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13/02/2017

Collection

La jeunesse adore les collections. Pourquoi ? Peut-être la nostalgie d’une vie passée où l’on a accumulé de nombreuses richesses ou encore l’envie de posséder quelque chose à soi seul. La collection fait de l’enfant un personnage de rêve, un roi sans royaume, un homme plus riche de lui-même. Aucun n’y échappe : collection de gommes, de buvards, de bons points et, pour certains, de mauvais, mais pas intentionnellement. Les commerçants et industriels ont bien compris cette passion dévorante des enfants. Ils en imaginent sans cesse de nouvelles, pas chères, mais qui peuvent rapporter gros comme les Pokémons ou les soldats de plomb en plastique. Certaines collections finissent dans des musées imaginaires.

Un jour, enfant, je trouvai par terre, dans un champ, une pierre magnifique, une sorte de gros galet cassé qui renfermait une pierre bleuâtre et formée de cristaux, un monde en soi, mystérieux et attirant. Frères, sœur, cousins et cousines décidèrent de faire un musée dans une des chambres du moulin encombré machines, de roues, d'engrenages, de courroies de godets et de toutes sortes d’instruments mystérieux. Il nous fallut un mois pour atteindre une collection d’une quinzaine de pièces. Chaque découverte nous faisait pousser des cris d’extase. Nous les passions sous l’eau, les lavions avec une brosse, les séchions avec nos serviettes de toilette et même, pour certains, les cirions ou les enduisions d’une pommade luisante propre à leur donner un aspect brillant. Des pierres rutilantes, aux formes insolites ou au contraire parfaites, ou d’autres encore, cassées et recelant en leur intérieur un cristal pauvre, mais qui attirait le regard et en faisait un chef d’œuvre de la nature. Chacun fut chargé d’une tâche précise à exécuter dans un délai prescrit : trouver des étagères de présentation, balayer la chambre, décorer ses murs de photos de pierres merveilleuses arrachées de magazines au papier glacé, préparer le comptoir d’accueil des visiteurs et la tirelire devant recevoir le prix d’entrée. L’un de nous devait trouver un uniforme de gardien de musée et se tenir prêt à patrouiller au sein de la pièce pour surveiller les collections. Oui, elles étaient passées d’une collection à des collections, ces quinze pierres. Que d’effort pour arriver au jour J, celui de l’inauguration du musée. L’un de nous devait faire un discours devant les officiels représentés par les parents. Ce fut long et laborieux, plein de mots savants cherchés dans le dictionnaire et un livre consacré aux pierres du Sahara. Dans le regard de chacun des enfants on pouvait voir les espaces pierreux des déserts, le lit caillouteux de rivières, les plages douloureuses imposant un matelas pour s’y étendre ; et, au centre, dans l’œil embué, le caillou adoré, cajolé, caressé, lustré, celui des rêves les plus fous et des explorations les plus épuisantes.

C’est vrai, l’enfant a une autre vision du monde. Tout lui paraît merveilleux. Le moindre petit caillou est un mystère sans nom qui permet l’évasion d’un réel qui est pourtant à découvrir. Mais n’est-ce pas passionnant de s’inventer un monde que les parents ne peuvent comprendre, mais qu’ils doivent approuver à grands cris d’extase simulée.

Pendant longtemps, à certaines périodes, je me suis promené avec ma collection dans la poche ; une pierre parfaite,  en ellipse, choisie longuement sur une plage de la Méditerranée ou de l’Atlantique. Elle me donnait confiance et sa douceur dans la main se laissait caresser chaque fois que j’allais chercher quelque chose dans les profondeurs secrètes que sont les poches pour un homme ou le sac pour une femme.

20/07/2014

Musée Guggenheim de Bilbao

Pour une fois, nous ne parlerons pas du contenu, mais du contenant. A Bilbao, sait-on d’ailleurs ce qu’est le contenu et le contenant, l’un et l’autre étant semblables, œuvres d’art à contempler, l’une de dehors, puis de l’intérieur, les autres, extérieurs intégrées à l’intérieur.

Le bâtiment est en soi un navire amiral, grandiose, dont la silhouette assemble le titane, le verre, la pierre et l’eau. Coins et recoins, blocs et unités, ouvertures et secrets, les oppositions sont multiples et toujours harmonieuses.

Quel que soit la façade dont on l’observe, il reste majestueux :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Une fois dans le Vestibule, où convergent toutes les galeries, le visiteur accède à l'Atrium, cœur authentique du Musée et l'un des traits distinctifs de la création de Gehry. Ce grand espace libre, aux volumes courbes, connecte l'intérieur et l'extérieur de l'édifice grâce à de grands murs en rideau de verre et une grande verrière zénithale. Les trois niveaux du Musée s’organisent autour de cet Atrium central et sont reliés grâce à un système de passerelles curvilignes, d’ascenseurs en verre et en titane et de tours d’escaliers. L’Atrium, qui fonctionne aussi comme un espace d’exposition, sert d'axe autour duquel se structurent les 20 galeries du Musée, certaines ont une forme plus classique, avec des lignes orthogonales, et d’autres présentent une irrégularité singulière. Le jeu des volumes et des perspectives permet de disposer d’espaces intérieurs où, pourtant, le visiteur ne se sent à aucun moment écrasé. Cette diversité de salles et cette adaptabilité se sont révélées d’une énorme utilité entre les mains expertes des commissaires et des créateurs, qui ont trouvé l’atmosphère idéale pour la présentation d’œuvres de grand format et de supports contemporains mais aussi pour des expositions de caractère plus discret et intime. » (From : http://www.guggenheim-bilbao.es/fr/le-batiment/linterieur/)

Une merveille d’architecture, abritant des œuvres grandioses elles-mêmes, mais de purs chefs d’œuvre, c’est la question !

« La Matière du temps (The Matter of Time) permet au spectateur de suivre l’évolution des formes sculptées de l’artiste, de la relative simplicité d’une ellipse double à la complexité d’une spirale. Les deux dernières pièces de ce développement sont créées à partir de sections de tores et de sphères qui génèrent divers effets sur le mouvement et la perception du spectateur. En se transformant de façon inattendue au fur et à mesure que le visiteur les traverse et en fait le tour, elles créent une vertigineuse et inoubliable sensation d’espace en mouvement. La totalité de la salle devient partie intégrante du champ sculptural : comme avec quelques-unes de ses sculptures composées de nombreuses pièces, l’artiste organise les oeuvres avec détermination pour déplacer le spectateur à travers elles et à travers l’espace qui les entoure. La distribution des oeuvres tout le long de la galerie donne lieu à des couloirs de différentes proportions (larges, étroits, allongés, comprimés, hauts, bas) toujours imprévisibles. L’installation contient aussi une dimension de progression temporelle : d’un côté, le temps chronologique qu’il faut pour la parcourir et l’observer du début à la fin ; et de l’autre, le temps de l’expérience dans lequel les fragments du souvenir visuel et physique se figent, se recombinent et se revivent. » (From : http://www.guggenheim-bilbao.es/fr/oeuvres/la-matiere-du-temps/)

 

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C'est vrai, n'oublions pas ! demain, 21 juillet...

26/04/2014

Musée de la sculpture en plein air (2)

 Ce musée voit loin dans l’avenir, même s’il se situe en bord de Seine, près de la cathédrale de Paris. C’est ainsi que l’on peut y contempler ce satellite, sorte de soucoupe volante devenue inerte, tombée du ciel, mais conservant sa courbure parfaite apte à séduire les physiciens. Elle s’appelle Abstraction et a été conçue par Marta Pan en 1969.

 

Quelques pas de plus et c’est une sorte de monument funéraire qui s’offre en toute dignité à la vue du passant. Mais seul le rêve est enterré là, debout, dressé dans le froid de l’hiver. Il se laisse caresser, a la peau douce et m1-P3050073.JPGalgré ses angles aigus, se fait attendrissant au regard. On a envie de s’installer, assis, le dos à la croix, les bras sur les deux accoudoirs, une sorte de trône pour un personnage mythique, barbu et affublé d’atours insolites. C’est une « sculpture architecturale » de Marino Di Teana (1973), en acier Corten. L'acier Corten est un acier auto-patiné à corrosion superficielle forcée, utilisé pour son aspect et sa résistance aux conditions atmosphériques.

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 Un bon gros bloc de granit, sculpté. Mais la pierre est si dure qu’il est difficile d’aller au-delà d’une sorte de bas-relief sur chacun des côtés. Néanmoins les deux morceaux s’enchevêtrent avec tendresse comme peuvent le faire un homme et une femme en mal d’affection. Quel plaisantin ce Rugerro Pazzi qui l’a sculpté en 1979.

 

 

 

 

Pour les amateurs d’espace, voici la station d’écoute des ondes venant du fin fond des temps. Elle a la charge de percevoir non pas ce qui se passe dans notre monde, mais ce qui s’est passé avant même qu’apparaisse l’homme. Cela fait une sculpture moderne, simple, légère et mystérieuse. Mais quels sont ceux qui se trouvent dans la boite ronde, les écouteurs sur les oreilles ? Seul le sculpteur peut le dire, mais son nom a disparu pour l’éternité.

 

 

 

Et voici le spectre d’une nouvelle race d’hommes. Il se détache sur le ciel, empli l’espace de sa force tranquille et bien que vacillant sur sa jambe fluette, il proclame sa puissance. C’est l’œuvre d’un roumain, Sorel Etrog, et elle s’appelle Fiesole (1967).

 

Admirons enfin la musique sourde ce cet étrange instrument, sorte de cor futuriste dans lequel il ne faut mettre les oreilles sous peine de devenir sourd. Il est démonté, c’est vrai, et ces pièces éparses font rêver : quel géant mélomane pourrait s’installer et écouter la voix lointaine des habitants d’autres planètes. C’est une sculpture de Micha Laury, né en Israël. Elle se prénomme « Mind Accumulation » (1968).

 

17/01/2012

Musée de la vie romantique (16 Rue Chaptal 75009 Paris)

 

On y entre par un ancien chemin qui se glisse maintenant entre les immeubles. C’est un peu le chemin d’une prison qui mène vers le paradis que l’on aperçoit au fond, dans une brume de soleil. On s’arrête quelques instant pour payer sa participation à l’entretien du musée et l’on est immergé dans un Paris ancien, celui du siècle dernier, voire d’il y a deux siècles : une charmante petite cour pavée, une petite maison de style restauration, aux volets verts d’eau, un jardin certes petit, mais empli de feuillages et de fleurs (plus trop en ce moment !).

 

 

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On s’atta12-01-15 Perron red.jpgrde bien sûr dans cette petite place des autres siècles, se réchauffant au soleil, sans regarder les immeubles environnants. Il y a encore du bois sous l’escalier de la porte d’entrée.

 

Quelle paix ! Les bruits de la ville arrivent estompés, les couleurs prennent des tons efféminés, quelques personnes se promènent en se tenant par le bras  dans ce jardin de poche. Tout est ralenti, attentif à une lumière tamisée par les arbres. On s’installe quelques instants sur le banc et on laisse le rêve envahir son esprit. On se voit à cheval arrivant par l’allée, descendant sur le perron et pénétrant dans la maison pour se réchauffer. Alors on se dit qu’il est temps d’entrer. Quelle déception ! C’est bienun musée. Mais il évoque la vie romantique de Paris au XIXème siècle, cette époque où le tout Paris se voulait artiste : peintre, sculpteur, poète, musicien, danseuse et bien d’autres choses encore.

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Cela n’a plus rien à voir avec l’intérieur habité d’une propriété presque de campagne. C’est un patchwork d’objets rassemblés là qui inspire le respect, mais intimide également par son aspect passé figé. On est plongé dans un monde étrange, un peu poussiéreux, avec de belles fioritures, de beaux cadres, mais persiennes closes. C’est une sorte d’intérieur de château bien que les pièces soient toutes petites, au décor endormi sur un passé révolu. On y admire de beaux meubles et surtout des tableaux évocateurs de cette période :

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Georges Sand enfant, peinte par Aurore de Saxe ;

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un enfant rêveur et fatigué (je ne sais plus qui il est et qui l’a peint) ;

 

 

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Les litanies de la vierge, d’un classicisme à toute épreuve, mais de belle facture, peint par Auguste Legras.

 

 

 

On étouffe un peu dans cet univers clos, mais qui permet de revivre avec un réalisme parfait ce que nos arrières grands parents ont connu.

 

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On visite la serre avec une très curieuse fontaine-grotte où pousse une verdure abondante, comme au menton d’un homme qui ne s’est pas rasé depuis quelques temps. Rococo du meilleur aloi !

 

 

 

 

Alors repris par la fièvre du parisien du XXIème siècle, vous laissez là votre imagination et une partie de votre cœur, pour revenir dans une rue où passent les camions, dans laquelle les personnes sont habillées comme vous et qui, eux aussi, sont pressés parce qu’il faut être pressé quand on vit dans un avenir indéfinissable.

 

 

27/05/2011

Musée Jacquemart-André

 

Cet hôtel particulier fut édifié à la fin du XIXe siècle dans le nouveau Paris d’Haussmann par Edouard André et son épouse Nélie Jacquemart, couple de grands collectionneurs.

 

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C’est un vrai musée. Tout y est grandiose, arrangé en décor, les chaises alignées le long des murs, les tableaux suspendus symétriquement, les bustes mis en valeur sur leurs colonnes de marbre, dorures sur les boiseries à profusion en imitation des salons Napoléon III du Louvre, voire du château de Versailles pour les grands salons. Des portraits d’hommes altiers, sûrs d’eux-mêmes, satisfaits de se retrouver suspendus en d’aussi augustes lieux, quelques femmes, rondelettes et joliment nues ou plus mûres et sévèrement habillées. Un seul portrait dénote sur les autres, celui de la comtesse Skavronskaia, d’Elisabeth Vigier Le Brun, dont nous parlerons prochainement.

Le décor est imposant, voire solennel, mais ce n’est qu’un décor dans lequel on imagine femmes et hommes figés dans une semi-immobilité, raidis par des vêtements ajustés, se souriant sans rire franchement, buvant des rafraichissements en écoutant d’une oreille distraite une musique qui n’est qu’un fond sonore. Tout est à sa place et tellement bien à sa place qu’on a du mal à imaginer autre chose que ces alignements de portraits, de bustes, de chaises, de commodes, de tapisseries.

Quel étouffoir ! Paris du début du XXème siècle, un Paris qui ne sait pas ce qui l’attend et qui vit au rythme des fêtes. Notons que l’on retrouve dans ce musée le même style de public que le musée lui-même : retraités aux cheveux rares ou en bouclettes-mamies, groupe de cheftaines en mal d’explications et qui parlent bien sûr des dernières expositions qu’elles ont vu sans s’intéresser à celle qu’elles visitent. Très peu de jeunes, pas de rire, l’oreille collée à l’audioguide écoutant sagement les commentaires savants du « cicérone sonore individuel ». Seules quelques mères juvéniles, leur enfant sur le ventre, errent dans les salons en attendant l’heure du biberon.