30/12/2018
Nouvel an : épine ou bonheur
Encore une année
Et tu vois l’autre monter
Épine ou bonheur ?
07:28 Publié dans 31. Pictoème | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pictoème, poésie, dessin, peinture, taleau | Imprimer
29/12/2018
Ephistole Tecque (28)
En fait, il n'avait même pas une idée très nette de ces questions qui se présentaient simultanément à son esprit de la même manière qu'un opérateur chargé du radar ne peut donner la position d'une infinité de points en mouvement sur son écran et produits malencontreusement par une brusque interférence d'ondes multiples. Il ressentait l'importance de ces questions, leur complexité, la difficulté de les résoudre, mais il n'aurait pu les énumérer une à une et les classer par ordre d'importance. Il était conscient d'avoir vécu un instant d'extraordinaire lucidité, d'une clairvoyance insoupçonnable, qu'il n'avait même pas imaginé, comme si brusquement son cerveau s'était libéré des voies habituelles de l'influx nerveux et qu'un autre système de connexion se fut établi, permettant des relations analogiques d'idées jusque-là séparées par un obstacle indestructible, celui de la matière cervicale. Il sentait bien cependant que cet état d'intensité suprême diminuait sensiblement, ayant de plus en plus de mal à voir clair dans cet enchevêtrement de révélations. En même temps qu'il reprenait conscience du crépitement de la pluie sur la verrière de la cour, du ronronnement des voitures qui passaient à intervalles réguliers dans la rue, trouant l'obscurité d'un faisceau jaunâtre qui venait se refléter sur la glace de l'armoire et était renvoyé vers un coin de la pièce où les objets entassés reprenaient quelques formes géométriques. La fenêtre était à nouveau fermée, sa poignée figée dans une position horizontale qui indiquait bien le verrouillage des deux battants, les rideaux de tulle légère reposaient le long des vitres soumis uniquement à la pesanteur et non plus soulevés de temps à autre par un courant d'air frais pénétrant par la jointure mal ajustée des deux battants. Il entendait à nouveau le léger gargouillis produit par la mauvaise fermeture d'un des robinets du lavabo, un chuintement imperceptible en plein jour, mais qui la nuit, dans le silence apparent de la ville, s'amplifiait démesurément jusqu'à parfois l'empêcher de dormir. Il sentait maintenant sur son corps étendu, relâché, la fine rugosité des draps maintenus contre lui par le poids des couvertures et du couvre-lit, de même qu'il entendait contre son oreille appuyée sur le polochon les battements rythmés de son cœur. Puis peu à peu, doucement, tous ces bruits, ces sensations s'estompèrent, faisant place au sommeil.
07:27 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, récit, vie, vacuité, mal-être | Imprimer
28/12/2018
Enfants
Pourquoi est-on à la fois intrigué et émerveillé devant les enfants ?
Ils représentent le mystère de la vie humaine. On y retrouve l’homme à l’état originel, encore vierge des incidents de la vie.
07:17 Publié dans 45. Maximes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maxime, sentence, méditation, paradoxe | Imprimer
27/12/2018
Amour
Je t’aime, car je n’ai pas besoin de toi.
Tu es pur don,
Au-delà de tout besoin.
C’est vrai, on t’attend,
On t’espère, on te cherche,
On agit sans te connaître.
On se passe de toi, enfermé en nous-même.
Mais un instant de ta présence
Suffit à remplir la vie.
Je deviens pleinement humain,
Au-delà même de l’humain,
Là où le baiser à l’inconnu
Me remplit de silence
Et m’envahit de bonheur.
Non, je n’ai pas besoin de toi,
Mais lorsque tu es là,
Je ne suis plus
Et j’erre, empli de vide,
Ouvert à tous vents,
Baignant d’absence,
Immergé dans l’Autre
Qui est Toi, en dehors du moi.
© Loup Francart
07:07 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, écriture, littérature | Imprimer
26/12/2018
Ephistole Tecque (27)
Il y a six mois un ingénieur avait quitté l'usine pour travailler dans un centre de recherche. Il avait eu avec lui une conversation portant sur le pouvoir des chiffres et le monde des équations qui créent un espace imaginaire, rationnel, démontrable, mais que nos sens ne pouvaient atteindre. Ils avaient longuement discuté pour savoir si cet espace était ou non du néant et l'ingénieur lui avait exposé la conception tirée de la Kabbale selon laquelle existaient deux principes essentiels : l’Être et le Néant, dont le rapport fait naître des êtres contingents dans le temps. Le Néant possède l'impuissance, l'ignorance et la haine ; l’Être est muni de la puissance, la sagesse et l'amour. Tout être humain participerait de l’Être, dont les principes sont exposés dans l'arbre des Sephirot, et du Néant, fruit vide de l'arbre des Queliphoth. Ephistole sentit que ces paroles auxquelles il n'avait pas fait attention, auxquelles vous n'auriez pas pris garde non plus, si ce n'est peut-être pour noter l'érudition de l'ingénieur, venaient à l'instant de prendre une subtile explication, bien que les faits lui paraissaient encore suffisamment embrouillés. Sans doute ne vivait-il que dans une sorte de néant, attaché à des objets inutiles, enfermé dans une cloche sous vide où l'être se dessèche inexorablement, ne pouvant rien par lui-même, soumis au déroulement impitoyable du mécanisme céleste. Comment se faisait-il qu'il n'eût rien soupçonné auparavant, que sa vie se soit déroulée ainsi, uniformément, sans même avoir conscience de la possibilité de n'être rien ? Il se souvint des recherches qu'il avait faites récemment pour l'usine, pas tout à fait des recherches, mais plutôt un dossier d'information pour les cadres sur les ensembles de mesure nulle utilisés en physique mathématique. Il avait été particulièrement surpris et impressionné par ces mesures sur des univers inconcevables et pourtant réels où des êtres mathématiquement existants engendraient inlassablement d'autres êtres, d'autres chiffres, d'autres signes aux fins d'un élargissement toujours plus vaste de ces univers. Aurait-il trouvé par hasard la méthode qui manquait pour franchir cette frontière et concevoir en un éclair l'étendue des choses et des êtres ?
07:41 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, récit, vie, vacuité, mal-être | Imprimer
25/12/2018
Noël : la vie
Quand enfants, nous vivions ce jour
Qui n’en était pas un
Parce que la nuit n’était pas une nuit
On se couchait, transis
Dans l’attente du réveil douloureux
Ouvrant sur l’église froide
Et les chants de magnificence
On se coulait, endormis
Sous le manteau d’un proche
Et attendions, vainement
Le vacarme des cloches
On adjurait l’enfant, si petit !
Quelle gageure de rester éveillés
Lorsque du sommeil tirés
S’échappait les larmes de froid
Enfin du clocher venait l’orage
D'un carillon époumoné...
Plongée dans la nuit noire
Dessinant des sourires ébahis...
Le rêve se précisait, pressant
Vainqueur des inclinaisons de tête
Et de l’absence de conscience
Les yeux ouverts sur l’espoir
Les enfants que nous étions,
Désormais éveillés et vivants
Ayant vécu l’enchantement de l’esprit
Attendaient courageusement à l’entrée
La libération de l’impatience
Et l’envol vers l’affairement
Du déballage des mystères empaquetés
Et bien que couchés tard
Et levés tôt d’excitation fervente
La journée s’écoulait
Portée par une ardeur sans fin
Aujourd’hui, dans le vide du souvenir
Renaît en nous l’enfant si nu
Qui s'étreint le cœur et l’élève
Dans le cri de l’humanité :
« Viens, toi qui es plus que moi-même
Emplis-moi de ta présence
Transparente et unique »
( © Loup Francart)
Il nous faut maintenant célébrer cette vie perpétuelle d'où procède toute vie, et par qui tout vivant, à la mesure de sa capacité, reçoit la vie...
Que tu parles de vie spirituelle, rationnelle ou sensible, de celle qui nourrit et fait croître, ou de quelque vie que ce puisse être, c'est grâce à la vie qui transcende toute vie qu'elle vit et qu'elle vivifie...
Car c'est trop peu de dire que cette vie est vivante.
Elle est principe de vie, source unique de vie.
C'est elle qui parfait et qui différencie toute vie, et c'est à partir de toute vie qu'il convient de célébrer sa louange...
Donatrice de vie et plus que vie, elle mérite d'être célébrée par tous les noms que les hommes peuvent appliquer à cette vie indicible.
Denys l'Aéropagite
07:00 Publié dans 42. Créations poèmes, 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
24/12/2018
Pensée et action
C’est le faible qui parle de la force. C’est l’’homme mou qui parle de la volonté. L’homme fort ne parle pas, il vit. D’où cette éternelle contradiction entre la pensée et l’action, car ceux qui, par la pensée, prône l’action, n’agissent pas et ceux qui, par l’action, recherche la pensée, n’en parle pas.
C’est dans l’action que tu trouveras la joie, mais tu ne trouveras cette dernière que grâce à la pensée.
07:00 Publié dans 11. Considérations diverses, 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pensée, action, équilibre, joie | Imprimer
23/12/2018
Les contraires
C’est par l’union des contraires
Le blanc et le noir
Le feu et la glace
La haine et l’amour
Que l’on vit sa vie
Et ces sautes d’humeur
Combat sur une mer déchaînée
Sont le lot de tous
Même du divin
Satan et l’ange Gabriel
Se côtoient en chacun de nous
Comme ils luttent dans les cieux
Loi universelle, avec modestie
Elle nous contraint
Nous enserre dans ses griffes
Pour que parfois s’envole
De nos corps étonnés
L’oiseau pudique
Qui se mêle aux nuages
Roucoule dans l’espace
Et enchante nos cœurs
Qui de pierre deviennent de chair
Oui… Les contraires
Nous conduisent à la tombe
Qui s'avère délivrance
Tel l’oiseau moqueur
© Loup Francart
07:48 Publié dans 31. Pictoème | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, pictoème, poème, dessin, tableau | Imprimer
22/12/2018
Lecteur
Il est mort celui qui te lisait
Tes mots se sont envolés
Plus rien ne t’attache
A ce lieu et ce moment
Les yeux sur eux-mêmes
Ils errent en désolation
Parfois l’un d’eux s’exclame :
« Seigneur, rends nous l’homme
Qui apporte la lumière
Venant d’un autre lieu
Fais renaître l’instant
Où l’épée fut brisée
Qu’aucune colère ou vengeance
N’apparaissent au-delà
Seule la grâce divine
Peut tendre à la perfection
Alors, viens et éblouis-nous ! »
Mais celui-ci ne dit mot
Il me ferme la bouche
Et étrangle en moi
Toute manifestation
C’est pourquoi je suis là devant vous
Les yeux ouverts
Cherchant toujours la vérité
Condamné à mourir
Comme le lecteur des mots
Et du rêve...
© Loup Francart
07:53 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : oésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
21/12/2018
Ephistole Tecque (26)
Ephistole revint alors à sa vision, à cette fin qui lui semblait assignée et qu'il venait de découvrir par hasard. Était-il vraiment une partie de cette machine qui tourne inexorablement, contre notre volonté, nous donnant en fait l'illusion de la volonté, de l'action possible alors que nous sommes seulement destinés à l'alimenter. Il eut l'intuition d'une illusion suprême (être un homme qui peut choisir ce qu’il fait) et se rendit compte qu'il ne faisait rien, qu'il ne pouvait rien faire, qu'on lui faisait faire, qu'on l'obligeait à aller à son bureau, à vivre dans cette chambre, à circuler dans la ville de sa chambre à son bureau avec quelques escapades autorisées en direction d'un cinéma, d'un café ou d'un jardin public. Mais bien vite tout se ramenait au même mouvement pendulaire rythmé par la montée du soleil au-dessus des toits gris et luisants de la ville, à travers les cheminées de briques et les antennes ternies par le temps et par sa descente de l'autre côté, sur d'autres toits, d'autres cheminées et d'autres antennes. Au-dessous, dans un fourmillement apparemment libre, se cachait une organisation insoupçonnée réglementant chaque geste, chaque pensée, chaque pas vers un lieu bien précis : lieu de travail, de repos ou de loisir. Ephistole comprenait maintenant que tout arrive, que tout ce qui survient au cours de la vie, tout ce qui semblait venir de lui, tout cela arrivait inexorablement, de la même manière que survient la crue lorsqu'il a plu pendant plusieurs jours de suite, que les feuilles dorées et tièdes tombent à l'approche de l'hiver pour pourrir lentement sous le tapis de neige. Était-il vraiment autre chose qu'Ephistole Tecque, ingénieur-chimiste, domicilié rue des Quatre coins, dans le troisième arrondissement de cette ville immense qui contenait peut-être des centaines ou des milliers d'Ephistole, de Turlape ou d'Aprisiaque, portant chacun un nom différent, mais qui étaient tous semblables, tous assujettis aux mêmes gestes ordonnés, aux mêmes pensées prévisibles ? Avait-il même connu un homme qui soit différent ? Vous-même, en recherchant bien au fond de votre mémoire, remontant les années d'une vie laborieuse et monotone jusqu'à ce moment de la jeunesse où tout semble neuf et soumis à notre volonté, vous souvenez-vous peut-être d'un camarade qui vous avait paru bizarre, fabriqué d'un tissu différent, orienté vers des problèmes que vous ne soupçonniez pas et que vous n'avez pas voulu fréquenter à cause de son originalité et de son mutisme, car il ne parvenait à parler avec personne, si ce n'est avec quelques camarades qui ne comprenaient pas, mais ressentaient au-delà de ses paroles l'existence d'un monde inconnu et sans doute merveilleux.
07:22 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, récit, vie, vacuité, mal-être | Imprimer
20/12/2018
Assis sur le vent
Assis droit sur ta chaise
Solitaire dans ta cuisine
En attente d’invisibilité
Vint soudain le trou aspirant
L’étrange décalage du réel
L’impression de marcher sur les mains
Et de courir au mur des étoiles
Te voilà parti, nu de tout remord
Pressant tes tempes entre les doigts
Brassant tes coudes en envol
Quelle énergie vertement déployée
Tu glisses sur ton rêve qui devient palpable
Et pars si loin que tu te retrouves
Au cœur du mystère, là où rien
Ne transparaît de ce toi-même
Qui es assis sur l’air et le vent
© Loup Francart
07:16 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie, littérature | Imprimer
19/12/2018
Contemplation
Être libre. Ne pas se laisser enfermer dans un système. J’ai failli succomber et perdre ma liberté. Je ne savais plus voir l’oiseau sur l’arbre ni la fleur dans la prairie. J’ai failli devenir adulte.
Rester un enfant, pouvoir m’émerveiller de tout. Être libre, c’est sans doute l’innocence et je veux rester naïf.
Il est si simple d’intégrer un système, quel qu’il soit. Comme il est facile d’abandonner sa liberté. Il est également facile de la perdre en la cherchant. Esclave de l’imprévu. Esclave de l’instant.
N’être esclave ni du passé, ni du présent, ni du futur. Se réaliser au-delà des faits, dans la contemplation de l'infini.
07:53 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : temps, infini, éternité, liberté | Imprimer
18/12/2018
Rassasié
"Job mourut âgé et rassasié de jours" (Job 42, 17)
Vient donc le moment où le temps s’arrête
Par écœurement et fatigue
La mort devient un repos mérité
Une évasion de la jouissance du destin
Tu es repu des agitations quotidiennes
Des vagues et des mouvements
Tu as perdu en toi l’ordre du temps
Et bientôt tu fermeras les yeux et reposera
Sans plus percevoir le chant de la vie :
Les lèvres de la bien-aimée
Le cri de l’oiseau plongeant dans l’eau
L’étendu des collines qui rejoignent la mer
Le rire des enfants naissant à leur temps
Et les pleurs de ceux qui ont fini
De se repaître de leurs émotions…
Rassasié de jours, tu fermes les yeux
Et reposes en toi, dans l’inconnu
© Loup Francart
07:29 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : moème, écriture, poésie, littérature | Imprimer
17/12/2018
Ephistole Tecque (25)
Il avait bien lu une fois, comme vous l'avez peut-être lu dans un de ces livres bon marché écrits par un explorateur de la Perse mystérieuse, que les derviches, par des danses rituelles difficiles à accomplir, pouvaient posséder certains pouvoirs que l'on ne peut imaginer dans le monde de cette grande ville que nous habitons où tout a une cause et sans doute une fin, parfois difficilement concevable, mais sûrement réelle. Vous vous souvenez par exemple de l'article de M. Gutbergen publié dans la revue des Pensées inconcevables, que vous avez lu un jour chez votre médecin attendant de vous faire ausculter le corps pour une toux chronique qui vous avait prise après plusieurs heures passées dans une gare à attendre un train qui avait du retard, de cet article qui précisait les recherches des écoles derviches dans l'ordonnance des mouvements du corps et du mécanisme de la pensée où on obligeait l'élève à bouger les bras et les jambes en cadence directe ou inversée en même temps qu'il devait réciter certaines phrases à l'endroit et à l'envers jusqu'à s'en pénétrer l'esprit et ne plus faire qu'un avec la phrase rituelle qui perdait alors toute signification rationnelle et prenait la densité d'une évocation magique au pouvoir surnaturel. Vous aviez d'ailleurs vu dans cette revue, des photos où les mouvements étaient présentés par un groupe de jeunes gens dans une atmosphère ordonnée et subtile se mouvant comme un seul corps, une seule âme, bien que chacun exécutait un mouvement différent.
07:24 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, récit, vie, vacuité, mal-être | Imprimer
16/12/2018
L’essence du monde
Ils sont trois à se partager l’essence du monde
D’abord la matière gazeuse, liquide ou solide
En second lieu, l’espace pour qu’elle y vagabonde
Enfin, le temps, créant des changements d’état fluides
Mais qui précéda qui ? Et qui fut premier ?
Raisonnablement, l’espace fut avant le temps
Ce dernier a besoin pour s’épancher d’un sommier
Mais l’espace est distance et long en contretemps !
La durée ne peut être réduite à l’instant
Lent est le vagabondage entre les points
Les relier entre eux demande du temps
Et l’assistance de nombreux témoins
Espace et temps, même associés sans manière
En bouillie indissociable et durable
Ne restent que virtuels ou même imaginaires
Et ne savent se transformer en support fiable
Il leur manque le poids intense du réel
De quoi peser sur le ventre du spatial
De quoi prolonger les plaisirs véniels
Et se transformer en entreprise familiale
Aussi le créateur prit-il soin, gentiment
D’introduire dans la soupe brûlante des étoiles
Les cailloux de la discorde qui, curieusement
Permit d’unir le triptyque en magma idéal
La matière ne serait-elle pas, in fine
L’intruse qui serait, de l’univers, l’origine
Le rocher fondamental et comme inné
Jeté d’un doigt inconnu dans la bouillie divine
© Loup Francart
07:20 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
15/12/2018
Amour et connaissance
L’amour ne peut qu’enrichir la connaissance, car il est une co-naissance intuitive de l’homme dans son essence, de l’homme subordonné au tout et non de l’individualité. C’est pourquoi l’amour ne doit pas être l’exclusivité d’une personne ou même de plusieurs, mais il doit s’attacher à l’ensemble des individus, même à l’ensemble des choses à connaître, c’est-à-dire à l’univers en tant qu’image de lui-même.
Seul cet amour peut nous enrichir et nous apporter à la fois la connaissance de l’univers et du moi en tant que personne consciente (du tout) et non en tant qu’individu unique.
De même la connaissance ne peut qu’accroître et approfondir l’amour, car en apprenant à connaître chaque partie de l’ensemble, on ne peut que concevoir un sentiment d’amour envers le tout, synthèse de cet ensemble.
Ainsi de même que la connaissance de soi et la connaissance de l’univers ne peut que croître simultanément faute de quoi elle butera, de même l’amour et la connaissance ne peuvent que se nourrir l’un de l’autre ou mourir par insuffisance de l’un.
07:17 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : amour, connaissance, univers personne, individu, conscience | Imprimer
14/12/2018
Voyage à Yoshino, un film de Naomi Kawase
Un film magnifique, mais incompréhensible. Après avoir lu les annonces concernant ce film, on se dit : « Pourquoi pas ! J’aime la lenteur des films japonais, le décrochement du temps, la contemplation des sous-bois, le regard sur les frissons d’une peau, le soupir d’une vieille femme, la joie avenante des jeunes filles. »
Et ce fut bien cela, l’éclat des voix dans la montagne, le crissement de la scie sur le tronc des pins, le craquement des arbres qui tombent lentement, la friture du wok dans la cuisine, le froissement des vêtements retirés, l’embrasement des corps se palpant. On avançait lentement dans la connaissance de l’autre, ayant toujours un détail à appréhender avant d’aimer ou de rejeter.
Mais on ne sait plus ce que cherche Jeanne (Juliette Binoche) : la vision, une plante médicinale ; le passé de jeune fille qu’elle a été un jour, l’immortalité d’une vieille femme qui reste malgré tout jeune. Tout se brouille dans cette forêt et l’arbre à nœud qui sont les fils conducteurs centraux du film. Le vent, la pluie, la rage, s’abat sur le spectateur qui ne sait plus où il est, où il va, ce qu’il devient. Les dernières trente minutes du film deviennent incompréhensibles, d’une écologie de pacotille, d’une déraison mystico-magique qui gâche l’enchantement du début. Dommage !
07:29 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, écologie, mystique, primitif | Imprimer
13/12/2018
Ephistole Tecque (24)
Tournant légèrement la poignée d'un quart de tour, il put libérer le battant immobilisé et repousser les deux en les imbriquant l'un dans l'autre. Appuyant de l'autre main sur l'ensemble, il tourna la poignée dans le sens de la fermeture s'assurant ensuite par une traction vers l'arrière que la fenêtre était bien fermée. Enfin ! La chaleur allait pouvoir à nouveau rayonner du chauffage vers la pièce et s'accumuler entre les couvertures, réchauffant son corps glacé.
Une fois recouché, recouvert par les couches successives du drap, des couvertures et du couvre-lit, son corps resserré sur lui-même pour retrouver plus vite sa chaleur, Ephistole tenta de remettre un peu d'ordre dans ses idées, de réfléchir calmement sur le bouillonnement de visions qui l'avaient submergé et englouti dans une sorte d'hypnose de l'esprit. Que lui était-il arrivé ? Il ne parvenait pas encore à comprendre nettement ce retour en arrière, se demandant s'il avait été réellement éveillé à chaque fois ou si ce n'avait été qu'un rêve un peu original qu'une influence extérieure, telle qu'un bruit périodique venant de la rue ou un tressaillement de la maison au passage de plusieurs métros au-dessous d'elle, aurait fait revenir à son point de départ, avant qu'il ne s'éveille réellement à l'accentuation de cette influence. Il lui sembla cependant bizarre qu'à chaque cycle du rêve, il ait réellement eu l'impression de se lever et de marcher vers la fenêtre, en particulier de sentir le contact de la poignée de la fenêtre. Pourtant il n'avait pu se lever ainsi plusieurs fois de suite et se retrouver aussitôt après dans son lit. Il écarta la possibilité invraisemblable d'une faculté de déplacer instantanément son corps dans l'espace, cette solution ne pouvant exister que dans l'imagination de certains visionnaires qui croient à des facultés supranormales du corps humain.
07:53 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, récit, vie, vacuité, mal-être | Imprimer
12/12/2018
Paradoxe
Paradoxe de la sainteté :
elle apporte une insatisfaction de soi de plus en plus grande
et elle comble l'homme de la présence de Dieu
parce que cet amour est indifférent aux fautes.
07:39 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maxime, sentence, méditation, paradoxe | Imprimer
11/12/2018
Chaud-froid ou entropie
La chaleur ne peut pas passer
D’un corps froid à un corps chaud.
Rudolf Clausius
Que dans un sens ! L’autre est interdit
C’est un précepte solide et le seul
Qui, en physique, dans le temps s’investit
La chaleur n’est pourtant pas bégueule !
Le chaud s’épanche vers le froid
Jamais il n’apporte, dans l’autre sens
Un effet authentique ou même maladroit
La chaleur glace le cœur avec aisance
Certes, si on lui donne un coup de main
Il est possible de réchauffer le tiède
D’en faire un outil jusqu’au lendemain
Il pourra alors devenir une aide
Mais il aura fallu activer l’énergie
Ce pouvoir miraculeux et cher
Qui fait fi de toute léthargie
Et peut se déchaîner sur terre
Il faudra toujours plus d’ardeur
Pour donner la fièvre aux hésitants
Et mettre en feu les frondeurs
Pour qu’ils deviennent entreprenants
C’est vrai… S’il existe des chauds-froids
On ne connaît pas de froid-chaud
Et si vous le réchauffez, étant aux abois
Vous finirez certainement au cachot
Ainsi Clausius découvrit l’entropie
Une propriété des corps à sens unique
Qui fait dire à ceux atteint de myopie
Un plat chaud est sans doute plus messianique
07:39 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
10/12/2018
Robert Ferri, peintre
Tout tourne autour de l’horizontalité. Une ligne d’horizon autour de laquelle se construit et s’ordonne le tableau. Ce peut être une simple ligne blanche comme sur ce premier tableau, ce peut être un horizon de verdure, de bois, voire même une ligne frêle entre le bleu du ciel et le bleu de l’eau.
Les tableaux personnalisent la liquidité et la lumière. C’est le scintillement du papier sur lequel les couleurs sont multipliées qui produit cet effet. C’est l’été, la chaleur monte du sol, tremble dans l’air, monte vers le ciel où elle se décompose en éléments granuleux qui forment des nuages irréels. Et l’on se repose dans ces couleurs, ce miroitement, ces reflets.
Même les paysages campagnards sont liquides. On se noie dans les blés, on voit les bosquets comme des navires en haute mer et le ciel se couvre de nuages noirs avec, toujours, la tache plus claire et grenée d’une éclaircie qui adoucie l’ensemble.
Le ciel peut devenir marbré, veiné, les feuillages striés et tremblotants. Seule, l’eau reste étale, immobile, empâtée, statique, mais toujours fluide Elle coule dans le soleil et celui-ci fixe son cheminement dans la lumière.
L’eau devient ciel et le ciel se confond avec l’eau. Seule la ligne horizontale prend une autre teinte, un vert léger qui seul luit au soleil. Puis le regard s’enfonce dans l'ombre des arbres, mystérieusement.
L’âme respire dans ces paysages, se gonfle de bonheur. On en ressort calme, apaisé, étiré en horizontalité.
C’est une nage dans 50 nuances de bleu.
07:33 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, expressionisme, paysages | Imprimer
09/12/2018
Ephistole Tecque (23)
Il prit conscience du froid qui l'envahissait et le contraignait à une contraction progressive des membres autour de son buste, comme il arrive souvent à un enfant endormi dans un lit étroit. Sans doute au cours de son sommeil, pendant ce rêve interminable qui à chaque fois l'avait enfermé plus étroitement entre les couvertures, avait-il remonté les draps jusqu'à hauteur de son menton, sans avoir pu relever aussi le reste des couches successives qui recouvraient son corps, c'est-à-dire deux couvertures de laine blanche, surmontées d'un couvre-lit assez épais, mais suffisamment usé pour laisser apparaître à ses coins quelques boursouflures de laine brute. Sous le choc de l'incroyable révélation, Ephistole ne pensait plus à cette fenêtre qui était à l'origine de tous ses maux, mais peu à peu le froid l'envahissait et menaçait d'engourdir son esprit dont il avait besoin en ce moment. Il résolut donc de se lever et de restaurer à l'intérieur de la pièce la douce chaleur un peu lourde qui y régnait habituellement.
Il lui sembla difficile de mouvoir ses membres engourdis, c'est-à-dire de sortir ses bras du lit et de repousser le drap, pour, après une longue torsion du dos qui amena l'ensemble de son corps perpendiculairement à la longueur du lit, sortir une jambe, puis l'autre peu de temps après. Difficile aussi de rétablir un équilibre précaire sur trois ou quatre membres encore raidis pour avancer jusqu'à hauteur du coin droit du pied du lit et saisir de la main droite, hésitante, l'arête moulée du bord de l'armoire qui lui permit de retrouver la notion de la verticalité et de l'équilibre sur deux pieds nus posés sur le parquet ciré et glacial dont les jointures mal ajustées des lames permettaient à l'élasticité de la peau de produire quelques renfoncements douloureux pour la plante des pieds. Le parquet était tellement froid qu'il n'eut pas le temps de s'attarder sur cette légère douleur. Il enjamba machinalement le tiroir du bas de l'armoire qu'il avait oublié de fermer la veille après y avoir entassé le linge qui traînait sur son lit. Il l'enjamba en levant haut le pied, faisant une sorte de saut raccourci, l'autre jambe s'élevant déjà en l'air pour franchir l'obstacle alors que la première n'était pas encore retombée sur le sol. Deux pas encore, sa main droite ayant relâchée l'appui de l'armoire, reposant le long du corps tandis que l'autre s'élevait en avant pour chercher la chaleur bienfaisante des courbes aiguës du radiateur jusqu'au dernier élément au-dessus duquel, logiquement, si sa mémoire était bonne, et elle l'était, car le geste était parfaitement automatique, il devait trouver le milieu de la fenêtre avec sa poignée dont le contact, légèrement différent de celui du verre des vitres, d'un froid plus métallique et aigre que le froid lisse et mat du carreau, l'emplit de frissons.
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08/12/2018
Gilets jaunes
Nous sommes dans la quatrième semaine de la révolte des gilets jaunes : les sans voix s’expriment plus forts que les sans dent, expression curieuse consacrée par notre ex-président. C’est « le camp des pauvres, des humiliés et des opprimés », annonce Jean-Luc Mélanchon. En face, le camp des écologistes idéologues et des politiciens financiers, pour lesquels il est impératif de taxer pour sauver la planète qui étouffe. Mais peu de gens s’étonnent que moins de 20% des fonds récoltés aillent à l’écologie.
L’encyclopédie libre, Wikipédia, explique que « Sans-dent » est une expression populaire, vieille de plus de cinq siècles et dont la signification a fortement évolué, passant de « sans force », à « vieux » et enfin à « pauvre ». L’expression est citée par notre grand conteur Jean de la Fontaine, dans Les lunettes, écrit en 1674 :
Qu’entend ce rustre, et que nous veut-il dire ?
S’écria lors une de nos sans-dents.
Quoi tu n'es pas notre faiseur d'enfants ?
Tant pis pour toi, tu paieras pour le sire.
Wikidictionnaire nous dit également qu’il s’agit d’une « expression révolutionnaire : nom usuel des brassiers (ou manouvriers) des villes et des campagnes, des vagabonds et des mendiants (Petit peuple) sous la révolution française ».
Préférons donc encore parler de sans voix. Ceux-ci l’ont maintenant fait entendre. Mais nos sociologues et nos politiques parlent dorénavant de manière plus large, de la France périphérique par opposition à la France des villes. Expression contestée bien sûr par les uns et les autres. La périphérie désigne, en urbanisme, le boulevard qui entoure une grosse agglomération. De manière imagée, cela signifie que la France se résume à un ensemble de grandes villes, le noyau dur, privilégié, et la périphérie qui n’a pas droit à la parole et qui subit sans être écoutée. Bien sûr, tout cela est imagé. Mais retenons cependant que la France rurale n’est pas plus à l’honneur dans cette dernière expression que dans les autres. Or c’est celle-ci, en particulier, qui est sans voix. Elle a enfin trouvé le moyen de s’exprimer grâce aux gilets jaunes, ce bout de tissu nécessaire à sa survie, parce qu’on le voit bien, lorsqu’on est en panne sur une route. Alors montrons-le, voyons-le et hurlons. C’est le seul moyen de ceux à qui on ne donne jamais la parole de s’exprimer. Mais ce qu’ils veulent est au-delà de cela. Ils veulent être compris et retrouver leur dignité d’hommes et de femmes. Ainsi ce bout de tissu est devenu un symbole, celui des sans voix devant l’inflexibilité des pourvus. Malheureusement, le port du gilet n’a pas suffi. La descente dans la rue non plus. Le mouvement tant qu’il fut un tant soit peu pacifique ne fit frémir personne. Alors les gilets jaunes ont suivi les casseurs. A qui la faute. Certes d’abord à ces derniers, mais plus profondément aux gouvernants qui ont cru à l’inefficacité du mouvement et donc à son épuisement.
Comment cela va-t-il se terminer ? Je ne tenterai pas une réponse. L’intéressant est le déclencheur de la crise et son développement. La loi des grands nombres fonctionne jusqu’à un certain point, accumulons, accumulons ; mais l’ajout inodore d’une mesure minime crée l’explosion qui met alors beaucoup de temps et de concessions pour se calmer.
Un gilet jaune, c’est la rage et un sourire. La rage contre un système qui étouffe, un sourire pour une solidarité qui soutient. Un rassemblement de gilets jaunes, sur les Champs-Élysées, ou ailleurs, c’est, selon le point de vue sous lequel on se place, les flammes dorées de la révolte entourées de pavés gris ou une prairie verte ensoleillée de boutons jaunes. On cherche à les classer, mais ils refusent toute identification. Cet air de liberté devant le sort qui leur est fait, c’est la volupté de l’espérance accompagnée de la pesanteur de la vie.
07:08 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : manifestation, révolte, embrasement, politique | Imprimer
07/12/2018
Flamenco (atelier de poésie 2)
Enflammée par le flamenco, elle dansa toute la nuit
Palmas et zapateados accompagnant los floreos
La bailaora devint majestueusement gitane
Possédée par el duende, robe agitée fébrilement
En spasmes de couleurs aux effets chatoyants
Entraînée par el cante grande, fier et rugueux
Au matin, elle partit sur la route poudreuse
Courant après son rêve…
07:11 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
06/12/2018
Maxime
La véritable contemplation doit se prolonger dans l'action
comme le fait le jardinier en cultivant son jardin
07:55 Publié dans 45. Maximes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maxime, sentence, méditation, paradoxe | Imprimer
05/12/2018
Ephistole Tecque (22)
Tout ceci ne dura qu'une seconde ou deux. Peut-être trois. Mais ces secondes lui parurent sans fin. Il venait d'envisager ce qu'était l'éternité, comme s'il avait pu percer le mur du temps et courir librement dans le vide éternel. Une effroyable angoisse l'avait étreint. Elle l'avait submergé comme une lame de fond, l'entraînant vers d'incroyables profondeurs, puis l'avait rejeté à la surface tel un outil inutilisable. Il s'était éveillé, haletant, grelottant, les deux bras serrant son oreiller de toutes ses forces, les jambes repliées sous lui, cherchant à réchauffer le plus profond de son être glacé par l'évidence horrible de la vision, enfoui sous les couvertures qui lui parurent un amoncellement stupide de feuilles de papier glacé recouvrant le corps décharné d'un insecte saisi par le formol. Il avait froid. Ses membres étaient de marbre. Il pouvait en percevoir au toucher les veines bleuâtres mêlées à quelques poils rêches.
Alors, ne sachant s'il était vraiment éveillé, il bougea lentement un doigt, puis un autre, ferma sa main sur l'étoffe granuleuse de l'oreiller et fit jouer son poignet sur cette prise solide. Il reprit peu à peu conscience de la réalité, c'est-à-dire du fait qu'il se trouvait dans son lit, placé dans un des coins du mur de cette petite chambre qui était la sienne depuis plusieurs années. Il l'avait toujours connue de la même couleur jaune légèrement délavée qui, par endroits, se crevassait en cloques sournoises. Elle contenait certains objets de sa vie quotidienne, tels que l'armoire dans laquelle il casait tant bien que mal les divers vêtements qu'il avait pu acheter au fil des jours et que souvent il gardait plusieurs années de suite, hésitant à s'en séparer. Il y avait d'autres choses aussi telles que sa collection de cailloux dont il s'était maintenant lassé, mais qu'il n'avait pu se résoudre à jeter, peut-être parce qu'il eut paru bizarre qu'il remplisse sa poubelle plusieurs jours de suite de pierres de toutes formes qui risqueraient de fausser la mécanique ingénieuse du camion des éboueurs. Quantité d'autres objets encore qui évoluaient autour de son espace intérieur en perspective changeante. L'éloignement y était soumis à des lois ne relevant que de sa pensée présente, les objets passant d'une intimité proche à l'abandon provisoire selon son humeur. Le temps, souvent grisâtre, répandait un mélange d'amertume et d'acceptation dans l'esprit d'Ephistole.
07:13 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, récit, vie, vacuité, mal-être | Imprimer
04/12/2018
Devenir
Qu’y avait-il avant le Big Bang ?
L'univers n’était pas né
Une explosion le fit apparaître
Avant ? Rien, répond Stephen Hawking
Mais qu’entendre par rien ?
Pas le moindre bout de matière
Ni, non plus, espace et temps
Ni même un pli de l’espace-temps
Mais cela signifie-t-il qu’il n’y a rien ?
La matière est-elle la seule substance palpable ?
La pensée ne serait-elle qu’un vide
Dans lequel errent des bribes cognitives
S’éloignant plus vite que la lumière !
Oui, je l’affirme, quelqu’un pensait et était
Et cette pensée sur l’origine du matériel
Qu’était-elle ? Personne ne sait
C’est le mystère insaisissable de la nature
Un jeu ? Une plaisanterie ? Un défi ?
Nul ne le sait. C’est pourquoi il est appelé Dieu
Celui qui est au-delà de l’inconcevable
Eh bien, qu’a-t-il à voir avec nous ?
Le néant parle-t-il au néant ?
Est-il possible que soit celui qui est ?
Je suis ce que tu es et tu le sais
Mais tu ne veux pas le savoir
Tu te caches la face et refuses de voir
Tu m’as perçu un jour de transparence
Tu m’as regardé les yeux pleins de larmes
Puis tu m’as oublié, repu des orgies terrestres
Ton regard n’avait que la terre pour horizon
Lève les yeux, point n’est besoin de te prosterner
Regarde le monde, vois l’univers
Je suis par toi et tu es par moi
L’un n’existe pas sans l’autre
Les apparences sont trompeuses
La mort d’un seul d’entre nous
Consacre la fin de l’humanité
Ton esquive est la fin du monde
Qu’est-ce qui nous relie ?
L’amour fut là, en un éclair
Et l’humain devint Dieu
Parce que Dieu était devenu homme
Rien ne commençait, mais rien n’était fini
Cela durera jusqu’à la fin des temps
Dans l’extinction de l’espace
Et la dissolution de la matière
Seul, ne restera que l’amour
Le combustible des vivants
Et, particulièrement de l’humanité
Tu pensas, tu fus et tu seras
J’aime, en un instant, et je deviens...
© Loup Francart
07:00 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie, littérature | Imprimer
03/12/2018
Atome
Le vide est plein de tout
Le plein est vide de rien
Quelles drôles de lois
Que celles de l’univers !
L’atome, si petit qu’il soit
Constitue un monde en soi
Dit élémentaire et insécable
Il n’est pourtant pas indivisible
Qu’il soit solide, liquide ou gazeux
Il est presque entièrement vide
Son noyau est cent mille fois plus petit
Mais il pèse 99,9 fois sa masse
Ce noyau ne se fait pas la guerre :
Les protons sont les plus vaillants
Les neutrons sont inoffensifs
Et les électrons sont hors d’atteinte
Ils errent en effet dans le vide
Jusqu’à cent mille fois plus loin
Ces fétus sont eux-mêmes emplis de quarks
Qui dansent en dissymétrie « up et down »
L’électromagnétisme est la colle
Qui fait tenir le tout dans le rien
C’est la cuisine quantique des champs
L’invraisemblable marmite de Planck
Ainsi s’interroge Richard P. Feynman :
"Qui comprend vraiment la physique quantique ?"
© Loup Francart
07:09 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
02/12/2018
Imagination
Imagination périlleuse du rêve qui navigue entre la veille et le sommeil. Le souvenir en reste plus fidèle, comme un parfum d’amateur que l’on traine avec soi tout le jour, après avoir entrouvert une porte défendue et vu ce qui dépasse l’imagination ordinaire.
Ne pas s’abandonner à de tels délices, mais au contraire refréner tout excès d’imagination en dehors de l’imagination créatrice. Tourner son imagination vers la réalité et y englober l’univers entier jusque à faire soi les autres.
07:26 Publié dans 45. Maximes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maxime, sentence, méditation, paradoxe | Imprimer
01/12/2018
Ephistole Tecque (21)
Il se vit enfin, il se regarda comme vous regardez quelqu'un que vous connaissez un peu sans toutefois avoir pu saisir ses ultimes pensées, comme vous regardez vivre vos compagnons de travail avec lesquels vous vous êtes enchaînés sans même vous en rendre compte. Il vit Ephistole vivre une de ces journées où l'atmosphère grisâtre d'un ciel d'automne répand dans les esprits un mélange d'amertume et d'acceptation. Ephistole Tecque se lever à l'heure habituelle, sept heures, encore un peu engourdi par le sommeil, la paupière lourde, se raser et peut-être remarquer dans la glace une lueur d'ennui atténuée par l'habitude. Monsieur Tecque et Sigalène sa secrétaire, travaillant avec la même application, un peu scolaire, un peu trop sérieuse, faisant de leur travail l'unique préoccupation de la journée, comme si rien d'autre ne comptait pour eux en dehors des chiffres et des résultats accumulés au bas des pages, puis soigneusement enfermés dans une chemise qui traînait sur le bureau. Ephistole enfin, rentrant chez lui, se déshabillant et se couchant comme vous le faites, vous aussi, chaque jour.
Peut-être étaient-ce tous ces mouvements indéfiniment répétés de vie en vie qui permettaient cet impensable déroulement du temps, qui autorisaient la bonne marche de la terre autour du soleil, le ballet inlassable des étoiles sans qu'aucune ne s'entrechoque apparemment. Sans doute est-ce cette dépense inlassable d'énergie qui se renouvelait périodiquement par la mort et la naissance, en un cycle infernal pour chacun, qui permit de construire cette maison, d'accumuler les pierres les unes sur les autres, d'y pratiquer des ouvertures symétriques, d'y placer un cadre de bois assemblé adroitement par d'étroites chevilles à l'intérieur duquel pouvait s'incruster avec précision le verre plat et lisse autorisant la vue à l'extérieur et enfin de l'avoir muni d'une poignée commandant une tringlerie qui permettait l'ouverture et la fermeture, régulière, à volonté, des deux battants constituant la fenêtre. Et comme cette construction des murs, des ouvertures, des montants et de la poignée ne pouvait avoir en fin de compte d'autre but que d'encourager le même déroulement inlassable des évènements et des choses, après avoir connu quelques années de liberté, accordées vraisemblablement pour le préparer à sa tâche, il était maintenant condamné à répéter inlassablement le même geste inachevé, de son lit à la fenêtre, en passant par un certain nombre d'états intermédiaires tendus vers ce but unique, la poignée, résultante finale du travail de ces hommes qui bâtissent sans discontinuer les uns des murs, d'autres des fenêtres, d'autres encore des tringleries et des poignées.
07:44 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, récit, vie, vacuité, mal-être | Imprimer