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01/07/2021

Infini (symphonie nippone : photos Gildas de La Monneraye)

© gildas de la monneraye - Symphonie Nippone - 93.jpeg

Le geste plein d’espoir,
Nous avancions sur la grève rocailleuse,
Entre l’air et l’eau, vers le ciel et la mer,
Accompagnés des cris hostiles des oiseaux.
Nous trébuchions sur le sol visqueux
Et tes pieds nus s’enfonçaient dans le granit.
Nous devions ensemble tirer dessus
Pour les ressortir gris et poisseux,
Et je les essuyais avant de repartir. 
Le ciel était descendu sur l’horizon,
Jusqu’à toucher nos fronts de sa voûte poussiéreuse,
Et nous nous courbions un peu plus sur la pierre 
Escaladant avec peine de rondes roches gluantes
Qui gémissaient à l’atteinte de nos ongles crispés.
Ta main parfois m’enserrait la taille. 
Je goûtais la morsure de tes doigts sur ma chair
Qui faisait tressaillir les muscles.
Nous marchions depuis le matin, sans nourriture,
La langue sèche, l’œil fiévreux,
Et le soir ne voulait pas tomber.
Où d’ailleurs aurions-nous pu nous étendre ?

© gildas de la monneraye - Symphonie Nippone - 64.jpeg

05:10 Publié dans 44. Livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : japon, mer, ciel |  Imprimer

10/08/2019

Lumière

Le soleil éclairait la nuit d’encre
Des mâts de la mer indivisible

Au creux des rochers sanglants
Se perdent ses rayons d’enluminure

Les pins s’échappent vers l’azur léger
Où les mouettes blanches épanchent leur griserie

Les vagues dorment au sein des terres
Alourdies par la pesanteur de l’homme

04-05-21 (4bis).JPG

Les toits gris d’ardoise des maisons
Oublient leur blancheur de sel et de vent
Pour blêmir dans la brume des soleils trop vivants
Qui couvrent les herbes de tiédeur morose

La fin des matins sur la mer
Pointe son triste clocher de pierre

Une cloche sonne, puis deux, puis trois
Auxquelles répondent les coups sourds
Du travail des eaux sur les coques de bois

20/01/2017

Le bateau ivre, poème de Rimbaud, dit par Laurent Terzieff

https://www.youtube.com/watch?v=_TwHq8XCX2s&feature=share 


Laissons-nous bercer par ce poème magnifique et ses divers interprètes. La poésie déborde de l’espace de vie et fait monter en nous les odeurs de l’infini. Alors, l’homme devient plus humain et s’ouvre au vide qui nous apprend plus que tout ce que nous pourrons apprendre.

24/09/2014

La grande vague au large de Kanawaga, de Katsushika Hokusaï

Hokasaï est un grand peintre et dessinateur japonais du début du XIXème siècle (1760-1849). Remarquable par l’ampleur de sa production, il est également un innovateur forcené. Attachons-nous seulement à cette estampe terrifiante d’émotion dans l’action, « La grande vague au large de Kanawaga ».

Elle pourrait être appelée la stabilité dans l’instabilité. La stabilité : le mont Fuji, symbole de la durée et de l’esthétisme pour le Japon. L’instabilité : les vagues, dont la grande qui menace d’engloutir les barques et, au-delà, le mont Fuji lui-même ou plutôt sa représentation. La mer devient un être vivant, une sorte d’animal mythique aux mille doigts tentaculaire qui menace de s’emparer des canots. Ceux-ci glissent sur la surface de l’eau, entraînés par la courbure des flots. Ils épousent la forme de chaque vague, arrondis, les hommes couchés sur leurs rames, comme attendant le choc monstrueux. Au loin, le ciel est noir et plus clair dans son développement. C’est un contraste inverse de ce que l’on pourrait attendre. La tempête se caractérise normalement par une obscurité immédiate, même si, dans le lointain, les éclaircies apparaissent. Peut-être peut-on y voir l’expression du zen, la voie du juste milieu entre la stabilité et l’instabilité, entre le blanc et le noir, entre la vie naturelle et la vie surnaturelle.

10/08/2014

Sur la corniche Kennedy à Marseille

14-08-03 Corniche Marseille1.jpgAujourd’hui, je ne cours pas. Je regarde les autres courir le long de la mer sur cette corniche où veillent des villas grandioses aux côtés de petites maisons fermées. Et ils passent, les coureurs de tous poils, transpirant, s’épongeant, buvant de l’eau ou toute autre boisson énergisante. Nombreux sont ceux qui courent petitement, les coudes au corps, le buste droit comme un I, le regard lointain perdu  dans leur propre contemplation, en échauffement permanent devant l’immobilisme d’une mer plate, sans vague, juste un frémissement  et scintillement d’une surface bleue.

Beaucoup de femmes et d’hommes courent, bardées de fils, aux oreilles (on ne court pas sans musique bruyante!), aux poignets (combien de pas fait-on en cent mètres?), parfois au bas du sein gauche (quelles pulsations par minute ?), le plus souvent, il est vrai, au bras gauche (le droit étant trop noble pour s’accoutrer ainsi), une petite télévision. Que dit leur petit écran ? J’ai beau tenter de savoir, rien n’apparaît. Blanc comme neige. Pourtant il enregistre les foulées, les battements du cœur, le rythme de la respiration, l’arthrose de la hanche droite, la faiblesse du pied gauche (oui, l’égalité des pas n’est la même), tout ce qui fait un homme ou une femme au corps sain parce que sachant ce qui s’y passe.

Les femmes agitent leur queue de cheval, désinvoltes, courant moderato, regardant autour d’elles, semblant dire : « Regardez ma brelle silhouette, mais ne la suivez pas ! » Et elles poursuivent, longilignes sous le soleil, telles des étoiles filantes. En voici une, toujours queue de cheval flottante, de rouge vêtue, une bouteille (petite) d’eau dans chaque main, toujours des fils aux oreilles comme un prolongement d’elle-même. Elle court petitement, mais sûre d’elle. Ah, celle-ci marche, un peu trop enveloppée pour courir. Mais elle marche comme un bulldozer et l’on s’écarte sur son passage. Rien ne saurait la faire dévier. Et celle-ci dont la queue de cheval revêt l’aspect d’un plumet triomphant semblant dire : « Ralliez-vous à mon panache noir ».

Entre cette union féminine contre l’embonpoint, courent les hommes. A chacun sa manière de courir. Lui, concentré sur lui-même, la tête dans les épaules, est un automate des petits pas, légers cependant, mais suspendus à son écoute de soi, le regard vague, courant sans savoir qu’il court. Tap, tap, tap, tap… Le bruit des chaussures de sport tapant du plat le macadam. Oui, cette fois-ci c’est un inhabituel du jogging. Il passe tel un ours, la jambe raide, les épaules figées, semblant souffrir le martyre. Mais il poursuit inexorablement, la volonté bloquée, malgré le fait qu’il est doublé par de jeunes élites en mal de transpiration. En voici un, volant sur le bitume, à la foulée légère, le maillot dégoulinant, sûr de sa sveltesse et de sa morgue non exprimée. Un vieil homme, très digne, très bien fait, courant en habitué, me faisant un petit clin d’œil au passage, parfait d’élégance non recherchée, zigzagant entre les piétons, humains la chair flasque, marchant à pas poussifs et déjà essoufflés.

Quelle belle fraternité que celle des joggeurs, tels un troupeau de jeunes poulains courant dans un pré fleuri comme dans un tableau naïf, la casquette sur la tête. « La France en marche » pourrait dire un slogan politique conçu par des gens n’ayant jamais couru et ne rêvant que d’une chose, qu’elle ne marche pas trop vite pour conserver leurs privilèges, celui des publicistes médiatiques faisant la pluie plutôt que le beau temps.

Au loin, derrière l’horizontalité de l’eau, les îles blanches, couvertes de crème solaire étirent leurs membres. Le château d’If leur fait une tête renfrognée et résolue, au-delà du cou fluet, le corps des îles se poursuit par les deux seins aux pointes bien visibles, l’un d’une tour, l’autre d’une antenne. Ces îles ont du poil sur le nombril, mais restent imperturbables au passage des voiliers qui les contemplent. Immobiles, elles semblent mortes, terrassées par l’histoire, la chaleur et la nonchalance des passants qui les regardent de la corniche sans les voir.

Les hommes courent derrière les femmes. Les femmes agitent toujours leur queue de cheval. Jusqu’où vont-ils ? Nul ne le sait. Mais… Ils y vont, et vite…

31/03/2013

L'île noire

Elle est là à deux ou trois encablures, massive, surmontée de sa tour et rugissent les vents et les embruns à ses pieds. L’image du docteur Muller et de son gorille se superpose à cette vue. Où sont-ils ? Je rame dans la barque qui m’emmène vers l’enfer, un frisson irrationnel dans le dos.

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Pourtant quelle après-midi paisible. Montée lente pour sortir des bruits d’une civilisation motorisée et nous émergeons sur une étendue argentée, environnés de pins et de senteurs printanières. L’île est toujours là, inquiétante et débonnaire, sa tour dressée sur la surface liquide, gardienne de ce mont qui allège le corps et libère l’esprit.  

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Couchés dans les herbes odorantes, nous contemplons l’immensité secouée de rides, rêvant d’un départ vers d’autres pays, au-delà des nuages et des côtes qui se dessinent dans le lointain.

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Nous redescendons lentement sur terre. Le golfe s’irradie de blancheur. Les nuages se chargent d’électricité et roulent leurs bosses au-dessus des monts voluptueux. Une promenade au bout du monde !

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02/09/2011

Vacances 2 : Plage

 

Une vraie ruche, un bourdonnement permanent : voix basse des hommes, voix de femmes, piano, cris d’enfants aigus comme le marteau sur une enclume. Monde clos par la forme de la plage, comme une arène où les vagues font la corrida avec les baigneurs apeurés, pendant que chacun des spectateurs devise avec son voisin, couché, accoudé sur un bras, comme pour un diner romain, regardant un horizon lointain couronné d’une couche de nuages gris foncés, puis cendrés, puis blancs, puis le bleu du ciel, éblouissant.

Nonchalance pour certains, étendus comme des morts sur une serviette chaude, les bras en croix, béant au soleil, la poitrine se soulevant cependant en cadence, comme assoiffée d’air. Cogitation pour d’autres, allongés sur le dos, la tête sur leur sac, tenant un journal d’une main et un crayon de l’autre, et, parfois, écrivant le mot cherché et trouvé dans une tête vide, sur la grille à remplir. Par moments, dans une intense réflexion, quelques uns abaissent leur publication, contemplent les flots grisâtres, y puisant une inspiration nouvelle qui permet de noircir une case de plus sur un quadrillage en grande partie vierge.

Intermède : au large, passage d’un yacht blanc, filant à bonne allure, fier de sa vitesse, la flèche des superstructures inclinée vers l’arrière au dessus de la cabine du capitaine qui, elle-même, domine la salle des passagers aux fenêtres que l’on devine plutôt qu’on ne les voit. Le bateau s’évapore derrière le mur du fort, fantôme entraperçu et vite oublié devant l’étendue bleu, grise ou noire selon l’éloignement vers l’horizon.

Diverses sont les formes du corps humain. Enfants rachitiques courant dans le sable un seau à la main, s’essuyant le nez de l’autre. Jeune fille svelte marchant noblement, consciente de son effet, inconsciente du soleil qui darde sa beauté d’une couche de caramel. Vieillard ou presque, sur une chaise pliante, mi-assis, mi-couché, engoncé dans l’épanchement de sa chair luxuriante. Homme, la trentaine, les mains sur les hanches, haranguant sa smala serrée autour de serviettes jaunes, tous vêtus de maillots bleus et hérissés de cheveux d’or. Femme, la cinquantaine, allongée sur un bras fléchi, une jambe repliée, comme une Vénus de Milo fatiguée, mais encore capable de faire illusion.

Plus loin des groupes : joueurs aux raquettes de bois bariolées de couleurs dont on suit les mouvements sans voir la balle voler d’un bras replié, pour se détendre brutalement, au bras allongé, pour atteindre in extrémis l’éclair d’une balle invisible. Seul le son des échanges de coup permet de saisir la partie. Autre groupe : les pêcheurs de coquillages, peu importe lesquels, les fesses en l’air, les mains dans l’eau, draguant le sable boueux jusqu’à tomber sur un corps mort, plus ou moins large, plus ou moins lourd, ce qui permet de déceler s’il s’agit d’un caillou ou d’une coquille appartenant à un petit animal qui, une fois cuit, permettra aux heureux bénéficiaires de mastiquer longuement un appareil caoutchouteux en poussant des cris d’extase et en buvant un verre de vin blanc pour le faire passer.

Les mâts se balancent au gré des vagues, les feuillages scintillent sous une légère brise, les cabines immobiles alignent leur toit encadrant un numéro, des cyclistes passent sur la digue. C’est un jour d’été, calme, plat, reposant, d’ennui ouaté, de clignement des yeux pour s’opposer à la force de la lumière, de pieds enfouis dans le sable chaud que l’on essuie avant de remettre de vagues semelles et repartir, réjoui, soulé de vent et de soleil, heureux, mais ramolli et sans but. Quelle puissance évocatrice d’une civilisation que cette journée !

 

 

31/08/2011

Vacances 1 : premier jour

 

Un coin de jardin où seul un arbre mort pointe ses branchages vers un ciel lourd de nuages, vision d’hiver qui introduit un décalage subtil entre la réalité et ce réveil dans une maison inconnue, mais accueillante. Je sortis du lit, impatient de m’éclaircir l’esprit et de humer un contexte nouveau. Après m’être fait une tasse de café, je m’installais dans le jardin, sous ce ciel nuageux, dans cette atmosphère lourde, ponctuée au loin de quelques grondements de tonnerre diffus.

En sortant je perçus cette odeur spécifique des bords de mer (comme l’odeur propre à chaque être humain lorsque l’on franchit le pas vers une certaine promiscuité), pas réellement des émanations d’iode, trop lourdes et capiteuses pour être appréciées par les gens de l’intérieur, mais plutôt une odeur de poussière-sable chaud-vignes folles-écume des flots. Elle revint à ma mémoire et m’ouvrit les perspectives d’un passé révolu, cris d’enfants, extase des rochers sous lesquels un malheureux crabe se réfugie « Il mord ? », disent-ils, en avançant la main sans jamais aller jusqu’au bout de leur geste. « Prenez-le, prenez-le ! »  Alors vous vous lancez dans une entreprise difficile, prendre un crabe par le haut de sa coquille sans vous faire mordre par leurs pattes à pince très mobiles. « Oh, qu’il est beau, on l’emmène », vous disent-ils et vous devez le déposer dans le seau qu’ils ont rempli d’un peu d’eau avec une poigné de sable frais au fond pour lui faire un nid.

Assis dans le jardin, regardant les moutons courir dans le champ du ciel, rêvant sans bien savoir à quoi, simplement préoccupé de respirer cet air vivifiant et chargé de souvenirs, je vis deux tourterelles gris cendrés se poser à deux mètres de moi sur la pelouse, à un endroit où l’herbe manquait par l’usure des piétinements ou par absence de volonté. Elles étaient plus petites que les pigeons des villes, plus menues et fragiles, mais au caractère bien trempé, avançant fièrement et balançant leur cou à chaque pas comme pour approuver leur décision et montrer leur détermination. Dès qu’elles trouvaient une graine ou un petit caillou rond pour broyer celle-ci dans leur estomac, elles se penchaient avec élégance et les saisissaient d’un bec rapide comme une main hâtive s’empresse de saisir un objet convoité. « Comme il est curieux que ces oiseaux n’aient qu’une préoccupation : manger, manger encore, manger toujours ! », me dis-je, sachant que cette affirmation exagérée était quelque peu mensongère. « Ne sommes-nous finalement pas également dépendants de la nourriture, certes de façon moins prononcée, mais c’est un lent cheminement que celui de l’animal à l’homme, très certainement marqué par un certain détachement des besoins primaires du corps pour s’enquérir des questions de l’esprit. Oui, la spécificité de l’homme tient à ce détachement du nécessaire pour s’élever vers d’autres cieux ou d’autres préoccupations. »  Et d’un battement d’ailes, les tourterelles prirent leur envol, brisant ces réflexions incongrues un premier matin dans l’île.

Une dernière impression : la tiédeur d’une brise, comme une caresse douce, remontant le long du corps pour s’évanouir plus loin, vous laissant une réaction agréable, mais indéfinissable, de sensations passées et de bonheur diffus. Cette manière de vous caresser lentement, comme une plume sur l’avant-bras, est spécifique à ce lieu. « Ah, ça y est, je suis revenu au pays ! », me dis-je, plongé à nouveau dans l’atmosphère doucereuse de ces journées d’été, où la chaleur crée un bocal de sensations diverses, lascives, ensommeillées et enfantines. C’était la même brise que celle des régates du quinze août, lorsque vers midi, quand la course bat son plein, le vent se calme en un instant et ne laisse plus traîner que quelques souffles pervers et désordonnés pour emporter de quelques mètres le voilier qui s’endort dans les vaguelettes et se laisse déporter par le courant. Alors, à bord, s’installe la torpeur de ces jours de soleil et peu à peu elle se propage par contamination à l’ensemble de l’équipage, jusqu’au moment où le capitaine s’écrie : « Le vent… Il revient, tenez-vous prêts ! »