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06/03/2016

La fin de l'histoire (22)

Ainsi je ne suis pas seul, se dit-il. Magrit a également choisi. Mais je ne comprends pas comment elle fait. Prend-elle toujours la pilule ? Comment fait-elle pour lutter contre ses effets. Il faudra que je lui demande. Il rentra vite chez lui, sentant que son cerveau commençait à s’embrouiller et qu’il n’en était plus maître. Il rentra d’extrême justesse. À peine avait-il franchi sa porte que son indicateur s’alluma, le dénonçant automatiquement. Il ferma aussitôt les rideaux, craignant que cette lueur n’attire les regards. Il s’installa en posture de méditation et commença à entrer en lui-même, calmant les battements de son cœur et ses inquiétudes. Tentant de respirer consciemment, il découvrit une autre manière de faire silence en lui, particulièrement efficace lorsqu’il est en situation de stress. Il eut l’impression de respirer au-dedans de lui-même. Partant du ventre, sa respiration fit naître en lui un espace libre au-dessous de la gorge, comme un air de liberté inviolable qui grandissait en lui et allégeait ses difficultés. Très vite, il se sentit délivré, libre, aérien. Ce fut une exaltation sans fin, un trou dans le réel qui le faisait changer de monde. Il se détendit, laissant jouer ses muscles, ses tendons, tout en maintenant son corps droit. Il eut le sentiment d’être aspiré et de se nettoyer intérieurement. La frontière entre son personnage extérieur et sa réalité intérieure s’éclipsa ou, tout au moins, devint transparente. Il acquit une lucidité qu’il n’avait jamais connue jusqu’à présent. Il ouvrit les yeux, constata que son indicateur s’était éteint. Il s’endormit très vite et ne se réveilla que dans la matinée, en pleine forme. Il sortit courir dans la ville et eut l’impression de voler entre les immeubles. Il sentit son cœur devenir chaud et chaque passant lui sembla aimable et beau.

Quelle sensation extraordinaire ! se dit-il. Il courait et le monde s’ouvrait. Les liens se tissaient entre les immeubles, d’autres liens entre les gens qu’il croisait. Tous ces liens donnaient une étrange conformité au paysage, comme un revêtement de couleurs douces et huilées. Il écouta le martèlement de ses chaussures sur le sol goudronné. Il devenait de plus en plus léger et sentait son poids devenir plus faible, moins sensible. Sa légèreté intérieure se transmettait à sa perception extérieure. L’enveloppe de son corps s’amenuisait. Il ne sentait plus la différence entre cette présence extérieure des êtres et des objets et celle, intérieure, de son propre moi qui devenait inexistant. C’est cette absence de personnalité qui lui permettait de vivre ce moment unique, l’osmose de son être avec le monde. L’univers était en lui et il était l’univers.

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