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17/05/2021

Pi: l'infini du mystère

"Pi est une porte ouverte sur l’infini"
Énonça un jour Lindemann
Et il en fit un nombre transcendant et irrationnel
Il est transcendant parce qu’il n’est pas algébrique
Il est irrationnel parce qu’on ne peut le compter

Pourtant Pi est entièrement déterminé jusqu’à l’infini 
Ce n’est qu’un rapport qui est constant 
Entre la circonférence d’un cercle à son diamètre
Quel que soit les dimensions du cercle    
Et ce nombre est plus grand
Que les particules contenues dans l’univers
C’est sans doute un nombre sans fin
Ne commençant qu’après un trois virgule
Mais réellement infini
Une trinité sacrée et quelques poussières
Qui se prolongent au-delà du possible
Car on ne peut aller au bout

C’est un nombre univers
Il contient tout, tout ce qui existe
Ou a existé dans l’univers
Et il va au delà du savoir humain


Pi copie-t-il le hasard ?
Ou le hasard serait-il autre que hasard 
Un hasard voulu par un mystère insondable

le tout compensé sur sur une seule formule !

19/12/2020

Certitudes

Ne pas vivre de certitudes. C’est à la fois plus simple et plus difficile que d’en vivre.

Plus simple parce que cela soutient devant le vide. Plus difficile parce qu’il faut perpétuellement les consolider ou même les rebâtir.

La seule certitude est l’amour. La connaissance n’apporte pas de certitudes, elle ne fait qu’aider à ne pas en avoir.

Comme il est difficile de n’être sûr de rien, sauf de l’amour. Au fond, l’amour c’est l’espérance : garder l’espérance devant toutes les incertitudes.

10/04/2020

La connaissance

 

La connaissance, c'est connaître son ignorance et la vouloir.

 

25/12/2019

Noël et liturgie

C’était un dimanche. J’avais quinze ans. Ce jour-là, j’entrais au Val de Grâce pour assister à la messe. Seul, contrairement aux habitudes familiales, peut-être pour y échapper. Dans cette chapelle, en une heure qui me parut cinq minutes, je fis l’expérience du mystère : mystère de la liturgie intérieure, mystère de l’embrasement cosmique, découverte intime de l’Esprit au-delà de la fine pointe de l’âme. Cette heure fut pour moi une des grandes expériences spirituelles que chaque être fait dans sa vie, consciemment ou non. Expérience qui donne la perception de l’infinie valeur que chaque homme a aux yeux de Dieu ; expérience qui, en même temps, permet de saisir notre pauvreté et petitesse, quand manque en nous le souffle décapant de l’Esprit.

Ensuite, les chemins de la vie m’égarèrent vers d’autres directions, m’enracinèrent dans d’autres ambitions. Le monde resserre ses doigts sur ceux qui doivent trouver leur place dans la vie active. Il presse ceux qui se concentrent sur le visible en oubliant l’invisible. Même lorsque l’infini se dévoile de nouveau au détour d’un sentier, ceux-ci poursuivent leur chemin sans lever les yeux. Et pourtant, toujours au fond de mon être, cette aspiration intense, cette espérance lancinante d’une beauté ineffable qui nettoie, qui purifie, qui éclaire le regard dans les larmes de l’émerveillement. Attente rarement comblée par les liturgies vécues au fil des déménagements, liturgies tristes où le visible fait semblant et d’où l’invisible a disparu. La liturgie terrestre n’est l’écho de l’éternelle liturgie céleste que lorsque louange et beauté ouvrent le voile de l’humain et font percevoir le vrai. La beauté manifeste la splendeur du vrai (Platon), le rayonnement de cet infini qui travaille l’âme et l’ouvre à l’Esprit.

            Malgré l’avertissement visionnaire de Dostoïevski (la beauté sauvera le monde), notre siècle a longtemps pensé que la science sauverait le monde et donnerait un sens à la vie humaine. Pourtant, notre société étouffe du manque de sens. Elle le cherche dans le bruit et la fureur des spectacles, dans les combinaisons rationnelles de l’informatique, dans l’exaltation de l’aventure aux extrêmes, elle ne le trouve pas dans le discours « politiquement correct » de nombreux responsables, dans l’aride réalisme des courbes économiques ou dans la fraternité sur commande des cérémonies religieuses ou civiques. Elle aspire au feu divin sans oser le nommer. Cependant, la science, comme auparavant la théologie spirituelle, a mis en évidence ce « nuage d’inconnaissance » au-delà de la connaissance et a fait des vrais savants les êtres les moins dogmatiques qui soient parce qu’ils communient avec l’infinie beauté du mystère de l’univers. Il nous appartient, dès maintenant, d’œuvrer ensemble pour que ce XXI° siècle naissant soit spirituel, pour que l’essence même de la religion se dévoile au-delà de ses manifestations visibles, pour que l’être humain devienne liturgie vivante, c’est-à-dire prenne part à l’œuvre de Dieu.

C’est une aventure difficile. Elle constitue l’enjeu des vingt cinq prochaines années. Elle est difficile, car il faut affronter l’inertie et la pesanteur d’une intelligentsia au pouvoir dont l’autorité se fonde sur un consensus de circonstance. Elle est enivrante parce qu’elle oblige à dépasser le vieil homme, à puiser son énergie dans le souffle de l’Esprit. Elle est visionnaire, car elle croit à la capacité pour chaque homme de s’accomplir au-delà d’un accroissement du quotient intellectuel ou d’un formalisme religieux et moralisant.

Expression essentielle du christianisme, renouvelant sans cesse le don du Christ, la liturgie devrait constituer le fondement de notre sens de la vie. Puisant aux sources même de notre être, elle existe pour nous renouveler, nous faire passer du vieil homme à l’homme nouveau, nous faire pénétrer dans le royaume auquel nous aspirons. « Seigneur, je crie vers toi », chante le psalmiste, et la réponse se trouve dans le cantique des cantiques : « Lève-toi, ma bien aimée, viens ! »

03/12/2019

Le silence de l'âme

Celui qui sait ne parle pas
Celui qui parle ne sait pas
Lao Tseu

La connaissance suprême accessible à l’homme est une connaissance qui vient de l’âme. L’homme qui possède cette connaissance s’aperçoit qu’il ne sait rien au sens de la connaissance intellectuelle. Il n’a donc rien à dire parce que ce qu’il sait est inexprimable avec les mots et parce que les autres ne le comprennent pas. C’est un vide comblé par la compréhension directe alors que la connaissance intellectuelle est un savoir dans le vide.

La connaissance de l’âme ne s’acquiert pas par la volonté, car l’effort de l’âme et un effort de passivité attentive. La volonté n’atteint pas l’âme, étant un phénomène actif et physique.

L’attention étant un phénomène passif, elle peut intéresser le corps, l’intellect et l’âme, car elle rejette toute distraction, tout conditionnement.

26/03/2019

Connaissance

Naissance d’un lien inaltérable entre l’objet et le moi.

La connaissance ne peut venir que d’une expérience vécue et non d’une accumulation de savoir. Elle implique la conscience de soi par rapport au tout.

Connaître, c’est s’éveiller à la réalité universelle. Cela implique la compréhension, ce que le savoir souvent n’implique pas (j’entends par compréhension une assimilation de l’objet ou de l’idée par l’être).

18/02/2019

Méconnaissance

 

L’homme dans la contemplation intérieure de son propre corps peut accéder à la compréhension de sa grandeur et de sa misère. Il peut saisir sa grandeur par le fait que son corps est un univers à lui seul, qu’il constitue un tout indépendant par son physique et sa pensée par rapport au reste du monde ; mais cette vision le mène à la compréhension de sa misère par le fait même que ce tout serait néant sans le monde.

L’homme est l’exact intermédiaire entre le néant et l’infini et est en cela partagé entre le bien et le mal. Il est heureux pour lui qu’il n’ait pas connaissance de ce que sont le néant et l’infini, car seule cette méconnaissance lui permet de vivre. La difficulté d’être ne vient qu’avec l’intuition de ces deux extrêmes.

 

11/02/2019

Désir

 

Étrange comme le désir assouvi sans amour paraît à l'être humain une bassesse.

Sublimé par l'amour, il devient une révélation de soi, un agrandissement de sa personne.

 

15/12/2018

Amour et connaissance

L’amour ne peut qu’enrichir la connaissance, car il est une co-naissance intuitive de l’homme dans son essence, de l’homme subordonné au tout et non de l’individualité. C’est pourquoi l’amour ne doit pas être l’exclusivité d’une personne ou même de plusieurs, mais il doit s’attacher à l’ensemble des individus, même à l’ensemble des choses à connaître, c’est-à-dire à l’univers en tant qu’image de lui-même.

Seul cet amour peut nous enrichir et nous apporter à la fois la connaissance de l’univers et du moi en tant que personne consciente (du tout) et non en tant qu’individu unique.

De même la connaissance ne peut qu’accroître et approfondir l’amour, car en apprenant à connaître chaque partie de l’ensemble, on ne peut que concevoir un sentiment d’amour envers le tout, synthèse de cet ensemble.

Ainsi de même que la connaissance de soi et la connaissance de l’univers ne peut que croître simultanément faute de quoi elle butera, de même l’amour et la connaissance ne peuvent que se nourrir l’un de l’autre ou mourir par insuffisance de l’un.

21/11/2018

Contact avec l'autre

 

L’amour est le seul contact véritable avec les autres :
osmose des âmes
et non superposition temporaire.

 

24/09/2017

L'ennui

L’ennui, cette maladie incurable de notre temps. Sans doute tient-elle à un défaut d’adaptation de l’âme au monde matériel. L’homme ressent souvent cette blessure ouverte sur l’immatérialité, mais il ne prend pas suffisamment la peine de chercher à la saisir et l’analyser. Lorsque cet univers nous est apparu une fois, plus rien ne saurait nous détacher de sa recherche permanente et il y faut de nombreuses heures où l’ennui n’a pas cours. L’ennui n’est donc qu’un effet de la pesanteur et son remède est dans l’allégement des pensées.

Comment peut-on s’ennuyer une fois qu’on a conçu l’incroyable travail qu’il reste à accomplir à l’homme pour se libérer de sa matérialité. D’abord la comprendre, puis la dominer pour accéder à une conscience ontologique de l’univers.

 

04/01/2017

Ne pas vivre de certitudes

 

Il est à la fois plus simple et plus difficile de vivre de certitudes.
Plus simple parce que cela soutient devant le vide.
Plus difficile parce qu’il faut perpétuellement les rebâtir.
La seule certitude est l’amour.
La connaissance n’apporte pas de certitudes, elle aide à ne pas en avoir.
Comme il est difficile de n’être sûr de rien, sauf de l’amour.
Garder l’espérance devant toutes les incertitudes.

 

23/04/2015

La culture

La culture est devenue un enjeu international. Tout est devenu culturel, de la manière de manger la salade à la Pop vision des jeunes. Mais qu’est-ce que pour toi la culture ?

Soyons simple : la culture est ce qui te permet de sortir du cocon de l’enfance pour te métamorphoser en véritable adulte.

La culture a donc un aspect individuel et un aspect collectif qui sont liés. La culture collective est nécessaire pour faire naître en chacun une culture individuelle qui, à son tour, va enrichir la culture collective. Il n’y a donc pas d’opposition philosophique ou politique entre les deux aspects, mais au contraire une complémentarité nécessaire qui enrichit l’humanité. La culture collective donne une identité à une société, la culture individuelle fait évoluer cette identité. La culture est donc vivante au même titre qu’une personne, elle peut se magnifier comme elle peut s’étioler. Elle a besoin de bases solides pour s’épanouir, mais elle a également besoin d’innovation, d’imagination et d’audace pour poursuivre sa route. Elle prend alors toute sa mesure : dans le présent, utiliser le passé pour construire l’avenir.

16/04/2015

Pourquoi créer ? (Pictoème musical)

Cliquer en premier lieu sur le fichier :
podcast
L'art est une interrogation permanente et sans réponse. Et pourtant ?

Certains cherchent l’altérité et l’osmose par le contact et l’échange. D’autres cherchent leur moi dans une quête sans fin en eux-mêmes.

Dans les deux cas, s’affiner et prendre sa mesure. Moi et Elle ou Lui. Toi et Lui ou Elle. Je et Tu ou encore Tu et Elle ou Lui.

Au final, le Toi et le Moi deviennent Nous, c'est-à-dire le monde !

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22/02/2015

Cherchez en vous-même

– Si vous ne vous comprenez pas vous-même, comment pouvez-vous espérer comprendre l’univers ?

– Mais où chercher, où aller ?

– Cherchez en vous-même, c’est en vous seul que vous trouverez la vérité.

– J’ai cherché en moi et n’ai trouvé qu’ignorance.

– L’ignorance n’est pas dans vos pensées.

– C’est que vous vous êtes pensé jusqu’ici dans votre propre état d’ignorance ; retournez au point de départ et pensez-vous dans la sagesse, qui n’est en réalité qu’auto-compréhension. Retournez en arrière et vous retrouverez la lumière.  Ce retournement de la pensée est tout le yoga.

(Paul Brunton, L’Inde secrète, Payot, 1983, p.114)

 

Cette Inde secrète est un continent, un autre monde où rien ne se passe comme dans le nôtre. On y rencontre des escrocs, on y rencontre des saints, des non croyants, des magiciens et de véritables sages qui ont dépassé la vie présente et ont trouvé la réalisation. Ce livre est le carnet du voyage de Paul Brunton dans la pensée humaine tournée vers le Soi. Il entre dans cette communion intime avec soi-même, jusqu’à s’oublier lui-même.

C’est un libre magnifique, enrichissant, parce qu’il n’expose pas une doctrine, il raconte la recherche, les déconvenues, les découvertes spirituelles, tout cela de manière simple, mais tellement mystérieuse pour un occidental. Et toujours la même réponse : « Cherchez en vous-même… C’est en vous qu’il faut trouver le maître, je veux dire dans votre moi spirituel. Considérez son corps à lui comme il le considère lui-même : son corps n’est pas son vrai moi. » A chaque fois il lui semble que ces hommes qui cherchent, et parfois trouvent, refusent le dialogue. Enfermés dans leur mutisme, ils délivrent des paroles difficiles à comprendre et encore plus à suivre. Et toujours la même réponse : cherchez en vous-même

Les derniers chapitres parlent de sa rencontre avec le Maharichi ou Ramana Maharshi. Et c’est toujours la même réponse.

Et n’est-ce pas non plus la même réponse que l’on trouve dans l’évangile : cherchez et vous trouverez (Mat 7.7 et Luc 11,9).

Mais combien est étroite la porte !

14/02/2015

Une vie

Ce n’est pas une vie qu’il faudrait avoir, mais mille. Tant de choses à voir, à écouter, à toucher, à aimer. Tant de créations restant non exprimées. Tant de possibilités de faire toutes aussi passionnantes et enviables.

Comment se fait-il que la littérature ou la réalité nous content et nous montrent des vieillards qui n’ont plus d’envie, ni même de vie ? Quand bien même le corps ne suit plus, n’y a-t-il pas encore l’exploration de soi qui peut se poursuivre ? Le monde intérieur est plus grand que le monde extérieur. Parcourir les nombreuses pièces et paysages de cet autre univers qu’est le moi et même le dépasser pour atteindre le soi, quelle ambition à privilégier.

Il y a toujours à admirer, à réfléchir, à créer, à tout instant. Alors profitons-en au lieu de nous lamenter sur les incidents de nos courtes vies.

28/11/2014

La beauté

La vraie beauté procure un pincement ineffable, un trou dans l’âme qui vous fait à la fois vous oublier parce que vos préoccupations disparaissent et vous découvrir parce que vous sentez plus grand, plus large, plus universel. Vous devenez l’homme éternel et vous accédez à l’immensité de l’univers et au mystère de sa création.

Pour beaucoup l’art est mímêsis (imitation). La beauté viendrait d’une parfaite imitation de la nature ou de l’homme ou de quelque objet. Est-ce si sûr ? Cela voudrait dire qu’un art qui n’imite pas la réalité naturelle n’est pas beau et ne peut provoquer ce ravissement de l’âme qui est la preuve d’une véritable beauté.

L’art est mystère parce qu’indéfinissable. C’est un concept sans concept, un mot qui flotte dans le désert de l’esprit, sans qu’aucun fil ne le rattache à une idée concrète connue. Pourtant nombreux sont ceux qui tentèrent de définir l’art et, derrière, la beauté. Mais finalement que dire ? En y réfléchissant, seul le sentiment de béatitude rend compte de ce qu’est la beauté et ce sentiment s’éprouve dans sa chair et son esprit et les marque tous deux. Le palpable et le symbole se rencontrent et ne font plus qu’un. J’en reste béat et « cette béatitude est l'homme élevé à sa plus haute puissance. À un autre point de vue, la béatitude est Dieu même se donnant en possession » (Ozanam, Essai sur la philos. de Dante,1838, p. 188). Oui, la beauté c’est l’irruption du divin dans notre monde, un avant-goût de l’éternité.

Alors ne nous laissons pas tenter par la poudre aux yeux des Jeff Koons et autres "artistes" contemporains !

27/09/2014

Culture

Dans un premier sens du terme, la culture est la mise en valeur d’une terre pour y faire pousser  de quoi nourrir les êtres. La culture a donc pour fin la nourriture et l’épanouissement du corps de l’homme. Ce fut un progrès considérable que ce passage de la cueillette à la culture. L’homme s’y enrichit non seulement matériellement, mais également conceptuellement. Il passe par un intermédiaire qui devient indispensable et qui mérite tous ses efforts, la terre, pour enrichir son environnement et le rendre plus apte à l’enrichir lui-même.

Progressivement le sens du mot s’est élargi à un environnement général favorable au développement d’une espèce. C’est ainsi que l’on parle de bouillon de culture pour désigner un milieu nutritif approprié au développement des microbes. Pour l’homme on parle également de la culture physique en tant que pratique d’exercices et de mouvements permettant d’assurer le développement harmonieux du corps.

Enfin, le terme culture en est venu à désigner un ensemble d’activités et de processus mentaux permettant à un ensemble humain de s’élever au-dessus de sa condition purement naturelle et de se distinguer d’autres groupes. Ainsi la culture s’acquiert et n’est pas de l’ordre du naturel. L’Unesco en donne une définition intéressante : « Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd'hui être considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts, les lettres et les sciences, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. » (Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet - 6 août 1982).

Plus récemment on a distingué la culture individuelle de la culture collective. La première, dite culture générale, correspond à l’ensemble des connaissances qu’un être humain a sur le monde. Elle inclut des connaissances très diversifiées qui donne une valeur à chaque être d’une manière différente de l’avoir. Elle lui donne un surplus d’être au-delà des richesses matérielles. Certes, certains y voient  une conception élitiste de la culture qui s’oppose plus ou moins à la conception collective de la culture qui permet le vivre ensemble en harmonie et, in fine, de créer une civilisation propre qui se distingue des autres. Disons que la culture collective est un système de croyances, de valeurs, de coutumes et de comportements se transmettant de génération en génération et qui permet d’affronter les autres et de s’épanouir dans le monde. La civilisation englobe la culture et montre le résultat de celle-ci dans les réalisations matérielles et immatérielles qu’elle laisse en héritage.

Mais allons un peu plus loin. Comme l’explique Jean-Paul II (discours à l’Unesco à Paris, le 2 juin 1980), la culture est ce par quoi l’homme en tant qu’homme devient d’avantage homme, « est » davantage, accède davantage à l’ « être ». La culture élève l’homme au-dessus de sa réalité naturelle pour lui faire découvrir sa réalité surnaturelle. La culture spiritualise la matière, la soumet aux forces spirituelles de l’homme et, dans le même temps, lui permet d’incarner matériellement sa spiritualité. Elle procède ainsi d’un double mouvement entre le naturel et le surnaturel dans lequel l’humain est à la fois acteur et spectateur.

Et pour revenir à la définition première de la culture, il s’agit d’un terreau qui facilite l’épanouissement de l’homme grâce à l’apport des générations passées et de la société spécifique dans laquelle il vit. Ce terreau collectif lui permet de participer lui-même à cet enrichissement de la société grâce à son enrichissement personnel. Ainsi culture générale d’un individu et culture collective ne s’oppose pas, contrairement à ce que prétendent certains sociologues, mais se complètent et s’enrichissent mutuellement.

17/08/2014

Le mal et le bien

On oppose sans cesse le mal au bien, comme les deux extrêmes du comportement des hommes, voire de l’univers. On trouve le mal partout. Dans la nature, les cataclysmes viennent et partent sans cesse. Il y a des plantes carnivores et d’autres vénéneuses. Les animaux s’affrontent sans merci pour manger et subsister. Quant aux hommes, il n’est point nécessaire d’en parler : certains pensent qu’ils ne sont que mal et qu’aucun bien n’en sort.

Mais qui d’entre vous a vu le mal personnifié ? De toute chose l’homme attend un bien, même du mal. L’inverse n’est pas vrai. Personne n’attend du bien qu’il produise du mal. Il y a donc une différence notoire entre l’un et l’autre. Le bien supplante le mal parce que du bien comme du mal on attend un mieux, c’est-à-dire un bien supérieur. Les cataclysmes n’ont lieu que pour équilibrer les forces de la nature. Le serpent pique pour se protéger. Le loup mange l’agneau pour subsister. L’homme mauvais ne fait qu’espérer que sa méchanceté lui apporte plus de richesse, de gloire, de pouvoir ou d’autre chose qui sont censés représenter le bien pour lui. L’inverse n’existe pas ou n’est qu’un stratagème qu’utilise le mal pour atteindre un bien. Seule la pensée humaine peut imaginer que le mal personnifié existe. C’est la figure du diable. Il fait le mal pour qu’il y ait encore plus de mal. Il tisse sa pelote par le mal, pour le mal, dans le mal. Mais l’avez-vous vu ?

Le miracle de l’homme est donc cette recherche permanente d’un bien par tous les moyens. Il est attiré par le bien, même si les moyens qu’il utilise sont mauvais. Et seul l’homme est ainsi. Les autres êtres des mondes minéraux, végétaux ou animaux n’ont pas conscience du mal. Ils existent, craignent pour leur vie, cherchent à subsister parce que c’est dans leur nature, voire leur inconscient en ce qui concerne le monde animal. Les animaux ont en effet un inconscient et un conscient, certes beaucoup moins développé que l’homme, mais tout de même. Regardez un chien dormir. Il rêve comme l’homme. Cela se voit à ses gestes inconscients. Regardez tigres et panthères, ils défendront leurs petits jusqu’à la mort. Mais cela ne les empêche pas d’attaquer les petits des autres et d’user de toute sorte de ruses pour en faire leur festin.

Ce qui caractérise l’homme par rapport à l’animal est d’avoir la conscience du bien et du mal. Serait-ce l’acquis qui lui donne ce plus qui est une montagne en soi ou cette conscience est-elle innée ?  Seul un regard sur l’enfant peut nous le dire. Non, ce n’est pas inné. L’enfant prend sans aucune interrogation morale ce qui ne lui appartient pas comme l’animal attaque celui qui est plus faible que lui. La notion de propriété, lié à une réminiscence de bien de la possession, est supérieure à celle de partage. Il agit comme l’animal et celui-ci, s’il s’agit de ses propres enfants, est plus évolué que l’enfant humain.

C’est donc un long apprentissage que celui de la notion de bien et de mal. Passer de la notion de bien au sens individuel qui comprend toutes choses qui comblent son receveur au risque d’entrainer des difficultés pour l’autre, à la notion de bien pour tous qui contraint beaucoup plus le receveur, est une des étapes de la vie la plus difficile à franchir.

Pourtant il existe des hommes qui agissent sans recherche de bien. Le mal pour le mal existe. La haine et l’idéologie en sont le moteur. Disons que dès l’instant où l’homme n’a plus de buts réfléchis, où l’éclaircissement de la raison fait place à l’aveuglement de la rage, le mal peut apparaître dans toute sa froideur et sa cruauté. L’homme en proie à cet aveuglement se fabrique un monde imaginaire qui conspire contre lui-même et sa représentation du monde. Il croît encore chercher le bien, mais c’est le mal qui l’emporte, hors de toute raison.

Alors méfions-nous de nos pensées toutes faites sur le monde et les hommes. Elles peuvent être dangereuses.

02/08/2014

Message des hommes vrais au monde mutant, récit de Marlo Morgan (Albin Michel 1995)

La narratrice, car c’est une femme, une américaine, est invitée par des aborigènes à une réunion en temps qu’invitée d’honneur. Elle se pomponne, monte dans une jeep crasseuse conduite par un homme en short et T-shirt blanc crasseux. Après de nombreuses heures, elle se retrouve au milieu d’un peuple qui l’accueille, qui la purifie et qui lui dit : 

– Viens, on s’en va.
– Où allons-nous ?
– Faire une marche.
– Où, une marche ?
– A travers l’Australie.
– Magnifique ! Et ça prendra combien de temps ?
– Environ trois lunes.
– Vous voulez dire trois mois ?
– Oui, environ trois mois.

L’aborigène lui dit : « Tout va bien. Celui qui a besoin de savoir saura. (…) Tu as été mise à l’épreuve et tu as été accepté. C’est un honneur que je ne peux expliquer. Tu dois faire l’expérience. C’est la chose la plus importante que tu feras dans ta vie ici-bas. C’est pour cela que tu es venue au monde. L’unité divine est à l’œuvre. C’est ton message, je ne puis t’en dire davantage. » Elle suit la tribu, pieds nus, avec un sac en guise de robe, en se sentant captive et victime.

Tout de suite, elle est importunée par les épines qui se plantent dans ses pieds. « Apprends à supporter le mal. Fixe ton attention ailleurs. » Elle subit toutes sortes d’épreuves et constate des choses extraordinaires comme, par exemple, cet homme qui se casse une jambe et qui le lendemain, marche comme vous et moi. Elle perçoit une étrange collusion entre ces hommes et la nature dans une vision d’unité non pas intellectuelle, mais d’émotions, de sentiments et d’attitudes. C’est la différence entre le Vrai Peuple, comme ils s’appellent, et le monde des Mutants, c’est-à-dire le monde dit civilisé, un monde trop rempli d’occupations pour que leurs habitants puissent devenir des êtres. Etre Mutant est une attitude. Un Mutant, c’est quelqu’un qui a perdu ou qui a occulté une très ancienne mémoire et des vérités universelles. Ooota, le seul qui parle anglais, lui explique : « Pour nous, l’Unité divine perçoit les intentions et l’émotion des êtres vivants et s’intéresse moins à ce que nous faisons qu’aux raisons de nos actes. » Il poursuit : « D’après mon peuple, ce que les Mutants appellent Dieu, ils ont du mal à le définir parce qu’ils sont des drogués de la forme. Pour nous, l’Un n’a ni taille, ni forme, ni poids. L’Un est essence, créativité, pureté, amour, énergie illimitée et sans frein. » Elle comprend que la conscience créatrice est en toute chose. Elle est dans les rochers, les plantes, les animaux l’humanité. Selon les croyances tribales, d’Un divin a d’abord créé la femelle, puis le monde a été chanté et est né. L’Unité divine n’est pas une personne, c’est Dieu, puissance suprême, positive et aimante. Il a créé le monde par expansion de l’énergie. »

Elle apprend une autre conception de la vie et de la mort : « Vers cent vingt ou cent trente ans, quand un être humain éprouve le très grand désir de rejoindre l’éternité après avoir interrogé l’Unité divine pour savoir si cette aspiration est pour son plus grand bien, il demande une cérémonie, une célébration de la vie. (…) Après celle-ci, la personne qui veut partir s’assied dans le sable, bloque ses systèmes corporels et, en moins de deux minutes, c’est fini. Il n’y a ni chagrin, ni larmes. » Elle constate également une autre vision de la vieillesse : nos sociétés sont si riches en vieillards irresponsables, amnésiques, détraqués ou séniles, tandis qu’ici, dans la brousse, plus les gens prennent de l’âge, plus ils deviennent sages, plus ils sont estimés et assument un rôle important dans les discussions. Ils sont des exemples à suivre, les véritables piliers du groupe.

Le Vraie Peuple et fait d’attente et d’accueil des dons divins. On lui explique la différence entre les prières des Mutants et la forme de communication utilisée par les aborigènes : par la prière, le Mutant parle au monde spirituel tandis qu’eux font tout le contraire, ils écoutent. Après avoir fait le vide dans leur esprit, ils attendent de recevoir.

Ne poursuivons pas. C’est un livre surprenant, attachant, qui fait penser aux livres de Castaneda ou de James Redfield (la prophétie des Andes). On se pose néanmoins la question, comme pour les deux autres auteurs : où est la vérité ? Ce qu’ils racontent est-il vrai ? Et bien sûr, nous n’avons pas la réponse. Mais… C’est dérangeant…

15/06/2014

Maître-mot

Il y a trente ans, je visitais le gouffre de Padirac. Le nautonier paysan qui nous emmenait sur l’eau obscure eut ce mot merveilleux : « Cette rivière, elle est tellement inconnue qu’on ne sait même pas son nom… » Il exprimait par là, avec naïveté, deux certitudes profondes qui hantent nos âmes : à savoir que les choses n’existent pour nous réellement qu’une fois nommées, et qu’il y a un nom, de toute éternité, qui correspond à chaque chose, la contient et l’exprime entièrement.

Louis Pauwels et Jacques Bergier, L’homme éternel, Gallimard, 1970, p.136.

  

N’avez-vous pas, un jour, été grisé par un nom que vous avez répété sans cesse d’abord dans votre tête, puis à mi-voix, puis à voix haute. Et ce mot vous a obsédé pendant plusieurs jours, jusqu’à ce qu’une autre préoccupation l’ensevelisse dans les profondeurs de votre mémoire. De même, vous avez dans votre jeunesse très probablement parlé une langue inconnue de vous-même, dans laquelle vous pouviez exprimer ce que votre langue maternelle ne pouvait faire. L’inexprimable parlait alors dans ces mots inconnus que formulait votre bouche. Et là aussi, vous vous êtes grisé de ce que vous permettait de révéler cette langue qui vous ouvrait les portes d’un monde inconnu dans lequel vous vous sentiez bien.

Le mot possèderait-il un pouvoir s’il est le nom éternel que Dieu lui a donné ? Pour les juifs, Dieu possède quatre-vingt-dix-neuf noms qu’ils peuvent utiliser pour le nommer. Mais le centième est réservé aux initiés. Il est la porte qui ouvre sur l’éternité et la compréhension de l’univers. L’apprendre élève celui qui le prononce au-dessus de la condition humaine. Il devient le maître du nom.

L’évangile de Jean commence sur une étrange assertion : au commencement était le Verbe et (…) le Verbe était Dieu. (…) Tout par lui a été fait (…) Et la lumière luit dans les ténèbres… Le Verbe serait avant même la lumière. C’est le Verbe qui crée la lumière et l’univers par la seule puissance de son souffle. La Genèse explique le même procédé de création : Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut.

La logique de la connaissance réside dans l’enchaînement Pensée – Parole – Action. La lumière est apparue par le fait du Verbe. La parole est l’acte d’autorité qui permet le passage de la pensée à l’action. C’est pourquoi certains mots sont interdits, ils peuvent déclencher  des événements.

Dans cette logique nous sommes loin de la communication dont on nous rabâche les oreilles : la parole est action quoique que l’on pense, lit-on dans les médias, elle produit l'action par la seule force du verbe. L'homme moderne a inversé la proposition. La pensée s’est évanouie au profit de l’action qui a perdu son sens. L’homme se veut libre, mais cette liberté est-elle la bonne ?

28/04/2014

Un homme remarquable

Je ne sais quelles sont les raisons qui m’ont amené à penser à ce professeur de philosophie que nous avions l’année du bac. Très certainement, il m’a donné le goût de la réflexion. C’était un homme remarquable, à la fois professeur de philosophie et de physique dans les classes de terminale. Il maniait les concepts scientifiques avec autant d’aisance que ceux de philo. Sa salle de classe était une petite pièce qui n’avait qu’une fenêtre  qui donnait sur un puits de lumière, sans autre paysage que le mur d’en face à 2 m de distance. Nous étions serrés ; des tabourets permettaient de s’assoir devant des tables en fer, gondolées. Mais peu nous importait, on entrait dans le salon de Mme de Sévigné, dans la chambre d’un philosophe ou dans le laboratoire d’une université américaine.

Nous l’avions surnommé Einstein. Il s’appelait Monsieur Moréas. Il portait comme lui des cheveux crépus en envol autour de sa tête. Il se laissait pousser une petite moustache. Il marchait lentement en raison de son âge, un peu courbé, mais ses réparties étaient fulgurantes et drôles. Nous l’écoutions religieusement, subjugués par son verbe. Il disserta un jour sur la femme enchanteresse du monde : « La femme est une amphore, serrée à la taille, s’élargissant aux hanches, sans angles droits, une courbure parfaite, façonnée pour la procréation. La femme est la poésie de la terre, elle nous donne le goût de vivre par sa simple beauté naturelle. » Nos camarades jeunes filles en rosissaient quelque peu gênées, mais fières de cet hommage du vieux professeur.

Il nous éclaira sur l’origine du monde, nous parlant du Big Bang, étrangeté à l'époque, tout en gardant le mystère de la création présent dans son discours. Il nous initia à la pensée logique, à l’imagination créatrice. Homme complet, il avait un sourire charmant dont il usait lorsqu’il disait quelque chose de personnel et le plus souvent en plaisantant. Sa pensée était profonde, mais il parlait comme s’il disait des choses banales et nous ne soupçonnions pas les trésors qu’il nous divulguait.

Nous l’avons tous remercié à la fin de l’année. Je n’ai qu’un regret, c’est de ne pas l’avoir revu. La jeunesse oublie, préoccupée par son entrée dans la vie adulte.

27/04/2014

Le mystère de l’art

L’art est voisin de l’amour et de l’amitié. Il crée les mêmes sensations et sentiments, c’est-à-dire une communion intime entre l’œuvre et le spectateur ou l’auditeur. Non seulement l’artiste a fait naître une œuvre au monde, mais pour tous ceux qui entrent en communion avec elle, elle renaît en lui.

Le mystère de l’art, c'est cette naissance permanente de l'œuvre dans l’être intime. Car c’est bien un mystère qui n’a rien à voir avec l’appréciation intellectuelle, sentimentale, financière, sociale ou mondaine d’une œuvre quelle qu’elle soit. Non, j’appelle œuvre d’art ce qui me prend aux tripes, m’envahit d’un courant d’air frais et me parfume de volutes enchantées. Cela ne s’explique pas, mais cette chaleur du cœur et ce vide de pensée est la marque de l’art. Cette emprise est la même que celle de l’amour et de l’amitié. C’est un sentiment de communion intime entre deux êtres.

L’œuvre devient vivante, se meut en puits sans fond qui s’ouvre sous les pieds et vous contraint, pour votre plus grand bien, à sortir de ce moi qui vous encombre. Vous entrez dans l’univers, vous planez entre les constellations, admirez la circulation des planètes. Vous prenez de la valeur à vous oublier. Vous vous enrichissez sans effort. Ce tremblement léger de votre être aspire à une osmose encore plus grande. Vous n’êtes plus, vous êtes de l’autre côté du miroir, vous êtes l’œuvre, sur la pointe de diamant d’une interpénétration éclairante. Pas un regard, ni à droite, ni à gauche. Rien ne doit vous distraire de cette communion. Cela demande de la concentration, mais elle vient d’elle-même. Et ce souffle d’air frais vous nettoie, vous sanctifie, vous rend autre, meilleur, moins compliqué, plus vrai.

Je suis parce que tu es et tu es parce que je suis.

13/03/2014

Sutra du coeur

Le Sutra du cœur est le plus bref texte du corpus du Sutra de la Perfection de la sagesse. Il est récité quotidiennement  dans les monastères zen :

« Sariputra (l’un des principaux disciples du Bouddha), la forme est vide et le vide est forme. Et vides sont les sensations, les perceptions, l’imagination et la conscience. Là où se trouve le vide, il n’y a ni apparence, ni sensation, ni perception, ni imagination, ni conscience. (…)

Il se termine par cette recommandation :

« Et voici le mantra du cœur de la perfection de la sagesse : Aller, aller, aller au-delà, au-delà du par-delà, que l'éveil soit réalisé! ».

 

Ce texte est à rapprocher de la notion de vacuité chère à la pratique du Zen. Le vide n’est pas l’absence de plein. Le vide est la condition nécessaire pour que le plein existe. Le plein a besoin du vide pour exister et le vide a besoin du plein pour être. Qu’est-ce que le vide ? C’est la non existence. Peut-on dire que le vide est le néant, au sens qu’il n’y a rien. Il y a le vide qui emplit tout, qui enveloppe tout, qui donne forme à tout.

C’est en cela que le sculpteur doit faire autant attention au vide qui entoure sa statue qu’au plein qui la définit. Sa perception du vide agit sur la forme qu’il donne. bigbang-150x150.jpg

De même les astrophysiciens s’interrogent sur ce vide sidéral à l’origine (ou non) du Big Bang. Comment le vide peut-il engendrer la nature des choses ?

De même également les mathématiciens s’interrogent sur les rapports entre le zéro et l’infini, car le zéro est un nombre entier naturel bien qu’il soit dans le même temps un nombre à part : 0 n’est le successeur d’aucun nombre, alors que tout nombre différent de 0 est le successeur dun autre nombre.

Enfin, on peut aussi rapprocher cette expérience de l’expérience mystique de Saint Jean de la Croix : la foi est nuit, mais elle est le seul moyen de connaissance de Dieu.

La lumière existerait-elle s’il n’y avait pas l’obscurité du vide ? Elle ne serait pas visible, tout étant lumière. Le rapprochement des contraires est une des clés de la compréhension du monde.

25/02/2014

Le mystère du bonheur

Les hommes courent après le bonheur sans jamais le rattraper. Parfois ils sont si proches de lui que son parfum les envahit, les amollissant et les privant ainsi de ses bienfaits. Plus rarement encore, électrisés, ils le touchent du doigt et en restent sans réaction. Qu’est-ce que le bonheur ?

La première approche que l’on peut faire est comparative. Le bonheur se mesure et s’apprécie par rapport au malheur. Mieux même, le bonheur est l’absence de malheur. Est-ce si vrai ? Peut-on comparer l’intention d’éprouver du bonheur qui est encrée en chaque homme avec l’arrivée d’un malheur qui n’est, a priori, nullement recherchée ? Le premier serait le saint Graal, le second la tuile qui tombe sur la tête dans la rue. Pour le premier une recherche de toute une vie, pour le second une angoisse toujours présente. Cette approche a le mérite de mettre en évidence l’absence d’échelle de perception entre les deux concepts. Le malheur peut se mesurer comme on fait mesurer la douleur de 1 à 10. Mais le zéro n’est pas le bonheur. Il ne signifie que l’absence de malheur.

La deuxième approche permet sans doute d’aller plus loin. Elle est également comparative. Le bonheur serait un état d’être qui se situe sur une même échelle que la satisfaction du désir ou l’extase de la joie. Très vite cependant, l’on perçoit que ces deux dernières notions se situent dans l’instant, alors que le bonheur implique une certaine durée. Elles ne sont que des vagues nées du vent de la vie, alors que le bonheur se trouve dans les eaux profondes et sans mouvement, qui ne sont pas touchées par les aléas extérieurs. La satisfaction du désir, c’est-à-dire le plaisir, n’entraîne qu’un simili bonheur d’un instant. L’extase de la joie est une explosion brutale qui  s’éteint progressivement de la même manière que l’eau qui bout se refroidit obligatoirement. Le bonheur est une sérénité durable que les riens de la vie ne peuvent atteindre.

Qu’est-ce qui fait cette différence entre le bonheur durable et la jouissance instantanée du plaisir  ou la jubilation fervente de la joie ? Ne serait-ce pas leur cause ? Je recherche les seconds dans les événements de ma vie. Je découvre le premier en moi, grâce à la contemplation du mystère du monde, mais hors de tout impact momentané du monde sur moi. Oui, le bonheur est un retournement des perspectives. Il n’y a plus de ligne de fuite, mais perception d’un mystère qui s’agrandit en harmonie et de manière permanente. Le bonheur est une ouverture. Le plaisir et la joie ne sont que des explosions provisoires qui cessent lorsque les derniers débris sont retombés sur le sol.

Alors, que signifient ces mots : le mystère du bonheur ? Le mystère est inaccessible à la raison ou plutôt l’étude rationnelle ne permet pas d’en faire le tour. C’est par exemple ce qu’il y a au-delà du big-bang. La science approchera cet instant premier de la naissance de l’univers, mais elle ne saura jamais, sauf à changer de perspective, qui est à l’origine. A travers le comment, elle permet de répondre au quoi, mais pas au pourquoi. Pourtant, nous sentons bien, dans le même temps, que le bonheur dépend de nous. Ce ne sont pas les évènements qui en sont la cause, mais notre façon d’être et de vivre qui détermine la part de bonheur dont nous disposons.

Peut-on conclure, provisoirement, que le bonheur est une notion générale, mais qui se vit individuellement ? Je fais mon bonheur par ma façon de d’être et de vivre, mais ce bonheur m’est personnel dans sa réalisation. Oui, chaque homme est un mystère unique et c’est ce qui en fait sa grandeur.

22/02/2014

La puissance de la musique

On se surprend à ne plus penser quand on écoute de la musique. Pas toujours certes. On peut même dire que c’est un phénomène rare. Mais parfois, un accompagnement insolite d’une mélodie connue, un son étrange et déconnecté de l’habituel vous revivifie. Vous n’êtes plus perdu dans vos pensées. La cigüe de l’éveil vous prend et vous enveloppe de sa conscience. Vous émergez d’un fatras embrouillé et vous plongez dans l’inconnu, le noir ou le blanc sans autre couleur. Un trou dans l’existence, juste suspendu par le fil d’araignée d’un son. Et ce son creuse le vide dans votre poitrine. Retournement des contraires. Vous êtes nu devant l’immensité et n’avez rien pour protéger votre nudité. Vous n’avez même pas conscience de celle-ci. Vous n’avez plus de pensée. Certes, cela ne dure que quelques secondes, et encore. Mais ce bref moment est une éternité pour vous.

Le plus souvent on écoute la musique comme étant une chose à connaître, à aimer ou à travailler. Elle reste extérieure à vous-même. On la caresse, on la cajole, mais elle reste autre, comme un personnage que vous rencontrez dans la rue et que vous attirez chez vous, dans votre intimité, sans toutefois jamais dépasser les règles du bon sens. Mais aujourd’hui nous parlons d’autre chose, d’un éclairage particulier. Quelqu’un appuie sur un bouton et tout s’arrête : pas de mouvement hors de celui de la musique, le calme du vide bienheureux. Ce n’est pas le néant, c’est un état d’apesanteur qui vous porte au septième ciel et vous donne la connaissance immédiate de la vie. Cela ne dure que l’instant où d’un coup de pouce sur la pierre du briquet vous faites jaillir l’étincelle et une flamme qui s’éteint vite sous un souffle d’air.

Alors la musique se révèle une science nouvelle qui donne accès à l’inconnu, une mathématique spécifique qui vous soigne du quotidien. La science à ce prix, n’est-ce pas un délice…

24/12/2013

L’art authentique

L’art authentique est en soi une conquête de l’esprit ; il élève l’homme à la dignité du Créateur, fait jaillir des ténèbres du destin un éclair d’émotion et de jouissance mémorable, une lueur de passion et de compassion partageable. Par ses formes toujours renouvelées, il tend vers la vie ouverte en abattant les cloisons de l’habitude et en provoquant une manière de percevoir et de vivre. (François Cheng, Cinq méditations sur la beauté, Albin Michel, 2006 ; p. 121)


L’art, à l’égal de la mystique, est la conquête de l’inconnaissable. Il englobe la connaissance personnelle de l’artiste et celle de ceux qui contemplant ou écoutant son art se hissent à sa hauteur.

De ce dialogue réel, mais non exprimé, non traduisible en acte, émerge une nouvelle connaissance du monde, l’appréhension d’un environnement si peu semblable à ce que nous en connaissons. La vie jaillit, pure et simple, mais si réelle, si prenante, si attachante, qu’elle repousse les limites de notre compréhension, vers un nuage d’inconnaissance semblable à celui du mystique.

Pourquoi ? Un seul point commun : la création, chacune à sa mesure.

05/09/2013

Foi et croyance

Le livre d’Henri Babel, Dieu dans l’univers d’Einstein, l’autre manière de croire, Ramsey/Naef, 2006, p.67, insiste sur la différence entre la foi et la croyance. Le monde occidental, sceptique, confond les deux notions : la foi, c’est croire au sens d’une croyance en une représentation mentale expliquant le monde. Or ce que recherchent les hommes n’est pas une illusion, mais la vérité. La science semble les conduire vers la vérité, péniblement, modestement, pas à pas, en s’appuyant sur des axiomes sans cesse remis en question. Foi et science leurs paraissent inconciliables. Il est vrai que longtemps la foi du charbonnier a prévalu : interdiction de s’interroger sur le sens de la vie, l’origine du monde, la finalité de l’homme, la vie après la mort, en dehors du dogme enseigné par l’église.

Il existe pourtant un point commun aux deux notions, auquel les deux parties tiennent par-dessus tout : l’expérience. La science n’est vraie que parce que l’expérience démontre l’intuition ou que l’intuition naît d’une expérience qu’une nouvelle expérience démontrera à son tour. Ainsi avance la connaissance de l’homme. Eh bien, la foi est une expérience qui marque l’homme de son évidence. C’est une expérience personnelle qui seule donne la compréhension de ce qui nous entoure. Il ne s’agit pas d’un savoir appris, mais d’une étincelle de l’intelligence éblouie par la vérité d’une autre forme de connaissance.

La vraie foi ne peut provenir que du rejet de la croyance qui rend aveugle. La nuit obscure de Saint Jean de la Croix est bien ce mystère qui fait passer de la croyance à la foi : elle conduit à la conviction fondée sur l’expérience vécue d’un lien puissant à l’origine de l’univers et des êtres qui y habitent. Et ce lien n’est pas qu’une simple cause, mais un lien permanent, réel, agissant en permanence, qui entretient le monde tout en le laissant libre de se développer à sa guise. La vraie foi, c’est la liberté et le respect de l’univers et de tous les êtres qui s’y trouvent. C'est le contraire d'une croyance enseignée.

08/09/2012

Labyrinth, de Philippe Glass

 

http://www.youtube.com/watch?v=IT_vMQBWf4s&feature=related

 

Le labyrinthe a toujours fasciné les hommes. Il est symbole de leur appétit de connaissance et de la difficulté à en faire le tour.

Généralement le labyrinthe est objet matériel, invention de l’homme qui se cherche ou qui cherche de nouvelles connaissances. Il est également dessiné, sous diverses formes : rondeur, angles, fractal. Il est souvent évoqué dans la littérature ésotérique ou même la littérature tout court, à l’instar de Borgès. Pour la musique, Bach, dans ses fugues, constitue des labyrinthes sonores, organisés pour charmer et tromper l’auditeur.

Ici, Philippe Glass ne cherche pas à construire un labyrinthe. Son but est plutôt d’ordre psychologique : que ressent-on lorsqu’on parcourt un labyrinthe ? D’abord l’excitation, mais une excitation calme, qui monte et descend selon la distance du but. Puis la régularité qui est donné par  le rythme de deux notes. La monotonie du chemin, dont on ne voit ni le cheminement, ni la fin, est rendue par les voix qui, dans le même temps, englobe cette monotonie de mystère. Musique descriptive, proche de la musique de film. Est-elle belle ? Pas au sens habituel où l’important est d’être bouleversé. Ce n’est qu’une musique d’ambiance qui permet à l’auditeur d’entrer dans le mécanisme psychologique du labyrinthe.

Le labyrinthe est un chemin de sagesse, comme l’écrit Jacques Attali dans son traité du labyrinthe (Fayard, 1996, p.209). Quoi qu’il en soit, traverser, ne serait-ce qu’une fois, un labyrinthe, transforme la conscience pour toujours. Après s’être perdu, on a ouvert toutes les portes de soi-même, on s’est exploré. Voyageur traqué, on n’a pas trouvé la vérité, mais un chemin vers une question plus difficile. Dès lors qu’il a rencontré la réalité de l’expérience, l’homme (…) débouche en fait sur un chemin menant vers un autre labyrinthe. Tel est le grand secret du labyrinthe…

 

04/11/2011

Cultiver l’unicité du moi

 

 

Dans notre monde (…), l’homme n’a pas la tâche facile s’il veut se confirmer l’originalité de son moi et réussir à se convaincre de son inimitable unicité. Il y a deux méthodes pour cultiver l’unicité du moi : la méthode additive et la méthode soustractive. Agnès soustrait de son moi tout ce qui est extérieur et emprunté, pour se rapprocher ainsi de sa pure essence (en courant le risque d’aboutir à zéro, par ses soustractions successives). La méthode de Laura est exactement l’inverse : pour rendre son moi plus visible, plus facile à saisir, pour lui donner plus d’épaisseur, elle lui ajoute sans cesse de nouveaux attributs, auxquels elle tâche de s’identifier (en courant le risque de perdre l’essence du moi, sous ces attributs additionnés).

(Kundera, L’immortalité, 3ème partie : la lutte, L’addition et la soustraction)

 

Oui, tout homme est constamment à la recherche de soi-même, et très peu se trouve en réalité. Il a bien pour cela deux attitudes : être introverti (chercher le moi par soustraction) ou être extraverti (chercher le moi par addition), comme l’a si bien mis en évidence Carl Gustav Jung.

Mais auparavant il convient de poser la question du moi. De quoi parlons-nous ?

 

            L’homme n’a pas de moi immuable et permanent. Chaque pensée, chaque humeur, chaque désir, chaque sensation dit “ moi ”. Et chaque fois, on semble tenir pour assuré que ce “ moi ” appartient au tout de l’homme, à l’homme entier, et qu’une pensée, un désir, une aversion sont l’expression de ce tout. En fait, chacune des pensées de l’homme, chacun de ses désirs se manifeste et vit d’une manière complètement indépendante et séparée de son tout. Et le tout de l’homme ne s’exprime jamais, parce qu’il n’existe que physiquement comme une chose et abstraitement comme un concept. L’homme n’a pas de moi propre. Il a une multitude de petits moi, qui le plus souvent s’ignorent ou au contraire sont hostiles les uns aux autres. A chaque minute, l’homme dit ou pense “ moi ”. Et chaque fois son moi est différent.

(Ouspensky, Fragments d’un enseignement inconnu, Stock, 1974, p.96)

 

Alors de quelle unicité parle-t-on ?

Ce que l’on pressent, c’est ce dédoublement de nous-mêmes, entre l’homme extérieur qui s’intéresse au paraître et l’homme intérieur qui s’intéresse à l’être. Et nous sommes les deux à la fois, quoi que nous puissions faire, en dehors de ceux qui choisissent la vie d’ermite. Simplement notre nature nous conduit plus vers l’un que vers l’autre.

Si vous êtes extraverti, vous vous intéresserez à l’addition du moi et accumulerez des objets et des personnes pour construire votre moi. Vous le ferez enfler et le rendrez brillant car il importe qu’il soit vu et admiré. Et comme le dit Kundera, vous vous perdrez vous-même par accumulation d’attributs additionnés.

Si vous êtes introverti, vous rechercherez au-delà d’un moi social, celui que les autres voient en vous-mêmes, un moi intime, personnel, que vous ressentez et qui seul vous donne satisfaction dans ce monde. Cela ne vous empêchera pas de rechercher également un moi social, il est nécessaire, mais ce n’est pas lui qui est important pour vous. C’est ce nuage d’inconnaissance que vous soupçonnez en vous, qui fait parti de vous-même et que vous devez chercher.

En fait, tout ceci se résume à la question de l’Ame ou du Soi au-delà du moi. Toutes les grandes traditions tentent d’initier à cette différence et de conduire l’homme au-delà de lui-même. Mais encore faut-il qu’il le veuille. En effet, si quelques hommes peuvent, par soustraction, se rapprocher de leur pure essence, la plupart ont besoin, pour vivre, d'une société et de relations sociales, malgré tous les risques qu'elles comportent.

Ces deux attitudes façonnent fondamentalement votre vie, vos attitudes et votre comportement. Evidemment, la société s’efforce de cultiver en vous l’extraverti, plus simple à contrôler.

 

N'est pas nécessairement admirable ce que tout le monde admire ; l'un se soumet aux circonstances données parce que l'expérience montre qu'il est impossible de faire autrement, tandis que l'autre est persuadé que ce qui a été mille fois peut très bien, la mille et unième fois, devenir quelque chose de nouveau. Le premier (l'extraverti) s'oriente d'après les faits extérieurs donnés, l'autre (l'introverti) se réserve une opinion qui se glisse entre lui et la donnée objective

(Jung, Types psychologiques)