16/03/2016
La fin de l'histoire (25)
Deux jours plus tard, les sans-abris lui parlèrent de gens qui habitaient sous la ville.
– Ils sont un peu fêlés, dit l’un d’eux. Ils ne se montrent pas au-dehors. Ils vivent toute l’année dans les boyaux des lignes de métro abandonnées et restent là sans rien faire, assis, les yeux fermés, sans bouger. Ils semblent heureux et même intelligents.
– Sont-ils nombreux ?
– Non, pas tellement, une trentaine, des hommes, mais aussi des femmes. Ils s’entendent bien, mais restent très indépendants les uns des autres. Ils ont tous une cicatrice au milieu du front, très visible. Une sorte de trou…
Nicéphore enregistra cette information qui lui parut être intéressante. Ainsi il y avait des gens qui vivaient hors de tout contrôle social, apparemment. Il semblait même ne plus porter d’indicateur. Peut-être les avaient-ils arrachés ? Il lui fallait trouver là où ils vivaient.
Le lendemain, il demanda à ces deux nouveaux amis de le conduire aux gens dont ils avaient parlé hier. L’un d’eux s’écria que jamais il ne dévoilerait cette cachette et que d’ailleurs il était incapable de retrouver le chemin qui y conduisait. Le second ne dit rien, mais, un peu plus tard, prit Nicéphore à part et lui dit qu’il lui montrerait les galeries où ils sont réfugiés.
Dans l’après-midi, il vint le trouver, lui dit de prendre son bagage et l’entraîna derrière lui. Ils marchèrent longuement, tantôt horizontalement, tantôt presque verticalement : escaliers, couloirs, portes, sans jamais rencontrer personne. Son compagnon ne disait rien. Il semblait savoir où aller, mais en était-il sûr ? Le silence était total. Aucun bruit de la ville ne leur parvenait. Parfois, on entendait l’écoulement des eaux dans les tuyaux ; d’autres fois, c’était le grincement d’une porte rouillée ou le piétinement des rats dans les couloirs. Seule, la lampe électrique que tenait son accompagnateur maintenait une illusion de vivant. Nicéphore était perdu. Il ne savait plus s’il se trouvait loin de la surface, loin du lieu d’où ils étaient partis. Enfin… Une dernière porte, puis la lumière. Ils étaient aveuglés. Elle était chaude, dorée et semblait diffuser le contentement, voire caresser le visage d’un souffle apaisant. Ils s’arrêtèrent, écoutant le silence qui avait mis de la tendresse dans son écho. Derrière une autre porte, ils devinaient des chants, doux comme le beurre sur une biscotte qui craque. Nicéphore eut envie de fuir. Quels étaient ces fous ? se demanda-t-il.
Ils entrèrent. La pièce était sombre, à peine éclairée par quelques bougies. Des hommes et des femmes étaient assis le long des murs, immobiles, silencieux, les yeux clos, en méditation. Ils n’étaient tournés vers rien, se faisaient face, et semblaient être concentrés sur le milieu de la salle. Mais celle-ci était vide. Quelle étrange réunion, se dit-il. Son accompagnateur avait disparu. Il était là, debout, hésitant, le cœur battant. Un des hommes lui fit signe de s’assoir à côté de lui. Il prit un coussin, s’assit en tailleur, redressa sa colonne, joignit les mains et ferma les yeux. Il se sentait bien. La surprise lui avait permis de faire le vide en lui-même. Aussi retrouva-t-il sans difficulté ce qu’il avait découvert dans le désert près de Tombouctou. Peu à peu, cette paix individuelle qu’il éprouvait rejoignit celle des autres. Il eut le sentiment qu’il entrait dans une nouvelle ère, plus électrique, plus chargé de minuscules vibrations qui entretenaient une sorte de courant entre eux. C’était imperceptible, mais néanmoins palpable. Ses poils se hérissaient et semblaient flotter dans l’air. Il se sentit léger, délivré même du souci de maintenir son indicateur éteint. Plusieurs fois, il faillit s’endormir, sa tête tomba sur sa poitrine, le contraignant à une attention soutenue.
                                                        07:53 Publié dans 43. Récits et nouvelles  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : histoire,  société,  individu,  liberté |  Imprimer
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15/03/2016
Nocturne
Le pied léger, elle courait dans la rue
Ce n’est pas qu’elle était pressée, non
Juste une envie de se défouler
Et d’exhiber ce corps, menu et flexible
Il était neuf heures, la nuit tombait
Les passants fuyaient le vent aigre
Le nez enfoui dans un foulard
Les mains de glace dans la poche
Ils virent passer l’orage. Nue
Elle courait sans contradicteurs
Peu pressée d’en finir, y prenant plaisir
Elle souriait aux étoiles qui ouvraient
Leurs froides et célestes rondeurs
Cours, cours, la belle, il le faut
Voici celui qui vient, l’enjôleur
Souple et ferme, il divague
Entre les pavés, il te remarque
La flèche blanche sur les portes
Les fils d’argent flottant au vent
Il est pris dans le filet pervers
Et se dresse derrière elle
Tendu comme un aimant
Ils courent ensemble sans savoir
Qui suit qui, qui est qui
Ce n’est plus qu’un seul corps
Qui se rejoint pour exister
Leurs ombres s’ajustent 
Leurs regards se dédoublent
L’effort les revêt de rosées
Le souffle s’accélère
Soudain il aboie, une fois…
Il s’approche et lèche
Le poil hérissé. Tremblante
Elle se tourne vers lui
Et s’offre en pleine rue
Aux yeux des passants
Qui assistent, impuissants
A la danse de l’amour
© Loup Francart
                                                        07:20 Publié dans 42. Créations poèmes  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : poésie,  écriture,  poème,  littérature |  Imprimer
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14/03/2016
Impossible
Avait-il oublié quelque chose à l'intérieur ?

Il est à l'intérieur et ne peut plus sortir :

                                                        07:33 Publié dans 12. Trouvailles diverses  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : curiosité,  image,  déjanté |  Imprimer
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13/03/2016
La fin de l'histoire (24)
Commença alors une vie errante, d’hôtels en chambres louées à des particuliers, avec de longues journées dehors, en guettant le soir avant d’oser entrer dans un refuge incertain. Ce n’est pas que cela lui faisait peur, mais il n’avait pas la tranquillité d’esprit nécessaire pour investiguer franchement et tenter de savoir ce qu’il était advenu de Magrit et Charles. Toujours sur ses gardes, il devait continuer à être libre pour transmettre ce qu’il avait appris au cours de ces quelques mois. Une question le tracassait cependant : était-il dorénavant seul ou y avait-il d’autres personnes qui, comme lui, cherchaient une libération ? Il comprit qu’il ne pourrait trouver une réponse tant qu’il serait soumis à cette vie errante, mais il ne voyait pas où il pourrait aller pour poursuivre ses découvertes, sauf à nouveau à Tombouctou. Mais il faut prendre l’avion, donc disposer de papiers d’identité qui ne soient pas à son nom. Continuer comme aujourd’hui revenait à se faire prendre un jour ou l’autre parce que son avertisseur s’allumerait sans qu’il puisse le contrôler. Il se sentait néanmoins investi d’une mission particulière. Laquelle ? Il ne savait pas trop. Il s’efforçait de la préciser sans trouver réellement une réponse. Il passait plus de temps en méditation, se créant une véritable chambre intérieure dans laquelle il se détachait des influences du monde et qui lui donnait la force d’empêcher l’indicateur de s’éclairer. Cette chambre était vide. Il n’y trouvait rien. Mais ce rien lui permettait justement de ne plus être atteint par l’extérieur. Il concentrait toute son attention à ce qui se passait en lui tout en oubliant son Moi social. Il cultivait le calme. Il s’efforçait de paraître semblable aux autres : paraître seulement et non pas être. Il s’interrogeait sur sa vocation véritable, sur le but de sa vie. Il prit conscience de ses erreurs d’objectifs : toujours courir après un leurre, que celui-ci soit professionnel, social, culturel, familial ou autre. Les aléas de la vie ne devaient pas le guider vers un futur quelconque. Seul le but qu’il arrivera à se fixer lui permettra de poursuivre sa destinée. Il était, dans le même temps, bien conscient que cette vision n’était que temporaire et dépendait du temps et de l’intensité qu’il consacrait à sa méditation. Selon les moments de la journée et les influences subies, il s’écartait plus ou moins de son objectif de trouver la « liberté intérieure ». Cette expression lui était venue un jour où, fuyant un hôtel dont le propriétaire devenait soupçonneux, il comprit cette cassure existant entre la notion de liberté dans la vie quotidienne et une véritable liberté intérieure, faite non pas de satisfaction de ce que l’on veut, mais d’absence de volonté d’obtenir quelque chose. « Liberté intérieure » : un trou d’air dans sa vie difficile, une aspiration qui l’enchantait et le poussait à agir selon celle-ci, à l'écart des habitudes sociales.
Il s’était réfugié sous un pont en raison d’une pluie incessante et y avait trouvé deux clochards (oui, les sans-abris existaient encore, par vocation plutôt que par obligation). Ils avaient bu, sans plus, divaguaient quelque peu et s’étaient moqués de lui. Il n’en ressentait aucune gêne. Il avait même parlé avec eux, calmement, les considérant comme des congénères qui n’ont pas encore découvert cet espace que chacun possède en soi pour se sentir en harmonie avec le monde. Il n’y avait pas création d’une distance entre lui et eux, pas non plus la conscience d’être autre. C’était une aspiration intérieure qui le guidait, un mince souffle qui lui faisait comprendre l’incroyable destinée commune qu’ils possédaient, eux et lui, et qui le poussait à les comprendre et les aider. Sensation étrange, comme l’habitation d’un souffle qui passait au travers de son corps et l’entraînait à une attention soutenue pour s’oublier lui-même.
                                                        07:41 Publié dans 43. Récits et nouvelles  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : histoire,  société,  individu,  liberté |  Imprimer
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12/03/2016
Le soleil dans toute sa splendeur
https://www.youtube.com/watch?v=GSVv40M2aks
Mieux vaut se taire et admirer plutôt que d'expliquer ou de commenter.
Seul un poème peut traduire ce qu'on éprouve devant ce spectacle.
                                                        07:19 Publié dans 12. Trouvailles diverses  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : création,  astrophysique,  imagerie,  big-bang |  Imprimer
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11/03/2016
Concert
Dans leur montée en intensité
Les sons pénètrent ton opacité
Transpercent l’apparence funeste
Et te conduisent au vide céleste
L’harmonie est fleuve, puis mer
Envahissant l’être et ses recoins amers
Emportant cœur et esprit en ballade
Te ceignant d’une aimable accolade
Viens à l’horizon, dit la mélodie
Viens danser sur la ligne hardie
Déploie tes ailes ankylosées
Et plane sans plus te reposer
Les sons huilés des violons
Enferment tes appréhensions
L’aigre discours de la clarinette
T’incline au repos dans la dunette
Le chant solitaire de la soprane
Te fait franchir la membrane
Qui contient ton être intérieur
Il te confie à l’auguste prieur
La porte est franchie sans peur
Vient l’intense moment de stupeur
Quand l’œil vacille et plonge
Dans les eaux translucides des songes
© Loup Francart
                                                        07:49 Publié dans 42. Créations poèmes  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : poème,  écriture,  poésie,  littérature |  Imprimer
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10/03/2016
La mode féminine
La mode féminine se renouvelle sans cesse, et cela fait des années que cela dure. Qui eût cru, il y a un an, qu’il convenait maintenant de n’avoir ni jupe, ni robe, ni pantalon. Non, ne vous méprenez pas ! Elles ne vont pas nues et leurs vêtements restent décents.
La grande majorité s’est dotée d’une double peau, fine, noire bien entendu, dont elles se contentent pour se promener dans les rues de Paris. Elle porte, pour cacher le haut, une large ceinture en tissu. Ce n’est pas une jupe, elle est trop petite. Ce n’est pas non plus une robe car le haut est constitué d’un pull qui laisse le nombril découvert. Certes, à cette époque de l’année, elle porte au-dessus un manteau en doudoune, également noir. Cela leur permet de cacher l’essentiel. La rue est pleine de la réclame pour Dim : longues jambes effilées, montant si hautes qu’on les voit au ciel. Aux pieds, elles chaussent volontiers ces boots du Moyen-âge avec des talons qui ne montent pas aux cieux, mais presque. Parfois, le haut de la chaussure retombe mollement vers le sol en fleur épanouie, comme pour marquer un certain laisser-aller qui lui est toujours à la mode.
 promener dans les rues de Paris. Elle porte, pour cacher le haut, une large ceinture en tissu. Ce n’est pas une jupe, elle est trop petite. Ce n’est pas non plus une robe car le haut est constitué d’un pull qui laisse le nombril découvert. Certes, à cette époque de l’année, elle porte au-dessus un manteau en doudoune, également noir. Cela leur permet de cacher l’essentiel. La rue est pleine de la réclame pour Dim : longues jambes effilées, montant si hautes qu’on les voit au ciel. Aux pieds, elles chaussent volontiers ces boots du Moyen-âge avec des talons qui ne montent pas aux cieux, mais presque. Parfois, le haut de la chaussure retombe mollement vers le sol en fleur épanouie, comme pour marquer un certain laisser-aller qui lui est toujours à la mode.
Avouons cependant que cette nouvelle mode a des contraintes. Comment s’assoir en restant décente ? Il convient de bien tenir serrés ses pinceaux, de décrire un arc de cercle avec les hanches en fléchissant légèrement, pour, si l’on calcule bien, se retrouver assise sur le siège convoité. Certaines doivent s’entraîner longuement avant d’exécuter cet exercice périlleux avec l’aisance nécessaire. Il est vrai que d’autres, une minorité, il faut le dire, se laissent tomber sur leur siège sans aucune élégance, tel un sac de pommes de terre. Elles ne disposent pas de pinceaux, mais de solides piliers qui ne se manient pas de la même manière. Là, on se dit qu’il ne s’agit pas de parisiennes, mais de fraiches migrantes de province.
Une minorité, sans doute peu avertie des changements de la mode, continue à enfiler, difficilement, un pantalon. Mais est-on sûr qu’il s’agit d’un pantalon. Il est tellement serré qu’il est difficile de distinguer la différence entre le collant et le pantalon. L’objectif reste le même : des jambes en or qui ne tiennent qu’à un fil. Le pantalon est bien sûr en grande majorité noir, parfois bleu américain, car un seul ustensile ne change pas malgré les évolutions de la mode : le Blue Jean, anciennement dit Lewis. Après les trous aux genoux ou même ailleurs, ceux-ci sont à nouveau entiers, mais si étroitement économes en tissu qu’elles se demandent si elles pourront y entrer. Elles doivent s’y prendre à trois fois pour enfiler ces chausses, et utiliser un tire-botte pour les retirer. Mais disposer d’échasses pour voir et, surtout, être vue est un privilège qui vaut bien quelques sacrifices.
Quelques fantaisistes, parce qu’elles sont suffisamment dénudées vers le haut, portent de longues bottes de cuir qui montent jusqu’aux genoux, voire plus au-dessus pour quelques rares exceptions. Dans ce cas, leurs collants sont clairs et non noirs. Elles introduisent un contraste voulu entre le buste rapetissé et les bottes de sept lieux, et mettent en évidence le dessin oblong des deux fuseaux qui relient l’ensemble.
Enfin – vous en rencontrez deux ou trois par jour – certaines se laissent admirer en braies, rayées comme il se doit. Malheureusement, ce genre d’attribut n’est pas, le plus souvent, porté par des personnes filiformes. On les voit donc dans une glace déformante qui maquille l’élégance naturelle de la parisienne. Oui, il existe des exceptions qui n’ont pas le galbe nécessaire et qui s’égarent dans Paris, malgré les avertissements de la presse : Paris, capitale de l’élégance.
                                                        06:44 Publié dans 11. Considérations diverses  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : mode,  féminité,  parisienne,  collant |  Imprimer
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09/03/2016
La fin de l'histoire (23)
Il ressentit tout à coup la légère pression des liens entre lui-même et le monde. Il rattrapa une jeune fille et, instantanément, fut englobé dans ces pensées. Il ne vit qu’une moitié de joue et les cils de l’œil gauche, le tout entouré de cheveux foisonnants. Cette joue devint une sorte de miroir qui lui renvoyait son entendement aussi naturellement que si elle avait pris un téléphone pour lui parler. Il était en elle comme il était dans ses propres pensées une minute auparavant. Un saut d’un monde à l’autre, sans transition, le laissant aussi à l’aise dans l’un que dans l’autre. Cela ne dura pas longtemps, cinq ou dix secondes. Mais quelle précision ! Femme tout d’un coup, il était plongé dans une vision féminine du monde. Il voyait en femme une situation entrevue habituellement avec plus de distance et moins d’implication des sens. Là, le monde était plus rond, plus caressant, plus à fleur de peau également. C’était un monde plus concret, plus ancré dans les sensations et sentiments, moins distant et probablement plus vrai, parce que plus enraciné dans la réalité. Il touchait le monde et les fibres qui relient chaque être ou chaque chose avec un autre et jouais une autre symphonie, plus charnelle, plus tendre, moins rationnelle et plus vivante. Les femmes donnent naissance au monde alors que les hommes le décortiquent. Ils jouent aux cubes, inlassablement, édifiant et démolissant le monde, pendant que les femmes nagent dans leurs relations, pour y trouver l’harmonie qui les relie. Il comprit qu’une femme ancre sa place dans le monde en jouant de ces fibres qui unissent entre eux les êtres et les choses. Les hommes, eux, s’attachent plus à construire et reconstruire leur position dans le temps et l’espace pour atteindre un équilibre précaire que les nouvelles relations établies entre eux amènent à une nouvelle mobilité. Il ressentit l’importance de disposer des deux visions. Elles consacrent un accomplissement qui devient un commencement, une autre manière de percevoir l’univers, une unification des liens entre les deux aspects de la nature, la féminine et la masculine. Ce fut une sorte de mariage intérieure, la naissance d’une intense luminosité due à la jonction entre le tout et l’absence de moi. Enfin ! Il était, unique, au milieu de tous, parmi tous et tout, parce qu’il avait oublié ce moi encombrant, taraudé de questions sans réponses. Quelques instants plus tard – combien ? Il ne le savait – il eut l’impression de se réveiller. Il était dans un état d’exaltation passionnée, sous l’effet d’une tension intérieure impressionnante, mais tellement enrichissante. Progressivement il retrouva la ville, le passage des passants, le bruit des poubelles, le bourdonnement des voitures démarrant au feu rouge. Le monde reprenait sa place, redevenu éternel et indifférent. Mais en lui, désormais, le rire et les larmes se mêlaient, devenus un même état d’être, au-delà des sensations et des sentiments.
Le lendemain, il apprit par les médias l’arrestation de Magrit. Comment avaient-ils su ? La dP l’avait arrêtée à quatre heures du matin en pénétrant chez elle avec l’aide d’un bélier. Les premiers comptes rendus la désignaient comme une dangereuse idéologue, antisociale et néfaste à l’esprit républicain. Bien sûr, il n’était nullement indiqué où elle avait été transférée. Diable ! Cela se rapproche ! Que faire ? Dois-je rester dans mon appartement ou, au contraire, partir loin d’ici ? Il ne savait. En attendant de prendre une décision, il rassembla dans un petit sac quelques vêtements, deux livres, ses papiers d’identité, de l’argent. Il était prêt pour toute fuite ou même arrestation. D’abord prendre des forces, se dit-il. Il médita une heure, s’efforçant de retrouver les sensations de la nuit. Puis, il sortit, avec son sac. Bien lui en prit. À peine avait-il franchi le premier carrefour, qu’il entendit les avertisseurs des voitures de la dP. Lui aussi était donc recherché !
                                                        07:20 Publié dans 43. Récits et nouvelles  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : histoire,  société,  individu,  liberté |  Imprimer
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08/03/2016
Trompe l'oeil
Quelques trompe-l’œil :
Suspendu et introuvable !

Allez savoir où est le réel !

                                                        07:34 Publié dans 21. Impressions picturales  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : trompe-l'oeil,  street art |  Imprimer
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07/03/2016
Numériser
Je numérise
Tu numérises…
Quelle menue risée !
C'est un haïku !
Certes, il manque d'élégance
Est-il possible de s’esbaudir 
D’un vilain jeu de mots
Prolongé en mauvais jeu de mains
Mais où en est-on ?
Le chameau a-t-il trois bosses 
Ou le boss a-t-il un cerveau ?
Qui tire les vers à la ligne
Et quel poisson d’avril
Les rend rectiligne ?
C’est bien ainsi le délire !
© Loup Francart
                                                        07:01 Publié dans 42. Créations poèmes  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : poésie,  écriture,  poème,  comique |  Imprimer
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06/03/2016
La fin de l'histoire (22)
Ainsi je ne suis pas seul, se dit-il. Magrit a également choisi. Mais je ne comprends pas comment elle fait. Prend-elle toujours la pilule ? Comment fait-elle pour lutter contre ses effets. Il faudra que je lui demande. Il rentra vite chez lui, sentant que son cerveau commençait à s’embrouiller et qu’il n’en était plus maître. Il rentra d’extrême justesse. À peine avait-il franchi sa porte que son indicateur s’alluma, le dénonçant automatiquement. Il ferma aussitôt les rideaux, craignant que cette lueur n’attire les regards. Il s’installa en posture de méditation et commença à entrer en lui-même, calmant les battements de son cœur et ses inquiétudes. Tentant de respirer consciemment, il découvrit une autre manière de faire silence en lui, particulièrement efficace lorsqu’il est en situation de stress. Il eut l’impression de respirer au-dedans de lui-même. Partant du ventre, sa respiration fit naître en lui un espace libre au-dessous de la gorge, comme un air de liberté inviolable qui grandissait en lui et allégeait ses difficultés. Très vite, il se sentit délivré, libre, aérien. Ce fut une exaltation sans fin, un trou dans le réel qui le faisait changer de monde. Il se détendit, laissant jouer ses muscles, ses tendons, tout en maintenant son corps droit. Il eut le sentiment d’être aspiré et de se nettoyer intérieurement. La frontière entre son personnage extérieur et sa réalité intérieure s’éclipsa ou, tout au moins, devint transparente. Il acquit une lucidité qu’il n’avait jamais connue jusqu’à présent. Il ouvrit les yeux, constata que son indicateur s’était éteint. Il s’endormit très vite et ne se réveilla que dans la matinée, en pleine forme. Il sortit courir dans la ville et eut l’impression de voler entre les immeubles. Il sentit son cœur devenir chaud et chaque passant lui sembla aimable et beau.
Quelle sensation extraordinaire ! se dit-il. Il courait et le monde s’ouvrait. Les liens se tissaient entre les immeubles, d’autres liens entre les gens qu’il croisait. Tous ces liens donnaient une étrange conformité au paysage, comme un revêtement de couleurs douces et huilées. Il écouta le martèlement de ses chaussures sur le sol goudronné. Il devenait de plus en plus léger et sentait son poids devenir plus faible, moins sensible. Sa légèreté intérieure se transmettait à sa perception extérieure. L’enveloppe de son corps s’amenuisait. Il ne sentait plus la différence entre cette présence extérieure des êtres et des objets et celle, intérieure, de son propre moi qui devenait inexistant. C’est cette absence de personnalité qui lui permettait de vivre ce moment unique, l’osmose de son être avec le monde. L’univers était en lui et il était l’univers.
                                                        07:18 Publié dans 43. Récits et nouvelles  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : histoire,  société,  individu,  liberté |  Imprimer
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05/03/2016
J.S. Bach Fugue in G minor BMW 578
http://www.youtube.com/watch?v=0kc81fkeN28&feature=re...
Une Magnifique interprétation du quartet de llevant de llevant.
La musique, c’est la vie avec Jean-Sébastien Bach.
Promenade un matin d’été, descente vers la rivière et plongeon dans l’eau fraîche…
                                                        07:40 Publié dans 51. Impressions musicales  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : musique,  baroque,  bach,  fugue |  Imprimer
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04/03/2016
Fourmillement
Il est quatre heures, une heure normale pour se recoucher après deux heures d’écriture. Doucement, je me glisse dans le lit, soulevant légèrement la couette (eh oui, les Français se sont mis à la mode allemande, avec avantage !). J’installe mon corps dans la meilleure position possible, je ferme les yeux, laissant malheureusement mon imagination prendre la barre. Ce n’est pas grave, si j’arrive plus ou moins à l’orienter. Le vide s’installe peu à peu. Un picotement sournois me surprend. Un microbe, non un peu plus gros, se promène sur mon nez. Je ne le sens pratiquement pas, mais il s’incruste, tournant sur lui-même, l’air innocent. Ne pas bouger ! me suis-je dis en entrant dans le lit. Alors je tente, vainement, de ne pas sentir ce fourmillement. Mais il est tenace. Il se propage comme les ondes à la surface de l’eau. Non, ne bouge pas ! Mais finalement, je sors une main vengeresse et écrase cet animal ou la croyance en un animal, d’un coup d’ongle vindicatif. Puis, je passe plusieurs fois mon doigt en lieu et place. Ouf ! Je vais pouvoir m’endormir sans difficulté. Effectivement, je ne suis plus dérangé par ce picotement. Oublié, ou presque. Il suffit de ne pas y penser. Mais le seul fait de se dire qu’il ne faut pas y penser, vous amène bien sûr à y penser et à laisser sa pensée s’attacher à cette pensée. Je me force à ne pas bouger. Ça passe, ça passe ! Mes pensées repartent vers d’autres lieux. Elles tendent à se clamer, à quasiment d’arrêter. Là. Quel bonheur !
Mais rien n’est fini. Une démangeaison subite sur la cuisse m’oblige à me gratter de la main gauche. Juste un seul coup de doigt, pour éteindre cette envie de repasser la main encore et encore jusqu’à ne plus avoir qu’une cuisse rougie. Cela semble suffisant. Ce passage rafraîchissant du doigt ne me laisse plus qu’un vague souvenir dans la chair, comme un léger monticule sur la plaine de la mémoire. L’oscillateur reste plat. Je reprends ma respiration lente, j’en oublie mon corps, seule la tête continue à fonctionner, certes petitement, mais avec efficacité. Laisse courir ces images, ne t’y attarde pas ! Je me passe d’images, ce ne sont plus que des couleurs qui s’accumulent en gros noyau au centre de ma vision. C’est presqu’une peinture de Mathieu qui change sans cesse de formes et de couleurs. Je n’ai plus la force de penser. Mes pensées vont s’arrêter.
Ah ! Ma femme préférée, la seule en fait, vient de se retourner. Elle m’effleure d’une main, la pose sur mon bras, me réchauffe. J’ai perdu le nœud de peinture et retrouvé les images qui défilent à nouveau devant mes yeux fermés. Souvenirs, émotions, succès, défaites, tout y passe, dans le désordre, et me vient l’envie de me gratter le bras sur lequel sa main repose. Délicatement, je lui prend le poignet, le pose sur l’oreiller, embrasse le bout de ses doigts et me tourne délicatement pour reprendre une position la plus neutre possible. Ne pas se gratter et encore moins se chatouiller ! Refaire le vide en soi est une gymnastique nocturne en vogue. Sentir le trou d’air qui passe dans sa gorge, pénètre les poumons, descend jusqu’au plexus, puis repart dans l’autre sens jusqu’à débarrasser la tête de ces fantomatiques impressions qui courent au fond du cerveau.
Dieu, qu’il fait chaud ! me dis-je tout à coup. Une rosée envahit l’espace de chair délicate entre la lèvre supérieure et le bas du nez. Oui, c’est vrai, il fait chaud ! Je découvre mes épaules en tirant vers le bas la couette et me donne une impression de bain de mer lorsque vous soulevez la dernière vague mourante de mousse blanche. Brrrr ! Non, recouvre-toi, me dis-je. Et la mécanique repart, le ressort tendu, souvenirs, émotions, succès, défaites, et bien d’autres choses encore. L’oscillateur marque des hauts et des bas, la machine est toujours vivante et incontrôlable. Un quart d’heure plus tard, je me bats toujours avec la couette, tantôt trop descendue, tantôt trop englobante. Mais l’intérieur des yeux commence à fatiguer. Oui, c’est bien l’intérieur puisqu’ils sont fermés. Mais il y a une sorte de deuxième voile qui s’installe progressivement, comme un brouillard familier qui envahit l’écran de cinéma d’une laiteuse fantaisie. Pourtant un chatouillement intempestif me contraint à passer le coude sur les côtes sans cependant gratter cette partie du corps, sensible en période nocturne. Ah… Je ne peux résister. Avec l’autre main, je sors des ongles vengeurs et, ostensiblement, me gratte le lieu des supplices. Cela fait du bien ! Aussi, en un instant, je sombre dans l’étoupe du sommeil, en un lieu sans temps qui me prend dans ses bras jusqu’au lendemain matin.
Oui, c’est vrai... ça chatouille ou ça grattouille, et même, parfois, ça papouille.
                                                        07:21 Publié dans 11. Considérations diverses  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : nocturne,  sommeil,  veille,  inconscient,  insomnie |  Imprimer
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03/03/2016
Aspiration
Quel est ce feu bouillonnant
Qui monte de tes entrailles
Tel le trop-plein d’un volcan
Déversé en pluie de mitraille
A peine sorti de la nuit sans fond
Il t’entraîne dans sa danse
T’étourdit, te promène sur le pont
T’étreint et sans cesse te relance
Pourquoi cette aspiration vers le large
Sans lieu ni durée, qui t’entraîne
Vers cette promenade inhumaine
Tu te tiens, de toi-même, à la marge
Et tu contemples ce double, hagard
Qui t’emporte, sans aucun égard
© Loup Francart
                                                        07:14 Publié dans 42. Créations poèmes  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : poème,  écriture,  poésie,  littérature |  Imprimer
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02/03/2016
Se garer entre deux voitures
Il est des jours où tout est simple parce que vos perceptions sont démultipliées. Ainsi en est-il lorsque vous garez votre voiture en ville.
 
Habituellement vous vous y reprenez à deux fois et même plus, n’arrivant pas à trouver le bon angle d’attaque, la courbe majestueuse à effectuer pour vous glisser sans contact entre deux voitures et le trottoir. Cela vous rappelle les prisons américaines que l’on voit dans les vieux films : trois murs, une grille à travers laquelle le détenu passe avidement les bras comme pour aspirer une brassée d’air pur. Vous vous laissez balloter entre les parechocs ou vous cognez trop vite sur la pierre sèche du trottoir sans comprendre pourquoi vous n’arrivez pas à entrer. Vous êtes comme l’incarcéré qui se fait parfois projeter par ses codétenus entre les trois murs et la grille. Vous avez cependant l’avantage d’être dehors et vous cherchez à vous glisser dedans. Le prisonnier est hélas dedans et voudrait bien sortir dehors. Toute autre ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ne saurait être que fortuite.
Mais d’autres jours, plus rares et délicieux, vous faites preuve d’une intensité extraordinaire de conscience. Dieu vous glisse une goutte d’huile sur le corps et vous guide hardiment dans ce coin obscur sans que vous vous en rendiez compte. Pourtant rien ne vous y prépare. Vous n’avez aucune acuité supplémentaire avant de commencer à tourner votre volant à droite pour laisse l’avant de la voiture partir à gauche pendant que son arrière-train accepte de chercher une place sur sa droite. Vous avez la sensation de vous assoir sur un fauteuil non rempaillé dont les montants de bois vous rentrent dans les fesses. Alors vous vous contorsionnez pour trouver une agréable assise. Nouveau coup de volant, à gauche cette fois-ci, qui vous permet d’entrer en catimini dans l’espace promis et envié. Vos sensations s’exaspèrent. Vous avez des picotements au bout des doigts, des pieds et de votre postérieur qui vous avertissent de l’approche de l’obstacle et vous font l’éviter. Vous vous sentez grandi, vous redressez la tête qui vous sort du cou et vous permet de mesurer la distance entre la roue arrière et le trottoir. Alors d’un geste sublime vous tournez à nouveau votre volant à droite pour caser le reste de votre corps entre les parechocs, avec douceur, sans heurt, entrée triomphale dans cet antre de paix qu’est la place qui vous a été offerte par un collègue parti quelques instants plus tôt. Vous n’avez pas encore conscience de cette agilité des sens qui vous a permis cette glissade bienheureuse dans un créneau étroit.
Au moment de couper le contact, un silence impressionnant se fait en vous. Tout devient fluide, vous baignez dans le bonheur qui est à portée de main. Votre cœur se dilate et devient une grotte qui résonne du moindre bruissement, votre vue s’affine jusqu’à vous montrer ce que vous ne voyez jamais, un fil d’araignée qui s’étire entre le tableau de bord et le parebrise. Il luit au soleil et vous dit : « Oui, elle est belle la vie, belle de ces petites choses sans intérêt qui lui donnent du sel et en font un plat goûteux que vous dégustez en une seconde qui devient l’éternité avant de retrouver la gaucherie de tous les jours et de sentir, en vous passant la main sur la joue, votre barbe qui pousse ».
                                                        07:15 Publié dans 12. Trouvailles diverses  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : manoeuvre automobile,  permis de conduire,  garage,  créneau |  Imprimer
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01/03/2016
La souille, de Franz-Olivier Giesbert
Au commencement était le Verbe. Je suis là pour le prouver. Depuis toujours, j’ai quelque chose qui parle en moi. C’est comme un murmure de l’autre monde, avec un fond musical. Je ne sais pas d’où cela vient, mais je suis sûr que cela vient de loin.
Ainsi commence ce beau roman de Franz-Olivier Giesberg qui finit sur ces lignes :
Aujourd’hui, rien ne m’accroche plus au monde, pas même Epiphanie qui n’est plus que l’ombre d’elle-même avec ses épaules tombantes et sa beauté bridée. Je suis en train de me détacher de moi-même pour retrouver le cours de l’univers qui s’avance sans fin ni commencement, en écrasant tout sur son passage, les grands comme les petits, les coupables comme les innocents, pour réaliser son destin. Ainsi est le Verbe.
C’est un roman à la Giono, truculent, mélancolique, vivant comme le serpent dans l’herbe sauvage. Il est raconté par Jésus, un garçon de ferme qui vit en communion avec le monde des bêtes, de la forêt et du vent. A la mort de son patron, débarque par l’autocar une étrange demoiselle qui dit s’appeler Epiphanie et qui prétend ne vouloir jamais rien perdre de sa vie. Il décida qu’il serait son ange gardien et se demanda si elle ne deviendrait pas aussi le sien. Il y a des gens d’une telle beauté qu’on se sent protégé rien que de les regarder. Elle arrive à la ferme, demande Maxime, le fils du patron, et est envoyée par une agence matrimoniale. Madame Ducastel, sa mère, la veuve du patron, interroge « Vous allez vous marier quand ? ».
 sauvage. Il est raconté par Jésus, un garçon de ferme qui vit en communion avec le monde des bêtes, de la forêt et du vent. A la mort de son patron, débarque par l’autocar une étrange demoiselle qui dit s’appeler Epiphanie et qui prétend ne vouloir jamais rien perdre de sa vie. Il décida qu’il serait son ange gardien et se demanda si elle ne deviendrait pas aussi le sien. Il y a des gens d’une telle beauté qu’on se sent protégé rien que de les regarder. Elle arrive à la ferme, demande Maxime, le fils du patron, et est envoyée par une agence matrimoniale. Madame Ducastel, sa mère, la veuve du patron, interroge « Vous allez vous marier quand ? ».
Ce roman est l’histoire d’Epiphanie, adulée, puis battue et rejetée par Maxime, remplacée par Mademoiselle Avisse, Astrid de son prénom, la fille du château dont la mère a été sauvagement tuée et dont on recherche le coupable. Il y a d’autres personnages, dont Monsieur l’Abbé d’Hauteville qui sent tout, voit tout et qui combat le mal. Nous ne le raconterons pas, ce serait dévoiler ce qui fait la beauté du livre.
Chaque épisode de cette triste aventure est entrecoupé de la vie de la forêt et de ses animaux, dont le sanglier Baptiste qui rêve de sa souille et finit en cuissot : un jour, il faudra chanter l’excrément. C’est du rebut de vie, l’excrément, mais c’est aussi du germe de vie. (…) La nature recycle tout, la vie comme la mort. Elle ne fait pas la différence. Il suffit parfois d’une bouse sans un clos pour qu’enfin le monde renaisse. C’est pourquoi on aime tant le fumier, à la campagne. Tout ressuscite en lui.
Un roman où la mort est comme la vie, un paysage où l’on chemine sans y penser jusqu’au jour où plus rien ne vous y attache. C’est ce jour-là que l’on comprend la vie et qu’on accepte la mort.
                                                        07:13 Publié dans 41. Impressions littéraires  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : roman,  littérature,  nature,  beau,  passion,  amour |  Imprimer
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29/02/2016
La fin de l'histoire (21)
Le lendemain, il se présenta à la porte de la jeune fille. Rien, aucune trace de policiers. Tout semblait normal. Il n’hésita pas, monta au quatrième étage et sonna. La porte s’ouvrit. Margit était là, sereine. Aujourd’hui, elle détient une beauté cachée, pensa-t-il.
– Bonjour Margit. Je désirais parler encore avec vous. Notre conversation de l’autre jour m’a fait du bien, mais elle a ravivé le souvenir de Charles. Je désire en parler si cela ne vous dérange pas.
– Entrez, me dit-elle avec un sourire discret.
Elle le fit entrer dans la même pièce qui devait servir de salle de séjour. Elle était encombrée, mais rangée. Dans un coin, un ordinateur était installé sur une table, ouvert et allumé. Quelques feuillets à côté montraient son utilisation studieuse. Il s’assit, sur sa demande, dans une sorte de canapé recouvert d’une draperie rouge avec les motifs orientaux et elle lui proposa un café qu’il déclina.
– Que s’est-il passé l’autre jour ? Je suis venu et j’ai vu votre maison gardée par des policiers. Je vous ai cru arrêtée.
– En fait, non. C’était une erreur faisant suite à une dénonciation entre voisins à laquelle je n’étais absolument pas mêlée. Une histoire d’intérêt.
– J’ai cru que j’avais perdu la dernière trace de Charles. J’ai besoin de savoir comment vous l’avez réellement connu ? lui demanda-t-il.
– C’était il y a un an. Je l’ai rencontré à la sortie de la fac. Nous nous sommes heurtés dans un couloir. J’ai perdu mes cahiers et il les a ramassés prestement non sans lire ce que j’avais marqué sur la page de garde de l’un de ceux-ci : recherches. C’était un mot qui m’attirait, sans plus. Je l’avais adopté, sans comprendre qu’il pourrait m’attirer des ennuis. Re-cherche, cela signifiait que non seulement il fallait chercher, mais qu’il fallait ne jamais cesser de chercher. Mais que cherchez-vous ? me demanda-t-il d’un air moqueur. Je ne sais, lui répondis-je. Je cherche un sens à ma vie, mais lequel ? C’est pour l’instant impossible à dire. Je sais que je dois chercher et cela me suffit. Il m’invita à prendre quelque chose dans un café et me parla alors de sa propre vie. Moi aussi, je cherche, me précisa-t-il. Je sais ce que je dois chercher. Je commence à acquérir quelques connaissances, mais ce n’est bien sûr pas suffisant pour avoir une idée précise de ce que je veux trouver. Une certaine paix, probablement. Mais laquelle, pour quoi faire, comment ? Je ne sais pas. Cette recherche me semble importante pour mon équilibre. Sans elle, je me sens nu et méprisable. C’est comme une lueur au fond de moi qui me pousse à poursuivre, presque malgré moi. J’étais émerveillé de trouver quelqu’un qui connaissait mes préoccupations et qui était plus avancé que moi sur le chemin. Il avait fait se lever une lumière en moi, une certitude sans savoir pourquoi, et cela me permit d’approfondir mes propres questions. Nous nous revîmes une fois ou deux, dans un café, discrètement, avant les événements dont nous avons parlé et sa disparition.
– Avez-vous peur ? lui demandais-je.
– D’un côté, oui, bien sûr. Qui n’aurait pas peur de disparaître sans que personne ne sache où il est passé. C’est effrayant. Mais d’un autre côté, non. Pourquoi ? Probablement le fait de savoir qu’il existe autre chose qui est le bien le plus précieux : une partie de l’être qui est sans crainte parce qu’elle fait vivre l’autre partie. Elle est plus profonde que le moi conscient dans lequel on se confond habituellement. Cela m’éclaire tellement que plus rien ne pourrait m’empêcher de la faire vivre et de la développer. Mais j’avoue que je ne sais vers qui me tourner. J’ai peur d’en parler, car il y a des policiers partout ou des gens prêts à vous dénoncer. Ainsi, lorsque vous êtes venu me voir l’autre jour, j’ai craint d’avoir été dénoncée. J’ai joué la bécasse pour que vous ne puissiez m’identifier. Je me suis pourtant trahie sur les dernières paroles et c’est sans doute pour cette raison que vous êtes revenu, n’est-ce pas ?
– Oui, c’est vrai, mais c’était heureux, car j’ai failli laisser tomber votre piste. Cela m’a mis la puce à l’oreille et j’ai décidé de vous revoir une dernière fois. Bien m’en a pris… Magrit, prenez garde à vous ! La société guette tous ceux qui n’obéissent pas à ses règles et les punit violemment. Comment ? Je n’en sais rien, mais c’est encore plus effrayant ! Inversement, je ne vous dirai jamais d’arrêter votre quête, car je sais combien elle est importante pour vous comme elle l’est pour moi. Alors, concluons un pacte. Entraidons-nous discrètement et cherchons où peut se trouver Charles. On lui doit bien cela.
Après quelques autres échanges, il quitta Magrit en lui recommandant à nouveau de prendre garde à elle et en lui donnant l’exemple de Charles qui était pourtant parfaitement au courant de ce qu’il risquait.
                                                        07:08 Publié dans 43. Récits et nouvelles  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : histoire,  société,  individu,  liberté |  Imprimer
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28/02/2016
Firmament
Dans le vert firmament
Au pied des monts feuillus
Court la belle salamandre
Qui étincelle sous la lune
Rien ne trouble la quiétude
De cette nuit maigre et froide
Qui récite ses salamalecs 
Au son de l’eau qui passe
Trois heures, bien sûr
L’heure de la renaissance
De l’ouverture à l’autre monde
Un écart et tu tombes
De Charybde en Scylla 
Les genoux couronnés
Les larmes aux yeux vaillants
Le corps tremblant de caresses
Entre les mains de la nuit
Le voici le trou sans fin
Il avance à grands pas
T’envole, te prend, te vide
Tu n’es plus toi, tu n’es plus moi
Rien que ce gouffre ouvert
Qui te regarde, attendri
Et t’appelle de sa voix douce
Viens, viens dans ma moiteur
Couvre-moi de baisers
Ensevelie-moi dans l’ombre
De mon innocence perdue
Alors tu te laisses tenter
Tu ouvres cet élan sincère
Qui te fera dire ensuite
J’étais mort et je vivais…
Je suis vivant et la vie s’en va…
© Loup Francart
                                                        07:48 Publié dans 42. Créations poèmes  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : poème,  écriture,  poésie,  littérature |  Imprimer
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27/02/2016
L'abbaye de Clermont (2)
La cour intérieure vous a sans doute échappé. On s’intéresse d’abord à l’abbatiale. Mais lorsqu’on en sort, le lieu apparaît, désolé et auparavant grandiose.
Un côté de la cour est en ruine. Il s’agissait, paraît-il, des Communs (transformés aux XVIe et XVIIe siècles).
Le bâtiment des Convers possède deux magnifiques salles voutées, dont le cellier.
Hors de l’enceinte de la cour se trouve la porterie du XIIe siècle.
Lorsque vous revenez au début de la visite, vous regardez avec curiosité le bâtiment offert en premier à la vue, celui des religieux de chœur, datant du XVIIe siècle.
Mais si vous aviez vu l’état de l’abbaye en 1954, vous remercieriez dix mille fois les deux demoiselles qui ont pris à leur charge les travaux de restauration.

Il reste encore cependant quelques vitraux aux très jolis dessins, à la manière orientale.
                                                        07:39 Publié dans 12. Trouvailles diverses  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : visite,  monuments historiques,  méditation,  repos |  Imprimer
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26/02/2016
La fin de l'histoire (20)
Pour avancer, il décida de lire attentivement la philocalie des Pères neptiques. Il apprit que le terme neptique vient du grec Nepsis qui signifie la « sobriété de l’âme ». Nicodème, un des Pères dont les écrits avaient été intégrés au recueil, était cité en préface : « Enivrez-vous de l’ivresse que donne la vraie sobriété ». Très vite, il comprit que son objet consistait à rechercher le silence en Dieu. Une phrase lui vint à l’esprit : du non-être naîtra l’être. Il ne comprit pas ce qu’elle signifiait, mais elle resta là, dans son cerveau, comme gravée. Il découvrit que le recueil était composé d’écrits de nombreux pères et avait été préparé au Mont Athos. Son titre d’ailleurs était beaucoup plus imposant que celui utilisé habituellement : philocalie des saints neptiques, compilée d’après nos pères saints et théophores, dans laquelle, par la pratique et la théorie de la philosophie morale, l’intellect est purifié, illuminé et rendu parfait. A cette fin, la pratique de l’ascèse et la prière du cœur étaient considérées comme le véritable moyen de se préserver de l’esclavage du monde visible. Il eut malgré tout beaucoup de mal à entrer plus avant dans les textes. Le terme de Dieu s’y rencontrait pratiquement à toutes les lignes et son esprit encore imbibé de cartésianisme rejetait cette façon d’aborder le monde. Il comprit néanmoins qu’au-delà des différences de langage, le fond était le même : trouver en soi, par l’apprentissage de l’absence de soi, le tout dénommé Dieu. Il remarqua néanmoins dans un des textes de Maxime le Confesseur ces deux phrases : quand, par le désir ardent de l'amour, l'intelligence émigre vers Dieu, alors elle ne sent absolument plus aucun des êtres. Tout illuminée par la lumière infinie de Dieu, elle est insensible à tout ce qu'il a créé, de même que l'œil ne voit plus les étoiles quand le soleil se lève. Ainsi l’amour avait des rapports avec l’intellect, mais pas du tout de la manière à laquelle il pensait auparavant. L’intellect est subordonné à l’affectif, mais celui-ci doit auparavant être purifié des passions pour prendre la première place. Quelle leçon d’humilité. Mais Nicéphore sentait qu’il tenait quelque chose qui ne pourrait lui être ravi, même sous la contrainte et cela lui fit chaud au cœur. Il avait encore besoin de manifestations intérieures d’encouragement pour poursuivre. Il se sentait faible, toujours soumis à ses humeurs, mais celles-ci prenaient, dans le même temps, de la distance. Il arrivait à s’en détacher.
Deux jours plus tard, il tenta de revoir Margit. Mais arrivé devant chez elle, il vit la porte gardée par deux policiers en civil, vérifiant les papiers de ceux qui cherchaient à entrer. Il poursuivit sa route sans même jeter un œil sur ce qu’ils faisaient, se disant qu’il l’avait échappé belle. Il était en effet fort probable que Margit avait été arrêtée et il ne voulut pas en savoir plus. Il eut juste une interrogation bizarre : que vont devenir ses documents dont certains étaient des textes rassemblés par Charles ?
Nicéphore sentit ce jour-là la charge qui pesait sur ses épaules. Il semblait se retrouver seul au monde. Il détenait un secret inavouable et cela lui pesait. Il espérait que personne ne l’avait remarqué et ne soupçonnait ce qu’il cachait au plus profond de lui-même. Il y tenait, mais ne voulait surtout pas que cette découverte soit connue. Margit a-t-elle ou non été arrêtée ? se demanda-t-il soudainement. Il n’en savait rien en fait. Il faut que j’y retourne, se dit-il.
                                                        07:32 Publié dans 43. Récits et nouvelles  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : histoire,  société,  individu,  liberté |  Imprimer
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25/02/2016
Impression
L’amitié tient à peu de chose
Une rencontre… Une parole… Un regard…
Parfois même, une plaisanterie…
Juste un signal de reconnaissance
L’amour tient-il à plus ?
Un doigt effleuré sans penser à mal
Un parfum qui tressaille dans le corps
Le frisson d’une chevelure sur la peau
L’indifférence existe-t-elle sous le soleil ?
Une ombre incertaine sous un réverbère
Le dépit d’un alcool sans arôme
L’attente, tous, dans le métro
Le mépris est-il naturel ?
Une main sur l’épaule d’une autre
Un rire plus puissant que nature
Un contentement dans la voix
Dieu que ces petits riens
Façonnent un avenir incertain
Et répandent sur une vie sans faste
Un onguent mirifique ou néfaste
© Loup Francart
                                                        07:54 Publié dans 42. Créations poèmes  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : poème,  écriture,  poésie,  littérature |  Imprimer
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24/02/2016
L'abbaye de Clermont (1)
Fondée par Saint Bernard en 1152, elle a résisté aux siècles et aux hommes. Elle se cache dans les fonds, le feuillage et le silence. On entre dans son intimité par un chemin creux et elle se découvre à votre arrivée. Alors on part à pied et le cœur vous guide, les yeux écarquillés. On a du mal à l’imaginer en activité, emplie de moines silencieux et fervents, mais la quiétude du lieu incline à penser à la majesté divine. On s’y sent bien, poursuivi par un tremblement d’émotions et la lumière de l’inconnu.

Deux demoiselles l’ont achetée et ont consacré leur vie à une restauration difficile. Merci à elles. Elle serait en ruine sans leurs soins.
Voici l’entrée, à l’arrivée du chemin qui y conduit.
Et, tout de suite, l'église abbatiale :
On fait le tour. On ne peut entrer par la porte, alors on se glisse dans la cour et ses dimensions apparaissent : en majesté, mais ruinée.
Et si haute, qu'elle touche le ciel :
                                                        07:58 Publié dans 14. Promenades  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : visite,  monuments historiques,  méditation,  repos |  Imprimer
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23/02/2016
La fin de l'histoire (19)
Auparavant, Nicéphore fit des recherches. Il n’avait entendu parler de la philocalie qu’indirectement au cours d’une rencontre en Grèce dans un monastère orthodoxe. Il se souvenait de l’expression « les pères neptiques », mais n’en savait guère plus que la jeune fille. Il se plongea dans la lecture de Gnosis, ce livre que lui avait prêté Charles. Ce qui l’avait attiré était l’introduction concrète : notre vie intérieure change presque à tout instant. Cependant l’homme prétend avoir de la suite dans les idées et être conséquent dans les actes. Poursuivant sa lecture, il était écrit que ce que chacun appelle le moi est un terme énigmatique et très peu défini. Ce Moi évolue, change, n’est jamais le même. Il est un ensemble de Moi qui constitue la personnalité d’une personne, laquelle est très souvent insaisissable. Malheureusement, très vite, le texte entrait dans des considérations théoriques qui avaient rapidement lassé Nicéphore. Il était question de trois modes de vie ou trois centres de la vie psychique, le centre intellectuel, le centre émotif et le centre moteur, qui se situent dans le cerveau, le cœur et le plexus solaire. Selon les cas, l’un des trois prédomine pendant quelques instants dans la personnalité et donne à celle-ci une apparence de cohérence. Il apprit que le centre intellectuel enregistre, pense, calcule, recherche ; que le centre émotif a pour domaine les sentiments, les sensations et les passions ; que le centre moteur dirige les cinq sens, accumule l’énergie dans l’organisme par ses fonctions instinctives et préside, par ses fonctions motrices, à la consommation de cette énergie. La conclusion sautait aux yeux, sans toutefois être explicite : il s’agit de dépasser la conscience subjective du Moi pour atteindre la conscience objective du Moi individuel, c’est-à-dire la conscience de Soi. Cet état de conscience n’est pas un état habituel. Il ne vient que par des ruptures insolites qui font prendre conscience de cette unité profonde existant en l’homme, si difficile à atteindre en raison de la dispersion permanente de celui-ci à l’intérieur de ces trois centres.
Refermant le livre, il comprit que son séjour dans le désert avait constitué une rupture qu’il devait cultiver et agrandir. Celle-ci lui avait permis de déjouer la dP. Il s’efforçait d’entretenir en lui cette découverte ténue qui le protégeait des investigations des enquêteurs. Il comprit que cela ne suffisait pas et qu’il se ferait prendre un jour ou l’autre s’il n’allait pas au-delà. Ah, mais oui ! Cette sensation de vide qu’il avait ressenti au cours de sa méditation était-elle semblable à ce que Charles appelait désapprendre le monde ? C’était possible. Cela impliquait également que cette notion de monde visible et invisible soit éclaircie. Il était simple de comprendre ce que signifiait le monde visible, celui que l’on voit et que l’on ressent, mais de quoi parlait-on lorsqu’il s’agit du monde invisible ? Est-ce un monde que l’on ne peut voir, mais que justement l’on peut ressentir ? Est-ce un monde virtuel construit de l’imagination de l’homme ? Est-ce le monde des idées, un monde purement intellectuel ? Ces suppositions se bousculaient dans sa tête sans qu’elles puissent s’enchaîner les unes aux autres.
                                                        07:31 Publié dans 43. Récits et nouvelles  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : histoire,  société,  individu,  liberté |  Imprimer
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22/02/2016
La vente de livres
Que les livres s’étonnent
D’être ainsi rassemblés.
Même si aucun de détonne,
Pourquoi les vouloir mêler ?
Ils sont dans leurs cagots,
Au garde-à-vous des vaincus,
Sur la tranche, l’air vieillots,
A l’inventaire des invendus.
La couleur ne manque pas ;
Ils se repoussent bigarrés.
C’est leur manière d’élever la voix
Et de se désolidariser.
Les auteurs s’égrainent. 
Inconscients, ils flottent devant vos yeux.
Chateaubriand côtoie Verlaine, 
Hugo devient plus soyeux.
Les titres divaguent à pleins poumons.
Ils crient la chaleur du soir,
Les après-midis sans fond,
Les blancs matins d'espoir.
Seuls les éditeurs sont sans rébellion.
Ils s’alignent sagement, heureux
De figurer en couverture,
Même en bas, comme des peureux.
Derrière, à voix basse, fusent les éloges.
C’est si dithyrambique, que le silence règne.
Oui, c’est un bien triste épilogue
Que de finir en telle enseigne.
Pourtant, ce soir, à la veillée,
Vous ouvrirez l’un d’eux
Et du bon temps vous passerez
Pour oublier ce jour cafardeux.
© Loup Francart
                                                        07:26 Publié dans 42. Créations poèmes  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : poésie,  écriture,  poème,  littérature |  Imprimer
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21/02/2016
L'accent
C’est pourtant un bien bel effet que cet accent chantant que nous avons oublié depuis que tous montent vers Paris pour étudier. Le poème devient chanson parlée à nos oreilles.
C’est l’été, les vacances avancent leur museau et ouvrent le rideau.
                                                        07:25 Publié dans 12. Trouvailles diverses  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : langue,  accent,  souvenirs,  diversité |  Imprimer
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20/02/2016
Mandala
Un mandala moderne qui trompe par ses irrégularités :

                                                        07:02 Publié dans 22. Créations numériques  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : peinture,  dessin,  médittion,  conscience |  Imprimer
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19/02/2016
La fin de l'histoire (18)
Il se décida à revoir la jeune fille que Charles avait rencontrée à Montmartre. Il dut prendre des précautions ne voulant pas qu’une maladresse de sa part lui cause un préjudice irréversible. Il la suivit quelque temps dans ses trajets habituels. Un jour, dans un autobus, il saisit l’occasion d’une place libre à côté d’elle pour engager une conversation anodine. Elle se souvenait bien de lui sans le dire ouvertement. Il la convia à prendre un café dans un bistrot place Clichy. Là, perdus dans la foule anonyme des consommateurs, ils purent échanger quelques mots.
– L’avez-vous vu souvent avant sa disparition ? lui demanda-t-il après les échanges habituels de gens qui se connaissent peu.
– À peu près une dizaine de fois. C’était quelqu’un qui parlait peu, assez discret. Mais lorsqu’un sujet l’intéressait, il faisait preuve de connaissances que je n’aurai pas soupçonnées chez lui. Il s’intéressait particulièrement à la philosophie et la mystique dont il parlait à mots couverts. Un livre l’avait profondément marqué. Il s’appelait d’un nom bizarre. Autant que je me souvienne, quelque chose comme philocaïde. Il m’a parlé de manière d’être et d’exercices destinés à améliorer la perception du monde.
– Ne s’agit-il pas plutôt de philocalie ?
– Oui, ça doit être ça. Mais il ajoutait une drôle d’expression, quelque chose comme philocalie des frères nautiques. Il n’a pas eu le temps de m’en dire plus. J’avoue que je ne sais ce que signifie l’expression des frères nautiques. Je suppose qu’il s’agit d’un lieu de réunion de passionnés de navigation ou d’un club d’aviron. Mais ce sont de pures suppositions.
– Je pense que vous confondez. Il doit s’agir de la Philocalie des Pères neptiques, un livre mystique écrit au XVIIIe siècle et qui s’est répandu dans toute l’Europe au début du XIXe. Un très beau livre de réalisation intérieure.
– Pardonnez-moi, je n’y connais rien. De quoi s’agit-il ?
– C’est un recueil de textes de la spiritualité orthodoxe. Le terme philocalie signifie « amour de la beauté ». Il s’agit là de la vraie beauté, celle du monde invisible, caché derrière le monde visible. Les textes parlent tous de la manière d’atteindre ce monde invisible, par la prière.
– Vous y croyez, vous ? C’est quoi ce monde invisible ? lui demanda-t-elle abruptement.
Nicéphore eut tout à coup des doutes. Cette fille a-t-elle été l’amie de Charles où ne serait-elle pas une espionne de la dP ? Ne s’était-il pas trop engagé ?
– Ce qui m’intéresse, c’est l’histoire des pensées et comment envisager le monde. J’écris un livre sur les différentes utopies ayant régné en Europe depuis le Moyen âge. Les utopies religieuses ont été nombreuses et variées. Celle de la philocalie a été particulièrement importante grâce à la diffusion d’un livre appelé « Récit d’un pèlerin russe ».
Nicéphore s’en tira ainsi et n’osa plus insister. Cette fille était un peu bécasse et il fallait s’en méfier. Ils bavardèrent encore quelques instants, puis elle se leva en posant une question :
– Charles m’a dit que pour connaître le monde, il fallait le désapprendre. Est-ce vrai ?
– Je… Je ne sais pas. Vous parlez du monde invisible ou du monde visible ?
– Je m’interroge sur ce qu’il appelait le monde invisible. Comment désapprendre quelque chose qu’on ne connaît pas ?
Elle le quitta sur ces paroles qui ne manquaient pas d’intelligence, ce qui l’intrigua. Il n’arrivait pas à la saisir. Elle semblait fuir comme une anguille que l’on serra dans ses mains. Impossible de la maîtriser. Néanmoins elle fit un effort de mondanité qui lui sembla de bon augure.
– Je m’appelle Margit et vous pouvez m’appeler ainsi. Et vous ?
– Nicéphore.
– Je ne sais si nous aurons l’occasion de nous revoir, mais cette conversation m’a fait du bien. Au revoir, Nicéphore. Au fait, j’habite au 15 rue Tellurique, dans le 13e arrondissement.
– Au revoir Margit.
Une fois dehors, Nicéphore s’interrogea sur le sens de son interrogation : comment désapprendre quelque chose qu’on ne connaît pas ? Il ne s’était jamais posé la question. « Au fond, cette fille est peut-être plus intelligente qu’elle veut bien le laisser croire. Je ne sais. Je dois sans doute la revoir une nouvelle fois, en lui avouant mes réelles recherches. C’est un risque à prendre. »
                                                        07:47 Publié dans 43. Récits et nouvelles  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : histoire,  société,  individu,  liberté |  Imprimer
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18/02/2016
Le mont Saint Michel
Les revenants descendent
Les portes d’en face se ferment
L’escargot ouvre sa coquille
Vous montez : serrez-vous !
Le mont est là qui vous écrase
Il se dresse humblement, seul
Dans une plaine sans fin
Où court un fil d’argent
Aimablement suivi par le conducteur
Le contrefort devient rocher
Le rocher devient forteresse
Et celle-ci hommage de dentelles et de croix mêlées
Au ciel pur et vierge de soucis
L’horizon pour toute assise
La verticale s’empare de votre vue
Vous grandissez et vous effilochez
Dans ces ruelles aux bras levés
Sur lesquelles la mouette pousse son cri
Couleurs du gris qui vire au jaune
Au blanc, au bleu des reflets
De l’azur qui chante dans cette élévation
Vous palpez cet univers liquide
Vous vous couchez dans ces ravins d’eau claire
Froide par nature et par résolution
Vous frissonnez à la bise du matin
Et vous montez toujours plus
Au long des pierres millénaires
Dans le bourdonnement des pas sur les marches sacrées
Et tous vont jusqu’à la montée d’escalier
Telle l’entrée au paradis ouvert sur l’océan
Vous êtes aspirés hors de l’espace et du temps
Et vos cheveux se dressés droits sur votre chef
Vous tirent vers l’abîme des cieux
Jusqu’à la lévitation promise et envoûtante
Mais plus haut encore, Saint Michel se dresse
Les ailes déployées, l’épée levée, terrassant les âmes 
© Loup Francart
                                                        07:26 Publié dans 14. Promenades, 42. Créations poèmes  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : pélerinage,  tourisme,  élévation,  conversion |  Imprimer
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17/02/2016
Amour et beauté
La preuve décisive de son aptitude (celle de l’amour) à s’harmoniser à tout et de la souplesse de sa nature, elle est dans cette beauté de la forme, que précisément, Amour, en vertu d’un consentement unanime, possède à un degré exceptionnel ; car entre laideur et amour il y a de l’un à l’autre, un perpétuel conflit. (…)
Il n’est personne, en tout cas, dût-on même jusque-là sans culture, qui ne devienne poète quand de lui Amour s’est emparé !
(Platon, Le banquet, Première partie, discours d’Agathon, la nature de l’amour, La pléiade, 1940)
Quel sujet de controverse : l’amour naît-il de la beauté ou la beauté naît-elle de l’amour ? Très certainement, la question est abrupte et trop catégorique. Tous diront l’un et l’autre. Pourtant elle est intéressante, car elle nous contraint à aller au fond des choses.
C’est un fait certain que l’amour naît de la beauté. Chaque homme et chaque femme aimera son vis-à-vis par la beauté qu’il possède, que celle-ci soit physique, intellectuelle ou morale. Mais en disant cela, nous avons déjà fait une concession au principe de la beauté : elle n’est pas que physique. Ainsi la beauté intérieure d’un être peut faire surgir l’amour même si celui qui en est l’objet ne dispose que d’une piètre beauté physique. Mieux même, cette disposition intérieure fera apparaître beau l’être qui n’a pas les caractéristiques de la beauté. Ainsi notre proposition se retourne, l’amour fait naître la beauté là où rien ne suggère l’irradiation du beau.
Et si l’on se donne la peine de d’interpréter ce constat, on s’aperçoit qu’il en est de même entre l’amour humain et l’amour divin, l’éros et l’agapè. Pour le premier, l’amour naît de la beauté éprouvée et supposée d’un autre être. Pour le second, l’amour fait naître la beauté dans le cœur de celui qui aime et sème la beauté dans l’être aimé.
L’amour n’est-il pas ensorceleur !
                                                        06:14 Publié dans 11. Considérations diverses  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : amour,  beauté,  divin,  harmonie |  Imprimer
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16/02/2016
Le Carême
L’année liturgique tourne autour de deux grands mystères : le mystère de l’incarnation et le mystère de la résurrection.
Elle est donc naturellement divisée en deux grands cycles :
* Le cycle de Noël avec le temps de l’Avent, le temps de Noël et le temps après l’Epiphanie ;
* Le cycle de Pâques avec le temps du Carême, et le temps pascal jusqu’à la Pentecôte. On peut y ajouter le temps après la Pentecôte avec les trois fêtes qui suivent : fêtes de la Sainte Trinité, du Corps et du Sang du Christ et du Cœur du Christ.
Le cycle de Pâques est le cœur de l’année liturgique et le cycle de Noël ne fait que le préparer. Chacun des deux cycles nous préparent à la rencontre du divin. Quelle différence ?
Noël met l’accent sur la naissance de Dieu en nous. Pâques met l’accent sur notre naissance en Dieu, avec la nécessité de se transformer pour renaître en Dieu ou ressusciter. Plus exactement, le cycle de Pâques est là pour nous inciter à mourir à nous-mêmes pour renaître en Dieu.
Le Carême nous permet de réaliser la kénose, c’est-à-dire nous vider de nous-mêmes, mieux, mourir à nous-mêmes.
                                                        07:34 Publié dans 61. Considérations spirituelles  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : cycle liturgique,  noël,  pâques,  retournement,  mort et résurrection |  Imprimer
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