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08/01/2016

Les Francais veulent un vrai programme politique

La campagne pour l’élection présidentielle est déjà lancée. L’ensemble du monde politique s’agite, se bouscule, avant que les candidats à une primaire, pour les deux partis LR et PS, ne s’entredéchirent. Mais où sont les propositions d’action, quel programme nous proposent les partis ? Ils s’invectivent, mais rien ne transparaît de ce qu’ils veulent faire de la France et comment. Le FN affiche un programme, mais c’est celui de la dernière élection présidentielle ; les deux autres partis n’ont rien à proposer sur leur site Internet. Aucun parti ne sait où il veut aller, mais tous les ténors, intéressés par le pouvoir, veulent y aller.

Ce que veulent entendre les électeurs ce sont les propositions des partis pour la France dans vingt ans, voire dix ans : quelle France envisage-t-on à long terme, quels objectifs à moyen terme pour atteindre ce but et quelles mesures prendre à court terme.

Pour permettre aux électeurs de faire de véritables choix, quelle que soit leur ligne politique, il importe que chaque parti dispose d’un véritable programme et non de simples propositions sans cohérence d’ensemble.

Ce que doit comporter un programme politique :

  1. État des lieux
    * État des lieux pour chacun des domaines dans lequel l’Etat agit :
         Intérêt du domaine
         Gouvernance (ou management)
         Organisation
         Moyens : financiers, personnels, matériels, infrastructures
         Efficacité de l'action de l’État
    * État des lieux moral
         Ce qu’en pensent les citoyens
         Les points à changer en priorité
         Bilan entre les fonctions régaliennes et les autres fonctions où l’état est engagé.
  2. La France que l’on veut dans 20 ans
    * Un projet global : quelle place veut-on donner à la France dans le concert des nations (un projet se décline par comparaison avec l’existant et les projets des autres pays)
    * Par exemple :
         Une France qui ose, est fière de son passé et regarde son avenir sans crainte.
         Une France équilibrée financièrement par réduction des dépenses publiques.
         Une France saine économiquement qui produit et exporte.
         Une France influente qui tient sa place dans le concert des nations.
         Une France où la sécurité des citoyens va de soi.
         Une France où la famille constitue la structure de base de la société.
         Une France de liberté dans laquelle l’État se concentre sur ses tâches régaliennes.
         Une France …
  1. Les grands objectifs fixés au quinquennat
    * Objectifs à long terme (hors quinquennat)
    * Objectifs à moyen terme (les cinq ans du quinquennat)
    * Objectifs à court terme (pendant la première année du quinquennat)
    * Objectifs à très court terme (pendant les premiers six mois)
  2. Les dispositions permettant d’atteindre ces objectifs
    * Dispositions sociétales
    * Dispositions financières
    * Dispositions organisationnelles
    * Etc.
  3. Les mesures de qualité
    * Mesures de l’efficacité : taux d’atteinte des objectifs
    * Mesures de l’efficience : rapport entre les résultats obtenus et les ressources utilisées
    * Mesures de la qualité des objectifs fixés
    * Un bilan et une révision éventuelle des objectifs fixés tous les ans

07/01/2016

La fin de l'histoire (9)

Il s’endormit serein, détendu et se réveilla dans la nuit noire. Il s’installa à l’entrée de la grotte et contempla les étoiles et l’ensemble du cosmos.

Les jours précédents il avait contemplé l’infini en lui-même. Il ne contenait rien et ce rien était devenu le tout et ce tout était vide et plein d’une promesse d’éternité. Il lui fallait maintenant effectuer la même démarche pour le cosmos. Ainsi, il pourrait conjuguer ensemble le moi et le monde, le toi et l’environnement. C’était cela cet homme nouveau dont il avait évoqué la veille l’existence. Il lui fallait assimiler le cosmos ou plutôt se laisser assimiler par le cosmos. Il se souvint d’un voyage de nuit, en voiture, dans son adolescence. Il était alors sensibilisé aux émotions qu’il pouvait ressentir et les vivaient comme des expériences passionnantes. Apercevant un coin de ciel dans lequel il repéra un amoncellement d’étoiles, il se soumit à une attention extraordinaire, lui donnant une vision de l’univers, de l’avenir de l’homme et de la plénitude du divin. C’était tout le souvenir qui lui restait, mais il ressentit un sentiment de grandeur infinie qui dépassait largement l’impression de petitesse de l’homme. L’homme est grand par sa puissance à saisir l’infini, à imaginer Dieu. Y a-t-il une étape suivante ? Serait-elle l’entrée en communication avec cet infini ? En fait, cette prétention à cerner l’univers était vaine. Comment répondre aux questions telles que l’univers est-il fini ou infini, est-il seul ou y a-t-il un multivers composé de plusieurs univers ? Il se souvint de la réflexion de Giordano Bruno[1] dans De Immenso, écrit en 1591 : « L’univers est une sphère infinie dont le centre est partout et la circonférence nulle part ». Ce même Giordano Bruno qui croyait à la pluralité des mondes !

Il s’aperçut alors qu’il commençait à laisser son imagination prendre le dessus. Ce n’était plus une méditation sur le cosmos, mais l’affolement d’un cerveau qui ne saisissait pas cet infini qui nous entoure. Stop ! Il se leva, se remit dans son sac de couchage et se rendormit aussitôt. Il rêva et il ne pouvait contrôler son rêve. Face à cette immensité vide, il ne pouvait que se concentrer sur un point. Tout à coup celui-ci devint un immense tunnel qui l’attirait comme les grains matériels sont attirés par gravitation. Il se sentit prendre de la vitesse. Il était emmené non pas contre son gré, mais en toute conscience, jusqu’au moment où, prêt à entrer au-delà de la porte virtuelle, il se réveilla, transpirant, étouffant, au bord de l’asphyxie. Il reprit son souffle et s’étonna : comment trouver si je risque de mourir dès l’instant où j’approche de la vérité. L’univers restera-t-il toujours inconnu en raison de son infinitude ?

 

[1] Giordano Bruno (1548-1600) fut condamné par le tribunal de l’inquisition et mourut sur le bûcher à Rome.

06/01/2016

Nature

La nature a ses lois que n’a pas le rêve
L’eau se heurte au rocher sans méfiance
L’œuf casse sa tirelire sans retenir la sève
Seule la fiction agit sans défaillance

Oui, il n’y a rien qui ne vaille ce pincement
Que donne la rencontre de l’immuable
Tout est à sa place, au creux des fondements
Et le songe n’est qu’une évasion pitoyable

Parfois, s’ouvre la porte de la gratitude
La raison ne monte pas sans peine en altitude
Alors... Lâchez le lest et poursuivez nu

Là, un vent frais vous hérisse le poil
Malgré cela vous hissez la voile...
Dans ce monde, nature et fiction sont inconnues...

05/01/2016

Maxime, à la manière de La Rochefoucauld

 

C’est au fond de soi que l’on trouve le meilleur.

Mais cela nécessite l’oubli total du moi.

 

04/01/2016

Le tabourin, de Jean-Philippe Rameau

https://www.youtube.com/watch?v=nshsFUN91Gc

Ceci est la pièce brute, très belle, simple, une petite merveille de composition.

Mais il existe des adaptations très savantes telles que celle-ci, de Godowsky, pianiste et compositeur polonais et américain (1870-1938) :

https://www.youtube.com/watch?v=cXl3CoKaoEg

Eh bien, je préfère la première dans toute sa simplicité et son élégance !

03/01/2016

La fin de l'histoire (8)

Pourtant, il l’avait vue cette lumière qui semblait invisible. Il l’avait fait naître de lui-même sans savoir comment. Elle l’avait éclairé, puis s’en était allée. Il eut l’impression de se réveiller. Etait-ce un cauchemar ou une percée vers un autre univers ? Plus de temps ni d’espace. La lumière crue d’une vérité cachée qu’il ne pouvait saisir. Juste un sentiment. Et encore ! Une sensation, une sorte de hoquet pénétrant cette terre aride et dénuée de personnages. Est-ce cela la liberté ? Il n’était qu’une enveloppe transparente. Rien dedans, rien dehors. Le corps et l’esprit vierge, Il entendait le lourd silence de l’absence. Délivrance ou prison, va savoir ! Il s’étendit à terre, ferma les yeux. Et la lumière intérieure revint, assourdissante. Cette nuit, pour la première fois, il dormit les yeux ouverts.

Encore un jour, un jour de folie. Il tenta de revenir à la normale. Quelle apparence avait-il ? Il prit son miroir de fer blanc, incassable, et se rasa. Tout à coup, une évidence s’empara de lui. Il n’avait pas pris sa pilule et pourtant son indicateur ne rougissait pas. Aucune lueur le dénonçant. Il se sourit à lui-même dans le miroir, hurla et laissa résonner dans le défilé ce cri de délivrance. Il n’avait pas eu à choisir. Cela était venu tout seul, sans même qu’il y pense. La liberté bien en chair, palpable, visible. « Je suis l’homme nouveau », pensa-t-il. Et cette pensée ralluma son indicateur, le plongeant dans le plus profond désespoir. Dans l’heure qui suivit, il prit conscience de la nécessité de maîtriser en permanence ses pensées. C’est parce qu’il s’était rendu compte qu’il devenait différent des autres qu’il était redevenu normal, c’est-à-dire dépendant du système de pensée de la société. Ne pas porter de jugement, ni même d’impressions sur ce qui lui advient, se dit-il. Surtout ne pas se croire ou se dire différent ! Il comprit également que cette immersion dans son environnement était nuisible à son indépendance. Il devait prendre du recul, se rappeler à lui-même en permanence pour rester autonome. C’est d’ailleurs pour cela qu’il avait choisi de s’enfoncer dans le désert. Mais même au sein d’une nature brute, il devait se souvenir qu’il était, lui, indépendant, autonome, réellement homme. Se souvenir en permanence de cette boule de fraicheur qu’il avait découverte au fond de sa gorge et qui irradiait à la fois son cerveau et ses poumons, créant un espace d’absolu qu’il n’avait jamais soupçonné.

02/01/2016

Aube

Elle n’ouvre qu’une paupière discrète,
Un regard de biais, en faiblesse.
Elle étire un bras hors des draps
Et engage l’horizon au lever.
Les nuées lui font obstacle,
Un nuage barre l’accès à la transparence.
L’aube des matins d’hiver
Peine à se lever en fanfare.
Enfin, son visage s’éclaire,
Un rayon de feu sur la platitude
S’empare des formes vagues
Et leur donne une allure squelettique.
Ce doigt décharné déclenche
Un ruisseau d’or et de mauve
Qui déferle à vue d’œil
En éclats de diamant
Et paillettes de sang.
L’aube, de ses cheveux blonds,
Ébouriffée sur l’oreiller,
Contemple l’univers endormi,
Écoute l’avertissement des oiseaux
Et attend le retour du hibou.
Le voici ! Il s’engouffre, majestueux,
Dans le bois du vieux saule
Pour y cacher ses yeux béats.
Alors, en un moment divin,
L’espace prend ses dimensions.
Il enveloppe de son corps puissant
Cette aube aux yeux de biche
Et l’élève dans le ciel pur
À sa place de reine, un trône
Tendu d’une main égale
À la contemplation du mouvement.
Telle une femme de feu,
Elle lance la langueur du nord
À l’assaut de l’intercardinal,
Vers ce nord-est ouvert dans l’océan
Où déjà les vagues humaines
S’agitent et s’organisent.
Ont-elles pu admirer l’étrangère
Qui sortit du lit la marée
Et lui fit dire "l’heure est venue
De reprendre votre vocation".
Alors sous les derniers festons,
Encore colorés de pourpre,
L’espace infini du jour
Se revêt de son bleu virginal.

 ©  Loup Francart

Recherche

L’homme est insatiable
Sans cesse occupé à chercher…

Une vie en recherche…
Des grands explorateurs
Il passe aux astronautes
Enfourchant son moteur
Il erre dans la matière
Et palpe toute chose
En les nommant, tel un Dieu…

D’autres inversent la proposition
Ils cherchent en eux-mêmes
Ils se penchent sur leur nombril
Et regardent béatement
Les plis accumulés de leur être…

Ils n’entrent pas dans ces cachots
Qu’y découvriraient-ils ?
Un peu de terre et de salive
Qui, réunis et mêlées, forment boue
Et ne guérit que les corps

Seul l’esprit doit revivre !
Oui, mais… Où est-il ?
Personne ne l’a trouvé !
C’est un parfum trop puissant
Une note trop harmonieuse
Une couleur si chaleureuse
Qu’il est exclu de la connaissance
Et va ainsi dans le monde
Inconnu de la face des hommes…

Toutefois, l’enfant innocent
Voit en lui l’avenir étoilé
Et, regardant au loin
Se laisse guider sans interrogation
Au fil des rencontres ailées

©  Loup Francart

01/01/2016

Méditation

Qu’est-ce que la méditation ?

On trouve deux définitions assez différentes dans le dictionnaire. Dans la première définition, non religieuse, la méditation consiste à penser avec une grande concentration d'esprit pour approfondir sa réflexion sur un sujet. Dans l’oraison mentale, elle est un exercice spirituel préparant à la contemplation. Néanmoins de nombreuses méditations spirituelles commencent par une méditation sur un objet particulier et, inversement, la méditation a tendance à devenir une science de l’esprit répondant à un besoin intérieur inhérent à la nature humaine comme l'expliquent Rudolf Steiner ou Krishnamurti. Les deux aspects de la méditation se rejoignent dans une expérience objective et subjective des mondes matériel et spirituel.

Mais plus profondément et surtout pratiquement, la méditation consiste à entrer en soi-même, c’est-à-dire à franchir la frontière entre le monde visible et extérieur et le monde invisible et intérieur. C’est une frontière subtile, non discernable réellement (vous ne savez pas quand vous l’avez franchi). Mais à un moment donné, vous êtes de l’autre côté, sans savoir pourquoi exactement. C’est un monde sans couleurs, sans saveur, un monde nu, mais qui transforme et porte l’âme vers une sérénité et un attrait sans fin. Le cœur s’ouvre et se dévoile la beauté des mondes à la fois visible et invisible. Une tension reposante imprègne l’être qui, délivré, s’épanouit.

Vous n’en savez pas plus sur Dieu. Mais il devient autre chose qu’un savoir appris qui relève d’une doctrine formelle. Vous ne savez qui Il Est, mais vous savez qu’Il Est, objectivement et subjectivement. Alors, simplement, vous contemplez et cette contemplation vous transforme. C’est simple, mais c’est vrai : une vérité expérimentale.

Alors, que cette année nouvelle conduise à ces horizons incommensurables !

31/12/2015

IPad

Pour finir l’année, admirons les développements de la technologie. Un IPad multifonctions plus vrai que nature.

 
http://ipadvideolessons.com/blog/150224-ipad-magic/
http://ipadvideolessons.com/blog/150224-ipad-magic/

30/12/2015

Impulsion

La planète bleue se réchauffe. Elle devient rouge. Les hommes envoient des messages partout dans l'univers. Ils montent vers les galaxies, les étoiles, les planètes et submergent le cosmos. Ce SOS, c'est une sorte de morse, mais plus perfectionnée. La grosseur et la longueur des traits apportent des informations complexes aux petits hommes verts qui pourraient les intercepter. Dieu, pourvu que cela soit ! (MSG du GM [gouvernement mondial] au Cosmos, le 29 décembre 2034)

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29/12/2015

Feu

Ce n’est pas le feu des nuits d’été
Quand la braise n’en finit plus
Ce n’est pas celui des hivers glacés
Contemplé du haut des monts
C’est un feu doucereux et charmeur
Qui t’entraîne dans le non être
Et tu te vois, squelette errant
Dans le froid des brumes matinales
Et la caresse de la couverture céleste
Vers laquelle se porte ton regard
« Marche vers ton destin qui n’est rien ;
Mais toujours laisse-toi retourner
Par l’embrasement d’un instant unique ! »
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Il arrive parfois que celui-ci se renouvelle
Apporte une nouvelle brillance, plus détachée
Au souvenir de cet moment mélancolique
Ajoutant une traine à la pointe de l’âme
Pour qu’elle demeure en mémoire

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Alors la vie reflue dans les veines
Et s’enfonce plus profondément dans le souvenir

28/12/2015

La fin de l'histoire (7)

Ragaillardi par cette pensée, il se força à manger quelque chose, un petit rien pour subsister, et s’accorda une pause plus longue que prévue pendant laquelle il relut quelques pages du seul livre qu’il ait emporté : La révolution du silence.

Une heure plus tard, il reprit sa méditation. Il atteignit plus rapidement une certaine attention à ce qui se passait en lui. Il avait compris que l’essentiel était de ne pas se laisser envahir par n’importe quelle pensée. Pour cela il lui fallait un support de méditation, un sujet sur lequel il se ferait les dents et qui lui permettrait de ne pas dévier. Malgré de réelles tentatives, au bout de deux ou trois minutes, voire certaines fois plus de cinq minutes, il s’apercevait qu’il avait oublié pourquoi il était là et quel était son objectif. Alors il essaya ce qu’il avait lu dans le livre : se concentrer sur la respiration. C’était pratique et simple. Ralentir l’aspiration et l’expiration, sentir l’air passer dans le nez, le laisser nettoyer le cerveau avant qu’il ne descende dans la gorge, puis dans les poumons, s’arrêter enfin de respirer avant de chasser tout doucement l’air vicié en faisant le chemin en sens inverse. Et cela marchait. Il avait quelque chose à penser qui lui permettait de ne penser à rien. Quelle victoire ! Une demi-heure plus tard, il se sentit fatigué. Il avait besoin de respirer librement, à la va comme je te pousse. Il se leva, fit quelques pas, vit que le soleil descendait sur l’horizon. Il fera bientôt nuit, se dit-il. Allons courir ! Il enfila un short, mit ses chaussures de jogging et partit dans le défilé rocheux jusqu’à la plaine sablonneuse qui s’étalait devant lui. Il courrait sans penser à rien, n’écoutant que sa respiration bien rythmée, sentant ses jambes légères, regardant les étoiles qui s’allumaient progressivement. Il est temps que je songe à rentrer, se dit-il tout à coup. Il commence à faire froid. Aussitôt rentré, il se coucha et s’endormit rapidement, décontracté, sans souci, ayant oublié ce qui le tracassait.

Le lendemain, il reprit sa position de méditation et se posa la question de la vraie liberté en cherchant à résoudre le problème du paradoxe qui s’était imposé à lui la veille. Mais d’abord commencer par l’échauffement : s’attacher à une respiration non forcée, calme, réduite. Aujourd’hui cela allait mieux, l’air glissait en lui sans s’accrocher. Il se concentrait dans la gorge et la rafraichissait. Oui, il avait une sensation de fraicheur qui partait du conduit nasal jusqu’à la gorge, comme un fluide non liquide qui l’imprégnait de sa pureté, évacuant les obstacles et le rechargeait d’énergie. La respiration l’aidait à descendre en lui comme en un trou sans fin. Il participait à une sorte de ramonage qui partait du haut de la tête et atteignait enfin le plexus solaire. Ce ne lui fut pas perceptible au début, mais il se sentait bien, plus sûr de lui, délivré de ses préoccupations. Une idée s’imposa progressivement. Et si être libre, c’était ne plus avoir à choisir ? La survenue de choix dépend de l’environnement. Perdre son environnement, ses habitudes, ses pensées, ses émotions, c’est finalement perdre la multitude de choix que l’on s’impose en permanence. Si je n’ai plus rien, si je ne suis plus rien, je n’ai plus de choix à faire, je suis réellement libre, conclut-il. Il eut l’impression d’avoir franchi un grand pas et s’en réjouit. Mais peu à peu d’autres question se dressèrent, dont une qui le tarauda sérieusement. Si je n’ai plus tout ce qui constituait ma personnalité, je n’existe plus. Certes je vis, je respire, je mange et je défèque, mais qui suis-je ? Le grand vide de l’univers se dressait devant lui, redoutable. Mais dans le même temps, le rouge feu qu’il voyait devant ses yeux fermés s’éclaircit. Il vira au rose, puis à l’orange abricot, mandarine, aurore, puis au jaune et enfin devint blanc. Ce n’était pas une couleur, c’était la lumière pure que sa seule attention retenait en lui. Trop tard, elle était déjà partie ! Il la voyait, éclatante, puis plus rien, le noir ! Tout était à refaire.

27/12/2015

2cellos

Un duo extraordinaire de violoncellistes. Ils sont slovène-croates et s'appellent Luka Šulić et Stjepan Hauser. Aussi à l'aise dans la musique classique que dans le rock ou la pop, ils manient leur archet avec virtuosité, sortant du violoncelle des sons insolites, mais envoûtants d'énergie condensée.

26/12/2015

Emerveillement

Parfois, pendant quelques minutes, le monde s'illumine et enchante le regard. Il faut alors la magie de l'instant, la garder en soi et la revisionner pour saisir la beauté du monde. Ce fut le cas hier, jour de Noël :

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Le feu divin se révèle sous nos yeux, pour une ou deux minutes. Plus rien n'existe que cet or filtré par un chemin comme une ouverture vers l’inaccessible.

Et, au retour, nouvelle surprise :

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C'est vrai la pelleteuse ne fait pas bon effet dans cet embrasement. Mais c'était cependant à saisir!

25/12/2015

Cette nuit de Noël

Quand enfants, nous vivions ce jour
Qui n’en était pas un
Parce que la nuit n’était pas une nuit

On se couchait, transis
Dans l’attente du réveil douloureux
Ouvrant sur l’église froide
Et les chants de magnificence

On se coulait, endormis
Sous le manteau d’un proche
Et attendions, vainement
Le vacarme des cloches

On adjurait l’enfant, si petit !
Quelle gageure de rester éveillés
Lorsque du sommeil tirés
S’échappaient les larmes de froid

Enfin du clocher venait l’orage
D'un carillon s’époumonant...

Plongée dans la nuit noire
qui dessinait des sourires ébahis...

Le rêve se précisait, pressant
Vainqueur des inclinaisons de tête
Et de l’absence de conscience
Les yeux ouverts sur l’espoir

Les enfants que nous étions,
Désormais éveillés et vivants
Ayant vécu l’enchantement de l’esprit
Attendaient courageusement à l’entrée
La libération de l’impatience
Et l’envol vers l’affairement
Du déballage des mystères empaquetés

Et bien que couchés tard
Et levés tôt d’excitation fervente
La journée s’écoulait
Portée par une ardeur sans fin

Aujourd’hui, dans le vide du souvenir
Renaît en nous l’enfant si nu
Qui étreint le cœur et l’élève
Dans le cri de l’humanité :
« Viens, toi qui es plus que moi-même
Emplis-moi de ta présence
Transparente et unique »

©  Loup Francart

 

Il nous faut maintenant célébrer cette vie perpétuelle d'où procède toute vie, et par qui tout vivant, à la mesure de sa capacité, reçoit la vie...
Que tu parles de vie spirituelle, rationnelle ou sensible, de celle qui nourrit et fait croître, ou de quelque vie que ce puisse être, c'est grâce à la vie qui transcende toute vie qu'elle vit et qu'elle vivifie...
Car c'est trop peu de dire que cette vie est vivante.
Elle est principe de vie, source unique de vie.
C'est elle qui parfait et qui différencie toute vie, et c'est à partir de toute vie qu'il convient de célébrer sa louange...
Donatrice de vie et plus que vie, elle mérite d'être célébrée par tous les noms que les hommes peuvent appliquer à cette vie indicible.

Denys l'Aéropagite

24/12/2015

Venu au monde

Pour nous préparer à l'avènement :

Tu es venu au monde.jpg

23/12/2015

Arbre

L’arbre est tenace
Coupez-lui les bras
Il repart à l’assaut du ciel

Sa tronche lui tient lieu de tête
Il sait se dresser sur la pointe des pieds

Mais quand vient la dernière saison
Ses jointures fatiguées se crevassent
Il rend grâce et ouvre son corps aux cieux

Il finit sous la scie, rétractant sa chair fendue
Et s’épanche désormais d’un cœur tendre en volutes de fumée

©  Loup Francart

22/12/2015

La fin de l'histoire (6)

Ah, ça y est ! Il commence à divaguer et a perdu le fil de ses idées. Il ne pense plus à ce qu’il cherche, mais à son environnement. Peut-être doit-il se poser la question non pas de ce qu’il ne veut pas, mais de qu’il chercher. Par quoi remplacer ses pensées, qui se résument à ce qu’il ne veut pas penser ? Et puis, faut-il réellement remplacer une pensée par une autre, même personnelle ? Il n’en était pas sûr et il lui fallait approfondir. Au cours de cette soirée, il soupesa l’ensemble des questions contenant la première question. Pas de réponse. Rien que des questions et d’autres questions, puis encore d’autres. Dieu que c’est difficile ! Tiens, que vient faire Dieu dans tout cela ? Non pas le Dieu qui vous permet de vous intégrer sagement à la société, mais un dieu qui devrait aider à répondre à ces questions. Progressivement une confusion s’installa dans son esprit. Il n’arrivait plus à maîtriser les interrogations qui l’assaillaient, venant de toutes les directions et dans tous les domaines. Stop !

Il se leva, se dégourdit les jambes et sortit. Ouf ! Quelle chaleur ! Il eut l’impression d’être un morceau de viande fraiche que l’on met dans une poêle. Il rentra très vite, se coucha et s’endormit aussitôt, fatigué d’avoir trop pensé. Pourtant la méditation ne devrait pas fatiguer, se dit-il en se réveillant. Quel mystère et quelle idée de vouloir méditer ! Au fait, je n’ai pas encore répondu à la question « Pourquoi vouloir être libre et qu’est-ce que la liberté ? » Moi et le monde, pensa-t-il tout à coup. Oui, c’est bien le monde qui m’empêche d’être libre. Pas seulement les autres, mes condisciples, mais également mon environnement naturel et social. Cependant, sans le monde, sans son soutien indispensable, je ne serai pas. Alors si ce n’est le monde, c’est donc moi ! »

Ainsi, être libre, c’est être délivré de ses émotions, ses sentiments, ses pensées, ses attitudes, ses comportements qui emprisonnent. Oui, mais la liberté, c’est pouvoir choisir et si je n’ai plus tout cela pour choisir, comment vais-je faire ? Il y a là un véritable paradoxe : se délivrer de soi-même pour être libre, mais ne plus pouvoir choisir parce que l’on n’est plus rien. Impossible. Et pourtant c’est vrai, se dit-il. Tiens, mais au fond, je poursuis ma méditation sans m’en rendre compte. C’est peut-être la meilleure façon de méditer, le faire sans le savoir.

21/12/2015

Orthographe

Nous avons tous beaucoup de mal avec l’orthographe. Celle-ci semble très rationnelle : règles et exceptions se multiplient. Il suffit de les savoir. C’est un problème masculin. Mais l’application stricte de ces règles relève d’une logique féminine qui embrouille aisément les machos.

Ainsi en est-il, par exemple, des noms des jours de la semaine. Ceux-ci sont des noms communs. Ils se réfèrent dans leurs accords, aux mêmes règles que les autres noms communs. On écrit bien tous les mercredis, tous les samedis, et, même, tous les dimanches. Mais cela se complique lorsqu’on fait, dans une description, référence à une semaine ou un mois, voire des années, c’est-à-dire à un intervalle de temps. On écrira tous les lundi de chaque semaine, je fais… et comme dans un mois il y a plusieurs lundi, on écrira tous les lundis de chaque mois… Mais il convient d'écrire tous les deuxième et troisième lundis de chaque mois, car il n’y a qu’un premier et troisième lundi dans le mois.

La règle confine à l’absurde si l’on va plus loin. On écrit tous les dimanches matin du mois et tous les mardi soir de la semaine. Mais c’est ainsi. En effet, il y a plusieurs dimanches dans un mois et matin est au singulier car il n’y a qu’un seul matin par journée. De même, mardi est au singulier, car il n’y a qu’un seul mardi dans la semaine et soir également au singulier car il n’y a qu’un seul soir dans un mardi.

Alors, si vous ne voulez pas vous faire des nœuds au cerveau, écrivez tout simplement tous les jeudis.

20/12/2015

Maxime, à la manière de La Rochefoucauld

On traîne toute sa vie un certain mépris de soi,
sans toutefois approfondir cette question.

19/12/2015

Mouche

Incongrue, elle se tient là, perdue,
Sur une assiette, comme morte.
Vu d’un peu plus près, en se penchant,
Elle vibrionne de toutes ses ailes
Et aspire à grandes goulées
Le jus sucré des restes du repas.

Voici la fine mouche du coche,
Parjure et insaisissable,
Fine mouche volant sur les idées.
Elle t’accompagne dans la nuit,
On ne l’entend pas voler,
Elle te pique l’occiput, mais…
Qui peut lui faire du mal ?

Certains ont peur des mouches :
Ce tas de poils dans mon assiette
Où donc a-t-elle traîné auparavant ?
Sortie d’un manuscrit serré,
Ses pattes deviennent illisibles
A celui qui les tente avec du vinaigre

D’autres les préfèrent sur le visage
En décor inusité et pointe d’asperge
Sur le nez ou la joue câline.
Ce grain de beauté sur le décolleté
Donne des ailes à la gent masculine.
Les mouches les attirent impitoyablement.
Quel aérodrome délicieux, se disent-ils.

Certaines peuvent servir de modèles
Aux bateaux parisiens qui se piquent
De montrer le meilleur de la capitale
En courant d’est en ouest ou inversement.
Artificielles, elles ne sont qu’un appât
Qui attire le touriste au centre de la cible.

La mouche devient indicatrice.
Elle espionne pour le compte d’un autre.
Portée sous la lèvre inférieure
Et dénommée la Royale ou l’impériale,
Cette petite boule de poils renforce
L’ardeur de l’éclaireur ou mouche d’escadre.
Elle ne peut servir à cacher le visage.
Juste faire mouche un instant d’égarement.

Dieu, que d’imagination pour cet insecte
Qui vaque et prend la rage
Sans qu’on ose lui faire du mal.
Mais que vaut-il mieux ?
Disposer d’un chasse-mouche
Ou être piqué par les mouchetiques…

©  Loup Francart

18/12/2015

A vous, fidèles dans le Christ Jésus

Un extrait des Épitres de Saint Paul, mis en musique pour un petit choeur à trois voix :

A vous, fidèles dans le Christ.jpg

17/12/2015

La fin de l'histoire (5)

Il se leva à quatre heures du matin et se fit chauffer de l’eau. Il prit un café soluble, se lava le visage et les dents et s’installa en posture de méditation. Il était pleinement réveillé et prêt à l’action. Oui, seulement le problème était que la méditation n’est pas l’action. C’est quasiment le contraire. Comment calmer ce grand corps qui ne demande qu’à bouger et s’exprimer ? Il fut très vite distrait par une araignée qui courrait sur ses vêtements, un moustique qui venait lui pomper un peu de sang, la chaleur qui commençait à poindre. Que faire ? Il s’interrogea. Il lui apparut que sa fuite était un peu inorganisée. Il aurait dû préparer ces journées en pensant à un emploi du temps très strict : réveil quatre heures (c’est pourtant bien ce qu’il avait fait aujourd’hui !), toilette et petit déjeuner (c’est également ce qu’il avait fait), méditation (oui, là aussi. Mais cela ne marchait pas). Donc, remplacer la méditation immédiate par un peu de sport pour apaiser son corps. Alors l’esprit pourra se mettre en route. Et puis, de toute façon, il vaut mieux faire du sport avant que le soleil ne commence à taper. Ensuite méditation jusqu’à midi. Manger et une petite sieste, puis reprise de la méditation jusqu’au soir. Une récréation : partir à la découverte de son environnement. Mais pas trop. Il ne faudrait pas faire de mauvaises rencontres et dévoiler son refuge. Ensuite, diner, coucher. Beau programme. Sans doute un peu ambitieux. Mais on va essayer de s’y tenir.

 Le premier jour fut difficile. En fait, il n’avait que quelques connaissances livresques de la méditation. Il avait en effet amené avec lui La révolution du silence, de Krisnamurti, un vieux livre datant de 1970, qui décrivait comment méditer. Il n’avait jamais pratiqué ce genre d’exercice. Il comprit vite que chercher de prime abord à ne plus penser est vain et futile, voire impossible. Rien que le fait de se dire « Je ne veux pas penser », c’est déjà penser. Il lui vint l’idée que la première méditation devrait consister à chercher pourquoi il voulait méditer. Une réponse claire pourrait lui permettre d’aborder une deuxième étape : comment ? Sa journée fut un vrai champ de bataille. Ce n’est qu’en fin de ce premier jour qu’il sut pourquoi il voulait méditer. C’était sans doute dû au fait qu’il n’avait pas pris sa pilule le matin. Il voulait reprendre son autonomie, devenir libre, mieux même : penser en acteur indépendant sans être contraint de penser comme les autres. Mais pourquoi ? A quoi sert la liberté si l’on ne sait pas s’en servir ! Et puis, de quelle liberté s’agit-il ? Il est déjà libre puisqu’il est là, en plein désert sans personne pour l’empêcher de faire ce qu’il veut. Il avait un jour consulté Wikipédia, devenu le grand dictionnaire animé par l’ensemble de la population mondiale. L’ennui était que cette consultation n’avait pas répondu à son attente. La page ne parlait que de liberté dans la société liée aux droits fondamentaux de l’homme et à ses droits sociétaux. Elle évoquait également sur de nombreuses pages les libertés collectives (liberté d’association, d’information, de réunion, etc.). Elle n’évoquait jamais la notion de liberté personnelle. Sujet tabou sous peine de non-conformité. Circulez, y a rien à voir ! Il s’aperçut vite que la liberté n’est pas un bien que l’on acquiert comme on achète une maison ou une voiture. La liberté dépend de soi et de la manière personnelle d’aborder sa notion de liberté. Il n’y a pas une liberté, mais des êtres plus ou moins libres. Cette nuance dans la liberté est liée directement à la capacité d’autonomie de chacun non seulement vis-à-vis de la société, mais surtout vis-à-vis de lui-même. Donc, premier point : se débarrasser l’esprit de tout ce qui l’encombre et ne garder que ce qui lui semble fiable, venant de lui-même et non d’un apprentissage scolaire et sociétal.

16/12/2015

Dépouillement

Derrière le palpable
L’infini du rien

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Voir le monde
Entrapercevoir l’invisible

15/12/2015

L'espérance

Espérer est un verbe aérien qui élève
De l’espoir à l’espérance, du Un au Tout
Le zéro est-il sans perspective
Et l’infini signifie-t-il croyance ?
Nul ne le sait sinon celui qui connaît
Et a franchi le pas de l’idée à l’action

L’espoir traduit l’attente et n’est qu’un mot
Il converge entièrement vers son objet
Et le rétrécit à la pointe d’une aiguille
Sous la peau se cache l’épine
Qui une fois découverte abrège l’inquiétude
Sans pour autant affaiblir la souffrance
Qui revient par une autre porte
Ouverte sur un autre objet

Pour certains, l’espérance est oubliée
Et devient illusion et aliénation
En effet, elle ne poursuit pas un gain précis
Et dépasse l’espérance mathématique
Elle n’a pas d’ambition
Et la gloire épuise son souffle
Elle est sans perspective
Et reste dans l’expectance
Elle ne court pas après un objet

L’espérance n’est qu’un état d’être
Elle est confiance et ouverture
Capte l’éternité et la rend palpable
Devenue vertu parce que persévérante
Réponse de l’homme au silence de Dieu
Elle est au-delà de l’espoir
Elle est l’ancre de l’âme
Elle est action, libre et libératrice
Elle est le chemin de l’accomplissement

Toi, l’au-delà de Tout
Plus réel que la réalité
Donne-moi d’espérer
Dans la vacuité de l'instant

©  Loup Francart

14/12/2015

Deux heures

A deux heures du matin, la maison s’éveille. Auparavant, pas un bruit, ni chez les humains qui dorment du sommeil du juste, ni chez les rongeurs qui achèvent leur nuit. Aujourd’hui, deux heures pile, premiers grattements. Ceux-ci sont insidieux. Un meuble qui craque, cela arrive tous les jours ! Puis, j’entends distinctement les dents qui attaquent le bois. Cela se situe dans le placard, parmi les documents entassés : livres, dossiers, polycopiés et d’autres formes de papier pour noter ce qui vous passe par la tête. Une pause après ces craquements. Puis, ils reprennent, plus exigeants vis-à-vis de l’objet attaqué. Mais cette fois, ils s’accompagnent de roulements, comme une bille que l’animal fait rouler devant lui pour la déplacer. Jamais l’on n’entend les pattes de ces petites bêtes. Elles gigotent avec habileté, sans découragement, sans relâche, produisant une danse perpétuelle dans la résonance du mur.

Ah ! Pendant que j’écrivais cette phrase, arrêt des sons ? Serais-tu fatigué ? Subtilement, le rongeur se tait. Qui pourrait soupçonner que ces bruits sont le produit d’êtres vivants ? Dans ma tête, je le vois, poussant sa noisette par le museau, rectifiant sa trajectoire, lui faisant franchir une aspérité, la laissant rouler dans une inclinaison. Il est intelligent par habitude. Cela fait tant de temps qu’il joue au golf qu’il maîtrise parfaitement le coup de museau et l’itinéraire à suivre. Toujours proche du Par ! Au fait, comment fait-il pour trouver des noix au premier étage ? A ma connaissance, elles sont dans les paniers de la cuisine et nulle part ailleurs. Alors ? Eh bien, je n’en sais rien et pour le savoir il faudrait teindre en rouge les noix et voir si ce sont bien elles qui montent au premier. Quel travail !

Ah, cela repart. Tiens, ce n’est probablement plus le même animal et le bruit vient directement du mur. Il est plus important, on sent l’animal se déplacer dans l’étroitesse du boyau qu’il empreinte. Il court parfois, d’autre fois il ronge. C’est son métier. Il le fait avec précision. Je me demande s’il ne va pas surgir tout d’un coup dans la pièce et criant : « Me voilà ! » Ce n’est pas encore arrivé, mais on peut l’espérer. Lui, je n’aimerai pas mettre mon doigt dans son trou. Il ne reviendrait pas entier. Les gencives musclées, entraîné à percer, il domine le problème et gratte, gratte sans cesse. Il ne sait pourquoi, mais c’est un instinct basique qui le satisfait, lui donne du cœur au ventre et le fait saliver. Je me souviens d’un loir, petite boule de poils que nous avions découverte dans une autre maison, endormi au bord de la fenêtre. Il y était resté presque trois semaines. On le croyait mort, mais quand on le touchait, il était chaud et doux. Et puis, un matin, nous l’avons vu s’éveiller et quitter tranquillement son rebord de fenêtre pour rejoindre un lieu secret, connu de lui seul. Finalement, il est bien possible que ce soit un loir. Pendant ce temps, il continue sa gymnastique et je ne peux m’endormir. Le moindre début de sommeil est dérangé par un grignotement majestueux et puissant. Il faudra attendre la prochaine accalmie…

Ron… Ron… Enfin !

Oui, c'est une vieille maison où tous se sentent bien, les humains comme les autres. Ils se côtoient, mais pas simultanément, les uns le jour, les autres la nuit. Normalement, il n'y a pas de promiscuité. Mais il peut arriver que certains aiment s'éveiller et méditer à des heures incongrues. Cela crée quelques interférences, mais pas de dommages.

La fin de l'histoire (4)

Le lendemain matin, ils partirent avec deux dromadaires, des dattes, de la viande séchée et quelques gourdes en peau, en plus du sac à dos de Nicéphore. Celui-ci n’avait bien sûr rien dit à Mohamed de la réalité de sa quête. Ce dernier ne parlait que quelques mots de français, mais Nicéphore disposait de sa machine à traduire instantanément. L’adolescent était bavard, drôle parfois, jamais à court d’idées. A certains moments il devenait soulant. Nicéphore, lorsqu’il était las de l’entendre, éteignait sa machine, ce qui faisait instantanément cesser le flot de paroles. Il sortait un livre et faisait semblant de travailler.

Les dromadaires marchèrent ainsi pendant une bonne partie du jour dans un paysage plat parsemé d’arbustes. Une chaleur étouffante, pas un souffle de vent, l’eau quasiment chaude à boire avec parcimonie. Nicéphore somnolait secoué par la lente cadence des pas de sa monture. En fin d’après-midi, Mohamed arrêta les bêtes, fit baraquer son dromadaire, se tourna vers la Macque et fit sa prière. Nicéphore en fut heureusement surpris. Ainsi donc, il y avait encore des contrées où il était possible de prier devant les autres sans que l’on vous emprisonne. Quel bon augure, pensa-t-il. Ils repartirent, marchèrent encore une heure et arrivèrent près d’un rebord granitiques ou s’entassaient d’énormes rochers, créant entre eux de petites grottes plus ou moins habitables.

– Nous y sommes, me dit Mohammed. Vous avez l’embarras du choix. Dites-moi seulement où vous installez et je repars aussitôt.

Fouillant un peu dans cet imbroglio minéral, Nicéphore finit par trouver une grotte suffisamment spacieuse et fraîche. Ils débarquèrent les vivres, l’eau et les autres objets qu’il avait apportés. Mohammed ajouta :

– il y a une source qui coule de la montagne. A cette époque de l’année, elle a encore de l’eau. Elle se trouve à cent mètres, dans la petite vallée que vous voyez d’ici. Je reviens dans quatre jours. Salam Aleikoum !

– Aleikoum Salam, lui répondit Nicéphore.

Il se retrouva seul dans ce désert de pierres, entouré de rares être vivants tels que des lézards, serpents, scorpions. Un silence impressionnant, presque surhumain. La grotte était fraîche. Il y ferait sans doute froid dans la nuit. Il avait emporté de quoi se vêtir et un sac de couchage renforcé. Il ne craignait rien. Il s’était promis de ne plus prendre la pilule. Jamais plus. C’était sa première résolution. La seconde était encore plus extraordinaire. Il méditera chaque jour pour trouver un but à sa vie, la sienne, pas celle de tous. Alors, pour bien marquer la seconde résolution, il s’installa face au paysage de pierres et s’immobilisa, assis en tailleur.

13/12/2015

Si on veut

Monsieur Albert était un petit homme vif et truculent. Il avait le don de vous surprendre vers 11h30 pour vous apporter quelque chose ou vous dire ce qu’il avait fait en votre absence. Muni d’une clé de la maison, il venait réparer un robinet qui fuyait, ratisser le jardin, remplacer une serrure. Bref il était devenu indispensable et faisait partie de la maison au même titre que la porte d’entrée, le compteur d’électricité ou la vanne d’arrivée d’eau.

Mais Monsieur Albert n’était pas seulement un homme à tout faire qui rend service avec le sourire. Il était aussi le philosophe de la vie quotidienne, le populiste qui explique les dernières élections, le météorologue qui regarde le ciel et vous dit, d’un air de ne pas y toucher : « Demain, il va faire de l’eau ! » Il savait parler et raconter sa vie, celle des autres, celle de la commune, celle de la France. Bien sûr, il n’échappait pas à la règle des mots tout faits : « C’est pas de refus ! » ou encore « Y a pas à dire… » Mais il avait son art de dire comme il avait son art de faire. Il s’asseyait face à la table, les genoux écartés et vous disait d’un air calme : « Oui, j’ai fait les toits de Paris. J’étais couvreur. Le plus dur, c’était en hiver. Des fois, il gelait fort. Fallait pourtant garder les mains au chaud… » Et il poursuivait ainsi sans s’arrêter, ayant toujours quelque chose à narrer. Jamais cependant il ne disait du mal de quelqu’un. Lorsqu’il avait à dire sur telle ou telle personne, il annonçait seulement : « Méfiez-vous, la Jeanne, faut pas la fréquenter. Elle est trop bavarde ! » On savait alors que la personne racontait tout à tous avec une délectation sans fin et tentait en permanence d’apprendre sur chacun pour annoncer une nouvelle histoire aux autres, à votre détriment, bien sûr ! »

Sa phrase favorite : « Si on veut. » il en usait, sentant bien qu’il y avait quelque chose d’insolite dans cette réponse à une question qui le concernait directement telle que : « Vous prendrez bien quelque chose ? » Il vous répondait alors d’un air assuré et guilleret : « Si on veut. » Qu’entendait-il derrière ce on ? Parlait-il de lui ou au contraire de celui qui avait posé la question ? On ne sait. Il laissait supposer que cela lui était égal ou que, si vous n’y teniez pas, peu lui importait. C’était sa manière : être impersonnel avec une réponse personnelle à donner, être désintéressé alors qu’il n’attendait que cela. Que signifiait cette phrase dans sa tête ? On ne le saura jamais. Monsieur Albert n’est plus. Il repose au cimetière, son dernier toit à couvrir. Oui, M’sieur Albert avait une faiblesse pour le vin rouge et en abusait quelque peu. Il en est mort. Ainsi, il venait vous voir à onze heures trente. On l’entendait ouvrir la porte cochère du jardin, déposer son vélo contre un arbre, et venir taper d’un doigt à la porte de la cuisine. Nous aimions ses visites, son langage fleuri, sa bonne humeur jamais en défaut, ses réflexions qui n’avaient l’air de rien. Il avait l’aisance des simples, comprenait lorsqu’il nous dérangeait : « Je reviendrai », disait-il.

Il ne reviendra plus, mais nous conservons dans nos souvenirs la mémoire d’un homme vrai. Parfois, pour rire, à une question posée par l’un d’entre nous, un autre répond : « Si on veut », et un sourire nostalgique naît sur nos lèvres.

12/12/2015

Brouillard

Hors de toute gravité l’ouate flotte dans l’air
Et encombre les bronches révoltées
Par le passage des particules délétères
D’une brume persistante et illimitée

Enfoncez-vous mollement dans la purée
Laissez-vous aller sans bras ni jambes
Et ouvrez grand votre regard enchanté
Sur les nuages devenus ingambes

Il lui prit la main, hors de toute mise en scène
Gonflé d’un hélium envahissant et obscène
Il frémit de bonheur. L’angoisse attendra !

Va où te conduisent ton cœur et ta nature
Marche vers l’inconnue en toute droiture
Va vers la porte blanche et avance d’un pas !

©  Loup Francart