07/04/2016
Harmonie
L'harmonie est un horizon lisse
Dans lequel, malgré les aspérités,
Tout semble logique et à sa place.
Et cette logique intuitive
Emprunte les routes du cœur
Sans qu'il soit besoin d'explications.
L'harmonie est, alors tu es !
07:24 Publié dans 22. Créations numériques, 31. Pictoème | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art cinétique, optique art, peinture abstraite, peinture | Imprimer
06/04/2016
La fin de l'histoire (30)
Nicéphore prit toutes ses précautions pour entrer en contact avec Charles. Il observa longuement, assis à la terrasse d’un café, l’entrée de son immeuble. Les gens entraient et sortaient tout à fait normalement. Il examina également l’environnement : les lieux d’observation, les voitures garées, les systèmes de vidéosurveillance. Tout semblait en ordre. Il remarqua cependant une nouvelle caméra qui filmait l’entrée. Elle ne se déplaçait pas, ce qui était une bonne chose. Elle se contentait de prendre des images en continu et le contenu devait être examiné si un fait anormal était survenu, donc a posteriori. Il alla s’acheter un chapeau à bords larges et un imperméable descendant au-dessous des genoux. Il acheta également une paire de lunettes noires et un grand carton à dessin. En fin d’après-midi, au moment où la lumière du jour commençait à faiblir, il se présenta à la porte, restant en permanence de dos par rapport à la caméra. Se cachant derrière le carton à dessin, il n’offrait rien qui puisse le faire reconnaître. Il poussa la porte, entra dans l’immeuble, chercha une autre caméra, mais ne vit rien. Il ne prit pas l’ascenseur. Arrivé devant la porte de l’appartement de Charles, il chercha à nouveau une caméra, mais ne vit rien. Alors, se cachant toujours derrière le carton à dessin, il sonna. Rien. Le silence. Au moment où il allait repartir, la porte s’ouvrit brusquement. Un homme passa la tête :
– Vous désirez ? demanda-t-il d’un air interrogateur.
– Charles n’habite plus ici ?
– Je ne connais pas de Charles. De qui parlez-vous ?
– J’ai dû me tromper d’immeuble. Je suis bien au 6 ?
– Non, pas du tout, vous êtes au 8. C’est juste à côté.
Ainsi Charles avait été dépossédé de son appartement. Le traitement n’était pas le même que celui de Magrit. Où pouvait bien être Charles ? Il ressortit en prenant les mêmes précautions. Surtout ne pas être vu ! Comme il se trouvait à côté d’un parc, il décida d’y passer la nuit. Il franchit la grille sans trop de difficulté et s’installa dans un fourré. Recouvert de son imperméable, il passa une nuit assez agréable, sans avoir froid.
En se réveillant, il médita une heure afin de continuer à maîtriser les flux qui pourraient réveiller son indicateur. A la fin de sa méditation, il eut une soudaine illumination. Il vit Charles, seul, dans une cellule cimentée. Il méditait lui aussi. Et bientôt, leurs pensées se rejoignirent. Ils purent se parler dans leur tête, mentalement, sans l’intermédiaire de la parole.
Charles : " Nicéphore, vous voilà enfin. Je vous ai attendu longuement. J’ai passé des heures et des jours terribles. J’avais froid, j’avais faim, j’avais sommeil. Mais j’espérais. J’ai vu Magrit. Elle a capitulé. Elle reprend la pilule et a repris sa place dans la société. Sa conscience l’a quittée. Je me croyais seul et maintenant je vous retrouve, libre. Sommes-nous les seuls ? "
Nicéphore : " Je ne sais. Je ne connais pas d’autres libérés. J’ai rencontré des « sous-terrains ». Ils méditaient, mais sans conscience du but recherché. Ils ignoraient la délivrance, ce sentiment de toute puissance que donnent l’absence de crainte et l’accès au tout, c’est-à-dire au vide céleste. L’avez-vous éprouvé ? "
Charles : " Oui. J’ai vécu ces instants inouïs où ma personnalité n’existait plus. J’étais passé au-delà, dans cet espace hors du temps qu’est la véritable liberté. C’est ainsi que j’ai pu survivre à cet enfermement. J’y suis libre. Mais Dieu soit loué, ils ne le savent pas. "
Nicéphore : " Courage! Nous nous sommes rejoints. Gardons le contact. Chaque matin, à cinq heures précises, méditons et échangeons. Nous pourrons nous donner un but."
Charles : " On vient. Je vous quitte. A bientôt! "
Nicéphore jubilait. Il avait le sentiment d'avoir atteint un état extraordinaire, une excitation anormale qui lui conférait de pouvoirs qu'il n'avait pas en temps ordinaire. Et il était très probable que Charles éprouvait les mêmes sensations. Cette tension lui donnait l'impression de sortir de lui-même et d'être éveillé hors du monde matériel. Il naviguait dans un monde mental, spirituel, les nerfs à vif, à la frontière des perceptions habituelles et d'un autre mode de perception, plus intuitif et cependant pleinement réel.
07:51 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, société, individu, liberté | Imprimer
05/04/2016
Feu
Le feu dans la tête,
Les neurones s'enchevêtrent,
Que signifie cette quête
Où tout s'enfuit par la fenêtre ?
07:42 Publié dans 22. Créations numériques, 31. Pictoème | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, dessin, optique art | Imprimer
04/04/2016
L’hymne du Chérubin, de Piotr IllitchTchaikovsky (1840-1893)
https://www.youtube.com/watch?v=vyFkPd6fEuI
Même si l’enregistrement n’est pas de très bonne qualité, écoutons cet hymne construit sur quatre notes descendantes qui s’enchevêtrent avant de prendre leur indépendance dans une totale harmonie.
Le chant orthodoxe est d’une autre conception que le chant de l’église catholique. Il aide à entrer dans le mystère le plus profond pour l’homme, celui de son origine et de son devenir. Il comble de miel ce vide intense que laisse le déroulement d'une vie sans repère.
07:04 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique orthodoxe, chant orthodoxe, spiritualité | Imprimer
03/04/2016
Toujours
Lorsque nous serons vieux, nous disions-nous
Et nous le sommes ou… presque…
Mais à nos yeux, nous avons encore vingt ans…
Tu restes ma fiancée éternelle
Celle qui m’accompagnera au-delà de la vie
Dans cet étrange univers rêvé
Où l’amour n’a plus de limites
Ta fragilité est devenue un lien
Les fils se sont bâties entre nous
Ils sont devenus lumineux, mais si fins
Qu’un jour l’un d’eux cédera
Celui qui restera traînera son amour
Comme une robe de mariée
Et ramassera la poussière des souvenirs
Qu’il dispersera aux quatre vents
L’autre l’appellera de toute éternité
Jusqu’au jour où viendra l’absent
Alors, nous deviendrons Un
Et ce Un sera l’Infini…
07:19 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
02/04/2016
La fin de l'histoire (29)
Le lendemain, au réveil, Nicéphore eut la ferme conviction qu’il devait repartir à la surface en dépit des risques. Il ne trouverait rien ici qui puisse l’aider à accomplir son destin. Au contact des « sous-terrains », il venait de réaliser un fait qui jusque-là lui avait échappé, une dichotomie existant en chaque homme. Celui-ci est tiré vers deux extrêmes qui sont en lui plus ou moins développés : la personnalité et l’essence. Il avait lu ce constat dans le livre, mais n’avait pas réalisé son importance. La personnalité n’est pas à lui, contrairement à ce que pense la plupart des gens. Elle est le fruit non seulement de son éducation, mais également de ses impressions, de ses sentiments appris selon les circonstances dans lesquels il a été plongé. La personnalité se forme, en partie, du fait de l’imitation involontaire des adultes. Seuls les petits enfants n’ont pas de personnalité. Leur être est réellement ce qu’il est au plus profond de lui-même. Les « sous-terrains » avaient découvert leur essence, mais ne savaient pas comment l’exploiter. L’essence des hommes peu cultivés est généralement plus développée que celle des hommes cultivés. Ils devraient donc disposer de la capacité de se développer et de s’accomplir. Mais leur personnalité est insuffisamment enrichie. Sans certaines connaissances, sans l’apport d’éléments qui ne leur appartiennent pas, ils ne peuvent pas commencer le travail sur eux-mêmes. En fait ils ont bien une essence, mais celle-ci est le plus souvent morte. Alors eux aussi veulent ce que veulent les autres, par mimétisme. Ils restent donc entre eux comme des enfants et ont peur de leur avenir. Leur personnalité ne voit que ce qu’elle aime voir et ce qui ne contrarie pas leur expérience. Elle ne voit pas ce qu’elle l’aime pas. Jamais Nicéphore ne pourra les convaincre de surmonter leurs appréhensions. Seul l’homme vrai peut pénétrer suffisamment son essence et la développer pour s’accomplir.
Ce jugement, certes hâtif, le décida. Il devait repartir vers le monde, même si celui-ci avait troqué la liberté contre l’égalité. A midi, il s’esquiva sans rien dire, reprit le long chemin du retour et déboucha à nouveau à la surface, soulagé. Il décida de rechercher Magrit. Il se dirigea vers son appartement. Rien ne semblait changé. Aucun policier en vue. Il monta et sonna à la porte. Magrit vint ouvrir. Apparemment, elle n’avait pas changé. Son visage restait ouvert, ses yeux vifs, son regard pénétrant, mais quelque chose semblait éteint, une ombre recouvrait son apparence.
– Bonjour Nicéphore, entrez, lui dit-elle doucement.
Sa voix ! C’était sa voix qui avait changé. Une intonation inhabituelle, doucereuse, qui mettait mal à l’aise. Elle semblait jouer une comédie. Elle parlait faux, malgré un regard clair. Quelle subtilité de la part de ceux qui avait réussi ce changement. S’il s’était contenté de la regarder, il n’aurait rien vu, rien décelé.
– Bonjour Magrit. Comment allez-vous ?
– Ma foi, bien. J’ai fait un petit séjour à la campagne parce que j’étais fatigué. Mais cela va mieux. Je peux reprendre ma place dans la société.
– Quelle chance, lui répondit-il. Ils conversèrent pendant un quart d’heure, puis Nicéphore prétexta une course importante à faire. Elle lui dit au revoir, sans la moindre émotion, sans même paraître l’avoir connu dans d’autres circonstances. Il remarqua au dernier moment la petite cicatrice au-dessus de ses deux yeux. Elle avait été opérée ! La dP avait encore progressé, elle était capable de remettre, par la médecine, les gens dans le droit chemin.
Il ne fait surtout pas qu’ils me prennent ! se dit-il en regardant autour de lui. Le système social avait du bon : personne ne se méfiait de personne si les comportements étaient bien huilés. Inversement, dès qu’une fausse note, telle qu’une réflexion sur la société, sur la liberté, sur l’égalité, sur le pouvoir politique, apparaissait, la personne était aussitôt prise en charge par la dP.
07:25 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, société, individu, liberté | Imprimer
01/04/2016
A paraître
Dans le courant du mois d'avril, parution d'un nouveau livre :
Le temps te presse… Et tu résistes
À l’appel de la fin des temps
Le temps te presse… Ne te presse pas...
07:52 Publié dans 44. Livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, parution, édition, sortie | Imprimer
31/03/2016
Vues multiples sur le monde
Et le monde est Un et multiple.
On y passe en dansant, sans jamais le comprendre!
07:32 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art cinétique, optique art, dessin, peinture | Imprimer
30/03/2016
Féminité
Je suis la femme fidèle et bienveillante
Les enfants m’entourent de leurs bras
Les hommes me serrent contre leur torse
L’oiseau vient picorer dans ma main
L’écureuil saute mon épaule et va
J’aime contempler l’innocence du monde
Éprouver la bruine sur mes paupières
Baigner mon corps à la fontaine
Réchauffer celui qui m’a donné sa vie
Et border les petits dans leur lit
Et quand vient l’heure de la mort
Je couvre de mon ombre leur souvenir
Et rend l’hommage affectueux et sincère
A ceux qui attendent pour partir
Qu’un baiser recueille leur dernier souffle
Oui, je suis la femme fidèle et affable
Je suis la caresse avenante et ferme
Je parcours l’univers éperdu et cruel
Et lui donne son attente persistante :
L’amour inépuisable de la féminité !
© Loup Francart
07:43 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
29/03/2016
Liberté
Il partit un jour, droit devant. Nul ne pouvait l’en empêcher, même pas le seigneur du lieu. Il emportait un mouchoir qu’il avait noué sur un bâton. Il contenait ses trésors : une pipe, un paquet de tabac, un briquet, ses papiers, un livre, un seul. Il marchait vers l’ouest, vers cette mer dont il avait entendu parler. Il ne l’avait jamais vu : un ruban argenté qui bleuissait vers l’horizon. Certains s’y étaient noyés de curiosité. Ils avaient marché jusqu’à l’eau, puis avaient continué, sans se réveiller.
En marchant, il se souvenait. Ils étaient deux, lui et l’autre. Qui était-il ? Il ne sait. Ils s’étaient rencontrés un soir, marchant côte à côte dans une montée. Ils s’étaient échangé une cigarette, avaient parlé, s’étaient apprécié pour leur aptitude au silence. Ils ne s’étaient échangés que trois mots et il ne savait plus lesquels. Mais peu importe, ils marchaient côte à côte et cet effort commun les avait rapproché. Ils avaient dormi sur le bord du chemin, serrés l’un contre l’autre. La nuit est froide en altitude. Ils étaient repartis le lendemain et ne s’étaient plus quittés.
Le troisième jour, ils étaient proches du col. La liberté de l’autre côté. Ils avaient observé les mouvements des patrouilles. Une toutes les deux heures. Cela leur laissait le temps de passer. Ils avaient tenté leur chance, avaient coupé les barbelés, s’était engagé au-delà, dans cette campagne perdue qui leur offrait sa virginité. Un coup de feu ! Un seul. Le compagnon s’était écroulé. Mort sur le coup. Un regard terne, un sourire aux lèvres, le V de la victoire au bout des doigts. Il avait récupéré ses papiers et une lettre que l’homme portait sur lui. Il avait repris sa route, très vite, sans se retourner, après avoir glissé la lettre dans son mouchoir. Il s’était caché dans les fourrés, avait franchi la frontière par une vallée étroite et s’était retrouvé libre, mais seul.
Alors il avait ouvert la lettre. Elle était couverte d’une écriture étroite, les lettres entassées les unes sur les autres au point de se confondre. Le geste était délié, arrondi, poétique. Il finit par pouvoir lire :
Je te suis depuis des jours
Ta silhouette, mon guide
Me devance au carrefour
Et me fait apatride
Rien d’autre. Mais cela avait suffi à le motiver. Il avait marché des semaines, rompu avec la société, ne tendant que vers son but, l’océan. Il ne l’avait pas atteint. C’était son destin.
La liberté, c’est ne rien avoir pour être pleinement.
La liberté peut-elle se vivre seule ?
07:53 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie | Imprimer
28/03/2016
La fin de l'histoire (28)
Il put passer la première nuit avec eux. Ils l’installèrent dans une pièce qui tenait lieu de dortoir. Trois d’entre eux restèrent avec lui et commencèrent à se déshabiller sans aucune gêne. Ils enfilèrent des sortes de pyjamas, déballèrent des matelas qui étaient dans un coin roulés en boule et se couchèrent dessus sans un mot. Ils s’endormirent vite, le laissant seul avec ses interrogations.
Que faire ? se demanda-t-il. Mon chemin se trouve entre deux attitudes : la passivité imposée par l’avertisseur ou une liberté non conquise qui ne mène à rien. Entre les deux, il n’avait connu que sa propre voie qui le laissait insuffisamment expérimenté et celles de Charles et Magrit qui s’étaient fait prendre par la dP. Y a-t-il des hommes réellement libérés ? Et même s’il en trouvait, l’aiderait-il à parfaire sa libération ? Ne risquait-il pas de se trouver lui-même prisonnier d’un maître qui le contraindrait à pratiquer des voies auxquelles il n’adhérerait pas. Oui, il tenait à sa propre liberté, une liberté consciente et non une soumission à un gouvernement, un maître qui lui impose ses pensées et actions.
Il se souvint avoir lu dans le livre que lui avait donné Charles qu’il existait trois sortes d’hommes qui sont en recherche de la liberté réelle : le fakir, le moine et le yogi. Le fakir travaille sur son corps physique et s’impose bien des épreuves pour se libérer de cet esclavage au corps. Il peut se tenir debout, sans un mouvement, pendant des jours entiers sous le vent, la pluie, la neige ou le soleil ardant. Il peut finir par dompter son corps, mais ses émotions et ses pensées restent non développées. Il a conquis la volonté, mais il ne possède rien à quoi il puisse l’appliquer. Le moine travaille sur ses sentiments. Il soumet toutes ses émotions à une seule émotion, la foi. Il développe en lui-même l’unité, mais une unité qui éteint son corps physique et sa raison. Enfin, le yogi travaille, lui, sur son intellect. Il sait, mais ne peut tirer parti de sa victoire sur lui-même. Cette vision des choses lui avait paru enfantine malgré ses apparences méthodologiques. Il était évident que le fakir devait obligatoirement maîtriser ses émotions et son intellect s’il voulait arriver à la maîtrise du corps, que le moine ne pouvait atteindre la spiritualité sans un certaine maîtrise du corps et de la raison et que le yogi ne peut devenir son propre maître que par, au moins au début, imitation d’un véritable maître.
Le livre donnait alors la possibilité d’une quatrième voie qui ne peut être enseignée. Elle doit être trouvée et cet effort pour trouver est le premier test sur la voie de la libération. Cette voie n’exige pas le renoncement. Au contraire, les conditions de vie habituelles où il se trouve placé sont les meilleurs, car elles sont naturelles. La voie n’est pas liée à des exercices, la maîtrise des émotions ou le savoir, mais à la compréhension par l’expérience, par l’accumulation d’échecs, de petites victoires et de franchissement de barrières difficilement identifiables, mais réelles. Le livre appelait cette voie celle de l’homme rusé. Il dépasse la recherche sur les différents Je qui constituent son moi. Il s’élève vers un soi qui dépasse son corps, ses émotions et son intellect, ou plutôt qui en fait la synthèse et sait les faire fonctionner ensemble. Mais comment conduire les rares personnes ayant un besoin de liberté suffisamment fort à une telle unité. Il voyait bien que tout arrive en l’homme, qu’il n’était pas maître de lui-même et que cette maîtrise demande un long apprentissage hors des sentiers battus, dans lequel les circonstances extérieures jouent un rôle important. Lui-même en serait-il là s’il n’avait pas eu les contraintes qui se sont révélées à lui. Attention, se dit-il, ne pas te considérer différent ! Oui, entre en toi-même, ne te laisse pas prendre au jeu des comparaisons ! Là-dessus, il s’endormit profondément.
07:14 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, société, individu, liberté | Imprimer
27/03/2016
Pâques 2016
La vie ? Des flashs de bonheur dont les images éparses n’ont pas de cohérence thématique. Le bonheur n’a pas d’homogénéité. Il est, dans sa force, sa soudaineté et sa fuite. Il est l’instant pur, le moment où le ciel se confond avec la vie. Chacun d’entre nous vivons quelques instants magiques où le cœur se dilate et s’emplit d’une profondeur que nous n’avions jamais soupçonnée. Alors la lumière intérieure s’accroît. Une étrange envie de crier, de chanter, de danser prend le corps et l’âme. Il n’y a plus d’idées. Absence d’idées. L’idée n’est pas la chose. L’idée n’est pas bonheur.
Quel est le plus grand bonheur ? Je crois que c’est réaliser ses aspirations les plus profondes. C’est un bonheur à construire, difficile à assumer, car le monde s’obstine à vous faire dévier de cette vocation qui est une lumière dans les jours. Quel bonheur de vivre l’instant présent dans la campagne, marchant dans cette terre chaude, odorante, fumante des jours de printemps. Oui, la nature comble le vide de l’âme par sa présence sensuelle. Le bonheur est dans cette rencontre de l’âme et du corps, de l’aspiration et de la sensation, de l’idée de l’amour et de l’amour lui-même. L’amour est cette transformation mystérieuse, inexplicable, de notre vision du monde. La pesanteur des jours devient apesanteur des instants. Alors, le bonheur, intemporel ! Chacun de ces instants ne constitue pas le temps. Ce sont des trous dans le temps, des îles sur les flots de notre histoire personnelle, le passage au-delà du miroir de nos opinions.
Et chaque jour ces instants sublimes de bonheur nous donnent une idée de la résurrection : un trou d’air qui s’éternise !
07:40 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pâques, résurrection, vie, mort, éternité, instant | Imprimer
26/03/2016
Demain
La ville se prélassait derrière la vitre :
Des tours, des barres, des hublots,
Des immeubles, des maisons, des taudis ;
Tout cela devant le moutonnement des nuages,
L’épaisse couche de ouate salie.
Elle le regardait, redevenue enfant,
Le visage détendu, le regard lavé,
L’inquiétude se lisait dans ses yeux
Mais le cœur restait calme et léger.
Elle mit son front dans le creux de l’épaule
Elle hoqueta une fois, doucement,
Pleine de sa sérénité royale,
Donnant le change, bonne comédienne,
Enfant jouant les adultes,
La tendresse au bout des doigts,
La pesanteur de son corps
Remplaçant sa liberté apprise.
Elle lui tendit ses lèvres, chaudes,
Ruisselantes de bonheur promis,
Lui caressa la joue, l’enveloppant
De fragrances pénétrantes.
Son souffle... comme un vent d’air frais
Sur la plaine ouverte devant eux.
Ils joignirent leurs aspirations,
S’enivrèrent l’un de l’autre,
Mêlant la source de leur être
Et se réfugièrent, enlacés
Là où plus rien n’existe,
Que la vie, indéfectible.
Demain sera un jour nouveau !
© Loup Francart
07:52 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie, littérature | Imprimer
25/03/2016
L'arrivée de l'anneau de Jeanne d'Arc au Puy du Fou
Un hommage à Jeanne d'Arc qui fait du bien :
07:13 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france, patrie, société | Imprimer
24/03/2016
Fausse perspective 2
Les rues s’enchevêtraient
Un plan de ville en contradiction
Rien ne se trouvait à sa place
Portes au dernier étage
Fenêtres ouvrant sur la lueur
Des perspectives brisées
Il a vu l’envers du décor
Cette zone incertaine
Où le cœur chavire
La raison s’efface
Les impressions basculent
Pourtant, quel sage équilibre :
De quel côté se situe-t-il ?
07:34 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : optique art, dessin, art cinétique, perspective, illusion | Imprimer
23/03/2016
La fin de l'histoire (27)
Il n’eut cependant guère le temps de disserter intérieurement de ces points, étant interrogé par de nombreuses personnes, curieuses et entreprenantes.
– D’où venez-vous ?
– Que vous est-il arrivé ?
– Comment avez-vous fait pour que votre indicateur ne s’allume pas ?
Tous posaient ces questions légitimes d’une voix inquiète, tendue, comme si son avenir en dépendait. Nicéophore s’inquiéta : qu’ont-ils tous à m’interroger ainsi ? Soudain, il comprit. Aucun d’entre eux n’était réellement libre. Ils avaient naturellement été rendus libres puisqu’on leur avait arraché leur indicateur. Mais la liberté ne se décrète pas, on ne peut l’imposer. Elle demande un effort personnel, une longue quête qui conduit à une libération progressive. Ces gens étaient perdus. Ils n’avaient pas vécu l’apprentissage de la liberté. Comme des enfants, ils ne savaient que faire et se réfugiaient dans un monde caché où les initiatives étaient limitées. Que faire ? Y avait-il quelqu’un qui pouvait penser en toute conscience ? Il fallait qu’il en eût le cœur net :
– Attendez, s’il vous plaît. Je ne peux répondre à tous en même temps. Avez-vous un chef, quelqu’une qui dirige votre groupe ?
Une femme répondit :
– Non, bien sûr. Nous sommes libres. Nous n’avons pas besoin d’un chef. La liberté nous tient lieu de règle et rien d’autre n’est nécessaire.
Il se laissa entraîner dans une salle basse, aménagée avec des tables et des chaises installées en rond. Ils s’installèrent et me placèrent de telle sorte que tous pouvaient me voir. Un homme se fit l’interprète :
– C’est la première fois que nous voyons quelqu’un qui est encore en possession de son avertisseur et qui, malgré tout, est libre. Comment avez-vous fait ?
Nicéphore raconta sa délivrance progressive, ses doutes, ses efforts, ses échecs, la nécessité de poursuivre sans cesse les exercices qui lui permettaient d’atteindre cette liberté qu’il désirait par-dessus tout. Les « sous-terrains » (c’est ainsi que sont appelés ceux qui se réfugient sous la ville) le regardaient comme une espèce de surhomme, allant jusqu’à le toucher pour s’assurer de sa réalité. Il éprouva deux sentiments contradictoires face à leurs réactions. C’étaient des enfants, avec une conscience à fleur de peau. Ils n’agissaient pas et ne pouvaient que réagir. Comment cependant en étaient-ils arrivés à saisir que la méditation quotidienne qu’ils pratiquaient était ce qui leur permettait de maintenir une certaine liberté malgré tout ? Il ne le comprenait pas. Il éprouvait dans le même temps une certaine tendresse vis-à-vis d’eux. Leur gentillesse le frappait. Bien qu’ils soient désordonnés, sans objectifs, sans même un mode de vie consciemment conçu, ils n’avaient aucun malentendu, brouille ou même jalousie entre eux. Ils étaient de bons camarades, voire même, entre certains hommes et femmes, de bons couples. Et la société semblait exister d’elle-même, sans qu’il soit nécessaire de disposer de règles.
07:08 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, foule, danse, folie collective | Imprimer
22/03/2016
Noyade
Ouvre tes mains
Laisse-toi pénétrer de lumière
Lâche ta tension pesante
Cesse tes plaintes
Souris à la fourmi sur le gravier
Observe le plongeon de l’oiseau
Vers le moucheron suspendu
Écoute le bruit d’ailes
Des abeilles bourdonnantes
Vide ton cœur de ses trésors
Remplace-les par la résonance
Tremble devant l’inertie
Des hommes qui n’agissent pas
La parole est leur action
Elle est improductive
Sans odeur ni saveur
Elle harangue sans effet
Ils sont gonflés de mots
De verbes inoffensifs
De hurlements sauvages
Qui se retournent contre eux
Ils sont dans l’immédiat
Alors que l’expression
N’est que de longue portée
Claque les doigts
Marche avec tes pieds
Courent sur tes jambes
Foncent vers l’espoir
De tes remuements
Ne dis rien
Laisse-les parler
Remuer leurs lèvres desséchées
Garde ton cœur vierge
Sans une larme, sans un regard
Avance sur la scène de la vie
Ne regarde pas en arrière
Noie-toi dans l’absolu
Et prend ta jumelle
Pour contempler les mouches
Sur l’orange malmenée…
© Loup Francart
07:03 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
21/03/2016
Rêve
Ils sont là, face à face...
Ils se regardent...
Qu'éprouvent-ils ?
Oui,
C'est la rencontre du réel et du virtuel...
07:27 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : réalité, virtualité, impression, sentiments | Imprimer
20/03/2016
La fin de l'histoire (26)
Enfin, un gong retentit, assez léger, laissant une vibration prolongée dans l’air. Il entendit des frôlements, des mouvements, puis quelques pas et il ouvrit les yeux. Les participants à cette réunion avaient bien, tous, une sorte de trou au milieu du front. Ils s’étaient fait retirer l’indicateur. C’était comme une sorte de troisième œil. Cela leur donnait un air décalé, plus grand, plus aérien. Ils semblaient flotter, emplis de majesté. Cependant, en interrogeant ceux-ci, il comprit vite que ce n’était pas le cas. Tout d’abord, ils n’avaient aucune prétention de mysticisme ou même de sagesse. On remarquait également qu’ils avaient peur, malgré tout. Enfin, ils ne cherchaient nullement à se comparer les uns aux autres. Il sembla à Nicéphore que le maître mot de cette communauté était la liberté. L’égalité leur importait peu puisque l’essentiel était de rester libre, chacun individuellement. De même leur conception de la fraternité n’avait rien à voir avec l’idée qu’il suffisait de prendre aux riches pour donner aux pauvres pour établir une fraternité. Celle-ci leur semblait tellement factice. Seule la clarté de la liberté leur suffisait, sans autre modèle à pourvoir.
Nicéphore prit conscience de la dualité existant entre la liberté et l’égalité. Les mots semblaient aller de pair et faisaient noblement, avec le troisième, une trilogie vaillante et sans défaut. Mais en y regardant de près, il se rendait compte d’une impossibilité d’existence entre les deux premiers. L’égalité est inconciliable avec la liberté. À vouloir une égalité à tout prix, en l’imposant de par la loi et un consensus politiquement correct, la liberté n’existe plus. C’est le cas de notre société, se dit-il. Ainsi la belle promesse républicaine à laquelle les gens de la surface tenaient tant, n’était que la malédiction d’une idéologie bien-pensante et endormante. La parole remplaçait l’action, les décisions étaient longues à venir et souvent changeaient entre le moment de leur conception et celui de leur mise à exécution. Ici, en ce lieu sous-terrain, il lui sembla que les choses se passaient différemment. Il n’était pas en mesure de juger de la manière de prendre les décisions. Mais le calme et l’acuité des réflexions promettaient sans nul doute un meilleur équilibre et surtout une plus grande liberté dans la société.
07:40 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
19/03/2016
Etonnement
S’étonner, c’est toujours détonner
Tout dépend, bien sûr, du ton donné
Cela conduit à une franche adhésion
Ou peut provoquer une âcre division
Mais d’où naît cet éclair sagace ?
Pour certains c’est un trou noir fugace
Pour d’autres, un soleil jaillissant
Une explosion dans un silence angoissant
Et cet éblouissement soudain
Utilisé par d’inhabituels aigrefins
Devient un déclic judicieux
Il crée soudain un état d’objectivité
Fait naître l’étincelle de la créativité
Et ouvre un passage, sublime et malicieux
© Loup Francart
07:27 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie, littérature | Imprimer
18/03/2016
Folie
A porto, les Portugais sont gais. Ils allument des bougies dans leur tête, sourient au cosmos et partent nus vers les champs de fleurs. Ils s’enivrent de leurs odeurs sacrées, se roulant dans le foin, embrassant qui ils veulent. Les plus habiles à ce jeu sont les Portugaises. Elles courent de l’un à l’autre, leur minois épanoui, la bouche ouverte sur leurs dents acérées et empoignent les garçons comme des sacs de ciment.
Dans la journée, rien n’apparaît de ces ripailles insolites. Elles travaillent à la maison, entretiennent leur chez elle, jettent un œil à la rue, mais jamais ne sortent sur la chaussée et dansent le Fandango. Au crépuscule, les Portugaises deviennent des loups. Leurs yeux brillent dans l'obscurité et les lucioles courent vers la plage. Elles retirent leurs chaussures, ne gardent que leur chemisier et une jupe légère, puis, doucement, commencent à tourner en rond, les bras levés. C’est une offrande lente à l’obscurité qui tombe. Elles contournent les jeunes hommes d’un pied léger, le regard conquérant, la chevelure en désordre, et se couvrent d’une mince rosée de transpiration qui naît d’elle-même une fois arrivées sur la plage. Leurs aisselles dégagent de lourdes senteurs, leurs jambes s’agitent peu à peu. L’une d’elles se met à chanter d’une voix de basse, doucement, tendrement, comme l’appel d’un moineau sur la gouttière. Elles se regardent, se sourient et se rassemblent sans bruit, sans ordre, instinctivement, comme mues par un ressort interne.
L’une d’elles, la plus hardie, lève les bras et les autres de même. Elle tourne sur elle-même, et les autres de même. Elle esquisse un pas de danse, et les autres de même. La chanteuse chante alors d’une voix claire, elle conte les nuits écrasantes de chaleur, les draps qui collent aux jambes, la gorge sèche, le désir ensevelie dans la chambre et la lune qui, au dehors, leur échauffe le corps. Soudain, la danse commence, d’un seul mouvement, en parfaite harmonie. Elles tournent sur elles-mêmes et répètent les mêmes pas de danse en un piétinement endiablé qui les rend roses d’excitation. La bouche ouverte, le visage exalté, la chevelure en désordre, elles se mettent à chanter ensemble, d’une seule voix grave, emplie d’élans incontrôlés, le regard perdu, les mains tendues vers l’unique. Mais il n’est pas là.
Elles se tournent alors vers la mer, vers la vague qui vient caresser leurs pieds. Cela les rafraîchit, elles accélèrent le rythme, tapant dans leurs mains, frappant du pied, poussant de petites exclamations rauques. La mousse blanche de l’eau s’agite, les couvre de pellicules foncés, puis alourdit leurs jupes qui se collent aux cuisses et mettent en valeur leur déhanchement. D’un seul geste simultané, elles en dégrafent la taille et laissent tomber le morceau de tissu qui baigne dans l’écume et s’éloigne vers le large. La danse devient folie, elles piétinent sur place, prises de tremblements saccadés, certaines commencent à hurler dans leur chant à la terre féconde, d’autres pleurent tendrement, sans un cri, les yeux baignés d’eau de mer. Elles s'enfoncent dans le miroir brillant jusqu’à la taille, mais leur souplesse et leur jeunesse les rend agiles. Elles se sourient, se prennent la main, se serrent entre elles à certains moments, puis s’écartent brusquement, progressant plus avant vers l'océan qui s’ouvre joyeusement, leur préparant une place privilégiée. L’excitation est à son comble, elles ne se rendent compte de rien, toutes à leur affaire. L’eau atteint le menton, elles boivent de grandes gorgées de mer, hoquetant, agitant les bras.
Et bientôt on ne voit plus que ces mains qui s’agitent hors de la surface, puis disparaissent dans l’écume. Encore quelques instants de mousse blanchâtre, puis plus rien. La nuit est là.
Les garçons rentrent chez eux sans un mot. Cette nuit, ils rêveront de ces silhouettes dansant sous la lune et se donnant à l’océan, nues de plaisir anticipé.
07:06 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, foule, danse, folie collective | Imprimer
17/03/2016
Onde de choc (pictoème)
Un bris de glace…
L’éparpillement du verre…
L’effroi des indolents…
Le cri d’une femme…
Les regards d’effarement…
Trois gamins qui rient
Et cherchent leur ballon
Sur le pavage noir et blanc !
07:36 Publié dans 22. Créations numériques, 31. Pictoème | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dessin, art cinétique, op'art, émotion | Imprimer
16/03/2016
La fin de l'histoire (25)
Deux jours plus tard, les sans-abris lui parlèrent de gens qui habitaient sous la ville.
– Ils sont un peu fêlés, dit l’un d’eux. Ils ne se montrent pas au-dehors. Ils vivent toute l’année dans les boyaux des lignes de métro abandonnées et restent là sans rien faire, assis, les yeux fermés, sans bouger. Ils semblent heureux et même intelligents.
– Sont-ils nombreux ?
– Non, pas tellement, une trentaine, des hommes, mais aussi des femmes. Ils s’entendent bien, mais restent très indépendants les uns des autres. Ils ont tous une cicatrice au milieu du front, très visible. Une sorte de trou…
Nicéphore enregistra cette information qui lui parut être intéressante. Ainsi il y avait des gens qui vivaient hors de tout contrôle social, apparemment. Il semblait même ne plus porter d’indicateur. Peut-être les avaient-ils arrachés ? Il lui fallait trouver là où ils vivaient.
Le lendemain, il demanda à ces deux nouveaux amis de le conduire aux gens dont ils avaient parlé hier. L’un d’eux s’écria que jamais il ne dévoilerait cette cachette et que d’ailleurs il était incapable de retrouver le chemin qui y conduisait. Le second ne dit rien, mais, un peu plus tard, prit Nicéphore à part et lui dit qu’il lui montrerait les galeries où ils sont réfugiés.
Dans l’après-midi, il vint le trouver, lui dit de prendre son bagage et l’entraîna derrière lui. Ils marchèrent longuement, tantôt horizontalement, tantôt presque verticalement : escaliers, couloirs, portes, sans jamais rencontrer personne. Son compagnon ne disait rien. Il semblait savoir où aller, mais en était-il sûr ? Le silence était total. Aucun bruit de la ville ne leur parvenait. Parfois, on entendait l’écoulement des eaux dans les tuyaux ; d’autres fois, c’était le grincement d’une porte rouillée ou le piétinement des rats dans les couloirs. Seule, la lampe électrique que tenait son accompagnateur maintenait une illusion de vivant. Nicéphore était perdu. Il ne savait plus s’il se trouvait loin de la surface, loin du lieu d’où ils étaient partis. Enfin… Une dernière porte, puis la lumière. Ils étaient aveuglés. Elle était chaude, dorée et semblait diffuser le contentement, voire caresser le visage d’un souffle apaisant. Ils s’arrêtèrent, écoutant le silence qui avait mis de la tendresse dans son écho. Derrière une autre porte, ils devinaient des chants, doux comme le beurre sur une biscotte qui craque. Nicéphore eut envie de fuir. Quels étaient ces fous ? se demanda-t-il.
Ils entrèrent. La pièce était sombre, à peine éclairée par quelques bougies. Des hommes et des femmes étaient assis le long des murs, immobiles, silencieux, les yeux clos, en méditation. Ils n’étaient tournés vers rien, se faisaient face, et semblaient être concentrés sur le milieu de la salle. Mais celle-ci était vide. Quelle étrange réunion, se dit-il. Son accompagnateur avait disparu. Il était là, debout, hésitant, le cœur battant. Un des hommes lui fit signe de s’assoir à côté de lui. Il prit un coussin, s’assit en tailleur, redressa sa colonne, joignit les mains et ferma les yeux. Il se sentait bien. La surprise lui avait permis de faire le vide en lui-même. Aussi retrouva-t-il sans difficulté ce qu’il avait découvert dans le désert près de Tombouctou. Peu à peu, cette paix individuelle qu’il éprouvait rejoignit celle des autres. Il eut le sentiment qu’il entrait dans une nouvelle ère, plus électrique, plus chargé de minuscules vibrations qui entretenaient une sorte de courant entre eux. C’était imperceptible, mais néanmoins palpable. Ses poils se hérissaient et semblaient flotter dans l’air. Il se sentit léger, délivré même du souci de maintenir son indicateur éteint. Plusieurs fois, il faillit s’endormir, sa tête tomba sur sa poitrine, le contraignant à une attention soutenue.
07:53 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, société, individu, liberté | Imprimer
15/03/2016
Nocturne
Le pied léger, elle courait dans la rue
Ce n’est pas qu’elle était pressée, non
Juste une envie de se défouler
Et d’exhiber ce corps, menu et flexible
Il était neuf heures, la nuit tombait
Les passants fuyaient le vent aigre
Le nez enfoui dans un foulard
Les mains de glace dans la poche
Ils virent passer l’orage. Nue
Elle courait sans contradicteurs
Peu pressée d’en finir, y prenant plaisir
Elle souriait aux étoiles qui ouvraient
Leurs froides et célestes rondeurs
Cours, cours, la belle, il le faut
Voici celui qui vient, l’enjôleur
Souple et ferme, il divague
Entre les pavés, il te remarque
La flèche blanche sur les portes
Les fils d’argent flottant au vent
Il est pris dans le filet pervers
Et se dresse derrière elle
Tendu comme un aimant
Ils courent ensemble sans savoir
Qui suit qui, qui est qui
Ce n’est plus qu’un seul corps
Qui se rejoint pour exister
Leurs ombres s’ajustent
Leurs regards se dédoublent
L’effort les revêt de rosées
Le souffle s’accélère
Soudain il aboie, une fois…
Il s’approche et lèche
Le poil hérissé. Tremblante
Elle se tourne vers lui
Et s’offre en pleine rue
Aux yeux des passants
Qui assistent, impuissants
A la danse de l’amour
© Loup Francart
07:20 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
14/03/2016
Impossible
Avait-il oublié quelque chose à l'intérieur ?
Il est à l'intérieur et ne peut plus sortir :
07:33 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : curiosité, image, déjanté | Imprimer
13/03/2016
La fin de l'histoire (24)
Commença alors une vie errante, d’hôtels en chambres louées à des particuliers, avec de longues journées dehors, en guettant le soir avant d’oser entrer dans un refuge incertain. Ce n’est pas que cela lui faisait peur, mais il n’avait pas la tranquillité d’esprit nécessaire pour investiguer franchement et tenter de savoir ce qu’il était advenu de Magrit et Charles. Toujours sur ses gardes, il devait continuer à être libre pour transmettre ce qu’il avait appris au cours de ces quelques mois. Une question le tracassait cependant : était-il dorénavant seul ou y avait-il d’autres personnes qui, comme lui, cherchaient une libération ? Il comprit qu’il ne pourrait trouver une réponse tant qu’il serait soumis à cette vie errante, mais il ne voyait pas où il pourrait aller pour poursuivre ses découvertes, sauf à nouveau à Tombouctou. Mais il faut prendre l’avion, donc disposer de papiers d’identité qui ne soient pas à son nom. Continuer comme aujourd’hui revenait à se faire prendre un jour ou l’autre parce que son avertisseur s’allumerait sans qu’il puisse le contrôler. Il se sentait néanmoins investi d’une mission particulière. Laquelle ? Il ne savait pas trop. Il s’efforçait de la préciser sans trouver réellement une réponse. Il passait plus de temps en méditation, se créant une véritable chambre intérieure dans laquelle il se détachait des influences du monde et qui lui donnait la force d’empêcher l’indicateur de s’éclairer. Cette chambre était vide. Il n’y trouvait rien. Mais ce rien lui permettait justement de ne plus être atteint par l’extérieur. Il concentrait toute son attention à ce qui se passait en lui tout en oubliant son Moi social. Il cultivait le calme. Il s’efforçait de paraître semblable aux autres : paraître seulement et non pas être. Il s’interrogeait sur sa vocation véritable, sur le but de sa vie. Il prit conscience de ses erreurs d’objectifs : toujours courir après un leurre, que celui-ci soit professionnel, social, culturel, familial ou autre. Les aléas de la vie ne devaient pas le guider vers un futur quelconque. Seul le but qu’il arrivera à se fixer lui permettra de poursuivre sa destinée. Il était, dans le même temps, bien conscient que cette vision n’était que temporaire et dépendait du temps et de l’intensité qu’il consacrait à sa méditation. Selon les moments de la journée et les influences subies, il s’écartait plus ou moins de son objectif de trouver la « liberté intérieure ». Cette expression lui était venue un jour où, fuyant un hôtel dont le propriétaire devenait soupçonneux, il comprit cette cassure existant entre la notion de liberté dans la vie quotidienne et une véritable liberté intérieure, faite non pas de satisfaction de ce que l’on veut, mais d’absence de volonté d’obtenir quelque chose. « Liberté intérieure » : un trou d’air dans sa vie difficile, une aspiration qui l’enchantait et le poussait à agir selon celle-ci, à l'écart des habitudes sociales.
Il s’était réfugié sous un pont en raison d’une pluie incessante et y avait trouvé deux clochards (oui, les sans-abris existaient encore, par vocation plutôt que par obligation). Ils avaient bu, sans plus, divaguaient quelque peu et s’étaient moqués de lui. Il n’en ressentait aucune gêne. Il avait même parlé avec eux, calmement, les considérant comme des congénères qui n’ont pas encore découvert cet espace que chacun possède en soi pour se sentir en harmonie avec le monde. Il n’y avait pas création d’une distance entre lui et eux, pas non plus la conscience d’être autre. C’était une aspiration intérieure qui le guidait, un mince souffle qui lui faisait comprendre l’incroyable destinée commune qu’ils possédaient, eux et lui, et qui le poussait à les comprendre et les aider. Sensation étrange, comme l’habitation d’un souffle qui passait au travers de son corps et l’entraînait à une attention soutenue pour s’oublier lui-même.
07:41 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, société, individu, liberté | Imprimer
12/03/2016
Le soleil dans toute sa splendeur
https://www.youtube.com/watch?v=GSVv40M2aks
Mieux vaut se taire et admirer plutôt que d'expliquer ou de commenter.
Seul un poème peut traduire ce qu'on éprouve devant ce spectacle.
07:19 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : création, astrophysique, imagerie, big-bang | Imprimer
11/03/2016
Concert
Dans leur montée en intensité
Les sons pénètrent ton opacité
Transpercent l’apparence funeste
Et te conduisent au vide céleste
L’harmonie est fleuve, puis mer
Envahissant l’être et ses recoins amers
Emportant cœur et esprit en ballade
Te ceignant d’une aimable accolade
Viens à l’horizon, dit la mélodie
Viens danser sur la ligne hardie
Déploie tes ailes ankylosées
Et plane sans plus te reposer
Les sons huilés des violons
Enferment tes appréhensions
L’aigre discours de la clarinette
T’incline au repos dans la dunette
Le chant solitaire de la soprane
Te fait franchir la membrane
Qui contient ton être intérieur
Il te confie à l’auguste prieur
La porte est franchie sans peur
Vient l’intense moment de stupeur
Quand l’œil vacille et plonge
Dans les eaux translucides des songes
© Loup Francart
07:49 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie, littérature | Imprimer
10/03/2016
La mode féminine
La mode féminine se renouvelle sans cesse, et cela fait des années que cela dure. Qui eût cru, il y a un an, qu’il convenait maintenant de n’avoir ni jupe, ni robe, ni pantalon. Non, ne vous méprenez pas ! Elles ne vont pas nues et leurs vêtements restent décents.
La grande majorité s’est dotée d’une double peau, fine, noire bien entendu, dont elles se contentent pour se promener dans les rues de Paris. Elle porte, pour cacher le haut, une large ceinture en tissu. Ce n’est pas une jupe, elle est trop petite. Ce n’est pas non plus une robe car le haut est constitué d’un pull qui laisse le nombril découvert. Certes, à cette époque de l’année, elle porte au-dessus un manteau en doudoune, également noir. Cela leur permet de cacher l’essentiel. La rue est pleine de la réclame pour Dim : longues jambes effilées, montant si hautes qu’on les voit au ciel. Aux pieds, elles chaussent volontiers ces boots du Moyen-âge avec des talons qui ne montent pas aux cieux, mais presque. Parfois, le haut de la chaussure retombe mollement vers le sol en fleur épanouie, comme pour marquer un certain laisser-aller qui lui est toujours à la mode.
Avouons cependant que cette nouvelle mode a des contraintes. Comment s’assoir en restant décente ? Il convient de bien tenir serrés ses pinceaux, de décrire un arc de cercle avec les hanches en fléchissant légèrement, pour, si l’on calcule bien, se retrouver assise sur le siège convoité. Certaines doivent s’entraîner longuement avant d’exécuter cet exercice périlleux avec l’aisance nécessaire. Il est vrai que d’autres, une minorité, il faut le dire, se laissent tomber sur leur siège sans aucune élégance, tel un sac de pommes de terre. Elles ne disposent pas de pinceaux, mais de solides piliers qui ne se manient pas de la même manière. Là, on se dit qu’il ne s’agit pas de parisiennes, mais de fraiches migrantes de province.
Une minorité, sans doute peu avertie des changements de la mode, continue à enfiler, difficilement, un pantalon. Mais est-on sûr qu’il s’agit d’un pantalon. Il est tellement serré qu’il est difficile de distinguer la différence entre le collant et le pantalon. L’objectif reste le même : des jambes en or qui ne tiennent qu’à un fil. Le pantalon est bien sûr en grande majorité noir, parfois bleu américain, car un seul ustensile ne change pas malgré les évolutions de la mode : le Blue Jean, anciennement dit Lewis. Après les trous aux genoux ou même ailleurs, ceux-ci sont à nouveau entiers, mais si étroitement économes en tissu qu’elles se demandent si elles pourront y entrer. Elles doivent s’y prendre à trois fois pour enfiler ces chausses, et utiliser un tire-botte pour les retirer. Mais disposer d’échasses pour voir et, surtout, être vue est un privilège qui vaut bien quelques sacrifices.
Quelques fantaisistes, parce qu’elles sont suffisamment dénudées vers le haut, portent de longues bottes de cuir qui montent jusqu’aux genoux, voire plus au-dessus pour quelques rares exceptions. Dans ce cas, leurs collants sont clairs et non noirs. Elles introduisent un contraste voulu entre le buste rapetissé et les bottes de sept lieux, et mettent en évidence le dessin oblong des deux fuseaux qui relient l’ensemble.
Enfin – vous en rencontrez deux ou trois par jour – certaines se laissent admirer en braies, rayées comme il se doit. Malheureusement, ce genre d’attribut n’est pas, le plus souvent, porté par des personnes filiformes. On les voit donc dans une glace déformante qui maquille l’élégance naturelle de la parisienne. Oui, il existe des exceptions qui n’ont pas le galbe nécessaire et qui s’égarent dans Paris, malgré les avertissements de la presse : Paris, capitale de l’élégance.
06:44 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mode, féminité, parisienne, collant | Imprimer
09/03/2016
La fin de l'histoire (23)
Il ressentit tout à coup la légère pression des liens entre lui-même et le monde. Il rattrapa une jeune fille et, instantanément, fut englobé dans ces pensées. Il ne vit qu’une moitié de joue et les cils de l’œil gauche, le tout entouré de cheveux foisonnants. Cette joue devint une sorte de miroir qui lui renvoyait son entendement aussi naturellement que si elle avait pris un téléphone pour lui parler. Il était en elle comme il était dans ses propres pensées une minute auparavant. Un saut d’un monde à l’autre, sans transition, le laissant aussi à l’aise dans l’un que dans l’autre. Cela ne dura pas longtemps, cinq ou dix secondes. Mais quelle précision ! Femme tout d’un coup, il était plongé dans une vision féminine du monde. Il voyait en femme une situation entrevue habituellement avec plus de distance et moins d’implication des sens. Là, le monde était plus rond, plus caressant, plus à fleur de peau également. C’était un monde plus concret, plus ancré dans les sensations et sentiments, moins distant et probablement plus vrai, parce que plus enraciné dans la réalité. Il touchait le monde et les fibres qui relient chaque être ou chaque chose avec un autre et jouais une autre symphonie, plus charnelle, plus tendre, moins rationnelle et plus vivante. Les femmes donnent naissance au monde alors que les hommes le décortiquent. Ils jouent aux cubes, inlassablement, édifiant et démolissant le monde, pendant que les femmes nagent dans leurs relations, pour y trouver l’harmonie qui les relie. Il comprit qu’une femme ancre sa place dans le monde en jouant de ces fibres qui unissent entre eux les êtres et les choses. Les hommes, eux, s’attachent plus à construire et reconstruire leur position dans le temps et l’espace pour atteindre un équilibre précaire que les nouvelles relations établies entre eux amènent à une nouvelle mobilité. Il ressentit l’importance de disposer des deux visions. Elles consacrent un accomplissement qui devient un commencement, une autre manière de percevoir l’univers, une unification des liens entre les deux aspects de la nature, la féminine et la masculine. Ce fut une sorte de mariage intérieure, la naissance d’une intense luminosité due à la jonction entre le tout et l’absence de moi. Enfin ! Il était, unique, au milieu de tous, parmi tous et tout, parce qu’il avait oublié ce moi encombrant, taraudé de questions sans réponses. Quelques instants plus tard – combien ? Il ne le savait – il eut l’impression de se réveiller. Il était dans un état d’exaltation passionnée, sous l’effet d’une tension intérieure impressionnante, mais tellement enrichissante. Progressivement il retrouva la ville, le passage des passants, le bruit des poubelles, le bourdonnement des voitures démarrant au feu rouge. Le monde reprenait sa place, redevenu éternel et indifférent. Mais en lui, désormais, le rire et les larmes se mêlaient, devenus un même état d’être, au-delà des sensations et des sentiments.
Le lendemain, il apprit par les médias l’arrestation de Magrit. Comment avaient-ils su ? La dP l’avait arrêtée à quatre heures du matin en pénétrant chez elle avec l’aide d’un bélier. Les premiers comptes rendus la désignaient comme une dangereuse idéologue, antisociale et néfaste à l’esprit républicain. Bien sûr, il n’était nullement indiqué où elle avait été transférée. Diable ! Cela se rapproche ! Que faire ? Dois-je rester dans mon appartement ou, au contraire, partir loin d’ici ? Il ne savait. En attendant de prendre une décision, il rassembla dans un petit sac quelques vêtements, deux livres, ses papiers d’identité, de l’argent. Il était prêt pour toute fuite ou même arrestation. D’abord prendre des forces, se dit-il. Il médita une heure, s’efforçant de retrouver les sensations de la nuit. Puis, il sortit, avec son sac. Bien lui en prit. À peine avait-il franchi le premier carrefour, qu’il entendit les avertisseurs des voitures de la dP. Lui aussi était donc recherché !
07:20 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, société, individu, liberté | Imprimer