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19/10/2015

Le miroir 7

Ils finirent par nous relâcher sans même nous demander nos papiers d’identité que j’aurai été, quant à moi, en mal de leur présenter. J’invitai la jeune femme à prendre un verre pour me faire pardonner, ce qu’elle accepta volontiers. Installés dans le fond d’une des nombreuses boutiques de restauration de l’aéroport, nous fîmes connaissance. Je lui racontai mes malheurs, la présence d’un double capricieux, les incidents déjà arrivés, sa fuite tout à l’heure dans le passage. Elle me regarda un peu affolée, puis prit le parti d’en rire, d’abord doucement, puis ouvertement et plus bruyamment.

– Je n’aurai jamais l’imagination pour raconter une telle histoire. Vous croyez que je vais vous croire ?

– Peut-être pas. Mais c’est néanmoins la vérité.

– Allons. Mais c’est impossible ! Ce que l’on voit dans une glace n’est qu’un reflet de notre personne. Ça n’a pas de volonté propre, ça n’est pas une personne à part entière. Rien qu’un simple reflet de vous-même résultant du tain qui se trouve sur l’autre face de la vitre. Ne me faites pas croire que vous adhérez à ce que vous venez de me raconter !

– Mais je vous assure que je vous dis la vérité.

– Alors donnez-moi une preuve de ce que vous avancez.

Je cherchais quel type de preuve je pourrais lui apporter. Ma valise ! Elle avait bel et bien disparue. Je lui en fis part. L’argument ne parut pas la convaincre, mais elle y prêta cependant attention. La disparition de mon double fut rejetée aussitôt. Mais quelques instants plus tard, elle me demanda innocemment de l’accompagner aux toilettes.

– Oh, en tout bien tout honneur, me dit-elle d’un air charmant. Je veux seulement vous voir vous regarder dans une glace.

Nous voilà partis dans les toilettes des femmes, bravant les protestations de nombre d’entre elles qui attendaient leur tour.

  Fermez les yeux, m’ordonna-t-elle en me mettant devant un lavabo surmonté d’un miroir. Elle se tenait derrière moi et quand elle me dit de les ouvrir, je ne vis qu’elle. Je me cherchais, mais rien, pas l’ombre d’une ombre de moi-même.

– Vous voyez bien que vous êtes là, me dit-elle.

Je ne répliquais pas. Elle me voyait sans doute, là, face à moi-même, semblable à moi. Mais moi, je ne me voyais pas. Ma personne n’était plus là. Mon double avait bel et bien disparu. Je n’existais plus. Inconsciemment, je me tâtai, me pinçai. Je me sentais cependant bien là. Mais il n’y avait rien dans le miroir. Elle vit mon air désolé, comprit que je ne me voyais pas et partagea mon incompréhension et ma douleur. Elle me proposa de boire quelque chose pour me remettre de cette mauvaise nouvelle. L’avion était parti, mon voyage tombé aux oubliettes, mais je restais finalement serein. J’étais délivré du poids de mon apparence. Avec ma valise, j’avais perdu mon appartenance sociale. J’étais libre de dire à cette jeune femme la joie que me donnait son charmant sourire.

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