Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/09/2016

Canicule

La rue est ronde de la chaleur
Qui tombe du ciel lentement
Avec la douceur d’un agneau
Et la berce d’apesanteur

Les voix traversent l’air densifié
Elles pépient en oiseaux polis
Pénètrent l’oreille voluptueusement
Et montent en vrille dans la nuit

Toutes fenêtres grandes ouvertes
Comme un pois chiche vous flottez
Aucun souffle ne vous chasse
Vous êtes là, patients, sans force

Vous n’avez même plus un fil
Pour vous protéger de la fournaise
C’est un sauna permanent
Auquel il manque le liant de la vapeur

O mon corps, Peux-tu fondre
Et me laisser seul et dénudé ?
Non, le poids te rattrape
Couche-toi sur le sol vierge

Et désormais ne va plus chercher
L’ombre de ta consistance
Au pied des immeubles luisants
Mais dans la fraîcheur du rêve

©  Loup Francart

14/09/2016

C'est mon homme

C’est mon homme !
Il a l’humour ardent
Et pas mal aux dents

C’est mon homme !
Il me prend aux aisselles
Et je vois trente-six chandelles

C’est mon homme !
Il a du poil au nombril
C’est qu’il fut sans-abri

C’est mon homme !
Il rougit de colère
Mais c’est un bon père

C’est mon homme !
Il travaille jour et nuit
Et jamais il ne fuit

C’est mon homme !
Je lui caresse l’oreille
Il se retrouve sans appareil

C’est mon homme !
Il a horreur des baisers
Mais penche pour la nuitée

C’est mon homme !
Il me caresse aussi
Je l’aime ainsi
 
C’est mon homme !
Je me sens bien chez lui
C’est comme un parapluie

C’est mon homme !
Je l’aime tout entier
Sans pouvoir m’arrêter

Oui, C’est mon homme !
Quel drôle de bonhomme !

©  Loup Francart

13/09/2016

Etre ici est une splendeur, vie de Paula M. Becker

Simplicité de l’écriture, simplicité de l’histoire de cette femme peintre qui dévora la vie pour peindre et mourut si jeune. Marie Darrieussecq a su traduire l’atmosphère qui entourait Paula, traduire son envie de peindre, son envie de vivre. Sa première phrase : Elle a été ici. Sur la Terre et dans sa maison… Elle ne peignait pas que des fleurs… L’horreur est là, avec la splendeur, n’éludons pas, l’horreur de cette histoire, si une vie est une histoire : mourir à trente et un ans avec une œuvre devant soi et un bébé de dix-huit jours.

Ce n’est pas une biographie. On ne sait rien de sa jeunesse. Née en 1876, son histoire commence en l’an 1900. Elle part à Paris étudier le dessin et la peinture. Elle y rencontre Camille Claudel, prend des cours d’anatomie à l’Ecole des Beaux-arts. Elle remporte le prix de l’académie. Elle se heurte aux préjugés, bien qu’elle soit très bien accueillie. Paula est une bulle entre les deux siècles. Elle peint vite, comme un éclat.

Et nous allons vivre ces sept années où elle peint toute son œuvre, une œuvre critiquée par les hommes, une œuvre de femme qui peint des femmes. Certes le livre s’étend sans doute un peu trop sur sa vie sentimentale, son mariage, mais il donne une idée claire de ce qu’elle ressentait, de ce qu’elle vivait, elle, une femme. Il décrit également son amitié avec Rainer Maria Rilke, le poète, qui a pratiquement le même âge et qui épousa sa meilleure ami, Clara.

Mais l’auteur nous parle également de sa passion pour la peinture. Paula peint des jeunes filles, à cet âge où l’(on devient grande. Elle les peint sans le ciel, en contre-plongée… Une femme de vingt-cinq ans peint une très jeune mariée. Ce qu’elles partagent est silencieux. Le temps pulse. Le soleil est toujours voilé sur ces tableaux… « Force et intimité », voilà ce qu’en dit Otto (son futur mari). Elle est une artiste de bout en bout, sans doute la meilleure femme peintre qui ait jamais résidé ici.

Pour finir, ce paragraphe, qui explique la vie de Paula :

La même année (1904) Rilke écrit à un jeune poète : « Un jour (…) la jeune fille et la femme cesseront d’être seulement le contraire de l’homme, elles seront une réalité en elles-mêmes ; non plus un complément et une limite, mais l’existence et la vie ; ce sera la condition humaine sous sa forme féminine. »

12/09/2016

Musica Vini

« L'édition 2016 réunit trois formations vocales de style différent qui chantent après dégustation de vins "aériens" présentés par leur vigneron. » (https://www.musicavini.fr/edition-2016.php)

« L'ensemble vocal Seguido est constitué d'une trentaine de chanteurs passionnés par le travail choral qui ont tous une solide expérience et pratiquent le chant a capella. Il est dirigé par Valérie Fayet et Pierre Mervant (professeur de chant). Leur répertoire s'étend de la musique ancienne à celle du XXIème siècle, "de tous les styles, de tous les créateurs". Depuis cinq ans, Seguido est accueilli en résidence au Conservatoire de Sablé. » (http://www.seguido.fr/index.html

Les poils se hérissent au premier chant, puis se laissent attendrir jusqu’à friser et danser au dernier. Quelle expérience !

 

Chant en noir, le visage blanc
Soutenant les feuillets bavoirs

Les bras élastiques battent l’air
En circonvolutions arrondies et muettes

Les sons parviennent aux oreilles embuées
C’est rond, orageux, discordant souvent

Et tout cela sur les mots de Shakespeare
Une bête qui avance, éperdue et cloporte

Sautant les silences, enjambant les accords
Montant à l’échelle insonore et brûlante
Tressautant  derrière la note qui part ferme
Etre ou ne pas être, où es-tu Shakespeare ?

Et malgré tout, quelle beauté des voix sans parole

Aigus des femmes, enfournement des hommes
Mélange détonnant de l’union des vibrations
Qui chatouillent l’entendement jusqu’à l’absurde

Du chant aux cris, des cris aux miaulements
Et l’apaisant tourbillon du souffle du paradis
Jusqu’aux portes de l'enfer !

©  Loup Francart

 

https://youtu.be/j82HqIGWbnU


 

11/09/2016

Accomplissement

Lu dans Etre ici est une splendeur, un livre de Marie Darrieussecq racontant la vie de Paula Becker : « Je deviens quelqu’un ». Un livre qui livre l’âme de Paula, une femme irascible, qui finalement ne vit que pour sa peinture.

M’apparut alors que tous, femme ou homme, nous vivons pour devenir quelqu’un, poussé par une voix intérieure, silencieuse, mais présente au fond de nous, en permanence, comme un aimant qui attire les mille parties de notre être vers son accomplissement. Et cet accomplissement est différent pour chacun, c’est bien pour cela qu’on ne voit pas cette électricité qui nous tient en vie et nous conduit vers son achèvement. Certains abandonnent en cours de route. Ils deviennent sans vie, plats, morts à eux-mêmes. Ils trainent leur existence et ne luttent plus. La mort est déjà là, inexorablement. D’autres se noient dans l’action, croyant trouver un dérivatif à ce personnage en lui ou en elle qui se presse sans dire qui il est et l’encombre trop souvent. Ils ne savent pas qu’ils courent après eux-mêmes, et, bien sûr, ils ne trouvent rien.

Le poids de l’apprentissage, le poids des convenances, le poids du passé sont des empêchements de se découvrir soi-même, de laisser vivre en soi son être profond. Et celui-ci peut mourir étouffé de tant de précautions pour vivre. Comment ne pas vivre par personne interposée ! Ne pas se laisser entraîner dans le développement d’un personnage qui est autre que soi !

Oui, Je deviens quelqu’un et ce quelqu’un n’est pas mon personnage, mais moi-même. Face à face nous nous regardons. Je suis un autre que celui que j’ai vu, je suis autre que celui que je vais voir. Je deviens… Et ce devenir est l’action la plus importante que j’ai accomplie depuis longtemps. Ne pas se laisser figer ! Laisse aller ton bouillonnement intérieur, qu’il déborde de toi et laisse aux autres le parfum de ton être mystérieux. Cherche sans cesse, toujours plus loin en toi, laisse tomber ce qu’en pensent les autres, ne te laisse pas distraire et recueille ce miel qui s’écoule goutte à goutte de ton être inconnu et qui devient toi, l’unique parmi les uniques, homme parmi les hommes, femmes parmi les femmes, humain parmi les humains. Peu à peu, je me ressemble dans ce miroir de la vie, je peux suivre du doigt cette marche progressive vers ma réalisation que personne n’attend telle qu’elle arrive. Même moi, je ne sais ce que je vais devenir, mais je m’y emploie, de tout mon cœur, de toute mon intelligence, de toute mon âme. Et le regard change, ce n’est plus un regard inquisiteur, plus un regard de crainte, mais un regard plein de vie, de bonheur inexprimable, un regard curieux de tout, qui tente d’apprendre encore et encore, jamais lassé de l’existence.

Alors le ciel entre en nous, nous pénètre de la certitude d’exister, unique, à côté d’autres uniques qu’il faut maintenant découvrir. Quel est l’être qui se cache derrière ce visage ? Commence une nouvelle quête, passionnante, que deviendra celui-ci, celle-là ? S’ouvrira-t-il à cet appel qui se cache au fond de lui ou d’elle ? Comment l’aider à découvrir ce trésor enfoui qui ne demande qu’à se développer ? Vous ne pouvez lui dire ce qu’il peut être, mais simplement lui montrer les signes qui le conduiront à cette découverte.

Ces jours-là, vous flottez sur le monde, vous avez perdu votre pesanteur et vous vous envolez dans un ciel pur, sous le regard de cette enfant qui sait, elle, où se trouve son être.

16-09-11 paula_modersohn-becker.jpg

Tête d’une jeune fille blonde coiffée d’un chapeau de paille -1904

Paula Becker

10/09/2016

Salve Regina, d'Arvo Part

Une magnifique interprétation et visualisation de cette pièce d'Arvo Part :

https://youtu.be/f1CNNf9iU9Y


Latin (texte commun)

Salve, Regina, mater misericordiae. Vita, dulcedo et spes nostra, salve.
Ad te clamamus, exsules filii Hevae.
Ad te suspiramus, gementes et flentes in hac lacrimarum valle.
Eia ergo, Advocata nostra, illos tuos misericordes oculos ad nos converte.
Et Jesum, benedictum fructum ventris tui, nobis post hoc exilium ostende.
O clemens, o pia, o dulcis Virgo Maria ! Amen.

Français

Salut, Reine, Mère de Miséricorde, notre Vie, notre Douceur, et notre espérance, salut.
Vers toi nous élevons nos cris, pauvres enfants d'Ève exilés.
Vers toi nous soupirons, gémissant et pleurant dans cette vallée de larmes.
Tourne donc, ô notre Avocate, tes yeux miséricordieux vers nous.
Et, Jésus, le fruit béni de tes entrailles, montre-le nous après cet exil.
Ô clémente, ô pieuse, ô douce Vierge Marie ! Amen.

09/09/2016

Fanny

Verte Fanny, crie la jument bègue
Où cours-tu donc de si matin ?
Ne sais-tu pas que le colimaçon
Est jaune, visqueux et grelottant
A quoi sert cet esthète aux poils luisants
Qui souffle sur la lune tiède
Et étire son langage au fil de la nuit
Rien ne trouble le silence doré
D’un noir immense et sans vie
Qui s’ouvre sur le lac débordant
Des jours d’été, fluides et sveltes
Il n’y a rien qui ne s’envole
Au large des îles Paracel
Protégées par le vent ébouriffant
Et les embruns chatouillants
De la mer insaisissable et bleu
Comme l’assiette des marins
Rentre dans ta purée de poix
Regarde échevelée la main qui court
Sur l’ombre de la vie en fleur
Et qui pousse lentement son coude
Dans le vide qui casse net
Le rebord rouge de la table formiquée

Enfin…

Le ciel se fait plus gris, moins chaud
L’air s’engouffre dans la pièce racornie
Un souffle passe, lourd d’odeurs
Les premières lueurs s’ouvrent
Tu reprends ta place d’humain
Le cœur vierge, le corps souple
La tête sans poids, le pied adroit
Tu ouvres un œil paresseux
Car rien ne te permet de rêver
A Fanny, la belle sorcière effarouchée
Qui danse chaque nuit sans lune
Dans le vide étoilé du ventre de la terre

Pouah ! Quel éveil me presse…

©  Loup Francart

08/09/2016

Rêve ou réalité

 

Par la lecture on vit plusieurs vies
Jusqu’au jour où la vie est enlevée
Elle rejoint les vies lues et rêvées

Beaucoup pensent vivre alors qu’ils ne font que rêver.

07/09/2016

Pensée

Surgie de nulle part, une pensée vous vient. Elle va devant vous et passe sans que vous la reteniez. Elle a sa magie, un équilibre, du relief, les couleurs du mystère et la clarté de la compréhension. Vous ne pouvez cependant la retenir. Elle est déjà passée, filant lentement dans l'abîme du temps, figée dans sa stature d'assemblage, trop rigide pour être réellement. Ce n'est plus qu'un souvenir qui hante votre sommeil et surgit à nouveau de l'invisible.

art cinétique,optique art,peinture,dessin

©  Loup Francart

06/09/2016

Ouverture

Une ouverture, c’est un accès subtil
Autour d’un lieu clos, pratiqué indifféremment
De l’extérieur ou de l’intérieur
Attention, si elle devient trop grande
L’extérieur peut devenir l’intérieur
Il y a une frontière maléfique
Qui ne se dévoile qu’à l’occasion
Alors vous basculez et marchez sur la tête
Vous franchissez le Rubicon
Et l’envers devient l’endroit
Mais, votre tête où est-elle ?
Vous n’avez plus de repères
Les femmes ne s’y trompent pas
L’homme ignore les délices de la nature
Les accroche-cœurs du temps et de l’espace
Il ne voit que l’horizon, au loin
Alors qu’elles contemplent l’immensité
Des émotions, les larmes et les rires
Des vagues éclatant en gouttes
Contre la coque de leurs charmes
Il ne sait pas ce qui se passe
Il est apprivoisé et, d’émoi,
Franchit l’ouverture du merveilleux
Un monde inconnu de douceur
Et de folie également
L’électro plat, il va
Et rien ne saurait le dissuader
De ne pas courir derrière le vent
Qui laisse le parfum suave
Des nuits enfiévrées par le vide
Qui vous fait devenir contenant
D’un contenu impalpable
D’une absence qui remplit le tout
Et ouvre à la solitude bienheureuse
Où il n’y a plus ni dedans ni dehors
Êtes-vous ou n’êtes-vous pas ?
Vous ne savez et ne vous en souciez pas
Seul le rayonnement incandescent
Emplit le vide immense et chaud
De votre être qui n’est plus…

 ©  Loup Francart

05/09/2016

Contes et nouvelles de Guy de Maupassant

Ce matin, levé tôt, je pris un livre dans la bibliothèque avant de me réfugier, à mon habitude, dans la cuisine pour prendre un café. Je ne pensais à rien en choisissant ce livre, sinon que ces nouvelles continuaient à enchanter de nombreux lecteurs. Elles sont courtes, une vingtaine de pages en moyenne, et vous embarquent en imagination dans un monde de sensations où se mélangent couleurs, odeurs, bruits, caresses ou répulsions, qui suscitent ensuite réflexion et admiration.

Vous êtes plongé brusquement, mais si doucement, dans un marché :

Sur la place de Goderville, c’était une foule, une cohue d’humains et de bêtes mélangés. Les cornes des bœufs, les hauts chapeaux à longs poils des paysans riches et les coiffes des paysannes émergeaient à la surface de l’assemblée. Et les voix criardes, aiguës, glapissantes formaient une clameur continue et sauvage que dominait parfois un grand éclat poussé par la robuste poitrine d’un campagnard en gaieté, ou le long meuglement d’une vache attachée au mur d’une maison. Tout cela sentait l’étable, le lait et le fumier, le foin et la sueur, dégageait cette saveur aigre, affreuse, humaine et bestiale, particulière aux gens des champs.

Mais vous faites aussi connaissance avec des émotions que vous avez vous-mêmes éprouvées et dont vous conservez le souvenir dans un coin de votre mémoire, comme un diamant perdu sur une plage de sable :

Comme il cherchait un endroit pour grimper, je lui indiquai le meilleur et je lui tendis la main. Il monta ; puis nous aidâmes les trois fillettes, rassurées. Elles étaient charmantes, surtout l’aînée, une blondine de dix-huit ans, fraîche comme une fleur, si fine, si mignonne ! Vraiment les jolies anglaises ont bien l’air de fruits de la mer. On aurait dit que celle-là venait de sortir du sable et que ses cheveux en avaient gardé la nuance. Elles font penser, avec leur fraîcheur exquise, aux couleurs délicates des coquilles roses et aux perles nacrées, rares, mystérieuses, écloses dans les profondeurs inconnues des océans.

Quel bonheur de relire ces nouvelles. C’est une pincée de fraîcheur qui tombe du ciel au petit matin et enchante la journée d’un rayon de soleil parfumé. Merci Monsieur de Maupassant !

 

04/09/2016

Choix

Descend dans ta cave, et même… au-delà
Ferme les yeux sur ta poche secrète
Reste dans ce frigidaire bon marché
Et attend que s’éclaircisse ton destin
Un souffle d’air frais te pénètre le crâne
Tel le vilebrequin, il pénètre en toi
Il te remue, t’étrille, te bouscule
Tu refuses son pouvoir d’évanescence
Tu tiens à toi, cet être magique
Qui te donne satisfactions et soucis
Tu te raccroches aux branches de l’émotion
Et t’enfermes dans ta rationalité
Mais ce souffle d’air devient tempête
Et t’enlève de ton socle de certitudes
Laisse descendre le poids de ton égo
Qu’il atteigne la mer primordiale
Et parte au gré des vagues et des courants
Là, nu, dans l’air léger du matin
Tu nettoies tes lunettes de l’opacité
Des souvenirs et désirs éperdus
Pour voler en toute liberté
Dans le gaz hilarant de l’absence d’être

Quel agréable chatouillement
Te gratte le gosier, élargissant le trou
Du passage à l’invisible
Tu entres dans l’autre monde
Que tu ne peux nommer
Mais que tu connais par ailleurs
Car il a bercé ton enfance
Marqué ton adolescence
Blessé ta vie d’adulte
Et te rend hommage en ces jours
Où l’œil du destin attend ton choix
Se laisser vivre pour finir par mourir
Ou mourir à soi-même pour vivre

©  Loup Francart

03/09/2016

Jeux para-olympiques

 Une belle présentation des jeux para-olympiques.

https://www.youtube.com/watch?v=IocLkk3aYlk&app=desktop

02/09/2016

Maxime

 

L’amour est un feu qui couve

Lorsqu’il explose, il est trop tard

Tu ne fais plus partie du monde des hommes

Mais de celui des dieux ou des diables

Alors prends garde à ne pas tomber

Entretiens sa chaleur et continue de monter

 

©  Loup Francart

01/09/2016

Tornade

Sans crainte, ils font face, susceptibles de mourir à tout instant. La passion conduit à bien des défis.


 

31/08/2016

Fétu

Je suis sans être rien… Qu’un fétu…

Je me cache sous le lit des amants
Je m’ouvre à leurs histoires sur l’oreiller
Et, décontenancé, leur renvoie en vers
Leurs espoirs et leurs larmes

Ils ignorent ces salutations éplorées
Et me saluent, sans un mot des évocations
La mondanité les empêche de penser
Plus longuement qu’une demi-minute

Tant pis ! Je poursuis mon rêve
D’un monde où le vent des amants
Devient un vent d’automne
Chargé de feuilles et de blondeur
Qui court sur la lande desséchée
Et tourbillonne dans le soleil déclinant

J’écris sans savoir pourquoi  
Laissant les mots libres de partir
Entre les corps qui se touchent
Et s’étreignent en vaines roucoulades

Alors apparaît la zone si sensible
Qui aspire à la solitude éperdue
Et s’envole enfin vers les espaces
Où l’air a le son et l’ampleur des notes

J’ai perdu toute humanité et retenue
Et me régale d’absence devenue présence

©  Loup Francart

30/08/2016

Maxime

 

L’homme sage tire parti des échecs

Ils apprennent plus que les succès

Recherche la difficulté

Recherche l’incompréhension d’une situation

Recherche la joie de la déroute

Puis trouve ta stratégie

Et fais face

 

©  Loup Francart

29/08/2016

La mue (20 et fin)

7 septembre. J’ai mué. Je suis un homme muni d’une paire d’ailes. Je n’ai pas la même tête qu’avant la première mue. Je ne me décrirai pas. J’ai trouvé une robe blanche au pied de l’arbre sur lequel je m’étais réfugié. Elle me va parfaitement. Si Joséphine me voyait ! Et en un instant, je me trouve aux côtés de Joséphine. Comment cela se fait-il ? Je n’ai fait que penser à elle et je suis auprès d’elle.

– Bonjour Joséphine. Alors, es-tu heureuse avec ton nouvel homme ?

Joséphine est étonnée. Elle se demande qui je suis. Je la regarde, resplendissante, mais elle est maintenant sans attrait pour moi. Elle n’est plus qu’un être humain avec ses instants de bonheur et de malheur, entraînée par les circonstances, tentant de comprendre ce qui lui arrive et dérivant entre ses interlocuteurs. Je repense à nos premiers jours et aussitôt je suis entraîné à cette même date et ce même lieu qu’il y a trois ans. Je lui caresse les mains et je vais l’embrasser. Il me semble que je suis pourvu d’une nouvelle faculté : je vis ce que je pense. Je peux me transporter dans l’espace et le temps instantanément selon ma pensée. Mieux même ! Dès que je cesse de penser, je suis transporté ailleurs. Où ? Je ne sais pas.

Ah ! Là, cela s’impose à moi : je suis entouré de sages, en robe blanche également, qui me regardent. Leurs yeux me sondent jusqu’à l’âme.

– Approche Imer. C’est le jour de ton initiation. Désormais, tu n’auras ni souvenirs ni projets. Il est temps que tu montes dans la hiérarchie. Tu ne vivras plus que d’amour spirituel. L’amour humain est une impulsion qui vient d’en bas, de la matière et indirectement de l’énergie divine contenue en toutes choses. Cette énergie s’adresse à l’homme matériel. Elle peut parfois l’amener à se surpasser lui-même, puisqu’elle retourne à Dieu par l’homme. Cet amour est une énergie incontrôlable qui transforme, mais nous n’en sommes pas maîtres. En revanche, l’amour spirituel n’exclut personne. Il s’adresse à tous sans distinction d’affinité. L’homme empli de l’Esprit dilate son cœur et y inclut le monde. Toute chose, toute personne, est en lui individuellement comme le plus bel objet, le plus bel être. Cet homme ne possède rien, et dispose de tout. Il déborde d’amour pour son ennemi et voudrait lui venir en aide, lui donner la joie débordante qui l’habite. Devenu transparent, n’ayant plus d’être propre, il est le monde et plus que le monde. Il apporte à chacun sa part de lumière.

Un ange s’avance, s’arrête, puis dit solennellement, prenant les autres à témoin tout en me regardant intensément :

– Tu es désormais un ange. Tu as fini ton cycle humain et tu as franchi la porte de la sagesse. Tu n’es plus, car tu es plus. Tu es maintenant le messager du divin. Porte la nouvelle aux hommes et toujours aide-les en toutes circonstances.

C’est ainsi que moi, anciennement Rémi, devenu Imer, ai quitté le monde des hommes pour rejoindre un autre monde que j’avais longtemps ignoré.

 

           

28/08/2016

Echec

Reviennent, lancinants, les souvenirs de tes échecs
Réveil transpirant, l’incertitude sur les lèvres
Un trou brutal à la place de l’entendement

Et je revis en boucle ces moments que je n’ai pas perçus
Car l’échec ne se vit que plus tard, lorsque tout est joué
Et que plus rien ne peux changer ce passé peu glorieux

Je carambole dans l’escalier, encombré d’objets
Ils ne veulent pas me quitter, ils sont bien
Dans ma conscience empaquetée de papier rose
Ils grattent un peu, pas trop, à la surface
Ne se manifestent que par à-coups, indolents
Et creusent le sable de l’ignominie avec persévérance

Il arrive qu’ils se pressent comme des rats
A la surface de ton rêve qui pourtant sonnait juste
Et débouche, tête nue, froidement, à la conscience

Je me trouve face à un puits sans fond qui remonte
Des entrailles de ma chair et déborde parfois
Pour m’assaillir des remords de mon inconséquence

Cette éruption soudaine me projette vertement
Dans des jurons proclamés à mon adresse
Un flot de bile et de cris sans foi ni raison
Résonnant dans le désert sans fin des jours
Qui commencent en conclusion dénuée de paroles
Et finissent dans le vide d’un avenir inconnu

Et comment profiter de ces leçons de vie gratuites
Lorsque seule la méditation te ramène à l’existence
Qui déroule son film dans le désordre, à la folie

Tu te réfugies dans ton ballet mental, repu
De vies échevelées, fragmentées, esseulées
Pour atteindre le nirvana de l’absence, sans succès…

 ©  Loup Francart

27/08/2016

Déséquilibre

 La ronde de l'inexistence m'enlace, je perds l'équilibre, la tête me tourne et m'embarque vers l'inconnu.

Seul l'incohérence lui permet de tenir un équilibre précaire !

16-08-20 Déséquilibre.jpg

26/08/2016

La mue (19)

La colombe me caresse de son aile, me regarde une dernière fois et me dit :

– Je ne te verrai plus. Tu en sais suffisamment pour voler de tes propres ailes. Sois fort, ta prochaine mue est pour bientôt.

Sur ces paroles que je ne comprends pas réellement, elle s’envole, fait un rond au-dessus de ma tête et s’éloigne. Je suis seul, mais je suis habité d’une nouvelle force qui me guide et me donne détermination et certitude. Je prends mon envol et pars, loin de mon appartement et de Joséphine. Le cordon est tranché, en avant !

Nous sommes le 3 septembre. Cela fait un peu plus d’un an que j’ai rencontré la colombe. Je n’ai pas de toit, je n’ai qu’un sac vide, je ne transporte pas de pierre pour reposer ma tête lorsque le soir tombe. Qu’ai-je fait ? Je ne peux vous le dire, c’est une affaire entre le ciel et moi. Je n’ai pas eu un instant de libre, mais je suis le plus libre des hommes. C’est un jour nouveau, mais particulier. Ce matin, j’ai reçu mon attestation. C’est la saison de la mue pour les oiseaux. Je ne suis pas inquiet. Je l’attends avec impatience, sans chercher à imaginer ce qu’elle sera. Ma vie continuera sous une autre forme et je serai toujours Imer.

5 septembre, je ressens les premières transformations. J’ai l’impression de retrouver mes jambes d’humain et je perds pas mal de plumes. C’est véritablement une mue. Qu’est-ce qui va les remplacer ? Mon bec devient mou, je ne peux plus casser une graine. Pourtant j’ai bien encore mes ailes et elles me soutiennent en l’air sans aucune difficulté. Elles semblent même plus agiles que d’habitude.

6 septembre. Je ne me sens pas bien. Reste sous ton arbre et attends, me disent mes compagnons. Je voudrai bien, mais je suis tiraillé sous ma peau. J’ai perdu presque toutes mes plumes, sauf sur les ailes, mais elles ont blanchi et deviennent plus lisses d’heure en heure. J’ai presque retrouvé mes jambes. Elles sont alertes, beaucoup plus qu’auparavant.

25/08/2016

Méditation

 

Un bruit seul suffit

Pour éveiller tes tourments

Laisse aller les battements de ton cœur

Qu’ils couvrent les plaintes de ce monde

Et ne résonnent que de ton absence

 

©  Loup Francart

24/08/2016

Inexistence

Le moteur ronronne, même la nuit…
Il tourne dans le vide et s’emballe
Sans produire paix et sérénité
Retirée, la conscience aiguisée l’entend

Les poils se hérissent sur les bras
La tête devient lourde et inerte
Seul pensent encore les pieds
Qui marchent sur un trottoir nu

Où va-t-il l’homme ainsi exposé
A la vindicte de ses pairs
Montré du doigt par la population
Repu de conseils et d’aveux

Il avance en souffrance, sans un mot
Arrive à l’eau infinie des mers
Et se jette de la jetée sans hésitation
Il ne fait pas un geste avant de couler

Il est mort en héros de la solitude
Rejeté par les autres et par lui-même
En inconnu, car ignoré ou exécré
Par les puissants de la société
Qui se regardent sans broncher

©  Loup Francart

23/08/2016

La mue (18)

Je perçois un éclair dans ma tête et le vide m’envahit. Rien ne me vient à l’esprit, je flotte dans un bain huilé qui me transforme. Mais s’il est facile de constater que l’on a découvert la vraie vie, il est impossible de dire ce qu’elle est. La vraie vie est indéfinissable. La seule chose qu’il soit possible de dire est que nous ne sommes plus le même. Nous connaissons un nouvel état d’être qui n’est pas notre état naturel. L’état lui-même ne peut être défini, car il est toujours différent. C’est cette nouveauté permanente, cette richesse infinie que l’on découvre en soi et dans le monde, qui font dire que l’on a trouvé la vraie vie et qui constituent la preuve de son existence. Ceci nécessite d’abandonner toute idée d’acquisition. On n’acquiert pas cet état, il nous est donné. Il faut le vivre dans l’abandon et ne pas chercher à le revivre. Cependant, si l’on ne peut définir rationnellement ce qu’est cet état, on peut décrire les nouvelles perceptions qui l’accompagnent.

La première perception est celle d’unité intérieure : la sensation habituelle du moi tiraillé en tous sens s’évanouit. La conscience s’élargit, ne se sent plus distincte du monde et, s’oubliant elle-même, se découvre. La seconde est l’absence de temps : C’est la sensation d’éternité. Le présent, intensément vécu sans rattachement aux structures mentales  élaborées par la combinaison du passé, du présent et de l’avenir, se transforme en éternité. La troisième est la lumière : cette lumière semble d’abord sans origine, comme une légère brume lumineuse. Puis on prend conscience de son rayonnement à partir du cœur. Elle n’éclaire pas matériellement ce que l’on voit. Elle éclaire notre compréhension  des choses et des êtres. Enfin, la dernière que j’ai perçue est la transparence : en acquérant la transparence, on perçoit que la lumière est en nous en permanence et que nous la voilons par le moi, c’est-à-dire notre propre idée de nous-mêmes et du monde. Par la transparence, l’homme devient frontière perméable entre le monde spirituel et le monde naturel.

22/08/2016

Pneuma

Un tableau en relief, plus vivant, plus présent, plus élégant, remplit l'espace, dilate les sensations et procure des impressions sans pareilles.

16-08-21 Pneuma 1.JPG

16-08-21 Pneuma 2.JPG

16-08-21 Pneuma 3.JPG

Mais que c'est long à faire !

 

 

21/08/2016

Maxime

 

« Tout voir, mais ne rien entendre. »

 

 C’est la maxime du sage :

Observer le monde d’un œil impartial,

Sans écouter la parole de quiconque,

Surtout lorsqu’il parle à un autre.

 

20/08/2016

Réminiscences

Il est des impressions fugitives qui marquent profondément l’existence, tel un rappel d’une vie passée dont on ne peut saisir ni le lieu, ni le moment, ni non plus les personnages qui sont en jeu. Ces impressions marquent et restent, même si elles n’ont durée qu’un instant.

Un homme se trouve dans la foule au sein d’une fête. Il y assiste sans autre intérêt que de faire plaisir à ses amis et à ceux qui l’accompagnent. Il attend que la cérémonie commence et il regarde autour de lui : chuchotements, couleurs, mouvements, agitations, avant le calme et le recueillement. Ses yeux errent de place en place parce qu’il faut bien regarder quelque chose. Ils ne voient pas. Ce n’est qu’un flou visuel qui ne parvient pas au cerveau, un brouillard d’images qui défilent sans susciter l’attention. S’installe assez loin de lui une famille, de rouge et d’orange vêtue. Il voit la femme, sans appréciation particulière, l’homme, de même, une très jeune fille, vêtue d’une robe couleur corail, et remarque son port de tête et sa silhouette. Il ne sait pourquoi, son regard devient attentif, il ne voit plus qu’elle, radieuse, encore enfant, déjà jeune fille, modeste malgré tout, ne parlant pas, ne bougeant pas, mais possédant une présence irréelle, un feu qu’il est peut-être seul à voir. Il ne peut s’empêcher de l’examiner et lui trouve un air connu, sa silhouette peut-être, son visage aussi. Mais non, son attitude sans doute qui à la fois ne lui rappelle rien, mais qu’il semble connaître presqu’intimement. Elle sourit et ce sourire l’enjôle. Au cours de la cérémonie, il ne peut que la regarder. Elle ne l’a pas vu, pas observé une seule fois. A la sortie non plus. Elle repart avec sa famille, mais il voit son auréole lumineuse dans la foule des convives et son cœur cogne dans sa poitrine, il ne sait pourquoi. Pendant le repas, il l’aperçoit. Elle semble insignifiante, mais elle est revêtue d’une telle présence qu’elle éclaire les personnes qui l’environnent.

Après le repas, une excursion est prévue dans la montagne pour se réveiller, parler, rire, s’épuiser sainement. Elle est là, au pied du massif, toujours vêtue de sa robe corail, grande et menue, pas de réels seins, des tétons pointus, les jambes fluettes et les pieds nus. Elle va marcher sur le chemin de pierres coupantes qui monte vers le sommet les pieds nus et cela ne la gêne pas. Quelle prouesse ! Oui, elle part ainsi, inconsciente, comme si elle était chaussée d’une paire de brodequins la protégeant  des cailloux. Il l’observe du coin de l’œil. Elle marche naturellement, sans parler à personne, ne semblant nullement souffrir de son absence de chaussures. Elle monte, inspirée par la fraîcheur de l’air après l’étouffement de la plaine. Elle respire, regardant la nature, souriante parfois, mais discrètement, et elle s’élève sans peine, semblant flotter sur le sol dont les pierres noires de la lave coupent les semelles des chaussures. Le groupe s’égrène le long du chemin, les premiers sont déjà au deux tiers du chemin, les derniers ne sont pas encore arrivés à la moitié et ils semblent vouloir s’arrêter, épuisés. Elle, superbe, monte sans effort, absente et pourtant d’une présence sans pareille, ne dit mot, ne court pas et flotte sur un tapis roulant. La dernière partie du trajet est difficile, la montée est rude. L’homme navigue entre les racines, montant haut les genoux, se tirant parfois avec une corde destinée à s’aider dans la montée et à se retenir dans la descente. Il est freiné par ceux qui ont du mal à se hisser. Elle est déjà en haut, contemplant le paysage comme si de rien n’était, même pas essoufflée, sereine, majestueuse. Elle avance vers l’autre face de la montagne, là où la pente devient impraticable, se penche, jette un œil sans sourciller, puis retourne auprès des autres. Elle daigne boire un peu d’eau et est déjà prête pour la descente.

Enfin, l’ensemble du groupe se prépare à redescendre. Ce sont les moins aguerris qui se lancent les premiers sachant qu’il leur faudra du temps pour franchir les premiers cent mètres, arrimés à la corde qui empêche de tomber. Derrière, l’homme piétine d’impatience. Quels maladroits, pense-t-il. Il arrive à la barrière de bois dans la clôture qui met fin à la descente vertigineuse. Cinq ou six personnes attendent de pouvoir franchir un échalier d’un mètre. Il décide de passer sous le barbelé, se roule dans l’herbe, se relève et part en courant dans la descente de plusieurs kilomètres. Il ne sait pourquoi il fait cela, une impulsion qu'il n'a pas contrôlée. Il se laisse griser par le vent, la fraîcheur de l’atmosphère, l’absence de bruit. Il prend garde à mettre ses pieds sur les touffes d’herbe et il court vite, se laissant descendre sans précaution, ne regardant que vers le bas, là où les personnes qui ne sont pas montés jusqu’en haut attendent. C’est loin, mais c’est si bon de courir sans but dans une montagne ouverte sur le monde. Il s’arrête à un moment donné pour chercher celle qui est restée en bas et qui l’attend. Est-elle là ou plus bas ? Il voit alors passer la petite jeune fille qui court comme il l’a fait, l’air de rien, sautant de cailloux en cailloux, les pieds nus, ne semblant nullement souffrir. Elle va presque aussi vite que lui, mais avec une légèreté sans pareille, sans bruit, sans un souffle, glissant sur le flanc de la montagne comme une plume au gré des vents. Il l’admire. C’est un elfe qui court près de lui. Il accélère, elle flanche un peu, garde sa vitesse sans s’émouvoir. Il repart et comme il court plus vite qu’elle, il l’a rattrape, la double, la regarde ; elle sourit, ne dit rien et poursuit sa course, sûre d’elle, dans un maintien impeccable, légère et vivace. Une fois en bas, là où se trouvent les voitures, il la voit arriver, rose, comme si elle sortait de son bain, sans une ombre de transpiration et commencer à parler avec un enfant qui attendait là. Rien ne laisse supposer qu’elle vient de descendre à un train d’enfer le flanc de la montagne qui s’étire devant elle.

Le soir, au repas, il se trouve derrière elle par hasard. Il ne peut s’empêcher de lui dire son admiration. Elle sourit sans rien dire, mais partage l’amour de la course, le regarde et ses yeux pétillent d’amusement au-delà de la fracture des générations. Une étincelle se produit, elle tremble, il sent en lui un souffle nouveau, il la connaît, elle l’a également reconnu, ils se sont rencontrés dans une autre vie, laquelle, il ne sait pas, mais ce regard de reconnaissance restera à jamais marqué en lui et probablement en elle. Ce n’est pas de l’amour, non, ce n’est pas même une admiration. C’est un souffle d’humanité qui les a pris et enrobés avant de les laisser repartir chacun de leur côté. Ils se connaissaient sans s’être jamais vus, se sont reconnus dans la course qui a ouvert une parenthèse dans le cours de leur existence, rompant avec l’habitude, comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuage.

19/08/2016

La mue (17)

– C’est quoi ce but ? dit un autre en équilibre sur un fil téléphonique.

– C’est le bonheur, quoi qu’il arrive dans notre vie. Cette compréhension demande du temps, certes, mais la transformation peut venir en un instant.

Je m’interroge. Comment cette colombe a-t-elle fait pour rallier tous ces oiseaux alors qu’hier j’étais pratiquement seul avec elle. Serait-ce tout simplement qu’elle possède la conviction et que celle-ci entraîne les autres, qu’elle possède la pureté et que celle-ci convainc les autres. Et moi, et moi, que deviens-je dans tout cela ? C’est alors qu’il m’apparaît clairement que je suis directement concerné par ce que proclame la colombe. Je me tiens immobile et médite cette nouvelle vie qui s’ouvre devant moi. Je me sens le cœur léger, l’esprit aventurier. Mes réflexes d’homme moderne ne m’ont pas sauvé du désastre ; inversement, je suis encouragé par cette colombe qui me dit de tout abandonner, ce que je vais faire à partir d’aujourd’hui. Voilà, c’est fait, j’ai oublié mon passé et me tourne vers le présent et l’avenir. Non, je me tourne vers le néant et celui-ci est aimable et grand. Quelle idée ! Et pourtant, c’est vrai, ce vide m’attire et me donne la chair de poule. Adieu ma vie, en route pour la vraie vie.

 La vie n’est ni dans le passé ni dans le futur. Est-elle dans le présent ? Je ne sais pas, car qu’est-ce que le présent ? Est-ce ce que je sens ? Est-ce ce que je ressens ? Est-ce ce que j’ai été : souvenirs, succès, défaites ? Est-ce ce que je veux être et ce que je ne suis pas ? Est-ce mon projet de changement, d’amélioration de ma façon de voir ma vie ? Oui, comment le savoir puisque je suis immergé dans cette salade d’événements et de réactions à ceux-ci ? Ainsi, même le présent m’échappe. Je ne suis ni le passé que j’ai vécu, ni le futur que j’envisage, ni même le présent que je tente de vivre. Ma seule certitude : j’existe puisque je suis ici et qu’il est tel jour et telle heure. Le reste n’est que fumée que l’on prend pour la réalité. La fumée se façonne, prend des formes qui changent sans cesse. Un coup de vent et il n’y a rien de ce que je croyais être. Mais je suis toujours là, vivant malgré moi.

La colombe prend son envol, tournoie autour de moi, plane et se pose à mes côtés. Elle me regarde avec tendresse et fermeté et me dit :

– Toi, Rémi, je connais les événements qui t’ont conduit ici. Je vois tes efforts et ton cheminement intérieur. Tu as, par expérience, compris ce qu’est la vie, la vraie, celle qui est au-delà de ce que nous percevons et ressentons. Dorénavant tu ne t’appelleras plus Rémi, mais Imer. Tu te consolideras toi-même, tu flotteras pour aider les autres et tu connaîtras une nouvelle vie, la vraie, bientôt.

18/08/2016

Destin

Le destin a ses limites.  Qu’est-il ?


L’inéluctable tombe en extase
Rien ne vient tout seul
Il est poussé par son destin
A commettre des crimes abominables
Et pourtant quel doux garçon
Lorsqu’il tenait la main de sa sœur
Et partait à la plage, souriant

Il connut la joie des baisers
La jouissance des unions
La solitude des reclus
La fidélité de certaines femmes

Mais rien de tout cela
Ne lui permit un jour
D’atteindre un réel nirvana

Il louchait vers autrui
Et contemplait leurs possessions
Sans pouvoir détacher son regard
De ce qu’il n’avait pas

Alors, un jour, il fut tenté
De prendre ce qui lui était interdit
Parce qu’appartenant à autrui

L’objet exerçait son envoûtement
Il s’en saisit d’un geste brusque
Fut rejeté par l’autre
Qui chercha à l’en empêcher
Il répondit de la voix, puis du poing

S’ensuivit le méli-mélo
Qui consacra sa victoire
Et la mort du possédant

Non, ce n’est pas de sa faute
Cette envie de possession
Qui le conduit au pire
Dans l’obscurité d’un cachot

©  Loup Francart

17/08/2016

Savoir être vieux

Peu de gens savent être vieux.

(La Rochefoucauld)

 

Oui, c’est vrai, et pourquoi ? Il n’y a pas une réponse, ni même deux, mais une multitude. Pourquoi ? Parce que chaque homme a son histoire secrète et que celle-ci est ce qui conduit à la vieillesse.

Tout d’abord, de nombreux hommes arrivent à un âge avancé sans se savoir vieux. Ils font des projets, poursuivent ce qu’ils ont commencé sans qu’il leur vienne une seconde l’idée d’arrêter. Ce sont des actifs qui poursuivent sur leur lancée leur rêve de vie et n’ont jamais eu l’idée de faire autre chose que ce qu’ils ont toujours fait. Ils le font bien, à leur manière ; mais ne savent faire que cela et s’enlisent dans ce rêve sans comprendre l’’importance d’en sortir. Savent-ils vieillir ? Non, ils ne savent pas ce que vieillir veut dire.

Pourquoi les hommes plus que les femmes ? Parce qu’une femme a la sagesse du corps. Elle a connu l’amour humain sous toutes ses formes : chaste (plus que les hommes en général), fou (éros, matrimonial ou autre), maternel (ce qu’aucun homme ne connaît), familial (storgê, la femme étant la préservatrice de la famille), sociétal (philia en tant que lien social) et souvent, par ce fait, l’amour inconditionnel (Agapè, proche de l’amour divin). Alors une femme sait vieillir, cela lui vient naturellement, au travers des enfants et petits-enfants qu’elle choie comme s’ils étaient ses propres enfants, même s'ils ne lui appartiennent pas.

Inversement un certain  nombre se sentent vieux avant même d’arriver à la vieillesse. Leur phrase favorite : « Comme les vieux… » Ils sont perclus de maux, ne vivent que dans leur passé qui est généralement pauvre et c’est pour cela qu’ils n’ont jamais rêvé le poursuivre à un âge avancé. Ils écoutent leur corps, à la recherche du moindre grincement des bielles et consultent le médecin avec une régularité d’obsédé.

Plus rares sont ceux qui, lorsque la vieillesse arrive, se disent qu’il est temps de changer de vie et de s’intéresser à ce dont leur jeunesse a rêvé ou ce qu’ils ont entrevu à ce moment sans avoir eu le temps de l’approfondir. Ils se découvrent un hobby qui les maintient en activité jusqu’à un âge avancé. Il peut être futile ou tout ce qu’il y a de plus sérieux. Il peut être exercé en amateur, mais aussi en professionnel et conduire à une nouvelle carrière. Mais si c’est le cas, ils se classent alors dans la catégorie des gens qui deviennent vieux sans le savoir.

On trouve aussi des gens, plus rares il est vrai, qui ont passé leur vie à s’exercer à de nouvelles approches de la vie, passant d’un métier gagne-pain à un métier hobby sans jamais se fixer, dévoreurs d’activités sans pouvoir choisir ou échouant à chaque nouvelle proposition apportée par le destin. Ce sont des indécis, des girouettes et ils aiment cette incertitude de l’avenir comme étant une ouverture permanente sur la vie et les autres. Ce peut être également de gens qui ne savent se fixer et qui en sont extrêmement malheureux, même s’ils ne le disent pas.

Enfin, il y a des personnes qui choisissent une activité (et pas forcément un métier), qui l’exercent à fond, puis choisissent de changer parce qu’ils en ont fait le tour et n’ont plus rien à apprendre. Ils exerceront ainsi trois ou quatre passions, voire plus, et sauront le moment venu en changer avant d’en être totalement lassés. Malheureusement, ceux-là ne savent pas non plus vieillir. Ils sont comme les premiers, dévorés par l’activisme.

Alors, effectivement, peu de gens savent vieillir, donc être vieux. Ils se retrouvent vieux, dans la peau d’un autre, mal à l’aise et amoindri par cette infirmité plus psychologique que physique, sans savoir se comporter comme leur âge le laisse supposer. Généralement, leurs défauts s’accentuent, leurs qualités s’amenuisent, mais aucun fait nouveau ne vient modifier leur façon d’être.

Mais au fond, qu’est-ce qu’être vieux ?

C’est avoir découvert ce qu'on a toujours pressenti au fond de soi-même, cette essence de l’homme derrière l’existence, l’invisible derrière le visible et le donner aux autres à travers ce qu’on fait, crée, produit, engendre, pense. Et c’est un secret différent pour chacun de nous qu’il nous faut découvrir et cultiver pour le partager.