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08/07/2012

Désir

 

J’attends, j’attends que le désir monte et me prenne à la gorge, m’envahisse au point d’être contraint de me mettre au travail. Ce peut être long, plusieurs jours, voire plusieurs semaines, mais cela peut aussi ne demander qu’une journée, voire quelques heures. Ce désir apparaît dans la conscience à un moment où on ne l’attend pas. Il suffit d’un regard inhabituel, d’un son divergent, d'une odeur exotique, et, d’un coup, l’image de cette création m’envahit. Ce n’est vraiment pas une image visuelle, mais plutôt une sensation, un tremblement des mains, une impatience de saisir le pinceau, sans savoir réellement comment cette impatience va se contrôler, vous amener à cette harmonie de forme et de couleurs que constitue un tableau. A cet instant, vous vous laissez porter par ce projet. Il apparaît devant vos yeux à tout moment du jour ou de la nuit. Vous le fabriquez pièce par pièce. Quelles formes et sous-formes ? Quelles couleurs leur donner ? Ce mariage est-il concevable ? Vous tâtonnez, vous imaginez différents couleurs, chaudes ou froides, claires ou foncées, et vous laissez aller vos impressions, sensations jusqu’à ce que, peu à peu, apparaissent dans votre esprit les grandes lignes de ce que vous voulez exprimer.

Alors commence le ballet de la pratique, le plaisir sensuel de toucher le pinceau, d’en éprouver la résistance, la consistance, la caresse sur la toile, avant de l’enduire de peinture et, d’un geste large mais craintif, de commencer à inscrire dans l’espace délimité le signe du temps, la temporalité de l’existence. Passer du vide au plein par une trace sur le blanc de l’inconsistance, comme la tache d’une vie reconnue, imaginative, exubérante, bref, le signe de l’entrain, de l’espoir, de l’accomplissement d’une finalité sans motif intéressé. Et progressivement, mais assez vite, tout se bouscule dans votre tête. Vous ne pensez plus, vous êtes couleurs, séparation, osmose, rupture. Votre corps se tend, s’extasie, s’unit à votre effort mental, se plie aux exigences du projet, le précède même, lui donne une réalité vivante qui n’est pas celle que vous aviez en mémoire, mais qui naît du geste et de la réflexion conjugués.

Parfois, vous vous arrêtez. Oh, pas trop longtemps de peur que cet enchaînement des gestes ne s’embrouille et vous laisse seul devant la page inachevée. Il vient pourtant un moment où cela va finir. Vous ne savez pas quand, vous ne pouvez le prévoir. Vous vous efforcez de conserver votre corps et votre esprit frais, alertes, inventifs, ouverts à toutes les solutions, vous corrigez ensuite et rebâtissez. Mais viendra bien un moment où le carburant manquera. Vous aurez brûlé vos réserves et en sortirez épuisé, mais comblé, renouvelé, léger comme un ballon d’hydrogène dans le ciel nuageux de ces jours d’un été qui n’en est pas un. Le soleil absent du monde mortel et quotidien a pourtant bien brillé sur le front de votre travail et l’a éclairé jusqu’à vous faire sortir de vous-même.

Vous vous réveillez lorsque vous nettoyez vos pinceaux. Vous aimez ces gestes simples d’un passage sous le liquide, quel qu’il soit, qui évacue le trop plein de couleurs, et rend son être primitif à ce tas de poils ramassés, accolés ensemble pour vous laisser rêver de la main et de l’œil. Ca y est, il est propre, essuyé, rangé dans sa boite. Un deuxième, un troisième. Et ce nettoyage est ce qui vous permet de reprendre pied avec le quotidien, d’atterrir sur les skis de votre réalité après le grand saut dans l’absence de pensées autres que celle de la création.

Mon Dieu, que de voyages dans l’imaginaire qui vous permet de ramener à chaque fois un souvenir de ce moment merveilleux, un tableau qui vous rappelle ces heures de liberté absolue et enchanteresse, loin de toutes les contingences du quotidien !

 

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