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07/04/2012

L’idiot de Shanghai, nouvelle de Pierre Péju

 

 

C’est une histoire à la chinoise, incompréhensible et impossible, mais qui est belle à lire et à méditer. Un homme de lettres est envoyé enlittérature,nouvelle,culture,civilisation Chine pour donner aux lecteurs d’un journal ses premières impressions sur l’évolution de la Chine. Tout est prévu à l’avance et il est accompagné d’une jeune fille, dénommé Lala, accompagnatrice qui le noie d’explications et l’emmène dans tous les lieux importants. Et toujours, toujours : « Avez-vous commencé à écrire vos impressions ? » Traversant un musée consacré à la peinture chinoise traditionnelle, il remarque une feuille de papier de riz représentant un paysage à peine esquissé, peint à l’encre de Chine. Il est magnifique et l’un des deux personnages représentés le ravit, huit virgules noires, tel un idiot poursuivi par une averse d’idéogrammes. Il était l’idiot de la montagne et l’auteur l’idiot de Shanghai.

Il ne souhaite plus qu’une chose avant son départ, rencontrer la dame de Shanghai, promesse faite à une douanière, qui doit lui donner un cadeau à ramener à Paris. Celle-ci, belle, élégante, sort pour lui remettre ce cadeau lorsqu’une immense bousculade les oblige à fuir la maison. Un jeune enfant lui remet une robe noire, couverte d’idéogrammes.

Voulant lire une adresse sur une carte de visite, il s’aperçoit qu’il ne sait plus lire. Il arrive à grand peine à sortir de Chine en utilisant des stratagèmes pour se faire expliquer pancartes et papiers à remplir. Arrivé en France, la douanière l’intercepte et prend la robe qui devait contenir des informations importantes sur les trafics entre l’Europe et la Chine. L’interprète éclate de rire, elle ne contient qu’un vieux conte chinois racontant l’histoire d’un lettré et d’un enfant inculte qui grimpent sur une montagne. Arrivé en haut, le lettré jette un à un les livres dans le vide au grand désespoir du tout jeune homme : « Tous ces classiques ! La parole des sages ! Jetés dans le vide ! » Le vieux lettré se met à rire. L’enfant tremble comme une feuille. Alors le vieillard prend un livre au hasard dans le lourd fardeau de son jeune compagnon. Toutes les pages sont vierges… Blancheur et silence…

 

L’histoire en elle-même semble assez creuse. Elle l’est. Peu d’intrigues, encore moins de dialogues, oui, des descriptions tout de même, mais pas quoi faire une véritable histoire digne d’être écrite. Et pourtant, tel un conte chinois, derrière l’apparente sobriété de l’écriture, on soupçonne, on devine la grandeur, l’immensité et le mystère de la ville de Shanghai. Cette nouvelle est belle par ce qui n’est pas dit : toute la psychologie de la Chine perçue dans l’absence de lettres et de mots et qui n’est décrite qu’au travers d’événements minuscules qui arrive à un européen perdu dans ce monde étrange de l’Extrême-Orient.

 

 

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