La fin de l'histoire (21) (29/02/2016)
Le lendemain, il se présenta à la porte de la jeune fille. Rien, aucune trace de policiers. Tout semblait normal. Il n’hésita pas, monta au quatrième étage et sonna. La porte s’ouvrit. Margit était là, sereine. Aujourd’hui, elle détient une beauté cachée, pensa-t-il.
– Bonjour Margit. Je désirais parler encore avec vous. Notre conversation de l’autre jour m’a fait du bien, mais elle a ravivé le souvenir de Charles. Je désire en parler si cela ne vous dérange pas.
– Entrez, me dit-elle avec un sourire discret.
Elle le fit entrer dans la même pièce qui devait servir de salle de séjour. Elle était encombrée, mais rangée. Dans un coin, un ordinateur était installé sur une table, ouvert et allumé. Quelques feuillets à côté montraient son utilisation studieuse. Il s’assit, sur sa demande, dans une sorte de canapé recouvert d’une draperie rouge avec les motifs orientaux et elle lui proposa un café qu’il déclina.
– Que s’est-il passé l’autre jour ? Je suis venu et j’ai vu votre maison gardée par des policiers. Je vous ai cru arrêtée.
– En fait, non. C’était une erreur faisant suite à une dénonciation entre voisins à laquelle je n’étais absolument pas mêlée. Une histoire d’intérêt.
– J’ai cru que j’avais perdu la dernière trace de Charles. J’ai besoin de savoir comment vous l’avez réellement connu ? lui demanda-t-il.
– C’était il y a un an. Je l’ai rencontré à la sortie de la fac. Nous nous sommes heurtés dans un couloir. J’ai perdu mes cahiers et il les a ramassés prestement non sans lire ce que j’avais marqué sur la page de garde de l’un de ceux-ci : recherches. C’était un mot qui m’attirait, sans plus. Je l’avais adopté, sans comprendre qu’il pourrait m’attirer des ennuis. Re-cherche, cela signifiait que non seulement il fallait chercher, mais qu’il fallait ne jamais cesser de chercher. Mais que cherchez-vous ? me demanda-t-il d’un air moqueur. Je ne sais, lui répondis-je. Je cherche un sens à ma vie, mais lequel ? C’est pour l’instant impossible à dire. Je sais que je dois chercher et cela me suffit. Il m’invita à prendre quelque chose dans un café et me parla alors de sa propre vie. Moi aussi, je cherche, me précisa-t-il. Je sais ce que je dois chercher. Je commence à acquérir quelques connaissances, mais ce n’est bien sûr pas suffisant pour avoir une idée précise de ce que je veux trouver. Une certaine paix, probablement. Mais laquelle, pour quoi faire, comment ? Je ne sais pas. Cette recherche me semble importante pour mon équilibre. Sans elle, je me sens nu et méprisable. C’est comme une lueur au fond de moi qui me pousse à poursuivre, presque malgré moi. J’étais émerveillé de trouver quelqu’un qui connaissait mes préoccupations et qui était plus avancé que moi sur le chemin. Il avait fait se lever une lumière en moi, une certitude sans savoir pourquoi, et cela me permit d’approfondir mes propres questions. Nous nous revîmes une fois ou deux, dans un café, discrètement, avant les événements dont nous avons parlé et sa disparition.
– Avez-vous peur ? lui demandais-je.
– D’un côté, oui, bien sûr. Qui n’aurait pas peur de disparaître sans que personne ne sache où il est passé. C’est effrayant. Mais d’un autre côté, non. Pourquoi ? Probablement le fait de savoir qu’il existe autre chose qui est le bien le plus précieux : une partie de l’être qui est sans crainte parce qu’elle fait vivre l’autre partie. Elle est plus profonde que le moi conscient dans lequel on se confond habituellement. Cela m’éclaire tellement que plus rien ne pourrait m’empêcher de la faire vivre et de la développer. Mais j’avoue que je ne sais vers qui me tourner. J’ai peur d’en parler, car il y a des policiers partout ou des gens prêts à vous dénoncer. Ainsi, lorsque vous êtes venu me voir l’autre jour, j’ai craint d’avoir été dénoncée. J’ai joué la bécasse pour que vous ne puissiez m’identifier. Je me suis pourtant trahie sur les dernières paroles et c’est sans doute pour cette raison que vous êtes revenu, n’est-ce pas ?
– Oui, c’est vrai, mais c’était heureux, car j’ai failli laisser tomber votre piste. Cela m’a mis la puce à l’oreille et j’ai décidé de vous revoir une dernière fois. Bien m’en a pris… Magrit, prenez garde à vous ! La société guette tous ceux qui n’obéissent pas à ses règles et les punit violemment. Comment ? Je n’en sais rien, mais c’est encore plus effrayant ! Inversement, je ne vous dirai jamais d’arrêter votre quête, car je sais combien elle est importante pour vous comme elle l’est pour moi. Alors, concluons un pacte. Entraidons-nous discrètement et cherchons où peut se trouver Charles. On lui doit bien cela.
Après quelques autres échanges, il quitta Magrit en lui recommandant à nouveau de prendre garde à elle et en lui donnant l’exemple de Charles qui était pourtant parfaitement au courant de ce qu’il risquait.
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