Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/01/2019

Caractère

Un homme paraît avoir du caractère beaucoup plus souvent parce qu’il suit toujours son tempérament, que parce qu’il suit toujours ses principes.

Nietzche, Humain, trop humain II, Denoël-Gonthier, 1910

 

Le tempérament résulte de la constitution physiologique d’un individu. Il en résulte, selon celui-ci, un caractère particulier. On peut dire que c’est la partie brute de l’être qui s’exprime sans la contrainte de son éducation. Une émotion, un choc psychologique, la colère peuvent l’amener à se montrer tel qu’il est au plus profond de lui-même, derrière la suavité de son éducation ou même de son expérience de la vie qui, assez fréquemment, l’amène à se policer. Il recherche ses fins en les dissimulant sous de faux idéaux. Lorsque l’homme brut apparaît, l’égoïsme reprend le dessus.

Les principes sont le résultat avant tout de l’éducation, c’est-à-dire d’un travail patient de la famille envers l’individu pour l’amener à se plier aux contraintes de la vie en société. C’est un travail de longue haleine, à recommencer mille fois, patiemment, plus ou moins difficile selon l’enfant. Inculquer des principes nécessite doigté et quasiment de l’amour. Il arrive également que cette éducation devienne inquisitrice et tourne au cauchemar pour l’enfant.Au lieu de lui donner des bases de comportement, il reçoit la raideur des faibles qui ne savent plus ce qu’ils doivent faire ou ne pas faire. Les principes sous les règles de base qui définissent une manière type d’agir et correspondent à une prise de position morale qui permet l’organisation de la société et en régit le fonctionnement. Elle est certes plus noble que le tempérament, mais peut également être une véritable prison. Certains ont vécu mai 68 comme une libération, mais d’autres l’ont expérimenté comme la fin d’une certaine société encore policée.

Alors, là aussi, le juste milieu est la meilleure attitude personnelle à adopter : suivre ses principes tout en laissant parfois parler son tempérament. La véritable finesse, et même sagesse, d’un être humain est de savoir à quel moment user de l’un ou l’autre.

 

11/12/2014

Le combat des anciens et des modernes

« Après les Etats-Unis, c'est au tour des petits finlandais d'apprendre à écrire sur un clavier d'ordinateur. »

 

Cette petite phrase dérange et fait couler beaucoup d’encre. Celle-ci (l’encre) disparaît au profit de l’écran qui ne bave pas. On n’apprendra plus les pleins et les déliés que déjà l’apparition du stylo à bille avait mis en danger.

Les arguments des opposants (http://www.europe1.fr/societe/apprendre-a-ecrire-sur-un-clavier-un-danger-pour-l-enfant-2302207#, article de Margaux Duguet du 27 novembre 2014) :

« De nombreuses études l’ont montré, le fait d’écrire à la main permet de mieux mémoriser ce que l’on écrit, on ne mémorise pas au clavier ». Pourquoi ? Aucune explication, mais l’auteur est enseignante en pédagogie de l’écriture. L’affirmation par l’autorité doit suffire à convaincre !

« Apprendre l’écriture au clavier, c’est prendre le risque de moins bien apprendre à lire, car la pensée accompagne alors tranquillement la main qui écrit ». Affirmation sans démonstration : devant un clavier, on ne pense pas !

« Abandonner l’écriture manuscrite, c’est abandonner la liberté d’expression. En effet, si vous écrivez sur un clavier d’ordinateur, c’est que vous êtes connecté à une machine. Or, on peut toujours vous déconnecter, vous couper le courant, par exemple. Et si la personne ne sait écrire qu’au clavier, elle ne pourra plus communiquer, c’est très grave ». Ce recours à l’opinion commune suffit-il pour le transformer en argument scientifique ?

Pour autant, le tout clavier n’est pas du tout à l’ordre du jour en France. Contacté par Europe 1, le ministère de l’Education Nationale assure qu’il n’est pas question d’abandonner l’écriture manuelle, “tout simplement parce qu’elle est indissociable de l’apprentissage de la lecture”. Si l’on n’écrit pas à la main, on ne peut apprendre à lire. Pourquoi ? On ne sait.

 

Plutôt que d’échanger de faux arguments qui s’appuient sur des idées toutes faites, il serait plus logique de réfléchir à la justesse de ce qui est avancé.

Nous avons un excellent exemple avec l’apparition de l’imprimerie. Avant celle-ci l’écriture était totalement manuelle, que l’on écrive ou que l’on lise. L’apparition de l’écriture d’imprimerie a dissocié la lecture de l’écriture : ce que l’on lit est fait de caractères différents de ce que l’on écrit. Cela gêne-t-il les enfants ? Je pense que l’on peut affirmer que non puisque cela fait quelques siècles que l’imprimerie fonctionne et les enfants ne sont pas pour autant idiots. L’apprentissage de l’écriture manuelle n’est donc pas indissociable de l’apprentissage de la lecture.

Un autre exemple semble également contredire le fait que seule l’écriture manuelle permet d’apprendre à lire correctement. Les aveugles n’écrivent pas. Ils disposent de tablette et d’un poinçon ou encore d’une machine à écrire spéciale dont les six touches correspondent aux six points de la cellule braille. Sont-ils incapables de lire, voire de réfléchir parce qu’ils utilisent une machine ?

J’ai vu hier à la télévision un professeur d’université qui interdit toute présence d’ordinateur pendant son cours. Quel ringard ! Il prétend qu’écrivant plus vite sur un ordinateur, l’étudiant ne pense qu’à tout écrire plutôt qu'à réfléchir pour résumer ce que le professeur a dit. Il est exact que c’est bien le problème des enfants entre la sixième et la quatrième : comment écrire tout ce que dit le professeur qui parle plus vite que la capacité d’écriture de ses élèves ? C’est pourquoi il faut du temps pour franchir cette étape qui n’a rien à voir avec l’écriture. Il faut développer une capacité à résumer rapidement ce qui est dit en le faisant d’une manière cohérente et synthétique. Que l’on écrive à la main ou que l’on tape sur un clavier ne change rien à cet apprentissage intellectuel de résumer la pensée d’un autre pour l’écrire.

Personnellement, cela fait maintenant plus de vingt ans que je n’écris plus à la main ayant presque toujours mon ordinateur avec moi. J’écoute des conférences et transcris directement celle-ci sur le clavier sans que cela me gêne le moins du monde. Beaucoup me disent qu’ils ne peuvent pas. C’est simplement qu’il leur faut trop d’application pour trouver les lettres sur le clavier, ce qui les fait décrocher de ce que dit le conférencier. J’écris des poèmes directement sur l’ordinateur et cela me semble plus facile qu’à la main puisque l’on peut modifier instantanément ce que l’on a écrit et avoir un texte propre en permanence.

Faut-il pour autant abandonner totalement l’écriture à la main pour l’écriture au clavier ? Je ne sais. Cela demande une réflexion approfondie que je n’ai pas menée. Ne pouvoir écrire parce que les batteries de son appareil sont déchargées est un inconvénient majeur, d’autant plus que la mémoire n’est plus habituée à retenir tous les détails de la vie quotidienne (sinon à quoi serviraient les agendas !). Alors, poursuivons la réflexion sans partie pris et tentons d’analyser rationnellement ce problème important de la fin de l’écriture manuelle. Dans tous les cas, l'apprentissage de l'écriture avec un clavier reste un besoin indispensable à notre époque.

11/08/2014

Voyage difficile

Un train est un lieu où la vie privée des gens s’étale au grand jour. Cette vie est le plus souvent normale et on ne la remarque pas. On relève de ci de là quelques petites anomalies, telles ce Monsieur qui discrètement se cure le nez ou cette dame dont la chair déborde du fauteuil, obligeant chaque passager empruntant le couloir à se contorsionner avec douceur. On observe parfois un couple qui, contre toute attente, est assis dans une intimité qui aurait dérangé la plupart des gens il y a encore quelques années. Mais comme dans les trains tout le monde fait comme chez soi, cela importe peu.

Les petits enfants prennent possession d’un train et ont beaucoup de mal à prendre conscience qu’ils ne sont pas seuls sur ce terrain de jeu. Les parents (de ces enfants) ont également beaucoup de mal à comprendre qu’ils sont responsables de la conduite de leur enfant et que leur liberté de faire ce que l’on veut est limitée par la liberté des autres. Les enfants ont une autre caractéristique. Ils ne savent pas parler, ils crient. Pas tous, mais un certain nombre, ceux à qui l’on n’a jamais dit de parler doucement. Il appartient aux parents de leur apprendre que leurs propos n’intéressent pas forcément l’ensemble de la population d’une voiture de chemin de fer. Enfin, il est évident que les enfants tâtent le terrain pour savoir jusqu’où ils peuvent aller. Un voyage se déroule donc sur plusieurs épisodes.

Une entrée dans la voiture peut être bruyante, mais avouons qu’elle est généralement calme. L’enfant (petit) est intimidé et tient sagement la main d’un de ses parents. Ceux-ci l’installent et s’assoient autour de lui. Il est le roi, mais on ne le montre pas. Il prend son pouce, loge sa tête entre les seins de la mère et accepte de faire semblant de dormir pendant un certain laps de temps, généralement court. Les parents devisent à voix basse d’affaires importantes (Où as-tu mis son doudou ? Il va s’endormir ! Etc…). Tout semble pour le mieux dans le meilleur des mondes. Sauf que l’enfant n’a pas vraiment envie de dormir. Les yeux ouverts, il observe son environnement et son entourage. Il commence à faire quelques remarques : « Dis Papa, tu as vu, le monsieur, il a un gros ventre ! » ou encore : « Pourquoi la dame elle a un chapeau. Il pleut pas dans le wagon ! » Ces questions ne dérange pas le père qui lui raconte quelque chose dans l’oreille du style : « C’est parce qu’il mange trop ou c’est parce qu’elle n’a plus de cheveux au-dessous. » Aussitôt l’enfant reprend : Ah bon, qu’est-ce qu’il mange ? » Nouveau conciliabule, mais cette fois-ci le père a l’air gêné. Ce qui n’empêche pas l’enfant de reprendre : « Parle plus fort, j’entends rien ! ». La mère dit alors au père : « Emmène-le aux toilettes. » Le père, trop heureux de ce divertissement, se lève. Les femmes ont souvent l’art de modifier l’attention par une remarque ou une demande plus générale empêchant la conversation de s’appesantir sur des paroles un peu lourdes. Ce n’est pas forcément une remarque d’intérêt culturel du style : « Il y a une nouvelle exposition à la galerie Tartepeintre. Tu sais, l’artiste qui assemble des épingles et fait des sculptures piquantes ! » Non, généralement, lorsque la famille déjeune, c’est plutôt : « Qui reprend de ces délicieuses nouilles au beurre ? » Mais cette petite demande a l’avantage de détourner la conversation sur du plus concret ou du moins gênant.

Cette promenade au bout de la voiture est cependant un calvaire pour le père et une détente pour l’enfant. On passe au deuxième épisode. Il fait connaissance avec l’assemblée, regardant un peu partout, échappant à la main paternelle, courant dans l’allée centrale et bousculant ceux qui ont le malheur d’avoir qui un coude débordant du fauteuil (après son passage le monsieur se masse le coude longuement), qui un pied malencontreusement pas dans l’axe du corps (là c’est l’enfant qui manque de s’étaler, ce qui contraint la personne à lui faire un sourire et à s’excuser auprès du père), qui encore le fil de la souris de son ordinateur qui pendouille à l’extérieur et dans lequel l’enfant se prend les pieds (l’ordinateur est rattrapé de justesse par son propriétaire). Tout ceci se passe sur un ton badin dans la plus parfaite correction, même si les parents n’ont qu’un sourire à l’égard des personnes dérangées sans aucun mot d’excuse. C’est normal, semblent-t-ils dire. Quelle idée de s’étaler sur l’allée centrale !

Troisième épisode : retour à la place attitrée. On aurait bien voulu qu’elle soit attitrée ailleurs, mais là, il n'y a pas le choix ! La mère tente de distraire l’enfant une fois installé : « Tiens, voilà tes petites voitures ! » L’enfant considère les trois jouets, s’essaye à en faire rouler une. Elle tombe bien sûr de la table qui n’est pas faite pour cela. Le père la ramasse et lui donne. Aussitôt il recommence, elle tombe à nouveau, le père la ramasse. Troisiè… Non le père la rattrape au vol et lui dit d’arrêter. Alors l’enfant jour au stockcar. Les accidents arrivent vite au royaume des enfants. C’est beaucoup plus drôle qu’une vie sans histoire. Entre temps, les décibels commencent à monter malgré les airs attendris des spectateurs qui ne se doutent pas que cela ne fait que commencer. L’enfant, enhardi par ces signes encourageants, commencent à parler. Une vraie trompette ! Et, de plus, un moulin à paroles. Toute la voiture sait de quoi il parle et avec qui. Les parents ne semblent pas émus par ces échanges doucereux pour eux. C’est le mode de communication normal. Eux-mêmes cependant parlent de manière atone ce qui contraint l’enfant à sans cesse dire : « Quoi ? Quoi ? » Personne ne comprend personne, mais cela augmente la tension.

Vous abandonnez votre livre, abaissez légèrement votre siège et tentez de vous réfugier dans le sommeil ou, au moins, une légère somnolence qui vous fera oublier ces petits inconvénients des voyages. Le ronronnement du train, trente secondes de silence, vous font revenir à de meilleurs sentiments. Vous pensez à des choses agréables. Vous partez à la mer et pensez au bain que vous prendrez en arrivant ; vous vous rendez à la campagne et faites une promenade dans les bois à la recherche de champignons. Bref, votre vie reprend le dessus sans rien pour la faire trébucher. Erreur !

Quatrième épisode : un cri suraigu retentit dans la voiture : « Dis Maman, regarde, des vaches. », dit l’enfant en montrant le paysage. On lui pardonne cet étonnement (un enfant des villes n’en voit probablement pas suffisamment souvent). Mais on lui pardonne moins ce cri. On est cependant bien contraint de passer. On se réinstalle, on ferme à nouveau les yeux, on se réfugie dans ses pensées. Nouveau cri, on ne sait même plus pour quelle raison. Il s’accompagne d’une dégringolade des voitures que l’enfant fait tomber sans motif. Ramassage, sourire, apaisement. Mais rien vers l’enfant qui continue de plus belle. Excité, il ne parle plus, il hurle et secoue ses voitures les unes contre les autres.

Alors, excédé, vous vous levez, rassemblez vos affaires, prenez votre valise et changez de voiture. Que ne l’ai-je fait plus tôt, vous dites-vous une fois installé. Comme tous les voyageurs, vous sortez vos oreillettes, réglez votre appareil et vous vous plongez dans les délices d’une symphonie de Mozart. Vous vous endormez. Vous êtes malheureusement très vite réveillé par un arrêt à une nouvelle gare. Zut ! Une famille s’installe de l’autre côté de l’allée. Cette fois-ci, vous n’attendez pas, vous changez de place.

28/04/2014

Un homme remarquable

Je ne sais quelles sont les raisons qui m’ont amené à penser à ce professeur de philosophie que nous avions l’année du bac. Très certainement, il m’a donné le goût de la réflexion. C’était un homme remarquable, à la fois professeur de philosophie et de physique dans les classes de terminale. Il maniait les concepts scientifiques avec autant d’aisance que ceux de philo. Sa salle de classe était une petite pièce qui n’avait qu’une fenêtre  qui donnait sur un puits de lumière, sans autre paysage que le mur d’en face à 2 m de distance. Nous étions serrés ; des tabourets permettaient de s’assoir devant des tables en fer, gondolées. Mais peu nous importait, on entrait dans le salon de Mme de Sévigné, dans la chambre d’un philosophe ou dans le laboratoire d’une université américaine.

Nous l’avions surnommé Einstein. Il s’appelait Monsieur Moréas. Il portait comme lui des cheveux crépus en envol autour de sa tête. Il se laissait pousser une petite moustache. Il marchait lentement en raison de son âge, un peu courbé, mais ses réparties étaient fulgurantes et drôles. Nous l’écoutions religieusement, subjugués par son verbe. Il disserta un jour sur la femme enchanteresse du monde : « La femme est une amphore, serrée à la taille, s’élargissant aux hanches, sans angles droits, une courbure parfaite, façonnée pour la procréation. La femme est la poésie de la terre, elle nous donne le goût de vivre par sa simple beauté naturelle. » Nos camarades jeunes filles en rosissaient quelque peu gênées, mais fières de cet hommage du vieux professeur.

Il nous éclaira sur l’origine du monde, nous parlant du Big Bang, étrangeté à l'époque, tout en gardant le mystère de la création présent dans son discours. Il nous initia à la pensée logique, à l’imagination créatrice. Homme complet, il avait un sourire charmant dont il usait lorsqu’il disait quelque chose de personnel et le plus souvent en plaisantant. Sa pensée était profonde, mais il parlait comme s’il disait des choses banales et nous ne soupçonnions pas les trésors qu’il nous divulguait.

Nous l’avons tous remercié à la fin de l’année. Je n’ai qu’un regret, c’est de ne pas l’avoir revu. La jeunesse oublie, préoccupée par son entrée dans la vie adulte.

02/03/2014

Le retournement des idées

La République se proclame égalitaire. A chacun sa chance ! Jules Ferry, en matière d’éducation, en fit son cheval de bataille. Tous peuvent accéder aux grands postes par la réussite aux concours et examens.

Depuis quelques années, et cela s’accentue sans cesse, l’égalité ne consiste plus à permettre à tous de travailler pour que tous puissent réussir. Elle implique un quota d’accès aux grandes écoles et universités sans concours ni examens. Il n’est plus question de sélectionner, car sélectionner c’est exclure. L’égalité est un postulat et non un résultat. Elle doit être imposée. Pourquoi ?

Les défenseurs de cette thèse proclament que l’inégalité ne tient pas à l’aptitude de chacun devant les tâches. Elle tient aux conditions sociétales et culturelles dans lesquelles celui-ci se trouve. Le bourgeois passe des diplômes. Le fils d’ouvrier, l’immigré n’y a pas accès en raison de son rang social. Alors l’égalité consiste à lui ouvrir les portes sans démonstration de son savoir-faire. Pas d’examen, pas de concours. L’égalité commande son intégration. C’est ainsi que Sciences Po, et d'autres écoles dites grandes, accueille des élèves de lycées défavorisés. Pourquoi certains sont sélectionnés, pourquoi certains lycées sont élus et pas d’autres ? Peu importe. Cette inégalité est retournée par l’objectif final : tant de pourcentage pour telle banlieue, telle appartenance, telle communauté, telle minorité, etc. L’égalité se retrouve derrière les statistiques et non derrière la valeur intrinsèque d’hommes et de femmes sélectionnés pour leurs aptitudes.

Désormais l’égalité consiste à donner à tel ou tel catégorie l’accès à ce qu’il ne peut par lui-même acquérir. La démocratie n’est plus affaire de partage des chances, elle consiste à donner à des catégories sociologiques déterminées ce que d’autres doivent acquérir par le travail.

20/07/2013

Indigne, roman d'Alexander Maksik

William Silver, un américain, enseigne la littérature dans un lycée parisien destiné aux riches expatriés. C’est un prof moderne, dont la pédagogie est américaine et qui semble très à l’aise avec ses élèves. Ses collègues l’apprécient moins. On découvrira à la fin du livre les insuffisances du personnage qu’on ne13-07-20 Indigne.jpg soupçonnait pas au départ. Pusillanime, il fuit la réalité lorsqu’elle devient à risques. Ainsi, dans une manifestation, il fuit devant quelques voyous après avoir discouru sur le courage. Enfin, il tombe sous le charme d’une élève, vit avec elle, et, lorsqu’elle est enceinte, ne va pas au bout de ses responsabilités.

C’est un roman de plage, sans plus, qui n’a qu’un seul intérêt, sa vision d’une pédagogie hors norme, à l’inverse de la pédagogie française. Certes, ce n’est qu’un roman, mais il est intéressant de se laisser raconter comment Will conçoit la littérature et son apprentissage. Ainsi, non pas discuter de l’existence de Dieu, mais défendre autant son existence que son inexistence : Abdul, je ne suis pas en train de dire que Dieu existe ou qu’il n’existe pas. Nous sommes en train d’examiner les idées de quelqu’un d’autre, d’essayer s’en comprendre les ramifications et ainsi de suite. C’est important de réfléchir sur les opinions des autres, tu ne crois pas.

Autre question intéressante : Nous naissons et devons trouver notre but, c’est-à-dire « l’homme est condamné à être libre ». Qu’est-ce que ça signifie d’après vous ?

Cependant cette méthode reste un peu lâche : pas de fil directeur réel des discussions qui partent un peu n’importe comment, pas de mise au point final (que retenir de cette discussion), pas de guide pour aller plus loin dans la recherche d’idées,. De plus, le prof se laisse appeler mec toutes les cinq minutes et est malgré tout un peu débordé par la vitalité de ses élèves..

Autre difficulté du livre : chaque chapitre donne le point  de vue d’un des protagonistes, Marie, celle qui l'a séduit, Gilad, un autre élève, et bien sûr Will, le héros. La lecture en est réellement compliquée. Bref, un roman de plage qui se veut intello, mais qui est également très midinette.

08/10/2012

Refondation de l’école

C’est la fin de la concertation sur l’école. On s’est posé la question de sa refondation. Qu’en sort-il ? Les horaires, les vacances, l’accueil des jeunes enfants,  le nombre de professeurs. Certes, les débats ont été plus larges. Mais désormais la réflexion est menée par les enseignants, les experts (santé, pédagogie, etc.) et les décideurs. Que décidera-t-on ? Pas grand-chose en dehors des problèmes évoqués par les médias, ceux signalés plus haut. Le fond du problème a été une fois de plus évacué.

Remarquons également que cette concertation a consisté à écouter ce que certains ont à dire, mais jamais à réfléchir ensemble à ce qu’il conviendrait de faire. Or nous savons tous qu’il est plus facile de dire ce qui ne va pas que d’analyser ce qu’il conviendrait de faire, qu’il est plus simple d'édicter des mesures qui n’ont aucune vue d’ensemble plutôt que de réfléchir à une véritable refondation.

Prenons un exemple : Compte-rendu de l’atelier « La culture, fondement de la réussite scolaire », concertation du mardi 18 septembre 2012, Lycée Jacques Decour, durée 2h20. 70 personnes présentes, inspecteurs, principaux, enseignants, responsables de la ville, syndicalistes, chercheurs, artistes. Les parents ne sont pas mentionnés. On peut espérer qu’il y en avait, mais même si c’était le cas, leur point de vue n’est jamais exprimé et encore moins pris en compte. Qu’en reste-t-il ?

« Parmi les idées fortes qui émergent, on peut extraire :
- la prise en compte nécessaire du rôle des réseaux sociaux et de l’internet dans les activités des élèves, valant souvent « auto-apprentissage » de la culture par les élèves : cela invite à s’interroger sur les moyens permettant aux jeunes de se construire en autonomie et sur la prise en compte que doit en avoir l’école ;
- l’intérêt porté au développement des résidences d’artistes (de statut et volume très divers…) qui ne doivent cependant pas se substituer aux dispositifs « ateliers et projets » ;
- le désir d’organiser plus facilement des formations associant éducation et culture, au-delà de ce qui est fait dans les PNF (ex. Arles) ou avec les PREAC, aidant à définir la place de l’artiste dans les actions menées avec les enseignants. »
(Extrait du texte trouvé sur le site « Refondons l’école de la république »,
 http://www.refondonslecole.gouv.fr/wp-content/uploads/2012/09/12_0926_paris_concertation_refondons_l_ecole_culture.pdf)

Bravo pour les idées fortes !

Et maintenant, le ministère va décider, c’est-à-dire faire des propositions qui seront ensuite déclinées dans un projet de loi. A quoi aura servi cette concertation. Si les idées qui en sortent sont celles qui sont mises à notre disposition sur Internet, c’est quelque peu attristant.

Or de nombreuses questions de fond se posent, dont en particulier celle du rôle de l’école :
. A quoi doit-elle servir (base commune de savoir, culture, professionnelle, pratique...) ?
. Que doit-on former (l’intellect, le corps, l’esprit et…) ?
. Que doit-on y faire et pourquoi ?
. Que doit connaître l’élève (et non savoir uniquement) en fin de primaire, à la sortie du collège, au bac ?
. Comment répartir ces matières dans le temps, en primaire, collèges, dans les lycées ?
. Quelle pédagogie doit-être utilisée ?

Ce n’est qu’à cette condition qu’une véritable refondation pourra être entreprise. Avouons que ce n’est pas en trois mois que ceci peut être fait. Et pourtant, il y a si longtemps que nous l’attendons.