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12/06/2011

Voyager sans bouger

 

Voyager, c’est sortir de l’habitude : recherche de dépouillement par le dépaysement. Le poète sait voyager sans bouger. Il est maître de l’espace.

Mais il n’est pas maître du temps, car sa poésie tient aux sensations, aux souvenirs, à tout ce qui ensuite se rumine dans sa tête pour sortir à un moment qu'on ne peut prévoir. S’il les oublie, il n’a plus rien à dire. Son sac se rétrécie et rien n’en sort plus, juste l’instant qui souffle et le rend vulnérable.

Quant à l’avenir, où est-il ? Dans une imagination sans sensation, ni sentiment, ni même impression. Et pourtant, l’avenir peut se rêver. Imaginer sa destinée et faire en sorte qu’elle advienne, c’est le plus grand bonheur dans la durée que l’on peut se procurer.

 

 

11/06/2011

Foule

 

Toute affluence de personnes amène deux attitudes : l’immersion qui entraîne l’adhésion et la participation à l’action de la foule en perdant le contrôle d’une partie de soi-même ou le retrait qui, par la distance psychologique que l’on garde vis-à-vis des autres, permet de rester soi-même. Ces deux attitudes peuvent varier à chaque instant selon les circonstances extérieures et la nature de l’affluence : multitude de personnes ayant leurs objectifs propres sans contact les uns avec les autres, telles les artères des grandes villes un jour d’affluence ; cohue comme cela peut être le cas dans le métro à certains horaires (l’objectif est d’arriver à prendre le métro) ; attroupement où déjà se manifeste un intérêt ou une excitation collective ; enfin foule devenant une entité vivante, devant laquelle l’individu s’efface au profit de la masse.

 

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C’est un passage de l’anonymat à la reconnaissance mutuelle, voire l’action.

Avant toute réflexion sur la notion d’affluence, il y a l’impression d’anonymat collectif, expression contradictoire, mais qui montre la difficulté de choisir son attitude. Je suis moi-même, je regarde mes voisins que je ne connais pas, mais avec lesquels je peux échanger, puis très vite, en raison de la distance, ces voisins deviennent des individus, puis des corps anonymes qui s’agitent et font du bruit. Immuable, le soleil éclaire la scène comme chaque jour que le monde fait.

Quelle surchauffe !

 

 

 

10/06/2011

La ballade de l’impossible, Un film de Anh Hung Tran, d’après le roman de Haruki Murakami

 

Présentation du film :

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19203568&cfilm=147468.html

Sur le livre de Murakami :

http://www.buzz-litteraire.com/index.php?2011/05/04/629-la-ballade-de-l-impossible-d-haruki-murakami

Le Monde cinéma :

http://www.lemonde.fr/cinema/article/2011/05/03/la-ballade-de-l-impossible-pas-de-deux-sur-fond-de-musique-triste_1515931_3476.html

 

Un décor des années 60 assez subtil : rideaux géométriques orange, couloirs jaunes aux plinthes peintes en brun, pantalons en tissu écossais pour les garçons et socquettes pour les filles. Mais une campagne grandiose, faite de côtes rocheuses, de forêts luxuriantes et de collines escarpées et enneigées, c’est-à-dire un décor d’éternité qui tranche avec les décors d’intérieur. Un monde estudiantin dans un foyer de garçons dont les chambres exhalent "une odeur écœurante aigre, faite de sueur, de crasse et d'ordre", avec ses locataires si variés : un maniaque de la propreté, adepte de la gymnastique matinale, un futur diplomate rationnel et égoïste, qui fait découvrir  au héros du film le plaisir des femmes, des lectures, des disques et surtout des rencontres amicales et amoureuses. Mais c’est aussi un garçon qui a sa propre philosophie. A la supposition de Watanabe sur le fait qu’il n’ait pas d’idéal, il répond : « Bien sur que non. Dans la vie, on n’a pas besoin de ce genre de choses. Il faut un modèle de conduite et non un idéal ».cinéma, film,

Le jeu de la caméra est assez remarquable : cadrage ordinaire pour les faits sans intérêt tels que déplacements dans les couloirs ou dans la ville en proie à l’agitation estudiantine de ces années. Mais ce sont surtout les visages qui intéressent Anh Hung Tran. Plus l’intensité émotionnelle est grande, plus ils sont pris de près et même de très près, parfois avec des contre-jours, d’autres fois sans, parfois très éclairés, d’autres fois en noir et blanc. Et le jeu de ces visages renforce, sans qu’il y ait besoin d’explication, l’instantané dramatique qui peut traduire la peine, l’amour, l’incompréhension.

L’histoire elle-même est celle d’étudiants des années 60 à l’université de Tokyo, et plus particulièrement celle de Watanabe, un garçon de dix-neuf ans qui expérimente la vie amoureuse. Son meilleur ami, Kizuki s’est suicidé et il rencontre Naoko, sa petite amie. Ils se retrouvent chaque dimanche et le jour de l’anniversaire de Naoko, ils vont au bout de leur quête amoureuse. A la question de Watanabe lui demandant si elle avait fait l’amour avec Kizuki, elle se ferme et se met à pleurer. Elle part et disparaît pour de longs mois. Peu de temps après, Watanabe fait la connaissance de Midori, une belle jeune fille. Lorsque Watanabe reçoit une lettre de Naoko, ses sentiments pour elle se réveillent et il va la voir dans une maison de repos où elle se trouve en compagnie d’une autre femme, un peu plus âgée et mariée. Ils passent ensemble des moments étonnants, fait de tendresse et d’incompréhension, de promenades dans la campagne et d’intimité dans la petite maison qu’elles occupent. Mais la blessure de Naoko est trop grande et, finalement, elle se suicide, comme Kizuki. C’est le drame pour Watanabe qui part en solitaire en bord de mer et pleure cet amour perdu. Revenu à Tokyo, il rencontre à nouveau Midori et cette fois c’est une rencontre partagée. Ils partent vivre dans une autre ville.

 

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Les opinions vis-à-vis du film sont très partagées. On l’aime ou ne l’aime pas. Il est vrai qu’il est lent, certains diront long (plus de 2 heures), avec peu d’actions et ces actions sont noyées sous des émotions toujours en sous-entendues. On a l’impression d’être le spectateur impartial de ce qui se passe sans être invité à pénétrer à l’intérieur des personnages. Et pourtant, cette réserve très japonaise du tournage donne un sentiment d’intimité encore plus fort que l’on ne ressent qu’à la fin du film. L’avant-fin, juste après la mort de Naoko, est sans doute assez, voire trop dramatique, trop grandiloquente. Mais elle fait partie du film.

 

Le réalisateur explique que son film traite des amours de l’adolescence qui marquent chacun à vie : "Soudain, par surprise, on s’aperçoit trop tard qu’on n’a pas suffisamment vécu, suffisamment aimé, suffisamment souffert par amour. Trop tard. On n’aura vécu qu’une infime partie des aspirations de la jeunesse, cette époque des grandes affirmations, des certitudes proclamées les larmes aux yeux. Le temps du saut dans l’inconnu qu’est le sentiment amoureux est passé. Passées également, les grandes frayeurs éprouvées dans l’amour. Et une poignante mélancolie vous saisit, une mélancolie de l’existence telle que même un sentiment amoureux renouvelé ne pourrait qu’en accentuer l’intensité. Voilà ce qu’il y a de saisissant dans La ballade de l'impossible."

Derrière les événements du film, l’on peut distinguer trois grands types d’attitude. Celle de Nagasawa (le diplomate) et de Midori qui affrontent la vie avec conviction en se fixant une ligne de conduite, celle de ceux qui ne résistent pas à la vie et meurent d’incompréhension (Kizuki, Naoko et l’ex petite ami de Nagasawa). Enfin celle des indécis, dont Watanabe, pour qui les événements sont formateurs, mais qui flottent, ne savent que faire, que ressentir et qui échangent avec les autres de manière troublante, désaxé. Le film rend bien compte de cette atmosphère particulière.

"Nous savons tous que nous sommes "tordus" (...) La plupart des gens vivent sans être conscients de leur propre torsion. Mais c'est justement cette torsion qui est la condition préalable nécessaire pour vivre dans notre petit univers. Nous l'arborons comme un Indien les plumes qui signent son appartenance à la tribu."

 

  

09/06/2011

Il est des gens pour qui rien ne va

 

Il est des gens pour qui rien ne va

Il est des gens qui ne vont nulle part

Il est des gens qui ne s’arrêtent jamais

Toujours en mouvement, toujours tourmentés

 

Comment leur dire la mouche qui vole,

L’oiseau qui pleure en gazouillant,

Le chat qui miaule dans la chambre

L’enfant qui dort les bras ouverts

La femme au chapeau de plumes

Et l’homme en penseur solitaire

 

Il est des gens qui ignorent les saisons

Ne voient pas dans le froid du matin

La magie enracinée de la vie

Ne comprennent pas non plus

L’espérance d’un cœur vide

Ou même la vacuité de la faim

 

Il est des gens qui n’ont que la parole

Pour proclamer leur désaccord

Et qui toujours s’enferment

Dans un bocal de rancœur

Pour finir seul un jour d’orage

Dans la poubelle de l’imprécation

 

 

 

08/06/2011

Quartier latin

 

Sortir du cinéma, se noyer dans la foule qui s’écoule entre les écueils de la rue, se bousculer dans l’indifférence, avaler par les yeux les mots que l’on vous jette au visage pour imprégner en vous un réflexe consolateur, ainsi éprouvais-je la liberté geôlière de ces gens qui défilent à pas comptés , le regard vide ou avide, les bras enchevêtrés et les cœurs séparés, revêtus de parures et d’ennui. Quelques mots saisis au passage, quelques mots sans vie de phrases que l’on dit parce qu’il faut parler, quelques paroles tombées sans lassitude comme la pluie, indifférentes et journalières.

Parlez, car la parole est votre drogue. Ici est le lieu de la parole, dépensée en pure perte, érigée en monument sonore au dôme éclatant, écoulée en flots le long des pierres usées du caniveau, affichée sur les murs, les vitres et les vêtements même. Lieu que j’aime encore, car les mots n’ont plus de sens, les phrases pas de suite. Lieu que j’exècre aussi, car les mots ont d’autres pouvoirs que cette ivresse prodigue. Silence des regards que l’on croise, de ces regards sans nom où passe la ville bariolée. Je les ai regardés, tous, les uns après les autres, sur ce voile de bienfaisante tiédeur qui envahit leur corps, je les ai vus aussi se lécher les doigts, comme des enfants, après avoir englouti des sucreries mièvres achetées dans un réduit graisseux.

Et pourtant combien est vraie et émouvante cette vieille ville qui dure immémoriale au pied de la foule qui passe sans lever les yeux. Elle porte les stigmates de son indifférence à son égard, mais elle cache aussi au-delà de ses façades grises, sous un porche humide, des prodiges d’architecture, où tournoient de charmants escaliers en colimaçon et des fenêtres étroites. Elle cache aussi des artistes qui s’évertuent à créer ce que d’autres jugent sans comprendre. Elle cache enfin des amours, des deuils, des naissances, bref la vie qui va et part, qui vient et repart, qui sans cesse se noue et se dénoue au fil des jours dans les pierres qui restent, immobiles, jusqu’au jour de la déchéance.

 

 

07/06/2011

Portrait de la comtesse Skavronskaia, d’Elisabeth Vigée Lebrun

Suite de la visite au musée Jacquemart-André du 27 mai (comme promis) :

Ctesse Skavronskaia EVLB fond bleu 6.jpg

 

Il existe plusieurs portraits de cette charmante comtesse. Celui du musée Jacquemart-André est sur fond bleu, bleu de sa robe, des coussins et du fauteuil sur lequel elle est assise, des murs qui l’environnent et même de son voile qu’elle porte sur la tête. L’autre, ici plus petit, est au Louvre.

 

Ctesse Skavronskaia EVLB 2.jpg

 

Elle a des yeux espiègles, une petite fossette sur la joue droite. Son visage est sans égal, heureux et mélancolique, rêveur comme au souvenir d’une fête qui ne sera plus. C’est en fait une très jeune femme dont l’attitude détendue laisse deviner la vivacité. Elle devait faire rêver longuement ses visiteurs.

 

Une fois de plus, Elisabeth Vigée Lebrun surprend par le naturel et la fraicheur d’une peinture distinguée, mettant en valeur indiciblement le personnage qu’elle représente. Elle a vécue pour la peinture et la peinture lui a donné une renommée bien méritée. Pourtant peu de femmes osaient peindre à cette époque  (1755-1842) et, encore moins, en faire un métier.

 

 

 

06/06/2011

Sphère creuse sans points hauts

 

Parfois l'imagination conduit à des créations bizarres. C'est le cas aujourd'hui.

 

Sphère sans points hauts-VD1.JPG

Une sphère creuse (puisque l'on voit à travers la sphère le fond de losange), faite de cubes dont aucun n'est plus haut que les autres. En effet, si l'on regarde au centre, les quatre cubes montent sans cesse si l'on va de l'un à l'autre dans le sens des aiguilles d'une montre.

Chacun de ces quatre cubes constituent le sommet d'une pyramide dont un cube est voilé.
Puis la pyramide s'agrandit d'autres cubes qui la jouxtent.

Cet ensemble peut se déplacer en rotation de 90° (en violet), puis s'emboiter dans le premier  de telle sorte que le premier cube des quatre initiaux se trouve en dessous du second cube, constituant ainsi progressivement l'ensemble. Puis le troisième (en jaune) avec le second, etc.

Sphère sans points hauts décomp-VD2.JPG

 

 

05/06/2011

La compréhension du miracle : une co-naissance

 

Avez-vous remarqué combien il est difficile de parler des miracles. Nous sentons d’instinct que le sujet est gênant : ou il entraîne le refus, refus du miracle qui coïncide souvent avec le refus d’en parler parce que sujet trop intime qui nous engage au plus profond de nous-mêmes ; ou il entraîne une profusion verbale exprimant des opinions favorables ou défavorables à leur existence (car en fait, cela s’arrête souvent là : je crois ou je ne crois pas à leur existence). Le miracle déconcerte parce qu’il ne fait partie de notre vie. C’est un point d’interrogation. En fait la seule véritable interrogation que devrions avoir est : le miracle change-t-il quelque chose à ma vie ? Nous verrions alors que, pour ou contre, favorable ou défavorable, le résultat est le même. Il ne change rien parce que, même si nous y croyons, nous l’assimilons à une croyance, une sorte d’idéologie, sans qu’il bouleverse notre vie. Alors, qu’en est-il des miracles ?

A l’évidence, le monde a soif de miracles. Il les attend. Mais en même temps, il les refuse, au nom de la raison, bien qu’il commence à percevoir les limites que celle-ci lui impose. En fait, le problème n’est pas le miracle en lui-même, mais son appréhension. Celle-ci dépend de l’état d’être de chacun. C’est pourquoi l’église adopte une attitude très neutre qui semble sage. La véritable question n’est pas quelle doit être mon attitude vis-à-vis du miracle, mais quelle doit être ma vie vis-à-vis de l’action divine ? Alors vient la véritable compréhension du miracle.

 

1. La recherche du surnaturel

 

Le monde moderne refuse Dieu. La raison, utilisant l’approche scientifique, est supposée expliquer le monde. Dieu n’est plus utile, il est devenu une superstition qui enchaîne l’ignorant dans l’esclavage. « La religion est l’opium du peuple », disait Karl Marx. Si la pensée contemporaine de l’Occident ne va pas aussi loin, elle exclut néanmoins l’aspect spirituel de l’homme pour fonder le bonheur de celui-ci sur son aspect matériel.

Or, réaction curieuse, jamais le merveilleux n’a été autant accrédité. Une littérature nouvelle est apparue : la science fiction. Elle a d’abord puisé dans les possibilités matérielles de la science (Jules Verne), puis dans l’irruption d’êtres vivants venus d’autres planètes (H. G. Wells). Elle s’est tournée peu à peu vers les possibilités irrationnelles du cerveau humain, utilisant le rêve, la drogue, l’hypnose pour sortir du monde matériel ou tout au moins s’en affranchir (H. P. Lovecraft). Elle fait maintenant état des possibilités offertes par l’intelligence artificielle, échafaudant des mondes parallèles à notre monde d’atomes (B. et G. Bogdanoff). Cette littérature ne fait jamais appel aux notions de monde spirituel. Mais en fait, derrière tous ces mondes imaginaires, c’est l’appel d’un au-delà de nous-mêmes qui émerge. L’homme aspire à donner un sens non matérialiste au monde où il vit et derrière la littérature de science fiction se cache la soif de Dieu (et aussi malheureusement celle du démon à qui une certaine littérature laisse une large place).

D’autres formes littéraires ayant pour thème l’énigme, le mystérieux, le surnaturel, sont également apparues ce dernier siècle. Citons entre autres dans le genre littérature métaphysique les nouvelles de Jorge Luis Borgès, auteur argentin, ainsi que ceux de ces amis A. Bioy Casarès et Julio Cortazar. Citons aussi « Le matin des magiciens » et « L’homme éternel » de L. Pauwels et J. Bergier, traitant des grandes énigmes du monde et de l’homme. Constatons enfin le développement insolite de la littérature mystique et religieuse depuis une trentaine d’années. Enfin, notons d’autres formes d’accréditation du merveilleux ou du surnaturel : l’astrologie, le spiritisme, les sectes, qui font souvent profit de la recherche spirituelle des jeunes, recherche sincère et normale.

En bref, l’homme, malgré l’oppression idéologique actuelle tournant en dérision l’aspect spirituel de l’homme, non seulement ne cesse d’aspirer à un au-delà de son univers quotidien qui donnerait un sens à son activité, mais même espère l’irruption de Dieu dans notre monde. Cette espérance est un fait inconscient. Elle est réelle, même si elle se concrétise par un débordement de l’imagination.

 

2. Les limites du rationnel

 

Quelques grands savants commencent à prendre conscience des limites de la science. Ces limites ne sont pas d’ordre matériel. Elles sont conceptuelles. Le cerveau humain, fait de matière, n’échappe pas à la matière.

 

Jean E. Charon, auteur d’une théorie unitaire de l’univers, fait apparaître trois niveaux successifs d’appréhension du monde qui nous entoure :

.        Le connu qui s’appuie sur l’observation (méthode phénoménologique), mais qui ne peut faire abstraction de l’observateur. Son langage dit objectif s’appuie sur la notion d’objet.

.        Le réel, qui est une généralisation du connu permettant d’accéder à une description de la nature indépendante de l’observateur. Son langage est symbolique. Ainsi les mathématiques sont le langage approprié à une description de l’univers.

.        Enfin, ce n’est pas parce que l’on décrit le réel au moyen de la géométrie que l’univers est de la géométrie. Ce n’est que l’univers, nous n’en connaissons que l’image rationnelle que s’en fait l’intelligence rationnelle. On ne peut savoir « ce qu’est » l’univers que par intuition ; et, par définition, l’intuition est personnelle, don ne peut constituer les éléments d’une science. Elle ne peut s’exprimer, se faire partager, qu’à l’aide d’un langage symbolique qui ne donne qu’une description et non ce qui « est ».

 

3. Que penser des miracles ?

 

Voyons un peu comment les hommes conçoivent le miracle. Nous remarquons que selon leur état d’être, ils ne réagissent pas de la même façon et tirent des conclusions contradictoires.

L’homme frustre qui appréhende le monde à travers son aspect sensuel refuse de se laisser troubler par le miracle. Il l’ignore.

L’homme qui vit sa relation avec le monde dans son aspect émotionnel est sensible au miracle. Il trouve une résonnance en lui, car sa vision du monde est intuitive. Le miracle le touche, car il y sent une vérité qu’il ne peut s’expliquer. Mais malheureusement, sa vision émotionnelle le conduit souvent à la superstition, parfois même à la fausse illumination. Il se trompe lui-même inconsciemment par désir du merveilleux. Sa croyance aux miracles, cette recherche à la limite morbide du surnaturel n’est qu’une façon de fuir la réalité du monde et d’enfler son moi en confirmant sa vision des choses.

L’homme qui fonde sa vision du monde à partir de la raison ne rejette pas le miracle comme le frustre. Il ne l’ignore pas, mais il sait qu’il y a une explication naturelle. Il la cherche. Il croit la trouver parfois. Il n’a de cesse de se convaincre que s’il ne peut l’expliquer c’est que pour l’instant la science n’est pas allée assez loin dans sa connaissance de la structure de l’univers. L’homme rationaliste se veut objectif. Pour lui, le miracle est du domaine du subjectif qui un jour sera expliqué objectivement.

Le croyant, selon ce qui prédomine en lui, hésite entre ses diverses explications, qui cependant ne le satisfont pas. Il suit l’église qui lui propose des saints ayant vécu dans le passé et ayant accompli de nombreux miracles, qui reconnaît certaines apparitions. Mais souvent, il ne sait que penser au sujet d’hommes ou de femmes qui font preuve de manifestations surnaturelles : le Padre Pio, Thérèse Neuman, Marthe Robin. En fait, bien souvent, il n’est pas plus avancé que le non croyant et sa foi ne lui apporte que la caution de l’église qui elle-même est très partagée face à la réalité présente du mystère surnaturel. Les miracles sont faciles à accepter lorsqu’ils sont du domaine du passé, mais plus difficiles s’ils font partie du présent.

L’homme spirituel enfin a pris conscience que le monde lui-même est un miracle. Il y voit sans cesse Dieu à l’œuvre et derrière le visible transparait l’invisible, le sens des choses. Pour lui, le miracle est naturel. Il voit chaque jour des signes de la présence de Dieu. En fait, sa relation avec le monde a changé de niveau parce que lui-même a changé d’état d’être. Il ne cherche pas à juger, à penser quelque chose du miraculeux. L’homme spirituel n’a pas d’opinion. Il refuse toute réaction de l’égo, du moi. Il cherche à appréhender le monde, guidé par l’esprit. L’esprit n’a pas de jugement (ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas de discernement).

 

4. Attitude vis-à-vis de l’action divine

 

L’attitude de l’homme vis-à-vis de l’action divine doit se régler sur deux préceptes qui peuvent paraître au premier abord contradictoires.

1.      Accepter les choses telles qu’elles sont, le monde tel qu’il est, les hommes tels qu’ils sont ; et non les vouloir toujours conformes à son idéal. Nous rejetons le monde, nous critiquons les autres parce que nous ne les voyons pas conformes à l’idée élevée que nous nous faisons de l’homme et de l’univers. Mais nous ne voyons pas que cette attitude est créée par notre incapacité à atteindre cet idéal. C’est une excuse inconsciente que nous nous donnons à nous-mêmes. Il a toujours semblé à l’homme plus facile de changer le monde que de commencer par se changer lui-même.

Ceci suppose donc de nous accepter tels que nous sommes, non pas seulement avec nos qualités vraies ou imaginaires, mais avec nos défauts (nouvelle naissance avec nous-mêmes) qui ôtera nos peurs et nos critiques, qui apaisera l’exacerbation des contraires en nous.

2.      Etre disponible à l’action divine, au miracle. Comprenons bien que cette attitude n’a rien à voir avec la superstition ou le désir égocentrique du merveilleux. Les grands saints n’ont jamais cherché à faire des miracles. Ceux-ci se sont produits malgré eux au début, jusqu’à ce qu’ils comprennent que telle était la volonté de Dieu. Ils ont toujours dit qu’ils n’y étaient pour rien. En fait, le miracle ne peut se produire que si l’homme est vierge de tout égo, disponible, ouvert à l’action divine en lui. Disons que la sainteté consiste paradoxalement à ne pas rechercher le miraculeux tout en l’espérant, tout en le demandant, tout en faisant confiance à Dieu pour qu’il se produise. Attitude paradoxale, mais facile à comprendre : le saint demande à Dieu avec son esprit (le Soi, l’être profond au-delà du moi), il refuse le miracle avec son égo parce qu’il craint trop d’en tirer un peu d’orgueil.

 

 

*  *  *

 

 

La compréhension de ce qu’est le miracle n’est ni du domaine de l’opinion, ni du domaine de la conviction, ni du domaine du savoir. Elle est dans notre propre changement d’être. C’est une co-naissance qui ne peut venir qu’avec le retournement complet (conversion) de l‘être tout entier. C’est une nouvelle naissance : le monde prend sens, l’invisible transparaît derrière le visible. Le miracle est alors naturel, car la présence divine est derrière toute chose.

 

 

04/06/2011

Imagination, image inhalation…

 

Imagination, image inhalation…

Quel flot de mots et de sons,

Quel débordement de couleurs,

Quelles odeurs absurdes, mais délicieuses.

 

Je suis baignée de tentacules

Qui me chatouillent à l’envers

Et m’encourage dans mon innocence.

Je cherche d’autres procédés

Pour dire mon incompétence.

 

Amis, rien ne me vient à l’esprit,

Hormis cette poêle à frire verte.

Alors je prépare une omelette

Aux œufs frais encombrés d’herbes

Pour régaler les invités rares

Au festin de la comédie humaine.

 

Merci à vous qui êtes venus,

Revêtus de chemises molles

Et de pantalons de cuir souple,

Pour admirer le funambule

Dans son numéro imprévisible

Et sa médiocre réplique.

Oui, rien ne vous y obligeait.

Vous courriez dans vos intentions,

Vous pêchiez les mots au rebus

Et recomposiez les lettres

De mille envolées non lyriques.

 

C’est un grand jour,

Celui du retour de l’imagination.

Il apporte un peu de délire

Aux nuits somnolentes et tristes

Des artistes défraichis et somnambules

Qui pour se soutenir

Boivent plus que de raison

Un vin lourd et capiteux

Qui signe la défaite de leur art.

 

Merci à vous qui m’avez soutenu

Au cours de cette veille nocturne

Pour repartir au matin

Dans les brumes colorées

D’un nouveau jour sans surprise.

 

 

03/06/2011

Les puces de Saint Ouen (suite et fin)

 

Interrogeant la gardienne de ces trésors d’antan, j’appris qu’il existait deux autres magasins à proximité qui vendaient le même type d’objets insolites. L’un des deux n’avait que peu d’intérêt, mais, dans le second, on retrouvait la même veine délirante de décors désuets et charmants.

Ce n’était plus une boutique, mais un atelier secret, qui redonnait aux souvenirs vieillis le chatoiement de la nouveauté, une sortie d’hôpital vers la lumière franche d’une nouvelle vérité. On y trouvait de tout, et rien de véritablement utile. C’était un palais, mais celui d’un obscur génie qui entasse pêle-mêle mille parures qui ensemble constituent, en raison de leur agencement, un décor agréable à l’œil et doux à l’imagination, comme une sorte de baume sur la mémoire des choses.

 

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Au centre trône l’outil inutile, sorte de pont qui ne mène à rien, d’échelle conduisant au néant, comme si tous ces objets étaient la seule valeur universelle que l’on ne peut transcender sans sortir de la vie. L’échelle conduit à la mort parce que seuls les objets subsistent et se recyclent.

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Derrière l’échelle, les sables et cailloux du désert : des milliers de pierres, billes, éléments de bijoux qui s’entassent dans des boites, triés ou non. Ils se vendent au poids, semble-t-il, et on imagine celui qui repart avec un sac plein de ces éternelles fanfreluches pour construire des colliers fantasmatiques et importables.

 

 

 

De part et d’autre de l’allée que constitue l’échoppe, les deux murs qui se font face à face reflètent la même réalité imaginative et délirante de bacs et de présentoirs où règne un ordre quasi militaire à l'instar des revues du 14 juillet.

11-05-21 Puces 18.jpgComme le président de la république, vous défilez devant les troupes dans leurs plus beaux uniformes, devant les engins de guerre alignées plus qu’à la bataille, et vous rêver en plongeant vos mains parmi ces caisses pour exorciser cette impression étouffante d’un monde qui jaillit du présent en faisant renaître le passé.

On y voit de tout : cadavres de poupée, bouteilles de couleurs11-05-21 Puces 24.JPG variées, publicités désuètes ventant des alcools périmés ou des savons qui ne sentent pas la fleur d’oranger, alignement de bobines de fils, en arc en ciel, dans l’espace supérieur où flottent des panneaux décorés de trucs en plastique, en papier, en bois, en fer, qui donnent le tournis au regard comblé de tant de délicieux mirages.

 

 

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Dans un bac, des nains barbus attendent que Blanche-neige viennent les délivrer de tels voisinages intempestifs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

02/06/2011

Les puces de Saint Ouen

 

Plus qu’insolite, étrange et poétique, ce magasin situé dans le dédale des puces de Saint Ouen ! Ils sont en fait trois, assez proches les uns des autres, du même marchand, décorés avec la même veine folle d’imagination symétrique et colorée.

 

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Pour le premier, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un de ces stands de tir à la carabine qui s’exhibent dans toutes les foires du monde et qui donnent à chaque bon tireur l’objet dont il a détruit la pipe de porcelaine. Pour un euro, on se prend pour Buffalo Bill. Alignant l’œil, l’œilleton et le guidon, on cesse de respirer, on appuie doucement sur une gâchette molle et on laisse partir le coup, ébahi de voir que celui-ci n’atteint que rarement sa cible, les instruments de visée étant dans de nombreux cas faussés.

 

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En fait, il s’agissait d’une boutique vendant les surplus de fleurs artificielles, en tissu ou en papier, récupérés auprès d’entreprises mourantes ou presque, qui vident leurs stocks en échange de liquidités financières. Ces alignements de fleurs de toutes sortes et de toutes couleurs sont le fait d’un revendeur génial qui utilise le décor pour susciter l’envie d’acheter des bricoles qui ne se vendraient pas autrement. Ce sont des alignements de bouteilles en fond de décor, des tampons, des carafes, entremêlés de fleurs assemblées avec art ou déposées dans des paniers d’ostréiculteurs.

 

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Pour éclairer l’ensemble, des lampes 1950, en métal blanc, qui illuminent d’une lueur jaune, feuillage, tiges et fleurs, leur donnant une irréalité au pouvoir suggestif :

 

 

 

 

 

 

 

certaines, romantiques dans leur consistance et un rose passé,

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 d’autres écologiques, feuilles vertes et fausses gousses de graines,

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  d’autres encore se donnent des allures d’habitantes de cimetière, un peu fanées, mais pas suffisamment pour être jetées,

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 enfin quelques unes n’ont l’air de rien dans leur panier, comme délaissées parce qu’elles ressemblent plus à un tableau impressionniste qu’à de véritables fleurs.

 

Nous admirerons les autres magasins demain.

 

 

01/06/2011

Fragilité de l'humanité

 

Ce n’est que lorsque l’homme a pris conscience de sa vulnérabilité qu’il peut concevoir la fragilité des autres et éprouver de l’empathie pour eux.

Ayant découvert l’universelle fragilité du monde intérieur, il prend conscience de son appartenance à l’humanité et reconnaît en autrui un autre lui-même. Vulnérable comme lui à la dégradation, à l’inaction, au temps qui coule et se disperse, l’autre devient un égal, un proche à aimer. On n’aime que les gens dont on a pu mettre à jour la fragilité ou qui l’ont livré. L’homme qui nous semble invulnérable et craint, peut devenir une idole, mais il n’est pas l’objet d’un amour humain.

C’est à travers cette fragilité intrinsèque de l’homme que se conçoit sa grandeur. Et si sa fragilité n’est qu’une menace, sa grandeur n’est qu’une promesse qui reste à réaliser.

L’amour est la force intérieure qui nous aide à tendre vers ce but.

 

 

31/05/2011

Souvenir d'un voyage au Maroc

 

« N’entrez pas par une seule porte. »

Coran 12 :67

 

Rabat, premiers instants : la multitude, comme des cailloux sur l’herbe rase. Quelques vaches débarquent d’un véhicule ayant vaguement l’aspect d’un camion. Les enfants courent en riant, d’autres dorment sur le dos de leur mère.

 

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Les valises installées, plongée lente au cœur du pays : la médina, vieux quartier autochtone à côté duquel s’est construite la ville européenne. Contraste saisissant entre le vacarme des moteurs et des avertisseurs et le bourdonnement des pieds qui se promènent le long de la rue principale, les cassettes de musique arabe et les cris de livreurs encombrés d’objets hétéroclites. Ici s’effectue la synthèse des contraires : le mouvement et l’immobilité, l’agitation et l’inaction, la rage de vendre et l’indifférence lasse.

 

Comment ne pas être étonné aussi de découvrir immédiatement à côté du flot humain s’écoulant dans les rues étroites, un jardin d’Eden, luxuriant havre de paix, de silence, de fraicheur, clos de murs épais, cachant pudiquement sa beauté. Le gazouillement de l’eau dans les vasques accompagnent celui des oiseaux. Ici règne encore l’âme des conquérants d’oasis.

 

Conserver l’œil pur pour découvrir tout au long du voyage la réalité au-delà des idées préconçues. Alors s’ouvre les portes de la vision et non une seule.

 

.

* * *

 

« Le soleil diurne se couche la nuit, mais le soleil des cœurs ne disparaît jamais. »

Ibn Arabi

 

Quatre heures. Le muezzin appelle à la prière. La nuit devient fraîche et la voix s’allonge sur une seule note avant de rompre d’une exclamation sa litanie. Le mental s’agite, troublé par les aboiements des chiens que personne ne fait taire. « Tourne ta face vers la mosquée sacrée », dit le Coran.

 

Faire de cette fin de nuit un prélude à la lumière.

 

* * *

 

Et il est avec vous où que nous soyez.

Coran 57 :4

 

Le ruban asphalté sur lequel nous roulons devient la frontière du temps dans l’éternité de l’espace pierreux. Le corps dilaté par la chaleur qui monte du sol, le mental alourdi par des mets pimentés ou sucrés, le regard errant sur une mer de cailloux, minuscule point de conscience dans l’infini du monde. « Toute chose procède de Dieu », dit encore le Coran.

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Chacun de nous face à son infini n’est qu’une minuscule chose.

 

* * *

 

Et, de l’eau, nous avons fait toute chose vivante.

Coran 21 :30

  

Ici l’eau dessine sur le sol l’arbre de vie. Nourri par ses racines puisant au cœur de la montagne, le lit de l’oued, comme un tronc rugueux, se ramifie et fleurit dans les jardins discrets de la palmeraie. Etonnante proximité de la pierre où s’accrochent les maisons et de la verdoyante fraicheur de l’oasis. De celle-ci naît la vie, belle comme celui qui va on ne sait où, assis sur son âne. Lorsqu’arrive le soir, un vent discret chargé de parfum, coule entre les palmiers.

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« Il n’y a rien dans l’univers qui ne soit vivant, dit Abd-El-Kader (oui, celui qui s’est opposé à Bugeaud), bien que dans certains cas la vie soit cachée et dans d’autres manifestée. »

 

* * *

 

Ces symboles, nous les faisons pour les hommes, mais ne les comprennent que ceux qui savent. »

Coran 29 :43

 

Splendeur d’un art immuable depuis des siècles. Seuls éléments, la géométrie, la végétation et l’écriture. La géométrie parce que Dieu, qui est au-delà de toute chose bien que les contenant toutes, ne peut être représenté et parce qu’elle symbolise la fonction salvatrice de l’intelligence qui donne la connaissance de l’unité. La végétation, entrecroisements de branches et de feuillages, est l’expression de la vie du prophète, multiple dans ses aspects, déroutante, mais sainte. L’écriture, qui permet d’avancer sur la voie et dont les obscurités du mot à mot sont des voiles qui marquent la majesté du contenu. L’occidental comprend difficilement un art religieux entièrement abstrait. Il a besoin d’images pour tendre vers l’absolu et l’art islamique lui semble privé de vie. Pourtant comment ne pas s’étonner de voir de nombreuses mosquées en construction, reprenant les mêmes éléments de décorations depuis plusieurs siècles, alors que dans nos pays l’art religieux, l’architecture religieuse, s’épuisent en vain plagiat de l’art profane.

 

 

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http://www.linternaute.com/photo_numerique/temoignage/tem... 

 

Réapprendre à lire les signes que le culte de la raison nous voile.

 

 

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30/05/2011

Se souvenir d’un instant

 

Se souvenir d’un instant

Se souvenir de cet instant

Où plus rien n’existait

Quand nos regards se croisaient

 

Ne pas oublier la pesanteur de tes doigts

Et leur caresse furtive, comme ébauchée

Ne pas oublier non plus le fil de soie

Tissé de nos mains enlacées

 

Se rappeler ces quelques heures

Cet éternel déroulement de la destinée

Rencontre et dispersion sans heurt

Se rappeler ton visage illuminé

 

Enfouir aussi dans quelques pages

La valse lente de tes multiples images

Et parfois donner un tour de manivelle

Pour l’évoquer sur une musique rituelle.

 

 

29/05/2011

L’œil invisible, de Diego Lerman

 

« Fidèle à un cinéma argentin plus que jamais travaillé par l’asphyxie et l’enfermement, le quatrième film de Diego Lerman dissèque les pulsions d’une jeune surveillante de lycée paralysée entre feux libertaires et tentations autoritaristes, à l’aube de la guerre des Malouines. » (Laura Tuillier)

 

Bande annonce :

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19209727&cfilm=180615.html

 

Buenos Aires, mars 1982, la dictature militaire est encore au pouvoir et modèle la société dans un contexte antisubversive. María Teresa est surveillante au Lycée National de Buenos Aires, qui forme les futures classes dirigeantes du pays. Elle a 23 ans, elle est timide, donc sèche et brusque avec les élèves, et se porte volontaire pour les espionner. Avec la protection de M. Biasutto, le surveillant en chef, qui décèle tout de suite en elle l’employée zélée, elle devient l’œil invisible des élèves, surveillant leurs conversations et leurs allers et venues jusque dans les toilettes des garçons où elle croit ou prétend que ceux-ci fument alors que c’est expressément interdit.

Contrairement à ce que disent beaucoup de commentateurs, le film ne tourne pas autour d’une critique de l’éducation que donne la dictature, ni sur la façon d’exploiter les faibles qui se laissent impressionner par les dirigeants. En réalité, c’est un film qui, au delà du cadre étroit dicté par les autorités, raconte l’irruption de l’amour sensuel dans la vie de cette jeune femme ou plutôt jeune fille, qui vient en contradiction avec les règles qui lui ont été inculqués. Plus ou moins amoureuse d’un garçon du lycée, elle rêve d’un amour sans pouvoir le rendre réel, et, dans le même temps, épie le comportement des garçons dans les toilettes du lycée. Comprenant progressivement l’attitude de Marita, Carlos ou M. Biasutto, le surveillant général, tente dans un premier temps de la conquérir. Puis, l’ayant surprise dans les toilettes des garçons, il décide de la violer, pensant qu’elle ne dira rien, tellement elle devrait être honteuse de s’être laissé surprendre. Ce qu’il fait dans les mêmes toilettes des garçons, quelques jours plus tard. Ecrasée de honte autant que de douleur, elle sort de son sac un coupe papier et le blesse ou le tue. Elle sort alors du lycée, seule, la tête haute, dans les bruits de la contestation du régime au dehors du lycée, sans que l’on sache ce qu’elle devient et quelles seront les conséquences de cet acte : le surveillant général a-t-il été tué, Marita a-t-elle été identifiée en tant qu’assassin ?

La beauté du film tient sans doute à cette ambigüité du thème entre la critique d’un système collectif et totalitaire et la sensualité individuelle d’une jeune femme qui est encore vierge au moment du viol. Le premier thème qui est celui des apparences de la vie, cache le second, mais, semble-t-il, c’est bien le second qui prime sur le premier pour le réalisateur. En effet, la mise en images est faite presqu’exclusivement sur Marita que l’on voit s’interroger, marcher dans les couloirs du lycée, être surveillante jusqu’au bout des ongles, puis quelques secondes plus tard, se laisser aller à un onirisme sensuel qui la conduira vers le dénouement. Son visage et son corps sont au centre du film, mais de façon voilée.

 

 

28/05/2011

Promenade en bicyclette dans Paris

 

Partir le nez au vent, sans même savoir où vous allez. Un tour de pédale et vous voici parti dans la magie d’une ballade au soleil avec un petit vent qui vous pousse lentement. Voie cycliste parmi les piétons, sereine jusqu’à leur rythme parce qu’ils tiennent la chaussée qui vous est pourtant réservée. Peu importe, il n’y a rien à faire qu’à le faire en prenant plaisir de tout, y compris les obstacles humains (hommes parlant ensemble, amoureux enlacés, vieilles femmes marchant à pas menus, enfants se précipitant sous les roues) ou techniques (feux rouges ; feux tout court, rarement ; feux follets très, très rares ; poubelles vertes ; barrières rouges et blanches de travaux ; voitures immobilisées sur la voie cycliste).11-05-20 Vélo 3.JPG

Je roule le nez en l’air, sauf lorsque je me trouve dans une rue bordée de platanes qui projettent dans vos yeux ouverts sur la vie leurs fruits entourés de poils qui forment des petits tas de coton ocre sale sur les trottoirs et qui viennent se planter dans votre regard pour le contraindre à ne rien voir. Et pourtant, vision de quelques boutiques qui défilent, colorées, emplies de marchandises étalées avec art. Parfois un vélo rapide, monté par un sportif « casqueté » et en short bleu, double vite, la tête baissée, évitant les piétons par de larges circonvolutions, freinant parfois debout sur les pédales dans un dérapage contrôlé et majestueux, laissant derrière lui le souffle de la vitesse.

Je double aussi des vélocipèdes désenchantés, pilotés par des dames aux jupes étroites pédalant les genoux serrés, les fesses encouragées par une large selle, noire de préférence, remuant leur changement de vitesse en permanence pour se donner l’illusion d’une utilisation optimum de leur engin. Elles avancent comme dans la vie, craintivement, mais avec hauteur, juchées sur leur appareil de fer comme les généraux en statue équestre. Ralentissement sévère à chaque carrefour ; accélération lente, mais certaine, sur le plat, en ligne droite, sans piétons ni obstacles. Puis retour à la normale lorsqu’un pigeon audacieux passe sous leur nez.

Parfois s’entend au passage la remarque désobligeante d’un piéton qui a, bien sûr, tous les droits puisqu’il marche sur ses pieds, fait extraordinaire, insolite, qui mérite un respect absolu sans aucun commentaire.

D’autre fois, moins souvent, une voiture tourne devant vous, vous coupant la route, contraignant à un coup de frein suivi de dix coups de pédales avant de reprendre le rythme idéal de la ballade idéale dans un Paris idéal.

Entrée dans le bois de Boulogne, où le soleil pénètre en mi-teinte, où les bruits des voitures se font plus sourds, où les couleurs s’estompent. Vous roulez sans attention, laissant guider votre regard par tous les petits mouvements qu’une forêt laisse filtrer dans un après-midi ordinaire : un oiseau qui s’enfuit à votre approche, le changement d’attitude d’un baigneur de soleil, un frissonnement du feuillage lors de la venue d’une brise légère, le passage d’un autre cycliste qui vous croise, sifflotant, en rêvant.

Et vous pédalez, vous pédalez avec un plaisir immense, vous sentant libre de toute contrainte, dégagé de tout souci, de toute ombre qui pourrait fêler cette communion avec la nature enchanteresse. Pour un peu, vous vous envoleriez comme Elliot, l’ami de E.T., surmontant le lac pour vous poser sur une des iles ou encore doublant l’ensemble de voitures agglomérées en bouchons, immobiles et agacées de voir cet engin les survoler sans peine.

Plus de pensées, plus de fatigue, le retour à l’enfance heureuse des vacances à la campagne.


 

 

27/05/2011

Musée Jacquemart-André

 

Cet hôtel particulier fut édifié à la fin du XIXe siècle dans le nouveau Paris d’Haussmann par Edouard André et son épouse Nélie Jacquemart, couple de grands collectionneurs.

 

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C’est un vrai musée. Tout y est grandiose, arrangé en décor, les chaises alignées le long des murs, les tableaux suspendus symétriquement, les bustes mis en valeur sur leurs colonnes de marbre, dorures sur les boiseries à profusion en imitation des salons Napoléon III du Louvre, voire du château de Versailles pour les grands salons. Des portraits d’hommes altiers, sûrs d’eux-mêmes, satisfaits de se retrouver suspendus en d’aussi augustes lieux, quelques femmes, rondelettes et joliment nues ou plus mûres et sévèrement habillées. Un seul portrait dénote sur les autres, celui de la comtesse Skavronskaia, d’Elisabeth Vigier Le Brun, dont nous parlerons prochainement.

Le décor est imposant, voire solennel, mais ce n’est qu’un décor dans lequel on imagine femmes et hommes figés dans une semi-immobilité, raidis par des vêtements ajustés, se souriant sans rire franchement, buvant des rafraichissements en écoutant d’une oreille distraite une musique qui n’est qu’un fond sonore. Tout est à sa place et tellement bien à sa place qu’on a du mal à imaginer autre chose que ces alignements de portraits, de bustes, de chaises, de commodes, de tapisseries.

Quel étouffoir ! Paris du début du XXème siècle, un Paris qui ne sait pas ce qui l’attend et qui vit au rythme des fêtes. Notons que l’on retrouve dans ce musée le même style de public que le musée lui-même : retraités aux cheveux rares ou en bouclettes-mamies, groupe de cheftaines en mal d’explications et qui parlent bien sûr des dernières expositions qu’elles ont vu sans s’intéresser à celle qu’elles visitent. Très peu de jeunes, pas de rire, l’oreille collée à l’audioguide écoutant sagement les commentaires savants du « cicérone sonore individuel ». Seules quelques mères juvéniles, leur enfant sur le ventre, errent dans les salons en attendant l’heure du biberon.

 

 

26/05/2011

Portrait de Mademoiselle Carlier, par Lucien Lévy-Dhurmer (suite de la visite aux impressionnistes du musée d’Orsay)

 

Un autre très beau tableau, le « portrait de Mademoiselle Carlier », dite la Dame au turban, peint en 1910 par Lucien Lévy-Dhurmer.

 

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Lucien Lévy-Dhurmer est un excellent portraitiste qui s’inspire d’un certain idéalisme qu’il aime teinter de mystère. Ce portrait, pastel sur papier collé, est particulièrement beau, avec un art du visage et du regard extraordinaire qui seuls ressortent du dessin parmi les flous voulus de la robe blanche et des coussins bleus.

Cette Mademoiselle Carlier ferait encore rêver beaucoup d’hommes ainsi étendue sur ces coussins comme sur une mer au petit matin. Dommage cependant que la main gauche de cette demoiselle qui tient un livre, soit aussi grossière et comme ne lui appartenant pas.

Lucien Lévy-Dhurmer fut fortement influencé au début par les préraphaélites et les symbolistes.

 

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Voyageant beaucoup, il parcourt l’Orient, c’est-à-dire le Maghreb, la Turquie, la Syrie, la Perse, le Maroc.  Il en ramène des paysages et des portraits pittoresques.

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Il s'inspirera plus tard, principalement pour la composition de pastels, d'œuvres musicales de Beethoven, Debussy ou Fauré, tel l’« Évocation de Beethoven », exposée au Salon de 1908. Ainsi la « sonate au clair de lune », nu féminin vaporeux enrobé d’un bleu qui prête à la rêverie.

 

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Dès 1920, il s’intéresse de plus aux œuvres littéraires, et plus particulièrement, aux Fables de La Fontaine.

 

 

 

25/05/2011

Gnossienne n°3, d’Erik Satie

 

Une bonne interprétation, mélancolique, ni trop vite, ni trop lentement, mais quel dommage ce choix de prise de vue :

http://youtu.be/eOfGbubFkgQ

 

Une autre interprétation qui laisse le rêve courir à la surface de la peau :

 http://youtu.be/LsNrUqTPJBU

 

Une troisième interprétation qui accélère probablement un peu trop l’énoncé du thème, mais qui soutient un rêve serein :

http://youtu.be/RlNSJcQhG98

 

Enfin, une dernière interprétation, tout aussi bonne, permettant une autre entrée dans la musique de Satie :

http://youtu.be/i8356FxUT20

 

Un rêve éveillé.

Le thème s’annonce une première fois, très simple, en deux phrases musicales, comme un souvenir qui surgit dans la mémoire, sans qu’il constitue réellement une pensée précise. La première phrase, de 3 notes doublées, est reprise dans la seconde, de quatre notes, doublées également, comme une sorte de réminiscence vague de la première, un peu différente, mais avec le même rythme et la même tonalité, comme une évocation plus précise. L’ensemble du thème constitue une mélodie en écho, précise, mais donnant une profondeur insolite à son énoncé. C’est un souvenir de repos dans la campagne, un jour de printemps, en haut d’une colline, et vous contemplez à moitié endormi le paysage qui s’étend à vos pieds, calme, silencieux, presque sans mouvement. L’eau y coule au fond d’une petite vallée et ce sont les chatouillements de ses variations qui créent cette musique enjôleuse. On l’entend de loin, comme un vague rappel d’une vie chatoyante, mais ensommeillée.

Ce thème en deux parties est alors énoncé à nouveau et permet au cerveau détendu de relier ses impressions une nouvelle fois pour qu’elles puissent ensuite donner libre cours à leurs variations en changeant de ton. Ce changement de ton ne brise rien du rêve musical. Il reprend dans un même rythme une nouvelle version de la mélodie, une fois, avant de se lancer dans une phrase improvisée proche du thème initial, comme si l’eau ne s’écoulait plus avec la même saveur, multipliait ses frémissements et semblait dire : « Ecoutez-moi, je suis la permanence et l’immanence cachée, écoutez-moi, laissez-vous aller dans cette torpeur infinie et goutez cet instant ! »

Et le thème musical revient, dans un autre ton, plus bas, toujours aussi calme et enjôleur, une première fois, puis une seconde avant, à nouveau, de se lancer dans une envolée improvisée, comme si un papillon venait interrompre le charme de l’eau pour lui substituer son vol, léger, imprévisible, discontinu, mais serein. Et cette cascade de sons se renouvelle avant de se perdre dans l’accompagnement rythmé, peu audible, comme un soutien à la rêverie, mais jamais comme une harmonisation chargée de donner du volume à la mélodie. Cet accompagnement reste indépendant du déroulement de la mélodie, comme un léger souffle d’air dans la campagne qui ajoute à la sérénité du lieu.

En conclusion, retour de la mélodie initiale, toujours en deux phrases, 3 notes doublées, suivies de quatre notes également doublées, un première fois, puis une seconde, qui se termine par un ajout de deux notes doublées, montantes, sorte d’envoi vers la poursuite de ces instants de rêve.

 

Comme cette musique est belle de simplicité, de calme, presque de recueillement, non pas au sens religieux du terme, mais dans l’enveloppement d’un halo insaisissable qui donne à l’écoulement du temps une forme nouvelle, celle d’un absolu présent qui s’enfuit malgré tout lentement, si lentement qu’on le perçoit comme une durée illimitée. Paul Landormy (La musique française après Debussy, Gallimard, 1943), explique que Satie a la pudeur de ses émotions. En effet, on trouve dans sa musique une retenue secrète, comme un regret de la vie qui s’échappe par tous les pores de la peau.musique,rêve

Oui, malgré tout ce que l’on dit de lui, homme versatile, immoral, humoriste, impressionniste, prophète, éternel précurseur de nouvelles formes musicales, mais ne les exploitant jamais, Eric Satie est un grand musicien qui sait charmer l’esprit au travers de sensations quasiment corporelles.

  

 

Un site permettant de faire connaissance avec Eric Satie :

http://www.musicologie.org/Biographies/satie.html

 

Enfin, la partition :

Eric Satie-Gnossienne.pdf

 

 

24/05/2011

Dilatation d’espérances gothiques

 

Dilatation d’espérances gothiques

Je fume en fakir les lianes incurvées

De nœuds arboricoles. Allongé

Agrandi

J’agrandis encore le filet de fumée

Çà navigue lentement sur la peau

Jusqu’au sortir de l’immobilité

Silence

Le silence de la brume, le silence de la chaleur

Ou seulement celui de l’âme vide

Loi : la fumée pénètre le vide

Le vide s’échappe

Échappatoire

Confessionnal du désir, pleurs de la possession

Fermés sur la paupière

Lourdement, plus lourd chaque jour

Plus frêle aussi jusqu’à la transparence

Cloître d’hexagones

Je m’enferme au cœur des couleurs

La fumée pénètre l’âme

Je guette l’escalier indistinct

 

 

23/05/2011

Le partage de midi, de Paul Claudel

 

Le Partage de Midi est un drame en trois actes, écrit en vers libres, c'est-à-dire, comme le dit Claudel, des vers qui, « s'ils ne peuvent se scander », présentent une unité respiratoire, musicale, intelligible, émotive.

Il s’agit du drame séculaire de l’amour interdit, un mari, une femme et un amant, mêlé à un drame spirituel. Mésa, qui deviendra l’amant de Ysé, a voulu consacrer sa vie à Dieu et s’est retiré au fond du monde. Mais Dieu l’a refusé. Depuis, il erre à travers les continents à la recherche de son âme, pour l’instant sur un bateau, au milieu de l’océan, à midi. Il ne connaît pas de femme, il ne les aime pas et il rencontre Ysé, la femme idéale. Belle, elle est femme jusqu’au bout des ongles dans son désir de possession.

Mésa s’interdit de tomber sous son charme et pourtant il déclare à Ysé son amour. Ysé est liée à de Ciz par les liens sacrés du mariage, mais bientôt les deux amants passent outre. Alors Ysé et Mésa, vivant ensemble, s’aperçoivent qu’ils ne s’entendent pas. Le feu de leur amour les brûle et ils s’apportent l’un à l’autre la damnation. « Je ferai sortir de toi un feu qui te consumera. » Dans le mariage, il y a deux êtres qui consentent l’un à l’autre ; dans l’adultère, il ya deux êtres qui sont condamnés l’un à l’autre. Les deux amants se constatent irréductibles et se séparent. Mais l’amour les consumera toujours. Ysé est partagée entre la haine et l’ignorance qui lui prêche la raison, amis se laissera mourir pour l’amour que lui dicte son âme.

Ysé est une femme sensuelle et insaisissable. « Je pense que c’est une effrontée coquette », dit Mésa au début de la pièce. Almaric lui répond : « Vous n’y entendez rien ? C’est une femme superbe. » Il semble bien qu’ils ont raison tous les deux. Mesa est brisé lorsqu’il va céder à Ysé : « Pourquoi venez vous me déranger ? » Et elle lui répond : « C’est pour cela que les femmes sont faites. »

 

  

Mesa :

Tu es radieuse et splendide ! Tu es belle comme le jeune Apollon !

Tu es droite comme une colonne ! Tu es claire comme le soleil levant !

Et où as-tu arraché, sinon aux filières même du soleil, d’un tour de ton cou ce grand lambeau jaune de tes cheveux qui ont la matière d’un talent d’or ? Tu es fraiche comme une rose sous la rosée ! Et tu es comme l’arbre Cassie et comme une fleur sentante ! Et tu es comme un faisan, et comme l’aurore, et comme la mer verte au matin pareille à un grand acacia en fleurs et comme un paon dans le paradis.

Ysé :

Certes, il convient que je sois belle

Pour ce présent que je t’apporte.

 

 

22/05/2011

Portes sur l'avenir

 

L'avenir reste insaisissable, et pourtant il s'encadre dans des champs de possibles. Il est la porte qui ouvre le passage du monde visible au monde invisible. Il est quasiment impossible de dire quel décalage existe entre la fenêtre du visible et celle de l'invisible. Seule l'intuition mêlée de logique peut en donner une idée.

Ce dessin qui comporte une illusion d'optique exprime cette difficulté.

 

dessin,op'art,art cinétique

 

 

 

21/05/2011

Jeu de volant, de Maurice Denis, 1900 (impressionistes, au muée d'Orsay)

Jeu de volant M Denis.jpg

Atmosphère, atmosphère… Une forêt d’arbres mauves, comme des tuyaux enchevêtrés, une mare miroir dans laquelle se baignent deux enfants, et des personnages hors du temps, comme figés dans leur mouvement, les yeux clos. L’une se coiffe, à genoux, nue, à la sortie du bain. Deux adolescentes fabriquent une couronne de fleurs. Deux jeunes femmes jouent au volant. Toutes, car il n’y a que des femmes, ont l’air endormies, anesthésiées par le décor irréel d’une forêt figée au sol gazonneux.

La reproduction que je produis n’a rien à voir avec le tableau, mais je n’ai trouvé que cette photographie. En premier lieu, celle-ci est inversée, les joueuses de volants étant à droite sur l’original. En second lieu, les contrastes sont plus violents que dans le tableau où tout n’est que « sweat context ». On dirait un extrait d’un mauvais dessin animé à l’américaine, nettement moins bon que Wald Disney.

Non, l’original est beau, d’une beauté artificielle certes, mais ensorceleuse, apportant une atmosphère propre, mystérieuse, non dénouée d’émotion, mais malgré tout intemporelle, comme figée dans sa beauté formelle.

 

Maurice Denis fonda avec quelques amis peintres le groupe des nabis. Le terme de " nabi ", qui signifie, en hébreu, illuminé, prophète, avait été découvert par le poète Cazalis. Ils se donnèrent pour mission de conduire l’art vers de nouvelles voies, plus spirituelles et authentiques, proches de l’ésotérisme à la mode. En 1890, à l’âge de 20 ans, Maurice Denis rédigera la « Définition du néo-traditionnisme », théorie de ce nouvel art.

Rappelons-nous le conseil de Gauguin à Sérusier : "Comment voyez-vous cet arbre? Il est bien vert. Mettez donc du vert, le plus beau de votre palette. Et cette ombre ? Plutôt bleue. Ne craignez donc pas de la peindre aussi bleue que possible." C'est l'avènement de la couleur pure, du cloisonnement par la forme et de l’absence de perspective, permettant une impression particulière du sujet, qu’il soit paysage ou portrait.

Très travailleur, Maurice Denis a laissé des centaines et des centaines de tableaux, de dessins, d'illustrations de livres, des dizaines de fresques et de vitraux dans les églises. Il était de plus excellent écrivain et a laissé de nombreux livres. Son œuvre est emprunte de sacré, car il était "peintre chrétien" comme il l’écrit dès l’adolescence. Pour lui, l’art est « une sanctification de la nature ».

 

 

 

20/05/2011

Chaque jour te voir

 

Chaque jour te voir

Voir ce visage transparent

Aux yeux ouverts sur le monde

Voir ces lèvres qui me parlent

Et me disent leur amour

 

Te voir entière et séparée

Et voir chaque chose par toi

Comme le reflet de ta lumière

 

Tu as des bras de cygne

Qui sont les pôles de l’horizon

 Où je m’épanouis sans cesse

 

Tu es l’horloge de l’éternité

Le ressort brisé des jours

La vague chaude des nuits

L’ombre de mes rêves

Le retour de ma jeunesse

 

Chaque jour te voir

Et redevenir l’aveugle

Que tu conduis à ta lumière

 Pour son émerveillement

 

 

19/05/2011

Formes contiguës

La linogravure est une gravure en relief où "la planche est creusée partout où l'impression ne doit pas avoir d'effet ; le dessin seul est conservé au niveau initial de la surface de la planche, il est épargné" (André Béguin). On parle de taille d'épargne. D'usage aisé, la linogravure permet de nombreux effets, figuratifs ou non. Les couleurs d'encre sont variées et profondes.

Cette période "gravure" m'a laissé de bons souvenirs de mélange d'encre et de mouillage de papier qu'il fallait ensuite plus ou moins faire sécher entre deux feuilles de buvard.

 

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18/05/2011

Au fil des boutiques : La Maison Fabre

 

Les jardins du Palais Royal sont entourés de boutiques diverses, certaines vieillottes, d’autres trop modernes pour le décor, d’autres encore en perpétuel changement de propriétaires, enfin quelques unes insolites, comme la Maison Fabre, au 128, boutique de gants, extraordinaires de profusion et d’ingéniosité dans la présentation de leurs appareils à cinq doigts que l’on enfile gracieusement pour être élégant lors d’une occasion chic, pour avoir chaud dans ses extrémités, pour pratiquer des travaux réputés sales (mais ce n’est pas le genre de la boutique !), enfin pour se faire plaisir en toute occasion un soir de déprime quand l’alcool ne suffit pas.

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Il y a des gants dont la raideur du support fait penser aux épouvantails que l’on croise parfois, de moins en moins, dans les champs pour éloigner les oiseaux. Mais là, il s’agit d’attirer le client en faisant contraster le support rigide et neutre de son gris uniforme avec le velouté, la brillance d’un cuir de première qualité. Vous remarquez bien sûr qu’il manque le pouce dont la dissymétrie par rapport aux autres doigts choquerait ici le regard, c’est pourquoi ces gants semblent si élégants dans leur amputation discrète, mais réelle. Mains rouges pour les mariages, assorties avec un chapeau que l’on tient du bout des doigts ne serait ce que pour faire remarquer l’harmonie qu’il possède avec ces gants magnifiques,  mains jaunes pour le sport (carton jaune, évidemment), mains bleus pour les conversations affables en ville entre dames ou avec des messieurs, dans un lieu appelé bistrot qui fait plutôt penser aux salons de ces hôtels du style de « L’année dernière à Marienbad », enfin mains brunes des promenades dans les bois un après-midi de campagne lorsque le chien tire la laisse et vous oblige à marcher-courir sans relâche.

 

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D’autres gants sont alignés comme à la parade, formant des compagnies entières, massives, en arrière-fond des présentations plus originales mises en valeur par la sobriété de la quantité comme de la qualité. Ils sont couchés tels des alignements de dominos que l’on fait s’écrouler d’une pichenette pour les voir tomber les uns sur les autres avec la régularité d’un stand de tir. Mais ils sont plus divertissants que ces pièces de bois uniformes, surmontées d’ivoire maintenant faux et marquées de points de un à six, et ils donnent une impression de profusion colorée dans laquelle on a envie de mettre le nez pour sentir l’odeur subtile d’un cuir parfaitement tanné. Après un tel rite, il est évident que la deuxième envie est de les enfiler tous. Dommage que nous ne soyons pas Vishnou, incarnation de la création, car il est certain que le plaisir ne manquerait pas de créer des harmonies de couleurs au bout des bras qui, dansant discrètement, donneraient un spectacle enchanteur, comme des feux de Bengale tourbillonnant dans l’espace.

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Mais l’on trouve également des sortes de petits manchons destinés à recouvrir la main en laissant les doigts libres de jouer avec les plis d’une robe solennelle, blanche ou noire naturellement. Ornées de petits boutons sur les côtés, ils pourraient aussi servir d’ornements des chevilles, utilisés par les sportives qui s’adonnent à la gymnastique en salle, pour empêcher vraisemblablement la transpiration de pénétrer dans les chaussures unicolores qu’il ne faut pas abîmer en raison de leur prix.

 

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Certains sont réservés à des instants spécifiques où le rôle tenu doit être en accord avec l’importance de l’apparence, tels, par exemple, le mariage de William and Kate auquel vous auriez été invitée, empanachée et gantée de gris foncé, orné de fleurs aux pistils blancs, pour vous glisser subrepticement, dans la cathédrale et mettre en évidence cette parure des mains avec ostentation. La peau de serpent ne serait sans doute pas très bien vue dans une telle assemblée dans laquelle l’écologie est un art de vivre avec cependant quelques sélections des objets sur lesquels porte le graal de cette nouvelle religion.

 

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Ballets de « gantitude » ou ronde élégante de mains autonomes comme des prêtresses caressant leur dieu avec légèreté et admiration dans un silence respectueux et les sourires convenus de telles cérémonies. La déesse s’abandonne avec humilité à cette adoration, acceptant du bout des doigts de se laisser caresser tout en protégeant une main fine de dentelles tricotées pour lui assurer la sécurité contre toute violation de son intimité.

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Enfin la suprême élégance, plutôt masculine, mais que l’on verrait bien sur les mains de femme, ce gant simple, en veau d’un blond semblable aux cheveux d’une Ophélie nordique, au mi-doigts coupés à angle droit que compense la rondeur de l’arrière main faite pour montrer la peau tendre d’un poignet de femme ou la vigueur d’une poigne d’homme. Abandonné, comme flottant dans l’espace, les doigts élastiques, le poignet détendu, cette main attend une autre main, tout aussi délicate, peut-être une de celles du « ballet de gantitude », pour s’unir avec lenteur et respect pour la vie.

 

 

 

 

17/05/2011

Ne plus connaître qu’une étoile

 

Ne plus connaître qu’une étoile
A la forme des planètes
A l’éclat du soleil
Et pouvoir y contempler la nuit et y apprendre le jour

J’y ai vu l’ellipse pure des astres
Le lent cheminement de la sève
Le déferlement assourdi de l’écume
Sans pouvoir en détacher mon regard

Si par hasard l’étoile s’éteignait
Pourrai-je encore voir et entendre ?

Penché longtemps sur l’astéroïde
J’ai voulu en connaître chaque contour
Et pouvoir à tout moment
Réinventer la couleur de son paysage
Et les reflets de la joie qui l’habite
Mais le souvenir de son éclat est fragile
Sauras-tu encore garder les yeux ouverts ?

Hiver, triste, l’étoile s’atténue
Printemps, j’y redécouvre la joie
Soumise aux saisons de sa temporalité
Elle a parfois la mélancolie des automnes
Ou l’insouciance des ciels d’été

Mon astre lumineux
Retrouver dans mon regard sur toutes choses
Le reflet de tes yeux et ne plus rien en perdre
Pas même lorsque la nuit s’attriste

 

16/05/2011

Illumination

 

Illumination. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Tout revit, tout redevient : consistance, perplexité, immesurable. Je viens de percer un mur et m’enfonce lentement, émerveillé, dans un monde indéfinissable, comme si ma chambre était partie à la dérive au-delà de la ville, au-delà de la terre, vers un univers d’apesanteur et de compréhension. Comme une momie, ressuscitée par son transport vers une atmosphère régénératrice, je me débarrasse de mes bandelettes où s’accrochent quelques lambeaux de chair desséchée. Tout s’allège et perd peu à peu de cette consistance qui fait la réalité. Je regarde les objets de ma vie quotidienne, ils me paraissent si lointains. Encore quelques bandelettes à dérouler et il ne restera plus rien, qu’une chambre nue, vide d’objets, vide de ma présence, mais que je verrai encore comme si j’étais attaché, alors que déjà j’aurai amorcé le voyage incohérent au-delà de l’atmosphère oppressante qui nous entoure.

Peu à peu, au cours de la journée, subtilement, s’est établie une intense lucidité mêlée d’un détachement des sens, jusqu’à cet instant, jusqu’à tout à l’heure, où j’étouffais, où je criais d’angoisse et de joie. Effet de l’imagination ou possibilité d’une autre réalité, insoupçonnée, découverte par hasard, indéfinissable, que je ne peux définir, mais qui m’étreint et me transporte dans la joie de l’absolu et l’angoisse du néant. Une autre voix me parlait… Qui es-tu ? … Je ne sais pas… Que fais-tu ? Je ne sais pas… Que deviens-tu ? Rien encore, peut-être, un jour… Le jour est là, il se lève, regarde-le au dessus des toits luisants, regarde le soleil ouaté monter dans le brouillard vert de la nuit… Je ne vois rien… Mais si, regarde bien, ouvre les yeux, éveille-toi…

Et je m’éveille. Je vois la ville mauve prenant parfois des teintes d’un rouge insoutenable, alors qu’ailleurs certaines maisons s’estompent dans un gris diffus. Je vois ce soleil, presqu’invisible, mais perceptible cependant, qui s’élève lentement dans la nuit verte, la parant d’une lueur translucide… Aimer, me dit-on dans l’oreille, voilà ce que tu dois aimer. Regarde, regarde bien ces gens qui courent nus, habillés de bijoux et d’étoffes luxueuses, dans le jardin qui borde la ville où vient se baigner le fleuve. Regarde-les parler, faire des gestes, se voir dans les glaces, rire brutalement et pleurer en cachette derrière un arbre au feuillage bleui par la nuit. Il faut les aimer, car ils sont malheureux, comme tu l’étais toi-même, comme tu le seras à nouveau sans pouvoir rien faire d’autre que jouer dans le jardin baigné par le fleuve, jouer avec les bijoux suspendus au cou des femmes et avec les cerceaux des enfants qui effleurent les adultes. Tu devines cent histoires qu’ils racontent, mille vies qu’ils égrainent, ces destins par centaine de milliers qui s’entassent dans le jardin et tournent sur leur orbite, se projetant de plus en plus dans ce mouvement infini semblable à la course folle de notre planète dans le vide de l’espace. Tu t’éveilles lentement de ce cauchemar du jardin, tu franchis les portes bétonnées et menues, et tu t’enfonces dans la glaise glissante jusqu’à la plage de sable fin, où chaque grain contient une histoire que tu pourras voir de tes yeux ouverts en le tenant au creux de ta main.

Je me souviens d’Almostasim[1], de cette progression ascendante vers Almostasim, l’homme qui possède la clarté et la transparence, que personne n’a pu voir, que personne ne verra, parce que personne ne veut s’en donner la peine ou ne peut parvenir au bout du voyage, ou encore, meurt à l’instant de le voir. Je me souviens aussi de la bibliothèque de Babel[2], cette bibliothèque qui est une sphère dont le centre véritable est un hexagone quelconque et dont la circonférence est inaccessible, dans laquelle il y a des centaines de millions de livres dont un seul d’entre eux contient le volume qui rassemble tous les volumes, le volume qui seul signifie quelque chose dans le fatras de lettres, de points, de virgules, de marges, d’espaces vides des autres livres. Des centaines de bibliothécaires passent leur vie à chercher le livre, mais aucun jusqu’à présent ne l’a peut-être trouvé.

Est-ce possible, est-ce seulement possible une telle difficulté d’être, une telle impossibilité de respiration dans l’atmosphère où baignent ces objets ? Vouloir être, plus je creuse cette volonté, plus l’espace s’ouvre, comme par un phénomène de perspective, vers de nouveaux horizons, de plus en plus coupés, tortueux, délabrés, où chaque sommet fait apparaître d’autres montagnes encore plus belles, plus légères, plus aériennes, recouvertes de fleurs transparentes, de personnes sans corps ou de corps imperceptibles, froids, translucides, impalpables. Et plus j’avance, plus les corps perdent de leur consistance jusqu’à ne plus être que des émanations gazeuses du sol, comme forgés dans de petites boursouflures qui crèvent de temps à autre.

Poursuis ta route, sans autre préoccupation, sans regarder en arrière, jusqu’à ce qu’elle prenne fin !



[1]Voir Histoire de l’éternité, de Jorge Luis Borges.

[2]Voir Fictions, de Jorge Luis Borges

 

 

 

15/05/2011

Buttes-Chaumont

 

La campagne, et presque la montagne, à Paris. Quel dépaysement ! Créé par Haussmann sur demande de Napoléon III, le jardin (un véritable parc) des Buttes-Chaumont a été aménagé en 1866-1867 par Alphand et Barillet, sur les hauteurs dénudées (monts chauves, d'où Chaumont), d’une centaine de mètres d'altitude, qui forment le promontoire le plus occidental des collines de Belleville, à l’emplacement de carrières de gypse.

 

Tout fonctionne comme en ascenseur :

Rez-de-chaussée au ras du lac, là où l’horizon est bouché de verdure en profusion, comme les fumées produites par la lave d’un volcan façonnent un écran sur la surface du cratère.

 

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Entresol, sur la droite, là où s’écoule des hauteurs un ruisseau dans des rochers en béton, imitant de façon satisfaisante le naturel d’un coin de vallée, étroite et déchirée, dans lesquelles se glisse imperceptiblement un cours d’eau se manifestant par des pépiements gracieux pour le plaisir des yeux et des oreilles.

 

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Premier étage, celui du petit pont suspendu qui permet de passer du sud-ouest au nord-est en enjambant l’eau plutôt jaune que verte ou même kaki et dont le fond laisse deviner un limon épais et collant. Il tangue un peu pour vous laisser apprécier cette traversée, comme un temps de pause en deux rêveries. L’eau peut contempler, le long des rives, sur une herbe accueillante comme les bras d’une femme imaginaire, quelques couples, généralement homme et femme, allongés, parfois même étroitement enlacés, qui donne l’illusion d’une nuit au bord de la plage d’Acapulco.

Deuxième et dernier étage, après l’enjambement, vers le simili temple, grec ou autre, qui domine les toits et dévoile un ciel de petits nuages blancs, se fondant parfois dans le bleu d’un azur vu d’avion. Au loin, Montmartre se profile comme une (petite) carte postale et vous contemplez Paris nord, si différent de Paris centre (ou ventre ?), mais dont le charme est plus dans l’humain que dans l’architecture. Tel un fakir suspendu sur son tapis volant, un étudiant, son sac à dos posé à côté de lui, lit en tailleur à hauteur des toits. Rien ne le distrait, ni le bruit d’une classe d’enfants qui passe, ni le silence subit, trou d’air dans le brouhaha de la circulation. Et tout autour de vous, des nuages de verdure, moutonnements subtils de vert foncé, clair, presque brun rouge ou encore argenté et frémissant du vent léger qui rafraichit.

 

 

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Une jeune fille avance, vêtue d’une robe légère soulevée par ce même vent. Il gonfle le tissu et lui donne un air de bonhomme Michelin, sous la taille du moins, le haut restant à sa mesure, menu comme un oiseau aux ailes déployés lorsqu’elle lève les bras pour prendre une photo. Adonis, en marcel rouge, et Aphrodite, en marcel blanc, d’un tissu plus élégant, se font prendre en photo, appuyés mollement sur le parapet du temple. Trois grâces de trente cinq ans montent au temple, parlant fort, pour redescendre aussitôt, plus préoccupées de leur apparence, peut-on dire de leur beauté, que du paysage. Deux femmes d’âge mûr, assises de part et d’autre d’un banc, consultent deux plans de Paris semblables, échangeant leurs impressions par-dessus leurs sacs à dos les séparant. Si l’une se lève, l’autre tombe vraisemblablement, tellement elles sont assises aux bouts du bout du banc. Rassurez-vous, cela ne se produira pas.

Passage du pont, vu d’en bas et si haut, qui d’en haut mérite son nom de pont des suicidés ! Changement de décor : une prairie en pente, sorte d’alpage pour les parisiens étendus, panier repas à portée de main, certains et certaines en maillot de bain, s’épanchant au soleil, se retournant de temps à autre pour ne pas virer au rouge pâmoison. Nuage… Les silhouettes se revêtent, puis se dévêtent à la réapparition des rayons chauffants.

 

 

 

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Alors vous vous dites qu’il est temps de repartir, sans toutefois que cette pensée ait un effet quelconque sur votre volonté et moins encore sur votre corps. Vous vous levez, faites quelques pas pour découvrir une vallée bordée d’un ruisseau et de quelques arbres de différentes essences auprès desquels les plaids et ceux qui les recouvrent font penser aux dimanches après-midi dans les faubourgs de Genève, là où la campagne et la montagne se confondent, à deux pas des immeubles envahissants.

 

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Retour au rez-de-chaussée, passage sous le pont, si haut vu d’en bas, et découverte de grottes dont l’une se pare d’une cascade bruyante déversée par un « trou blanc » (voir Marcher sur un chemin de terre » du lundi, 02 Mai), comme un halo de lumière dans l’obscurité de la voute. L’eau coule, dévale, escalade les pierres, se joue de la lumière et de l’ombre, livrant une odeur sucrée et pourrissante qui donne à ce type de lieu un charme vieillissante, mais toujours rajeuni par le scintillement des gouttelettes dans les rayons d’argent d’une lumière rare, mais vive.

promenade, Paris insolite, campagne

Fin du tour du lac, de l’étang, de la pièce d’eau, on ne sait pas bien. Là encore la pelouse et le spectacle d’étendues d’eau attirent l’amour ou tout au moins les couples aux balbutiements de l’art d’aimer, s’enlaçant sans vergogne au vue et au sus de tous, petits et grands.

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Passage de la grille, tremblement du macadam au passage du feu vert, halètement des personnes âgées au passage du feu rouge. Quel bel après-midi à la campagne, presqu’à la montagne. Une éclaircie dans la vie parisienne, à l’image du petit clos entouré de grillage, plus vert et tendre que la pelouse  presque jaunie qui l’entoure, à l’entrée du parc, où l’on s’attend à voir un âne brayant en écho aux pétarades des motos.

 

 

 

14/05/2011

Gemellité

 

La gemellité est un phénomène naturel qui fit couler beaucoup d'encre. En quoi des jumeaux sont semblables, en quoi sont-ils différents ? Chaque cas est un cas particulier dès l'instant où l'on entre dans le détail des constats. Ce dessin symbolise les diverses formes que peut prendre ce phénomène. Il assimile les carrés au centre du dessin aux carrés des quatre coins, pratiquement semblables, en passant par une succession de variantes. Chaque carré d'un quart du dessin est différent, mais il est reproduit trois autres fois.

Quelle drôle d'idée !

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Mais quel effet !