la plaine
Bruyante, mouvementée, insensible
A la quiétude des voiliers amarrés
Comme des chevaux de course
Pour le pansage aux murs des écuries
L’eau reflète les couleurs diffuses, mollement
En pâtés marbrés, étirés, ridés
Comme un film à vitesse accélérée
Contrastant avec l’immobilité des monstres
D’acier, effilés comme des aiguilles
Prêts à bondir sur la vague
En ouvrant leur parapluie
07:00 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
05/09/2011
Métaphysique des tubes, roman d’Amélie Nothom
La vie d’Amélie, de un à trois ans. Cela se passe au Japon, mais surtout cela se passe à travers les yeux d’un enfant de cet âge, y compris dès la naissance, une naissance en trois temps.
Premier temps : le rien, pendant deux ans. Et ce rien n’était ni vide ni vague : il n’appelait rien d’autre que lui-même. Ce rien est Dieu, absolue satisfaction. Dieu était Dieu. Il était satiété et éternité…Les seules occupations de Dieu étaient la déglutition, la digestion et, conséquence directe, l’excrétion. […] C’est pourquoi à ce stade de son développement, nous appellerons Dieu le tube. Il y a une métaphysique des tubes. […] Dieu avait la souplesse du tuyau, mais demeurait rigide et inerte, confirmant ainsi sa nature de cube. Il connaissait la sérénité absolue du cylindre. Il filtrait l’univers et ne retenait rien.
Deuxième temps, plus bref, six mois : hurlements et colères. La plante n’est plus une plante ! Dieu se conduisait comme Louis XIV : il ne tolérait pas qu’on dorme s’il ne dormait pas, qu’on mange s’il ne mangeait pas, qu’on marche s’il ne marchait pas et qu’on parle s’il ne parlait pas. Ce dernier point surtout le rendait fou. Découverte du langage.
Troisième temps : deuxième naissance. Ce fut alors qu’elle naquit, à l’âge de deux ans et demi, en février 1970, dans les montagnes du Kansai, un village de Shukugawa, sous les yeux de ma grand-mère paternelle, par la grâce du chocolat blanc. C’est moi ! C’est moi qui vis ! C’est moi qui parle ! Je ne suis pas « il » ni « lui », je suis moi ! […] En me donnant une identité, le chocolat blanc m’avait aussi fourni une mémoire : depuis février 1070, je me souviens de tout. […] Je devins le genre d’enfant dont rêvent les parents : à la fois sage et éveillée, silencieuse et présente, drôle et réfléchie, enthousiaste et métaphysique, obéissante et autonome. […] On commença à m’appeler par un prénom.
Elle se parle peu à peu à elle-même sans vouloir cependant le dire aux autres. Quel mot choisir en premier pour le révéler : maman, puis papa ; mais le troisième fut aspirateur. Elle découvre la mort et en parle avec Nishio-san, sa gouvernante. Elle apprend la haine, celle de Kashima-san, la seconde gouvernante, appartenant à la vieille noblesse japonaise et qui rend tous les blancs responsables de sa destitution. A l’occasion d’une presque noyade, elle parle comme tout le monde d’une voix posée. « Elle parle ! Elle parle comme une impératrice ! », jubile son père.
Chaque chapitre contient une histoire, un petit rien qui fait le charme de ce livre, épisode burlesque ou malheureux. Il y a celui des leçons de chant de nô de son père qui se finit dans les égouts un jour d’inondation, celui des querelles entre les deux gouvernantes, enfin celui des carpes offertes pour son anniversaire et l’étrange comportement de Kashima-san face à son évanouissement et sa nouvelle noyade.
« Ensuite, il ne s’est plus rien passé. » Ainsi se finit le roman d’Amélie Nothomb, à l’âge de trois ans, fin de l’enfance divine des Japonais et Japonaises. Ce n’est en fait pas vraiment un roman, mais pas non plus un livre de souvenirs. C’est un récit plein de vigueur enjouée, de remarques comiques, de profondeurs métaphysiques déguisées sous des pantalonnades. Un livre plein d’esprit, pétillant d’intelligence.
06:40 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman | Imprimer
04/09/2011
Vacances 3 : Entrer dans le rien
Entrer dans le rien, à la surface du miroir,
Quelle tentation ! S’évanouir aux yeux du monde
Et mourir à soi-même : silence et repos.
J’avançais un pied craintif vers l’onde brillante
Et je le regardais passer à l’envers du miroir,
Un doigt de pied, puis un autre jusqu’au pouce.
Plus rien, plus de doigts de pied bleuis.
Une surface bleu vert et le couperet.
Je tire vers l’arrière et retrouve mon pied.
Quel bonheur ! Marcher avec des béquilles ?
Sûrement pas, autant devenir sourd !
Comment disparaît-il et revient-il, ce pied ?
Réessayons. Le pied entier, comme emprisonné.
Je n’ai plus qu’une jambe complète
Seigneur, que faire ? Avance et vois !
L’autre pied, puis les deux tibias,
Envolés, perdus, quelle légèreté !
Il me manque une partie de moi-même ;
Ce n’est pas la plus important, mais tout de même.
Je ne me vois pas revenir en petite voiture !
Alors poursuivons, stoïque, sans hésitation.
Le miroir est toujours semblable à lui-même
Bleu-vert, gris à certains endroits,
Tremblotant légèrement, ondulé en vagues,
Comme une bête mécontente ou frileuse.
Au dessous, un autre monde, inconnu,
Séparé par une ligne ténue, la surface.
On ne peut la toucher. Elle vous méconnaît.
On plonge dans le rien, éperdu,
Et l’on perd conscience, sans consistance,
Redevenu momie, cadavérisé, froid.
Mais qu’il est bon ce monde caramel
Qui fait de vous un glaçon enchanté,
Les poils hérissés au dessus
Un rien de rien au dessous
Comme un oiseau entre l’air et l’eau
Perdu dans un océan de miroirs
Qui ressort libre du trou sans fin
Qui le nourrit gratuitement.
Avançons, encore et toujours, petitement,
Courageusement, à petits pas,
Sans réfléchir aux conséquences désastreuses
Comme par une nuit d’orage : éclair
De convoitise, d’anéantissement, de volupté.
Oui, pourquoi cédais-je à cet attrait
Comme un aimant se dirige vers le nord
Sans hésitation, pour ne rien trouver,
Se noyer à la verticale du point d’orgue
En un sursaut final après un frisson
Et une pensée émue pour ceux qu’on quitte.
Allons, poursuivons, j’entre jusqu’au nombril.
Il disparaît à son tour, happé par la surface
Je n’ai plus mon trou de vie, mais je suis là
Toujours regardant un ciel rayonnant
Qui projette son ombre sur un corps réduit.
Rien ne me manque et pourtant
Je commence à éprouver une certaine gêne,
A l’équivalent d’un éléphant sans trompe
Ou d’un aspirateur bouché qui cherche l’air.
Pourtant, on ne respire pas par l’abdomen ?
Alors continuons, sans penser, sans ressentir.
J’entre les doigts d’une main, puis l’autre,
Je suis démuni et sans défense.
Comment faire, puisque je ne suis plus qu’un torse
Qui dore au soleil et frissonne de froid et de peur.
J’avance encore, je ne sais comment.
Je n’ai plus ni jambes, ni bras,
Je ne suis plus qu’une tête, encore vaillante,
Mais qui s’inquiète malgré tout.
Vais-je retrouver ce corps, certes mécanique,
Mais bien pratique pour explorer la méconnaissance.
La surface s’est rapprochée des yeux, elle luit,
Elle me nargue, scintillante et riante,
Comme un serpent de désir clos, mais tentant.
Je sors une langue bleuie et goûte.
Dieu, cela brûle et enflamme la gorge.
Un feu acide avec des relents de verdure
Un peu de pétrole aussi, pollution oblige.
Non, l’expérience n’est pas concluante.
Alors je ferme mes orifices avec force
Et je poursuis, inexorablement
Avançant vers une mort annoncée.
Çà y est, je suis dans le noir
Les yeux clos, la bouche condamnée.
Plus de remarques possibles,
Plus de pensées proférées, chantées, versifiées.
Plus rien qu’un silence profond, écrasant.
Seuls les cheveux doivent émerger encore
Comme une botte de radis sur un étalage
Entre des pommes de terre et la laitue
Que vous repêchez d’une main ferme
Parce qu’elle reste fraiche et appétissante.
Puis vous sentez le froid vous saisir
Jusqu’en haut du crâne, main de glace
Qui enfonce votre être sans pensée
Dans la poussière fluide et vaine
D’un courant que vous ne ressentez plus.
Mort au monde des images vraies,
Des sons clairs comme les baguettes
Des tambours d’une vie trépidante,
Des odeurs fraiches telles l’enivrant
Parfum d’une femme étendue ou
L’odeur aigre de la cuisson du chou
Ou encore la senteur du bébé repu.
Mort à la vie, naissance à un monde
Où toucher remplace la vue,
Où le froid et le chaud sont indicateurs
De changements dangereux ou bienheureux.
Je vois du bout des doigts, je respire
En vase clos, comme un poisson,
Puisant un air gorgé de rien,
Je magnifie mes sens, étonné
D’apprendre que je vis encore
A moitié, penserons certains,
Différemment dirais-je.
Encore, encore, encore…
Perdu dans l’immensité du miroir
Un corps dérive, les yeux rêveurs,
Un sourire aux lèvres, les bras en croix,
Alangui d’un bonheur sourd
Clos dans sa totalité,
Perdu aux autres,
Loin des siens,
Replié sur lui,
Déconnecté,
Vide,
Rien.
Telle est la vie !
07:00 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
03/09/2011
Fenêtre sur un monde ordonné
Ce matin, l'envie de vous livrer un monde organisé sorti d'une couverture verte m'a traversé l'esprit. Mais comment faire pour que ce monde soit un monde à la fois ordonné et coloré, imprimant dans la rétine une gaité qui ne serait pas factice.
Des mots, des mots, encore des mots. C'est de l'oeil qu'il convient de contempler.
Pardonnez la qualité médiocre de l'image numérique. Elle est meilleure en réalité !
06:43 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, dessin, art cinétique, art numérique, op'art | Imprimer
02/09/2011
Vacances 2 : Plage
Une vraie ruche, un bourdonnement permanent : voix basse des hommes, voix de femmes, piano, cris d’enfants aigus comme le marteau sur une enclume. Monde clos par la forme de la plage, comme une arène où les vagues font la corrida avec les baigneurs apeurés, pendant que chacun des spectateurs devise avec son voisin, couché, accoudé sur un bras, comme pour un diner romain, regardant un horizon lointain couronné d’une couche de nuages gris foncés, puis cendrés, puis blancs, puis le bleu du ciel, éblouissant.
Nonchalance pour certains, étendus comme des morts sur une serviette chaude, les bras en croix, béant au soleil, la poitrine se soulevant cependant en cadence, comme assoiffée d’air. Cogitation pour d’autres, allongés sur le dos, la tête sur leur sac, tenant un journal d’une main et un crayon de l’autre, et, parfois, écrivant le mot cherché et trouvé dans une tête vide, sur la grille à remplir. Par moments, dans une intense réflexion, quelques uns abaissent leur publication, contemplent les flots grisâtres, y puisant une inspiration nouvelle qui permet de noircir une case de plus sur un quadrillage en grande partie vierge.
Intermède : au large, passage d’un yacht blanc, filant à bonne allure, fier de sa vitesse, la flèche des superstructures inclinée vers l’arrière au dessus de la cabine du capitaine qui, elle-même, domine la salle des passagers aux fenêtres que l’on devine plutôt qu’on ne les voit. Le bateau s’évapore derrière le mur du fort, fantôme entraperçu et vite oublié devant l’étendue bleu, grise ou noire selon l’éloignement vers l’horizon.
Diverses sont les formes du corps humain. Enfants rachitiques courant dans le sable un seau à la main, s’essuyant le nez de l’autre. Jeune fille svelte marchant noblement, consciente de son effet, inconsciente du soleil qui darde sa beauté d’une couche de caramel. Vieillard ou presque, sur une chaise pliante, mi-assis, mi-couché, engoncé dans l’épanchement de sa chair luxuriante. Homme, la trentaine, les mains sur les hanches, haranguant sa smala serrée autour de serviettes jaunes, tous vêtus de maillots bleus et hérissés de cheveux d’or. Femme, la cinquantaine, allongée sur un bras fléchi, une jambe repliée, comme une Vénus de Milo fatiguée, mais encore capable de faire illusion.
Plus loin des groupes : joueurs aux raquettes de bois bariolées de couleurs dont on suit les mouvements sans voir la balle voler d’un bras replié, pour se détendre brutalement, au bras allongé, pour atteindre in extrémis l’éclair d’une balle invisible. Seul le son des échanges de coup permet de saisir la partie. Autre groupe : les pêcheurs de coquillages, peu importe lesquels, les fesses en l’air, les mains dans l’eau, draguant le sable boueux jusqu’à tomber sur un corps mort, plus ou moins large, plus ou moins lourd, ce qui permet de déceler s’il s’agit d’un caillou ou d’une coquille appartenant à un petit animal qui, une fois cuit, permettra aux heureux bénéficiaires de mastiquer longuement un appareil caoutchouteux en poussant des cris d’extase et en buvant un verre de vin blanc pour le faire passer.
Les mâts se balancent au gré des vagues, les feuillages scintillent sous une légère brise, les cabines immobiles alignent leur toit encadrant un numéro, des cyclistes passent sur la digue. C’est un jour d’été, calme, plat, reposant, d’ennui ouaté, de clignement des yeux pour s’opposer à la force de la lumière, de pieds enfouis dans le sable chaud que l’on essuie avant de remettre de vagues semelles et repartir, réjoui, soulé de vent et de soleil, heureux, mais ramolli et sans but. Quelle puissance évocatrice d’une civilisation que cette journée !
06:05 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vacances, mer, plage, société | Imprimer
01/09/2011
La vie est ailleurs, roman de Milan Kundera (1973)
Ce livre m’a semblé très beau et profond et, simultanément, ennuyeux et factice.
Certaines pages, certains thèmes utilisés dans le roman sont traités avec délicatesse. Citons, par exemple, le chapitre 8 qui décrit la séduction de la mère de Jaromil par le professeur de dessin de son fils. Ou encore la découverte de la poésie par le corps imaginé de Magda, la petite bonne, au chapitre 10 : « Je suis sous l’eau et les chocs de mon cœur font des cercles à la surface. Ce vers offrait l’image de l’adolescent tremblant devant la porte de la salle de bains […] Ah, mon aquatique amour, disait un autre vers, et Jaromil savait que cet aquatique amour c’était Magda, mais il savait que personnes n’aurait pu la reconnaître derrière ces mots, qu’elle était perdue, invisible, ensevelie […] Cette autonomie du poète offrait à Jaromil un magnifique refuge, la possibilité de rêvée d’une deuxième vie ; il trouva cela si beau qu’il tenta dès le lendemain d’écrire d’autres vers et qu’il s’adonna peu à peu à cette activité. »
Et Jaromil s’invente un personnage, Xavier, à la fois différent, mais en même temps semblable, un personnage entreprenant, mais veule. Mais Jaromil grandit et découvre l’amour avec ses rêves, ses hésitations d’adolescent : « L’idée de la nudité féminine lui donnait le vertige. Mais notons soigneusement cette différence subtile : Il ne désirait pas la nudité d’un corps de jeune fille ; il désirait un visage de jeune fille éclairé par la nudité du corps. » Et il finit par faire la connaissance d’une jeune fille, modeste, étudiante, intéressée par les opinions insolites de Jaromil, à tel point qu’elle le traite de gracieux éphèbe. Après de multiples péripéties, il l’embrasse, ce qui lui permet également d’écrire un poème-récit et d’entrer plus avant dans le domaine de la poésie.
On ne sait comment Jaromil devint révolutionnaire, sans doute l’air du temps et la possibilité d’action : « Mais on ne sait jamais dans l’instant présent si la réalité est le rêve ou si le rêve est réalité : les étudiants qui étaient alignés avec leurs pancartes étaient venus là avec plaisir, mais ils savaient aussi que s’ils n’étaient pas venus ils risquaient d’avoir des ennuis. […] Le cortège défilait à travers les rues et Jaromil marchait à ses côtés ; il était responsable non seulement des mots d’ordre inscrit sur les banderoles, mais des clameurs scandées par ses camarades. […] Il les criait d’une voix forte comme un curé dans une procession et ses camarades les répétaient après lui. » (chapitre 19).
Peu après, il connaît l’amour physique avec une petite vendeuse rousse qui l’emmène chez elle dès le premier jour. Et : « Plus je fais l’amour, plus j’ai envie de faire la révolution, plus je fais la révolution, plus j’ai envie de faire l’amour. »
La cinquième partie est par contre plus laborieuse, malgré quelques passages excellents. Elle aborde le thème de la jalousie : jalousie de sa mère pour l’amie, jalousie de Jaromil pour ceux qui l’on touché avant lui. Après une réflexion désagréable d’un camarade de faculté, « il s’émut à l’idée que son amie portait de vilaines robes bon marché, et il voyait là non seulement le charme de son amie (le charme de la simplicité et de la pauvreté), mais aussi et surtout le charme de son propre amour : il se disait qu’il n’est pas difficile d’aimer quelqu’un de resplendissant, de parfait, d’élégant : cet amour-là n’est qu’un réflexion insignifiant qu’éveille automatiquement en nous le hasard de la beauté ; mais le grand amour désire créer l’être aimé à partir, justement, d’une créature imparfaite qui est une créature d’autant plus humaine qu’elle est imparfaite ». « Un jour […] il lui expliqua que la beauté n’a rien à voir avec l’amour. Il affirma que ce qu’il aimait en elle, c’était tout ce que les autres trouvaient laid ; dans un sorte d’extase, il commença même à énumérer ; il lui dit qu’elle avait de pauvres petits seins tristes avec de gros mamelons ridés qui éveillaient plutôt la pitié que l’enthousiasme : il dit qu’elle avait des taches de rousseur et des cheveux roux et que son corps était maigre et que c’était justement pour çà qu’il l’aimait… » La suite de cette partie est un peu pitoyable : la jalousie de sa mère à la venue chez elle de la petite amie rousse, avec l’épisode des spasmes, la conférence des poètes à l’école de police, le détachement et la trahison de Jaromil envers la jeune fille rousse.
Les cinquième et sixième parties sont quelque peu confuses, malgré de beaux passages. Elles sont conçues différemment du reste, faites de petits chapitres parfois sans suite. Le personnage de Jaromil se confond avec d’autres ou avec lui plus vieux. « Dans ce livre, nous dit Kundera, le temps s’écoule à un rythme inverse du rythme de la vie réelle ; il ralentit. […] Chacun regrette de ne pouvoir vivre d’autres vies que sa seule et unique existence ; vous voudriez, vous aussi, vivre toutes vos virtualités irréalisées, toutes vos vies possibles (ah ! l’inaccessible Xavier !). Notre roman est comme vous. Lui aussi voudrait être à d’autres romans, ceux qu’il aurait pu être et qu’il n’a pas été. »
Certes, je n’ai fait que raconter à ma manière ce roman, sans en avoir extrait le jus des idées en un ordonnancement élaboré. Mais je crois que le livre lui-même est ainsi et que cela est voulu par l’auteur. Toute analyse intellectuelle de ce que Kundera a ou aurait voulu dire n’a que peu d’importance par rapport à ce qui est réellement écrit. Laissons nous guider par ce vent de liberté qui souffle au travers des pages, dans le désordre, avec l’amour et la confiance sans retenue envers l’auteur, jusqu’à adhérer ou rejeter son œuvre.
06:04 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, philosophie, poésie | Imprimer
31/08/2011
Vacances 1 : premier jour
Un coin de jardin où seul un arbre mort pointe ses branchages vers un ciel lourd de nuages, vision d’hiver qui introduit un décalage subtil entre la réalité et ce réveil dans une maison inconnue, mais accueillante. Je sortis du lit, impatient de m’éclaircir l’esprit et de humer un contexte nouveau. Après m’être fait une tasse de café, je m’installais dans le jardin, sous ce ciel nuageux, dans cette atmosphère lourde, ponctuée au loin de quelques grondements de tonnerre diffus.
En sortant je perçus cette odeur spécifique des bords de mer (comme l’odeur propre à chaque être humain lorsque l’on franchit le pas vers une certaine promiscuité), pas réellement des émanations d’iode, trop lourdes et capiteuses pour être appréciées par les gens de l’intérieur, mais plutôt une odeur de poussière-sable chaud-vignes folles-écume des flots. Elle revint à ma mémoire et m’ouvrit les perspectives d’un passé révolu, cris d’enfants, extase des rochers sous lesquels un malheureux crabe se réfugie « Il mord ? », disent-ils, en avançant la main sans jamais aller jusqu’au bout de leur geste. « Prenez-le, prenez-le ! » Alors vous vous lancez dans une entreprise difficile, prendre un crabe par le haut de sa coquille sans vous faire mordre par leurs pattes à pince très mobiles. « Oh, qu’il est beau, on l’emmène », vous disent-ils et vous devez le déposer dans le seau qu’ils ont rempli d’un peu d’eau avec une poigné de sable frais au fond pour lui faire un nid.
Assis dans le jardin, regardant les moutons courir dans le champ du ciel, rêvant sans bien savoir à quoi, simplement préoccupé de respirer cet air vivifiant et chargé de souvenirs, je vis deux tourterelles gris cendrés se poser à deux mètres de moi sur la pelouse, à un endroit où l’herbe manquait par l’usure des piétinements ou par absence de volonté. Elles étaient plus petites que les pigeons des villes, plus menues et fragiles, mais au caractère bien trempé, avançant fièrement et balançant leur cou à chaque pas comme pour approuver leur décision et montrer leur détermination. Dès qu’elles trouvaient une graine ou un petit caillou rond pour broyer celle-ci dans leur estomac, elles se penchaient avec élégance et les saisissaient d’un bec rapide comme une main hâtive s’empresse de saisir un objet convoité. « Comme il est curieux que ces oiseaux n’aient qu’une préoccupation : manger, manger encore, manger toujours ! », me dis-je, sachant que cette affirmation exagérée était quelque peu mensongère. « Ne sommes-nous finalement pas également dépendants de la nourriture, certes de façon moins prononcée, mais c’est un lent cheminement que celui de l’animal à l’homme, très certainement marqué par un certain détachement des besoins primaires du corps pour s’enquérir des questions de l’esprit. Oui, la spécificité de l’homme tient à ce détachement du nécessaire pour s’élever vers d’autres cieux ou d’autres préoccupations. » Et d’un battement d’ailes, les tourterelles prirent leur envol, brisant ces réflexions incongrues un premier matin dans l’île.
Une dernière impression : la tiédeur d’une brise, comme une caresse douce, remontant le long du corps pour s’évanouir plus loin, vous laissant une réaction agréable, mais indéfinissable, de sensations passées et de bonheur diffus. Cette manière de vous caresser lentement, comme une plume sur l’avant-bras, est spécifique à ce lieu. « Ah, ça y est, je suis revenu au pays ! », me dis-je, plongé à nouveau dans l’atmosphère doucereuse de ces journées d’été, où la chaleur crée un bocal de sensations diverses, lascives, ensommeillées et enfantines. C’était la même brise que celle des régates du quinze août, lorsque vers midi, quand la course bat son plein, le vent se calme en un instant et ne laisse plus traîner que quelques souffles pervers et désordonnés pour emporter de quelques mètres le voilier qui s’endort dans les vaguelettes et se laisse déporter par le courant. Alors, à bord, s’installe la torpeur de ces jours de soleil et peu à peu elle se propage par contamination à l’ensemble de l’équipage, jusqu’au moment où le capitaine s’écrie : « Le vent… Il revient, tenez-vous prêts ! »
06:24 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mer, méditation, rêverie | Imprimer
30/08/2011
Loup, je m'appelle
Dédié à un petit garçon qui est fasciné par un prénom inhabituel :
Loup, je m’appelle et carnassier je suis
Où donc mes parents ont-ils pêché ce prénom ?
Pourtant comme il est doux ce nom
Doux comme le hibou, piquant comme le houx
Cela fait de moi un être à part
Qui fait rêver les enfants et les fées
Parce que toujours dans leurs songes
Ils me voient terrifiant et innocent
Je suis l’homme des peurs ancestrales
Qui ouvre au mystère des contes
Où l’animal maudit se délecte de lutins
Pourtant rien ne m’avait prédestiné
A devenir un objet de rêverie
J’avais la tête sur les épaules
Comme tout vivant d’aujourd’hui
Mais ce fut un grand malheur
Le jour où l’on cria au loup
Me rejetant, seul, dans les limbes
Des souvenirs d’enfance à petites peurs
Je suis celui qui sert à l’inventeur d’histoires
Parce qu’il a toujours un événement
A conter, pour provoquer l’hilarité
Ou la crainte ou la pitié ou peut-être
L’indifférence des bien-pensants
Voilà quelle est ma vocation
Devenir l’œil invincible qui lit
Au travers des autres et voit dans leur regard
La curiosité insatiable du pou
Devant le bijou tel un caillou
Ou un joujou sur le genou
Que le hibou viendra saisir
Comme un chou, fleur de la vie
Quel chou de hibou, ce Loup !
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29/08/2011
Paradoxe de la gaité
Paradoxe de la gaité : elle rend triste quand on en a perdu l’objet. La joie n’a plus d’objet particulier. Elle se nourrit de tout. Elle est l’objet.
L’école de la joie est une école de juste milieu.
06:20 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, société | Imprimer
28/08/2011
L'écriture : la parole de Dieu en nous
L’écriture est mystère, mystère de la Parole de Dieu. Elle est mystère parce qu’on ne peut la saisir dans sa totalité et qu’elle possède une multitude de sens. Elle est mystère parce qu’elle est parole vivante qui s’adresse à moi-même, au plus profond de moi-même, à travers les personnages et les événements qu’elle raconte. Elle est mystère enfin parce qu’elle permet l’Incarnation du Verbe au plus profond de chacun de nous s’il accepte de s’ouvrir.
Le mystère des sens de l’écriture
Avez-vous songé aux différents commentaires que vous avez entendus sur un même épisode de la Bible. Chacun d’eux exprimait une certaine vérité contenue dans cet épisode. Mais vous n’avez jamais entendu un commentaire qui épuisait tout ce qui peut être dit sur cet épisode.
Si l’explication de texte telle qu’on apprend à la pratiquer à l’école, en se référant à la biographie de l’auteur, à son milieu, à la civilisation dans laquelle il évoluait, peut apporter des divergences entre les commentateurs, elle n’en aura pas moins une grande base de similitude pour un même texte. En fait l’explication de la Bible va plus loin qu’une simple explication de texte, même si l’exégèse actuelle a tenté de rationaliser l’étude de l’écriture en se référant à diverses méthodes d’analyse : critique historique, analyse structurelle, analyse marxiste même, ou encore psychanalytique. Oui, les commentaires vont au delà, parce que la Bible est plus qu’un simple récit événements historiques qu’un simple traité de sagesse ou même qu’un simple recueil de préceptes moraux tels qu’ont pu en décrire les grecs ou les romains. Ils vont au delà parce que la Bible contient différents sens, les uns apparents, les autres cachés.
Origène (185-253), génie du christianisme naissant, discerne dans l’écriture trois sens. Parce qu’elle est tout entière accordée au salut de l’homme, comme l’homme, elle a :
. un corps, donc un sens corporel qui est l’histoire,
. une âme, donc un sens psychique qui tire une morale,
. un esprit, donc un sens spirituel qui introduit à la mystique.
Pédagogue, il compare l’évangile à une amande :
« L’écorce amère, c’est la lettre qui tue et qu’il faut rejeter. La coque protectrice, c’est l’enseignement éthique, qui suscite, comme un nécessaire chemin d’approfondissement, une ascèse de purification et d’attention. Alors on parvient au noyau spirituel, qui seul compte, et qui nourrit l’âme des mystères de la sagesse divine.
Le premier visage (de l’écriture), celui de la lettre, est assez amère. Il prescrit la circoncision de la chair, règle les sacrifices et tout ce que signifie la lettre qui tue. Rejette tout cela comme l’écorce amère de l’amande.
En second lieu, tu arriveras aux défenses de la coque, qui désigne l’enseignement moral, l’obligation de la maîtrise de soi : ces choses sont nécessaires pour protéger ce qui est conservé à l’intérieur, mais elles doivent être brisées et ont trouvera enfermés et cachés sous ces enveloppes les mystères de la Sagesse et de la connaissance de Dieu qui restaurent et nourrissent les âmes des saints.
A travers toutes les écritures se dessine ce triple mystère.
Origène
9° homélie sur les nombres, 7
Ainsi va se préciser, d’Origène à Cassien et Grégoire le Grand, la doctrine des quatre sens de l’Écriture. Quatre, car le sens moral, souvent déjà chez Origène se dédouble, désignant non seulement l’enseignement ascétique de la Bible, mais la vie du Verbe de Dieu dans l’âme.
On distinguera donc, comme l’a admirablement montré Henri de Lubac dans son « Exégèse médiévale : les quatre sens de l’Écriture », le sens historique ou littéral, le sens allégorique ou typologique, le sens topologique ou moral, le sens anagogique ou mystique. Cette lecture contemplative de la Bible nourrira longtemps, en Occident, une théologie spirituelle qui résistera à la théologie scolastique. »
Olivier Clément
Sources, p.91
Remarquons cependant que cette distinction des quatre sens reste théorique. Origène lui-même suit presque toujours un autre ordre : du fondement historique, il passe au mystère chrétien vu dans toute son ampleur : à l’Église, à l’Évangile éternel. Ensuite, il revient à l’âme individuelle, et le sens moral est alors, lui aussi, spirituel, christologique, ecclésial, sacramentaire.
Disons simplement que l’Écriture derrière le sens premier, apparent, celui de la lettre, qui raconte une histoire, un événement ou donne une leçon de comportement, révèle un deuxième sens, caché, plus profond, celui de l’esprit, esprit du texte au delà des mots bien sûr, mais surtout Esprit de Dieu qui se manifeste.
Dieu est Esprit. Nous devons entendre spirituellement ce que dit l’Esprit. « Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et Vie ».
Origène
Hom. Lev. 4
Percevoir l’esprit du texte, c’est comprendre qu’il s’adresse à moi personnellement. Laisser l’Esprit se manifester, c’est se laisser façonner par la parole qui alors devient vie.
L’Écriture : histoire de Dieu en moi
L’Écriture est bien une histoire, mais c’est une histoire en acte. Elle est mouvement. En fait, lire la Bible, c’est récapituler en soi-même toute l’histoire du salut. C’est comprendre que chaque histoire qui y est racontée, est mon histoire, ou plutôt que chaque histoire est l’histoire de Dieu en moi.
La Bible est l’histoire du développement de la vie spirituelle de tout homme. Je découvre dans la Bible ma propre histoire, celle de mon être profond qui cherche à découvrir la vérité à son sujet et au sujet de son rapport avec Dieu et avec le monde. J’y découvre par là même l’histoire de celui qui, en moi, trahi par ses sens qui lui font croire que la seule réalité est extérieure, exerce sa volonté à lutter contre Dieu, c’est-à-dire contre la perfection qui est en lui. Par histoires répétées, la Bible, et en particulier l’Ancien Testament, décrit le voyage volontaire de l’homme dans l’esclavage, celui qu’il s’impose en choisissant de vivre dans une vision du monde séparée de Dieu.
La Bible conduit donc à la découverte de soi. Elle est l’histoire de ma vie. Histoire de ma vie sur le plan extérieur, c’est-à-dire de mes réactions aux événements, mais aussi histoire de ma vie sur le plan intérieur, c’est-à-dire des différents personnages qui existent en moi, des pensées en permanence engendrées par mon mental et même de mon inconscient. Enfin, elle est histoire de l’esprit qui existe en moi, au delà de toute pensée.
Par la lecture de la Bible, nous découvrons la fausseté de notre vie intérieure. Nous découvrons que ce sont nos pensées qui engendrent notre bonheur ou notre malheur, que c’est notre vie intérieure qui façonne notre vie extérieure et les événements qui nous arrivent. Nous découvrons que le secret de la vie est en nous, dans ce qui se passe dans notre mental.
Tout comme la semence minuscule qui produit une grande plante, la pensée semble insignifiante comparée à l’expérience extérieure qui souvent est exagérée. L’esprit subconscient, médium créatif de la vie, agit par sentiment, et il est dépourvu du sens de l’humour. Il reçoit, tel un ordinateur, ce qui lui est donné et se met à l’œuvre pour produire ses effets semblables aux semences-pensées qui lui sont données.
Cette semence plantée dans l’esprit va germer et porter ses fruits, nourrie par la quantité de sentiments qui l’accompagnent. Je ne puis pas plus vous dire comment cela se fait, que je ne puis, en ouvrant une graine, y voir la force-vie. Je sais seulement qu’elle est là et que la loi de la vie travaille sans cesse à reproduire la semence implantée dans me terrain créatif de l’esprit.
Jack Ensign Addington
Les mystères de la Bible
(Ed; du Dauphin p. 19)
07:04 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, bible, religion | Imprimer
27/08/2011
Le soleil éclairait la nuit d’encre
Le soleil éclairait la nuit d’encre
Des mâts de la mer indivisible
Au creux des rochers sanglants
Se perdent ses rayons d’enluminure
Les pins s’échappent vers l’azur léger
Où les mouettes blanches épanchent leur griserie
Les vagues dorment au sein des terres
Alourdies par la pesanteur de l’homme
Les toits gris d’ardoise des maisons
Oublient leur blancheur de sel et de vent
Pour blêmir dans la brume des soleils trop vivants
Qui couvrent les herbes de tiédeur morose
La fin des matins sur la mer
Pointe son triste clocher de pierre
Une cloche sonne, puis deux, puis trois,
Auxquelles répondent les coups sourds
Du travail des eaux sur les coques de bois
06:05 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
26/08/2011
Une femme douce, film de Robert Bresson
Voir :
http://www.youtube.com/watch?v=68350YcASZo
http://www.youtube.com/watch?v=TlQMeqr6zrA&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=tRP1Ud_wVTk&feature=related
http://comediennes.org/video/dominique-sanda-une-femme-douce-robert-bresson
L’histoire est simple : un homme achète une jeune étudiante et en fait sa femme. Mais ils n’ont rien à se dire. Il croit qu’elle le trompe, elle pense à le tuer. Ils en viennent à faire chambre à part. Elle s’envole par la fenêtre et se tue.
Inspiré du récit de Dostoïevski, transposé à notre époque, le film recèle la même atmosphère oppressante et froide. Ce malaise, fait de dégout et de gène, donne parfois envie de sortir de la salle. Rien ne vient distraire le réalisme du récit : images du regard quotidien, sans poésie, sans artifices sentimentaux, le film en devient même un peu sec, trop journalistique et ne pénètre pas l’âme des personnages, si ce n’est par les faits racontés par le prêteur à gages.
Est-il possible d’aimer ainsi sans aucune manifestation extérieure, même envers l’être aimé ? Pas un signe, pas une parole, pas un geste (si ce n’est ceux de l’amour charnel), seule une attention matérielle sur les objets qui l’entourent.
L’amour ne s’achète pas, même avec les meilleures intentions.
06:59 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, film, art et essai | Imprimer
25/08/2011
Grandeur et misère de l’homme
L’homme, dans la contemplation intérieure de son propre corps, peut accéder à la compréhension de sa grandeur et de sa misère.
Il peut saisir sa grandeur par le fait que son corps est un univers à lui seul, qu’il constitue un tout indépendant par son physique et sa pensée du reste du monde. Mais cette vision le mène à la compréhension de sa misère par le fait même que tout serait néant sans le monde.
L’homme est l’exact intermédiaire entre le néant et l’infini et, par cela, il est partagé entre le bien et le mal. Il est heureux pour lui que Dieu n’est pas permis qu’il ait connaissance de ce qu’est le néant et l’infini, car seule cette méconnaissance lui permet de vivre.
La difficulté d’être ne vient qu’avec l’intuition de ces deux extrêmes. Cette difficulté est un premier pas vers l’accomplissement. Mais quel chemin à parcourir.
06:56 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, religion, accomplissement | Imprimer
24/08/2011
Ennemonde et autres caractères, de Jean Giono
Une fois encore, et dans le même ravissement, Giono nous fait pénétrer dans ce monde métaphysique de la Haute Provence, là où les routes font prudemment le tour du pays, où un homme doit faire dix kilomètres à pied pour rencontrer un autre homme. Terre primitive, très proche de la virginité, elle nourrit l’homme de sa solitude et l’oblige à se conformer à elle.
Les personnages sont des figures de légende, d’Ennemonde à Honoré, en passant par Clef des cœurs et bien d’autres. Ils vivent dans une métaphysique concrète où tout est poussé à l’extrême. L’amour dans ce pays est une nécessité biologique ou une folie éternelle.
Giono écrit : « Cette façon de procéder réaliste semble au premier abord mal s’accorder avec le fait qu’ils habitent un pays où la vie ne subsiste qu’avec une constante alimentation d’irréalité. Mais c’est que la réalité poussée à l’extrême rejoint précisément l’irréalité. Aller droit aux choses, c’est accepter leur magie ».
06:13 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature | Imprimer
23/08/2011
Jacky Terrasson et Michel Portal à l’amphi jazz (7/7)
http://jazznrockcommunay.blogspot.com/2010/10/michel-portal-jacky-terrasson-lamphi.html
Pour accéder au morceau décrit, joué au piano par Jacky Terrasson et à l’accordéon par Michel Portal, allez directement à la fin du premier morceau. Vous verrez apparaître les sept improvisations proposées, choisissez le 7/7.
Quelle belle promenade dans l’imaginaire, une promenade de sons et de souvenirs, comme une chanson qui vous trotte dans la tête et dont on ne peut se débarrasser. Et vous marchez, vous marchez, sans discontinuer, vers un avenir inconnu, mais plaisant, fait de paillettes et d’arbres de Noël.
Et pourtant, au-delà de ces impressions échevelées, on perçoit une telle intensité d’expression et de mélancolie que l’on se penche sur un passé défunt et qu’immanquablement remontent en vous les souvenirs de jours pluvieux, où vous êtes parti vous libérer l’esprit dans une ville inconnue que vous découvrez au fil des pas, un peu glauque, mais si nouvelle, tellement fraîche, que vous en sortez rasséréné, repu, le cœur en fête.
Promenade indolente, tu m’as fait du bien, en remuant des souvenirs oubliés, comme on soulève la poussière dans un grenier alors que l’on tente de retrouver les vieilles photos, fanées, de jours d’enfance, quand la vie riait dans les yeux innocents que vous aviez.
Mais si vous avez le temps et que cette musique vous enchante, vous pouvez aussi écouter le 6/7 et les autres. Ce sont des moments de bonheur.
05:57 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, jazz | Imprimer
22/08/2011
Le geste plein d'espoir
Le geste plein d’espoir
Nous avancions sur la grève rocailleuse
Entre l’air et l’eau, vers le ciel et la mer
Accompagnés des cris hostiles des oiseaux
Nous trébuchions sur le sol visqueux
Et tes pieds nus s’enfonçaient dans le granit
Nous devions ensemble tirer dessus
Pour les ressortir gris et poisseux
Et je les essuyais avant de repartir
Le ciel était descendu sur l’horizon
Jusqu’à toucher nos fronts de sa voute poussiéreuse
Et nous nous courbions un peu plus sur la pierre
Escaladant avec peine de grosses roches gluantes
Qui gémissaient à l’atteinte de nos ongles crispés
Ta main parfois m’enserrait la taille
Je goûtais la morsure de tes doigts sur ma chair
Qui faisait tressaillir les muscles
Nous marchions depuis le matin, sans nourriture
La langue sèche, l’œil fiévreux
Et le soir ne voulait pas tomber
Où d’ailleurs aurions-nous pu nous étendre ?
06:07 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
21/08/2011
L'opération
Lumière et transparence. La simple humilité des gestes pour un malade. Ce qui est essentiel : la lumière, les instruments, la table, l’opérée, la volonté du chirurgien.
Un sujet amusant, dessiné en quelques instants, qui mêle le psychisme au physique. Qui est le plus fou : la malade ou le chirurgien ?
05:03 Publié dans 24. Créations dessins | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer