18/04/2012
Notre vocation humaine (suite du 7 mars)
Le mystère de la vie et de la mort met en avant le rôle de la vocation humaine de chaque homme. Cette réalisation de notre vocation humaine est différente pour chacun, puisque chaque être est unique. Mais elle procède du même esprit pour tous.
En effet, l’existence se vit sous deux aspects :
Un aspect extérieur, notre vie visible par les autres, qui couvre notre activité professionnelle, notre vie familiale, nos responsabilités sociales, lorsqu’on est jeune, c’est cet aspect qui nous semble le plus important. A travers lui, on cherche à changer le monde. Il est source de satisfaction, de joie, d’instant de bonheur même, mais on y trouve aussi difficultés, soucis, peines.
Puis, un jour vient où l’on comprend que réaliser sa vocation d’homme est infiniment plus subtile, que cela dépend moins de ce qui nous arrive que de la manière dont on l’appréhende et dont on le vit. Alors, on accepte le monde, on accepte notre condition d’homme et on commence à s’y réaliser. On ne voit pas seulement ses défauts, mais aussi sa beauté. On entre en harmonie avec lui.
Réaliser sa vocation humaine, c’est entrer en harmonie avec les autres, tous les autres, et non seulement avec ceux pour lesquels nous avons de la sympathie. C’est entrer en harmonie avec soi-même. Alors se révèle l’harmonie profonde : l’homme fait l’expérience du divin. C’est donc le sens que l’on donne à sa vie qui permet d’accepter la mort.
07:37 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, spiritualité, art de vivre | Imprimer
17/04/2012
Le sumo qui ne pouvait pas grossir, roman d'Eric-Emmanuel Schmitt
Il est maigre, long, plat et il vend des produits de contrebande sur le trottoir. En passant devant lui, shomintsu s'exclame : "Je vois un gros en toi." Chaque jour, il le lui répète. Il finit même par lui offrir un billet pour assister à un combat de sumo. La première fois, il le déchire. La seconde, il y va, pour voir. Et il est conquis : "Je ne pouvais pas mépriser des individus qui dévouent leur vie au combat, qui sculptent leur corps, qui prouvent autant d'ingénuité que de force ?" Il entre dans l'école de Shomintsu, une des meilleures.
Il y rencontre la soeur de son champion qui, un jour, bondit sur lui et lui annonce : "Un jour je me marierai avec toi! Il l'oublie, préoccupé à grossir, ce qui n'arrive pas.Alors il va voir son maître et lui annonce sa démission. Celui-ci le fait parler. Il raconte sa vie, sa mère qui ne l'aime pas, son père qui s'est suicidé.Plus tard, son maître lui explique :
- Tu dois être là et pas là en même temps. Toi et pas toi. Tu dois te hisser au dessus de toi et ton adversaire pour englober la situation en ayant l'intuition de l'acte adéquat.
- Comment parvient-on à cela ?
- Par la méditation. En obtenant le vide en soi.
- Désespérant: avant il n'y avait pas de gros en moi; maintenant que le gros arrive, il n'y a plus de vide.
Comme il n'arrive pas à méditer, son maître l'emmène dans un jardin zen. "C'est alors que l'expérience se produisit... ça tournait en moi... Une force s'introduisit, me gonfla, me porta, me souleva. Mon corps éclata avec volupté, abandonna ses limites et ma peau qui se déchirait partit flotter, en plusieurs morceaux épars, disjoints, au dessus du jardin... Le jardin avait cédé la place à un jardin invisible qui dégageait une énergie bienfaisante... Je m'étais quitté, j'étais le vide au dessus de moi, le vide, ce vide qui est le vrai centre du monde."
Il a maintenant confiance en lui. Il sort avec la soeur du champion, mais lui annonce qu'il ne veut pas d'enfant. Comme elle insiste, il la quitte. Il gagne la plupart de ses compétitions. Il retourne voir son maître et lui donne à nouveau sa démission. Celui-ci lui explique qu'il fait parti de sa famille et qu'il s'est donné pour mission de veiller sur lui. Il lui apprend la maladie de sa mère, une malformation cardiaque qui la rend trop gentille, trop optimiste :
-Alors c'est normal qu'elle ne soit pas normale? - Voilà. - Donc moi je suis normal de trouver ça anormal? - Voilà - Finalement il est normal qu'elle ait une conduite anormale, et normal que moi je ne le supporte pas ? - Voilà. - Donc quoique anormaux tous les deux à cause de la situation, nous sommes normaux tous les deux.
Rassuré, il se précipite chez sa petite amie et, posant sa main sur son beau ventre plat, il lui dit, les yeux dans les yeux : "Je vois la grosse en toi."
Eric-Emmanuel Schmitt possède l'art de donner une leçon de vie à partir d'une situation de rien. Le récit n'est que le support de ce qui se cache derrière, une compréhension de la vie et la recherche d'un accomplissement que ses héros finissent par trouver en eux-mêmes, simplement. Il nous conduit à une compréhension profonde des mécanismes du vrai bonheur, au delà des fatras habituels, au plus profond de l'être. Dans cette histoire de sumo, c'est la méditation zen qui est l'épicentre du récit. Dans chacun de ses livres, il explore la sagesse d'autres religions, pour mettre en évidence les points communs, très simples, que sont les rapports entre l'homme et le cosmos, au delà de toute religion.
Merci à l'auteur, pour ces plongées dans la finalité de l'homme d'une manière insolite, simple et humaine.
07:11 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, écriture | Imprimer
16/04/2012
Michel Portal & Bernard Lubat improvisent
http://www.youtube.com/watch?v=8HV1rYH0B7Y&feature=re...
Cela commence en farce, une inspiration d'un autre monde, des résonances et des bruits qui progressivement prennent forme. Et brusquement, la construction d'un ensemble dont on ne sait ce qu'il va devenir. Cela éclate, comme la naissance d'une fleur, la mise en valeur de sa robe, de ses couleurs, de la diversité de son intimité. C'est une course échevelée, mais harmonieuse, martelée par le piano.
Retour au calme, accords dissonants, trilles complexes, jeu de mains, un amusement somptueux de sons, de silences, de cris pourrait-on dire. Et pourtant, c'est beau, c'est mystérieux, cela donne la chair de poule, on marche sur des oeufs. Nous voici dans la chambre des soupirs, des murmures, des insinuations, des mots doux parfois. Et cela enfle, grossit très vite en cris incontrôlés, comme dans une bacchanale infernale avant de redevenir un langage entre analphabètes, puis une nouvelle course dans une foule immense. Arrêt, recherche, fin. Où est le début, où est la fin ? On ne sait, mais l'on reste émerveillé devant cet art des sons qui passent du bruit à la musique sans à coup, l'incorporant dans un schéma d'improvisation insolite, mais très prenant.
Le fil directeur : mystère et danse des sonorités. Quel enchantement et dépaysement !
07:08 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, jazz, improvisation | Imprimer
15/04/2012
Comment cesser de voir
Comment cesser de voir à travers l’écran des eaux
Dans l’arbre effeuillé, l’enfant malhabile, l’oiseau grelottant
La forme de tes mains aux caresses apaisantes
Comment cesser de voir quand l’âme se dénude
Ce qui rend l’air léger et d’autres fois plus lourd
Ce qui fait au soleil une robe de deuil
Ou à l’horizon une ceinture d’argent
Un regard encore et l’enfant joue
Une pensée peut-être pour réchauffer l’oiseau
Un geste de la main pour pouvoir sourire
Est-il possible de perdre cette joie enivrante
D’ignorer à nouveau l’intuition de ton existence
Qui se décuple au-delà de ta présence passive
Jusqu’à éclairer le paysage de mon écriture
07:50 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème | Imprimer
14/04/2012
La cité universitaire, à Paris
Un après-midi à la cité universitaire est comme un air de jeunesse intemporel, une plongée dans un monde cosmopolite que le printemps fait sortir de ses chambres et se rependre sur les pelouses, se donnant à de nombreuses activités physiques comme le ballon, à la main ou au pied, mais aussi plus insolites, des batailles collectives à grands coups d’épée aux lames de caoutchouc, orchestrées par une arbitre autoritaire.
Drôle d’idée que de vouloir se promener dans un tel lieu ! Mais les maisons vues de la rue vous incitent à entrer. En premier lieu, la fondation Deutsch de la Meurthe, premier ensemble construit en 1923 dans le style anglais d’Oxford. On envie ceux qui y vivent, cela semble tellement décalé par rapport au logement habituel des étudiants à Paris, que l’on se demande comment ont fait les petits veinards qui ont réussi à se loger là. C’est un rendez-vous familial, bon enfant, où tous profitent du soleil, qui en maillot, exposé sur la pelouse, qui, les pieds nus, mais la tête couverte, qui, accompagnée d’un enfant endormi dans sa poussette. Oui, c’est bien l’Angleterre que l’on entrevoit là, telle qu’on l’imagine, parlant la langue de Shakespeare ou encore un vieux français très stylé. Mais ce n’est pas le cas.
Abandonnant ce morceau de la perfide Albion, vous arrivez devant un bâtiment qui semble allemand, mais c’est la maison du Canada. Il est pratique et la vie y semble agréable, mais on ne peut dire qu’il est beau. Cependant si vous faites le tour, l’autre façade est malgré tout bien équilibrée.
Plus loin la fondation Argentine, imposante, disposant d’un parterre qui lui donne un air de propriété privée dans une petite ville de province.
Puis après la maison internationale, centre de la cité, le long d’une avenue campagnarde, on croise le collège franco-britannique qui n’est pas aussi gentry que la fondation Deutsche de la Meurthe, mais qui est malgré tout imposante et d’un style plus moderne, mais bien britannique. La fondation des Etats-Unis compte 267 chambres et un grand salon décoré de fresques évoquant l’histoire des arts français à travers l’histoire.
Le Colegio de España est une institution rattachée au Gouvernement espagnol qui ouvrit ses portes en 1935. En mai 68, le collège fut occupé, ce qui permit au gouvernement de Franco de le fermer. Il ne fut rouvert qu’en1987. Il a une certaine classe en raison de ses quatre tours entourant le bâtiment qui lui donnent un air de majesté insolite.
La maison du Japon a été créée en 1927 et est entourée de très petits jardins à la japonaise, une butte avec un cerisier en fleur et quelques rochers et devant les baies une eau stagnante et un peu sale entourée de quelques arbustes taillés zen et de galets veillant sur ce paradis.
La maison des étudiants suédois est également assez remarquable, évoquant un manoir du XVIIIe siècle, auxquels certains éléments comme les fenêtres aux volets bleus placées à la mode suédoise donnent une touche « nordique ».
Certes, je n’ai pas nommé tous les bâtiments, mais on ne peut s’intéresser à tous, d’autant que certains ne sont en rien topiques.
Alors pour finir une petite promenade au-delà des maisons, sur le campus ouvert et herbeux aux vues sur l’église de Montrouge. Quel farniente empli de discussion, de sieste et de piquenique ! Belle journée en un lieu parisien décalé, mais sympathique.
08:10 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : photo, europe, nature | Imprimer
13/04/2012
Deuxième méditation sur la beauté, de François Cheng
François Cheng pose la question importante : « L’univers n’est pas obligé d’être beau, mais il est beau ; cela signifierait-il quelque chose pour nous ? »
Oui, l’univers et les êtres qui l’habitent sont beaux. Alors se pose la question suivante : « Cette beauté naturelle que nous observons, est-elle une qualité originelle, intrinsèque à l’univers qui se fait, ou résulte-t-elle d’un hasard, d’un accident ? »
Ne cherchons pas à trancher entre la thèse du hasard et de la nécessité et une thèse plus inspirante. Observons simplement que notre sens du sacré ne vient pas seulement du vrai, mais également du beau, c’est-à-dire de quelque chose qui frappe par son énigmatique splendeur, qui éblouit et subjugue. L’univers est plus qu’une donnée, il se révèle un don invitant à la reconnaissance et la célébration.
La beauté est quelque chose de virtuellement là, depuis toujours là, un désir qui jaillit de l’intérieur des êtres ou de l’Etre, telle une fontaine inépuisable qui, plus que figure anonyme et isolée, se manifeste comme présence rayonnante et reliante, laquelle incite à l’acquiescement, à l’interaction, à la transfiguration.
La beauté appelle à une autre vie que l’on peut vivre pleinement dès ici-bas. Consacrons du temps à côtoyer la beauté, quelle qu’elle soit. Laissons-nous nous emplir de beauté, cela nous aidera à vivre sans pour autant nous voiler la face devant le malheur.
07:07 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, méditation, sagesse, accomplissement | Imprimer
12/04/2012
Le fait du prince, roman d’Amélie Nothomb
Panne informatique hier, plus rien sur la machine. Quelle engeance ! Mais dans le même temps, cela a du bon, car je prends du recul. Mais le recul est-il une preuve de sagesse ? Alors entre recul et réponse d'urgence, agissons du mieux possible !
Si un invité meurt inopinément chez vous, ne prévenez pas la police. Appelez un taxi et dites-lui de vous conduire à l’hôpital avec cet ami qui a un malaise. Le décès sera constaté en arrivant aux urgences et pourrez assurer, témoin à l’appui, que l’individu a trépassé en chemin. Moyennant quoi, on vous fichera la paix.
Amélie Nothomb a le don en un paragraphe au début de chacun de ses livres de dresser l’identité de celui-ci. Là, il s’agit de la prise de personnalité de quelqu’un qui est venu mourir chez le narrateur. Il passe ainsi de Monsieur Baptiste Bordave à Monsieur Olaf Sildur et il va progressivement s’installer chez lui où loge déjà une jeune femme. Et l’histoire conte cette prise de possession jusqu’au moment où Sigrid, c’est le nom de la jeune femme, comprend et participe à cette prise de possession, elle devient la femme de Bordave-Sildur.
Le livre se finit ainsi :
Certains matins d’hiver, Sigrid me demandait de la conduire jusqu’au cercle polaire. Il fallait rouler plus d’un jour et traverser la frontière norvégienne jusqu’à la côte. Parfois la mer avait gelé, les îles n’étaient plus des îles, on les gagnait à pied sec.
Sigrid contemplait interminablement la blancheur et je croyais savoir à quoi elle pensait. Pour moi, ce blanc était celui de la page vierge que j’avais conquise.
Comme il s’agit d’une romancière d’un certain renom, on entame le livre avec appétit, puis l’on poursuit en se disant que cela va démarrer, jusqu’à ce que l’on arrive au trois quart du roman, alors on plonge vers la fin, sans grand espoir d’un meilleur que ce que nous avons déjà lu. Du début à la fin, on erre dans un désert inhumain de rencontre d’êtres humains qui se jouent une comédie sans intérêt. Quel ennui et quelle perte de temps. Certes, l’auteur est toujours aussi diserte dans ses dialogues, parfois pince sans rire, mais beaucoup plus rarement que dans ses livres concernant sa jeunesse. En conclusion, le livre pourrait se résumer à leur première rencontre :
– Elle but d’un trait. Quand elle eut fini sa flûte, je crus que ses yeux avaient doublé de volume.
– Le champagne est si froid que les bulles ont durci, dit-elle. On a l’impression de boire de la poussière de diamants.
Malheureusement, ce n’est que de la poussière et non de véritables diamants !
14:15 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, nothomb | Imprimer
10/04/2012
Savoir et connaissance
Introduire une distinction entre savoir et connaissance n’est pas fortuit. Les progrès accomplis dans les sciences cognitives et les outils d’appréhension du réel imposent une meilleure définition des étapes situées entre l’information et la décision.
Le savoir découle naturellement de l’appris, c’est-à-dire de l’accumulation d’informations dans la mémoire individuelle ou collective. Il représente la faculté de conserver et de faire revenir à la pensée des informations acquises par l’apprentissage ou par l’expérience vécue. Le savoir est donc un capital que l’on enrichit plus ou moins selon notre faculté à utiliser et à solliciter notre mémoire. Ces informations sont particulièrement variées : savoir de la société appris par l’enseignement, savoir-faire acquis par expérience, savoir raisonner grâce à l’apprentissage de méthodes, savoir penser par l’utilisation des autres savoirs.
Le savoir produit une grille générale d’interprétation du monde (pattern), synthèse des savoirs à un moment donné. Cette interprétation est particulièrement utile pour agir en réaction face à un événement. Elle permet d’éviter une prise de décision trop longue et difficile. Elle permet également de conduire des tâches sans mobiliser l’ensemble des ressources de l’intelligence et surtout sans que l’on soit obligé de conduire le processus décisionnel dans son ensemble. Cependant cette grille d’interprétation est figée. Elle n’évolue qu’en fonction des expériences nouvelles qui nécessitent de mettre en œuvre un stade plus élevé de la cognition : la connaissance.
Le concept de connaissance se situe au-delà du savoir. Connaître (co-naître) signifie « naître avec », c’est-à-dire dépasser le savoir intellectuel ou le savoir-faire pour entrer en connaissance (faire connaissance et non avoir des idées sur). Le but de la connaissance est la compréhension. On peut en effet tout savoir sur une chose, mais ne pas la comprendre. La connaissance est donc liée à un contexte, un lieu, un moment. Lorsque ce contexte évolue, la connaissance que l’on en a, si elle n’évolue pas elle-même, devient un nouveau savoir. La compréhension est perdue. La connaissance est donc le produit de l’interaction permanente et volontairement active entre le contexte et le savoir que l’on possède. Elle est compréhension par actualisation permanente et en temps réel des situations et des actions. Elle s’effectue par les représentations qui créent un pont entre savoir et connaissance.
Rappelons que les anglo-saxons distinguent bien les deux termes, même si le mot knowledge désigne en même temps savoir et connaissance. Le mot understanding, qui signifie littéralement entendement, intelligence, compréhension, est en effet utilisé lorsqu’il faut différencier la fonction de savoir (l’acquis) de la fonction de connaissance au sens de compréhension.
07:31 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, philosophie | Imprimer
09/04/2012
Emergence
Surgissant du fond des âges et de l'univers, les premiers indices d'organisation, car l'organisation c'est relier.
On n'en devine pas l'importance, on ne fait que constater cette apparition d'une structure différente, motivée par une intention propre, bien qu'encore ignorante de son propre développement.
(linogravure exécutée il y a déjà pas mal de temps!)
05:47 Publié dans 25. Création gravures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art pictural, fravure, dessin, peinture, abstrait | Imprimer
08/04/2012
Pâque, quel feu !
Hier, nous avons fait un feu. Trop de végétation à brûler et un vent apparemment favorable ! Et pourtant, cet amas de feuilles et de branches enchevêtrées, trempé des condensations de l’hiver allait-il prendre ? Petite fumée sans consistance, encore plus petite flamme, sans espérance, vide de sa chaleur. Un souffle et elle s’éteint. Renoncer, ce n’est pas raisonnable de croire qu’un feu peut jaillir de ce tas de feuillages morts. Nous continuons à nous activer dans le jardin, comme toujours au début du printemps, pensant, mais est-ce si sûr, que nos efforts seront récompensés par la mise en valeur de la beauté de la nature offert sur quelques mètres carrés. Couper, gratter, retourner, égaliser, planter des fleurs à peine sorties pour le plaisir des yeux, quel programme passionnant. Tout à coup une épaisse fumée s’échappe de l’amas, comme un ballon, envahissant nos gorges et nous piquant le regard. Le feu se développait lentement sous la couverture apparemment froide et suintante et montrait sa volonté d’être à côté de la froideur de l’air pour nous accompagner dans nos peines.
Le soir venu, après avoir tenté tout l'après-midi d’activer ce feu qui prenait difficilement, nous avons quitté le jardin en dispersant suffisamment végétation et branches pour qu’il ne puisse reprendre vie. Il mourrait de sa belle mort, faute de combustible. Retour à la tombée de la nuit pour constater que rien ne permettait de penser à une résurgence des flammes. Quelques coups de fourche pour écarter deux ou trois branches non calcinées et départ vers une chambre accueillante.
L’autre moitié de moi-même, parce qu’elle perçoit au-delà de mes propres perceptions, fait le même mouvement mental : où en est le feu ? Et tout à coup, alors qu’elle se dirige derrière le pavillon où est installé le rond où l’on entasse la végétation infernale parce que profuse, elle voit s’élever des flammes de deux mètres de haut, un véritable déchaînement des forces du feu qui ronflait à grands renforts de grondements et d’étincelles.
Il est vraiment ressuscité : Improvisation à l’orgue d’Eric Dalest, titulaire des Grandes orgues historiques de Saint-Sauveur d'Aubagne depuis 1996 et concertiste international.
http://www.youtube.com/watch?v=u0PuTaE9IFw
Un feu dans la nuit, voici l’inconnu
Le tout autre, l’inconnaissable
Personne ne l’attendait, il surgit
Et impose sa lumière au monde
Celui qui a tout donné
Et qui est mort abandonné de tous
Il revient comme un feu
Un feu développé dans les cœurs
D’humains tournant sur eux-mêmes
Et ce feu détruit tout, soucis,
Inquiétudes, interrogations
Pour ne laisser qu’une absence joyeuse
Un vide plein, une résurgence
Au-delà de l’avenir
Uchronie, mondes parallèles
Où toute autre hypothèse ?
Non, rien n’explique cela
Il ne faut pas chercher d’explications
Mais se laisser prendre
Par cette immense espérance
Car l’esprit humain est dépassé
Comment dire la Pâque
Sinon en exprimant notre incompréhension
Devant ce feu en nous
Qui couve et nous renouvelle !
06:20 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pâque, christianisme, résurrection, accomplissement | Imprimer
07/04/2012
L’idiot de Shanghai, nouvelle de Pierre Péju
C’est une histoire à la chinoise, incompréhensible et impossible, mais qui est belle à lire et à méditer. Un homme de lettres est envoyé en Chine pour donner aux lecteurs d’un journal ses premières impressions sur l’évolution de la Chine. Tout est prévu à l’avance et il est accompagné d’une jeune fille, dénommé Lala, accompagnatrice qui le noie d’explications et l’emmène dans tous les lieux importants. Et toujours, toujours : « Avez-vous commencé à écrire vos impressions ? » Traversant un musée consacré à la peinture chinoise traditionnelle, il remarque une feuille de papier de riz représentant un paysage à peine esquissé, peint à l’encre de Chine. Il est magnifique et l’un des deux personnages représentés le ravit, huit virgules noires, tel un idiot poursuivi par une averse d’idéogrammes. Il était l’idiot de la montagne et l’auteur l’idiot de Shanghai.
Il ne souhaite plus qu’une chose avant son départ, rencontrer la dame de Shanghai, promesse faite à une douanière, qui doit lui donner un cadeau à ramener à Paris. Celle-ci, belle, élégante, sort pour lui remettre ce cadeau lorsqu’une immense bousculade les oblige à fuir la maison. Un jeune enfant lui remet une robe noire, couverte d’idéogrammes.
Voulant lire une adresse sur une carte de visite, il s’aperçoit qu’il ne sait plus lire. Il arrive à grand peine à sortir de Chine en utilisant des stratagèmes pour se faire expliquer pancartes et papiers à remplir. Arrivé en France, la douanière l’intercepte et prend la robe qui devait contenir des informations importantes sur les trafics entre l’Europe et la Chine. L’interprète éclate de rire, elle ne contient qu’un vieux conte chinois racontant l’histoire d’un lettré et d’un enfant inculte qui grimpent sur une montagne. Arrivé en haut, le lettré jette un à un les livres dans le vide au grand désespoir du tout jeune homme : « Tous ces classiques ! La parole des sages ! Jetés dans le vide ! » Le vieux lettré se met à rire. L’enfant tremble comme une feuille. Alors le vieillard prend un livre au hasard dans le lourd fardeau de son jeune compagnon. Toutes les pages sont vierges… Blancheur et silence…
L’histoire en elle-même semble assez creuse. Elle l’est. Peu d’intrigues, encore moins de dialogues, oui, des descriptions tout de même, mais pas quoi faire une véritable histoire digne d’être écrite. Et pourtant, tel un conte chinois, derrière l’apparente sobriété de l’écriture, on soupçonne, on devine la grandeur, l’immensité et le mystère de la ville de Shanghai. Cette nouvelle est belle par ce qui n’est pas dit : toute la psychologie de la Chine perçue dans l’absence de lettres et de mots et qui n’est décrite qu’au travers d’événements minuscules qui arrive à un européen perdu dans ce monde étrange de l’Extrême-Orient.
07:08 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, nouvelle, culture, civilisation | Imprimer
06/04/2012
Un vendredi comme les autres ?
Le non être dans sa grotte de pierre
Il repose, arraché du bois
Il n’est plus rien
Face à la puissance du monde
L’inconnu existe-t-il ?
Une petite poignée croit en lui
Ceux qui le côtoyaient
Ils sont abasourdis
Comment cet homme,
La bonté même,
L’amour incarné,
A-t-il pu mourir comme un voleur ?
Nombreux sont ceux qui moururent
De la veulerie des hommes
Des innocents accusés
Les cœurs purs souillés
Dans le froid du regard des autres
Le doigt tendu de l’infamie
Crie sur celui qui ne dit rien
Et il se sent abandonné
Il ne sait plus à quoi sert sa vie
Pourquoi m’as-tu abandonné ?
Pourtant, envers et contre tous
Il avait suivi son inclinaison
Vide de l’homme passé,
Empli d’espoir vivant,
Il avait marché sur les idées
Et s’était confronté
Aux certitudes sans expérience
Et le voici, mort dans la pierre
Reposant dans un linceul
Va-t-il lui aussi être oublié ?
La foudre est tombée
La pluie s’est déchaînée
Il n’est plus
Son sourire s’est dilué
Dans les hués de l’ignorance
Ses membres se sont tordus
Devant les accusations inconsistantes
Et ses yeux se sont fermés
Sur le seul trésor qu’il possède encore
L’absence de haine et de rancœur
Mais cela suffit-il ?
Il se donne tout entier
Et en se donnant, de rien
Il devient tout
Et pourtant, n’est-il pas mort ?
04:49 Publié dans 42. Créations poèmes, 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : spiritualité, poésie, poème | Imprimer
05/04/2012
Alessandro Striggio: Missa sopra "Ecco si Beato Giorno"
Le contre-ténor Dominique Visse, le chef d'orchestre Hervé Niquet et l'ensemble du Concert Spirituel redonnent vie à l'oeuvre d'Alessandro Striggio «Missa sopra ecco si beato giorno», sommet de l'art du contrepoint prébaroque, jamais donnée en concert en France depuis 1566.
http://www.youtube.com/watch?v=6OppWKYl_Ak&feature=relmfu
Le 21 août 1561, le compositeur Alessandro Striggio, au service de la cour de Florence, écrit au duc de Mantoue, Guillaume Gonzague : « Je viens juste de composer une musique à 40 voix sur des paroles écrites en l’honneur de votre mariage. Une telle chose pour un si grand nombre n’a jamais été entendue jusqu’à aujourd’hui ».
Cette œuvre a été enfouie pendant plus de quatre siècles dans les archives de la bibliothèque Nationale de France.
Après avoir écouté la magnifique interprétation du Concert Spirituel, regardez, si le cœur vous en dit, le film diffusé par France 2 le mardi 3 avril sur l’aventure de sa reconstitution :
http://www.pluzz.fr/au-clair-de-la-lune-2012-04-03-00h35.html
Une véritable forêt musicale ! Chaque arbre en cache un autre, chaque voix laisse percevoir une autre voix qui apporte elle-même une densité émouvante à l’ensemble de la texture du chant. Certains vous diront que c’est ennuyeux au possible. Oui, cela peut confiner à l’endormissement, mais quel merveilleux rêve il fait faire, aux portes du ciel, dans la cathédrale des sons et des silences divins.
07:13 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, baroque, messe, choeur | Imprimer
04/04/2012
C’était un monde nouveau
C’était un monde nouveau
Après une absence de deux semaines
Ce jardin connu de l’hiver
Est devenu un inconnu
C’est une entité épanouie
Presque délurée
Qui donne à l’homme
L'image de sa renaissance
Tout s’accomplit intérieurement
Comme une métamorphose
Subtile et créatrice
Qui courre entre les pierres
Et leur donne la brillance
Des jours de fête
Pourtant lorsque je touche
Les feuilles entassées
Par un vent turbulent
Et qu’elles s’égouttent
De pure moiteur sordide
Je respire encore
L’odeur de l’hiver
Noble, mais désuète
Mais aujourd’hui,
Dans la chaleur alanguie
D’un premier jour de printemps
Tout ceci n’est plus qu’un rêve
Un passé achevé et raide
Qui pend au bout d’un fil
Au fond du jardin
Sous les arbres de l’enceinte
Réjouissance, illumination,
Comme un bol d’air miraculeux
Qui courre au sommet du crâne
Et parcourt la tête
En frissons bienveillants
Grisés d’inconsistance
Je laisse s’échapper les cris
D’enfants heureux et sans souci
Jouons au retour de l’année
Qui reprend sa danse effrénée
Qui emplit la sève de tremblements
Et fait naître aux branches
Les festons gris, puis verts
De plumets encanaillés
Alors reposé et reconnaissant
Je vais dans ce jardin nouveau
A la rencontre du temps
Pour reconnaître encore
Ce cycle indéfini
De la naissance de la vie
05:41 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, littérature, écriture | Imprimer
02/04/2012
Prendre le temps
« Je peux résoudre n’importe quel problème, si je suis prêt à prendre le temps. »
Avons-nous un instant songé à notre utilisation du temps ? Quelles sont les occupations pour lesquelles nous prenons du temps et quelles sont celles pour lesquelles nous n’arrivons pas à consacrer du temps ? En faire la liste serait déjà une bonne avancée à la résolution de ce problème que nous ignorons probablement. En fait nous verrons très vite que cela est lié à l’attention que nous portons à telle ou telle occupation : j’aime faire telle chose, je n’aime pas faire telle chose. Alors nous maquillons notre vision des choses : je n’ai pas le temps de faire ce qui m’ennuie parce que j’ai tellement de choses intéressantes à faire.
Le temps s’écoule de manière différente selon ce que nous faisons et cela est lié à l’intérêt que nous y portons. Nous prétextons n’avoir pas le temps de réparer tel robinet qui fuit parce que cela nous embête d’avoir à chercher les outils, à aller acheter un joint et à perdre du temps à le démonter et changer ce qui doit être changer. Même si nous ne sommes pas bricoleurs, nous sommes tous capables de faire ce genre de travaux. Mais évidemment, cela nous ennuie, alors nous prétextons que nous n’avons pas le temps.
C’est le plus souvent pour cette raison que la plupart des gens, en situation de crise, recherche immédiatement une solution plutôt que de s’intéresser au « pourquoi cela ne marche pas ? » Ils veulent tout de suite trouver la solution parce que cette crise les ennuie et dérange leur quotidien.
Devant un problème simple, mais qui ne nous intéresse pas, nous avons tendance à penser : « Cela me dépasse ! », alors qu’en fait nous refusons d’y consacrer du temps. Les artistes, les savants et toute personne qui se consacre de manière exceptionnelle à une tâche qui paraît complexe, y arrivent parce qu’ils y passent du temps, beaucoup de temps, plus que la plupart des gens acceptent de le faire.
Alors acceptons de perdre du temps à des choses qui nous semblent sans intérêt, nous y gagnerons en ouverture d’esprit et en efficacité.
07:49 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, psychologie, réalisation de soi | Imprimer
01/04/2012
Les Rameaux : la réunion des contraires
La liturgie de ce jour réunit deux épisodes de la vie du Christ :
. l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem : entrée réservée aux rois et aux héros ;
. sa passion : récit de son arrestation, de son procès et de sa crucifixion.
Contraste saisissant : la même foule acclame, puis conspue le même homme, ou encore, le même homme est glorifié, puis méprisé par la même foule. Ce contraste illogique, terriblement illogique pour notre raison, est le propre des contrastes de la vie spirituelle : abaissement et élévation, souffrance et joie, absence et présence de Dieu.
Un très beau texte de Saint Paul, lu ce jour-là, résume tout le mystère de la vie du Christ :
« Le Christ-Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu. Mais au contraire, il se dépouilla de lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à en mourir au dessus de tout. »
Le Christ se dépouilla de lui-même : traduction du verbe grec ekenosen qui signifie « se dépouiller, se vider, s’évider ». Idée d’un plein qui devient réceptacle, d’une forme qui, se suffisant à elle-même, se transforme pour n’avoir de signification que par ce qu’elle peut contenir. C’est l’image du calice, d’un bol. Totalement dépouillé, évidé, le Christ épouse l’univers, le glorifie en se glorifiant, le rend divin. En lui, s’opère la réunion des contraires : l’univers et Dieu, la matière et l’Esprit.
09:14 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, spiritualité, liturgie | Imprimer
31/03/2012
Convergence et divergence
Dessin fait dans la fièvre combinant une construction convergent vers le centre sortant d’une construction divergente, émergeant elle-même d’un vide spatial.
Elle traverse notre vision et s’en va…
07:19 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art cinétique, op'art, dessin, peinture | Imprimer
30/03/2012
Silence. Rien d’autre que le silence…
Silence. Rien d’autre que le silence…
Il est sans fin, il vous prend à la gorge
C’est vrai, il y a la nuit, indivisible
Et pourtant dans cet instant qui se prolonge
Il y a des pauses, des phases, des élans
Et là, nous sommes entre deux
La nuit des noctambules s’achève
La fatigue en venant à bout
La nuit des travailleurs matinaux
N’a pas encore commencé sa ronde absurde
Le temps est suspendu, inerte
Et j’erre dans ce silence magnifique
Comme dans un palais de glace
Regardant les miroirs étincelants
Qui cliquettent d’épanouissants pincements
Je flâne entre ces murs symétriques
De la mémoire des bruits oubliés
Entre deux, coupure du son
Abaissement de la tension
Je flotte dans l’absence
J’ouvre les yeux sur le vide
Je goûte l’insaisissable déficience
De sensations habituelles :
Le grattement de la peau sur le drap
La toux d’un voisin endormi
L’égrainage des heures à l’horloge
Le craquement d’un meuble fatigué
L’imperceptible ronronnement
Du frigidaire, repu et obèse
Le cri d’un enfant dans la nuit
Oui, ce silence devient pesant
Est-il possible qu’il n’y ait rien
Que tous ces bruits du souvenir
Ne soient qu’invention diserte ?
Quel sommeil dans cette aphasie
Je ne peux fermer l’œil
A défaut de fermer les oreilles
Tout à coup, retournement
Elle se réveille, me regarde
M’adresse une parole aimable
Comment ? Que dis-tu ?
Toujours ce silence éternel
Ah, oui ! bien sûr,
Retire ses boules chatoyantes
Que tu portes aux oreilles
Et moi qui croyais
A l’éternel silence
D’une nuit blafarde
Au fin fond de l’océan
Mais, non…
Tu n’entends pas cette absence
Rien n’obture ton ouïe
Cette syncope est bien réelle
Ne viens pas troubler l’écoute des yeux
Dans le noir impalpable
Je respire l’ombre endolorie
Des mémoires revenues
De nuits sans lune
Et de jour sans amour
07:11 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, écriture, littérature | Imprimer
29/03/2012
Etude N°5 pour piano, dite Toccata, d'Unsuk Chin, joué par Mei Yi Foo
http://www.youtube.com/watch?v=9vqiq81TVw4&feature=related
Impression : nous sommes dans un grenier, dehors, il fait frais et il pleut. Peu à peu, les ardoises du toit, disjointes, laissent tomber des gouttes d’eau sur le parquet, en plusieurs endroits. Cela commence doucement. Mais très vite, la pluie étant violente, cela devient une véritable fuite qui s’écoule sur le parquet, entraînant la poussière. Tout cela se fait non pas dans l’obscurité, mais sous un soleil qui contredit le fait de l’ondée. Il fait danser la poussière, en fait naître des étincelles d’argent, et l’eau s’écoule toujours du toit en bouillonnement. Deux cascades qui se répondent, s’épaulent, font preuve d’audace, l’une permanente, jouée par la main droite, l’autre plus faible, mais aux gouttes plus virulentes, jouée par la main gauche.
La beauté de l’étude tient à cet équilibre constant entre les deux mains, la main droite, contrairement à l’habitude, apporte l’accompagnement, la main gauche jouant la voix de soliste, tantôt au dessus de l’accompagnement, tantôt au dessous. Mais peut-on réellement parler de voix soliste ? Ce sont des éclatements de sons, parfaitement rythmés avec l’accompagnement, qui tournent autour du Sol, s’en éloignent, y reviennent. Et tout cela donne une musique sereine, quasi diaphane, peut-être en raison de l’absence d’accords. Tout est dans la succession des notes et le rythme propre des deux mains. In fine, tout cela se fond dans un ruisseau de sons qui s'écoulent en toute liberté.
Il faut reconnaître que Mei Yi Foo joue de manière exceptionnelle, avec une sensibilité qui n’est surement pas évidente pour ce style de musique pianistique. Avouons également que la composition d’Unsuk Chin est très difficile à jouer. Alors quel bonheur de constater ce mariage entre l’art de la composition et l’élégance du jeu. Pas d’harmonie, peu d’euphonie (beauté de la mélodie, au sens classique du terme), mais une maîtrise de l’eurythmie (qualité des sons successivement émis, considérés comme agréables à entendre), celle-ci s’entendant comme la beauté qui résulte de la combinaison harmonieuse des sons, des lignes, des mouvements. D’une manière plus générale, elle désigne la beauté des proportions, du rapport des parties entre elles et avec l'ensemble.
Unsuk Chin, née en 1961 à Séoul, est une compositrice sud-coréenne de musique classique européenne, qui vit à Berlin. Elle a étudié la composition à l'université nationale de Séoul avec Sukhi Kang, puis à Hambourg avec György Ligeti ; l'enseignement de celui-ci a fortement contribué à la définition de son propre style, beaucoup plus que l'influence coréenne qu'elle nie. Alors qu'elle était encore étudiante auprès de Ligeti, elle reçut en 1985 l'International Gaudeamus Competition for Composers. Elle emploie des instruments traditionnels aussi bien qu'électroniques dans ses œuvres. Selon ses propres mots, "la virtuosité [la] fascine".
From Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Unsuk_Chin
07:27 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, piano, contemporain, corée | Imprimer
28/03/2012
Ian Davenport, peintre
A la galerie Hopkins (2 avenue Matignon 75008), on trouve quelques belles toiles de Ian Davenport.
Elles sont colorées au-delà de tout ce que l’on peut rêver. Chaque toile porte le nom d’une couleur qui est sa dominante. Le regard se noie dans ses lignes qui effacent toute pensée, mais qui laisse une impression de beauté sauvage, malgré l’ordonnancement impeccable des trainées de couleurs. Car il s’agit bien de trainées. Les toiles sont peintes debout. La peinture est déposée en utilisant une seringue industrielle qui laisse couler la peinture acrylique le long de panneau d’aluminium ou d’acier inoxydable. « Je domine la matière liquide, je me sers de la couleur et j’essaie de réunir ces différents éléments en une chorégraphie. Le processus exige une grande rigueur interne, mais le hasard y aussi sa place ».
Sur quoi joue-t-il ? Le choix des couleurs et de leur juxtaposition, la largeur des lignes, le fond de la toile qui donne le plus souvent la dominante, et, enfin, la gravité et le jeu du poids de la peinture qui, au bas du tableau, est invitée à manifester sa puissance par des inclinaisons volontaires données au support, ce qui n’apparaît pas dans ce premier tableau, mais est agrandi dans celui-ci.
La peinture est brillante et laisse se refléter le spectateur. C’est un processus méthodique qui permet l’exploitation de la couleur qui est à la fois prisonnière de la méthode, mais libre de se propager, in fine, où bon lui semble, mais de manière ordonnée.
Faisant partie du groupe Young British Artists, il expose en 1988 avec Damien Hirst (voir article du samedi 10 mars). Il reçoit le prix Turner en 1991. Il dénomme son procédé « Puddle Paintings », c’est-à-dire peinture en flaques, évoquant ainsi le bas de la plupart de ses tableaux.
On peut cependant s’interroger sur le produit : un seul procédé utilisé, qui tient plus de l’esthétisme décoratif que de la véritable peinture dès l’instant où il est reproduit à répétition et vendu à de nombreux exemplaires. A-t-il d’autres idées ? Peut-être, mais à coup sûr, celle-ci a prévalu et est la seule retenue. Même phénomène que pour Damien Hirst : j’exploite l’idée jusqu’au bout parce que je n’en ai pas d’autres ! Mais cette idée est meilleure que celle de Damien Hirst, qui lui vend mieux. Histoire de marketing malheureusement.
06:49 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : peinture, abstrait, tachisme | Imprimer
27/03/2012
Le jardin du Panthéon bouddhique
Il se situe avenue d’Iéna, à deux pas du musée Guimet dont l’immeuble est une annexe.
C’est bruyant. Il y a deux écoles à côté et c’est l’heure de la sortie des classes. Mais dans ce jardin minuscule, au plus 25 x 25 m, quelle paix. On est dans un autre monde, et ce monde, je l’ai pour moi tout seul. Après un premier tour de reconnaissance, je m’assieds au pied des marches du perron. Il y a là une colline, toute petite, une bosse au plus, sur laquelle se tient le salon de thé, un simple pavillon de style japonais. Il tient au moins un tiers du jardin. On y monte par des dalles de pierre disjointes, de simples rochers formant des marches.
Dans l’autre partie l’eau coule par escaliers, entre les rochers, les ponts de bois, parmi les îlots de verdure, dont, bien sûr, les bambous ramassés en petites, très petites, forêts.
Le jardin contient tout ce que contient normalement un jardin japonais : la lanterne traditionnellement en pierre, de petits arbustes, les rochers évidemment, choisis avec soin pour leur forme et leur taille, de petits chemin de
terre avec des passe-pieds en pierre, le bassin d’eau recouvert de pierre de gué, sorte de pas dans la partie supérieure, les galets entassés, et de ponts de bois enchevêtrés avant l’étendue lisse d’une mare qui ne fait pas deux mètres sur deux. Les arbres sont en partie taillés pour laisser passer le regard et donner une impression de légèreté authentiqu
e. Il manque cependant une chose, le sable ou le gravier parfaitement ratissé en arrondis savants et reposant pour l’œil.
Contrairement au jardin occidentaux et en particulier français, le principe d’asymétrie domine. Il donne des points de vue différents selon la place du spectateur, augmentant ainsi l’espace. Les jardins japonais idéalisent la nature en la miniaturisant. Heureusement d’ailleurs, par ce que celui-ci est un jardin de poche. Mais n’est-ce pas merveilleux déjà de disposer d’un tel lieu dans Paris ?
De l’intérieur du musée, bouddha, dans sa majesté, médite et veille sur le jardin, assis sur sa fleur de lotus.
06:58 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nature, jardin, bouddhisme, spiritualité | Imprimer
26/03/2012
Délectation, tel est le mot, ambiguë
Délectation, tel est le mot, ambiguë
Et tu ries de ce vocable imaginaire
Qui court dans ta tête et tes pieds
Retour sur toi-même, en creux
Là où rien ne t’atteint, sans faiblesse
Tu attends l’horizon vide des étendues d’eau
Tu baigne dans la fange de leurs pourtours
Et pourtant, que dis-tu du dialogue
Entre l’inconnue, charmante et vive
Et le jeune homme altier et disert ?
Ils dégagent l’impression d’un passé
Révolu, sans concession, mal défini
Et courent ensemble vers les fontaines
De l’innocence et de la pompe
Rien ne sera jamais comme avant
Nous avons perdu la consistance
D’impressions diverses et subtiles
Voici ce qu’il reste d’un après-midi
Où les volets fragiles et fermés
Sur le passé ressasse le présent
Boite immesurable et pauvre
De sensations promises, vite effacées.
L’avenir a-t-il une raison d’être ?
06:43 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème, écriture | Imprimer
25/03/2012
De calvaire en calvaire (2ème partie)
Cette croix incite au départ, départ mystique vers la lumière, que même la fée électricité suit. Elle semble s’y noyer. Un panneau indique la direction, pour que personne ne se trompe. On y va, malgré les ronces, malgré l’éloignement et la hauteur. Quelle incitation au voyage ! Mais c’est un voyage particulier, on part très loin, en restant sur place. On frémit dans la lumière, on se laisse illuminer, on est ébloui, mais on avance, lentement, veillé par la croix réparatrice. On avance, on avance, et l’on sait où l’on va, enfin !
Le calvaire du prisonnier. La vierge enfermée derrière son grillage, lui-même cloué sur le bois de la croix. Elle se tient là, dans le bois évidé, les mains ouvertes, prisonnière de cette croix qui fut également pour elle un calvaire. Elle semble un jouet enfoui dans un morceau de bois mal équarri, tenu grâce aux fils de fer. C’est une image quasi enfantine, mais l’enfance n’est-elle pas la porte de l’innocence, comme ce ciel qui l’entoure et lui donne le vertige. On croirait qu’elle va tomber sur sa droite et l’on voit le nuage défiler de droite à gauche et emmener nos soucis loin de sa présence.
Une croix pattée, croix dont les bras sont étroits au niveau du centre et larges à la périphérie, sur lesquels rayonne la lumière divine qui, elle-même, est représentée par un globe cerclé. Ce n’est pas vraiment une croix celtique, mais plutôt une croix nimbée. Ses bras triangulaires se referment sur eux-mêmes et l’on passe de l’horizontalité croisée avec la verticalité, symbole de la transcendance, au cercle maternel, symbole de l’immanence. Elle paraît forte, bien assise sur sa colonne de pierre, mais a un curieux air étranger, teuton ou romain. Elle protège la prairie, symbole terrien de par sa solidité, mais aussi symbole de propriété marquant sa possession sur cette terre nourricière.
Quelle croix impressionnante ! C’est une croix de consécration, nommée croix de répétition ou croix allemande. Que fait-elle dans ce pays ? Elle s’impose dans un enclos fermé, environnée de branchages, dressant ses bras vers le ciel limpide, montrant sa force, défensive, solide comme le roc. Sa colonne l’adoucit, passant d’arêtes anguleuses à la rotondité simple, comme si cette force impressionnante naissait du cercle féminin qui s’érige vers le ciel. Quel beau symbole : de la complexité naît la simplicité !
Curieux mélange. Une croix inspirée de l’ordre du Temple (croix pattée) ou, peut-être une croix tréflée ou croix de Saint Maurice qui refusa de tuer les chrétiens d’une ville des Alpes et qui devint, avec sa légion, martyre. En voici le récit fait par Saint Eucher, évêque de Lyon de 435 à 449 : « Il y avait à cette époque une légion de soldats, de 6 500 hommes, qu'on appelait les Thébains (…) Comme bien d'autres soldats, ils reçurent l'ordre d'arrêter des chrétiens. Ils furent toutefois les seuls qui osèrent refuser d'obéir. Lorsque cela fut rapporté à Maximien, (…), il entra dans une terrible colère. Il donna l'ordre de passer au fil de l'épée un homme sur dix de la légion, afin d'inculquer aux autres le respect de ses ordres. Les survivants, contraints de poursuivre la persécution des chrétiens, persistèrent dans leur refus. Maximien entra dans une colère plus grande encore et fit à nouveau exécuter un homme sur dix. Ceux qui restaient devaient encore accomplir l'odieux travail de persécution. Mais les soldats s'encouragèrent mutuellement à demeurer inflexibles. Celui qui incitait le plus à rester fidèle à sa foi, c'était saint Maurice qui, d'après la tradition, commandait la légion. Secondé par deux officiers, Exupère et Candide, il encourageait chacun de ses exhortations. Maximien comprit que leur cœur resterait fermement attaché à la foi du Christ, il abandonna tout espoir de les faire changer d'avis. Il donna alors l'ordre de les exécuter tous. Ainsi furent-ils tous ensemble passés au fil de l'épée. Ils déposèrent les armes sans discussion ni résistance, se livrèrent aux persécuteurs et tendirent le cou aux bourreaux. »
Enfin, une croix des chouans qui marque la limite paroissiale et devenue, en raison de sa solitude éloignée de toute habitation,lieu de rendez-vous des royalistes. Elle constituait également un lieu de dévotion avec une tablette encastrée à hauteur des mains pour y déposer une offrande. Elle se dresse comme un gardien, à la croisée des chemins champêtres, monumentale dans son piédestal, croix pattée également, mais simple, sans fioriture, pure de tout désir : une vraie croix de Malte. Elle semble dire : « Entrez dans la paroisse, mais sous le regard de Dieu. Si vos pensées sont mauvaises, prenez garde ! » Et ce chemin bordé d’arbres est une montée vers le paradis qui se trouve derrière ce ciel d’azur, dans la froideur d’une neige persistant encore dans les creux.
06:42 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, poésie, nature, art, philosophie, spiritualité | Imprimer
24/03/2012
Les amants du Spoutnik, roman d’Haruki Murakami
Au printemps de sa vingt-deuxième année, Sumire tomba amoureuse pour la première fois de sa vie. Cet amour aussi dévastateur qu’une tornade dans une vaste plaine ravagea tout sur son passage, lançant des choses dans les airs, les réduisant en menus morceaux, les écrabouillant sans ménagement. (…) L’objet de cet amour absolument mémorable était marié, avait dix-sept ans de plus que Sumire et, surtout, était une femme. C’est de là que partit toute cette histoire, et là aussi qu’elle s’acheva (ou presque).
Ainsi commence l’histoire de Sumire, une jeune fille indécrottablement romantique, doublée d’une cynique et d’une têtue. Mais c’est aussi l’histoire du narrateur qui est amoureux de Sumire. Et c’est également, forcément, l’histoire de Miu, la femme fatale, toujours vêtue avec une rare élégance et conduisant une jaguar bleu marine de douze cylindres.
Sumire avait décidé d’écrire et s’était installée dans un petit appartement où elle s’efforçait de réaliser une œuvre complète en y mettant sa passion intérieure. Mais elle n’était pas prête. Il lui manquait l’alliance entre la fiction et le monde, que seule une cérémonie magique peut apporter, par exemple, comme le lui suggéra son ami, asperger sa porte du sang d’un chien. Alors elle décide, sur la demande de Miu, de travailler pour elle. Elles deviennent amies et Miu l’emmène en Grèce pour lui servir de secrétaire. Quelques temps plus tard, le narrateur reçoit un coup de téléphone de Miu : Sumire a disparu, pouvez-vous venir ?
Alors il entreprend le voyage et débarque dans l’île où il fait connaissance de Miu. Au cours des jours suivants, elle lui raconte les journées avec Sumire et la nuit où Sumire tenta de lui dire son amour. Mais Miu la repousse et lui explique la raison de ses cheveux blancs comme neige. Sumire retourne dans sa chambre et, le lendemain matin, a disparu. Miu et le narrateur auront beau tout faire pour retrouver Sumire, elle s’est évanouie. Il finit par retourner au Japon, seul. Il retrouve ses habitudes, sa maîtresse, avec laquelle il rompt. Un jour, il croise Miu en voiture, qui passe telle une coquille vide, comme si la chaleur de la vie avait disparu de sa personne.
Cependant, un jour, le téléphone se mit à sonner :
– Je suis de retour, déclara la voix de Sumire, très sereine, très réelle. Je suis passée par des périodes difficiles, mais j’ai fini par rentrer. On pourrait dire ça aussi pour résumer l’Odyssée d’Homère en mois de cinquante caractères.
– C’est bien, dis-je.
– C’et bien ? Qu’est-ce que çà veut dire ? J’ai sué sang et eau, traversé des milliers d’épreuves pour revenir jusqu’ici, et toi, tu ne trouves que ça à dire : c’est bien ? Pour un peu, j’en pleurerais ! (…)
–J’avais vraiment envie de te voir, tu sais.
– Moi aussi. C’est quand j’ai cessé de le faire que je l’ai compris. J’ai compris que j’avais besoin de toi. Tu fais parti de moi et moi de toi. Vois-tu, je crois que quelque part, dans un lieu très improbable, j’ai tranché la gorge de je ne sais quel animal. J’ai aiguisé mon couteau et je l’ai fait, avec un cœur de pierre. Symboliquement, comme pour bâtir une porte chinoise. Tu comprends ce que je dis ?
Comme d’habitude, l’auteur navigue entre un réel très concret, plein de détails de tous les jours, et des pensées, des sentiments, voire des faits, insolites, inexplicables et qu’il ne cherche pas à expliquer. Cet équilibre entre les deux aspects de la vie telle que la voit Murakami fait le charme discret du livre, sans que l’on sache exactement d’où il vient. On le ferme et l’on se demande si c’est beau. On se dit : c’est tout ? Mais lorsqu’on y repense, on découvre, sans pouvoir le comprendre, qu’une fois de plus Murakami, par une poésie qui ne dit pas son nom, a réussi à charmer ses lecteurs. Mais ils ne savent pas exactement pourquoi ils sont charmés.
07:35 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, japon, réalisme | Imprimer
23/03/2012
Agnus Dei de Samuel Barber, The Choir of New College, Oxford, Direction Edward Higginbottom.
http://www.youtube.com/watch?v=TFJ4hN7vxWo
Bien qu’originellement cette pièce fût écrite pour orchestre, elle n’en est pas moins profondément spirituelle. Et elle le reste jusqu’à la fin. Une première note soutenue, puis un accompagnement sur une seule note, et une lente montée de trois notes, qui se répète deux fois ensuite en repartant de la note du milieu. Une merveilleuse montée vers le ciel qui se suspend dans un silence avant de reprendre dans un mouvement quasi descendant, puis qui ondule comme une vague. Oui, nous pouvons supplier Dieu, mais déjà il nous répond dans ce mouvement lent et majestueux. On s’envole, le nez au vent, dans les nuages de la vie, les contournant, les ensorcelant, pour une lente montée de l’être vers la lumière.
Et le thème reprend, avec une envolée plus impressionnante vers l’altitude, comme un cri de détresse, mais sans rancœur. Les hommes reprennent le thème des trois notes, les voix féminines accompagnent cette nouvelle version, la bercent, jusqu’à ce qu’elles reprennent le dessus, dans un entremêlement des voix au rythme toujours serein, mais plus poignant. Un temps de silence et la relance dans la sérénité après une brève introduction, les voix de femmes reprennent le thème des trois notes et les voix d’hommes magnifient la montée puissante vers les cieux pour finirent, ensemble, dans un calme absolu.
C’est une promenade du cœur vers son origine, dans la paix, dans une confiance illimitée, dans une harmonie sereine. Quel chant merveilleux et reposant. On se laisserait endormir. Oui, c’est vrai, il ne correspond pas vraiment à l’esprit d’un Agnus Dei. Il est trop près du ciel, trop emprunt déjà les félicités entrevues, alors que l’Agnus est une supplication, un grincement de dents devant les difficultés de la vie et la faiblesse de l’homme face au monde. On peut comprendre cette ambivalence. Le thème n’a pas été écrit directement pour un chœur dans l’esprit d’un chant liturgique. Il a d’abord été annoncé dans le second mouvement de son quatuor à cordes en si mineur, puis arrangé pour orchestre à cordes sous le nom d’Adagio for strings, sur une suggestion d’Arturo Toscanini. Ce fut un succès considérable qui ne doit cependant pas occulter le reste de l’œuvre de Samuel Barber.
L’interprétation pour orchestre de Rostropovitch, bien que l’enregistrement ne soit pas au top, est magnifique :
http://www.youtube.com/watch?v=iFAOamuXfUE&feature=related
Il ya aussi une version, sans doute un peu plus mièvre, mais également très belle, plus ensorcelante par son calme expressif et sa douce quiétude. Mais on ne sait qui la joue :
http://www.youtube.com/watch?v=GNLtvAcQMIk&feature=related
Cette pièce est à rapprocher du quatrième mouvement « Adagietto » de la symphonie N°5 de Gustav Mahler : même calme, même envolée, au moins pendant la première partie du mouvement.
07:01 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, classique, néo-romantisme | Imprimer
22/03/2012
Exposition Aleksi Gallen-Kallela, au musée d’Orsay
Imatra en hiver, peint en 1885
Le mouvement de l’eau en contraste avec l’immobilité de la neige. Les flots jaunes et sales bourdonnent en écume violente grâce aux petits coups de pinceau qui font éclater les bulles d’eau et d’air. La neige n’est pas sereine non plus. Elle épouse les lignes et les formes de matière, tourmentées en fond de tableau, plus paisibles au premier plan.
Au loin, dans le brouillard, on distingue un pont, passage de l'impassibilité à l’agitation, comme si la neige était elle-même en ébullition, l’eau mordant sans cesse sur la rive et transmettant sa folie à l’inertie des flocons agglomérés, les faisant entrer dans sa danse de fin du monde.
Que s’en dégage-t-il ? Le froid réchauffé par le mouvement des flots, un bouillonnement permanent face au calme silencieux des molécules neigeuses et un entre deux anxieux, incertain de son avenir, le tout noyé sous un brouillard qui occulte la vallée. Une atmosphère de cataclysme, dans l’irréalité.
Le lac Keitel, peint en 1905
Vu à quatre ou cinq mètres, un lac quasi sans ride occupe presque tout l’espace de la toile. Au fond, la forêt, puis la montagne. Quelle belle étendue, calme et immobile, toute en reflets. Si l’on s’approche, tout change. Ce sont des traits qui semblent abstraits, de gris en horizontal et de blanc en vertical. On voit de gros pâtés de couleurs. Et pourtant, comme il est tendre et harmonieux vu de plus loin.
Orante, peint en 1894
Aucune photographie sur Internet concernant ce tableau. Et pourtant, il est beau, d’une beauté intime, soulignée par les taches rouges du sol qui contrastent avec la délicatesse de la très jeune fille nue levant les bras et regardant le ciel. Elle est plus dessinée que réellement peinte. Le sol est fait de trainées rouges vifs, comme si elle se trouvait sur un volcan. Le ciel est illuminé de jaune, les rayons semblant sortir de son visage. Elle est belle d’innocence, de simplicité et de candeur.
Certes, ces trois tableaux ne donnent aucune idée de l’œuvre de Gallen-Kallela et des différentes périodes de sa vie de peintre. L’exposition met en évidence l’évolution de sa peinture. De très belles toiles, passant de portraits bourgeois aux scènes de vie campagnarde en Finlande, aux paysages de son pays, pour ensuite se tourner vers un symbolisme flamboyant, dont le tableau Orante. L'exposition présente aussi les surprenantes fresques exécutées par l'artiste, d’un style tout neuf, en illustration de l'épopée nationale du Kalevala et une très étonnante série de tableaux réalisés en Afrique.
Akseli Gallen-Kallela de son vrai nom Axel Waldemar Gallén (né le 26 avril 1865 à Pori, en Finlande, et mort le 7 mars 1931 à Stockholm, en Suède) est un peintre et graveur finlandais de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Il fut l'un des artistes finlandais les plus connus internationalement. Son œuvre est associée aux styles Nationaliste romantique, symboliste et Réaliste.
(From : http://fr.wikipedia.org/wiki/Akseli_Gallen-Kallela)
06:51 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, dessin, romantisme, symbolisme, réalisme | Imprimer
21/03/2012
Elle est apparue, innocente et intègre
Elle est apparue, innocente et intègre
Au chevet de nos rêves mouvementés
Quand, sur l’élégance des parvis
Tu récitais l’obsédante poésie des vers
Grouillants et pléthoriques, encombrée
De rappels exacerbés et mouvants
D’une glorieuse égérie immortelle
Oui je me souviens d’elle,
La belle et franche amazone
Qui, sur sa jument altière
Courre dans la campagne verte
Après les rêves endoloris et cruels
Des bourgeois frileux et indécis
Héraldique, elle se tient sur un pied
Au sommet de la colline odorante
Les bras écartés du corps, en suspension
Le regard comblé d’amour empanaché
Et elle sourit pour elle-même, frêle
L’autre jambe passée sur le fil
D’une clôture rêche et forte
Comme un oiseau envolé dans les cieux
D’un ciel d’orage zébré d’éclairs
Elégance du geste, de l’attitude valeureuse
D’une femme encore fille,
Qui court après sa révolte ombragée
Et gagne les rivages sublimes
D’une paix survenue au matin
Les yeux ouverts sur cette apparition
Franche et maladroite de maturité
Tu disais ton désarroi à cette image
La belle emportée dans l’air
Comme un drapeau en flottaison
Au sommet des mâts de navires
En partance vers des pays inexplorés
Et toujours enlacée aux désirs entiers
Ils courent les bras tendus, enrubannés
De honte mêlée à l’espoir irrésistible
D’une rencontre impossible
Avec celle qui n’a pas de nom
Qui n’est que caresse et égarement
Dans les chants puissants et magiques
D’un divertissement anodin
Oui, elle était la sirène dénotée
Le faune irrésolu et cruel
Elle empruntait les courants ascendants
Des fumeries d’opium envoûtant
Et montait vers l’azur, légère
Riante, inconsistante, immanente
Comme au cœur même de l’élan
De la vie et de la mort mêlées
Et lorsqu’au dernier jour
Le corps replié sur lui-même
Dans cet irrésistible effort
D’une respiration impossible
Tu vois ces vêtements de glace
Passer sur cette silhouette fine
Tu souris légèrement, extasié
A la merci de ce rêve définitif
Qui enchante ta mémoire
06:52 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème, écriture | Imprimer
20/03/2012
Perspective inversée 2
Quelle confusion ! Où est donc passée la perspective ? Regard au centre : c’est le sommet des quatre losanges à fond jaune, mais c’est aussi le point de départ des quatre losanges étroit à fond blanc. De plus les quatre losanges à fond jaune inversent leur perspective en leur milieu pour rejoindre l’envolée vers l’extérieur sur le pourtour du dessin.
Dessin ésotérique, il fait apparaître une puissance insolite émanant de son centre qu’il projette sur l’horizon du globe. Au-delà, la platitude en deux dimensions, mais illuminée de ce rayonnement.
Malheureusement, les couleurs sont plus pâles que dans la réalité!
Ivresse des profondeurs,
Solitude des extrêmes,
L’opposé se rejoint
En un espace ignoré
Entre les deux,
Toujours le juste milieu
Dans ce cercle magique
S’installe une vision
Qui ne sait où se tourner
Rien n’y est possible
Et pourtant, elle existe
Entre les sommets je vole
Empruntant les arêtes
Pour naviguer incognito
Dans ce monde fini
Mais incompréhensible
J’aime ses allers et retours
Dans la chaleur projetée
D’un vide incommensurable
Mais combien prenant
06:43 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art cinétique, op'art, peinture, dessin | Imprimer
19/03/2012
Promenade au parc Montsouris
C'était jeudi dernier. Il faisait un temps magnifique. Alors pourquoi pas un petit air de campagne :
Un lac, un étang ? Non, pas une mare non plus. Cette pièce d’eau est trouble, d’une couleur jaune-vert. Mais malgré cela, elle reluit de mille feux, au soleil ardent. Deux grands cygnes noirs voguent majestueusement sur les reflets d’argent, suivis de leurs rejetons. C’est la campagne à Paris, mais c’est tout de même Paris, lieu où la foule circule sans cesse : jeunes femmes à poussette, vieillards à canne, coureurs aux oreilles casqués d’écoute
urs, jardiniers au balai sans usage, marcheurs innocents, sans caractéristiques autres que le sac à dos noir devenu indispensable à qui veut conserver son autonomie. Et tout cela parle, rit, grimace, s’esclaffe, s’ébroue, parce que c’est le premier jour d’un printemps précoce. Comment ne pas se dévêtir pour laisser chaque rayon envahir notre peau pâle, flétrie des mois d’hiver ?
Une petite brise se lève. Elle est la bienvenue. L’eau se froisse de mille zébrures géométriquement disposées, mouvantes, tantôt grises, tantôt argentées, tantôt emplies d’étoiles étincelantes. Et le visage détendu, tendu vers la chaleur, nous humons l’air frais comme un verre d’eau passant dans l’air.
Sur l’île, en face, un héron se brosse les plumes du corps avec le bec, dédaigneux, regardant lentement les passants, loin de leurs préoccupations. Fendant l’eau, ne laissant qu’une fine trainée imperceptible à sa surface, une carpe passe dignement, dans son monde vert, croisant les canards.
Et ça parle, ça jacasse, ça ne cesse de discourir, pour le plaisir d’utiliser son instrument vocal ou pour qu’il ne rouille pas.
Avançons, changeons de compartiment en passant au dessus de la voie du RER. On découvre une campagne anglaise, un jour d’automne, avec sa grande maison de briques aux fenêtres blanches que l’on voit si souvent dans le Kent. Les Français ont pris l’habitude anglaise de profiter de la prairie en dormant, lisant, discutant ou regardant sereinement la campagne.
Un arbre attire les regards, un géant mutilé, courbé vers la terre, mais encore solide et étendant ses membres d’acier aux postérieurs des passants qui viennent se tenir à l’ombre de son feuillage. Qu’il est aimable ce pin malgré ses souffrances. Il nous sourit et ouvre ses larges bras à qui a besoin de réconfort !
Une après-midi d’été, en chemise, trainant les pieds dans la poussière (déjà ?) des allées, encombrée d’hommes discoureurs et de femmes volubiles. Je me réfugie dans la montagne du parc, enfouie sous les arbres exubérants de diverses essences, qui font l’ombre seyante et le calme retrouvé. Un filet s’échappe entre les pierres et se perd entre les feuilles mortes pour finir dans un bassin sale. Oui, nous sommes bien en ville, où l’eau est produite par un robinet ou une pompe et fait semblant de ruisseler, prolixe, entre des cailloux fabriqués en ciment. Mais cela n’empêche pas notre plaisir immense, inoubliable, d’un jour de printemps… en hiver !
Un dernier regard sur ce tableau simple.
Mon Dieu… La continuité écologique n’est pas passée au parc Montsouris !
05:36 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paris, campagne, nature | Imprimer
18/03/2012
Le passage à la vie spirituelle
Bien que chrétiens, nous saisissons mal ce que signifie « être sauvé », ou « le Christ nous a rachetés », ou encore « passer du vieil homme à l’homme nouveau ». Nous le saisissons mal parce que nous ne le vivons pas, nous ne nous laissons pas transformer par l’Esprit, nous considérons que notre état d’être est l’état normal de l’homme et nous n’imaginons pas que nous pourrions « être » autrement.
A travers les cycles de l’année liturgique, l’Eglise nous invite à la vraie vie, la vie en Dieu. Il s’agit de passer de l’état d’être égocentrique, préoccupé uniquement de son corps de ses sentiments et de ses pensées, à un état d’être unifié, ouvert, en harmonie avec Dieu et le monde. C’est le passage, la Pâque.
05:33 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : spiritualité, christianisme, carême, pâque | Imprimer