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20/08/2011

Champ d’honneur, marche funèbre de Michel Portal

 

Ecoutez :

http://www.youtube.com/watch?v=wIqmdi38_90&feature=related 

 

Cela commence par une marche funèbre presque classique, très simple, ré bémol, puis mi bémol, et le fa, note tournante de la mélodie puis à la sixte, ré bémol, et redescendre chaque note de la gamme de ré bémol majeur, lentement, dépasser le fa pour descendre jusqu’au ré et remonter au fa, pour renouveler le cycle avec le même rythme. Et cela donne une magnifique marche, lancinante, émouvante, qui va servir de toile de fond sonore aux développements du saxo. Celui-ci personnifie la douleur : cris, pleurs, exprimés de différentes manières, des cris du dauphin, sous l’eau, au rire de l’éléphant à travers sa trompe (oui, çà trompe énormément) jusqu’à l’échelle des notes de manière très classique, comme un retour vers la mélodie de fond, c'est-à-dire la marche funèbre.

Et tout ceci engendre une très belle marche funèbre, certes différente de celle de Chopin, mais tout aussi prenante et poignante.

C’est tout l’art de Michel Portal, un grand musicien.

 

 

 

19/08/2011

Certes, l’herbe est plus verte

 

Certes, l’herbe est plus verte lorsqu’il pleut, mais le ciel est plus noir. Les gouttes tombent une à une et sordides, mais c’est un rideau qui frôle nos yeux et mouille nos cils.

_ Madame, votre cœur est léger !
_ Tu me diras, Monsieur, ce qui est préférable,
Un cœur lourd de maux inconnus
Ou la légèreté de l’insouciance.
_ Sais-tu, maudite, que tu me feras mourir.
Regarde dans le miroir tes longs cheveux.
Ils couvrent tes épaules d’or
Et moi, je n’ai qu’un peu de laine.
Regarde encore ta bouche,
Une fontaine de bonheur
Qui ne sait que dire oui
Et qui pourtant connaît le non.
_ Tais-toi, le printemps est là.
Pense aux fleurs, aux oiseaux,
Pense aux trois sabots qui courent
Le long des routes acerbes.
Le soleil caresse ton ventre
Et la serpe te court sur le dos
Pour fermer le battant de la mort.
Regarde comme est beau l’azur
De ton cœur, du mien et du ciel.
J’ai perdu des ans à chercher
Ce que je trouve aujourd’hui.
Et tu ne m’as pas dit
Comment je pourrai le faire :
Prendre un verre d’eau et du pain
Et pleurer dehors le soleil qui part.
Jusqu’à ce qu’un jour,
Je vis, seul, le soleil apparaître
Derrière la grotte où je dormais.
Alors tu es revenue de là-bas,
Là-bas dont je ne savais rien,
Sinon que tu m’oubliais peu à peu
A courir après une mort incertaine
Qui ne semblait pas vouloir de toi.
L’herbe était blanche comme l’eau,
Mais il faisait bon s’y étendre
Pour pleurer son bonheur
Avec tous les efforts nécessaires.
_ Ma belle, tu parles sans réfléchir.
Tu crois toujours trouver
Ce qu’en fait il n’y avait pas à chercher.
Viens, que nous visitions notre royaume.
Il fait quatre pieds de long
Et sa largeur n’en fait pas plus de trois.
Mais c’est tout un continent qui s’écoule
Doucement sous nos pas attendris,
Pour dévoiler ce qu’il nous avait caché :
Des rivières aux eaux ronflantes
Qui sentent la fraicheur des nuits,
Du sable d’or isolé dans les herbes
Qui gardent la chaleur du jour,
De longs fruits rouges qui pleurent
Pour nous laisser boire,
De longues grappes d’oriflamme
Pour éclairer nos jours heureux.
_ Monsieur, vous ne faites que me dire
Que tu n’écoutes que ton cœur
Sans entendre les paroles de ma bouche.
Tu parles et tu ne sais
Quelles sont les règles d’or du miroir
Où se cache la clarté du bonheur.
Cherche la vie sans voir la mort.
Regarde la mort sans voir
Ce qui la rend triste à mes yeux.
Des trésors te tendent les bras
Tous les jours en tout lieu
Sans que tu te rendes compte
De ce que tu peux prendre.
Ensuite tu ris, aussi niaisement
Que d’autres pleurent la mort d’une souris
Qui avait l’habitude de courir sur leur lit
Et de grignoter les restes de leur barbe.
Tu ris sans savoir la triste concession
Que j’ai dû faire pour m’occuper de cela.
J’ai quitté ce que j’aimais à jamais,
La tranquillité d’une douce chaleur
Et la sûreté des montagnes isolées
Où seul le vent hurle contre les loups,
La griserie des descentes dans le froid
Et la chute des fééries blanches.
_ Adieu, Madame, mon cœur est las
D’écouter vos amours sans savoir les choisir.
Pour moi, je reprends mon indépendance
Faite de premières visions et de nuits.
Le reste, je l’ai vu pour toujours
Sans envie de refaire l’expérience.
Pourquoi abandonner l’espérance ?
Pourquoi me dire que jamais tu ne reviendras ?
Ta vie est faite de longs trous noirs
Que tu aimes pour leur quiétude,
Mais qui ne sont que des vides où se perd
Pour longtemps ce qui m’a charmé en toi.
Abandonne-les pour t’ouvrir à l’air du temps
Qui puise sa force dans la mer et les cieux,
Qui l’emporte au dessus des terres pour pleurer
Et tromper de leurs larmes l’humanité
Qui s’imagine noyée dans ses longues rivières.
_ Où m’emmènerais-tu, toi dont j’ai tout attendu,
Dont j’ai recueilli la chaleur sur ma joue,
Qui m’a donné la ferveur et la joie.
Tu voudrais me montrer le monde
Où les jours durent comme trois nuits
Et les nuits sont sans moyen de voir
Où me mènent les autres voies.
Regarde où va le monde qui dort.
Les yeux fermés, il tourne
Sans jamais perdre son équilibre,
Bien que toi, tu ne sentes que la chaleur
Des terres chauffées par l’astre central.
Ta tête tourne sans arrêt
Et ton cœur reste seul à jamais.
J’ai espéré longtemps voir un jour
Les longues marches des déserts inconnus
Où se cachent les êtres amassés
Par nos soins dans des trous profonds.
Nous fuyons ceux-ci pour l’entassement
Dans un bloc de pierre et de fer
Façonné par nos soins, sans cependant
Avoir la forme que nous avions voulue.
Regarde aussi derrière toi
La longue misère des trois faunes
Qui couraient sans cesse
Dans le feuillage de la vie alanguie,
La longue tristesse des grands bras
Qui s’élèvent pour pleurer
Les atours qu’ils passent dans leurs doigts
Et les laines précoces qui poussaient
Sur le dos délabré des brebis.
La route est longue vers la mer,
Celle des grandes vertus
Qui courent le long des eaux
Sans jamais trouver un moulin
Qui pourrait tourner pour elles.
Tu cherches aussi comment admettre
Que les stigmates de la grandeur
S’élèvent plus haut que les monts
De la guerre et de la paix réunies
Pour trouver ensemble
Ce qu’ils ne peuvent donner séparément.
C’est le problème de la magie naturelle :
Perdre à la guerre les bagues de la paix
Ou donner pour la paix
Ce que la guerre ne leur avait pas demandé.
Pourquoi crois-tu que je sois encore là ?
Car je pourrais fuir ce chêne
Qui abrite les regards de notre conversation
Et nous permet de perdre
Nos paroles sous la voûte
Je veux te convaincre qu’il n’est pas toujours facile
De se perdre dans la forêt de la sérénité
Pour devenir sourd et assombri
Par le silence qui martyrise.
Pourquoi fuir devant l’autre,
Se perdre parmi la solitude
Du désert au soleil vert et cru
Où, seuls êtres vivants, se perdent
Les oiseaux aux ailes longues et limpides.
L’homme est nécessaire à l’homme,
Comme il est nécessaire à l’anthropophage
Qui coure longtemps pour attraper
Une nourriture céleste pour lui.

 

18/08/2011

Perspective inversée 1

 

Et si nous inversions la perspective, ce qui signifie qu'au lieu de se fermer sur un point au plus loin, elle s'ouvre à partir d'un point issu de notre regard. C'est le cas de la peinture des paysages des icones dont les perspectives sont inversées.

En dessin cinétique, cela donne cet agglomérat qui peut être lu dans les deux sens d'une vision en trois dimensions : ligne de fuite ou ouverture. Au centre, la rencontre des mondes.

 

peinture, dessin, op'art, art cinétique

 

 

17/08/2011

Hier, j’ai joué avec des enfants

 

Hier, j’ai joué avec des enfants.

Une odeur d’amertume m’en est restée.

J’ai perdu le pouvoir de la naïveté,

J’ai tenté mille fois, patiemment,

De plier ces machines de papier

Qui volent de leurs ailes déployées.

Mais il leur manquait le souffle

Transmis par les pouvoirs de l’enfance

Pour voir dans l’univers de la petite pièce

Planer la feuille de papier pliée.

Aurais-je déjà revêtu malgré moi

Le masque figé des adultes

 Et perdu les sortilèges enfantins ?

Serais-je devenu cet homme dur,

Au regard fixé sur les mots,

À la parole sûre et au geste incertain,

Celui que tu reconnais de loin

Pour l’assurance de ces affirmations.

Je me rappelle ces jours d’enfance

Où un sourire avait le poids de l’or,

Où un baiser éclairait la journée,

Quand une cabane devenait un palais

Et une poupée l’objet d’attendrissement.

Pourtant il me semble bien encore

Que derrière ton sourire de petite fille

Se cache un cœur d’enfant fragile

 Et que mon âme suspendue à ton rire

Conserve la vertu des premières naïvetés.

Je suis, devant toi, les mains tendues,

Un petit garçon qui s’émerveille

 

 

16/08/2011

Nous te saluons, ô Mère

 

Au lendemain de cette fête de l’Assomption de Marie, reprenons ce très beau texte de Saint Anselme de Cantorbéry (1033-1109), canonisé en 1494 et proclamé docteur de l’Eglise en 1720. Théologien mystique, il tente de concilier raison et foi. Il énonce l’argument ontologique de l’existence de Dieu. Son œuvre est largement inspirée de Platon et Saint Augustin.

Relisons ce très beau texte de Saint Anselme et pourquoi pas chantons-le. Le chant permet d’entrer dans le texte par l’intérieur, de le comprendre, de le méditer et, finalement, d’entrer dans le mystère de la mort du temps pour la vierge Marie.

 

nous te saluons.pdf 

 

15/08/2011

En fin d’après-midi

 

En fin d’après-midi, sur une envie subite, prendre la voiture et partir vers l’inconnu, sans savoir où l’on veut aller, se perdre aux détours des routes, regarder le ciel et y voir le signe de tourner à gauche ou à droite. Quel bonheur que ce délassement facile qui nettoie l’esprit mieux qu’une visite impromptue ou l’obligation de se trouver quelque chose à faire.

Chercher ses clés et ses papiers, fermer la maison, jeter un œil aux bulles nuageuses et maussades, ouvrir la portière, s’asseoir et prendre la route du rêve et promener son indolence et laisser progressivement une douce torpeur vous envahir sans que l’on sache pourquoi. Oui, vous êtes déjà parti, sans en avoir été conscient, emporté par un faiseur de songes, à petite vitesse, l’œil élargi, attentif à tout ce qui pourrait retenir votre attention : un lapin dans le champ d’en face, la nouvelle automobile d’un voisin, le cri d’un faisan qui s’envole majestueusement devant vos roues, le passage d’une femme dans la rue, les bras chargés de fleurs. Et chacune de ces images évoque en vous d’autres images, floues, en lien ténu avec l’objet regardé, mais qui vous emplissent de bien-être. Peu à peu, vous sentez monter en vous la liberté des jours de vacances en un pays ignoré. Vous vous allégez et découvrez un espace intérieur vierge, indifférent au quotidien, mais très présent à un monde oublié, celui de la magie de l’étonnement d’un rien et d’une joie vierge de tout souci.

Alors, vous en faites part à celui ou celle qui vous accompagne,  avec des mots très simples, sans littérature, et vous partagez ce moment capital : flotter dans l’espace éthéré et intemporel que procure l’habitacle de votre véhicule qui lui-même vous entraîne en des lieux devenus inconnus. C’est bien sûr quelqu’un que vous connaissez bien, sinon pourquoi partir avec lui dans ce voyage intemporel ? S’il s’agit de l’aimé(e), vous êtes comblé(e) doublement puisque ces instants resteront des jalons de fusion fondés sur un presque rien qui devient un trésor partagé.

Puis, vous prenez imperceptiblement le chemin du retour, par des voies détournées, vous rapprochant insensiblement du retour aux réalités, et vous rentrez rasséréné, léger, comme un fantôme dans une maison à laquelle il est attaché. Et le soir, dans votre lit, vous vous endormez, la fenêtre ouverte sur la réalité nouvelle d’un monde toujours à découvrir.

 

 

14/08/2011

Phylétique

 

« Considérée dans son ensemble, la Vie se segmente, en avançant. Spontanément, elle se rompt, par expansion, en larges unités naturelles hiérarchisées. Elle se ramifie. […]

Parvenu à un certain degré de liaison mutuelle, les lignées s’isolent en une gerbe close, impénétrable désormais aux gerbes voisines. Leur association dorénavant va évoluer pour elle-même, comme une chose autonome. L’espèce s’est individualisée. Le phylum est né. » (Pierre Theillard de Chardin, Le phénomène humain, éditions du Seuil, 1955, p.120.)

 

vie,peinture,gravure

 

Ces agrégations de croissance, comme les dénomme Theillard de Chardin, sont à l’origine des espèces. Chaque forme se sépare de la forme voisine, dans une complexification croissante, par modification de la forme ou par création de nouvelles sous-formes. Cette idée peut s’exprimer dans le déroulement de formes abstraites qui par leur dynamisme et leur élasticité, permet tous les degrés de complication.

 

 

13/08/2011

Josef Sima, peintre français d’origine tchèque (1891-1971)

 

« À partir de 1909, Sima est inscrit à l'École des arts et métiers et à l'École des beaux-arts de Prague. Il découvre alors la peinture impressionniste, la peinture fauve, la peinture cubiste et surtout Cézanne, qui aura sur toute son œuvre une influence durable. En 1920, il gagne la France, il se fixe à Paris et obtient la nationalité française en 1926.

Sa peinture, qui était à mi-chemin d'un fauvisme rude et d'un cubisme déjà teinté de surréalisme, connaît une courte période constructiviste après la rencontre de l'artiste avec Mondrian, Van Doesburg et les membres du groupe " l'Esprit nouveau " (1923-1925). Mais c'est à partir de 1926 que Sima commence à exprimer sa personnalité profonde, à chercher en lui-même et dans les souvenirs de ses visions privilégiées (la foudre, la forêt, la lumière prismatique, la clarté d'un corps féminin) les principaux éléments de son œuvre, qu'il reprendra tout au long de sa vie dans une incessante transmutation. Sima cesse pratiquement de peindre de 1939 à 1949. C'est en 1950 qu'il renoue à la fois avec la peinture et avec la nature, reprenant des thèmes anciens — plaines, rochers, forêts — mais comme épurés par une longue méditation. Au cours des années suivantes, il réalise une série de peintures présentant dans des espaces abstraits des formes géométriques primaires : triangles, polyèdres, cercles. Une rétrospective, organisée par  la Ville de Paris a été consacrée à l'artiste en 1992. » (Encyclopédie Larousse, from http://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/Sima/154420)

 

 

Corps de la nuit (1960)

Mariage du vert et du bleu clair et foncé. La transparence du bleu clair est obtenue avec un blanc mêlé de rose par endroits. De même dans la profondeur du bleu foncé (bleu de Prusse) est mêlé un rouge foncé donnant certaines teintes violacées qui se rapprochent du bleu clair comme une résonnance discrète, un écho lointain.

 

Extase ancienne (1957)

Mariage du vert et de l’ocre foncé. Sima procède en dégradation par plans successifs du vert foncé au vert blanc très clair, en passant par un vert bleuté clair. Ici aussi quelques plans sans profondeur, à arêtes multiples évoquent une forme allongée, vestige de la matière enfouie dans un désert de couleurs. Ces formes vert-noires semblent culottées par la dépose de la couleur environnante.

 

 Je n’ai pu trouver sur la toile les photos de ces deux magnifiques tableaux. De façon à cependant vous donner une idée de sa peinture voici une affiche reprenant une de ces toiles.

 

peinture, art abstrait

From: Blog Au dédale de la couleur : http://chantepeint.midiblogs.com/archive/2011/04/07/josef...

 

Ce qui importe pour ce peintre, c’est la perception de la transparence des choses. Pour lui, l’étalement de couleurs pleines, dans un style figuratif ou non, traduit les difficultés de l’artiste à s’échapper du monde matériel qui l’entoure et l’écrase. Englué, il noie ses impressions dans la masse sans en sortir. L’apparence est opaque et forme un voile de matière dont il faut se dégager. Au-delà, se cache la réalité supérieure englobant la matière et l’esprit. La matière est alors plus libre, plus mouvante, gérée par de nouvelles lois  physiques et devient énergie intérieure. Elle pourra alors élevée l’homme au-delà de son apparence. Le rôle de l’artiste est de dévoiler cette énergie interne et de la diffuser tout comme le scientifique crée l’énergie à partir de l’atome.

 Josef Sima recherche l’énergie par la forme (cubisme), la couleur (fauvisme), la forme et la couleur (abstrait pur partant de la réalité ou non.

Accéder à la réalité, c’est dévoiler l’apparence de la matière, découvrir la transparence de l’objet quotidien, de l’évènement de tous les jours. Cette réalité de la matière est voilée par l’opacité que lui donne notre regard habitué à la masse des objets. Notre pouvoir de préhension éduque le regard et par là même notre esprit. L’œil ne sait plus percer comme le doigt dans un liquide la surface de l’objet. Il faut repartir de l’idée que l’objet n’est solide qu’au toucher. Alors la forme perd de son opacité, s’affaisse, se dénude et dans la transparence découvre son essence. La forme se traduit alors pour le peintre par l’idée de la forme et non par son apparence visuelle.

 

 

 

12/08/2011

Spiritualité

 
 

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DECOUVERTES

 

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Solitude et partage

 

Chacun porte en lui la contradiction du désir de solitude et de la soif de partage.

Partage de la solitude, ce pourrait être le titre d’un livre, l’ébauche d’un rêve, une réclame de l’âme, mais c’est aussi la finalité de toute une vie.

La solitude est nécessaire à l’homme pour construire sa vision personnelle du monde. Ce sont des moments à privilégier, à condition de pouvoir et savoir les occuper. A quoi sert la solitude ? Méditer et créer. La méditation est l’interrogation ultime et permanente sur ses propres buts, non pas ceux que la société cherche à vous faire endosser, mais ceux que l’on désire vraiment pour soi-même. Il est complexe de pouvoir les identifier. On doit éliminer les faux buts, ceux dont l’objectif est de se créer une image réconfortante de soi, reflet de l’image que l’on cherche à donner aux autres. Au-delà, on doit identifier les buts personnels à rechercher, puis éliminer ceux que l’on ne pourra jamais atteindre parce que la vie et les circonstances font que nous n’avons pas la force, la compétence, l’expérience ou même simplement la volonté, de les mettre en œuvre. Alors il reste un trésor à faire bouillir doucement dans son moi profond comme un pot au feu qui mitonne au coin du poêle. Mais ce trésor, encore faut-il le mettre en œuvre !

La création est l’expression de notre vision intime du monde. Elle est variable dans ses domaines et son intensité pour chaque homme. Le facteur Cheval est un exemple de cette force de conviction que donne la création d’une œuvre. Mais tous les grands artistes, savants, entrepreneurs, politiciens qui ont su créer cette vision intérieure, on atteint le but de leur vie. Mais comment communiquer cette vision intime du monde ?

C’est ici qu’intervient le partage, un vrai partage, avec de vraies personnes, non pas les êtres dont le seul but est de masquer la peur de solitude par un verbiage permanent dans une mondanité superficielle ou encore par une réserve  révélant une incapacité à communiquer avec une certaine profondeur sous prétexte que les secrets intimes ne se partagent pas. Partager, c’est entrer dans l’intimité de l’autre, dans son être essentiel, pour atteindre cette dimension intérieure qui seule permet un accomplissement total de notre vie. Ce partage n’a rien à voir avec les rapports habituels des gens entre eux. Il ne s’agit pas de convaincre l’autre, mais d’exposer sa propre vision en sachant que la vision de l’autre est forcément différente et que c’est cette différence qui crée sa richesse. Alors, comme les eaux du fleuve se mélangent à la mer, on efface progressivement sa propre histoire, on perd de sa propre importance, et l’on communie au mystère du monde et de l’homme, du bout des doigts, avec modération, mais en pleine connaissance de cause.

Cette relation intime entre la solitude et le partage est le secret d’une vie pleine et entière, l’accomplissement du lien nécessaire entre le moi et le soi.

 

 

11/08/2011

Le reliquaire, chronique de Frantz André Burguet

 

« S’il nous est donné d’envisager sans désespoir le cours du temps, c’est parce que notre passé grandit à mesure que notre mort approche, que les souvenirs nous occupent et nous émeuvent. Reliquaire inviolable, notre mémoire fait pour nous ce que les musées ne sauraient faire pour les arts et les techniques : c’est qu’il n’y a jusqu’à notre mort aucun progrès possible en dehors d’un passé qui est éclairé après coup, mais déformé, mais trahi.

Le privilège de notre mémoire, Elia, c’est sa faiblesse, son infidélité, cette fausseté qui nous permet, en un passé formé à notre image, de vivre selon notre cœur. »

 

L’auteur nous dit qu’il s’agit d’une chronique. En effet, le récit est conté par l’intermédiaire de lettres non envoyées, de phrases inachevées, de notes sans suite, de fragments de journal. Celle-ci dépeint le drame d’adolescents qui éprouvent leur sensualité en la refusant.

Poétique recherche du souvenir d’heures merveilleuses, le reliquaire est formé des images que l’amour a façonnées au cours des heures de solitude et de rêve. Sans doute, le narrateur n’a-t-il pas vécu les heures qu’il dépeint avec la même force d’âme et la même sensibilité, mais la mémoire a le privilège d’abolir ces imperfections qui nous empêchent de réaliser la béatitude de certains moments.

Il nous reste de ces heures une étrange sensibilité mise à vif par l’impossibilité matérielle de les revivre dans leur réalité propre (et d’ailleurs elles nous décevraient), l’impression que donne un tableau de Corot ou un prélude de Chopin.

 

 

 

10/08/2011

Attente

 

Attente…

Du bout des doigts, ce tremblement léger
Une fièvre parcourt les veines

Le creux adouci des bras se teinte de crépuscule

Chaque bruit à la mesure d’une symphonie
Chaque regard d’un oiseau dans la nuit
L’oublie d’un pétale au fond des mains
La chaleur de nos pieds sur la terre mouillée

Ses doigts entrelacés de fleurs
Comme un feu d’artifice
Sont le soir le parfum de notre remord

Les diamants mouillés de la pluie
Ensevelissent de bijoux sa parure de cheveux

Les pieds écartelés dans la mousse de l’abandon
Nous écoutons ensemble la naissance de l’herbe

 

 

 

09/08/2011

Chant orthodoxe grec

 

Ecouter :

http://www.youtube.com/watch?v=FFFS2N_6iA8&feature=re... 

http://www.youtube.com/watch?v=5Z8qfKoUBKY&feature=re...  

 

v     L'évolution à partir du byzantin

Ø     De 1453 à 1600 : Période critique pour le peuple grec, elle est peu propice au développement de la musique religieuse.

Ø     De 1600 à 1830 : Le patrimoine musical de l'église grecque s'enrichit dans les centres musicaux de Constantinople, le Mont Athos, la Crête et les îles Ioniennes. Les chants sont basés sur les formules mélodiques byzantines, mais acquièrent certains éléments turcs.

Ø     De 1830 à nos jours : C'est à partir de cette date qu'apparaissent graduellement des versions harmonisées des chants traditionnels homophones.

 

v     Rapport du texte et de la mélodie

Le chant post-byzantin est étroitement lié aux paroles :

·        phrases mélodiques ascendantes : notions d'élévation, de ciel, de mont ;

·        phrases mélodiques descendantes : abîme, enfer, terre ;

·        modulation chromatique sur les mots exprimant un sentiment douloureux (mort,   damnation, maladie), dans les chants diatoniques ;

·        modulation diatonique dans les chants chromatiques où le texte comprend un mot exprimant la joie ;

·        brefs mélismes sur les mots-clés.

Cependant, le chant reste suffisamment impersonnel pour ne pas tenter de refléter l'émotivité implicitement suggérée par le texte.

 

v     L'harmonisation

On distingue :

·        une harmonisation reprenant l'harmonisation russe ou l'influence italienne : c'est une harmonisation à quatre voix ou les ténors chantent en tierce supérieure de la voix principale ;

·        une harmonisation devenue topique du chant orthodoxe grec : la voix principale est la voix supérieure, la seconde est à la tierce inférieure, la troisième termine l'accord à la basse.

 

v     Un exemple d’adaptation des mélodies grecques

  « Adapter sur les mélodies grecques de la liturgie byzantine une traduction en langue barbare n’est pas une nouveauté imputable à notre temps. Le même processus fut à l’origine du chant liturgique en langue slave dans les églises byzantines de Russie et des pays balkaniques, et le chant monastique de ces églises conserve parfois des mélodies encore très proches du chant grec, dans la mesure où celui-ci n’a pas subi d’altérations depuis le temps de l’évangélisation des salves.
Mais avant que les slaves ne puisent aux sources byzantines, c’et l’Occident lui-même qui, en ses liturgies hispanique, ambrosienne, gallicane et finalement romaine, utilisa les chants liturgiques de l’Orient syro-palestinien et byzantin. Les travaux récents de musicologues tels que Egon Wellesz et Michel Huglo ont montré l’étendue et le cheminement de ces influences, qui ne sont point un héritage de la période de transition (entre 360 et 380) au cours de laquelle l’église de Rome abandonna le grec pour le latin.
L’abbaye de Chevetogne, en Belgique, s’efforce de rendre ces sonorités insolites à nos oreilles, en les adaptant à une polyphonie relativement moderne. Jean Sakellaridis, en se ratachant à la fois à la tradition musicale byzantine et à l’harmonie européenne, a tenté, le premier, de purifier le chant liturgique grec des sonorités, d’ailleurs étrangères à sa nature, qui pouvaient heurter la sensibilité moderne occidentale. Cette rencontre, déjà œcuménique, de Sakellaridis avec l’Occident attendait une réponse, un geste de sympathie, de la part des occidentaux entre vers cet héritage que la Grèce mettait à leur portée. C’est le travail effectué par l’abbaye de Chevetogne et l’adaptation des mélodies grecques aux paroles françaises est chose relativement aisée. » (1) 

Bien sûr, les mélodies grecques, comme les modes byzantins dont elles sont directement issues, contiennent 8 tons aux tonalités et formules mélodiques différentes qui sont connues des chanteurs à tel point que les recueils musicaux ne sont que des aide-mémoires, l’importance étant toujours donnée à la parole plus qu’à la musique. Le chant est avant tout une lecture, expressive et harmonieuse, une déclamation.

L’harmonisation des mélodies grecques se contente  le plus souvent de trois voix maximum, et la mélodie se trouve à la première voix.  Elles peuvent être chantées à trois voix d’homme (ténor, baryton, basse), à deux voix de femme et une voix d’homme (soprano, alto et basse).

 

v     Les caractéristiques du chant orthodoxe grec

Voici les caractéristiques mélodiques et harmoniques du chant grec :

 

 chant orthodoxe grec tons 1 à 4.pdf 

 

Chant orthodoxe grec tons 5 à 8.pdf 

 

 

[1] Monastère de Chevetogne, liturgie byzantine, vêpres et matines, mélodies slaves et grecques, textes français, 1972

 

 

 

 

08/08/2011

Quatuor pour la fin du temps, d’Olivier Messiaen

 

« Lorsque j’étais prisonnier, et j’ai conçu et écrit ce quatuor pendant ma captivité à Görlitz en 1941, l’absence de nourriture me donnait des rêves colorés : je voyais l’arc-en-ciel en l’Ange et d’étranges tournoiements de couleurs. Mais le choix de l’ange qui annonce la fin du temps repose sur des raisons beaucoup plus graves.

Musicien, j’ai travaillé le rythme. Le rythme est par essence changement et division. Etudier le changement et la division, c’est étudier le temps. Le temps (mesuré, relatif, physiologique, psychologique) se divise de mille manières dont la plus immédiate pour nous est une perpétuelle conversion de l’avenir en passé. Dans l’éternité, ces choses là n’existeront plus. Que de problèmes ! Ces problèmes, je les ai posés dans mon quatuor.

Au nom de l’apocalypse, on a reproché à mon œuvre son calme et son dépouillement. Mes détracteurs oublient que l’Apocalypse ne contient pas que des monstres et cataclysmes. On y trouve aussi de silences et des adorations, de merveilleuses visions de paix. » (Olivier Messiaen)

Cette pièce comprend huit parties. Quelles impressions pour les trois premières ?

 

I- Liturgie de cristal

http://www.youtube.com/watch?v=PhQVX46ooro&feature=related

Commentaire de Messiaen : « Un oiseau soliste improvise, entouré de poussière sonore, d'un halo d'harmoniques perdus très haut dans les arbres ». La clarinette devient l’oiseau chantant, avec ses trilles et ses notes décalées. On perçoit bien une mélodie derrière ce chant sylvestre, mais on ne saurait dire en quoi elle se manifeste à l’esprit. En fait, c’est l’accompagnement subtil des trois autres instruments (Violon, Violoncelle et Piano) qui donnent la sérénité et l’harmonie du morceau. C’est une longue promenade sur un chemin bordé de haies au moment où le soleil se lève sur l’horizon, alors que l’esprit est encore vierge des impressions de la journée. Les yeux écarquillés, on contemple un monde neuf comme est neuf l’esprit de celui qui le contemple.

 

 II- Vocalise, pour l'ange qui annonce la fin du temps

http://www.youtube.com/watch?v=O1BYOtb_q4w&feature=related

La clarinette n'intervient qu'en introduction et en finale. L’introduction, brutale, bruyante, dérangeante, évoque bien ces sons organisés, mais sans mélodie réelle, des vocalises. La clarinette y tient le rôle principal, celui de l’auteur des vocalises. Puis c’est une longue plainte des cordes, lente, décharnée, accompagnée par le piano, sur un rythme égal, qui rejoue les quelques phrases mélodiques d’accompagnement comme une litanie. S’agit-il réellement d’annoncer quelque chose ou de permettre l’entrée dans un autre univers, déshumanisée, mais emprunt d’une certaine beauté, celle d’un après la vie, après le mouvement ? Est-on déjà entrée dans cette atmosphère sans durée ni étendue annoncée par l’ange ? Probablement pas, car revient, en conclusion, l’irruption des sentiments humains, qui semblent protester contre cette fin du temps, donc de l’espace et du monde en tant qu’entité matérielle. Les quatre instruments (Violon, Violoncelle, Clarinette et Piano) jouent cette finale très brève, trépidante, mais comme une espérance vers ce monde insolite aux humains d’un après le temps.

 

 III- Abîme des oiseaux

http://www.youtube.com/watch?v=rnJHEqwhSNY&NR=1&feature=fvwp

Joué par la clarinette en solo, ce mouvement atteint l’intérieur de l’être au plus profond, dans une sensibilité primaire ne venant ni de la tête, ni du cœur, mais plutôt du creux de l’estomac, lieu de communion intime avec la nature. On dirait une marche froide dans une neige profonde, sur une plaine sans fin, comme un retour à l’essentiel, avant que la perception s’affine et entre en vibration avec quelques gouttelettes de givre qui viennent troubler la pesanteur étouffante de l’atmosphère. Et la marche reprend, aussi calme, aussi peu brouillée par l’environnement, jusqu’à un achèvement imperceptible, comme les derniers sons d’un cloche qu’on ne distingue pas des autres, mais qui a un moment s’arrêtent sans que l’on sache pourquoi, même si un ralentissement sensible du rythme l’annonce plus ou moins.

 

 

07/08/2011

Pluie et divagations

 Eau, pleine, grasse, qui tombe du ciel et des arbres jusque dans le cou et chatouille les idées jusqu'à vous contraindre à écrire (n'importe quoi). C'est un jour de matinée au lit, dans le lit, sur le lit, ventousé entre les draps, l'appareil à images sur genoux, les mains sur le clavier, la tête dans les jambes pour mieux réfléchir à rien. Quelle journée épuisante, rien à faire, rien à penser, rien à vivre.

Et pourtant, comme il est bon de contempler cette pluie qui court et marbre le paysage de traits fins et discontinus, comme un filet défilant, comme un nuage flottant, comme une voile gonflée du vent de l'imagination.

La deuxième moitié de la première de la journée (comprenez qu'il est 10h30) se montre tout autant indolente. Le gris lumineux des jours sans tâche éclaire la pièce qui se concentre sur quelques objets : le réveil qui nargue l'heure insolite, la lampe qui ne s'allume plus à l'apparition de quelque idée, la robe de chambre qui dessine toujours la place du corps assis dans le fauteuil. Pas de musique, et pourtant, Chopin ou Mozart seraient les bienvenus, ou encore la petite machine à coudre de Bach, dont les notes égrainent une conception de la vie qui aide à monter, non pas sur ses grands chevaux, mais sur l'olympe de la béatitude.

Merci d'avoir lu ces quelques mots de rêverie au coin du lit.

06/08/2011

Chaîne de vie

 

Essaimer pour emplir le vide, quel objectif !

Et le vide fut comblé.

Dessin très simple, mais qui demande malgré tout un équilibre qui n’est pas si aisé que cela à réaliser.

 

11-08-05 Chaîne de vie.JPG

 

 

 

05/08/2011

A nouveau, le silence de la nuit

 

A nouveau, le silence de la nuit

Comme une auréole sur le tissu

Des souvenirs et de l’avenir

Où donc m’entraîne cette indolence

Avant le lever du jour, pâle et désorienté

 

J’erre dans ma solitude bénite

Comme un amant se noie

Dans les bras échevelés et caressant

D’une belle au visage de marbre

 

C’est le temps de la création

Des virages sublimes de l’imagination

Emportée par les courants improvisés

De l’air et du palpable imperceptible

Qui chemine dans la peau transparente

Qui me sépare de la vie réelle

 

Et je me noie, englué dans l’ignorance

De jours meilleurs, de plaisirs subtils

En contact avec le vrai et le beau

Et j’erre inlassablement, détourné

De cette connaissance chaleureuse

D’une intimité de pensée conduisant les héros

Vers les cieux blancs et vides

De la présence souhaitable

De cette évanescence indescriptible

Seule, sensible, brûlante et mystérieuse

Au fond de soi, de toi,

Oui, de nous… Probablement.

 

 

04/08/2011

Peut-on parler de progrès en art ?

 

Peut-on parler de progrès en art ? C’est une des questions évoquées par le livre de Milan Kundera intitulé La vie est ailleurs. Dans le chapitre 15, il pose la question au travers d’une discussion dans un cercle de jeunes marxistes. L’un des participants affirme qu’on ne peut pas dire que Shakespeare soit inférieur aux auteurs dramatiques contemporains. Pour Jaromil, le personnage principal du livre, le progrès est incontestable : "les tendances de l’art moderne signifient un bouleversement total dans une évolution millénaire ; elles ont enfin libéré l’art de l’obligation de propager des idées politiques et philosophiques et d’imiter la réalité, et l’on peut même dire que c’est avec l’art moderne que commence la véritable histoire de l’art."

La question ne manque pas d’intérêt. Si l’on peut penser sans trop de difficulté qu’il y a progrès en science, peut-on réellement dire que le même phénomène se répète en art ?

Certes, on constate des ruptures. Ces ruptures sont d’ordre conceptuel. Qu’attend-on de l’art ? C’est ainsi que l’on constate une rupture conceptuelle entre l’art helléniste qui consacre sa plénitude à la contemplation de l’homme et l’art byzantin qui décrit l’invisible derrière le visible, entre l’art classique dont le but est la représentation la plus parfaite de la réalité et l’art impressionniste qui donne la priorité à la perception intérieur, à l’expression du ressenti plutôt que de la représentation exacte de ce qui est vu, enfin jusqu’à l’art abstrait qui évacue la réalité pour une autre, purement fictive. Mais constatons que ce sont les évolutions de la science qui permirent cette transformation : à quoi serviraient les reproductions fidèles de la réalité puisqu’il existe maintenant la photographie et le cinéma ? Mais si ceci est vrai pour la peinture, en est-il de même pour les autres arts ?

C’est certain en ce qui concerne l’architecture. Les progrès techniques de la construction permettent des schémas d’assemblage des matériaux réellement inimaginables il y a encore une centaine d’années. Mais peut-on dire qu’il en est de même pour la littérature ? Je ne le pense pas. Certes, il y a eu un changement culturel dû à l’évolution des idées et des modes de la société. On peut même dire qu’il y a eu un changement conceptuel, par exemple dans la manière d’envisager la poésie : le carcan des règles a sauté au profit d’une pleine liberté d’expression, qui a conduit à autant d’aspects positifs que négatifs. Mais la littérature, par le fait qu’elle est pure invention de l’esprit, échappe au progrès scientifique et donc échappe à l’esprit de progrès irréversible.

Enfin, pour ce qui concerne la musique, l’idée même de progrès reste, me semble-t-il, irréaliste. Là aussi, les progrès techniques dans la construction des instruments, l’utilisation du son numérique et les mixages possibles entre l’instrument joué et le son produit par un ordinateur ont modifié les possibilités offertes. Mais dire que la musique techno est un progrès par rapport aux autres styles de musique me semble une aberration. Certes, au dix-neuvième siècle a été épuisée une bonne partie des possibilités de variations musicales utilisant l’harmonie classique. Oui, ont été inventées au vingtième siècle d’autres conceptions d’utilisation de l’harmonie et du contrepoint allant de l’emploi de modes traditionnels sortant du cadre harmonique classique aux gammes dodécaphoniques. Cependant, peut-on parler de progrès dans ces évolutions, j’en doute. Disons qu’il y a eu un élargissement important des palettes de sons utilisables et de leur organisation dans le temps et l’espace qui a marqué de manière indiscutable le siècle dernier. Mais en quoi peut-on parler de progrès au même sens que le progrès scientifique ou technique ?

Alors sans doute faudrait-il revenir aux fondamentaux : qu’appelle-t-on progrès ? Il sous-entend l’idée d’un avenir meilleur et, de manière plus intellectuelle, l’idée du sens de l’histoire, issue d’une vision du monde occidental, laquelle est assez liée à une conception chrétienne d’avènement du royaume de Dieu. Certes, c’est un résumé facile et simpliste, mais qui ne manque néanmoins pas de vérité, même si le christianisme, tout au long de l’histoire de l’Occident, s’est longtemps opposé à l’évolution des sciences, de la pensée philosophique et de la réalité politique et sociétale.

Si le progrès n’est pas une évolution rectiligne dans le temps et l’espace de l’impact de l’homme sur la création, il demeure cependant en tant que progrès scientifique, qu’accroissement des connaissances, que passage d'un paradigme du savoir à un autre. L’idée de progrès est certes liée à un système d’explication du monde, mais n’existe-t-il pas également une emprise plus élargie de l’homme sur l’univers, pour le meilleur, mais aussi pour le pire ?

 

 

03/08/2011

La vie se crée dans le délire

 

La vie se crée dans le délire et se défait dans l’ennui. L’ennui, cette maladie incurable… L’univers transformé en après-midi de dimanche.

Nous ne pourrions atteindre le terme d’un seul jour si la possibilité d’en finir ne nous incitait pas à recommencer le jour d’après. Pouvoir disposer absolument de soi-même et s’y refuser, est-il don plus mystérieux ?

Qui fut assez audacieux pour ne plus rien faire parce que tout acte est ridicule dans l’infini ?

On ne discute pas l’univers, on l’exprime : nous ne commençons à vivre réellement qu’au bout de la philosophie.

L’être est muet et l’esprit bavard. Cela s’appelle connaître.

J’ai voulu supprimer en moi les raisons qu’invoquent les hommes pour exister et pour agir… Et, me voilà dans l’hébétude, vide…

Notre existence, réduite à son essence, continue à être un combat contre les éléments de toujours, combat que notre savoir n’adoucit aucunement.

Qui n’a convoité l’ignominie, pour couper à jamais les liens qui l’attachaient aux autres, pour subir une condamnation sans appel et arriver ainsi à la quiétude de l’abîme ?

L’homme est l’être dogmatique par excellence, et ses dogmes sont d’autant plus profonds qu’il ne les formule pas, qu’il les ignore et qu’il les suit.

 

 

02/08/2011

D'acier, roman de Silvia Avallone

 

C’est le roman de l’adolescence, moment où les sentiments sontlittérature,société exacerbés, en particulier ceux de l’amitié et de l’amour, mêlés au désir du corps, brutal pour les garçons, plus sournois pour les filles, mais tout aussi réel.

Elles sont deux filles canon, les plus remarquées de Piombino, faubourg ouvrier, au bord de la plage, face à l’île d’Elbe. Elles sortent de l’enfance, entre les manifestations d’amitié de l’enfance et les tentations physiques de l’adolescence. Toute la plage les regarde, les admire, les envie. Elles ne sont pas insolentes, simplement épanouies et sans complexes, sûres de leur beauté. Elles découvrent l’amour. Après des tentatives de manifestation d’amour entre elles, Anna tombe amoureuse de Mattia, beau loup de mer ayant navigué trois ans en Mer Noire. C’est la fin de l’amitié entre Anna et Francesca, cette dernière se sentant trahie par l’attitude d’Anna. Francesca adopte une autre amie, par dépit, une petite boulotte qu’elle n’aime pas. Elle ignore Anna qui découvre l’amour à quatorze ans. Mais, après des péripéties, elles finiront par se réconcilier : Elles souriaient, ne parlaient pas. L’une avait la bouche pleine de dentifrice, l’autre les lèvres entrouvertes, un peu gercées. Elles étaient parfaitement accordées l’une à l’autre.

Histoire banale, sans grand intérêt, semble-t-il. Mais, en premier lieu, elle se passe dans un univers très dur où les hommes sont des machos et les femmes soumises, où les pères veillent sur leurs filles avec des arrière-pensées, dans l’ambiance de l’aciérie, seul moyen de gagner sa vie à Piombino, univers inhumain où les hommes s’épuisent et s’enferment dans des certitudes d’enfant. Et dans ce monde éclosent deux chrysalides sans complexe, devant lesquelles les vieux bavent d’impuissance et les adolescents de désir. Elles sont pourtant comme toutes les filles, regardant les garçons, se pavanant en bande devant eux, rêvant d’être dans leurs bras, mais dédaignant leurs plaisanteries obscènes.

En deuxième lieu, ce qui surprend, c’est la maîtrise des descriptions et de l’écriture en général. Deux exemples :

 

Anna et Francesca, quand chez Anna il n’y a personne.

Leur corps pulse comme la musique, avec la musique. Elles attendent que la chanson commence pour se déshabiller.

La fenêtre est ouverte. Elles se sont enfermées à clé dans la salle de bain. Elles le font tous les lundis matin, l’été, quand la classe est finie et que tout le monde est au travail. Elles relèvent le store, ouvrent les rideaux. Elles se tiennent là, à moitié nues, au milieu de la pièce. Dans l’immeuble en face, seuls sont restés les retraités et les tire-au-flanc.

Elles se sont maquillées, outrageusement. Le rouge à lèvres déborde, le rimmel coule avec la chaleur et plâtre leurs cils, mais elles s’en fichent. C’est leur carnaval à elles, la provocation qu’elles lancent par la fenêtre. Au fond, elles le savent que quelqu’un pourrait les mater et tomber le pantalon. (p.32)

 

Elle lui plaisait trop. Elle lui faisait un effet, nom de Dieu, inexplicable. Et puis il se dit que ses intentions n’étaient pas mauvaises. Se persuada qu’il voulait juste la connaître un peu, parler avec elle, découvrir ce qu’il y avait dans cette petite tête, et peut-être même la tenir une minute dans ses bras.

« Eh, la frisée ! », cria-t-il.

Anna en freinant se retourna et scruta la foule.

Merde : elle était à tomber.

Cette frimousse insolente, pendant qu’elle cherchait qui l’avait appelée… elle était fantastique !

Tant pis, il lui expliquerait ; à Alessio, et s’il fallait encaisser la beigne, il l’encaisserait. Anna soudain le vit. Le reconnut. Pila brusquement.

Mattia. MAT-T-IA. Accoudé à la balustrade, beau comme Brad Pitt dans Thelma et Louise, beau comme Ricardo Scamarcio sur la couverture de Cioè.

Elle éprouva une seconde de désarroi, de joie folle, sauvage… (p.182)

 

Mais je n’irai pas jusqu’à dire qu’il s’agit d’un roman social comme le prétend La Repubblica. Ce serait le déclasser. C’est un bon roman, écrit à 25 ans et tiré à 350 000 exemplaires. C’est tout. Mais, c’est déjà beaucoup.

 

 

01/08/2011

Bulle de savon translucide

 

Bulle de savon translucide,

Tu es l’espace et le temps

L’infini et le fini

Mon système solaire

 

Au-delà du globe transparent de ton regard

Se cachent ta propre image

Et l’image de ton univers

 

Tu es l’aleph de ma contemplation

Le commencement et la fin du temps

Ta présence est mon éternel présent

Et je mourrai de ton achèvement

 

Au-delà du goût de tes lèvres

Je prends conscience de ta densité

Et ne peux plus me définir

Qu’en relativité à ton existence

 

Le jeu de la lumière dans ta chevelure

Est la courbure de mon atmosphère

Où je découvre implacablement

Le champ de gravitation de mon espérance

 

Je suis d’apesanteur, exempt d’inertie

Inexorablement, éternellement

Attiré vers le centre de ton être

Concentré de ma pleine conscience

Vers le point de chute que tu es

 

 

31/07/2011

Le chat au point d'interrogation

 

Est-ce une nouvelle, est-ce un conte? Je ne sais. Mais je souhaite qu'il vous apporte un peu de plaisir en cette fin maussade de juillet.

 

le chat au point d'interrogation.pdf 

 

30/07/2011

L’année dernière à Marienbad, film d’Alain Resnais

 

L’année dernière à Marienbad 1 :

http://www.dailymotion.com/video/xa92dg_l-annee-derniere-a-marienbad-1_music

L’année dernière à Marienbad 2 :

http://www.dailymotion.com/video/xa93fl_l-annee-derniere-a-marienbad-2_music

L’année dernière à Marienbad 3 :

http://www.dailymotion.com/video/xa95yk_l-annee-derniere-a-marienbad-3_music

L’année dernière à Marienbad 4 :

http://www.dailymotion.com/video/xa96hp_l-annee-derniere-a-marienbad-4_music

L’année dernière à Marienbad 5 :

http://www.dailymotion.com/video/xa96uq_l-annee-derniere-a-marienbad-5-fin_music

 

D’un autre siècle, cet hôtel immense, luxueux, baroque, empli de couloirs, de galeries, surchargés de décors de stucs, de miroirs, de glaces noires, débouchant sur des salons déserts, surchargés, aux tapis lourds, épais, silencieux. Les personnages sont figés, rêveurs, les yeux fixes, ne regardant rien, indifférents. Et pourtant, ils réagissent à la fin du spectacle qu’ils regardaient : applaudissements, brouhaha des voix ; mais très vite tout se fige à nouveau, comme des pauses silencieuses, accompagnées d’un morceau d’orgue. Et bientôt, l’hôtel semble s’endormir lentement dans des conversations à deux, homme et femme. Mais la vie continue dans les salons auparavant silencieux, toujours en conversations saisies au vol, sans continuité.

 

Après l’introduction au jeu de Nim où toujours perd celui qui ne connaît pas l’astuce, on fait connaissance des personnages principaux du film : une jeune femme, Delphine Serig, belle, à la voix enjôleuse, mais légèrement agaçante ; un homme, Giorgio Albertazzi, de la même taille, séduisant, qui s’efforce de lui rappeler ce qui s’est passé l’année dernière à Marienbad et qui lui fait la cour ; un autre homme, Sacha Pitoëff, plus grand, également séduisant, dont on découvrira qu’il est le mari de la première et qui gagne toujours au jeu de Nim. La femme erre dans les décors, monte des escaliers, s’esquive, reprend le contact, mêlant deux moments et deux lieux, l’hôtel du présent  et celui de Marienbad, voire d’autres. Tous ces fantômes se déplacent dans le décor, tantôt conversant à voix basse, tantôt silencieux, tels des spectres glaciaux, mais malgré tout attachants et même, parfois, vivants.

_ Que voulez-vous donc, vous savez bien que c’est impossible… Laissez-moi, je vous en supplie, dit-elle à celui qui lui fait la cour et dont on ne connaîtra pas le nom. Il l’accompagne cependant au concert, malgré l’intervention de l’autre personnage. Ils s’y tiennent comme deux étrangers. Puis retour à l’hôtel, dans les salons silencieux, et jeu d’attitudes entre la femme et l’homme, avec la remémoration de ce qui a peut-être existé auparavant, en un autre lieu, un autre temps, l’année dernière à Marienbad. Mais elle garde toujours une certaine distance :

_ Approchez-vous, plus près, lui dit-il.

_ Laissez-moi.

_ Et pourtant vous êtes là, à portée de ma main.

_ Pourquoi moi ?

_ Vous m’attendiez.

_ Non.

_ Il s’agit de votre vie, la vôtre. Debout devant moi, attendant peut-être, immobile, les bras le long du corps, vos lèvres un peu disjointes, vous avez peur !

_ Tout cela est faux, je ne connais pas cette chambre, il n’y a pas de glace au dessus de la cheminée. Je ne sais de quelle chose vous parlez. Je n’ai jamais été avec vous dans cette chambre. Vous inventez, je suis sûre que vous inventez.

_ Je vous ai regardé, je vous aimais, vous étiez vivante.

Et elle s’enfuit, une fois de plus.

 

Retour au dialogue entre elle et lui :

_ Vous m’avez demandé de vous laisser une année entière, pour me mettre à l’épreuve. Je viens maintenant vous chercher.

_ Non, non, c’est impossible.

Vision de l’année dernière à Marienbad : Seule dans sa chambre. Il explique ce qu’elle fait, mais elle-même fait autre chose, elle tourne autour de la chambre, doucement, frôlant les murs et les miroirs, alors qu’il lui dit :

_ Et vous êtes retournée vers le lit. Ecoutez-moi ! Pourquoi vouloir toujours vous échapper.

Les souvenirs se mélangent, il tente de se remémorer, mais il est incertain, il ne se souvient plus lui-même.

 

Ils se cherchent, ne se trouvent pas. Elle ne sait ce qu’elle veut. Elle craint son mari. L’histoire a commencé il ya un an, dans une architecture en trompe l’œil, entre un miroir et des colonnes, dans une chambre toujours ouverte.

Elle doit le retrouver à minuit. Il vient. Elle était là, assise sur une chaise, au pied de l’escalier, belle. Elle se lève, il la suit, dans l’hôtel de colonnes et d’escaliers. Ils sortent dans le parc, où ils se perdent dans la nuit tranquille, elle, seule avec lui.

 

 

Consacré Lion d’or en 1961 au festival de Venise, c’est le second film d’Alain Resnais, réalisé à partir du scénario d’Alain Robbe-Grillet. Ils recherchaient tous deux une nouvelle expression cinématographique, sortant des habitudes, comme le nouveau roman s’efforçait de renouveler le roman traditionnel. Le temps tient un grand rôle dans le film. Ce sont de perpétuels changements de temps et de lieux tout au long du film qui font qu’au bout de quelques minutes, on ne sait plus où l’on est et à quel moment. Le début du film est conçu pour envoûter le spectateur : travellings et panoramas donnent la dimension physique de l’espace. Les commentaires du narrateur qui répète pratiquement toujours la même chose d’une voix monocorde, ainsi que la musique d’orgue, qui accompagne ces descriptions, sont là pour tromper la perception de la durée. Il ne s’agit pas d’une histoire que l’on raconte d’une façon linéaire, mais d’une rêverie de l’imaginaire qui relie entre eux différents temps et différents lieux. La femme n’y croit pas et refuse les prétendus souvenirs de l’homme. Et pourtant elle se laisse prendre au jeu, au point, à la fin du film, de céder à la demande de son admirateur.

Et pourtant, on finit par douter comme la jeune femme de la réalité de ce que raconte l’homme, de ce qui s’est passé l’année dernière à Marienbad. On peut penser qu’Alain Resnais joue avec le spectateur. Il veut le contraindre à fabriquer sa propre compréhension du film, sans rien imposer. Il bâtit le décor, les personnages, certains faits et c’est au spectateur de les relier ensemble, de les animer pour faire dire au film ce qu’il veut entendre et comprendre.

 

 

29/07/2011

Assemblage intrépide

 

Cet assemblage intrépide est le fruit d’une longue quête, croisement de points hauts centraux et latéraux sur fond de losanges. Je ne sais s’il peut exister, mais en dessin tout est possible.

 

 

11-07-29 Assemblage .JPG

 

 

28/07/2011

Le chant orthodoxe slave

 

Le chant orthodoxe slave est profondément différent du chant romain. Intimement lié à l’âme russe, il puise ses caractéristiques dans la musique slave, elle-même influencée par de nombreux courants. Comme le chant grégorien, il dispose de huit tons, avec leurs caractères propres.

 

 

Découvrez la richesse de cette tradition : 

 

le chant orthodoxe slave.pdf

 

 

Ecoutez quelques chants :

http://choeurslava.free.fr/extraits-sonores.htm

http://www.youtube.com/watch?v=wj5A1zvw-T8&feature=related

 

Mais bien d'autres sites vous offrent l'écoute de nombreux chants orthodoxes slaves, par exemple :

http://www.youtube.com/watch?v=jawFHHtqzD8&NR=1

 

 

 

 

 

27/07/2011

Pourquoi courir après les actes

 

Pourquoi courir après les actes ?

Pourquoi vouloir faire et défaire ?

S’arrêter, prendre le temps de se regarder !

Contempler le monde comme le hibou,

Les yeux ouverts, sans bouger

Et voir passer les incidents

Comme de petites blessures

A la perfidie de la vie

 

Calme serein des fontaines

Qui coulent au pied des jardins

Comme immobiles et vivantes

D’une vie statique et immortelle

 

Tel le scaphandre en eaux douces

Nous attendons la remontée

Pour sortir nos trésors :

Un doigt de poupée rose

Une couronne de fleurs artificielles

Trois lapins de porcelaine

Un chapeau défraichi

Par son séjour dans l’eau noire

 

Au-delà de ces assemblages

Nous retrouvons, cachée,

La sensation de froideur vitale

Des escargots idéologues

Qui courent aux murs de la honte

 

Petits délires matinaux

Comme un soulagement

Offert gratuitement

A l’errant qu’est

Chacun (ou chacune) de nous !