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13/01/2019

Réveil

Encore une fois, tu échappes à l’absence
Et tu t’éveilles empli de toi-même
Au centre de ta bulle d’illusions

Ne laisse pas errer ton imagination
Va aux confins de la connaissance
Là où commence l’ignorance

Malgré ta détresse, conforte-toi
Résolument, force ton destin
Et reviens vide de toi et plein du monde !

©  Loup Francart

12/01/2019

Eblouissement

 Éblouissement !

La matière se transforme

L'ordre apparaît

 

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11/01/2019

Le monde divin

Au niveau divin, il n'y a plus de logique. Tout devient inintelligible, car les affirmations sont en même temps des négations. Pour accéder dans la limites de ses possibilités à ce niveau, l'homme doit se nier lui-même (renoncement) pour s'affirmer en tant que personne. C'est pourquoi l'amour de Dieu commence par l'amour des autres.

De même, les actes de dieu nous paraissent incompréhensibles, car ils procèdent à la fois de l'affirmation de sa puissance et de sa gloire et de son renoncement à lui-même (la création atteste de la puissance divine, mais c'est un acte de renoncement à cette puissance). Ainsi s'explique aussi l'affirmation que Dieu est à la fois unité et pluralité. Cela ressemble aux alephs de Cantor où le nombre est plus grand que l'infini est pourtant égal à toutes ses parties. Il n'y a qu'un moyen de passer au-delà de l'aleph, c'est de l'élever à une puissance aleph. C'est sans doute ce qu'entend Teilhard de Chardin par l'aboutissement du point Oméga.

Le monde divin est peut-être régi selon une loi des contraires assimilés, où le positif est égal au négatif, la richesse à la pauvreté, la faiblesse à la puissance, l'unité à la pluralité.

10/01/2019

Rêve

 

Elle se leva, proclama son innocence
Pleura largement sur ses épreuves
Et nous conduisit au fond du jardin
Là, en paroles incompréhensibles
Elle tenta d’expliquer son malheur
Entourée savamment du noir de la nuit
«  Pardon mes amies, j’œuvre à tord
Sur cette scène obscure et glissante
Et j’enrage de devoir subir cet affront
Mais rien ne m’engage à tout dire
Mon être se dissocie et ma voix s’éteint
Je suis perdue et m’en excuse
Ouvrez vos yeux et vos oreilles
Elle va apparaître et parler »
Alors on vit une lueur monter
Bleue, froide, grinçante et amère
Son buste raide et maladroit
S’agitant et proclamant :
« Ah, quel mal y a-t-il à rêver
Que le monde n’est qu’une mascarade
Sans existence réelle et palpable
Touchez-moi si vous l’osez
Et vous disparaîtrez sans savoir
Où les dieux vous envoient
C’est leur privilège unique
Ils vous déracinent en douceur
Vous ouvrent le nombril et vous fouillent
Jusqu’à sortir de votre être en attente
Celui qui ne sait pas qu’il est
Ils vous composent une destinée sans passion
Flottant dans les courants d’air
Naviguant entre les astres chauds
Passant de bouche à oreille
Entrant dans votre intimité
Jusqu’à extraire de votre personne
Cette étincelle si réelle et vivante
Que vous disparaissez sans le savoir »
Sur ce, le spectre poussa un râle
Tourbillonna sur lui-même
Et s’évanouit à nos yeux incrédules
Qui était-elle pour parler ainsi
Au-dessus des lois humaines ?
Elle nous regarda sans complaisance
Leva les yeux au ciel, tapa du pied
Grondant de l’intérieur
Elle écarta ses vêtements
Et s’ouvrit le nombril
Un long tunnel apparut
La lueur se montrait au loin
Comme un mirage délicat
Dans lequel il convenait de sauter
Ce que firent certains que l’on ne revit plus

Était-ce un rêve ou un cauchemar ?

 ©  Loup Francart

09/01/2019

Considération

La difficulté chez Teilhard de Chardin est de concilier le point Oméga avec Dieu. Il situe son analyse d’un point de vue strictement scientifique, c’est-à-dire du côté de l’homme en tant qu’associé à l’univers matériel en évolution.

Le point Oméga, ce n’est pas la déification de l’homme, mais son accession à l’esprit divin grâce à l’amour de Dieu.

08/01/2019

Errance

Rien ne nous empêche d’être grands
Seul l’attendrissement pour nous-mêmes
Nous conduit à l’abandon...

Alcools.jpg

Alors le cœur part à la dérive
Il flotte sur les eaux de l’incertitude
Du désespoir et de la solitude...
Pourtant nous nous maintenons encore
Droits et secs comme une branche morte
Regardant au loin vers l’horizon
Cet au-delà de nous-mêmes
Qui flotte sur les mers et court dans le vent
Et tous nos espoirs se portent sur lui...
Où va-t-il ? Que présage-t-il ?
Nous ne le savons, mais peu importe
Seul le regard franc des cœurs
Peut combattre l’errance de l’âme

 ©  Loup Francart

 

Certains jours, l'envie vous prend de dessiner n'importe quoi, pour le seul plaisir de dessiner. On ne parle plus de beauté et d'harmonie, mais d'un trop plein de vitalité qui entraîne l'imagination, à la manière de ces personnages qui errent au petit matin, dans les rues sombres d'une ville.

 

07/01/2019

Maxime

 

Dessèchement de la solitude lorsqu'elle n'est tournée que vers la connaissance. L'esprit en vient à ne plus se satisfaire que de mots, c'est-à-dire de rien.

 

06/01/2019

Bouquet

La rose traverse l’hiver
Laissant flétrir ses pétales
En tortillons affutés
Et pendre sa végétation assoiffée.
Le vase reste de marbre
Où l’eau déborde d’envie.
Ma vue ne porte pas plus loin.
C’est déjà beaucoup pour un scarabée !

©  Loup Francart

05/01/2019

Blessure

Entre deux nuages
L’éclat parvient
Blessure de l’être
Tu vagabondes
L’arbre n’est plus
Il a froid
Devant cet embrasement
Que pense-t-il ?

 

IMG_7904.JPG

 

04/01/2019

Flashmob

https://www.youtube.com/watch?v=a23945btJYw


 

La joie,
C’est cet élan du cœur irrésistible
Qui jaillit de celui que l’on connaît peu
Et qui pourtant est bien nous-même.
Il sortit, un jour, de la boîte Pandore
Et, depuis, on le cherche sans cesse.
Il apparaît caché derrière un arbre
De la forêt humaine, se montre rarement
Mais quelle joie lorsqu’il est, par hasard, enfin là !

 

03/01/2019

Mystère de l'incarnation

 

L'incarnation est l'association des extrêmes,

l'infini et le fini confondus,

l'éternel et le mortel,

comme une preuve de la non-ambiguïté de l'esprit et du corps

dans la notion de personne.

Tendre à l'union des incompatibilités apparentes.

 

02/01/2019

Ephistole Tecque (29)

Depuis cette nuit, Ephistole craignait et attendait avec impatience les heures de sommeil. Retiré dans sa chambre, hors du bruit diurne, allongé sur son lit, pas tout à fait couché parce qu’encore habillé, il rêvait éveillé à des jours sans fin, aux courtes nuits de son enfance lorsque ses parents ouvraient la porte de séparation avec le salon et écoutaient une respiration qu’il s’efforçait de rendre la plus symétrique possible. Le déclic discret de la serrure lui indiquait le commencement d’une nuit indicible dans laquelle tout le séparait de la vie de chacun des jours vécus au bureau dans les chiffres et les statistiques. Autant dans la journée son univers était rationnel, fait de conjugaison subtile de logique, de causes et de conséquences, autant dans ces longues nuits dans une chambre noire, nue et exempte de bruits, il découvrait un autre monde, qui effleurait ses perceptions, donnait le jour à des sensations nouvelles jusqu’à ce qu’il ne puisse plus se contenter d’une image organisée d’un cosmos immuable de rigueur. Il découvrait aussi le pouvoir du corps à l’encontre de celui de l’esprit, un pouvoir subtil, car échappant aux vaines exigences de règles toujours plus difficiles à mettre en œuvre, aux colonnes de chiffres dont la rationnelle organisation permettait de projeter un avenir défini, inexorable, conduisant, malgré sa magnifique cohérence, à une vacuité impalpable.

 

FIN

01/01/2019

Voeux 2019

 

Tu peux envoyer des vœux à tous, c’est une gageure !
Les vœux aux dieux, sont un engagement
A soi-même, c’est une résolution
Enfin aux êtres chers et ce devient un souhait
Mais le meilleur vœu que tu puisses faire
C’est un jour de découvrir et de chérir
Celui qui, en toi, existe, éternel et vivant
Puis, d’en faire ton ambassadeur
Tous les jours de l’année
Jusqu’à l’an prochain
Alors tu pourras recevoir
Les vœux de la terre entière

 

Bonne année 2019

 

31/12/2018

Le feu

– Et si nous faisions le feu ?

Aussitôt chacun se souvient de vacances antérieures le nez sur la braise, soufflant bravement sur quelques brindilles, regardant monter une fumée rare et odorante. Chaque membre de la famille y passa une journée ou deux, s’affairant dans le froid, se réchauffant les mains au-dessus des flammes et se laissant engourdir devant la magie du feu dansant dans le souffle d’un petit vent d’hiver.

Aujourd’hui, il fait froid. Un degré. Mais il fait beau. Quasiment pas un nuage.

– Sud-est, apparemment.

Une direction du vent assez rare, mais impérative pour nous lancer dans l’allumage d’un feu qui n’envahisse pas le village et ses habitants d’une fumée qui ferait pleurer les enfants et les vieillards et jurer les adultes mâles.

Alors on se rend au chevet du tas de feuilles et de branchages qui est caché derrière une haie au bord de la rivière. C'est l'aboutissement d'une année de ratissage. Il est bien là, énorme, trempé, encombré, ayant pris possession de toute la place qui lui est réservé. Chacun regarde, ausculte le ciel, met son doigt dans la bouche pour ensuite le lever en l’air et vérifier la direction du vent.

– Eh bien, cela me semble parfait pour entamer  la destruction par le feu !

Sitôt dit, sitôt fait. L’un va chercher les allumettes, l’autre les cubes allume-feu qui soutiennent la flamme d’un feu débutant, le troisième la fourche, instrument indispensable au maintien d’un bon feu. Il faut dire que le sol est détrempé et que l’on patauge dans la boue. Mais il ne faut décourager personne. Après quelques timides essais, nécessitant bonne humeur et bonne volonté, le feu ne se montre guère coopérant.

– Va chercher le sèche-cheveux.

Cinq minutes plus tard, l’appareil et sa rallonge sont installés. Mise en route. Immédiatement la flamme hésitante monte dans le ciel encombrée de milliers d’étoiles. C’est la gloire, ça marche ! Et progressivement, un trou rouge creuse le tas de feuilles qui, malgré l’eau ruisselante, brûle et creuse un trou dans l’humidité ambiante.

– Ouais, c’est bien, mais on en a pour un mois à faire brûler le tas de feuilles. Va chercher un second sèche-cheveux !

récit,anecdote,feu,vacances,réunion de familleSitôt dit, sitôt fait. Il est vrai que cela fait de la fumée qui monte en tourbillon et, selon le vent, se plaque au sol ou s’évade dans tous les sens. Bientôt (une heure après tout de même), la nuit descend sur la rivière, emplissant de fraîcheur l’air ambiant. Le feu est bien parti, il creuse ses galeries sous les feuilles détrempées, ne laissant apparaître que de maigres fumerolles réparties sur l’ensemble du tas. Sous la surface, un volcan qui ronfle dès que l’on met en route les sèche-cheveux, au-dessus une légère brume qui roule au gré du vent. A demain, disons-nous au brasier. Chacun rentre à la maison, comme enivré par l’odeur des feuillages.

Durant la nuit, sans le révéler à quiconque, chacun rêva au feu : entrer dans la braise chaude, tendre les mains vers le foyer, sentir l’odeur curieusement délicieuse de bois brûlé et de pourriture de feuilles décomposées, attendre le claquement sec des marrons du plus gros arbre du jardin qui explosent, respirer la fumée exhalée par tous les pores du tas. Et de rêver, rêver, rêver… Jusqu’à s’endormir, épuisé.

Le lendemain, après un café but à la hâte, les trois protagonistes enfilent leurs bottes et courent aurécit,anecdote,feu,vacances,réunion de famille jardin dans le noir pour contempler, caché par la haie, les restes du feu. De lentes fumeroles continuent à sortir  du tas. Mais celui-ci s’est considérablement affaissé et prend l’aspect d’un ballon dégonflé. Les apparences sont semblables, mais la bravoure qu’il avait maintenu jusqu’à maintenant s’est évaporée. C’est un animal mort, enfin… pas tout à fait. Il faut sauver l’âme du feu pensons-nous chacun de son côté.

Deux minutes plus tard, l’un d’entre nous surgit avec le souffleur de feuilles qui sert à entasser celles-ci dans un coin du jardin avant de les charger dans une brouette. Il le branche sur la prise, nous regarde hilare et met en route. Un ronronnement puissant nous percute les oreilles. Il rapproche le jet d’air du tas et, au bout d’une minute, de magnifiques braises rouges apparaissent, au bout de cinq minutes, le cratère sous la poussée du courant d’air se reforme, commence à ronfler et fait jaillir de petites flammèches. Un volcan miniature ouvrant sa bouche monstrueuse. Chacun alors s’active pour fournir de la matière à son appétit en utilisant la fourche ou même ses mains.

récit,anecdote,feu,vacances,réunion de famille

Oui ! Nous avons vaincu la mort du brasier ! Vive le feu !

Au lendemain de Noël, la vie était repartie, toujours bruyante, exaltée, chatoyante, un mirage permanent annonçant la nouvelle année.

30/12/2018

Nouvel an : épine ou bonheur

 

Encore une année

Et tu vois l’autre monter

Épine ou bonheur ?

 

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29/12/2018

Ephistole Tecque (28)

En fait, il n'avait même pas une idée très nette de ces questions qui se présentaient simultanément à son esprit de la même manière qu'un opérateur chargé du radar ne peut donner la position d'une infinité de points en mouvement sur son écran et produits malencontreusement par une brusque interférence d'ondes multiples. Il ressentait l'importance de ces questions, leur complexité, la difficulté de les résoudre, mais il n'aurait pu les énumérer une à une et les classer par ordre d'importance. Il était conscient d'avoir vécu un instant d'extraordinaire lucidité, d'une clairvoyance insoupçonnable, qu'il n'avait même pas imaginé, comme si brusquement son cerveau s'était libéré des voies habituelles de l'influx nerveux et qu'un autre système de connexion se fut établi, permettant des relations analogiques d'idées jusque-là séparées par un obstacle indestructible, celui de la matière cervicale. Il sentait bien cependant que cet état d'intensité suprême diminuait sensiblement, ayant de plus en plus de mal à voir clair dans cet enchevêtrement de révélations. En même temps qu'il reprenait conscience du crépitement de la pluie sur la verrière de la cour, du ronronnement des voitures qui passaient à intervalles réguliers dans la rue, trouant l'obscurité d'un faisceau jaunâtre qui venait se refléter sur la glace de l'armoire et était renvoyé vers un coin de la pièce où les objets entassés reprenaient quelques formes géométriques. La fenêtre était à nouveau fermée, sa poignée figée dans une position horizontale qui indiquait bien le verrouillage des deux battants, les rideaux de tulle légère reposaient le long des vitres soumis uniquement à la pesanteur et non plus soulevés de temps à autre par un courant d'air frais pénétrant par la jointure mal ajustée des deux battants. Il entendait à nouveau le léger gargouillis produit par la mauvaise fermeture d'un des robinets du lavabo, un chuintement imperceptible en plein jour, mais qui la nuit, dans le silence apparent de la ville, s'amplifiait démesurément jusqu'à parfois l'empêcher de dormir. Il sentait maintenant sur son corps étendu, relâché, la fine rugosité des draps maintenus contre lui par le poids des couvertures et du couvre-lit, de même qu'il entendait contre son oreille appuyée sur le polochon les battements rythmés de son cœur. Puis peu à peu, doucement, tous ces bruits, ces sensations s'estompèrent, faisant place au sommeil.

28/12/2018

Enfants

 

Pourquoi est-on à la fois intrigué et émerveillé devant les enfants ?

Ils représentent le mystère de la vie humaine. On y retrouve l’homme à l’état originel, encore vierge des incidents de la vie.

 

27/12/2018

Amour

 

Je t’aime, car je n’ai pas besoin de toi.
Tu es pur don,
Au-delà de tout besoin.
C’est vrai, on t’attend,
On t’espère, on te cherche,
On agit sans te connaître.
On se passe de toi, enfermé en nous-même.
Mais un instant de ta présence
Suffit à remplir la vie.
Je deviens pleinement humain,
Au-delà même de l’humain,
Là où le baiser à l’inconnu
Me remplit de silence
Et m’envahit de bonheur.
Non, je n’ai pas besoin de toi,
Mais lorsque tu es là,
Je ne suis plus
Et j’erre, empli de vide,
Ouvert à tous vents,
Baignant d’absence,
Immergé dans l’Autre
Qui est Toi, en dehors du moi.

©  Loup Francart

 

26/12/2018

Ephistole Tecque (27)

Il y a six mois un ingénieur avait quitté l'usine pour travailler dans un centre de recherche. Il avait eu avec lui une conversation portant sur le pouvoir des chiffres et le monde des équations qui créent un espace imaginaire, rationnel, démontrable, mais que nos sens ne pouvaient atteindre. Ils avaient longuement discuté pour savoir si cet espace était ou non du néant et l'ingénieur lui avait exposé la conception tirée de la Kabbale selon laquelle existaient deux principes essentiels : l’Être et le Néant, dont le rapport fait naître des êtres contingents dans le temps. Le Néant possède l'impuissance, l'ignorance et la haine ; l’Être est muni de la puissance, la sagesse et l'amour. Tout être humain participerait de l’Être, dont les principes sont exposés dans l'arbre des Sephirot, et du Néant, fruit vide de l'arbre des Queliphoth. Ephistole sentit que ces paroles auxquelles il n'avait pas fait attention, auxquelles vous n'auriez pas pris garde non plus, si ce n'est peut-être pour noter l'érudition de l'ingénieur, venaient à l'instant de prendre une subtile explication, bien que les faits lui paraissaient encore suffisamment embrouillés. Sans doute ne vivait-il que dans une sorte de néant, attaché à des objets inutiles, enfermé dans une cloche sous vide où l'être se dessèche inexorablement, ne pouvant rien par lui-même, soumis au déroulement impitoyable du mécanisme céleste. Comment se faisait-il qu'il n'eût rien soupçonné auparavant, que sa vie se soit déroulée ainsi, uniformément, sans même avoir conscience de la possibilité de n'être rien ? Il se souvint des recherches qu'il avait faites récemment pour l'usine, pas tout à fait des recherches, mais plutôt un dossier d'information pour les cadres sur les ensembles de mesure nulle utilisés en physique mathématique. Il avait été particulièrement surpris et impressionné par ces mesures sur des univers inconcevables et pourtant réels où des êtres mathématiquement existants engendraient inlassablement d'autres êtres, d'autres chiffres, d'autres signes aux fins d'un élargissement toujours plus vaste de ces univers. Aurait-il trouvé par hasard la méthode qui manquait pour franchir cette frontière et concevoir en un éclair l'étendue des choses et des êtres ?

25/12/2018

Noël : la vie


Quand enfants, nous vivions ce jour
Qui n’en était pas un
Parce que la nuit n’était pas une nuit

On se couchait, transis
Dans l’attente du réveil douloureux
Ouvrant sur l’église froide
Et les chants de magnificence

On se coulait, endormis
Sous le manteau d’un proche
Et attendions, vainement
Le vacarme des cloches

On adjurait l’enfant, si petit !
Quelle gageure de rester éveillés
Lorsque du sommeil tirés
S’échappait les larmes de froid

Enfin du clocher venait l’orage
D'un carillon époumoné...
Plongée dans la nuit noire
Dessinant des sourires ébahis...

Le rêve se précisait, pressant
Vainqueur des inclinaisons de tête
Et de l’absence de conscience
Les yeux ouverts sur l’espoir

Les enfants que nous étions,
Désormais éveillés et vivants
Ayant vécu l’enchantement de l’esprit
Attendaient courageusement à l’entrée
La libération de l’impatience
Et l’envol vers l’affairement
Du déballage des mystères empaquetés

Et bien que couchés tard
Et levés tôt d’excitation fervente
La journée s’écoulait
Portée par une ardeur sans fin

Aujourd’hui, dans le vide du souvenir
Renaît en nous l’enfant si nu
Qui s'étreint le cœur et l’élève
Dans le cri de l’humanité :
« Viens, toi qui es plus que moi-même
Emplis-moi de ta présence
Transparente et unique »

 ( ©  Loup Francart)


Il nous faut maintenant célébrer cette vie perpétuelle d'où procède toute vie, et par qui tout vivant, à la mesure de sa capacité, reçoit la vie...
Que tu parles de vie spirituelle, rationnelle ou sensible, de celle qui nourrit et fait croître, ou de quelque vie que ce puisse être, c'est grâce à la vie qui transcende toute vie qu'elle vit et qu'elle vivifie...
Car c'est trop peu de dire que cette vie est vivante.
Elle est principe de vie, source unique de vie.
C'est elle qui parfait et qui différencie toute vie, et c'est à partir de toute vie qu'il convient de célébrer sa louange...
Donatrice de vie et plus que vie, elle mérite d'être célébrée par tous les noms que les hommes peuvent appliquer à cette vie indicible.

Denys l'Aéropagite

 

 

 

24/12/2018

Pensée et action

C’est le faible qui parle de la force. C’est l’’homme mou qui parle de la volonté. L’homme fort ne parle pas, il vit. D’où cette éternelle contradiction entre la pensée et l’action, car ceux qui, par la pensée, prône l’action, n’agissent pas et ceux qui, par l’action, recherche la pensée, n’en parle pas.

C’est dans l’action que tu trouveras la joie, mais tu ne trouveras cette dernière que grâce à la pensée.

23/12/2018

Les contraires

C’est par l’union des contraires
Le blanc et le noir
Le feu et la glace
La haine et l’amour
Que l’on vit sa vie


Et ces sautes d’humeur
Combat sur une mer déchaînée
Sont le lot de tous
Même du divin
Satan et l’ange Gabriel
Se côtoient en chacun de nous
Comme ils luttent dans les cieux

16-03-31 Déformation.jpg

Loi universelle, avec modestie
Elle nous contraint
Nous enserre dans ses griffes
Pour que parfois s’envole
De nos corps étonnés
L’oiseau pudique
Qui se mêle aux nuages
Roucoule dans l’espace
Et enchante nos cœurs
Qui de pierre deviennent de chair

Oui… Les contraires
Nous conduisent à la tombe
Qui s'avère délivrance
Tel l’oiseau moqueur

  ©  Loup Francart

22/12/2018

Lecteur

Il est mort celui qui te lisait
Tes mots se sont envolés
Plus rien ne t’attache
A ce lieu et ce moment
Les yeux sur eux-mêmes
Ils errent en désolation

Parfois l’un d’eux s’exclame :
« Seigneur, rends nous l’homme
Qui apporte la lumière
Venant d’un autre lieu
Fais renaître l’instant
Où l’épée fut brisée
Qu’aucune colère ou vengeance
N’apparaissent au-delà
Seule la grâce divine
Peut tendre à la perfection
Alors, viens et éblouis-nous ! »

Mais celui-ci ne dit mot
Il me ferme la bouche
Et étrangle en moi
Toute manifestation

C’est pourquoi je suis là devant vous
Les yeux ouverts
Cherchant toujours la vérité
Condamné à mourir
Comme le lecteur des mots
Et du rêve...

 ©  Loup Francart

21/12/2018

Ephistole Tecque (26)

Ephistole revint alors à sa vision, à cette fin qui lui semblait assignée et qu'il venait de découvrir par hasard. Était-il vraiment une partie de cette machine qui tourne inexorablement, contre notre volonté, nous donnant en fait l'illusion de la volonté, de l'action possible alors que nous sommes seulement destinés à l'alimenter. Il eut l'intuition d'une illusion suprême (être un homme qui peut choisir ce qu’il fait) et se rendit compte qu'il ne faisait rien, qu'il ne pouvait rien faire, qu'on lui faisait faire, qu'on l'obligeait à aller à son bureau, à vivre dans cette chambre, à circuler dans la ville de sa chambre à son bureau avec quelques escapades autorisées en direction d'un cinéma, d'un café ou d'un jardin public. Mais bien vite tout se ramenait au même mouvement pendulaire rythmé par la montée du soleil au-dessus des toits gris et luisants de la ville, à travers les cheminées de briques et les antennes ternies par le temps et par sa descente de l'autre côté, sur d'autres toits, d'autres cheminées et d'autres antennes. Au-dessous, dans un fourmillement apparemment libre, se cachait une organisation insoupçonnée réglementant chaque geste, chaque pensée, chaque pas vers un lieu bien précis : lieu de travail, de repos ou de loisir. Ephistole comprenait maintenant que tout arrive, que tout ce qui survient au cours de la vie, tout ce qui semblait venir de lui, tout cela arrivait inexorablement, de la même manière que survient la crue lorsqu'il a plu pendant plusieurs jours de suite, que les feuilles dorées et tièdes tombent à l'approche de l'hiver pour pourrir lentement sous le tapis de neige. Était-il vraiment autre chose qu'Ephistole Tecque, ingénieur-chimiste, domicilié rue des Quatre coins, dans le troisième arrondissement de cette ville immense qui contenait peut-être des centaines ou des milliers d'Ephistole, de Turlape ou d'Aprisiaque, portant chacun un nom différent, mais qui étaient tous semblables, tous assujettis aux mêmes gestes ordonnés, aux mêmes pensées prévisibles ? Avait-il même connu un homme qui soit différent ? Vous-même, en recherchant bien au fond de votre mémoire, remontant les années d'une vie laborieuse et monotone jusqu'à ce moment de la jeunesse où tout semble neuf et soumis à notre volonté, vous souvenez-vous peut-être d'un camarade qui vous avait paru bizarre, fabriqué d'un tissu différent, orienté vers des problèmes que vous ne soupçonniez pas et que vous n'avez pas voulu fréquenter à cause de son originalité et de son mutisme, car il ne parvenait à parler avec personne, si ce n'est avec quelques camarades qui ne comprenaient pas, mais ressentaient au-delà de ses paroles l'existence d'un monde inconnu et sans doute merveilleux.

20/12/2018

Assis sur le vent

Assis droit sur ta chaise
Solitaire dans ta cuisine
En attente d’invisibilité
Vint soudain le trou aspirant
L’étrange décalage du réel
L’impression de marcher sur les mains
Et de courir au mur des étoiles
Te voilà parti, nu de tout remord
Pressant tes tempes entre les doigts
Brassant tes coudes en envol
Quelle énergie vertement déployée
Tu glisses sur ton rêve qui devient palpable
Et pars si loin que tu te retrouves
Au cœur du mystère, là où rien
Ne transparaît de ce toi-même
Qui es assis sur l’air et le vent

  ©  Loup Francart

19/12/2018

Contemplation

Être libre. Ne pas se laisser enfermer dans un système. J’ai failli succomber et perdre ma liberté. Je ne savais plus voir l’oiseau sur l’arbre ni la fleur dans la prairie. J’ai failli devenir adulte.

Rester un enfant, pouvoir m’émerveiller de tout. Être libre, c’est sans doute l’innocence et je veux rester naïf.

Il est si simple d’intégrer un système, quel qu’il soit. Comme il est facile d’abandonner sa liberté. Il est également facile de la perdre en la cherchant. Esclave de l’imprévu. Esclave de l’instant.

N’être esclave ni du passé, ni du présent, ni du futur. Se réaliser au-delà des faits, dans la contemplation de l'infini.

 

18/12/2018

Rassasié

 

"Job mourut âgé et rassasié de jours" (Job 42, 17)

Vient donc le moment où le temps s’arrête
Par écœurement et fatigue
La mort devient un repos mérité
Une évasion de la jouissance du destin
Tu es repu des agitations quotidiennes
Des vagues et des mouvements
Tu as perdu en toi l’ordre du temps
Et bientôt tu fermeras les yeux et reposera
Sans plus percevoir le chant de la vie :
Les lèvres de la bien-aimée
Le cri de l’oiseau plongeant dans l’eau
L’étendu des collines qui rejoignent la mer
Le rire des enfants naissant à leur temps
Et les pleurs de ceux qui ont fini
De se repaître de leurs émotions…

Rassasié de jours, tu fermes les yeux
Et reposes en toi, dans l’inconnu

 ©  Loup Francart

17/12/2018

Ephistole Tecque (25)

Il avait bien lu une fois, comme vous l'avez peut-être lu dans un de ces livres bon marché écrits par un explorateur de la Perse mystérieuse, que les derviches, par des danses rituelles difficiles à accomplir, pouvaient posséder certains pouvoirs que l'on ne peut imaginer dans le monde de cette grande ville que nous habitons où tout a une cause et sans doute une fin, parfois difficilement concevable, mais sûrement réelle. Vous vous souvenez par exemple de l'article de M. Gutbergen publié dans la revue des Pensées inconcevables, que vous avez lu un jour chez votre médecin attendant de vous faire ausculter le corps pour une toux chronique qui vous avait prise après plusieurs heures passées dans une gare à attendre un train qui avait du retard, de cet article qui précisait les recherches des écoles derviches dans l'ordonnance des mouvements du corps et du mécanisme de la pensée où on obligeait l'élève à bouger les bras et les jambes en cadence directe ou inversée en même temps qu'il devait réciter certaines phrases à l'endroit et à l'envers jusqu'à s'en pénétrer l'esprit et ne plus faire qu'un avec la phrase rituelle qui perdait alors toute signification rationnelle et prenait la densité d'une évocation magique au pouvoir surnaturel. Vous aviez d'ailleurs vu dans cette revue, des photos où les mouvements étaient présentés par un groupe de jeunes gens dans une atmosphère ordonnée et subtile se mouvant comme un seul corps, une seule âme, bien que chacun exécutait un mouvement différent.

16/12/2018

L’essence du monde

Ils sont trois à se partager l’essence du monde
D’abord la matière gazeuse, liquide ou solide
En second lieu, l’espace pour qu’elle y vagabonde
Enfin, le temps, créant des changements d’état fluides

Mais qui précéda qui ? Et qui fut premier ?
Raisonnablement, l’espace fut avant le temps
Ce dernier a besoin pour s’épancher d’un sommier    
Mais l’espace est distance et long en contretemps !

La durée ne peut être réduite à l’instant
Lent est le vagabondage entre les points
Les relier entre eux demande du temps
Et l’assistance de nombreux témoins

Espace et temps, même associés sans manière
En bouillie indissociable et durable
Ne restent que virtuels ou même imaginaires
Et ne savent se transformer en support fiable

 Il leur manque le poids intense du réel
De quoi peser sur le ventre du spatial
De quoi prolonger les plaisirs  véniels
Et se transformer en entreprise familiale

Aussi le créateur  prit-il soin, gentiment
D’introduire dans la soupe brûlante des étoiles
Les cailloux de la discorde qui, curieusement
Permit d’unir le triptyque en magma idéal

La matière ne serait-elle pas, in fine
L’intruse qui serait, de l’univers, l’origine
Le rocher fondamental et comme inné
Jeté d’un doigt inconnu dans la bouillie divine

 ©  Loup Francart

15/12/2018

Amour et connaissance

L’amour ne peut qu’enrichir la connaissance, car il est une co-naissance intuitive de l’homme dans son essence, de l’homme subordonné au tout et non de l’individualité. C’est pourquoi l’amour ne doit pas être l’exclusivité d’une personne ou même de plusieurs, mais il doit s’attacher à l’ensemble des individus, même à l’ensemble des choses à connaître, c’est-à-dire à l’univers en tant qu’image de lui-même.

Seul cet amour peut nous enrichir et nous apporter à la fois la connaissance de l’univers et du moi en tant que personne consciente (du tout) et non en tant qu’individu unique.

De même la connaissance ne peut qu’accroître et approfondir l’amour, car en apprenant à connaître chaque partie de l’ensemble, on ne peut que concevoir un sentiment d’amour envers le tout, synthèse de cet ensemble.

Ainsi de même que la connaissance de soi et la connaissance de l’univers ne peut que croître simultanément faute de quoi elle butera, de même l’amour et la connaissance ne peuvent que se nourrir l’un de l’autre ou mourir par insuffisance de l’un.