Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/04/2014

Adoramus te - Palestrina - The Stairwell Carollers, Otta

http://www.youtube.com/watch?v=u219h-Y1S1k&feature=re...


Le Christ se dépouilla de lui-même : traduction du verbe grec ekenosen qui signifie « se dépouiller, se vider, s’évider ». Idée d’un plein qui devient réceptacle, d’une forme qui, se suffisant à elle-même, se transforme pour n’avoir de signification que par ce qu’elle peut contenir.

Totalement dépouillé, évidé, le Christ épouse l’univers, le glorifie en se glorifiant, le rend divin. En lui, s’opère la réunion des contraires : l’univers et Dieu, la matière et l’Esprit.

 

25/08/2013

Te Deum, d’Arvo Part

http://www.youtube.com/watch?v=CPd3e5woOyc

La plupart des Te Deum commencent par une explosion de sons venant des instruments ou des voix. Ici rien de tout cela. Le grognement de la terre, l’écho du travail de la matière dans l’immensité de l’espace. Puis un « Te Deum laudamus » empreint de sérénité et de confiance malgré la terreur de l’existence. Réponse des voix de femme, en écho, elles aussi pleines de foi et de loyauté.

Te Deum laudamus,
te Dominum confitemur.
Te aeternum Patrem,
omnis terra veneratur.

Nous te louons, Dieu,
Nous t'acclamons, Seigneur.
Père éternel,
Toute la Terre te vénère.

S’agit-il réellement d’un Te Deum ? Les violoncelles, puis les violons s’épanchent pour rappeler la fugacité de la vie, sa fragilité. La troisième strophe éclate tout à coup (Sanctus, Sanctus, Sanctus…), puis se calme, puis explose (Pleni sunt caeli et terra…).

« Sanctus, Sanctus, Sanctus
Dominus Deus Sabaoth.
Pleni sunt caeli et terra
maiestatis gloriae tuae. »

« Saint, Saint, Saint,
Dieu, Seigneur de l'univers ;
le ciel et la terre sont remplis
de la gloire de ta majesté. »

Le Te Deum est sensé exprimer la louange et l’action de grâce. Mais ici, celles-ci sont toute intérieures. C’est un condensé de louange qui s’échappe d’un petit trou dans la conscience, une sorte de trou noir dans la toile de l’espace et du temps, fuyant l’existence des hommes.

On suit difficilement ce qu’a voulu dire le compositeur, car ce Te Deum ne ressemble à aucun autre. Il est tendre, plein de grâce intimiste, empli d’une dévotion intemporelle. Certains peuvent penser le contraire : glacial. Oui, c’est un paysage arctique, désert et coupant, qui s’étend sur des kilomètres carrés et qui reflète l’inconnaissance humaine face à la toute puissance divine (Sauvez ton peuple, Seigneur,...). Mais cette inconnaissance est accompagnée par la tendresse d’une promesse : Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne dieu (Saint Irénée). On peut penser que ce qu’a voulu exprimer Arvo Part, c’est l’intimité de cette transformation.

08/07/2013

Requiem, de György Ligeti

Artistes : Barbara Hannigan (soprano), Virpi Räisänen-Midth (mezzo-soprano), Maîtrise de Radio France, Sofi Jeanin (direction maîtrise), Chœur de Radio France, Michel Tranchant (chef de chœur), Orchestre Philharmonique de Radio France, Esa-Pekka Salonen (direction).

http://www.youtube.com/watch?v=wawSCvuGj4o

 Mais si la contemplation des astres vous effraye, vous pouvez aussi regarder chanteurs et musiciens en pleine concentration :

Introitus : http://www.youtube.com/watch?v=sa7h7TwJzaM

Kyrie : http://www.youtube.com/watch?v=JWqxPp6SvMw

Requiem : http://www.youtube.com/watch?v=ApdYpaPamMs

Lacrimisa : http://www.youtube.com/watch?v=Nu3yaMXedWo

Lux aeterna : http://www.youtube.com/watch?v=-iVYu5lyX5M

 

Les portes de l’inconnu, tel pourrait aussi être le titre de ce requiem…

Ce n’est pas l’espoir des expériences de mort imminente, ce n’est pas non plus l’avalanche négative du regret des actes passés, ni même le cauchemar d’une vision de l’enfer.

Etrange impression : froide comme une douche glacée, chaude comme un séjour dans un sauna, revigorante par la nouveauté d’un nouveau style de requiem, épuisante par l’amalgame des émotions produites.

Partie I : Introitus. Une montée des sons lente, exaspérante, embrouillée, disjonctante, comme un interminable tremblement de tout l’être devant l’arrivée de l’événement. Qu’est-il ? Nul ne le sait, mais il vient, il arrive, il est presque là, comme une écharde qui s’enfonce dans la chair lentement, patiemment, imperceptiblement.

Partie II : Kyrie. Les cris de désespoir de l’humanité face à Dieu. « Prends pitié de nous ! Nous ne sommes rien. » Il ne s’agit pas de la prise de conscience de l’être individuel face à l’instant décisif, mais plutôt de l’incompréhension de la foule des condamnés face à l’événement. « Nous crions vers Toi. Sauve-nous ! »

Partie III : Requiem. Le calme après la tempête, l’éclatement d’une terreur impossible à dire, le trouble d’un processus indéfinissable.

Partie IV : Lacrimosa. Entrée dans le tunnel de l’inconnu, crainte et délectation, comme le passage dans un hachoir. L’esprit laminé, chacun vit cet événement à sa manière. Ce n’est pas un torrent de larmes, mais au contraire, une impression d’absence de larmes, encore plus pénible.

Partie indépendante : Lux aeterna. La même veine, le même registre de voix, mais apaisé. C’est l’acceptation, cinquième stade de la mort annoncée d’Elisabeth Kubler-Ross, « Maintenant je suis prêt, j’attends mon dernier souffle avec sérénité. » (voir les 12 et 25 juin 2012)

 

Ce n’est pas un requiem glorifiant Dieu et sa toute puissance. Ce n’est pas non plus une œuvre magnifiant le dépassement du temporel par l’intériorisation. On peut penser et dire qu’il s’agit, au-delà de l’histoire individuelle de chaque homme, de l’histoire de l’humanité : quelques milliers d’années de vie et toujours cette inconnue, qu’y a-t-il au-delà ? Et le requiem n’apporte pas de réponse.

06/06/2013

Tomás Luis de Victoria - O Magnum Mysterium

http://www.youtube.com/watch?v=zeKvNxYMDxE


 Chanteur, organiste, maître de chapelle, compositeur, Tomas Luis de Victoria est avant tout prêtre. Aveugle, simple organiste, il termine sa vie humblement, de manière totalement anonyme, n’ayant jamais recherché des fonctions dignes de son talent. Elève de Palestrina, il ne compose que de la musique religieuse. Par le chant polyphonique, il cherche à faire entrer les fidèles dans la contemplation des saints mystères.

« Seul un mystique de l'envergure de Victoria ­ si proche, par bien des points, des délires visuels du Greco et toujours guidé par le génie de la race ­ pouvait réussir cette transposition visionnaire de la vie intérieure et rendre les élans sacrés de l'âme espagnole, naturellement portée vers l'adoration, la compassion et la ferveur brûlante. » (Dictionnaire de la musique, Larousse)

Texte latin :
O magnum mysterium,
et admirabile sacramentum,
ut animalia viderent Dominum natum,
jacentem in praesepio!
Beata Virgo, cujus viscera
meruerunt portare
Dominum Christum.
Alleluia.

Traduction Française :
O grand mystère,
et admirable sacrement,
que des animaux voient leur Seigneur nouveau-né,
couché dans une mangeoire!
Heureuse Vierge, dont le sein
a mérité de porter
Le Christ Seigneur.
Alleluia!

Une magnifique pièce très unifiée dans son rythme et sa sonorité bien qu’il n’y ait aucune reprise mélodique comme dans de nombreuses constructions postérieures. A la mesure 40, un apparent changement de rythme (O beata virgo). Mais seul en fait l’alléluia (mesure 58) amène une véritable conclusion, très différente du reste de la pièce, même si dans son final elle en rejoint la quiétude initiale.

Cette pièce personnifie la confiance sereine. Elle peut paraître un peu morne à nos oreilles qui ont besoin de changement, d’insolite et de renouvellement permanent des sonorités pour sortir d’une passivité due à l’accumulation des bruits. Si l’on se laisse entraîner dans son rythme égal, on s’élève dans un autre monde. C’est un instant de paradis que nous apporte la musique de Tomas Luis de Victoria.

09/04/2013

Silouans Song, composée par Arvo Pärt

ttp://www.youtube.com/watch?v=_hUEKapz9cE

 

 

Ce n’est pas de la musique religieuse, destinée à accompagner une cérémonie. Mais c’est certainement de la musique sacrée, au sens où elle vous transforme et devient preuve du numineux. Composée pour un orchestre à cordes en 1991, elle s’insinue en vous et contraint à l’écoute, au calme, à la méditation. C’est bien un chant qui naît dans la cathédrale intérieure de votre être. Il est ténu, presqu’inaudible parfois, envahissant à d’autres moments. Il va finir sans qu’on s’en aperçoive. Il se poursuit en écho et résonne en vous bien après s’être arrêté. Il vous laisse le silence, un vrai silence intérieur, comme celui de la neige qui tombe sans bruit dans la forêt.

Arvo Pärt est vraiment un grand compositeur dont l’inspiration profondément spirituelle conduit à une musique prophétique. Il s’inspire ici du Staretz Silouane, moine du Mont Athos. Mon âme languit après le Seigneur… Et toutes les nuits, Silouane cherchait celui-ci dans le silence de sa cellule.

23/03/2013

Passion selon Saint Jean de Jean-Sébastien Bach

Hier, concert en l’église de la Sainte Trinité, achevée en 1867 et d’un style moitié-gothique, moitié-renaissance. Je me suis demandé au début du concert si l’église avait le pouvoir de brouiller les sons et de passer au mixeur la magnifique musique de Bach. Il est vrai qu’il faut être particulièrement chaud pour débuter sur le chœur qui proclame la glorification du Christ :

Christ, notre Maître, dont la gloire
Domine en tous pays !
Montre-nous par ta Passion
Que toi, le vrai Fils de Dieu,
Eternellement,
Même dans la plus grande humiliation,
As été glorifié !

Mais progressivement le rythme, la vitalité et la dramaturgie de cette musique se sont mis en place et ce fut un beau concert. Je ne peux vous faire entendre l’interprétation de l’Ensemble Jubileo, spécialisé dans les concerts spirituels dans des lieux insolites tels que des gares, des hôpitaux, des prisons. Cette interprétation de l'abbé Amaury Sartorius vous en donne un aperçu. L’explication donnée par Gilles Cantagrel, musicologue de France Musique, permit de prendre toute la mesure et la singularité de l’œuvre. Plus qu’une construction musicale, c’est bien un véritable drame qui est joué avec au centre le récit de l’évangile. Elle permit également de comprendre les choix fait par l’Ensemble : pas de récitation du conteur prévu dans la partition, mais le texte est lu par Michael Lonsdale. Cela retire l’ennui que peut procurer ces longs moments difficilement compréhensibles pour ceux qui ne parlent pas allemand.

Ecoutez encore Rutht wohl, tendre et annonciateur de la vie divine, merveille d’amour contenu et de promesses à venir.

http://www.dailymotion.com/video/x572ar_bach-passion-selon-st-jean-6-ruht-w_music


Peu à peu, nous sommes entrés dans cette cathédrale musicale et, plus profondément, dans le drame divin et humain à la fois, du sacrifice du Christ. Belle entrée dans la semaine sainte. Quelle méditation dans la beauté d’une musique exceptionnelle. Bach, ce grand maître, continue de nous bouleverser presque 300 ans après qu’il ait composé son oratorio !

30/08/2012

L’Ensemble Sete Lagrimas au Festival baroque de Sablé sur Sarthe

Triste Vida Vivyre :

http://www.youtube.com/watch?v=cstGLeW3_3k&NR=1&feature=endscreen

 

Senhora del Mundo :

http://www.youtube.com/watch?v=AHggF61ft3c&feature=related

 

Quel magnifique concert, malgré un manque d’acoustique dans cette église du XIXème siècle ! Un ensemble exceptionnel portugais interprète la musique des XVIIème et XVIIIème siècles conçue au Portugal, mais créolisée dans les colonies : Amérique latine, Goa, Afrique du Sud. La musique de la métropole est reprise, améliorée aux modes du pays :

Dans le champ de la musique, par exemple, c’est ainsi que nous rencontrons dès les XVI et XVIIèmes siècles, des rythmes amérindiens et afro-brésiliens dans les vilancicos des églises de la Péninsule. De même, au XVIII et XIXèmes siècles, les salons et les théâtres lisboètes soont envahis par les lunduns et Modinhas brésiliennes, auxquelles bientôt se joindra le fado, tout cela au grand étonnement des voyageurs étrangers, qui considéraient cette hybridation culturelle comme un simple phénomène de décadence. (…) Il n’est pas étonnant, dès lors, qu l’espace de la lusophonie, bien au-delà de l’expérience coloniales portugaises, a continué de révélé un territoire si fertile en expressions interculturelles. (Rui Vieira Nery)

 

Triste Vida Vivyre : Le rythme lent, puissant qui fait place ensuite à la pureté de la voix du chanteur, puis à nouveau une petite ritournelle, voici qui émeut même le chat présent, assis sur les genoux de sa maîtresse. Instant de calme, de jeunesse, d’émerveillement devant la magnificence de l’univers. Quelle triste vie, et pourtant, « si je dois m’en aller, mon amour restera ». Le chant n’est pas triste. Paisible, détendant, il évoque cet amour qui existe en chaque homme et chaque femme et qui fait le sel de la terre. Il n’est pas choquant que les deux voix soient des voix d’homme. La seconde voix est plus un écho qu’un dialogue ou un échange amoureux. Elle donne du relief au chant, l’amplifie, l’aide à sortir de sa peine solitaire pour lui faire atteindre l’universalité des sentiments. Oui, c’est une belle chanson très simple et tellement universelle qu’elle en atteint une beauté compréhensible par tous.

 

Senhora del Mundo : Là aussi le rythme prime. Quelle prière ou plutôt quel conte : Princesse de vie, la Dame du monde donne naissance à son fils. Chant des troubadours qui enjolivaient tout événement et bien sûr ce qui était universel, la naissance du christianisme, mais sous des accents et des sons inusités au monde européen de l’époque. De même la seconde voix est écho de la première, donnant de la profondeur au chant comme un retour de la terre au don divin. Et tout se finit dans un délire de flutes et de percussions, comme pour mettre en évidence le moment solennel de cette naissance.

 

Merci à l’ensemble Sete Lagrimas qui fait revivre ces petits chefs-d’œuvre perdus. Ils méritent bien les heures de déchiffrement et de répétitions qu’ils exigent des chanteurs. Enfin, merci au festival de Sablé sur Sarthe qui fait preuve de discernement dans le choix des ensembles. Bravo !