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22/11/2016

Chaleur et fraîcheur

La chaleur et la fraîcheur sont antinomiques. Quoi de plus logique ! Pourtant tous deux, dans leur sensation, sont proches. Dans les deux cas, la chaleur ou la fraîcheur d’un lieu, d’un objet, d’un corps tiennent à la différence de température avec leur environnement. Mais on parle également de chaleur ou de fraîcheur dans les aspects psychiques de l’existence. « Il est peu chaleureux », nous dit-on d’un homme renfrogné. « Quelle fraîcheur ! » commente-t-on d’une jeune fille qui passe dans la rue. Il est cependant rare, pour ne pas dire exceptionnel, d’éprouver en même temps ces deux sensations. Chaleur et fraîcheur sont effectivement antinomiques.

Hier, me recouchant vers quatre heures du matin après m’être plongé dans les délices de l’écriture, j’avais du mal à trouver le sommeil. Il s’échappait toujours au moment où l’esprit se confond avec la matière dans une brume vaporeuse annonciatrice du sommeil. Après deux heures passées dans le froid, votre arrivée dans le lit conjugal est bienvenue. Vous entrez subrepticement, en essayant de ne pas déranger l’organisation de la couette, mais suffisamment pour puiser un peu de chaleur auprès de celle qui partage votre vie. Vous vous sentez bien lorsque votre corps froid entre en contact avec la moiteur de son corps endormi, ne serait-ce que d’une parcelle infime, par exemple la fermeté de son bras ou la souplesse de sa hanche. Aussitôt s’installe en vous ce voile vaporeux des sensations brutes qui surpasse toute pensée intellectuelle et vous fait sombrer dans le coulis des souvenirs affectifs qui remontent en bulles à la surface de votre mémoire. Vous ne pouvez vous empêcher de caresser ce point de contact qui vous redonne vie, qui regonfle votre existence d’évocations affectueuses et lui donne sens par la force de sa magie. Car c’est de magie que je parle, puisque très vite une sensation de fraîcheur tendre vous enrobe et vous emmène en lévitation de quelques centimètres, une attraction anti-gravité garantie qui finit par déranger l’ordonnancement de ce qui vous recouvre. Cette fraîcheur vous conduit hors du temps, dans les replis d’un espace limité, mais exquis, une sorte d’univers parallèle dans lequel les sensations deviennent différentes, exacerbées, et  où les attouchements procurent le sentiment d’une fontaine de jouvence.

Oui, vous vivez l’expérience d’une chaleur bienheureuse et d’une fraîcheur insolite qui, par leur mélange heureux, font de vous un être aérien, sublimé et profondément humain. Vous pouvez alors vous laisser aller dans le gaz des songes et rêver de ces instants de bonheur que donne la vie conjugale dans la pâleur d’une vie ordinaire.

04/03/2016

Fourmillement

Il est quatre heures, une heure normale pour se recoucher après deux heures d’écriture. Doucement, je me glisse dans le lit, soulevant légèrement la couette (eh oui, les Français se sont mis à la mode allemande, avec avantage !). J’installe mon corps dans la meilleure position possible, je ferme les yeux, laissant malheureusement mon imagination prendre la barre. Ce n’est pas grave, si j’arrive plus ou moins à l’orienter. Le vide s’installe peu à peu. Un picotement sournois me surprend. Un microbe, non un peu plus gros, se promène sur mon nez. Je ne le sens pratiquement pas, mais il s’incruste, tournant sur lui-même, l’air innocent. Ne pas bouger ! me suis-je dis en entrant dans le lit. Alors je tente, vainement, de ne pas sentir ce fourmillement. Mais il est tenace. Il se propage comme les ondes à la surface de l’eau. Non, ne bouge pas ! Mais finalement, je sors une main vengeresse et écrase cet animal ou la croyance en un animal, d’un coup d’ongle vindicatif. Puis, je passe plusieurs fois mon doigt en lieu et place. Ouf ! Je vais pouvoir m’endormir sans difficulté. Effectivement, je ne suis plus dérangé par ce picotement. Oublié, ou presque. Il suffit de ne pas y penser. Mais le seul fait de se dire qu’il ne faut pas y penser, vous amène bien sûr à y penser et à laisser sa pensée s’attacher à cette pensée. Je me force à ne pas bouger. Ça passe, ça passe ! Mes pensées repartent vers d’autres lieux. Elles tendent à se clamer, à quasiment d’arrêter. Là. Quel bonheur !

Mais rien n’est fini. Une démangeaison subite sur la cuisse m’oblige à me gratter de la main gauche. Juste un seul coup de doigt, pour éteindre cette envie de repasser la main encore et encore jusqu’à ne plus avoir qu’une cuisse rougie. Cela semble suffisant. Ce passage rafraîchissant du doigt ne me laisse plus qu’un vague souvenir dans la chair, comme un léger monticule sur la plaine de la mémoire. L’oscillateur reste plat. Je reprends ma respiration lente, j’en oublie mon corps, seule la tête continue à fonctionner, certes petitement, mais avec efficacité. Laisse courir ces images, ne t’y attarde pas ! Je me passe d’images, ce ne sont plus que des couleurs qui s’accumulent en gros noyau au centre de ma vision. C’est presqu’une peinture de Mathieu qui change sans cesse de formes et de couleurs. Je n’ai plus la force de penser. Mes pensées vont s’arrêter.

Ah ! Ma femme préférée, la seule en fait, vient de se retourner. Elle m’effleure d’une main, la pose sur mon bras, me réchauffe. J’ai perdu le nœud de peinture et retrouvé les images qui défilent à nouveau devant mes yeux fermés. Souvenirs, émotions, succès, défaites, tout y passe, dans le désordre, et me vient l’envie de me gratter le bras sur lequel sa main repose. Délicatement, je lui prend le poignet, le pose sur l’oreiller, embrasse le bout de ses doigts et me tourne délicatement pour reprendre une position la plus neutre possible. Ne pas se gratter et encore moins se chatouiller ! Refaire le vide en soi est une gymnastique nocturne en vogue. Sentir le trou d’air qui passe dans sa gorge, pénètre les poumons, descend jusqu’au plexus, puis repart dans l’autre sens jusqu’à débarrasser la tête de ces fantomatiques impressions qui courent au fond du cerveau.

Dieu, qu’il fait chaud ! me dis-je tout à coup. Une rosée envahit l’espace de chair délicate entre la lèvre supérieure et le bas du nez. Oui, c’est vrai, il fait chaud ! Je découvre mes épaules en tirant vers le bas la couette et me donne une impression de bain de mer lorsque vous soulevez la dernière vague mourante de mousse blanche. Brrrr ! Non, recouvre-toi, me dis-je. Et la mécanique repart, le ressort tendu, souvenirs, émotions, succès, défaites, et bien d’autres choses encore. L’oscillateur marque des hauts et des bas, la machine est toujours vivante et incontrôlable. Un quart d’heure plus tard, je me bats toujours avec la couette, tantôt trop descendue, tantôt trop englobante. Mais l’intérieur des yeux commence à fatiguer. Oui, c’est bien l’intérieur puisqu’ils sont fermés. Mais il y a une sorte de deuxième voile qui s’installe progressivement, comme un brouillard familier qui envahit l’écran de cinéma d’une laiteuse fantaisie. Pourtant un chatouillement intempestif me contraint à passer le coude sur les côtes sans cependant gratter cette partie du corps, sensible en période nocturne. Ah… Je ne peux résister. Avec l’autre main, je sors des ongles vengeurs et, ostensiblement, me gratte le lieu des supplices. Cela fait du bien ! Aussi, en un instant, je sombre dans l’étoupe du sommeil, en un lieu sans temps qui me prend dans ses bras jusqu’au lendemain matin.

Oui, c’est vrai... ça chatouille ou ça grattouille, et même, parfois, ça papouille.

22/03/2014

La nuit en deux temps

Elle s’est levée au milieu de la nuit, réveillée parce que repue de sommeil. Elle est descendue à la cuisine, s’est fait un thé, est remontée, s’est laissée aller à la poésie. Quand tout fut fini, elle se tourne vers le lit où l’attend son autre moitié, celui qui donne au monde une autre chaleur, pleine de force et de paix.

Qu’il est bon de se laisser prendre dans ses bras et de refermer la vie dans ses filets. Elle se couche subrepticement, soulevant la couette d’une main agile, prenant garde à ne pas déplacer d’air. Il fait froid, ses cuisses découvertes recherchent le corps chaud. Encore un peu. La voici dans la bulle qui se forme et l’englobe de sa somnolence. Appuyée sur son épaule, elle entre dans son odeur personnelle et se laisse aller à la torpeur de ce miel chaleureux. La main gentiment se laisse aller dans le creux de la hanche, là où la courbe se fait plus tendre et creuse.

Elle caresse cette peau connue, aimée, jusqu’au moment où le sommeil s’empare d’elle. Sa main, inerte, l’a réveillé. Il se laisse bercer par la caresse, puis se rendort également. Ils se rencontrent dans leur rêve et se sourient.

Le lendemain, en ouvrant les yeux, ils lisent dans la page ouverte de l’autre l’amour qui les tient endormis, sûrs d’eux et de leur bonheur.