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15/04/2016

A paraître : Le souffle des jours

 Il va bientôt paraître et vous pourrez l'acquérir à un prix modique :

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Un ver de terre sort du sol
S’est-il rompu le cou pour la vacuité
Ou découvre-t-il l’absence de soucis ?

Il chemine sur la surface
À la frontière de l’inconnu
Quelle ivresse et quelle arrogance !
Comment ce misérable vermisseau
Peut-il tout seul goûter le bonheur ?

Et contrairement à l’idée que l’on s’en fait
Ce n’est pas la satiété qui le réjouit
Mais le vide indolore de l’air…
Plus d’exercices et d’efforts…

Je vais et viens comme je l’entends
Exerçant mon autocritique pleinement
Et cela me procure un allégement
Qui me donne un frisson élégant

Le bonheur, n’est-ce pas cette goutte d’ivresse
Au creux des courbes du corps
Ce chatouillement inédit qui prend le rein
Cette absence de raison raisonnable
Qui ouvre les portes du paradis

Alors j’étire mes segments
Et pars loin de tous
Vers des horizons ignorés
Là où rien ne limite
Cette aspiration à être

14/04/2016

La fin de l'histoire (32)

Le lendemain matin, tôt, vers cinq heures, il entra en communication mentale avec lui :

Nicéphore : "Charles, je crois que j'ai trouvé le moyen de dénoncer le système. Cela demande du travail, beaucoup de travail, ce n'est pas sans risque, mais cela éclatera suffisamment à la face du monde pour éclabousser les responsables du système et provoquer un refus de prendre la pilule malgré la loi."

Charles: "Que comptes-tu faire?"

Nicéphore : "J'ai trouvé l'idée auprès de Sun Zi, le stratège chinois bien connu. Il appelle cela le stratagème du détour secret. Cela consiste à cacher notre intention véritable derrière une activité apparemment innocente et conforme à leur attente. Je vais écrire deux livres. Le premier encensera le système et donnera des pistes aux dirigeants pour mieux accomplir leur déculturation. Il devrait être possible d'atteindre une certaine notoriété avec un tel livre. Le second démontrera de manière impitoyable la connivence existant entre nos élites et la tromperie généralisée qui transforme la société en un troupeau bêlant avec l'aide des médias. Lors de la remise d'un prix ou d'une conférence ou d'un événement en faveur du premier livre, je  dévoilerai le second et proclamerai la forfaiture."

Charles: "Excellent! Nos responsables n'y verront que du feu si nous savons tenir secret les recherches concernant le fonctionnement du système. Du moment où l'on flatte leur égo, ils ne percevront pas l'astuce et la préparation de notre attaque. Je pourrai t'aider à faire connaissance avec ceux qui connaissent les rouages et facilitent la mise en œuvre du système."

Nicéphore : "Cela nécessite que tu devienne un mouton et entre dans le jeu de la dP. Tu devrais y arriver en quelques semaines jusqu'au moment où te libéreront pour bonne conduite comme ils l'ont fait pour Magrit. Je crains hélas que celle-ci ait bien fait un retournement inconditionnel. Je suis passé la voir. Elle n'avait apparemment pas changé, mais j'ai bien perçu qu'elle avait été manipulée et qu'il serait difficile de lui rappeler les sentiments qu'elle avait auparavant envers la société."

Charles : "D'accord. Je vais jouer le jeu. Continuons à nous donner rendez-vous chaque matin pendant notre méditation. Merci Nicéphore, tu me redonnes espoir et je vais essayer de me montrer digne de ta confiance."

13/04/2016

Pneuma

De retour chez toi
Le noir absolu
Elle ouvre. Éblouissement

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Noirs et blancs, l'éblouissement des mots éclaire l'âme qui erre en toi !

12/04/2016

La bibliothèque de Babel, de Jorge Luis Borges

Je l’ai lu cette nouvelle inimaginable contenant « tous les possibles, les faux futurs, les vraies et les fausses histoires ». Elle m’avait fasciné.

Elle existe maintenant. C’est un site Internet :

https://libraryofbabel.info/

Jonathan Basile a conçu un algorythme capable de produire toutes les combinaisons posibles à partir des 26 lettres de l’alphabet :

  • nombre de pages –> 10 puissance 4677
  • nombre de livres : 29 puissance 1312000

littérature,fiction,imagination,virtualité

Si vous cherchez ce qui est écrit dans ce site, allez au feuillet Random. Mais vous tombez sur une page emplie de lettres sans signification.

Quelques explications vous sont données dans les feuillets intitulés :

  • About,
  • Reference Hex
  • theory

littérature,fiction,imagination,virtualité

Borges s’est inspiré de Kurd Lasswitz et de son histoire de 1904 “La Bibliothèque Universelle” (“Die Universalbibliothek”).

littérature,fiction,imagination,virtualité

Erik Desmazières a créé quelques œuvres en clin d’œil au Piranèse pour une édition illustrée de la nouvelle de Borges.

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11/04/2016

Trou noir

J’ai erré longtemps dans un vide collant
Je n’en sortais pas, attaché à mon personnage :
Que lui arrive-t-il, que devient-il ?
Les jours passèrent, lentement, rageusement
Je ne trouvais pas la sortie
J’ai tenté plusieurs fois diverses hypothèses :
Meurt-il maintenant ou plus tard ?
Part-il sous d’autres cieux ou d’autres temps ?
Je revenais au point de départ
Sans comprendre quels étaient les enjeux
Rien. Toujours rien.  Encore rien.
Puis un jour, le personnage prit la parole :
« Laisse-moi faire ! Je sais ce qu’il m’advint »
Alors, sans hésiter il s’empara de mes doigts
Les mit en mouvement au-dessus du clavier
Et écrivit sans réfléchir la fin de l’histoire
C’était bon de se laisser faire
Cela coulait de source, une vraie fontaine
L’eau débordait de ses conduits
Coulait à flots dans les vasques sèches
Et mouillait de larmes de bonheur
Mes joues enfiévrées et creuses
Je ne pouvais pas crier : « J’ai trouvé ! »
Il avait pris ma plume, guidé ma pensée
Soulagé ma tension, ouvert mes yeux
Désormais, je ne dirai plus « je »
Le récit s’impose parfois en dehors de soi
Il te précède dans l’obscurité froide
Et chauffe ton corps d’un doux élixir
Qui perce la lourdeur de l’inconnu
La route s’éclaire bien que tu ne saches pas
Où te conduit ta main
Mais qu’il est bon de se faire guider
Et d’arriver avec soulagement
A la fin de l’histoire et du cauchemar
Dans un ravissement porteur
Des plus belles promesses
Qu’un écrivain puisse rêver et vivre

©  Loup Francart

10/04/2016

La fin de l'histoire (31)

Ne sachant si, réellement, il était recherché ou non par la dP, il loua une chambre dans un quartier éloigné du sien, payant d’avance une semaine.  Entrant en méditation, il fit le vide en lui-même et attendit que vienne une solution. Que pouvait-il envisager ? Il avait fait le tour des possibilités. Vers qui se tourner, vers quoi tendre ses efforts, où se diriger ? Il ne savait. Il se coucha quelque peu anéanti, se demandant comment il allait s’en sortir. Tôt le lendemain, alors qu’il reprenait la méditation, la solution lui apparut. Un stratagème, à la manière de Sun Zu pour qui la meilleure victoire est celle obtenue sans combat, par la surprise sur l’adversaire. Or l’adversaire était de taille : le monde politique, médiatique, culturel, intellectuel, industriel, etc. S’attaquer de face à l’ensemble de la société, c’était obligatoirement se mettre en état d’infériorité. Dans la matinée, il se rendit à la bibliothèque et trouva un livre intitulé Stratagèmes, trois millénaires de ruses pour vivre et survivre, écrit par Harro von Senger[1]. Celui-ci expliquait que l’auteur d’un stratagème se sert d’une configuration impénétrable, discrètement mise en scène, ayant un effet quelque peu théâtral, permettant de prendre au piège l’adversaire qui ne peut le déceler. Le stratagème est avant tout le fait d’une bonne connaissance de la manière de penser et d’agir de l’adversaire. Il se sert de l’habitude, de la crédulité, de l’orgueil, de la crainte, des méthodes et pratiques utilisées pour le conduire à de fausses manœuvres. Mais quel stratagème employer ?

Il y réfléchit tout l’après-midi. Tromper la société en général pourrait consister à abonder dans son sens, voire même à louer l’action des autorités, à jouer le jeu médiatique et à gagner la complicité des principaux acteurs de la société. Cependant, cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut s’introduire dans une discipline proche des intérêts du pouvoir, créer un réseau favorable, monter les échelons jusqu’à être connu, puis devenir une référence. Bref, au minimum quatre à cinq ans, voire plutôt dix, d’efforts sans même savoir s’il y arrivera. De plus, il ne savait même pas si la dP l’avait fiché ou non. S’il l’était, cette tentative était vouée à l’échec dès le départ. Il entrevit alors une solution : un livre qui deviendrait une référence pour ces responsables, qui encenserait leurs pratiques et les justifierait et mettrait en évidence leur travail considérable pour la société. S’il arrivait à le faire connaître et être distingué pour un prix international important, pourquoi pas un prix Nobel de la paix, il pourrait alors faire volte-face et faire connaître la tromperie généralisée mise en place. Car son idée n’était pas bien sûr d’atteindre cette notoriété pour rien. Il s’agissait le moment venu, après avoir obtenu une certaine célébrité, de faire paraître un second livre, tout aussi percutant, qui démontrerait de manière certaine, la collusion existant entre ces personnes et la tromperie généralisée mise en place par un pouvoir aux mains de quelques-uns et encensé par quelques autres. Il décida d’en parler avec Charles.

 

[1] Harro von Senger, Stratagèmes, trois millénaires de ruses pour vivre et survivre, Paris, InterEditions, 1992, p.8.

09/04/2016

Un trompe l'oeil musical

Ecoutons ce Chœur des anges. Il fait penser à la musique méditative ou aux musiques de relaxation que l'on trouve en quantité sur You Tube.

https://www.youtube.com/watch?v=hOVdjxtnsH8

C'est en fait une technique qui permet de ralentir de 800% l'exécution de l'Ave Maria de Caccini, que nous pouvons entendre ci-dessous:

From : https://www.youtube.com/watch?v=bAULcisUEGw

 

dont voici une des multiples partitions :

 Afficher l'image d'origine

08/04/2016

Anniversaire de mariage

Ils s'assoient côte à côte, ensemble
Étroitement mêlés de corps et d'esprit
L'âme en paix, le cœur dilaté
Ils se sourient et s'envolent

Les souvenirs défilent dans le désordre
Mais toujours ils se revoient, si jeunes
Encore nourris de l'amour de leurs parents
Elle, en robe blanche, irréelle
Le regard illuminé et le visage étonné
Lui, si plein de désirs amoureux
Devant l'espace de leurs corps purs

Ensemble embrassant l'avenir
Et jetant leur cœur au-delà d'eux
Courant vers leur destin
Ils sautèrent à pieds joints
Sans parachute et hoquetèrent
Devant la tendresse de ce quotidien

Ils n'avaient que leurs mains
Pour caresser le déroulé des jours
Ils n'avaient que leurs lèvres
Pour deviner l'avenir
Ils n'avaient que leur corps
Pour occuper leur nuit

Aujourd'hui ils se souviennent encore
Et se regardent amoureusement
Leurs enfants ont leurs enfants
Ils sont à mi-chemin et en sont fiers
Ils peuvent également rêver
A un destin sans fin
Où leurs enfants deviendront parents

Pour les premiers, assis sur leur nuage
La piste s'ouvre vers l'infini
Elle reste si belle à deux
Qu'ils n'en voient pas la fin
Leurs lèvres se rapprochent
S'étreignent avec douceur
C'est si bon d'être ensemble
Et de vivre encore et toujours
A deux qui ne font qu'un

©  Loup Francart

07/04/2016

Harmonie

 L'harmonie est un horizon lisse
Dans lequel, malgré les aspérités,
Tout semble logique et à sa place.

art cinétique, optique art, peinture abstraite, peinture

Et cette logique intuitive
Emprunte les routes du cœur
Sans qu'il soit besoin d'explications.
L'harmonie est, alors tu es !

06/04/2016

La fin de l'histoire (30)

Nicéphore prit toutes ses précautions pour entrer en contact avec Charles. Il observa longuement, assis à la terrasse d’un café, l’entrée de son immeuble. Les gens entraient et sortaient tout à fait normalement. Il examina également l’environnement : les lieux d’observation, les voitures garées, les systèmes de vidéosurveillance. Tout semblait en ordre. Il remarqua cependant une nouvelle caméra qui filmait l’entrée. Elle ne se déplaçait pas, ce qui était une bonne chose. Elle se contentait de prendre des images en continu et le contenu devait être examiné si un fait anormal était survenu, donc a posteriori. Il alla s’acheter un chapeau à bords larges et un imperméable descendant au-dessous des genoux. Il acheta également une paire de lunettes noires et un grand carton à dessin. En fin d’après-midi, au moment où la lumière du jour commençait à faiblir, il se présenta à la porte, restant en permanence de dos par rapport à la caméra. Se cachant derrière le carton à dessin, il n’offrait rien qui puisse le faire reconnaître. Il poussa la porte, entra dans l’immeuble, chercha une autre caméra, mais ne vit rien. Il ne prit pas l’ascenseur. Arrivé devant la porte de l’appartement de Charles, il chercha à nouveau une caméra, mais ne vit rien. Alors, se cachant toujours derrière le carton à dessin,  il sonna. Rien. Le silence. Au moment où il allait repartir, la porte s’ouvrit brusquement. Un homme passa la tête :

– Vous désirez ? demanda-t-il d’un air interrogateur.

–  Charles n’habite plus ici ?

– Je ne connais pas de Charles. De qui parlez-vous ?

– J’ai dû me tromper d’immeuble. Je suis bien au 6 ?

– Non, pas du tout, vous êtes au 8. C’est juste à côté.

Ainsi Charles avait été dépossédé de son appartement. Le traitement n’était pas le même que celui de Magrit. Où pouvait bien être Charles ? Il ressortit en prenant les mêmes précautions. Surtout ne pas être vu ! Comme il se trouvait à côté d’un parc, il décida d’y passer la nuit. Il franchit la grille sans trop de difficulté et s’installa dans un fourré. Recouvert de son imperméable, il passa une nuit assez agréable, sans avoir froid.

En se réveillant, il médita une heure afin de continuer à maîtriser les flux qui pourraient réveiller son indicateur. A la fin de sa méditation,  il eut une soudaine illumination. Il vit Charles, seul, dans une cellule cimentée. Il méditait lui aussi. Et bientôt, leurs pensées se rejoignirent. Ils purent se parler dans leur tête, mentalement, sans l’intermédiaire de la parole.

Charles : " Nicéphore, vous voilà enfin. Je vous ai attendu longuement. J’ai passé des heures et des jours terribles. J’avais froid, j’avais faim, j’avais sommeil. Mais j’espérais. J’ai vu Magrit. Elle a capitulé. Elle reprend la pilule et a repris sa place dans la société. Sa conscience l’a quittée. Je me croyais seul et maintenant je vous retrouve, libre. Sommes-nous les seuls ? "

Nicéphore : " Je ne sais. Je ne connais pas d’autres libérés. J’ai rencontré des « sous-terrains ». Ils méditaient, mais sans conscience du but recherché. Ils ignoraient la délivrance, ce sentiment de toute puissance que donnent l’absence de crainte et l’accès au tout, c’est-à-dire au vide céleste. L’avez-vous éprouvé ? "

Charles : " Oui. J’ai vécu ces instants inouïs où ma personnalité n’existait plus. J’étais passé au-delà, dans cet espace hors du temps qu’est la véritable liberté. C’est ainsi que j’ai pu survivre à cet enfermement. J’y suis libre. Mais Dieu soit loué, ils ne le savent pas. "

Nicéphore : " Courage! Nous nous sommes rejoints. Gardons le contact. Chaque matin, à cinq heures précises, méditons et échangeons. Nous pourrons nous donner un but."

Charles : " On vient. Je vous quitte. A bientôt! "

Nicéphore jubilait. Il avait le sentiment d'avoir atteint un état extraordinaire, une excitation anormale qui lui conférait de pouvoirs qu'il n'avait pas en temps ordinaire. Et il était très probable que Charles éprouvait les mêmes sensations. Cette tension lui donnait l'impression de sortir de lui-même et d'être éveillé hors du monde matériel. Il naviguait dans un monde mental, spirituel, les nerfs à vif, à la frontière des perceptions habituelles et d'un autre mode de perception, plus intuitif et cependant pleinement réel.

05/04/2016

Feu

Le feu dans la tête,
Les neurones s'enchevêtrent,
Que signifie cette quête
Où tout s'enfuit par la fenêtre ?

 

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04/04/2016

L’hymne du Chérubin, de Piotr IllitchTchaikovsky (1840-1893)

https://www.youtube.com/watch?v=vyFkPd6fEuI

Même si l’enregistrement n’est pas de très bonne qualité, écoutons cet hymne construit sur quatre notes descendantes qui s’enchevêtrent avant de prendre leur indépendance dans une totale harmonie.

Le chant orthodoxe est d’une autre conception que le chant de l’église catholique. Il aide à entrer dans le mystère le plus profond pour l’homme, celui de son origine et de son devenir. Il comble de miel ce vide intense que laisse le déroulement d'une vie sans repère.

03/04/2016

Toujours

Lorsque nous serons vieux, nous disions-nous
Et nous le sommes ou… presque…

Mais à nos yeux, nous avons encore vingt ans…

Tu restes ma fiancée éternelle
Celle qui m’accompagnera au-delà de la vie
Dans cet étrange univers rêvé
Où l’amour n’a plus de limites

Ta fragilité est devenue un lien
Les fils se sont bâties entre nous
Ils sont devenus lumineux, mais si fins
Qu’un jour l’un d’eux cédera

Celui qui restera traînera son amour
Comme une robe de mariée
Et ramassera la poussière des souvenirs
Qu’il dispersera aux quatre vents

L’autre l’appellera de toute éternité
Jusqu’au jour où viendra l’absent

Alors, nous deviendrons Un
Et ce Un sera l’Infini…

02/04/2016

La fin de l'histoire (29)

Le lendemain, au réveil, Nicéphore eut la ferme conviction qu’il devait repartir à la surface en dépit des risques. Il ne trouverait rien ici qui puisse l’aider à accomplir son destin. Au contact des « sous-terrains », il venait de réaliser un fait qui jusque-là lui avait échappé, une dichotomie existant en chaque homme. Celui-ci est tiré vers deux extrêmes qui sont en lui plus ou moins développés : la personnalité et l’essence. Il avait lu ce constat dans le livre, mais n’avait pas réalisé son importance. La personnalité n’est pas à lui, contrairement à ce que pense la plupart des gens. Elle est le fruit non seulement de son éducation, mais également de ses impressions, de ses sentiments appris selon les circonstances  dans lesquels il a été plongé. La personnalité se forme, en partie, du fait de l’imitation involontaire des adultes. Seuls les petits enfants n’ont pas de personnalité. Leur être est réellement ce qu’il est au plus profond de lui-même. Les « sous-terrains » avaient découvert leur essence, mais ne savaient pas comment l’exploiter. L’essence des hommes peu cultivés est généralement plus développée que celle des hommes cultivés. Ils devraient donc disposer de la capacité de se développer et de s’accomplir. Mais leur personnalité est insuffisamment enrichie. Sans certaines connaissances, sans l’apport d’éléments qui ne leur appartiennent pas, ils ne peuvent pas commencer le travail sur eux-mêmes. En fait ils ont bien une essence, mais celle-ci est le plus souvent morte. Alors eux aussi veulent ce que veulent les autres, par mimétisme. Ils restent donc entre eux comme des enfants et ont peur de leur avenir. Leur personnalité ne voit que ce qu’elle aime voir et ce qui ne contrarie pas leur expérience. Elle ne voit pas ce qu’elle l’aime pas. Jamais Nicéphore ne pourra les convaincre de surmonter leurs appréhensions. Seul l’homme vrai peut pénétrer suffisamment son essence et la développer pour s’accomplir. 

Ce jugement, certes hâtif, le décida. Il devait repartir vers le monde, même si celui-ci avait troqué la liberté contre l’égalité. A midi, il s’esquiva sans rien dire, reprit le long chemin du retour et déboucha à nouveau à la surface, soulagé. Il décida de rechercher Magrit. Il se dirigea vers son appartement. Rien ne semblait changé. Aucun policier en vue. Il monta et sonna à la porte. Magrit vint ouvrir. Apparemment, elle n’avait pas changé. Son visage restait ouvert, ses yeux vifs, son regard pénétrant, mais quelque chose semblait éteint, une ombre recouvrait son apparence.

– Bonjour Nicéphore, entrez, lui dit-elle doucement.

Sa voix ! C’était sa voix qui avait changé. Une intonation inhabituelle, doucereuse, qui mettait mal à l’aise. Elle semblait jouer une comédie. Elle parlait faux, malgré un regard clair. Quelle subtilité de la part de ceux qui avait réussi ce changement. S’il s’était contenté de la regarder, il n’aurait rien vu, rien décelé.

– Bonjour Magrit. Comment allez-vous ?

– Ma foi, bien. J’ai fait un petit séjour à la campagne parce que j’étais fatigué. Mais cela va mieux. Je peux reprendre ma place dans la société.

– Quelle chance, lui répondit-il. Ils conversèrent pendant un quart d’heure, puis Nicéphore prétexta une course importante à faire. Elle lui dit au revoir, sans la moindre émotion, sans même paraître l’avoir connu dans d’autres circonstances. Il remarqua au dernier moment la petite cicatrice au-dessus de ses deux yeux. Elle avait été opérée ! La dP avait encore progressé, elle était capable de remettre, par la médecine, les gens dans le droit chemin.

Il ne fait surtout pas qu’ils me prennent ! se dit-il en regardant autour de lui. Le système social avait du bon : personne ne se méfiait de personne si les comportements étaient bien huilés. Inversement, dès qu’une fausse note, telle qu’une réflexion sur la société, sur la liberté, sur l’égalité, sur le pouvoir politique, apparaissait, la personne était aussitôt prise en charge par la dP.

01/04/2016

A paraître

Dans le courant du mois d'avril, parution d'un nouveau livre :

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Le temps te presse… Et tu résistes
À l’appel de la fin des temps
Le temps te presse… Ne te presse pas...

31/03/2016

Vues multiples sur le monde

Et le monde est Un et multiple.

On y passe en dansant, sans jamais le comprendre!

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30/03/2016

Féminité

Je suis la femme fidèle et bienveillante
Les enfants m’entourent de leurs bras
Les hommes me serrent contre leur torse
L’oiseau vient picorer dans ma main
L’écureuil saute mon épaule et va

J’aime contempler l’innocence du monde
Éprouver la bruine sur mes paupières
Baigner mon corps à la fontaine
Réchauffer celui qui m’a donné sa vie
Et border les petits dans leur lit

Et quand vient l’heure de la mort
Je couvre de mon ombre leur souvenir
Et rend l’hommage affectueux et sincère
A ceux qui attendent pour partir
Qu’un baiser recueille leur dernier souffle

Oui, je suis la femme fidèle et affable
Je suis la caresse avenante et ferme
Je parcours l’univers éperdu et cruel
Et lui donne son attente persistante :
L’amour inépuisable de la féminité !

©  Loup Francart

29/03/2016

Liberté

Il partit un jour, droit devant. Nul ne pouvait l’en empêcher, même pas le seigneur du lieu. Il emportait un mouchoir qu’il avait noué sur un bâton. Il contenait ses trésors : une pipe, un paquet de tabac, un briquet, ses papiers, un livre, un seul. Il marchait vers l’ouest, vers cette mer dont il avait entendu parler. Il ne l’avait jamais vu : un ruban argenté qui bleuissait vers l’horizon. Certains s’y étaient noyés de curiosité. Ils avaient marché jusqu’à l’eau, puis avaient continué, sans se réveiller.

En marchant, il se souvenait. Ils étaient deux, lui et l’autre. Qui était-il ? Il ne sait. Ils s’étaient rencontrés un soir, marchant côte à côte dans une montée. Ils s’étaient échangé une cigarette, avaient parlé, s’étaient apprécié pour leur aptitude au silence. Ils ne s’étaient échangés que trois mots et il ne savait plus lesquels. Mais peu importe, ils marchaient côte à côte et cet effort commun les avait rapproché. Ils avaient dormi sur le bord du chemin, serrés l’un contre l’autre. La nuit est froide en altitude. Ils étaient repartis le lendemain et ne s’étaient plus quittés.

Le troisième jour, ils étaient proches du col. La liberté de l’autre côté. Ils avaient observé les mouvements des patrouilles. Une toutes les deux heures. Cela leur laissait le temps de passer. Ils avaient tenté leur chance, avaient coupé les barbelés, s’était engagé au-delà, dans cette campagne perdue qui leur offrait sa virginité. Un coup de feu ! Un seul. Le compagnon s’était écroulé. Mort sur le coup. Un regard terne, un sourire aux lèvres, le V de la victoire au bout des doigts. Il avait récupéré ses papiers et une lettre que l’homme portait sur lui. Il avait repris sa route, très vite, sans se retourner, après avoir glissé la lettre dans son mouchoir. Il s’était caché dans les fourrés, avait franchi la frontière par une vallée étroite et s’était retrouvé libre, mais seul.

Alors il avait ouvert la lettre. Elle était couverte d’une écriture étroite, les lettres entassées les unes sur les autres au point de se confondre. Le geste était délié, arrondi, poétique. Il finit par pouvoir lire :

Je te suis depuis des jours
Ta silhouette, mon guide
Me devance au carrefour
Et me fait apatride

Rien d’autre. Mais cela avait suffi à le motiver. Il avait marché des semaines, rompu avec la société, ne tendant que vers son but, l’océan. Il ne l’avait pas atteint. C’était son destin.

La liberté, c’est ne rien avoir pour être pleinement.
La liberté peut-elle se vivre seule ?

 

28/03/2016

La fin de l'histoire (28)

Il put passer la première nuit avec eux. Ils l’installèrent dans une pièce qui tenait lieu de dortoir. Trois d’entre eux restèrent avec lui et commencèrent à se déshabiller sans aucune gêne. Ils enfilèrent des sortes de pyjamas, déballèrent des matelas qui étaient dans un coin roulés en boule et se couchèrent dessus sans un mot. Ils s’endormirent vite, le laissant seul avec ses interrogations.

Que faire ? se demanda-t-il. Mon chemin se trouve entre deux attitudes : la passivité imposée par l’avertisseur ou une liberté non conquise qui ne mène à rien. Entre les deux, il n’avait connu que sa propre voie qui le laissait insuffisamment expérimenté et celles de Charles et Magrit qui s’étaient fait prendre par la dP. Y a-t-il des hommes réellement libérés ?  Et même s’il en trouvait, l’aiderait-il à parfaire sa libération ? Ne risquait-il pas de se trouver lui-même prisonnier d’un maître qui le contraindrait à pratiquer des voies auxquelles il n’adhérerait pas. Oui, il tenait à sa propre liberté, une liberté consciente et non une soumission à un gouvernement, un maître qui lui impose ses pensées et actions.

Il se souvint avoir lu dans le livre que lui avait donné Charles qu’il existait trois sortes d’hommes qui sont en recherche de la liberté réelle : le fakir, le moine et le yogi. Le fakir travaille sur son corps physique et s’impose bien des épreuves pour se libérer de cet esclavage au corps. Il peut se tenir debout, sans un mouvement, pendant des jours entiers sous le vent, la pluie, la neige ou le soleil ardant. Il peut finir par dompter son corps, mais ses émotions et ses pensées restent non développées.  Il a conquis la volonté, mais il ne possède rien à quoi il puisse l’appliquer. Le moine  travaille sur ses sentiments. Il soumet toutes ses émotions à une seule émotion, la foi. Il développe en lui-même l’unité, mais une unité qui éteint son corps physique et sa raison. Enfin, le yogi travaille, lui, sur son intellect. Il sait, mais ne peut tirer parti de sa victoire sur lui-même. Cette vision des choses lui avait paru enfantine malgré ses apparences méthodologiques. Il était évident que le fakir devait obligatoirement maîtriser ses émotions et son intellect s’il voulait arriver à la maîtrise du corps, que le moine ne pouvait atteindre la spiritualité sans un certaine maîtrise du corps et de la raison et que le yogi ne peut devenir son propre maître que par, au moins au début, imitation d’un véritable maître.

Le livre donnait alors la possibilité d’une quatrième voie qui ne peut être enseignée. Elle doit être trouvée et cet effort pour trouver est le premier test sur la voie de la libération. Cette voie n’exige pas le renoncement. Au contraire, les conditions de vie habituelles où il se trouve placé sont les meilleurs, car elles sont naturelles. La voie n’est pas liée à des exercices, la maîtrise des émotions ou le savoir, mais à la compréhension par l’expérience, par l’accumulation d’échecs, de petites victoires et de franchissement de barrières difficilement identifiables, mais réelles. Le livre appelait cette voie celle de l’homme rusé. Il dépasse la recherche sur les différents Je qui constituent son moi. Il s’élève vers un soi qui dépasse son corps, ses émotions et son intellect, ou plutôt qui en fait la synthèse et sait les faire fonctionner ensemble.  Mais comment conduire les rares personnes ayant un besoin de liberté suffisamment fort à une telle unité. Il voyait bien que tout arrive en l’homme, qu’il n’était pas maître de lui-même et que cette maîtrise demande un long apprentissage hors des sentiers battus, dans lequel les circonstances extérieures jouent un rôle important. Lui-même en serait-il là s’il n’avait pas eu les contraintes qui se sont révélées à lui. Attention, se dit-il, ne pas te considérer différent ! Oui, entre en toi-même, ne te laisse pas prendre au jeu des comparaisons ! Là-dessus, il s’endormit profondément.

27/03/2016

Pâques 2016

La vie ? Des flashs de bonheur dont les images éparses n’ont pas de cohérence thématique. Le bonheur n’a pas d’homogénéité. Il est, dans sa force, sa soudaineté et sa fuite. Il est l’instant pur, le moment où le ciel se confond avec la vie. Chacun d’entre nous vivons quelques instants magiques où le cœur se dilate et s’emplit d’une profondeur que nous n’avions jamais soupçonnée. Alors la lumière intérieure s’accroît. Une étrange envie de crier, de chanter, de danser prend le corps et l’âme. Il n’y a plus d’idées. Absence d’idées. L’idée n’est pas la chose. L’idée n’est pas bonheur.

Quel est le plus grand bonheur ? Je crois que c’est réaliser ses aspirations les plus profondes. C’est un bonheur à construire, difficile à assumer, car le monde s’obstine à vous faire dévier de cette vocation qui est une lumière dans les jours. Quel bonheur de vivre l’instant présent dans la campagne, marchant dans cette terre chaude, odorante, fumante des jours de printemps. Oui, la nature comble le vide de l’âme par sa présence sensuelle. Le bonheur est dans cette rencontre de l’âme et du corps, de l’aspiration et de la sensation, de l’idée de l’amour et de l’amour lui-même. L’amour est cette transformation mystérieuse, inexplicable, de notre vision du monde. La pesanteur des jours devient apesanteur des instants. Alors, le bonheur, intemporel ! Chacun de ces instants ne constitue pas le temps. Ce sont des trous dans le temps, des îles sur les flots de notre histoire personnelle, le passage au-delà du miroir de nos opinions.

Et chaque jour ces instants sublimes de bonheur nous donnent une idée de la résurrection : un trou d’air qui s’éternise !

26/03/2016

Demain

La ville se prélassait derrière la vitre :
Des tours,  des barres, des hublots,
Des immeubles, des maisons, des taudis ;
Tout cela devant le moutonnement des nuages,
L’épaisse couche de ouate salie.
Elle le regardait, redevenue enfant,
Le visage détendu, le regard lavé,
L’inquiétude se lisait dans ses yeux
Mais le cœur restait calme et léger.
Elle mit son front dans le creux de l’épaule
Elle hoqueta une fois, doucement,
Pleine de sa sérénité royale,
Donnant le change, bonne comédienne,
Enfant jouant les adultes,
La tendresse au bout des doigts,
La pesanteur de son corps
Remplaçant sa liberté apprise.
Elle lui tendit ses lèvres, chaudes,
Ruisselantes de bonheur promis,
Lui caressa la joue, l’enveloppant
De fragrances pénétrantes.
Son souffle... comme un vent d’air frais
Sur la plaine ouverte devant eux.
Ils joignirent leurs aspirations,
S’enivrèrent l’un de l’autre,
Mêlant la source de leur être
Et se réfugièrent, enlacés
Là où plus rien n’existe,
Que la vie, indéfectible.

Demain sera un jour nouveau !

©  Loup Francart

25/03/2016

L'arrivée de l'anneau de Jeanne d'Arc au Puy du Fou

Un hommage à Jeanne d'Arc qui fait du bien :


 

24/03/2016

Fausse perspective 2

Les rues s’enchevêtraient
Un plan de ville en contradiction
Rien ne se trouvait à sa place
Portes au dernier étage
Fenêtres ouvrant sur la lueur
Des perspectives brisées

12-07-01 Fausse perspective2.jpg

Il a vu l’envers du décor
Cette zone incertaine
Où le cœur chavire
La raison s’efface
Les impressions basculent
Pourtant, quel sage équilibre :
De quel côté se situe-t-il ?

23/03/2016

La fin de l'histoire (27)

Il n’eut cependant guère le temps de disserter intérieurement de ces points, étant interrogé par de nombreuses personnes, curieuses et entreprenantes.

– D’où venez-vous ?

– Que vous est-il arrivé ?

– Comment avez-vous fait pour que votre indicateur ne s’allume pas ?

Tous posaient ces questions légitimes d’une voix inquiète, tendue, comme si son avenir en dépendait. Nicéophore s’inquiéta : qu’ont-ils tous à m’interroger ainsi ? Soudain, il comprit. Aucun d’entre eux n’était réellement libre. Ils avaient naturellement été rendus libres puisqu’on leur avait arraché leur indicateur. Mais la liberté ne se décrète pas, on ne peut l’imposer. Elle demande un effort personnel, une longue quête qui conduit à une libération progressive. Ces gens étaient perdus. Ils n’avaient pas vécu l’apprentissage de la liberté. Comme des enfants, ils ne savaient que faire et se réfugiaient dans un monde caché où les initiatives étaient limitées. Que faire ? Y avait-il quelqu’un qui pouvait penser en toute conscience ? Il fallait qu’il en eût le cœur net :

– Attendez, s’il vous plaît. Je ne peux répondre à tous en même temps. Avez-vous un chef, quelqu’une qui dirige votre groupe ?

Une femme répondit :

– Non, bien sûr. Nous sommes libres. Nous n’avons pas besoin d’un chef. La liberté nous tient lieu de règle et rien d’autre n’est nécessaire.

Il se laissa entraîner dans une salle basse, aménagée avec des tables et des chaises installées en rond. Ils s’installèrent et me placèrent de telle sorte que tous pouvaient me voir. Un homme se fit l’interprète :

–  C’est la première fois que nous voyons quelqu’un qui est encore en possession de son avertisseur et qui, malgré tout, est libre. Comment avez-vous fait ?

Nicéphore raconta sa délivrance progressive, ses doutes, ses efforts, ses échecs, la nécessité de poursuivre sans cesse les exercices qui lui permettaient d’atteindre cette liberté qu’il désirait par-dessus tout. Les « sous-terrains » (c’est ainsi que sont appelés ceux qui se réfugient sous la ville) le regardaient comme une espèce de surhomme, allant jusqu’à le toucher pour s’assurer de sa réalité. Il éprouva deux sentiments contradictoires face à leurs réactions. C’étaient des enfants, avec une conscience à fleur de peau. Ils n’agissaient pas et ne pouvaient que réagir. Comment cependant en étaient-ils arrivés à saisir que la méditation quotidienne qu’ils pratiquaient était ce qui leur permettait de maintenir une certaine liberté malgré tout ? Il ne le comprenait pas. Il éprouvait dans le même temps une certaine tendresse vis-à-vis d’eux. Leur gentillesse le frappait. Bien qu’ils soient désordonnés, sans objectifs, sans même un mode de vie consciemment conçu, ils n’avaient aucun malentendu, brouille ou même jalousie entre eux. Ils étaient de bons camarades, voire même, entre certains hommes et femmes, de bons couples. Et la société semblait exister d’elle-même, sans qu’il soit nécessaire de disposer de règles.

22/03/2016

Noyade

Ouvre tes mains
Laisse-toi pénétrer de lumière
Lâche ta tension pesante
Cesse tes plaintes
Souris à la fourmi sur le gravier
Observe le plongeon de l’oiseau
Vers le moucheron suspendu
Écoute le bruit d’ailes
Des abeilles bourdonnantes
Vide ton cœur de ses trésors
Remplace-les par la résonance
Tremble devant l’inertie
Des hommes qui n’agissent pas
La parole est leur action
Elle est improductive
Sans odeur ni saveur
Elle harangue sans effet
Ils sont gonflés de mots
De verbes inoffensifs
De hurlements sauvages
Qui se retournent contre eux
Ils sont dans l’immédiat
Alors que l’expression
N’est que de longue portée
Claque les doigts
Marche avec tes pieds
Courent sur tes jambes
Foncent vers l’espoir
De tes remuements
Ne dis rien
Laisse-les parler
Remuer leurs lèvres desséchées
Garde ton cœur vierge
Sans une larme, sans un regard
Avance sur la scène de la vie
Ne regarde pas en arrière
Noie-toi dans l’absolu
Et prend ta jumelle
Pour contempler les mouches
Sur l’orange malmenée…

©  Loup Francart

21/03/2016

Rêve

Ils sont là, face à face...

Ils se regardent...

Qu'éprouvent-ils ?

16-03-21 ET.jpg

Oui,

C'est la rencontre  du réel et du virtuel...

20/03/2016

La fin de l'histoire (26)

Enfin, un gong retentit, assez léger, laissant une vibration prolongée dans l’air. Il entendit des frôlements, des mouvements, puis quelques pas et il ouvrit les yeux. Les participants à cette réunion avaient bien, tous, une sorte de trou au milieu du front. Ils s’étaient fait retirer l’indicateur. C’était comme une sorte de troisième œil. Cela leur donnait un air décalé, plus grand, plus aérien. Ils semblaient flotter, emplis de majesté. Cependant, en interrogeant ceux-ci, il comprit vite que ce n’était pas le cas. Tout d’abord, ils n’avaient aucune prétention de mysticisme ou même de sagesse. On remarquait également qu’ils avaient peur, malgré tout. Enfin, ils ne cherchaient nullement à se comparer les uns aux autres. Il sembla à Nicéphore que le maître mot de cette communauté était la liberté. L’égalité leur importait peu puisque l’essentiel était de rester libre, chacun individuellement. De même leur conception de la fraternité n’avait rien à voir avec l’idée qu’il suffisait de prendre aux riches pour donner aux pauvres pour établir une fraternité. Celle-ci leur semblait tellement factice. Seule la clarté de la liberté leur suffisait, sans autre modèle à pourvoir.

Nicéphore prit conscience de la dualité existant entre la liberté et l’égalité. Les mots semblaient aller de pair et faisaient noblement, avec le troisième, une trilogie vaillante et sans défaut. Mais en y regardant de près, il se rendait compte d’une impossibilité d’existence entre les deux premiers. L’égalité est inconciliable avec la liberté. À vouloir une égalité à tout prix, en l’imposant de par la loi et un consensus politiquement correct, la liberté n’existe plus. C’est le cas de notre société, se dit-il. Ainsi la belle promesse républicaine à laquelle les gens de la surface tenaient tant, n’était que la malédiction d’une idéologie bien-pensante et endormante. La parole remplaçait l’action, les décisions étaient longues à venir et souvent changeaient entre le moment de leur conception et celui de leur mise à exécution. Ici, en ce lieu sous-terrain, il lui sembla que les choses se passaient différemment. Il n’était pas en mesure de juger de la manière de prendre les décisions. Mais le calme et l’acuité des réflexions promettaient sans nul doute un meilleur équilibre et surtout une plus grande liberté dans la société.

19/03/2016

Etonnement

S’étonner, c’est toujours détonner
Tout dépend, bien sûr, du ton donné
Cela conduit à une franche adhésion
Ou peut provoquer une âcre division

Mais d’où naît cet éclair sagace ?
Pour certains c’est un trou noir fugace
Pour d’autres, un soleil jaillissant
Une explosion dans un silence angoissant

Et cet éblouissement soudain
Utilisé par d’inhabituels aigrefins
Devient un déclic judicieux

Il crée soudain un état d’objectivité
Fait naître l’étincelle de la créativité
Et ouvre un passage, sublime et malicieux

©  Loup Francart

18/03/2016

Folie

A porto, les Portugais sont gais. Ils allument des bougies dans leur tête, sourient au cosmos et partent nus vers les champs de fleurs. Ils s’enivrent de leurs odeurs sacrées, se roulant dans le foin, embrassant qui ils veulent. Les plus habiles à ce jeu sont les Portugaises. Elles courent de l’un à l’autre, leur minois épanoui, la bouche ouverte sur leurs dents acérées et empoignent les garçons comme des sacs de ciment.

Dans la journée, rien n’apparaît de ces ripailles insolites. Elles travaillent à la maison, entretiennent leur chez elle, jettent un œil à la rue, mais jamais ne sortent sur la chaussée et dansent le Fandango. Au crépuscule, les Portugaises deviennent des loups. Leurs yeux brillent dans l'obscurité et les lucioles courent vers la plage. Elles retirent leurs chaussures, ne gardent que leur chemisier et une jupe légère, puis, doucement, commencent à tourner en rond, les bras levés. C’est une offrande lente à l’obscurité qui tombe. Elles contournent les jeunes hommes d’un pied léger, le regard conquérant, la chevelure en désordre, et se couvrent d’une mince rosée de transpiration qui naît d’elle-même une fois arrivées sur la plage. Leurs aisselles dégagent de lourdes senteurs, leurs jambes s’agitent peu à peu. L’une d’elles se met à chanter d’une voix de basse, doucement, tendrement, comme l’appel d’un moineau sur la gouttière. Elles se regardent, se sourient et se rassemblent sans bruit, sans ordre, instinctivement, comme mues par un ressort interne.

L’une d’elles, la plus hardie, lève les bras et les autres de même. Elle tourne sur elle-même, et les autres de même. Elle esquisse un pas de danse, et les autres de même. La chanteuse chante alors d’une voix claire, elle conte les nuits écrasantes de chaleur, les draps qui collent aux jambes, la gorge sèche, le désir ensevelie dans la chambre et la lune qui, au dehors, leur échauffe le corps. Soudain, la danse commence, d’un seul mouvement, en parfaite harmonie. Elles tournent sur elles-mêmes et répètent les mêmes pas de danse en un piétinement endiablé qui les rend roses d’excitation. La bouche ouverte, le visage exalté, la chevelure en désordre, elles se mettent à chanter ensemble, d’une seule voix grave, emplie d’élans incontrôlés, le regard perdu, les mains tendues vers l’unique. Mais il n’est pas là.

Elles se tournent alors vers la mer, vers la vague qui vient caresser leurs pieds. Cela les rafraîchit, elles accélèrent le rythme, tapant dans leurs mains, frappant du pied, poussant de petites exclamations rauques. La mousse blanche de l’eau s’agite, les couvre de pellicules foncés, puis alourdit leurs jupes qui se collent aux cuisses et mettent en valeur leur déhanchement. D’un seul geste simultané, elles en dégrafent la taille et laissent tomber le morceau de tissu qui baigne dans l’écume et s’éloigne vers le large. La danse devient folie, elles piétinent sur place, prises de tremblements saccadés, certaines commencent à hurler dans leur chant à la terre féconde, d’autres pleurent tendrement, sans un cri, les yeux baignés d’eau de mer. Elles s'enfoncent dans le miroir brillant jusqu’à la taille, mais leur souplesse et leur jeunesse les rend agiles. Elles se sourient, se prennent la main, se serrent entre elles à certains moments, puis s’écartent brusquement, progressant plus avant vers l'océan qui s’ouvre joyeusement, leur préparant une place privilégiée. L’excitation est à son comble, elles ne se rendent compte de rien, toutes à leur affaire. L’eau atteint le menton, elles boivent de grandes gorgées de mer, hoquetant, agitant les bras.

Et bientôt on ne voit plus que ces mains qui s’agitent hors de la surface, puis disparaissent dans l’écume. Encore quelques instants de mousse blanchâtre, puis plus rien. La nuit est là.

Les garçons rentrent chez eux sans un mot. Cette nuit, ils rêveront de ces silhouettes dansant sous la lune et se donnant à l’océan, nues de plaisir anticipé.

17/03/2016

Onde de choc (pictoème)

Un bris de glace…
L’éparpillement du verre…
L’effroi des indolents…
Le cri d’une femme…
Les regards d’effarement…


16-03-15 Onde de choc.jpg

 

Trois gamins qui rient
Et cherchent leur ballon
Sur le pavage noir et blanc !