20/10/2015
Isabelle Jarousse, peintre sur papier
Depuis plus de vingt ans, elle inscrit dans le papier qu’elle prépare elle-même des dessins fait avec un pinceau très fin, petit, fait de personnages, d’animaux et de végétaux.

Du rêve préparé, plongeant dans l’inconscient, toujours sur fond noir. Pas une couleur. Noir et blanc inlassablement.

Parfois, il n’y a même plus de dessin, de simples formes qui seules rythment le papier.

D’autres fois, même le papier se rythme en sculpture et forme des vibrations.

Le papier devient étoffe, le dessin devient jardin, et l’on part, vêtu d’enchantements, le nez au vent !
Isabelle Jarousse expose à Paris (elle travaille à Lyon) dans la galerie Béatrice Soulié, 21 rue Guénégaud - Paris 75006.
07:05 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, dessin, noir et blanc, encre de chine, papier, sculpture |
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19/10/2015
Le miroir 7
Ils finirent par nous relâcher sans même nous demander nos papiers d’identité que j’aurai été, quant à moi, en mal de leur présenter. J’invitai la jeune femme à prendre un verre pour me faire pardonner, ce qu’elle accepta volontiers. Installés dans le fond d’une des nombreuses boutiques de restauration de l’aéroport, nous fîmes connaissance. Je lui racontai mes malheurs, la présence d’un double capricieux, les incidents déjà arrivés, sa fuite tout à l’heure dans le passage. Elle me regarda un peu affolée, puis prit le parti d’en rire, d’abord doucement, puis ouvertement et plus bruyamment.
– Je n’aurai jamais l’imagination pour raconter une telle histoire. Vous croyez que je vais vous croire ?
– Peut-être pas. Mais c’est néanmoins la vérité.
– Allons. Mais c’est impossible ! Ce que l’on voit dans une glace n’est qu’un reflet de notre personne. Ça n’a pas de volonté propre, ça n’est pas une personne à part entière. Rien qu’un simple reflet de vous-même résultant du tain qui se trouve sur l’autre face de la vitre. Ne me faites pas croire que vous adhérez à ce que vous venez de me raconter !
– Mais je vous assure que je vous dis la vérité.
– Alors donnez-moi une preuve de ce que vous avancez.
Je cherchais quel type de preuve je pourrais lui apporter. Ma valise ! Elle avait bel et bien disparue. Je lui en fis part. L’argument ne parut pas la convaincre, mais elle y prêta cependant attention. La disparition de mon double fut rejetée aussitôt. Mais quelques instants plus tard, elle me demanda innocemment de l’accompagner aux toilettes.
– Oh, en tout bien tout honneur, me dit-elle d’un air charmant. Je veux seulement vous voir vous regarder dans une glace.
Nous voilà partis dans les toilettes des femmes, bravant les protestations de nombre d’entre elles qui attendaient leur tour.
– Fermez les yeux, m’ordonna-t-elle en me mettant devant un lavabo surmonté d’un miroir. Elle se tenait derrière moi et quand elle me dit de les ouvrir, je ne vis qu’elle. Je me cherchais, mais rien, pas l’ombre d’une ombre de moi-même.
– Vous voyez bien que vous êtes là, me dit-elle.
Je ne répliquais pas. Elle me voyait sans doute, là, face à moi-même, semblable à moi. Mais moi, je ne me voyais pas. Ma personne n’était plus là. Mon double avait bel et bien disparu. Je n’existais plus. Inconsciemment, je me tâtai, me pinçai. Je me sentais cependant bien là. Mais il n’y avait rien dans le miroir. Elle vit mon air désolé, comprit que je ne me voyais pas et partagea mon incompréhension et ma douleur. Elle me proposa de boire quelque chose pour me remettre de cette mauvaise nouvelle. L’avion était parti, mon voyage tombé aux oubliettes, mais je restais finalement serein. J’étais délivré du poids de mon apparence. Avec ma valise, j’avais perdu mon appartenance sociale. J’étais libre de dire à cette jeune femme la joie que me donnait son charmant sourire.
07:29 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : récit, nouvelle, insolite, symétrie |
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18/10/2015
Destinée
La vie, c’est cette tête d’épingle
Que l’on a du mal à domestiquer
Ce n’est ni le mont Everest
Ni les collines de la satiété
C’est un pic qui vous fait frissonner
C’est un creux où l’on enfonce le doigt
Il ne dure qu’un instant, immense
Et s’en va aussi vite qu’il est venu
Vous laissant hagard et délirant
Secoué de tremblements de bonheur
La vie se révèle alors, intense
Embrasant l’univers, vous et lui
D’une même flamme aspirante
Qui vous fait repartir, ragaillardi
Vers un autre sommet, différent
Et c’est cette succession de haut et de bas
Qui fait la magnificence d’une destinée
Différente pour chacun, inégalée
En intensité et en circonstances
Mais qui conduit, pour tous
A cette extase d’un jour qui vous fait dire
Si c’est à refaire ? Oui, tout de suite !
Peut-être cela sera différent
On ne peut vivre deux fois la même chose
Mais les péripéties n’ont pas d’importance
Seul compte le frisson d’un instant
Cette envolée inénarrable de quelques secondes
Qui transforme l’homme ou la femme
Et le ou la fait devenir Dieu
Dieu a fait l’homme pour que l’homme devienne Dieu
© Loup Francart
07:31 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature |
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17/10/2015
Voix bulgares
https://www.youtube.com/watch?v=7gaQMUecZQc
Comment ne pas résister à ces voix qui nous disent la beauté des montagnes bulgares et le bien-être des rencontres humaines. Pourtant ces voix ne sont pas travaillées à la manière occidentale en utilisant la résonance du pharynx. Elles sortent le plus souvent directement de la gorge (exemple en 19:00), style de chant inacceptable en musique classique.
On pourrait penser au chant corse dans la manière d’improviser sur la note de départ, s’éloignant progressivement de celle-ci en commençant par des écarts d’un seul ton, forme inusitée également en musique classique. Celle-ci tourne autour de la voix principale, s’enroule comme un serpent autour de celle-ci, revenant souvent à l’accord de seconde, caractéristique du chant bulgare.
Le chant est souvent rompu par des changements de rythme, comme un vent de folie dans l’écoulement du temps et des choses.
Enfin, quatrième caractéristique, le chant est parfois rythmé par la parole, un peu à la manière du chant parlé (si l’on peut appeler ainsi ce genre) ou du spoken word ou encore du slam.
Cela peut devenir une véritable cacophonie comme en 39 :12. Mais même celle-ci est belle en ce sens qu’elle exprime la particularité du pays, la résonance des voix au travers des montagnes, le son des cloches se propageant dans la froideur de l’air.
07:33 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique du monde, chant populaire, polyphonie, a capella |
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16/10/2015
Youth 2
Dans la nuit m'est venue une réflexion sur le film :
Le film est également plus profond qu’il n’y paraît de prime abord. Il met en évidence diverses façons de devenir vieux.
La première est celle choisie par le chef d’orchestre : je prends ma retraite, donc je ne fais rien et je vis l’instant, sans continuité. Il abandonne même la passion de sa vie, la musique, à laquelle il a tout sacrifié.
La seconde manière, à l’opposé, consiste à poursuivre ses activités premières jusqu’au bout, à ne jamais s’arrêter, à mourir debout, à la barre, sans un soupir de soulagement. C’est ce qu’a fait le réalisateur qui s’est jeté par la fenêtre de déconvenue. Son dernier film, son chef d’œuvre, ne sera pas. Youth n’évoque que très brièvement la troisième manière de vieillir et la quatrième n’est pas recensée.
La troisième emprunte au démon de la quarantaine. Changer de vie, la reprendre d’une manière plus dissolue, faire sauter les contraintes et jouir de la vie sans se soucier des conséquences. Abandonner sa femme, laisser ses enfants, choisir une jeunesse ou au moins une plus jeune et se donner l’illusion que la vie reprend avec dix ou vingt ans de moins. On efface tout et on recommence. C’est un peu, maladroitement, ce qu’a tenté la belle Jane Fonda dans une crise de rupture avec le réalisateur. Elle se la reprochera jusqu’à la fin.
Enfin, la quatrième solution est tout simplement de vivre sa vieillesse : utiliser ce temps utile pour se découvrir soi-même, pour développer ce qu’il n’a fait qu’entre-apercevoir, pour laisser murir son vrai moi, non pas celui que la société a voulu de lui, mais celui auquel il a rêvé sans se donner la peine de le construire, trop pris par ses nombreuses activités qui lui cachait ce soi inscrit au plus profond de lui-même. Plus de faux semblant, plus de leurre, face à soi-même vivre dans la plénitude en s’allégeant des obligations et construire sa vraie personne en découvrant et développant ce pour quoi il a été fait. Chaque homme, chaque femme dispose en lui, en elle, d’un potentiel, le plus souvent insoupçonné, de réalisation de soi. Seuls quelques rares humains le met en oeuvre au cours de leur vie active, d’autres ne le font qu’au cours de leur retraite, d’autres encore y rêvent toute leur vie sans jamais oser se lancer, enfin certains ne saisissent pas de quoi il s’agit. Le dépouillement n’est pas leur fort. Ils préfèrent finir riches extérieurement et pauvres intérieurement plutôt que l’inverse. Mais ces deux alternatives cachent la vérité : dépasser ces opposés. Thèse, antithèse, synthèse, direz-vous. Non, découvrir l’invisible derrière le visible.
06:57 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, vieillesse, méditation |
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15/10/2015
Youth, film de Paolo Sorrentino
Un film magnifique qui réconcilie avec le cinéma dont les nouveautés sont plutôt désolantes en ce moment.
Les critiques dont tout l’art est de trouver parmi des images enchanteresses et des réparties divines, la faille qui renverse la vapeur et fait d’une merveille un
navet, ces critiques nous disent que c’est un film vieux pour les vieux. Et il s’appelle « youth ». Quelle idée ! Il est vrai qu’il n’y a pas grand monde dans la salle, une dizaine de personnes au mieux. Heureusement, la vendeuse de billets me dit d’un air sérieux : « Ah, le magnifique Youth ! ». Rien de plus, mais elle avait senti le génie du réalisateur : faire un film sur la jeunesse en la regardant avec les yeux d’un vieux. On croise de nombreux vieillards caractériels et plaisantins : en tout premier l’acteur Michael Caine, 82 ans, un chef d’orchestre en retraite, et son ami Harvey Keitel, 76 ans, réalisateur, Jane Fonda, star dédaigneuse de 77 ans, et quelques jeunes dont Paul Dano, un acteur au sourire sympathique, mais timide, ou Rachel Seisz jouant la fille du chef d’orchestre et délaissée par son mari le fils du réalisateur.
Mais les acteurs ne font pas tout le charme du film qui est plein de trouvailles et de bons mots. Des flashes sans rapport avec l’histoire apparaissent et donnent au film une tension bizarre, comme un brouillard dans la tête des spectateurs ou une remémoration sans fil directeur. Oui, c’est la vieillesse, direz-vous. Et c’est bien plus, c’est le souvenir d’un instant, le désir d’un temps qui reste, la réalité d’un temps qui passe. C’est la démonstration du réalisateur lorsqu’il montre à une jeune fille les montagnes lointaines au travers d’une lunette : comme elles semblent près, lui dit-il. Puis il retourne l’appareil et lui montre ses amis qui sont près d’eux : comme ils vous semblent loin. C’est ce qu’on voit quand est vieux, finit-il par lâcher.
Finalement le film tourne autour de ce qui caractérise la vie pour Paolo Sorrentino : le désir. Ses personnages continuent à avoir des désirs, malgré leur âge. Ce sont des désirs ténus : un clin d’œil sur Miss Univers qui descend nue dans la piscine, un regard sur la brutalité de l’amour et de l’assouvissement, le corps dansant de la jeune masseuse et même le bouddhiste qui se met finalement à léviter contre toute attente. Le désir, c’est la preuve qu’on est vivant, explique le chef d’orchestre.
Que leur reste-il ? Les émotions qui avivent le désir et le rend plus pénétrant jusqu’à se laisser mourir s’il n’est plus, tel le réalisateur. Tu dis que les émotions sont surestimées, mais les émotions sont tout ce qu’on a, nous dit Michael Caine. Ce ne sont pas des émotions visibles, provoquées. Ce sont des instants de bonheur subtil qui vous font dire qu’au travers de ces scènes où la vieillesse tient le rôle principal, la vie reste toujours aussi déconcertante de beauté.
07:18 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, vieillesse, méditation |
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14/10/2015
Marine
Il partit loin de tout, au-delà de sa volonté
Il enjamba de nombreux barrages
Il se contorsionna et s’enveloppa de courage
Il arriva au port du fond des mers
Et coucha dans le premier lit venu
Le lendemain il embarqua sur le voilier
Et partit sur l'océan, assoiffé…
Il parcourut la moitié de la terre
Et la moitié des cieux bleus
Toujours enfoui à mi-torse
Dans les huniers au sommet des mâts
Il voyait les animaux volants autour de lui
Il sentait la fin arriver, un air de musique
Tendu entre deux cordes raides
Crac. Elle cède sous la pression inusitée
Des vers de carabin enfilés sur une aiguille
Et l’homme dénudé s’engloutit dans les eaux
En fumant sa pipe vénérée. Ah, la marine !
07:24 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature |
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13/10/2015
Le miroir 6
Depuis cet incident, je me tenais sur mes gardes. Pas question de recommencer un tel cirque ! Tout d’abord j’évitais tous les miroirs. Ce n’était pas facile, car je devais être constamment attentif. Certains surgissaient juste derrière un angle mort. J’avais un sursaut indigné et faisais immédiatement demi-tour. D’autres se cachaient derrière une porte. Je la fermais aussitôt. J’évitais également les rues trop peuplées et préférais les petites ruelles calmes dans lesquels les pièges pouvaient être déjoués. Cette tactique fonctionna très bien pendant pas mal de temps.
Un matin, sortant de la douche nu comme un vers, je me rendis compte que mon double disparaissait dans la glace. Ah ! Le fait d’être nu à un impact sur ton comportement, lui murmurai-je. J’échafaudai plusieurs plans pour utiliser cette information intéressante, mais j’en revenais toujours au même point : je ne pouvais sortir dehors nu sous prétexte que mon double ne pouvait plus me créer d’ennui. J’avais vu la veille à la télévision une émission assez drôle et instructive intitulée « Nus et culottés ». Deux hommes faisaient le pari d’atteindre telle région en partant nus comme des vers d’un endroit éloigné. Il leur fallait trouver de quoi aborder quelqu’un qui pourrait leur prêter des vêtements. Ils cherchaient dans les champs de la mousse, une vieille bâche, tout ce qui pourrait au minimum protéger leur sexe du regard des autres. L’émission était drôle, les acolytes délurés, les participants généralement bons enfants. Mais je dus abandonner cet espoir. Dès que je me procurais le moindre cache d’une partie de mon corps, mon double était à nouveau là, pouvant gâcher une journée de quelque manière que ce soit.
Au fil du temps je m’habituai à cette situation imprécise dans laquelle je devais être en permanence sur mes gardes tout en étant détendu. Mon acolyte me laissa tranquille pendant plus d’un mois, préparant son coup final lui permettant d’échapper à sa situation de copiste et de prendre une indépendance bien méritée, du moins devait-il le penser. Un après-midi, devant prendre l’avion pour New-York, je me trouvais à l’aéroport Charles de Gaulle, sortant de la navette reliant les différents terminaux. J’avais bien entendu repéré le passage entre deux miroirs assez importants, mais ne pouvais trouver un autre chemin pour atteindre la porte 7 où se trouvait l’embarquement. Regardant bien droit devant moi, je me proposai de passer d’un pas rapide, les yeux quasi fermés. Malheureusement, la jeune femme qui marchait devant moi cassa une roulette de sa valise. Celle-ci s’ouvrit et se rependît par terre, me faisant tomber parmi des bas et des petites culottes. Celle-ci, confuse de montrer tous ses dessous (même si elle ne les portait pas !), me regarda d’un air furieux.
– Vous pourriez faire attention, me lança-t-elle.
– Mais Mademoiselle, je n’y suis pour rien. Quelle idée de voyager avec une valise aussi peu sûre.
Évidemment, j’oubliai mes précautions, dirigeant mon regard à droite et à gauche pour prendre les passants à témoin. Je vis alors mon double se détacher de moi, se diriger vers la femme, ma foi assez jolie, et la saisir par le cou d’un air furieux. Il révéla en un instant sa véritable nature, je dois dire assez différente de la mienne. J’étais moi-même calme, ayant compris le cocasse de la situation, alors que lui se sentait ridiculisé et s’offusquait. La jeune femme était elle-même assez troublée. Elle me regarda d’abord directement, semblant prendre elle-même conscience du comique de la situation, puis tournant la tête vers le miroir, prit un air affolé à la vue de l’action qu’entreprenait mon double. Son regard devint trouble. Elle ne comprenait plus ce qui se passait. Je la vis porter sa main à son cœur, pousser un grand cri qui fit se retourner les gens, puis tomber à terre comme une poupée de chiffon. Je vis également mon double lui sauter dessus, lui arracher son collier, prendre ma valise et partir tranquillement sans que personne n’ose s’interposer. Quant à moi, j’étais les bras ballants, décontenancé, tentant de relever la jeune femme. Les voisins immédiats s’en prirent aussitôt à moi :
– Mais Monsieur, que faites-vous ? Ne bougez plus. Nous appelons la police de l’aéroport.
Un homme vigoureux me prit par le cou, m’immobilisant d’une prise de judo efficace. Je ne pouvais même pas parler et protester. Je vis mon double sortir du miroir et je sus que j’allais avoir des ennuis. Il avait attendu jusqu’à maintenant, mais il avait su profiter de la situation avec un aplomb incroyable. Tourné vers la sortie du couloir, je ne savais si on voyait l’absence de mon double. La police de l’aéroport arriva assez vite, écouta les explications des personnes présentes sans même m’interroger. Les agents de sécurité me passèrent les menottes. J’étais tellement suffoqué que je ne pus dire trois mots d’explication. Je ne comprenais d’ailleurs rien à ce qui s’était réellement passé. La jeune femme me regardait d’un air triste, ne comprenant pas non plus l’enchaînement des situations. Nous fûmes emmenés au poste de police de l’aéroport. J’avais tout perdu, ma valise, mes papiers qui se trouvaient dans la poche de sécurité de celle-ci et mon double. J’étais quasiment nu, tout au moins psychologiquement. Je me sentais cependant libéré d’un poids. J’étais plus léger, plus aérien. J’avais presqu’envie de rire. La situation n’invitait cependant pas à cela. La jeune femme me regardait maintenant avec attendrissement. J’avais contemplé un instant son intimité et cela semblait l’amuser après le moment de honte qu’elle avait manifesté au début. Elle avait oublié l’incident provoqué par mon double, portait bien son collier qui lui avait cependant été subtilisé par quelqu’un qui me ressemblait étrangement et elle s’amusait de cette situation rocambolesque. Les policiers procédèrent avec méthode, entendant quelques témoins, la plaignante, puis finalement le suspect, c’est-à-dire moi-même. Ils se demandaient si nous n’étions pas tous fous. Personne n’était capable de décrire réellement ce qui s’était passé, chacun donnant une version tellement insolite qu’ils finirent par dire à la jeune femme :
– Bon, nous n’arrivons à rien. Voulez-vous porter plainte ou non ?
Celle-ci me regarda gentiment. Elle avait un agréable visage ovale, des lèvres gorgées de jeunesse, l’œil pétillant. Elle se caressa la joue, semblant s’interroger.
– Non, finalement il ne s’est rien passé. Nous avons tous paniqués et cela a créé une confusion regrettable. Ce Monsieur n’a fait que tomber dans mes affaires répandues sur le plancher. Nous avons sans doute été victime d’une illusion collective.
07:24 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : récit, nouvelle, insolite, symétrie |
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12/10/2015
Comprendre l'Islam
Le livre de Frithjof Schuon, Comprendre l’Islam, (Editions du Seuil, 1976) devrait être lu par tous ceux qui parlent de l’Islam aujourd’hui, sans bien savoir de quoi ils parlent.
« Le contenu du Coran est fait, non d’exposés doctrinaux, mais de récits historiques et symboliques et de peintures eschatologiques ; la doctrine pure se détache de ces deux genres de tableaux, elle y est comme enchâssée. Abstraction faire de la majesté du texte arabe et de ses résonances quasi magiques, on pourrait se lasser du contenu si on ne savait pas qu’il nous concerne d’une façon concrète et directe, c’est-à-dire que les mécréants (kâfirûn), les associateurs de gausses divinités (mushrikûn) et les hypocrites (munâfiqûn) sont en nous-mêmes ; que les prophètes représentent notre intellect et notre conscience ; que toutes les histoires coraniques se déroulent presque journalièrement dans notre âme ; que la Mecque est notre cœur ; que la dîme, le jeûne, le pèlerinage, la guerre sainte, sont autant d’attitudes contemplatives. » (p.57)
Origène nous dit la même chose à propos de la Bible :
« L’écorce amère, c’est la lettre qui tue et qu’il faut rejeter. La coque protectrice, c’est l’enseignement éthique, qui suscite, comme un nécessaire chemin d’approfondissement, une ascèse de purification et d’attention. Alors on parvient au noyau spirituel, qui seul compte, et qui nourrit l’âme des mystères de la sagesse divine. »
Disons simplement que l’Écriture derrière le sens premier, apparent, celui de la lettre, qui raconte une histoire, un événement ou donne une leçon de comportement, révèle un deuxième sens, caché, plus profond, celui de l’esprit, esprit du texte au-delà des mots bien sûr, mais surtout Esprit de Dieu qui se manifeste.
Dieu est Esprit. Nous devons entendre spirituellement ce que dit l’Esprit. « Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et Vie ».
Origène
Hom. Lev. 4
On est loin d’une lecture simpliste du Coran ou de la Bible. La porte est étroite et peu sont élus. L’essentiel : se débarrasser de sa vision du monde. C’est en cela que les enfants sont les bienvenus dans le royaume des cieux : ils sont vierges de toute pensée et contemplent sans a priori.
07:29 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : islam, coran, bible, religion, spiritualité |
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11/10/2015
Le miroir 5
Plus d’un mois après l’achat du feutre, mon double fit une nouvelle tentative. Je faisais mon footing matinal et ne disposais pas de mon étui. Courant tranquillement dans la petite ville, j’arrivai à un carrefour biscornu situé dans un tournant en épingle à cheveux. Comme de nos jours la voiture n’est plus reine, la priorité revenait à la petite rue arrivant de droite sur la grande rue qui décrivait à cet endroit un virage important. L’inconvénient était que le conducteur arrivant de cette petite rue ne voyait ni d’un côté, ni de l’autre en raison de la courbure concave du tournant. Heureusement les autorités, qui tentent parfois de bien faire les choses, avaient prévu les carambolages possibles et installé deux glaces permettant au conducteur de la petite rue de voir les deux branches de la grande rue. Je courrais tranquillement, sans penser à mal, songeant aux activités de la journée, lorsque je levais les yeux sur un des miroirs. Je me vis courir sur le trottoir, puis traverser la route, alors que moi-même je poursuivais sur le même trottoir. Je mis un moment à m’interroger, contemplant mon double comme un simple piéton. Une seconde plus tard, je saisis sa tromperie. Je ne pouvais rien faire. Il m’attaque alors que je suis impuissant, me dis-je. J’étais bien obligé de suivre. Je traversai donc la rue comme je l’avais vu faire quelques secondes auparavant et finis par le rejoindre, car il m’attendait, le traître. Je lui reprochai sa vilénie : tu profites du seul instant où je suis démuni pour me faire une infidélité, bravo ! Il ne dit rien, docile comme un agneau.
Quelques jours plus tard, je me trouvais dans un supermarché, faisant les quelques rares courses indispensables pour la semaine. Etant de nature frugale, je me nourrissais de peu. Mais il faut bien vivre et donc pour cela manger et boire. Un boyau bétonné servait d’entrée au magasin. Ses murs étaient couverts de deux immenses miroirs, à droite et à gauche, de façon à permettre à ces dames de se recomposer une figure pour faire face à leur mission d’achat. Heureusement j’avais bien mon étui et son feutre à la taille comme le psychologue me l’avait recommandé. Sans penser à rien, je marchais tranquillement derrière une famille poussant un chariot monumental, la plus jeune assise sur le pseudo siège incorporé à la structure de l’engin. J’eus l’œil attiré par un mouvement soudain sur la glace de gauche. Mon double se précipitait sur l’enfant et commençait à lui serrer le cou. Devant moi, il ne se passait rien ; mais à côté de moi un meurtre ou tout au moins une tentative de meurtre se jouait. Les parents ne se rendaient compte de rien. Je me précipitai vers mon image, tentant de lui faire lâcher prise. Ils ne comprirent pas ce qui se passait. La mère saisit à un moment mon mouvement dans le miroir et crut à une agression de ma part. Mais se retournant vers ma vraie personne, elle me vit marchant sagement derrière eux, l’air de rien. Cela ne dura qu’une seconde ou deux. Puis ils m’aperçurent sortant le feutre de son étui et me précipiter sur le miroir en le barbouillant de croix jusqu’à ce que mon double disparaisse complètement. Haletant, je me retournai pour leur dire que ce n’était rien et qu’ils pouvaient poursuivre leur chemin sans autre inconvénient. Mais ils prirent peur. Ils me prenaient pour un fou évadé de l’asile. L’homme sortit son portable de sa poche, composa un numéro, dis quelques mots, puis me saisit le bras pour me faire lâcher mon feutre. Il le prit comme s’il s’agissait d’un véritable révolver, employant son mouchoir pour ne pas laisser d’empreintes digitales. Je cherchai à me dégager, mais il avait une poigne de fer et je ne pus qu’attendre l’arrivée d’un voiture de police qui freina bruyamment après avoir fait retentir sa sirène jusqu’à l’arrêt complet. Ils m’embarquèrent sans autre forme de procès, malgré mes tentatives d’explication. La famille avait l’air choqué. L’homme était excité, la femme verte de peur et les enfants pleuraient de grosses larmes d’incompréhension. La foule des badauds regardait, éberluée, ne comprenant rien à ce qui s’était passé.
Les policiers ne crurent pas un instant mon histoire de double, de psychologue et de feutre. J’en vis un dans la glace du commissariat qui se tapait le doigt contre sa tempe, indiquant par là que j’étais un véritable cinglé. Mon double bien sûr se comportait tout à fait normalement, suivant au millimètre l’ensemble de mes gestes. Qui eut cru que ce personnage pouvait avoir des tentatives d’autonomie ? M’ayant enfermé dans une cellule, ils téléphonèrent aux deux hôpitaux pour savoir si aucun malade un peu dérangé n’était sorti par inadvertance. Non, tout était normal. Ils finirent par me relâcher, non sans avoir noté mon identité et mon adresse. J’étais donc fiché maintenant grâce à ce double entreprenant. Je sortis du commissariat quelque peu déprimé. Jusqu’où allait me conduire ce double incorrigible ?
07:21 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : récit, nouvelle, insolite, symétrie |
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10/10/2015
L'arbre
De ses doigts feuillus, il grattait le ciel
Il se hissa sur la pointe de ses racines
Poussa une exhalaison parfumée
En se couvrant de rose et de blanc
Rien ne le différenciait d’un thuriféraire
Portant haut et fort ses amours
Mais tous ces atours le dissuadaient
De s’élever encore en laissant ses chausses
La sève ne peut monter que gorgée
De la magie souterraine du jardin
Il passa l’été à s’extasier vertement
Attendant le matin et la chaleur ruisselante
Tendant les mains vers la piqure
Des dards brulants assiégeant son écorce
Venue l’automne, celle-ci se rida
Il courut alors se mettre à l’abri
Derrière les nuits rafraichissantes
Où naissent les champignons
Puis vint la fin, la chute, le dénuement
Il vit s’enfuir ses pellicules
Tomber les cheveux décolorés
Et il resta nu devant l’éternité
Avant de sombrer dans l’hiver
Enfilant sa robe de mariée
Ce fut alors un nouvel envol
La sève monta entre ses jambes
Il esquissa quelques pas de danse
Qui firent monter les bourgeons
Et le para de mille scintillements
Les pointes vertes de son désir s’épanouirent
Voyez comme est belle cette saison
L’amour vient et vous saute à la gorge
Et à nouveau de ses bras tendus
Il chatouilla les cieux
Et les fit rire aux éclats
© Loup Francart
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08/10/2015
Dans les ruines de la carte, d’Emmanuel Ruben
« Publier un livre c’est procéder à un lâcher de vampires. Car un livre est un oiseau sec, exsangue, avide de chaleur humaine, et lorsqu’il s’envole, c’est à la recherche d’un lecteur, être de chair et de sang, sur lequel il pourra se poser afin de se gonfler de sa vie et de ses rêves. Ainsi le livre devient ce qu’il a vocation d’être : une œuvre vivante. » Michel Tournier, Le Vol du vampire, 1981
Le Vampire Actif est une maison d’édition associative, à compte d’éditeur, née en 2007 de la rencontre de passionnés de littérature et fervents défenseurs du livre dans ce qu’il a de plus noble.
« Entre la carte et le territoire, entre le réel et sa perception, il y a toujours un autre monde probable, un potentiel utopique, un réservoir d’imaginaire ; si le peintre ou l’écrivain a tenté la représentation à l’échelle 1/1 de notre monde que les siècles se sont efforcés d’abîmer, c’est au lecteur ou au spectateur qu’il appartient d’en explorer les ruines, d’en retrouver les contours, c’est lui et lui seul qui peut réécrire ou redessiner l’archipel des possibles. Invitation à explorer l’oeuvre de nombreux peintres et écrivains, de Vermeer à Kirkeby, de Stendhal à Julien Gracq et W. G. Sebald, Dans les ruines de la carte propose une réflexion audacieuse sur les liens entre peinture, littérature et géographie de l’âge classique à l’ère du numérique. » (4ème de couverture).
J’ai assisté à la présentation de ce livre aux mardis littéraires, le 6 octobre. J’avoue avoir été déçu par cette présentation. L’éditrice a fait parler l’auteur, mais sans jamais dire de manière explicite ce qu’il y avait dans ce livre. Je n’ai entendu que les mots carte et peinture. Mais quels rapports entre les deux, quels liens tissés entre les tableaux qui n’ont pas réellement été évoqués et les cartes. Il nous a parlé de la carte de son enfance, de vol de territoires, mais pourquoi ?
Je n’ai retenu qu’une belle phrase : une carte contient le réel et ouvre à l’imaginaire. J’ajouterai qu’une carte est une synthèse du monde géographique, mais aussi historique, politique, démographique, culturel. De nos jours, la carte moderne devient schéma et même parfois réseau. Sur un bout de papier, la synthèse de travaux et de réflexions multiples, donnée à qui sait les lire.
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07/10/2015
Le miroir 4
– Je vous avoue que je suis troublé. Rien ne s’est manifesté alors qu’ils auraient pu tenter des incartades, se révolter, bref prendre de l’autonomie. Rien. Vous n’avez rien vu ?
– Absolument rien. Je me demande si ces incidents ont une réalité.
– Oui, c’est une possibilité. Vous pouvez les imaginer, les rêver, mais sans fondement véritable. Vous me donnez une idée. Ayez toujours sur vous un gros feutre noir qui permet d’écrire sur le verre. Dès qu’une incartade se produit, vous dessinerez une croix sur votre double comme si vous vouliez l’annuler. Il n’existe pas une telle infinité de doubles qu’il est impossible d’en voir la fin. Après ce combat, certes héroïque, vous serez tranquille. Ils seront morts et vous redeviendrez vivant pleinement.
Sur ces paroles réconfortantes, il me fit sortir de son cabinet, me fit payer la consultation, et me laissa seul avec mes interrogations. Je doutais de la justesse de son diagnostic et encore plus des moyens indiqués pour guérir. J’achetai cependant un gros feutre, qui tenait bien dans la main et rayait d’un geste dégagé la vitre qui se présentait devant lui.
Pendant plusieurs jours tout fut calme. Lorsque je passais devant un miroir, mon double ne pipait mot, ne bougeait pas plus que je ne bougeais, ne me disais rien dans ma tête. Un mois s’écoula pendant lequel, du moins les premiers jours, je me promenais le feutre à la main, prêt à m’en servir si celui-ci dérogeait à ses obligations. Puis, comme un mousquetaire son épée, je le portai à la taille, logé dans un petit étui que j’avais acheté dans une papeterie et qui s’enfilait à la ceinture. Je m’étais entraîné à dégainer en un temps record. Trois secondes et quelques centièmes. Mais à quoi tout ceci pourrait me servir si mon double restait sagement collé au miroir, reproduisant fidèlement mes propres mouvements ?
Sans m’en rendre compte, j’en étais venu à considérer mon double comme un autre moi-même, indépendant, ayant sa propre volonté. Il me jouait depuis longtemps des tours en me faisant croire qu’il n’était qu’un simple reflet, mais je l’avais démasqué. Il montrait sa véritable nature, tellement différente de ce qu’on peut attendre d’un simple vis-à-vis dans une glace. Aussi me posai-je la question : peut-on vivre sans son image ? Apparemment anodine, cette question finit par m’obséder. Il y avait peut-être un danger à vouloir combattre mon double et encore plus mes doubles. Ils pourraient se révolter et partir loin de moi. Que deviendrais-je alors ? Que verrais-je dans la glace lorsque je me regarderais ? Je n’osai en faire part à mon psychologue. Il m’avait sans doute pris pour un malade ou quelqu’un qui voulait se moquer de lui. Lorsque cela était possible, j’évitais de passer devant un miroir. Je faisais un détour ou encore je me tournais délibérément de l’autre côté de façon à éviter toute confrontation. Seuls les lieux où se trouvaient des miroirs face à face m’obligeait à me confronter à la réalité. Ceux-ci étaient cependant assez rares, aussi vécus-je pendant un certain temps sans être spécialement inquiété. J’avais pris l’habitude me raser sans me regarder dans une glace. Cela avait cependant quelques inconvénients. Je découvrais certains jours des poils ayant échappé au rasoir et qui s’étaient allongés pour me façonner une sorte de barbe très clairsemée. Je les coupais au fur et à mesure de leur détection, mais ils en revenaient toujours.
07:25 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : récit, nouvelle, insolite, symétrie |
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06/10/2015
Le miroir 3
Je me décidai alors à aller voir un psychologue. J’en connaissais un, que j’avais un jour consulté pour un cauchemar récurant. Une seule séance avait suffi et j’étais parti rasséréné de son cabinet. Rentré chez moi, je pris mon téléphone et l’appelai. Le rendez-vous fut pris pour le lendemain à 11 heures. Dès mon arrivée, il m’interrogea :
– Auriez-vous à nouveau des problèmes de cauchemar ? Cela peut en effet arriver, me dit-il de prime abord.
– Pas du tout. Il s’agit de bien autre chose. Vous ne me croirez pas. J’ai de problèmes avec mon double.
– Votre double ?
– Oui… Enfin… Mon image.
Et je lui racontai tout, les premiers troubles, puis la volonté d’autonomie de mon double, jusqu’aux accusations que je n’arrivais pas à comprendre.
– C’est grave, ce que vous me dites là. Vous n’enjolivez pas un peu votre récit ?
– Mais pas du tout. J’ai plutôt l’impression de ne pas tout dire de façon à ne pas trop vous effrayer.Il s’interrogeait. Je le vis réfléchir, se tordre l’esprit, dérouler dans sa tête sa check-list, puis rester impuissant. Il n’avait jamais rencontré un cas comme celui-ci.
– Je vais vous demander de revenir me voir dans deux jours. Je vais moi-même consulter un confrère qui est spécialisé dans les troubles de la personnalité. J’espère qu’il saura me dire de quoi il s’agit. Je ne vous adresse pas directement à lui, car il faut six mois pour avoir un rendez-vous.
Deux jours plus tard, j’étais convoqué par le psychologue. Mon double ne s’était pas manifesté et j’étais heureux que cette histoire prenne fin, inquiet, sans trop me le dire, de ce qu’il pourrait m’apprendre sur mon cas. Il ne me dit rien avant de me faire entrer dans une pièce que je ne connaissais pas. Un bureau, une chaise, un divan, un coussin et des glaces partout, y compris au plafond. Je me voyais, distendu, étiré, rapetissé, aplati, désaxé. Bref, un vrai cauchemar. Il s’assit et me regarda sans mot dire, guettant mes réactions. Je restai coït, interloqué, puis progressivement rassuré. Mes doubles semblaient calmes. Ils exécutaient sans aucune gêne mes propres mouvements, même les plus compliqués. C’était déjà ça. Mon psy prit alors la parole.
– Qu’en dites-vous ?
– J’ai été un peu effrayé en entrant, mais les choses ont l’air de bien se passer. Vous pensez réellement que cela peut me guérir.
– C’est possible. Confronté à plusieurs de vos doubles vous ne savez lequel regarder directement. L’un d’entre eux peut vous tromper sans que vous le sachiez. Et comme vous ne le savez pas, il n’induit en vous aucune réaction, donc aucune perturbation interne. Et même si vous en voyez un qui ne comporte pas normalement, vous aurez du mal à savoir duquel il s’agit en raison des divers reflets entre les glaces.
Un vrai cauchemar ! Il fallait que je tente de deviner lequel pourrait être infidèle. Je voyais une multitude de doubles dans des positions diverses, qui se regardaient les uns les autres, semblant défier ma réalité. Où étais-je dans tout cela ? Je fermais les yeux, las de me voir, ne sachant à quel moment l’un d’entre eux pourrait tenter une rébellion.
– Non. Surtout pas ! Vous devez garder les yeux ouverts et être attentif.
Sans ajouter un mot de plus, il me laissa me regarder. Il se faisait tout petit. Il ne devait pas apparaître à mes yeux. Je ne devais voir que moi, démultiplié, déformé jusqu’à ce qu’un sourire de satisfaction apparaisse sur mes lèvres. J’avais en fait plutôt envie de pleurer ou de piquer une colère. Ils se gardaient bien de se manifester. Ils se savaient vulnérables dans cette pièce agrandie jusqu’à perte de vue. Ils risquaient de se dissoudre dans l’espace. Je me levai et me mis à marcher, observant comment mes doubles réagissaient. J’avançai vers un des miroirs, les mains en avant, jusqu’à toucher sa froideur. Autour de moi, mes doubles faisaient de même, la main tendue, semblant même éprouver la différence de température. Ils attendaient toujours un geste de ma part pour faire le même. Ils n’anticipaient plus. Rien. Il ne se passa rien. Au bout d’une heure, le psychologue se leva, me remercia pour ma patience, me fit entrer dans son bureau qui n’avait pas de miroir. On pouvait y parler librement sans qu’il y ait des risques d’écoute de la part de mes doubles.
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05/10/2015
Le miroir 2
En m’éveillant ma première pensée fut pour mon double. Que me préparait-il ? Quel sera sa prochaine incartade ? me demandais-je avant même de mettre le pied par terre. Je pris le temps de me faire un café et me dirigeai ensuite vers la salle de bain. Je pris une douche, puis me plaçai devant le miroir du lavabo. Je saisis mon rasoir et commençai à l’utiliser. Il ne se passait rien. Le comportement de mon double était normal, ou plutôt, il n’avait aucun comportement. Ce n’était qu’une image que reflétait la glace. J’avançai la main, la posai sur le verre, faisant bouger mes doigts. Rien. Il ne se passait rien. Je cherchai alors à le provoquer. Je lui fis quelques grimaces. Je l’injuriai tout bas. Je lui parlais même : « Va y, tu peux le faire. Je te laisse libre d’agir. » Il ne réagit pas. Je finis par me demander si je n’avais pas rêvé la veille. Le lendemain, même vaine tentative. Rien. Pas une manifestation de bonne ou mauvaise humeur. J’oubliai peu à peu cette histoire qui n’avait aucun fondement logique. Quelle idée m’avait donc piqué. Oublions !
Deux jours plus tard, alors que je ne pensais plus à cette aventure, se produisit un nouveau fait. J’essayais un vieux costume pris dans l’armoire à glace du couloir. Voulant regarder s’il m’allait encore, j’eus la désagréable surprise de me voir dans un autre vêtement que celui que j’avais enfilé. C’était une tenue de sport. J’avais légèrement grossi et me sentais un peu oppressé dans ce short trop court et ce maillot étroit. Mais oui, il me demande faire du sport, m’exclamais-je, comprenant sa manœuvre. Cette fois-ci, il ne s’agissait pas de faire preuve d’indépendance d’esprit en trichant sur l’image qu’il se donnait de moi. Il s’agissait réellement de suggestion. Il me disait ce que je devais faire sous une forme détournée, mais je n’étais pas dupe. Il lui avait fallu quelques jours pour monter sa manœuvre, me laissant me décompresser, ne plus penser à rien, bref, l’oublier.
J’avoue que je vis rouge. Cette insubordination manifeste ne pouvait continuer. Je jurai :
– Non, non et non. Cela ne peut continuer ainsi. Tu vas me foutre la paix ou je me fâche.
Mais il me répondit dans ma tête :
– Cause toujours. Que peux-tu faire ?
De guerre lasse, j’enfilai ma tenue de sport et partis courir derrière la maison, dans le parc municipal. Rentré, après m’être déshabillé, je pris une douche et me peignai devant la glace, me demandant ce qu’il allait encore inventer. Rien, une image très sage sans aucune idée préconçue. Il ne s’était rien passé. Sans doute mon imagination, une fois de plus.
Désormais, je me méfiais. Je savais que ce double haï pouvait surgir à tout moment. En effet, une fois il se manifesta dans un hôtel, dans la salle de réception. Il y avait une grande glace qui tenait les trois-quarts d’un des murs. Je passais devant sans penser à rien lorsque je vis mon double se détacher de moi, prendre un chemin parallèle avec un petit sourire amusé et sortir au dehors. Je venais de perdre au jeu une somme importante et n’avais aucunement envie de m’amuser. Aussi fus-je surpris de sa réaction et estimai qu’il dépassait une nouvelle fois les limites de la courtoisie. Arrivé au bout de cette immense glace, j’eus la surprise de continuer à voir mon double marcher à mes côtés, légèrement lumineux, comme un reflet totalement soumis à mon apparence. Je pris l’escalier, ma chambre n’étant qu’au premier étage, et il se perdit vraisemblablement dans la montée restée relativement sombre. J’avais trouvé le moyen de le mettre dans l’embarras. Je m’en souviendrais, me dis-je intérieurement.
Pendant quatre jours il ne se manifesta pas. Le cinquième jour, je compris que nous avions franchi une nouvelle étape. Il prit quelqu’un à témoin, et devant moi. Nous étions dans un autobus. Une vieille femme sortit son poudrier qui, comme la plupart des poudriers était munis d’un petit miroir permettant à la beauté supposée de se mirer en toute discrétion. Il y avait derrière elle une glace. Aussi me voyais-je moi-même sans qu’elle le sache. Je la vis soudainement me regarder d’un air bizarre, mi-figue mi-raisin. Elle semblait perturbée, regardait ailleurs, mais dès que je détournais le regard, elle revenait sur moi. Je la voyais grâce au reflet de la fenêtre. Elle se contempla à nouveau dans son poudrier et là je compris. Mon double me montrait du doigt et semblait dire quelque chose directement dans la tête de la propriétaire du poudrier. Elle leva les yeux, rencontra les miens, détourna son regard, l’air troublé. Si maintenant il se met à raconter des coups aux personnes que l’on croise, ça ne va plus du tout, pensai-je. Rouge de honte, je dus me lever et sortir à l’arrêt suivant alors qu’il me restait encore quatre stations à parcourir.
07:57 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : récit, nouvelle, insolite, symétrie |
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04/10/2015
Roselyne
Un prénom informel, ligne et pétales
Cela fait une enfant, délicate et chantant
Presqu’un courant d’air, au comportement royal
Quelle rose tiendrait devant ce trait béant
Le nez grec comme il se doit pour un tel prénom
Elle courait partout, virevoltant, secrète
Apparaissant seule comme un caméléon
Parée de mille couleurs et si gentillette
Oui, c’est l’enfant trouble, au regard perturbé
Elle secoue ses talents et fait trembler l’abbé
Qu’a-t-elle de plus que son caractère enjoué ?
Non, répond-elle radieuse. Je suis la bise
Qui sous la porte glisse ses vocalises.
Cours derrière moi et laisse-toi enchanter !
© Loup Francart
07:49 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, scriture, poème, littérature |
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03/10/2015
Le miroir 1
Ce matin, il m’est arrivé une chose étrange. J’étais dans la salle de bain, un gant de toilette à la main, me lavant les joues après les avoir savonnée. Je regardais mon visage fatigué, trouvant mes paupières lourdes et gonflées. Machinalement je passais et repassais le gant de toilette sur une barbe de la veille, accrochant des brins de tissu dans les poils du menton. Je suis gaucher. Normalement ma main gauche correspond sur la glace à la main droite si je me mets à la place de mon image. Et tout d’un coup, ce fut une autre symétrie qui apparut. Ma main gauche en face prenait la place de la main droite. La symétrie s’inversait. Je n’y pris pas garde au début. Poursuivant ma rêverie, encore quelque peu endormi, je ne me regardais pas vraiment. Ce fut une révélation.
– Que se passe-t-il ? Je rêve ! Mon personnage se disloque et me fait un pied de nez.
Cela ne dura qu’une seconde ou deux, puis tout redevint normal. Je me frottais les yeux, n’arrivant pas à admettre ce qu’ils avaient vu. Je finis par croire que j’avais rêvé, encore à moitié endormi. Je n’y pensai plus jusqu’au lendemain matin. Devant la glace, je me rappelai l’incident de la veille. J’ai rêvé, c’est sûr, me dis-je essayant de reconstituer ce que j’avais vu. Une inversion de la symétrie. Mon double devenait indépendant. Ce n’est pas possible. Voyons donc et prenons garde. Rien ne se passa pendant que je me lavais le visage. Un peu de savon, puis de l’eau fraîche pour le faire disparaître, le poil devenu plus souple, prêt à se laisser couper par le rasoir électrique. Je saisis donc mon rasoir, le mis en route et l’approchai de ma joue droite. Je vous l’ai dit, je suis gaucher. Je pris donc mon rasoir de la main gauche et traversai ma symétrie pour atteindre la joue droite. Eh bien, croyez-moi si vous voulez, je vis alors mon double exécuter le même mouvement avec sa main gauche. Quelle émotion ! Il alla jusqu’à me faire un clin d’œil et un petit sourire. Certes c’était un très petit sourire, mais suffisant pour que je m’interroge. Se moquerait-il de moi ? Puis tout cessa. J’eus beau tenter de revivre l’événement, rien à faire. Il s’agissait bien d’un double toujours docile, sans erreur, le regard franc. Bref, moi-même, dans sa plus grande ressemblance. Cela perturba ma journée. Je ne cessais de penser à cette image. Un être prenant son indépendance sans rien annoncer et qui osait de plus me faire un clin d’œil comme si je devenais complice de sa trahison. Toutes les heures, je me rendais aux toilettes du bureau, m’auscultais dans la glace sans cependant obtenir la moindre désobéissance de la part de mon double. Comportement normal, comme le temps est normal à la météo. Me voyant me lever assez souvent, mon voisin de bureau s’inquiéta.
– Que se passe-t-il ? Aurais-tu mangé quelque chose de mauvais ? Ton estomac te joue-t-il des tours ?
Je me contentais de marmonner quelques paroles inaudibles et tournais le dos à ce compagnon de travail. Il en conclut que ça n’allait pas très bien, mais sans plus.
Je rentrais chez moi pessimiste, inquiété par la tournure des événements. Je me promis d’interroger mon double s’il me refaisait un coup comme celui-ci. Mais d’une autre côté, je ne me voyais pas m’interrogeant et espérant une réponse de la part de ma symétrie qui n’est qu’une simple image de ma réalité, sans aucune possibilité que celle-ci prenne une indépendance impossible.
Mais… Je me demandais tout à coup si ce double existait lorsque je ne me trouvais pas devant une glace. Quelle idée. Je suis vraiment perturbé, me dis-je. Pourtant l’idée fit son chemin dans ma tête. Je m’imaginais errant dans chaque pièce avec ce double devant moi qui souriait d’un air moqueur. Tu m’agaces, me dis-je en moi-même. Mais j’y pensais et ne pouvais m’empêcher d’y penser. Je me couchai quelque peu perturbé et rêvai d’une révolte des doubles qui se vêtaient autrement, qui gesticulaient sans autre forme de procès et qui même, pour certains, manifestaient dans la rue pour leur indépendance. Je me réveillai transpirant, haletant, éprouvé. Mais de quoi ? De guerre lasse, je me rendormis et sommeillai jusqu’au matin, cahin-caha.
07:38 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : récit, nouvelle, insolite, symétrie |
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Voie lactée
https://www.youtube.com/watch?v=3BHDUhX68hs
" Cette vidéo utilise plus de 400 000 photographies prises par le Spitzer Space Telescope qui a photographié l’espace en infrarouge de manière optimale entre 2003 à 2009.
En combinant les images et en les retravaillant, sans ajout d’images de synthèse, pour ajouter de la profondeur daveachuk nous donne l’impression que l’on flotte dans l’espace pendant que les étoiles de notre galaxie défilent devant nos yeux."
07:14 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : univers, infini |
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02/10/2015
TGV
Je suis près de la porte du compartiment. C’est un va et vient incessant. La vitre reflète l’intérieur de la voiture et même l’extérieur que je regarde défiler tout en conservant le regard sur la porte. Au-delà, le couloir, les toilettes qui s’ouvrent parfois et laissent une lumière jaune rayonner. Le couloir est sombre, mais je vois une femme un téléphone à la main, parlant en souriant à son interlocuteur.
Ah ! Un intervenant. Oui, il entre dans notre histoire, la main sur la poignée de porte coulissante. Il est grand apparemment, cravaté, mais une cravate trop petite qui se bat les flancs sur un ventre un peu trop gros. Son pantalon laisse voir ses chevilles, quelle indécence. Il est passé. Je n’ai pas eu le temps de voir réellement son visage.
Le ver continue son chemin, se glissant entre les pieds de vignes, entre les collines, dans les vallées obscures et débouche sur l’autre versant, hilare, mais moins sûr de lui, plus discret, à l’image de la différence entre l’est et l’ouest.

07:06 Publié dans 15. Voyages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : colmar, tourisme, promenade |
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30/09/2015
Colmar, mardi après-midi
Vent et soleil, mélange détonant
Le cheveu en bataille, la peau desséchée
Vous marchez entre les rangs de vigne
Où quelques rares raisins restent accrochés
Vous visitez l’exposition « Le voyage en Orient »
Visages de bédouins chrétiens, de turcs chafouins
Architecture embrouillée sur un sol sans végétation
L’eau n’y est présente que par l’aridité des oueds
Les voix… isolées… retentissantes… douces pourtant
Une place sans un bruit où passent des fantômes
Et parfois une jeune fille pédalant vigoureusement
Evitant chaises et tables en attente de clients
Les carrés de chaleur où le soleil évolue discrètement
Sont enviés des personnes âgées en recherche de douceur
Elles passent, se tenant par le bras, boursoufflées de rides
A l’image de leur passé : rieur, envieux, chagrin
Vous poursuivez votre errance, étonné et curieux
Vous croisez des visages, évitant les corps
Vous contemplez la voûte de la cathédrale
Vous vous asseyez là… heureux… sans pensée…
07:23 Publié dans 15. Voyages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voyage, promenade, alsace, mélancolie |
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28/09/2015
Signes
Ces signes discrets évoluent prudemment. Ils deviennent langage, mais perdent de leur beauté. Le langage ne conduit-il pas à l'utilitaire? D'un certain aspect oui , sans doute. Mais le langage c'est aussi la poésie. Alors ne cherchons rien, laissons ces signes vivre sans en chercher la signification.

08:32 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : optique art, peinture, dessin, art cinétique |
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26/09/2015
Woman World Synchronized Skating Championship
http://www.flixxy.com/russian-women-world-synchronized-skating-championship.htm
Admirez la majestueuse démonstration de l'équipe russe. Une symétrie parfaite et des changements de figure magnifiquement orchestrés.
ATTENTION : Rien ne sera publié d'ici mercredi. Un impératif m'oblige à partir sans liaison internet.
07:34 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sport, patinage, ensemble, symétrie, équipe |
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25/09/2015
Illogisme de la logique
C’est le mathématicien Gödel qui démontra que la logique contient toujours de l’illogisme. Tout système logique est incomplet en lui-même, car il existe toujours des propositions indécidables dans tout système arithmétique, c’est-à-dire des énoncés mathématiques dont on ne peut jamais dire s’ils sont vrais ou faux. Tout système est incomplet en lui-même. Il faut lui ajouter des axiomes supplémentaires extérieurs à lui pour qu’il soit cohérent.
Ainsi des failles logiques se manifestent dès qu’on aborde des propositions autoréférentielles, c’est-à-dire qui font référence à elle-même. Deux exemples :
« La présente phrase est fausse. » Si la phrase est vraie, elle est fausse ; si elle est fausse, elle est vraie. La logique se contredit.
« Un habitant de Séville est rasé par le barbier de Séville si et seulement s’il ne se rase pas lui-même. Alors, est-ce que le barbier de Séville se rase lui-même ? » S’il se rase lui-même, il ne peut être rasé que par le barbier de Séville, donc il ne se rase pas lui-même ; mais s’il ne se rase pas lui-même, il est rasé par le barbier de Séville, donc il se rase lui-même.
Ces deux exemples sont tirés du livre de Trinh Xuan Thuan, Le chaos et l’harmonie, la fabrication du Réel, Arthème Fayard, 1998. Sa conclusion : l’univers est conscient de lui-même et le fait que l’homme ne subisse pas aveuglément les lois de la nature sans les comprendre est porteur de signification. Nous avons le don de comprendre parce que l’Univers n’est pas qu’une collection de particules de matière inerte. Il est la manifestation d’un principe infiniment plus subtile et élégant. L’univers a un sens, et c’est l’homme qui, en le comprenant, lui confère ce sens.
Mais la science ne pourra jamais aller au bout du chemin par les mathématiques. Il faut à l’homme d’autres outils et d’autres modes de connaissance pour le comprendre, telle l’intuition mystique.
07:34 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : univers, logique, philosophie, mathématique |
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24/09/2015
Perdue
Son but à portée de main, elle plongea,
Nue et vierge du passage des eaux.
Elle sourit aux crêtes blanches des vagues.
Elle n’en ressortit pas…
Parvenue au centre de la sphère,
Elle se tourna vers le ciel.
Mais il était loin, voilé et discret
Comme le vol de l’oiseau.
Elle avait découvert le pli
Dans l’espace intérieur
Et s’y installa sournoisement
En attente d’un occupant.
Plus rien ne lui permettait
De courir derrière les ondes
Et d’en tirer profit.
Quelle écervelée !
07:25 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie, littérature |
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23/09/2015
Exposition à Bellebranche
Quelques photos de l’exposition à Bellebranche (Mayenne) qui a eu lieu les samedi 19 et dimanche 20 par une belle journée d’été.
07:17 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : exposition, op art, art cinétique, peinture, dessin |
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22/09/2015
Illusion 2
Ce n’est plus le son qui résonne, comme dans Illusion 1, mais l’œil qui divague. Quel aveuglement. A tel point que je ne sais plus qui éclaire quoi. Alors, fermez les yeux et imaginez ce que vous voulez.
Ce dessin peut également être tiré sur plexiglas au format 50 x 50 cm ou 60 x 60 cm.

07:24 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dessin, op'art, art optique, illusion, peinture |
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21/09/2015
Odeur
Le paradis… ce lilas qui touche l’âme
Entre deux souffles de brise discrète
Coin de ciel entre les nuages gris
Qui dit : « Respire et va sans but ! »
Le nez au vent tu vas…
Cours aux senteurs du matin
Grise-toi des nuées du raisin
Rampant en pourritures nobles
En passant au pied du ruisseau
Jette ton appendice entre les herbes
Que le barbeau opère son demi-tour
Vers le marais putride
En odeur de sainteté il est parti…
C’est tout ce qu’on en retient
Un brouillard de sentiments
Et la tristesse d’un flacon vide
Combien de fioles as-tu usées
De la senteur des champignons
A celle des bouses animales
Jusqu’à l’acidité des rencontres
Et de toutes ces émanations
Ne manque que celle du paradis
Un bouquet léger mais grisant
Qui emporte l’âme dans l’au-delà
05:33 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature |
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20/09/2015
Art et spiritualité
L’art est spirituel ou n’est pas.
Père Marie-Dominique Philippe
Deux jours d’exposition pendant lesquels je ne suis attentif qu’à une seule chose : transmettre le tremblement de l’être devant la vie et la création. Quelle exigence et combien cela est difficile !
Tout d’abord laisser parler l’autre. Se taire et regarder ce qui en lui est ému ou indifférent. S’il est ému, lui demander doucement ce qui l’émeut. Il ne sait pas, bien sûr, mais il se sait ému. Alors le guider dans cette quête de soi qu’est l’approche d’un tableau.
Le plus souvent, devant l’incompréhension des formes et des couleurs sans représentation d’une réalité connue, la personne est perdue. Elle vous dit : cela me rappelle telle chose ou telle autre chose. Elle fait l’effort de chercher à quoi ressemble ce qu’elle a sous les yeux. Elle voit une forme et cette forme évoque en elle tel souvenir ou telle image. Elle voit une couleur et cette couleur lui rappelle tel ou tel sentiment ou telle et telle émotion. C’est normal. L’adulte juge ce qu’il voit à travers ce qu’il connaît. L’enfant seul est innocent, car il ne peut se raccrocher à ce qu’il connaît. Il éprouve donc une émotion originale et nouvelle devant ce qu’il ne connaît pas. Il n’a pas encore appris à juger le monde par ce qu’il sait du monde. L’adulte ne regarde pas vraiment le monde. Il le regarde à travers sa vision propre. Vous vous êtes bien sûr promené dans une rue que vous connaissez parce que cela fait des années que vous y passez. Et un jour, vous découvrez un détail que vous n’aviez jamais vu. Ce détail transforme votre vision de cette rue. Elle vous paraît nouvelle, belle de surprises. Elle vous a étonné et cet étonnement vous a transformé. Première expérience : l’étonnement devant ce que l’on connaît et découverte d’une autre réalité derrière celle connue.
En réalité, la personne se raccroche à une réalité objective au lieu de se laisser aller à une subjectivité rafraichissante et sans souvenir. Deuxième expérience : sortir de la vision d’un monde objectif qui existe sans nous auquel l’esprit se raccroche en se croyant objectif. Le monde est ce que nous croyons qu’il est jusqu’au jour où on le découvre autre, mystérieux, cachant un invisible au-delà du visible. Là nous sommes touchés et ne savons que dire parce que nous éprouvons un sentiment autre que ceux auxquels nous sommes habitués. Un vide se crée en nous que nous ne pouvons nommer, mais qui nous fait du bien parce qu’il renouvelle notre sens de la vie. La vie est autre que ce que nous avons cru jusqu’à maintenant. Elle cache un mystère qu’il va falloir découvrir.
L’art déjà a fait la moitié de son travail : l’éveil à une autre réalité, apaisante et bouleversante. Mais qu’est-ce ? La recherche personnelle de ce qui nous touche dans la contemplation d’une œuvre d’art va nous permettre d’aller plus loin. L’œuvre nous questionne : écouter les questions, c’est l’objet des deux premières expériences. Il faut maintenant y répondre, c’est-à-dire se laisser guider par autre chose que notre intelligence objective et notre connaissance du monde habituel. Là, l’œuvre d’art abstrait amène la personne à s’interroger d’une autre manière que de tenter de reconnaître ce qu’il a l’habitude de voir. Ne pouvant retrouver ce qu’elle connaît, elle doit s’interroger autrement. Je ne vois rien de connu et pourtant cela m’émeut. Pourquoi ? La personne se décourage très vite. Elle ne sait pas pourquoi elle aime ou n’aime pas et ne trouvant pas de réponse, elle laisse tomber. Je ne sais pas, dit-elle. Il faut l’encourager à aller au-delà. Elle se pose alors des questions techniques : pourquoi cela est-il peint ainsi et pas autrement ? Pourquoi y a-t-il une symétrie entre telle et telle partie du tableau ? Pourquoi lorsque je regarde là je vois telle perspective et lorsque je regarde ici y en a-t-il une autre ? Oui, pourquoi ne pas encourager cette façon de se poser objectivement les raisons de son émerveillement ? C’est une troisième expérience : chercher dans la technique de la peinture ce qui est source d’émerveillement.
Mais très vite la personne se rend compte que cela ne suffit pas à expliquer son étonnement qui en fait se trouve au-delà de la technique. Je contemple le tableau et j’éprouve un vide en moi et ce vide est bon. Il me sort de moi-même. Je suis transformé, je ne sais pourquoi, mais combien est bonne cette émotion que les intellectuels appellent émotion esthétique. Peu importe comment elle est appelée. Elle me transforme et j’en suis bien. Quatrième expérience : c’est une expérience qui n’en est pas une ou plutôt qui est différente. Je n’apprends pas quelque chose. Je vis autre chose. Ce n’est pas un concept que je vais ensevelir dans mon cerveau. C’est un état d’être nouveau que j’éprouve et que j’aime et qui n’est pas lié à mon savoir. Il est subjectif et donc sans intérêt, pensent la plupart des gens. Eh bien non, il est objectif au-delà de l’objectivité construite par notre connaissance. Il est objectif parce qu’il me pose en tant qu’être différent de celui que je suis habituellement. Il est objectif parce qu’il me change et m’oblige à voir autrement, comme je n’ai jamais vu. C’est l’expérience du tout autre, ce que certains appellent le numineux, d’autres l’invisible ou le nuage d’inconnaissance ou encore l’expérience mystique. Peu importe comment on l’appelle. Cette expérience me renouvelle et m’offre une nouvelle vie, ne serait-ce que pour une minute, voire une seconde.
Voilà pourquoi j’aime accompagner chaque personne devant la découverte d’un tableau. En fait je n’explique rien, je le laisse découvrir en lui cet être inconnu qu’il va ensuite tenter de retrouver, d’apprivoiser pour progressivement se fondre en lui.
07:36 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, étonnement, spiritualité, vie |
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19/09/2015
Le chant polyphonique géorgien
Une polyphonie qui sonne bizarrement à nos oreilles à l’égal de l’attitude guindée de ces hommes.
https://www.youtube.com/watch?v=j4bGuJteQIo
UNESCO: Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité - 2008
URL: http://www.unesco.org/culture/ich/RL/... (Mise en ligne le 29 septembre 2009)
Description: Les chansons populaires occupent une place de choix dans la culture géorgienne. Le chant polyphonique en langue géorgienne est une tradition séculaire dans ce pays où la langue et la culture ont souvent été opprimées par divers envahisseurs. On y distingue trois types de polyphonie : la polyphonie complexe, très courante en Svanétie ; le dialogue polyphonique sur un bourdon de basse, surtout répandu en Kakhétie dans l’est de la Géorgie ; et la polyphonie contrastée comprenant trois parties chantées partiellement improvisées, caractéristique de l’ouest du pays. Le Chakrulo, chanté lors des cérémonies et des fêtes et qui appartient à la première catégorie, se distingue par son recours à la métaphore, son yodle, le krimanchuli, et un « cri du coq » exécuté avec une voix de fausset. Certains de ces chants sont liés au culte de la vigne et beaucoup remontent au huitième siècle. Le chant est omniprésent dans toutes les activités de la vie quotidienne, des chants de travail (les
Naduri qui introduisent dans la musique les cris de l’effort physique) aux chants de Noël (Alilo), en passant par les chants de guérison. Des hymnes liturgiques byzantins ont eux aussi intégré la tradition polyphonique géorgienne, au point d’en devenir une expression majeure.
Après avoir subi les effets des politiques culturelles socialistes, la musique traditionnelle géorgienne est aujourd’hui menacée par l’exode rural et le succès croissant de la musique pop. Les nombreux enregistrements de chants polyphoniques effectués sur des disques vinyle au début du vingtième siècle, n’offrent pas de garanties suffisantes pour la préservation de ces données sonores dans le long terme.
07:16 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique traditionnelle, polyphonie, géorgie |
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18/09/2015
Exposition
Un rappel, sans malice!

07:48 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, exposition, op'art, art optique |
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