23/02/2016
La fin de l'histoire (19)
Auparavant, Nicéphore fit des recherches. Il n’avait entendu parler de la philocalie qu’indirectement au cours d’une rencontre en Grèce dans un monastère orthodoxe. Il se souvenait de l’expression « les pères neptiques », mais n’en savait guère plus que la jeune fille. Il se plongea dans la lecture de Gnosis, ce livre que lui avait prêté Charles. Ce qui l’avait attiré était l’introduction concrète : notre vie intérieure change presque à tout instant. Cependant l’homme prétend avoir de la suite dans les idées et être conséquent dans les actes. Poursuivant sa lecture, il était écrit que ce que chacun appelle le moi est un terme énigmatique et très peu défini. Ce Moi évolue, change, n’est jamais le même. Il est un ensemble de Moi qui constitue la personnalité d’une personne, laquelle est très souvent insaisissable. Malheureusement, très vite, le texte entrait dans des considérations théoriques qui avaient rapidement lassé Nicéphore. Il était question de trois modes de vie ou trois centres de la vie psychique, le centre intellectuel, le centre émotif et le centre moteur, qui se situent dans le cerveau, le cœur et le plexus solaire. Selon les cas, l’un des trois prédomine pendant quelques instants dans la personnalité et donne à celle-ci une apparence de cohérence. Il apprit que le centre intellectuel enregistre, pense, calcule, recherche ; que le centre émotif a pour domaine les sentiments, les sensations et les passions ; que le centre moteur dirige les cinq sens, accumule l’énergie dans l’organisme par ses fonctions instinctives et préside, par ses fonctions motrices, à la consommation de cette énergie. La conclusion sautait aux yeux, sans toutefois être explicite : il s’agit de dépasser la conscience subjective du Moi pour atteindre la conscience objective du Moi individuel, c’est-à-dire la conscience de Soi. Cet état de conscience n’est pas un état habituel. Il ne vient que par des ruptures insolites qui font prendre conscience de cette unité profonde existant en l’homme, si difficile à atteindre en raison de la dispersion permanente de celui-ci à l’intérieur de ces trois centres.
Refermant le livre, il comprit que son séjour dans le désert avait constitué une rupture qu’il devait cultiver et agrandir. Celle-ci lui avait permis de déjouer la dP. Il s’efforçait d’entretenir en lui cette découverte ténue qui le protégeait des investigations des enquêteurs. Il comprit que cela ne suffisait pas et qu’il se ferait prendre un jour ou l’autre s’il n’allait pas au-delà. Ah, mais oui ! Cette sensation de vide qu’il avait ressenti au cours de sa méditation était-elle semblable à ce que Charles appelait désapprendre le monde ? C’était possible. Cela impliquait également que cette notion de monde visible et invisible soit éclaircie. Il était simple de comprendre ce que signifiait le monde visible, celui que l’on voit et que l’on ressent, mais de quoi parlait-on lorsqu’il s’agit du monde invisible ? Est-ce un monde que l’on ne peut voir, mais que justement l’on peut ressentir ? Est-ce un monde virtuel construit de l’imagination de l’homme ? Est-ce le monde des idées, un monde purement intellectuel ? Ces suppositions se bousculaient dans sa tête sans qu’elles puissent s’enchaîner les unes aux autres.
07:31 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, société, individu, liberté | Imprimer
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