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11/03/2022

Pourquoi tant de haine

Pourquoi tant de haines, de tristes désespoirs
Un seul homme proclame, le monde s’enflamme
La Russie a perdu son âme et sa foi
Violence et pleurs sous le coup des lames

Le désastre est puissant, l’ombre est là qui guette
Les mères sont effrayées, les enfants contemplent
Gravats et poussières succèdent aux guinguettes
La mort est tentante et chasse l'exemple

Passant, ouvre les yeux, que ton œil se trouble
Que les cris t’éveillent et fouillent ton double
L’âme se tient debout, la foi ne vacille
Que devant la force, les mortelles faucilles

Le monde nouveau naît, le monde ancien meurt
Il n’est ni plus clément, ni plus remarquable
Le passant ne sait plus où cacher son humeur
La règle s’écroule, le mal devient diable

10/03/2022

L'éternité (2)

Mais aujourd’hui, rien ne sort d’eux-mêmes. Ils sont comme transparents dans le monde. Les images les traversent sans s’imprimer, ils avancent comme des fantômes dans un jeu imaginaire et ne se reconnaissent pas eux-mêmes. Je comprends cette attitude dans une vision nocturne. Je vais retourner me coucher après avoir écrit mes quelques pages quotidiennes. En levant les yeux vers la fenêtre, je vis les filaments touffus de la vigne vierge se pressant aux vitres. Un aquarium, me dis-je. Tels des tentacules, les tiges se pressent pour contempler le bureau éclairé. Ici la vie ; derrière, le sommeil ou la mort pour la nuit. Il faut attendre le lever du jour pour que reparte le mécanisme invisible du mouvement accompagné de bruits, d’odeurs et de goûts. Et eux, ce couple qui se dénote parmi les autres couples, restent immobiles, frileux, englobés de terre glaise, incapables de faire un pas devant l’autre. Ils ont toujours leur lumière, elle rayonne avec la même intensité ; mais elle ne peut franchir la frontière de leur moi et se propager au-delà d’eux-mêmes. Il faut la lumière du monde pour qu’ils puissent rayonner. Sans elle, rien ne franchit la barrière de leur existence.

09/03/2022

L'éternité (1)

Constant dit, en se regardant dans la glace :
– Il est des jours où rien ne nous distingue des autres mortels.
Pourquoi une telle interrogation ? Peut-être le ciel grisâtre qui s’étendait à l’infini au-dessus d’eux ou le flot de paroles échangées sur le même ton ou encore les yeux voilées de celle à laquelle il s’adressait. 
Elle ne répondit pas, le regard vague, un geste de la main commencé et non achevé. Elle pensait à ses vacances raccourcies comme un soufflé qui s’effondre sur lui-même. Ses yeux se voilèrent d’une légère brume, sa voix elle-même ne répondait plus avec netteté. 
– Oui, c’est vrai, nous sommes deux mortels qui se regardent sans se voir, qui se parlent sans de connaître, qui se caressent sans rien sentir.
Elle lui toucha le bras, avec douceur, comme une femme en manque d’affection, un sourire aux lèvres, penchée vers l’éternel masculin, elle, l’éternel féminin. Il est vrai que leur couple formait un duo agréable. Il la regarda avec tendresse, souriant ; elle le caressa distraitement, le cœur soulevé. Il était beau, mais d’une beauté d’un autre âge. Il n’avait rien à voir avec l’homme stylisé que prodiguent les journaux de mode. En fait, c’était un homme ordinaire, mais dont l’énergie se lisait dans le regard. Ses yeux étaient de braise, étincelants et fiers. Eux seuls le différenciaient des autres mortels. Elle, le visage rieur, laissait une impression de sensualité italienne, retenue, mais réelle. C’était leurs deux regards qui les distinguaient des autres humains, regards comme des épées, acérés et chargés d’électricité. Mais comme par un fait exprès, ils ne se voyaient pas ainsi et aujourd’hui, une certaine langueur anéantissait l’éclat de leurs yeux. Tout leur paraissait terne, sans saveur, comme une longue journée tiède d’automne trainant des nuages gris sur des bois verdâtres.  Pourtant Aigletine, c’était son prénom, le rappelait à lui-même, l’enfermait dans son imaginaire, l’ouvrait à une vision mystique de la vie et de la rencontre entre deux êtres.

26/01/2022

Flottement

Une vie sans vivre

Une mort sans savoir

Joie de l'ignorance

01/07/2020

Embaumement

 

20-07-01 Couchantjpg.jpg

Nu, mortellement

auréolé de gloire

il fut embaumé

 

11/03/2019

Myriade

Peut-être un trou noir

une échappée mystique

ou la fin d'une vie

 19-03-04 Myriades VD2 rec.JPG

Seule l'espérance

te propulse au-delà

au centre du Tout

 

Tableau acrylique achevé en mars 2019, 80x80 cm.

Passage du numérique au consistant.

Malheureusement, la photo du tableau peint ne reproduit pas la couleur exacte du fond qui est vert foncé et non noir tel qu'il apparaît ici.

Voir Myriade, dessin numérique, publié le 20 avril 2013.

 

08/03/2018

Présomptueux

En un instant, l'homme de chair vivante, de gestes inconnus, de paroles sans réponse, devient un corps raide, immobile, sans esprit. Un mort, matière revenue à la matière, qui, une seconde auparavant, était le monde.

La noblesse, la beauté, le savoir, puis le néant.

Il n'imagine pas le monde sans lui. Le monde est sa propriété, sa joie, sa raison de vivre. Quand il disparaîtra, le monde cessera de tourner.

14/04/2017

Vendredi saint

La mort a saisi le soleil
Et l’a fait tomber de son échelle
L’obscurité envahit les cieux
Et porte un coup fatal au cœur de la lumière
La terre tremble, son corps s’éteint
Son âme libérée suit la pesanteur
Puis d’un coup de pied trois jours plus tard
S’échappe des ténèbres acides
Enveloppée de lumière, revêtue de l’humain
Et plane sur le monde à jamais
Plus légère que la plume
Mémoire du divin
Dans le silence de l'oubli

 ©  Loup Francart

27/03/2016

Pâques 2016

La vie ? Des flashs de bonheur dont les images éparses n’ont pas de cohérence thématique. Le bonheur n’a pas d’homogénéité. Il est, dans sa force, sa soudaineté et sa fuite. Il est l’instant pur, le moment où le ciel se confond avec la vie. Chacun d’entre nous vivons quelques instants magiques où le cœur se dilate et s’emplit d’une profondeur que nous n’avions jamais soupçonnée. Alors la lumière intérieure s’accroît. Une étrange envie de crier, de chanter, de danser prend le corps et l’âme. Il n’y a plus d’idées. Absence d’idées. L’idée n’est pas la chose. L’idée n’est pas bonheur.

Quel est le plus grand bonheur ? Je crois que c’est réaliser ses aspirations les plus profondes. C’est un bonheur à construire, difficile à assumer, car le monde s’obstine à vous faire dévier de cette vocation qui est une lumière dans les jours. Quel bonheur de vivre l’instant présent dans la campagne, marchant dans cette terre chaude, odorante, fumante des jours de printemps. Oui, la nature comble le vide de l’âme par sa présence sensuelle. Le bonheur est dans cette rencontre de l’âme et du corps, de l’aspiration et de la sensation, de l’idée de l’amour et de l’amour lui-même. L’amour est cette transformation mystérieuse, inexplicable, de notre vision du monde. La pesanteur des jours devient apesanteur des instants. Alors, le bonheur, intemporel ! Chacun de ces instants ne constitue pas le temps. Ce sont des trous dans le temps, des îles sur les flots de notre histoire personnelle, le passage au-delà du miroir de nos opinions.

Et chaque jour ces instants sublimes de bonheur nous donnent une idée de la résurrection : un trou d’air qui s’éternise !

27/05/2015

Le paradis

Certains y croient, d’autres non. Mais personne ne sait ce que c’est.

Si ! C’est le lieu où les humains se retrouvent après leur mort, cela tous le savent,. Hormis cette indication commune, rien d’autre.

D’abord, qui se retrouve après la mort ? Est-ce moi Untel, entier, avec ma vie physique (soma), ma vie psychique (psyché) et ma vie spirituelle (pneuma) ? Mon corps sera-t-il le même ? Sera-t-il rajeuni, semblable à celui que j’ai connu ? La différence des sexes existe-t-elle au paradis ? Continuerai-je à penser comme je le fais actuellement ou flotterai-je dans un vide de pensées tel un bébé éprouvette ? L’âme qu’est-elle ? Est-ce une abstraction imaginée par certains pour les tromper ou est-ce l’immuable en moi-même ? Et l’Esprit, qu’est-il par rapport à l’âme ? Est-ce un don de Dieu ou un poids à traîner ?

Que de questions ! Elles ne portent pourtant que sur moi-même et non sur le paradis. Sortons donc de nous-mêmes et voyons ce que l’on appelle paradis.

Le paradis est un lieu de bonheur permanent où les âmes se retrouvent après la mort. Il semble que la plupart des hommes croient à cette définition. Tout au moins ceux qui croient au paradis. Ceux pour qui il n’y a rien au-delà de la mort n’ont bien sûr aucune vision à s’inventer. Tout y est noir, sans aucune éclaircie. Mais pour les autres, ceux qui croient, en quoi croient-ils lorsqu’ils pensent paradis ?

Cela est relativement simple pour les musulmans : c’est le lieu des délices du corps. Disons plutôt que la description du paradis est très semblable à ce que l’on peut imaginer, donc très physique. Trop sans doute pour le vrai musulman pour qui le paradis est le lieu de récompense : « Alors que les gens du Paradis seront en train de jouir des délices, une lumière brillera. Ils lèveront la tête et verront le Seigneur Tout Puissant les surplomber et dire : Le salut soit sur vous, Ô gens du Paradis. Ils délaisseront tous les délices dont ils jouiront aussi longtemps qu'ils regarderont le Seigneur. Une fois voilé d'eux, il leur restera Sa bénédiction et Sa lumière ». (Rapporté par Ibn Maja).

Le bouddhiste parle de nirvana qui est libération des passions et dissipation de la dualité. Le nirvana est un concept véritablement différent du paradis. Il est connaissance de soi après l’élimination de nos souffrances et de nos désirs. Lorsque l’éveil devient permanent, le nirvana est atteint. Ce n'est pas un lieu où l'on va après la mort. C'est un état d'esprit pacifique qui libère du karma, c’est-à-dire de l’enchaînement des vies successives.

Le christianisme parle plus de béatitude que de paradis. La béatitude est le bonheur de l’homme contemplant Dieu dans sa réalité. Mieux, la béatitude est Dieu même se donnant en possession. « L'homme et Dieu, le sujet et l'objet, se touchent, mais ne se confondent pas; le fini subsiste distinct, en présence de l'infini » (Ozanam, Essai sur la philosophie de Dante, 1838). L’homme jouit de la présence divine et cette réjouissance devient suffisante et éternelle.

Alors comment est-ce que moi, je vois, j’imagine, je conçois, je rêve au paradis ?

La méditation aide à entrer dans ce mystère. Tout d’abord sortir du moi psychique préoccupé par le visible et le physique. C’est un long apprentissage à recommencer chaque jour. Trouve-t-on quelque chose au-delà ? La paix psychique, oui. Cette paix psychique conduit à l’oubli de soi et à une communion avec l’univers. La lumière devient première et illumine l’âme. Qui a-t-il au-delà ? Je ne sais. Une barrière empêche ce passage. On la touche, bien qu’elle soit invisible, on la sent bien qu’elle ne soit pas matérielle. Elle est là, derrière vitre opaque qui ne laisse passer que la lumière. Mais combien on aspire à aller au-delà. Patience, il faut attendre. Alors la mort devient renaissance, l’invisible devient visible. La lumière expliquera tout. Nous serons aspirés. Le reste : nous le verrons le moment venu. Seule compte l’aspiration au mystère et le moment de son dévoilement. Alors soyons prêts !

 

23/11/2014

Still the water, un film de Naomi Kawase

Un film magnifique où le vent et l’eau sont des personnes au même titre que la jeune kyoko et son ami Kaito. Les dieux de la nature lient en effet la vie et la mort dans l’île d’Amami. La vie calme et tranquille de cette île du Japon y rend la vie heureuse et indolente. Les adolescents n’ont pas conscience de ce qu’est vraiment l’existence. Ils vont le long de la côte, montée sur un vélo, lui pédalant, Kyoko debout derrière lui, sur les cale-pieds de la roue arrière. Elle se baigne toute habillée dans la mer, plongeant loin sous la surface, ivre de profondeur. Mais l’eau va se déchaîner et le typhon va les faire passer de l’adolescence à l’âge adulte.

Kaito franchit une première étape : le désir et l’incompréhension, désir de Kyoko d’aimer Kaito et refus de celui-ci. Pourquoi ? Il a souffert du divorce de ses parents et de la vie dissolue de sa mère. La deuxième étape est la mort de la mère de Kyoto, une chamane qui ne devait pas mourir. C’est un instant très émouvant que cette mort douce où les gens de l’île viennent chanter et danser pour qu’elle parte heureuse.

Kyoko pleure le départ de sa mère pour le pays des dieux.

– Je n’aurai plus la chaleur de son corps, dit Kyoko.

– C’est vrai, mais pour remplacer la chaleur du corps il y a la chaleur du cœur, lui répond une femme.

– Ca ne suffit pas, répond Kyoko.

Et ailleurs, elle constate : « Pourquoi faut-il que les gens naissent et qu’ils meurent ? On ne comprend pas ».

Ces deux épreuves leur font prendre conscience du pas à franchir pour devenir adultes. Ils s’épanouissent, se reconnaissent et s’aiment en toute liberté. La dernière image, celle des deux affranchis qui plongent alors, nus, dans cet océan que Kaito craignait. La vie continue, toujours semblable, mais les corps et les âmes du couple ne sont plus les mêmes. Le typhon les a réveillés et les a aidés à passer la barrière du rêve de l’enfance à la réalité de l’âge adulte.

Oui, c’est un beau, très beau film ; sensible sans sensiblerie, frais sans niaiserie, d’une modernité nouvelle, autre, qui tient compte du passé et du présent et qui s’engage dans l’avenir sans crainte.

09/10/2014

Expériences de mort imminente

https://www.youtube.com/watch?v=Hxs7WPaBiZo

Intéressant montage sur des expériences de mort et de retour à la vie. Un voyage hors du monde, reconstitué par des expériences multiples sur lesquelles la science s’est penchée. Mais ce qui est encore plus intéressant est l’explication que tente d’en donner l’Institut national de recherche sur le cerveau aux Pays-Bas.

Le promoteur de cette nouvelle théorie distingue le cerveau, cette masse matérielle blanche et grise, de l’esprit, le bio-ordinateur électrochimique de la psyché subjective. L’esprit n’est pas indépendant du cerveau, mais il est également en relation avec un autre plan. Il estime que le monde physique n’est que la surface d’une réalité plus profonde comme la surface de l’océan sur laquelle nous flottons lorsque nous sommes en bateau. Les profondeurs de la pensée nous réservent encore bien des surprises, comme les profondeurs de l’océan.

Certes, la théorie ne va pas plus loin. Elle entrouvre une porte sans que l’on puisse pénétrer à l’intérieur. On perçoit une fente qui n’explique rien, mais qui dévoile une autre réalité. Est-ce une région du cerveau qui permet ce voyage ou autre chose ? La science ne le sait, pour l’instant. Mais quel pas par rapport à ce que les scientifiques pensaient il y a encore peu de temps.

01/10/2014

Mort d’un berger, roman de Franz-Olivier Giesbert

Un roman à la Pagnol ou Giono, qui enchante l’air vif du matin et redonne à la nuit l’odeur des contes. La montagne dans toute sa splendeur unique qui accueille le troupeau des hommes, petit, lent, coléreux et chaque individu si singulier, unique qui tente de se prendre pour Dieu. Le curé est ivrogne, mais si près du ciel qu’il ne peut en redescendre. Le berger, un vieillard de 80 ans, mène son troupeau avec Mohamed VI, un muet bien guilleret qui très vite Juliette Bénichou, tout cela sur fond de mort d’un furieux, Fuchs, qui se fait tuer dans sa maison. La gendarmerie est là, bien sûr, avec un capitaine interrogateur et unlittérature,livre,roman,mort,vie,société berger muet. Tout cela se passe dans l’odeur de la lavande, le son des grelots du troupeau, la vue de la plaine, en bas, immense vu d’en haut, dans l’herbe jaune et fraiche des hauteurs où les moutons vivent le meilleur de leur temps.

Cela commence par la mort de son fils. Un papillon s’était posé sur son front mort. Le vieil homme commença à parler au papillon. Il causait toujours beaucoup aux bêtes. Aux ombles chevaliers, surtout, qu’il allait retrouver de temps en temps au lac d’Allos, après la pêche, certains jours de canicule. Dans son genre s’était une attraction, Marcel Parpaillon. Les ombles chevaliers venaient, de tous les coins du las, l’écouter glouglouter en agitant les bras. Il leur disait des tas de choses qui ne peuvent s’écrire, parce qu’elles sont au-delà des mots.

Quelques jours plus tard un autre malheur. Un matin, quand il arriva à la bergerie, Marcel Parpaillon roula de grands yeux stupéfaits, avec une expression d’horreur, et il lui fallut s’agripper à Mohammed VI pour ne pas tomber, avant de laisser choir son derrière sur une souche de pin. Ses lèvres se mirent à trembler comme des feuilles, et il sanglota, mais sans pleure, car il n’avait plus de larmes depuis la mort de son fils. Il resta un long moment, la bouche en O, tandis que Mohammed VI s’agitait dans le parc à moutons. C’était comme une forêt après la tempête du siècle. Des tas de brebis couchées les unes sur les autres ? Dans un mouvement de panique, elles s’étaient jetées, par vagues, contre un muret de bois, pour y crever. La moitié du troupeau était morte ainsi de peur, de bêtise et d’étouffement.

Et le berger part en guerre contre le loup, contre le maire qui ne veut pas que l’on parle du loup, contre les gendarmes qui cherche maintenant l’assassin de Fuchs. Ils partent en montaison, le berger, Mohammed VI et Juliette. Il se réfugie dans l’air libre des hauteurs. On aurait dit que le temps s’était arrêté. Ça arrive souvent, l’été, dans la patantare. Il suffit que le vent faiblisse et c’est comme si le monde entier retenait son souffle. Ça peut durer toute une journée. Il était dans les deux heures de l’après-midi, mais il aurait pu être tôt le matin ou tard le soir, c’eût été pareil. Le même silence. La même langueur. Une sorte d’éternité.

Le loup est tué, mais le berger est blessé. Il mourra quelques jours plus tard après être redescendu de la montaison. Marcel Parpaillon a rejoint le mouvement perpétuel qui va et vient, en emportant tout, un jour ou l’autre, dans ses ténèbres vivantes. Il est l’eau, le feu, l’air qu’on respire, le sommeil des siens, ou le bonheur qui danse dans leurs yeux. Il est les étoiles aussi. Nous sommes tous des poussières d’étoiles. On prend toutes sortes de formes, des airs importants et des chemins vairés, mais on reste un petits tas d’acides aminés qui pantelle, longtemps après que la flamme a été soufflée.

Quand elle ne s’éteint jamais, c’est un berger.

29/06/2014

Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil, roman de Haruki Murakami

Hajime est fils unique et ce fait lui donne un complexe d’infériorité. A l’école primaire, seule Shimamoto-san possède la même caractéristique, elle est également fille unique. Elle traîne légèrement la jambe gauche en raison d’une poliomyélite. Elle travaille bien. Très vite ils se sentent bien ensemble. C’était la première fois que chacun d’entre nous rencontrait un autre enfant unique. Nous nous mîmes donc à parler avec passion de ce que cela représentait. Nous avions l’un pour l’autre beaucoup à dire sur le sujet. Nous prîmes l'habitude de nous retrouver à la sortie de l’école pour rentrer ensemble. Avec Shimamoto-san, je ne me sentais pas nerveux comme en présence des autres filles. Ils aiment écouter des disques ensemble. Et un jour Hajime découvre une autre dimension dans sa vie : Elle enleva sa main du dossier du canapé et la posa sur ses genoux. Je regardai distraitement  ses doigts suivre le tracé des carreaux de sa jupe. Ce mouvement semblait empreint d’un mystère, comme si un fil ténu et transparent sorti du bout de ses doigts tissait un temps encore à venir. J’entendais au loin Nat King Cole chanter « South of the border ». Je ne sentais que l’écho étrange de ces mots: “Sud de la frontière”. … Je rouvris les yeux : les mains de Shimamoto-san s’agitaient toujours sur sa jupe. Une sorte de doux picotement s’insinua tout au fond de mon corps.

Peu de temps après, à nouveau : Shimamoto-san était une fille précoce, sans aucun doute, et je suis sûr qu’elle était amoureuse de moi. Moi aussi, j’éprouvais une vive attirance pour elle, mais je ne savais que faire de ce sentiment. Comme elle, certainement. Une fois, une seule, elle me prit la main… Nos doigts restèrent entrelacés à peine dix secondes, mais cela me sembla durer une demi-heure. Et, quand elle relâcha son étreinte, je regrettai qu’elle ne l’ait pas prolongée davantage…. Il y a avait, rangé à l’intérieur de ces cinq doigts et de cette paume comme dans une mallette d’échantillons, tout ce que je voulais et tout ce que je devais savoir de la vie… Peut-être avions-nous tous deux conscience d’être encore fragmentaires ; nous commencions à peine à sentir les prémices d’une réalité nouvelle qui nous comblerait et ferait de nous des êtres achevés ? Nous nous tenions debout devant une porte donnant sur cette aventure nouvelle. Seuls tous les deux, dans une vague clarté, main dans la main pendant dix secondes à peine.

Mais Shimamoto-san déménage et la vie passe. Il connaît une autre fille Izumi, qui l’aime, avec laquelle il se sent bien. Mais il la trompe avec sa cousine. Il s’en veut, d’autant plus qu’Izumi perd toute sa joie de vivre et sombre dans la dépression. Il se marie, il aime sa femme, il aime ses deux filles, il a un travail qu’il apprécie. Il a tout pour être heureux. Mais un jour, il rencontre shimamoto-san dans la rue, la suit jusqu’à ce que quelqu’un l’interpelle et le menace.

Quelque temps plus tard, shimamoto-san entre dans un de ses bars (il tenait deux bars où jouaient des jazzmen). Il renoue leurs conversations comme 23 ans auparavant. Il est à nouveau amoureux. Ils vont au concert ensemble. Un concert magnifique. Cependant, j’avais beau fermer les yeux et essayer de me concentrer, je ne parvenais pas à m’immerger dans ce monde musical. Un fin rideau se dressait entre de concert et moi. Un rideau si fin qu’on ne pouvait même pas être sûr qu’il existe vraiment. Pourquoi ? Parce qu’il manque le cr, crr, crr provenant d’une rayure du disque qu’ils écoutaient quand ils avaient douze ans.

Shimamoto-san disparaît à nouveau. Il ne sait pourquoi. Sa vie devient un cauchemar : Pourtant, depuis que Shimamoto avait disparu, j’avais l’impression de vivre sur la lune, privé d’oxygène. Sans Shimamoto-san, je n’avais plus un seul lieu au monde où ouvrir mon cœur. Pendant mes nuits d’insomnie, allongé& sur mon lit, immobile, je pensais encore et encore à l’aéroport de Komatsu sous la neige. Ce serait bien si les souvenirs finissaient par s’user à force de les voir et de les revoir, me disais-je. Mais celui-là ne s’effaçait pas, loin de là.

Enfin, Hajime la voit apparaître dans un de ses bars. Elle est revenue. Il va alors connaître une nuit d’amour, une seule, merveilleuse et unique. Le lendemain matin, elle n’est plus là. Elle est repartie, il ne sait où, pour mourir, pour fuir, pour revenir en notre monde ? Et pendant longtemps il va conserver ce souvenir en lui comme une plaie atroce et bienfaisante. Mais la vie repart, avec Yukiko et les enfants : je devais aller dans leur chambre, soulever leurs couettes, poser la main sur leurs corps tièdes et ensommeillés. Il fallait que je leur dise qu’un jour nouveau avait commencé. C'était cela que je devais faire maintenant. Pourtant je n’arrivais pas à quitter cette table. Toutes mes forces s’étaient écoulées hors de moi, comme si quelqu’un était passé derrière mon dos sans que je le vois et avait enlevé un bouchon quelque part en moi, tout doucement. Les deux coudes sur la table, j’enfouis mon visage dans mes paumes.

Un magnifique roman, un Murakami plus vrai que nature, une merveilleuse histoire d’amour. Ils sont peu nombreux ces romanciers qui savent nous faire rêver par la seule magie de leur verbe.

13/03/2011

Le mystère de la mort

 

La mort est un mystère, mystère qui effraie et qui attire. Elle nous pose la question de notre propre mort et par là même de notre propre vie. A l’abri de nos certitudes et des barrières que nous élevons, nous refusons souvent de constater que, nous aussi, nous pouvons mourir demain. Constat d’adulte que nous ne sommes pas prêts à faire, car il implique le regard sur la vie, sur ma vie. Suis-je prêt à mourir ?

Chacun de nous est à chaque instant confronté à deux tendances profondes qui influencent inconsciemment ses actes :

        D’une part, la pesanteur de notre condition humaine, biologique, pourrait-on dire. Elle nous incite à vivre sur l’acquis, l’avoir, à rechercher sans cesse une stabilité matérielle qui, nous le pensons, nous permet d’échapper au temps et au changement.

        D’autre part, la réalisation de notre vocation humaine, c’est-à-dire ce qui, en nous, nous pousse sans cesse à nous dépasser, à lutter contre la pesanteur. Chacun de nous ressent en lui, plus ou moins consciemment, ce besoin qui fait la grandeur de l’homme. Il est enfoui au plus profond de nous-mêmes, souvent caché, ignoré ; mais a été à un moment ou à un autre, ressenti. C’est l’appel de notre jeunesse à nous dépasser, à créer en nous et autour de nous un monde nouveau, à renouveler la vie en nous et autour de nous. C’est en cela que la vie devient plus forte que la mort, c’est en cela que l’être, en nous, se réalise.

Nous n’avons pas souvent conscience de cette lutte intérieure. Nous sommes entraînés par le mouvement du monde qui nous anesthésie. La mort d’un proche nous réveille et nous pose la grande question, celle de la mort, et, en corollaire, celle de la vie.

Je crois que la seule attitude possible est celle de l’acceptation : acceptation de notre condition humaine (nous sommes mortels à tout moment), mais dans le même temps, acceptation active de notre vocation humaine : faire fructifier la petite flamme qui, en nous, nous pousse, presque malgré nous, à nous dépasser. L’une ne va pas sans l’autre : comment accepter notre condition humaine sans savoir qu’on pourra s’y réaliser, comment réaliser notre vocation humaine sans accepter notre condition humaine.

Alors, quelle est cette vocation ?

Elle est dans sa propre réalisation, différente pour chacun, puisque chaque être est unique. Mais elle procède du même esprit pour tous.

En effet, l’existence se vit sous deux aspects :

        Un aspect extérieur : notre vie visible par les autres, qui s'étend à notre activité professionnelle, notre vie familiale, nos responsabilités sociales. Lorsqu’on est jeune, c’est cet aspect qui nous semble le plus important. A travers lui, on cherche à changer le monde. Il est source de satisfaction, de joie, d’instants de bonheur même, mais on y trouve également difficultés, soucis, peines.

        Un aspect intérieur : le jour où l’on comprend que réaliser sa vocation d’homme est infiniment plus subtil, que cela dépend moins de ce qui nous arrive que de la manière dont on l’appréhende et dont on le vit. Alors, on accepte le monde tel qu'il est et non tel que nous le voulons. On accepte notre condition d’homme et on commence à s’y réaliser. On ne voit pas seulement le combat que l'on mène par rapport à lui, mais aussi sa beauté. On entre en harmonie avec lui.

Réaliser sa vocation humaine, c’est entrer en harmonie avec les autres, tous les autres et non seulement ceux pour lesquels nous avons de la sympathie ; c’est également entrer en harmonie avec soi-même. Alors se révèle sa propre réalisation : l’homme fait l’expérience de l’invisible derrière le visible. Il découvre que l’au-delà et l’ici et maintenant sont une seule et même chose, que l’extérieur et l’intérieur sont un. Une joie profonde l’envahit.

C’est donc le sens que l’on donne à sa vie qui permet d’accepter la mort au moment où elle vient.

mort, vie, réalisation de de soi, harmonie, invisible

02/12/2010

La vie

La question de la vie pose celle du sens de la vie, celle-ci pose également la question de la mort et de son sens et, au delà, de ce qu'il peut y avoir derrière la mort.

Rien ne nous le dira, même si les "Near Death Experience" ou expérience de mort imminente semblent apporter quelques éléments de connaissance d'un au delà derrière la fin de la vie. Peut-être est-ce à rapprocher de l'antimatière découverte en 1931 par Paul Dirac, prix Nobel, l'un des créateurs de la physique quantique.

La vie.pdf