15/05/2011
Buttes-Chaumont
La campagne, et presque la montagne, à Paris. Quel dépaysement ! Créé par Haussmann sur demande de Napoléon III, le jardin (un véritable parc) des Buttes-Chaumont a été aménagé en 1866-1867 par Alphand et Barillet, sur les hauteurs dénudées (monts chauves, d'où Chaumont), d’une centaine de mètres d'altitude, qui forment le promontoire le plus occidental des collines de Belleville, à l’emplacement de carrières de gypse.
Tout fonctionne comme en ascenseur :
Rez-de-chaussée au ras du lac, là où l’horizon est bouché de verdure en profusion, comme les fumées produites par la lave d’un volcan façonnent un écran sur la surface du cratère.
Entresol, sur la droite, là où s’écoule des hauteurs un ruisseau dans des rochers en béton, imitant de façon satisfaisante le naturel d’un coin de vallée, étroite et déchirée, dans lesquelles se glisse imperceptiblement un cours d’eau se manifestant par des pépiements gracieux pour le plaisir des yeux et des oreilles.
Premier étage, celui du petit pont suspendu qui permet de passer du sud-ouest au nord-est en enjambant l’eau plutôt jaune que verte ou même kaki et dont le fond laisse deviner un limon épais et collant. Il tangue un peu pour vous laisser apprécier cette traversée, comme un temps de pause en deux rêveries. L’eau peut contempler, le long des rives, sur une herbe accueillante comme les bras d’une femme imaginaire, quelques couples, généralement homme et femme, allongés, parfois même étroitement enlacés, qui donne l’illusion d’une nuit au bord de la plage d’Acapulco.
Deuxième et dernier étage, après l’enjambement, vers le simili temple, grec ou autre, qui domine les toits et dévoile un ciel de petits nuages blancs, se fondant parfois dans le bleu d’un azur vu d’avion. Au loin, Montmartre se profile comme une (petite) carte postale et vous contemplez Paris nord, si différent de Paris centre (ou ventre ?), mais dont le charme est plus dans l’humain que dans l’architecture. Tel un fakir suspendu sur son tapis volant, un étudiant, son sac à dos posé à côté de lui, lit en tailleur à hauteur des toits. Rien ne le distrait, ni le bruit d’une classe d’enfants qui passe, ni le silence subit, trou d’air dans le brouhaha de la circulation. Et tout autour de vous, des nuages de verdure, moutonnements subtils de vert foncé, clair, presque brun rouge ou encore argenté et frémissant du vent léger qui rafraichit.
Une jeune fille avance, vêtue d’une robe légère soulevée par ce même vent. Il gonfle le tissu et lui donne un air de bonhomme Michelin, sous la taille du moins, le haut restant à sa mesure, menu comme un oiseau aux ailes déployés lorsqu’elle lève les bras pour prendre une photo. Adonis, en marcel rouge, et Aphrodite, en marcel blanc, d’un tissu plus élégant, se font prendre en photo, appuyés mollement sur le parapet du temple. Trois grâces de trente cinq ans montent au temple, parlant fort, pour redescendre aussitôt, plus préoccupées de leur apparence, peut-on dire de leur beauté, que du paysage. Deux femmes d’âge mûr, assises de part et d’autre d’un banc, consultent deux plans de Paris semblables, échangeant leurs impressions par-dessus leurs sacs à dos les séparant. Si l’une se lève, l’autre tombe vraisemblablement, tellement elles sont assises aux bouts du bout du banc. Rassurez-vous, cela ne se produira pas.
Passage du pont, vu d’en bas et si haut, qui d’en haut mérite son nom de pont des suicidés ! Changement de décor : une prairie en pente, sorte d’alpage pour les parisiens étendus, panier repas à portée de main, certains et certaines en maillot de bain, s’épanchant au soleil, se retournant de temps à autre pour ne pas virer au rouge pâmoison. Nuage… Les silhouettes se revêtent, puis se dévêtent à la réapparition des rayons chauffants.
Alors vous vous dites qu’il est temps de repartir, sans toutefois que cette pensée ait un effet quelconque sur votre volonté et moins encore sur votre corps. Vous vous levez, faites quelques pas pour découvrir une vallée bordée d’un ruisseau et de quelques arbres de différentes essences auprès desquels les plaids et ceux qui les recouvrent font penser aux dimanches après-midi dans les faubourgs de Genève, là où la campagne et la montagne se confondent, à deux pas des immeubles envahissants.
Retour au rez-de-chaussée, passage sous le pont, si haut vu d’en bas, et découverte de grottes dont l’une se pare d’une cascade bruyante déversée par un « trou blanc » (voir Marcher sur un chemin de terre » du lundi, 02 Mai), comme un halo de lumière dans l’obscurité de la voute. L’eau coule, dévale, escalade les pierres, se joue de la lumière et de l’ombre, livrant une odeur sucrée et pourrissante qui donne à ce type de lieu un charme vieillissante, mais toujours rajeuni par le scintillement des gouttelettes dans les rayons d’argent d’une lumière rare, mais vive.
Fin du tour du lac, de l’étang, de la pièce d’eau, on ne sait pas bien. Là encore la pelouse et le spectacle d’étendues d’eau attirent l’amour ou tout au moins les couples aux balbutiements de l’art d’aimer, s’enlaçant sans vergogne au vue et au sus de tous, petits et grands.
Passage de la grille, tremblement du macadam au passage du feu vert, halètement des personnes âgées au passage du feu rouge. Quel bel après-midi à la campagne, presqu’à la montagne. Une éclaircie dans la vie parisienne, à l’image du petit clos entouré de grillage, plus vert et tendre que la pelouse presque jaunie qui l’entoure, à l’entrée du parc, où l’on s’attend à voir un âne brayant en écho aux pétarades des motos.
04:46 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : promenade, paris insolite, campagne | Imprimer
14/05/2011
Gemellité
La gemellité est un phénomène naturel qui fit couler beaucoup d'encre. En quoi des jumeaux sont semblables, en quoi sont-ils différents ? Chaque cas est un cas particulier dès l'instant où l'on entre dans le détail des constats. Ce dessin symbolise les diverses formes que peut prendre ce phénomène. Il assimile les carrés au centre du dessin aux carrés des quatre coins, pratiquement semblables, en passant par une succession de variantes. Chaque carré d'un quart du dessin est différent, mais il est reproduit trois autres fois.
Quelle drôle d'idée !
Mais quel effet !
05:56 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art cinétique, op art, dessin | Imprimer
13/05/2011
Détruire, dit-elle
"Détruire, dit-elle" est un roman de Marguerite Duras paru en mars 1969 aux éditions de Minuit.
C'est aussi un film qu’elle a réalisé, avec Catherine Sellers et Michael Lonsdale.
Le décor : un périmètre dans la forêt où les gens viennent s’isoler, vivre eux-mêmes, s’apprendre à vivre eux-mêmes dans le repos. Ici les livres, qu’ils soient à lui, Max Thor, ou à elle, Elisabeth Alione, ne servent à rien, ils font partis du décor. Rien ne se passe dans cet hôtel, tout commence et rien ne s’achève, car aujourd’hui n’a plus de rapport avec hier. Le temps ne coule plus ou coule sans souvenirs, sans souvenirs d’impressions durables, sauf, peut-être, le souvenir de ce qui est et non pas de ce qui arrive.
C’est dans ce monde, où rien ne compte qu’être, que fonctionne la destruction comme cette musique des dernières pages, cette fugue de Bach qui s’arrête, reprend, s’arrête à nouveau, repart, jusqu’à ce qu’elle fracasse les arbres, foudroie les murs. Elle arrive en trois temps, trois actes du livre. Dans un premier temps, il n’y a rien, rien ne se passe, on regarde et Marguerite Duras pose le décor et ses personnages. Dans un deuxième temps, arrive Alissa qui est la destruction à l’œuvre et cette destruction place ses racines et les enfonce dans le décor subrepticement, imperceptiblement. Enfin, dans un troisième temps, les deux forces opposées, l’avenir avec le groupe d’Alissa, Stein et Max Thor et le passé avec Bernard et Elisabeth, s’affrontent et se déchirent, enracinant la destruction chez Elisabeth Alione sans qu’elle-même le perçoive, sans toutefois aller jusqu’au bout de l’acte, jusqu’à ce qu’il y a au bout de la destruction, c’est-à-dire la folie. La folie, c’est Alissa, l’inacceptation de tout état de fait, la destruction de tout le passé, donc de toutes les habitudes.
Les personnages maintenant : que sont-ils ? Il y a en fait deux forces en action, deux clans qui s’opposent. Ceux qui sont tournés vers l’avenir, qui savent ce que les autres ne savent pas, et ceux qui sont soumis au passé, qui ne savent rien, qui ne savent même pas qu’il y a à savoir, qui vivent de leur habitudes.
Stein sait. Il sait au-delà de la folie, vers ce vide qui est au-delà. C’est un sage, une sorte de moine, pourrait-on dire. Il se refuse à tout ce qui semble constituer la vie de chacun, le mariage, un métier, des projets. Il ne cherche rien, rien de ce que cherchent les autres. Il peut se permettre de faire des choses que les autres ne feraient pas, qu’ils appelleraient indiscrètes. Les autres ne l’intéressent pas vraiment, il les regarde comme on observe un troupeau. Lui-même ne l’intéresse pas. Il se contemple comme il examine les autres, sans retenue aucune (quelquefois j’entends ma voix, dit-il).
Alissa n’est pas encore allée au-delà de la folie, de cette folie apparente engendrée par la destruction. Elle est la destruction (détruire, dit-elle) et c’est en fait elle qui déclenche le drame, car rien ne serait survenu sans elle. Alissa sait, dit Max Thor. Mais que sait-elle ? se demande-t-il. Sans doute ne le sait-elle pas elle-même, n’est-elle pas capable de le formuler. Seul Stein pourrait le faire, mais Stein ne répond pas. Alissa comprend Stein d’instinct, intuitivement, elle le sent fémininement et Stein la comprend. C’est pourquoi l’amour naît aussitôt entre eux, ontologiquement, pourrait-on dire.
Max Thor n’est pas encore du même camp. Il cherche, il s’interroge, il observe à la manière dont regarde Elisabeth Alione. Quelque chose le fascine et le bouleverse dont il n’arrive pas à connaître la nature », aussi bien chez Elisabeth que chez Alissa. Il ne connaît pas Alissa, sa femme. Il la cherche, car il sait que c’est en elle qui doit être la réponse ; et ce problème, le seul qui le touche vraiment, s’effacera de lui-même, sans qu’il ait besoin d’en avoir la réponse, au cours du troisième temps du livre, au cours de l’affrontement. Alors il saura ce qu’est Alissa et Stein. Elisabeth Alione aussi le fascine. Il l’aime d’un amour différent de celui qu’il éprouve pour Alissa (amour inquiet et interrogateur, tourné vers l’avenir), d’un amour tourné vers ce passé qu’il ne peut encore quitter tout à fait, ne sachant pas l’avenir.
Enfin, il y a Elisabeth Alione, qui en fait n’existe pas en elle-même, c’est-à-dire en tant qu’être propre, individuel et personnel. Elle ne croit pas en elle-même. Elle croit à ce que les autres disent d’elle. « Elle est à celui qui la veut, elle éprouve ce que l’autre éprouve ». Elisabeth Alione, c’est le passé. Tout n’existe pour elle que par le passé et l’avenir lui fait peur, car aucun passé ne s’y rattache. Aussi a-t-elle peur des trois autres et surtout d’Alissa. Elle ne les comprend pas, parce qu’elle ne sait rien d’eux alors qu’eux savent tout d’elle. Une fois dans sa vie, Elisabeth Alione aurait pu être en tant que personne véritable, mais elle a eu peur de cette lettre du médecin qu’elle a montré à son mari parce que là encore elle avait peur d’un avenir différent du passé, inconnu. Puis elle a regretté son geste, parce que quelque chose en elle disait oui à la lettre. Sa maladie véritable venait en fait de cette contradiction entre ce qu’elle croyait être et e qu’elle était réellement, intérieurement. La destruction de l’ancienne Elisabeth commence le jour où elle rencontre Alissa, puis Stein. Elle découvre par l’intermédiaire d’Alissa la véritable cause de sa maladie. Elle ne peut plus redevenir ce qu’elle était auparavant, bien qu’elle ne s’en rende pas compte, et au delà de la peur qu’elle a d’abord éprouvé, elle découvre le dégoût (Ces nausées… Ce n’est qu’un début, dit Max Thor. Bien… Bien, dit Stein). « Il y a eu un commencement de… comme un frisson… non… un craquement de… du corps », dit Stein. « Ce sera terrible, ce sera épouvantable, et déjà elle le sait un peu ».
La destruction a fonctionné comme cette musique, cette fugue de Bach, qui s’arrête, reprend, s’arrête de nouveau, repart jusqu’à ce qu’elle passe la forêt, fracasse les arbres, foudroie les murs.
« Détruire dit-elle est le plus étrange des livres de Marguerite Duras. Il ressemble à une cérémonie dont nous ignorerions le rituel et suivrions néanmoins, fascinés, le déroulement. Comme l’indique le titre, c’est peut-être l’idée de destruction qui s’impose le plus directement à nous, et encore à condition que détruire ne signifie rien de brutal, de violent, d’explosif, mais soit plutôt synonyme de miner, saper, corroder... Il y a, bien entendu, dans l’œuvre de Marguerite Duras, nombre d’éléments qui portent en germe Détruire dit-elle. Mais l’essentiel serait plutôt dans un glissement, un décalage dans les mots ou dans l’image qui étaient parfois sensibles dans Moderato cantabile ou dans Le Ravissement de Lol V. Stein et qui, ici, nous entraînent dans un univers de folie, ou plutôt d’insidieux dérèglement mental : chaque mot, chaque geste pris séparément ont l’apparence de la logique, mais c’est l’enchaînement qui donne l’impression que l’esprit chavire. »
Anne Villelaur (Les Lettres françaises)
04:58 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, littérature, destin | Imprimer
12/05/2011
Je te ressens, au plus profond de moi
Je te ressens, au plus profond de moi,
Comme un vol de libellules
Ou la vague tiède de mers lointaines
Et je vais dans la vie
Comme un miroir sans tain
Regarder passer les idées fixes
Ou les étoiles de mer
---
Merci à toi qui m’a donné
Et la joie et l’amour et la peine
Car en cette terre et sur ce jardin
Rien ne se cueille mollement
Je vais loin et longuement
Me recueillir en extase
Devant les fous et les bergers
Pour ensuite, pris de remord,
Conduire le troupeau au zénith
---
Reviens, me dit-on,
Mais où revenir :
Dans notre folie quotidienne ?
Devant les marches du perron ?
Dans ses pensées obscures ?
Dans les siècles qui viennent
Ou dans ceux écoulés et perdus ?
---
Plus rien ne sera comme avant
Lorsque tu te déchaussais
Au devant de l’armoire
Et que ton cou luisait d’attente
Lorsque tu criais toi
Et que tu pensais moi
Lorsque ta chaleur amoureuse
Revêtait de rosée tes pieds épars
Lorsque toute entière
Tu plongeais dans l’eau trouble
Des soirs et des matins sauvages
Et pendant le jour courrait
Partout et toujours
A la recherche d’un hypothétique plaisir
Que tu trouvais tapi au lit
De notre amour insensé
---
Oui, la vie m’a donné ta vie
J’en ai fait ce que tu voulais
Et, ensemble, nous marchons
En pleine liberté et délire
Vers les cieux dégagés
Et les prairies infinies
Nous tenant par la main
Sans perdre un seul jour
De ce qui fut le chant
D’un pauvre innocent
Et d’une tendre adolescente
Qui parcoururent les rues encombrées
D’une ville immense et délirante
En recherche d’un double
Unique et semblable
Que construit sans le savoir
Notre rencontre d’une nuit
---
Et, comme rien n’a une fin
Même pas les histoires
Qui restent dans les têtes
Et fondent lentement
Dans les pensées du jour
Je te renouvelle ma joie
Mon amour et le bonheur
Que j’ai trouvé en toi
Que j’ai exploré de mes lèvres
Que j’ai touché en doigts
Agiles et que j’ai regardé
Emerveillé, éperdu de conscience
Comme un souffle d’infini
Dans un monde arrêté
Sur ta beauté et ta tendresse
Sur tes lèvres entrouvertes
Et le don de ton amour
---
Je te ressens, au plus profond de moi,
Comme le papillon qui d’un battement d’ailes
Bouleverse le monde ignorant
A des milliers de kilomètres
06:08 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : poésie, poème, littérature, amour | Imprimer
11/05/2011
Andante du concerto n° 21 pour piano et orchestre en do majeur KV467, de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
« L'une des plus belles mélodies de Mozart et peut-être aussi l'une des plus belles de toute la musique. » (Olivier Messiaen)
http://www.youtube.com/watch?v=45drOlTTTA8&playnext=1&list=PLA416483FE1A90658
Magnifique interprétation d'Alfred Brendel.
http://www.youtube.com/watch?v=df-eLzao63I&feature=related
Interprétation un peu ralentie et lourde qui gâche le plaisir.
Le thème du concerto est introduit par les violons, légers, furtifs, caressants, pour exploser ensuite par tous les timbres de l’orchestre en écho, puis il est à nouveau repris par les cordes, en écho. Alors le piano reprend la mélodie, discret et émouvant, telle les notes sereines d’un après-midi de printemps lors que les bourgeons se lèvent aux premiers soleils. Le thème se développe ensuite, serein, simple, avec le seul piano, ou chargé d’émotion dès que l’orchestre accompagne avec la puissance évocatrice de ses violons. La beauté du thème tient à cette harmonie entre la solitude du piano égrainant avec sérénité la mélodie et son développement par l’orchestre, comme en écho, mais y ajoutant toute la prégnance de ses possibilités évocatrices, grâce en particulier aux cordes qui associent la pureté du thème et un nécessaire rythme, léger, parfois douloureux, ou à d’autres moments joyeux avec modération, laissant une impression délicieuse de fraicheur et de mélancolie.
Le jeu d’Alfred Brendel est particulièrement juste, majestueux sans ostentation, fait d’une sérénité joyeuse, mais emprunte de gravité. La musique à l’état pur, sans fausse sentimentalité, ni virtuosité mal placée.
Cet Andante constitue le fond musical du film Elvira Madigan, film suédois du réalisateur Bo Widerberg, sorti en 1967, avec l’actrice Pia Degermark, un très beau film qui doit sa notoriété en partie à cette trame sonore qui accompagne cette histoire d’amour impossible entre Elvira Madigan, funambule dans le cirque de son père et Sixten Sparre, lieutenant de dragons. C’est leur escapade jusqu’aux derniers instants, tragiques, que conte le film, avec des images émouvantes d’un été dans la campagne.
Présentation du film :
http://www.youtube.com/watch?v=qi_J3_co3dQ&NR=1&feature=fvwp
La scène de la funambule :
http://www.youtube.com/watch?v=gxmwG-1j6DY&feature=related
La scène finale :
http://www.youtube.com/watch?v=5QU9wb0Q77E&feature=related
05:24 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, musique classique | Imprimer
10/05/2011
Marc Chagall, le peintre de la vie
Il est né le 7 juillet 1887 à Liozna, près de Vitebsk, en Biélorussie, naturalisé français en 1937 et est mort le 28 mars 1985 à Saint-Paul de Vence.
« Pour faire de la belle peinture, il faut être bon ! », s’exclame Chagall. Bien que sa peinture ne soit pas toujours belle, elle respire cependant un indicible amour du monde et des êtres dans ce qu’ils ont de plus fragiles en eux, c’est-à-dire leur personnalité. Peintre du rêve, à l’inverse des surréalistes qui se sont enfermés dans leur vision, Chagall s’est tourné vers le monde dans un rêve d’amour perpétuel, inséparable de la nature humaine, avec tout ce que l’amour comporte : maternité, naissance, mariage, mort et bien d’autres choses encore. Par sa construction, chaque tableau représente le monde s’enroulant sur lui-même et ses sentiments, un monde fragile, soumis aux événements et à l’inéluctabilité du temps. Le tableau se pare de signes qui évoluent dans l’atmosphère comme les pensées au dessus de la rectitude du monde réel. Il est dommage que Chagall aime tant les couleurs vives qui vont parfois jusqu’à être criardes et peu harmonieuses. Pourtant certains tableaux montrent qu’il peut faire de la véritable peinture, s’attachant autant aux couleurs et à la composition d’ensemble qu’au dessin et aux motifs du sujet.
1910-1912 :
Une influence très nette de Delaunay, Rousseau et du cubisme naissant, mais déjà la dispersion des motifs et les couleurs crues. Un sens très marqué pour la paternité et la naissance : « Le marchand de bestiaux », dont la femme enceinte, comme un jeu de miroir dans l’avenir, fait présager par le ventre de l'âne une future maternité.
1914-1020 :
Les tableaux sont dans l’ensemble plus composés, les motifs moins nombreux, les couleurs plus adoucies.
« La maternité » (1914) : un des plus beaux tableaux dans un ton dominant bleu où éclatent le rose pastel et le jaune.
« Les amoureux de Vence » : Le regard vague de l’amour enfermé dans l’extase intérieure sous le soleil de la vie.
« Le mariage » (1917) : thème de l’amour et de la maternité où la femme pense déjà à l’enfant, sur un fond gris-noir comme la nuit, la fenêtre de la maison est éclairée d’un jaune chaud présageant la chaleur du foyer conjugal.
« La chute de l’ange » : un des plus beaux tableaux dans sa composition et ses couleurs. C’est la chute des croyances, le basculement du monde des idées au dessus de l’horizontalité de la matière et du monde matériel. L’ange est magnifique dans sa chute, rouge comme le feu (rappel des icones russes : rouge, jaune, or, violet, bleu de Prusse). Un homme à gauche tente de sauver les écritures, quelques symboles vacillent : le Christ, la musique, les animaux, le temps.
« L’arbre de vie » : un arbre d’une chaleur intense dans la nuit du tableau.
07:40 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (3) | Imprimer
09/05/2011
Diner campagnard
Arrivé subrepticement dans la maison accueillante
Nous entrâmes dans le salon chuchotant,
Après avoir salué l'hôtesse derrière son sourire.
Nous connaissions un couple, les autres inconnus
Nous furent présentés : enchanté et salamalec.
Ainsi commença la soirée, pépiant maladroitement
Le verre au bord des lèvres, frais et doucereux.
Arrivé d’un dernier couple, le rouge et le noir,
Madame de Rênal et Julien Saurel (plus âgé sans doute)
Avant de tourner autour de la table
Pour s'assoir à la place convenue.
Ballet des verres et des assiettes,
Brouhaha des conversations,
Echange de plats de mains en mains,
Ne pas oublier de s’essuyer la bouche,
Répondre à ma voisine en inclinant la tête,
Et voir l’alchimie prendre progressivement
Jusqu’à ne plus former qu’un groupe
Dont l’unité bien que tardive est cependant réelle.
Telle un chef d’orchestre, tu ordonnes,
Tu pallies aux inattentions des convives
Jouant le maître et la maîtresse de maison
Tour à tour, vin et eau, plat et sauce,
Réponse à la question et question à ton tour,
Dans la tranquillité sereine de l’heure.
Essai d’alcool à la couleur enjôleuse
Avant les mots de la fin, sur le pas de la porte.
06:31 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : campagne, charme et bienséance | Imprimer
08/05/2011
Jardinage
C’est la période du jardinage, période souhaitée et appréhendée en même temps, qui contraint, pour l’entamer, à un effort supplémentaire rien qu’à l’idée d’être fatigué en fin de journée. Et pourtant que nous réserve-t-elle cette journée !
Lorsque la décision est prise, il convient de se détacher de ce que nous voulons faire pour en jouir plus aisément. Premier constat : une après-midi chaude, orageuse, même s’il n’y a pas de tonnerre, ni bien sûr d’éclair. Trois heures de silence ouaté, invisible et pourtant présent, sentant la terre chaude et mouillée et le suc des plantes que l’on arrache ou que l’on met en terre. Engourdissement de l’esprit dans un travail simple, simpliste même, mais relaxant et recentrant sur l’essentiel de la vie, le contact avec soi-même et avec le monde sans contrefaçon. La terre, sèche parfois, comme une poussière de grenier, ou encore arrosée et collante aux mains que l’on essuie sur son pantalon, choisi en raison de sa vétusté. L’eau, indispensable et prolixe, rajeunissement gratuit des plantations, qui s’infiltre avec lenteur parce qu’elle est bu progressivement au long de sa coulée par un sol aride et avide. Pas de musique, non, même si un prélude Bach vous courre dans la tête à certains moments, comme un souvenir perdu qui se rappelle à vous. Rien que cet écrasement du corps devant la lenteur, la chaleur, la pesanteur, l’immobilisme, la lourdeur même, de ce terroir que vous palpez, retournez, triez jusqu’à le caresser et même le câliner.
Alors vous sortez les géraniums un à un de leur pot de plastique imitation terre cuite (les marchands savent bien ce qui attire le client !). Trois jours de plus dans la boutique et ils mourraient de manque de d’eau. Vous creusez dans le terreau l’emplacement de la plante et la placez en l’entourant d’humus comme un jeune marié enlace sa promise un soir de noce. L’eau, à nouveau, qui doit surprendre les racines de leur velouté, pénétrant leurs pores pour remonter vers les tiges et leur redonner la fraicheur tant attendue d’un nouveau décor. Survient subrepticement quelques gouttes de pluie, légères comme les notes d’un piano un après-midi de printemps jouant la valse lente et charmeuse de bals populaires. Cela rafraichit et ravive la pensée qui s’effaçait dans la lourdeur de l’atmosphère. Les idées plus claires vous aident à disposer les pots de manière harmonieuse à l’œil : celui-ci à tourner vers la gauche pour faire ressortir la fleur éclose, mais pas encore épanouie, celui-là à retourner pour cacher la fêlure de la terre cuite, enfin ce grand dadais qui a poussé de manière excessive et dont il faut cacher un feuillage trop important au regard de sa floraison. Vos mains sont noires, les ongles boursoufflés de terre, vous relevez les manches de votre pull over avec l’avant bras opposé, par frottement, et vous vous contentez de renifler pour ne pas sortir votre mouchoir.
Vient le moment où l’échafaudage des actions s’écroule. Vous avez fini votre après-midi jardinage. Le soleil a atteint le toit de la maison d’en face et va plonger le jardin dans une ombre obscure qui lui donne un deuil léger, comme celui d’un rêve éveillé que l’on voit partir sans impatience, mais avec un sentiment de tristesse et de nostalgie. Vous levez le regard sur le ciel mi-couvert et pensez à ces quelques gouttes de pluie reçues qui vous ont rafraichi sans toutefois vous rassasier.
« Il va pleuvoir cette nuit, tant mieux », pensez-vous en guise de mot de la fin.
13:11 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : jardin, plaisir, terre | Imprimer
07/05/2011
L'art et la madeleine de Proust
On retrouve dans chaque œuvre d’art que l’on aime, consciemment ou inconsciemment, le goût de cette madeleine dont parle Proust. Discrètement, elle s’y tient cachée et éveille en nous cette particule d’inconscience qui nous la fait aimer.
J’en parlais l’autre jour avec quelqu’un qui disait n’aimer que les tableaux aux couleurs chaudes. Et, de fait, il s’était attardé, dans ce vaste musée, devant une petite icône représentant l’ascension d’Elie sur un char de feu : un disque rouge symbolisait le feu (très fréquent dans l’iconographie) où se dessinait le char et son attelage, le ciel était jaune pâle, le désert plus foncé. Les personnages, trois phases de la vie d’Elie, sa méditation dans le désert, sa mort et son enlèvement, étaient de toutes les possibilités de brun clair ou foncé. Le dessin était pur et simple, d’une sûreté de main extraordinaire.
Il se mêle forcément une influence psychologique à l’appréciation d’un œuvre d’art. Pour qu’elle émeuve, il faut qu’elle nous rappelle un fait, une sensation infime dont on n’a bien souvent pas conscience.
_ Mais, il a bien fallu, me dit-il, commencer un jour par aimer quelque chose pour elle-même, pour ensuite en garder inconsciemment le plaisir et le goût.
Certainement, mais c’est parce qu’on y a éprouvé un plaisir physique. A l’origine du plaisir de l’esprit vis-à-vis d’une œuvre d’art, il y a une sensation physique de bien-être qui s’est élevé à travers une graduation de sensations de moins en moins subjectives jusqu’à un goût spirituel qui finit par paraître objectif à tout rapport matériel.
Le problème n’est pas tellement, pour l’enfant, d’éveiller ses sens, mais bien plutôt d’élever graduellement ses sensations du corps à l’esprit. Non pas lui expliquer ses sensations, mais lui donner l’occasion de les éprouver, par expérience, jusqu’au moment imprévisible de l’extase. Sans doute ne le dira-t-il pas. La pudeur des enfants ne le permet pas. Mais son œil sera plus brillant et sa joie plus vivante.
Entrée dans une salle de musée. Coup d’œil périphérique. Les œuvres sont mortes et je passe, regardant passivement les tableaux exposés. Dans la salle suivante, au milieu de toiles accrochées, apparaît la lumière, l’œuvre qui d’un simple coup d’œil, déclenche en moi ce souffle incontrôlable qui annonce la magie de la symbiose, comme un grand vide dans la respiration et l’absence de pensées parasites. Bien souvent, je cherche quel est cet entendement immédiat avec le tableau et j’ai du mal à trouver quelles en sont les raisons : un jeu de lumière ou inversement son absence qui la fait évoquer avec plus de force encore,, un trait qui donne au visage ou au paysage un involontaire effet particulier, une couleur qui peut se fondre dans les autres, mais évoque sans controverse la parcelle de tremblement que l’on souhaite éprouver. Bref, tout détail infime que l’on ne peut décrire parce qu’on le saisit plus tard, dans la réflexion intime d’un ruminement de l’œuvre une fois qu’elle a échappé à votre regard. Mais souvent ce sont vers vos propres souvenirs, enfouis au fin fond de la mémoire, que se porte l’entendement, comme cette madeleine qu’évoque Proust à Combray :
« Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse : ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D’où venait-elle ? Que signifiait-elle ? Où l’appréhender ? Je bois une seconde gorgée où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui m’apporte un peu moins que la seconde. Il est temps que je m’arrête, la vertu du breuvage semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n’est pas en lui, mais en moi. Il l’y a éveillée, mais ne la connaît pas, et ne peut que répéter indéfiniment, avec de moins en moins de force, ce même témoignage que je ne sais pas interpréter et que je veux au moins pouvoir lui redemander et retrouver intact, à ma disposition, tout à l’heure, pour un éclaircissement décisif. Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C’est à lui de trouver la vérité ; Mais comment ? Grave incertitude, toutes les fois que l’esprit se sent dépassé par lui-même ; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher ? Pas seulement : créer. Il est en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière.
(…)
Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d’autres plus récents; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés depuis si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s’était désagrégé; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot - s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des autres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. »
08:30 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : souvenir, résurgence, art | Imprimer
06/05/2011
Simon du désert, de luis Buñuel, 1964
Voir le film :
http://video.google.com/videoplay?docid=8742143483092286611#
Simon, comme Saint Siméon, vit sur une colonne depuis six ans, six semaines et six jours. Il prie Dieu jour et nuit et encourage ses concitoyens à vivre une vie chrétienne. Ce jour-là lui est offerte une autre colonne, plus haute, dont la plateforme est protégée par un parapet de cordes.
Il repousse tout ce qui le rattache à la société : sa mère qui s’installe dans une cabane au pied de la colonne, l’ordination que les prêtres souhaitent lui donner. Mais il rend ses mains à un paysan voleur à qui on les avait coupé.
Il est l’objet d’attaque du diable sous la forme d’une femme à la cruche, puis d’une joueuse de cerceau qui lui montre son sein et l’embrasse avec sa langue pointue pour le transpercer de coups d’épingle.
Il ne se nourrit que de salade et d’eau. Mais un des prêtres, Trifon, cache dans la besace de Simon du pain, du fromage et du vin et l’accuse se manger mieux que quiconque. Simon prie alors et Trifon se roule par terre en convulsion jusqu’à ce que sa victime l’exorcise. Alors Simon décide de vivre en équilibre sur un pied pour faire pénitence.
Huit ans, huit mois et huit jours. C’est maintenant un Jésus féminin, avec une fausse barbe et portant un agneau qui vient le tenter. Puis un cercueil, qui se déplace seul sur le sable et qui enferme une jeune femme, parvient au pied de sa colonne et Simon descend et part en avion à New York. On le retrouve dans une boite de nuit, vêtu d’un pull over, la barbe fraiche, fumant pensivement la pipe, regardant des couples qui dansent une « chair radioactive » (titre de la danse). Il cherche à repartir, mais le diable lui dit : « Il n’y a rien d’autre, tu dois rester ici ».
Film singulier, déroutant et difficile à saisir dans sa réalité. Simon est un authentique styliste qui cherche le salut par la pénitence et la prière. Mais il est entier et n’accepte pas la vie quotidienne. Seul le miraculeux le fait vivre. Il refuse tout au nom de la transcendance. Ainsi il refuse de bénir la chèvre du nain qui doit mettre bas. Il fait exclure du monastère Mathias, jeune frère coquet qui ne porte pas la barbe. Et, à la fin du film, qui est bref (45mn), il se retrouve dans la ville où le bien et le mal se confondent. « Il n’y a rien d’autre ». Est-ce à dire que la transcendance n’existe pas ou qu’elle n’est pas accessible, y compris à ceux qui croient en être digne ?
Il semble que, pour Buñuel, l’immanence soit la seule spiritualité, représentée par le nain et sa chèvre, l’ascèse n’étant qu’une fuite devant le monde que l’on refuse.
05:07 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, immanence, transcendance, ascèse | Imprimer
05/05/2011
Petits plaisirs de rien
Qu’ils sont bons ces instants de petits plaisirs de rien, comme de se recoucher, le matin, après être allé se faire un café et revenir son bol à la main, pour plonger à nouveau dans l’océan de blancheur des draps ouverts sur le rêve. On sirote d’une main pendant que l’autre tourne les quelques pages d’une revue sans intérêt, mais que l’on regarde parce qu’il faut faire quelque chose, une chose qui fait semblant de vous occuper alors que l’art de ne rien faire se fait présent. La tête enfouie dans l’oreiller, l’on se creuse une place comme on le fait sur la plage dans un sable chaud, et l’on recouvre le tout d’une couverture qui donne à cette position la douceur du miel au printemps lors de petits déjeuners au soleil du matin. Ne rien dire surtout, se contenter de profiter de cet instant magique qui prend les secondes et les transforme en minutes de plaisir inaudible et sans parfum, et pourtant si délicat et éphémère.
Au bout de quelques temps, certes, l’on se demande quoi faire, que lire, qu’écouter, que caresser. Alors on se tourne vers celle qui partage la vie et lui donne le sel indispensable à la poursuite de ses rêves jusqu’à la fin des temps, et on la regarde en souriant : « Qu’est-ce qu’on est bien ! » Et elle vous tend la main que l’on baise de bonheur à petit prix, mais combien envoûtant.
07:06 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : impression, vie | Imprimer
04/05/2011
Désespoir
Désespéré, nous le sommes tous à un moment ou un autre dans la vie. Le désespoir est dû bien souvent à un évènement que l’on ne maîtrise pas. C’est un sentiment d’impuissance, que celle-ci soit réelle ou qu’elle soit de découragement devant ce qu’il faut accomplir. Il s’accompagne de révolte, de rage, puis d’abattement ou même de résignation. A chacun de nous d’en faire une possibilité de rebond ou de déchéance.
C’est le mystère de la résilience, ce phénomène psychologique conduisant à un renouvellement de soi malgré la dépression qui serait une réaction normale face à l’adversité. Elle est capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit des épreuves.
L'habitude du désespoir est plus terrible que le désespoir lui-même.
Albert Camus
04:28 Publié dans 24. Créations dessins | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : résilience, désespoir, rage, découragement | Imprimer
03/05/2011
A l’ombre d’un grenadier
A l’ombre d’un grenadier, je regarde pleurer la nuit qui s’ouvre au large, verte et sombre comme un gouffre marin.
Les paraphes des cygnes allongeaient leurs cous boiteux vers le bord verdoyant. Il n’y avait rien d’autre que la brume qui flottait, indescriptible et lente, à la lueur de torches tenues par des mains sans visage. Le parfum perdu des pas sans fond s’écoulait doucement dans l’atmosphère des canaux irradiés. Je contemplais cette douce chaleur qui montait des eaux bleutées à l’assaut des murs froids de notre citadelle. Elle dominait le vide de ses mille pieds de haut et se complaisait tristement dans sa béatitude arrogante. De petites fenêtres sans profondeur se glissaient subrepticement entre les pierres noircies pour agrandir leur trou de chaleur et je me réchauffais le visage de cette brume incandescente, clignant des yeux au jour nautique. Mes pieds reposaient sur le vide des murs aigus et digéraient le silence moite. C’était au dessous le trou noir et profond de la terre éperdue d’ivresse sanglante. Les murs s’allongeaient rectilignes sur deux rangs de visages incolores aux yeux indifférents. Ils suivaient mon vol vers le noir obscur des montagnes, insouciants du passé et de l’avenir.
Je ne suis libre qu’à l’instant, derrière s’étend une longue prison de feux et devant la profondeur de l’obscurité. Je crois être libre et je descends sans conscience vers l’avenir. Les paliers de mes arrêts ne sont que des turbulences qui me rendent immobile contre ma volonté.
03:05 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, mystère, rêve marin | Imprimer
02/05/2011
Marcher sur un chemin de terre (promenade campagnarde)
Marcher sur un chemin de terre, quand encore la rosée mouille les chaussures et fait de chaque feuille une larme de fraicheur, et se laisser aller au rythme lent d’une marche sans but autre qu’une promenade, quel délice !
Déjà le soleil engage sa course folle à travers l’espace d’un ciel d’azur et ouvre de larges taches sur la verdoyance. Ebloui, l’on se laisse aller les yeux mi-clos, au long d’un chemin qui est plus qu’un sentier, mais moins qu’une allée. Entourés de frondaisons, rétrécis dans la pâleur lumineuse perçant celles-ci, nous marchons, devisant joyeusement sans y prendre garde.
Arrêt magique… A un détour du chemin, nous découvrons une sorte de halo éblouissant, sortant de l’ombre des feuillaisons, mystère vivant de la nature qui offre au contemplateur des visions de l’incommensurable beauté de la création.
Le mystère s’épaissit lorsque nous tombâmes sur un second trou blanc, à l’égal des trous noirs dont les astrophysiciens nous content les caractéristiques. Un trou noir est un corps qui empêche toute forme de matière ou de rayonnement de s’en échapper en raison d’un champ gravitationnel très intense. N’émettant pas de lumière, il est alors perçu noir. Ils ne sont décrits que par un très petit nombre de paramètres : la masse, la charge électrique et le moment cinétique. Ces trous ouvraient sur un autre monde, celui du rêve dans lequel la masse est sans consistance, la charge électrique déterminante et le moment cinétique spécifique. Ce moment entraîne l’espace et le temps dans son voisinage.
Ainsi la contemplation d’un trou blanc pourrait nous conduire à une sortie de notre univers mental pour nous induire à des comportements illogiques dans notre monde.
Forts de cette déduction, nous prîmes de multiples précautions à son abord : avancée lente à pas menus et écoute discrète, le regard tendu vers les bords du trou blanc avant de pouvoir avancer jusqu’au moment où l’épaisseur du trou s’évanouit pour laisser place à un paysage d’une autre atmosphère, comme sortie d’un chapeau incontrôlable. La vraie campagne contre une feuillaison enjôleuse et geôlière. Ouverture sur un paysage à l’horizon lointain, aux mouvements ondulés dont les recoupements couverts de chênes pleins et sereins d’un vert composé donnent à ce tableau une beauté diffuse, que l’on ne saurait définir.
La promenade continua, suspendue aux nouveaux trous blancs que nous pourrions rencontrer au hasard d’une courbe du chemin. En voici un nouveau, qui est encore plus mystérieux au premier abord, mais qui se révéla assez décevant.
Ainsi notre promenade nous conduisit aux confins d’un univers visible, là où se trouve une zone qui délimite la région d’où lumière et matière ne peuvent s’échapper, et que les astrophysiciens appellent « horizon des évènements ». Au-delà, seule l’imagination permet de naviguer à ses risques et périls. Nous n’en manquions pas et faillîmes ne plus revenir.
Les trous blancs sont des instants merveilleux à saisir chaque fois qu’ils se présentent. Hors du temps et de l’espace, l’esprit erre dans l’extase d’une compréhension innée qui ne vient pas de lui. Cette extase, qui n’est qu’un grand vide qui envahit l’être, laisse la place à la création ou l’exaltation de la beauté du monde et de son imprévisibilité.
Alors, dans cet instant magique, naît un sentiment de gratitude envers ce que Graf Dürckheim appelle le numineux, c’est-à-dire la manifestation d’une transcendance absolument autre qui nous empoigne et nous conduit à une autre vision du monde et de nous-mêmes, libre de toute contingence.
06:26 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : trou noir, méditation, numineux, compréhension du monde | Imprimer
01/05/2011
Genèse1 (fin)
Voici la fin de l'introduction à la Genèse, méditation sur nos origines qui devient inéluctablement méditation sur le sens de notre vie et notre achèvement.
EPILOGUE : re‑création
_____________
"La foi est la porte des mystères. Ce que les yeux du corps sont pour les choses sensibles, la foi l'est pour les yeux cachés de l'âme. De même que nous avons deux yeux corporels, nous avons deux yeux spirituels (...) et chacun a sa propre vision. Par l'un nous voyons les secrets de la gloire de dieu cachés dans les êtres (...). Par l'autre nous contemplons la gloire de la sainte nature de Dieu, lorsqu'il veut bien nous faire entrer dans les mystères."
Isaac le Syrien
Par la dé-création, l'homme spirituel entre en communion avec Dieu. Cette première phase de la contemplation conduit alors, par grâce, à la contemplation de la nature et de la connaissance des êtres, c'est-à-dire aux "secrets de la gloire de Dieu cachés dans les êtres."
Dieu dévoilé dans l'âme dévoile le monde. Derrière l'image visible transparaît alors le sens invisible. L'homme ayant changé sa vision dans la lumière divine voit Dieu en toute chose.
Le royaume de Dieu n'est plus alors une réalité lointaine qui nous concernera après la mort. Il est là, présent dans le monde, envers de l'endroit. L'ayant découvert en lui, le saint le voit autour de lui.
L'homme entame alors une dernière étape, sorte de récréation de lui-même et de sa vision du monde. Il redécouvre le mystère de la nativité, du Dieu qui descend dans la matière, dans son être propre, pour le recréer à son image et à sa ressemblance.
"Prendre conscience de notre être véritable, c'est réaliser le sens de notre vie en relation avec le cosmos tout entier, c'est nous identifier à la divinité qui pénètre toute vie, qui est derrière chaque pensée que nous avons, chaque forme que nous voyons, chaque fleur que nous rencontrons."
Ma Anandamayi
"La nativité apparaît ainsi comme une récréation secrète. L'origine assumée, restaurée, tout désormais tend vers l'ultime, déjà présent au cœur de l'histoire, comme un germe de feu. Le Christ révèle pleinement à l'homme, l'homme trouve pleinement en Christ, cette image de Dieu qui le fonde, l'aimant, et qu'il lui appartient maintenant de transformer en ressemblance."
Olivier Clément
* *
Enfin, n'oublions pas qu'être à l'image et à la ressemblance, c'est avant tout voir en l'autre l'image et la ressemblance de Dieu :
"On atteint la perfection de la connaissance lorsqu'on voit Dieu en chaque homme."
Ramakrisna
Cette méditation est à lire non pas de manière fragmentée, mais en entrant peu à peu dans le texte jusqu'à ce qu'il transforme. Aussi, pour disposer du texte complet, cliquez ci-dessous :
08:00 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bible, religion, méditation | Imprimer
30/04/2011
La terre chaude, accueillante
La terre chaude, accueillante et maternelle
Refuge de nos regards étonnés d’indécision
Accomplissant lentement son cycle quotidien
Et nous-mêmes, sensibles imperceptiblement
Inscrivant nos caresses au livre de notre histoire
Jusqu’au temps où sur chacune de ses pages
Devenues à la fois semblables et différentes
Se lise la volonté d’aimer
L’air aussi, incandescent, sans pudeur
Élément de rencontre de nos diversités
Plus étroitement proche de nos visages
Sous le feu du soleil diffusant notre amour
A tout ce qui existe et respire
Nous unissant dans la distance de notre séparation
Jusqu’à recueillir sur nos lèvres
Le même désir de durer
07:00 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : poésie, poème, littérature | Imprimer
29/04/2011
Passepied, de Claude Debussy
Ecoutez :
http://www.youtube.com/watch?v=Ek0Gd6zfP38&feature=related
Une très bonne interprétation de Liubov Gromoglasova, enjouée, mais pleine de sensibilité et de tendresse.
http://www.youtube.com/watch?v=qieqnpF2yR0
Jouée par Marcin Parys, cette interprétation est vraiment différente de la précédente. Elle est belle, mais plus sévère, plus policée. Elle commence comme un air de Bach, ce n’est que peu à peu que l’artiste se lance réellement. On retrouve aussi parfois des relents de valse de Chopin.
Le passepied (ou passe-pied) est une danse traditionnelle bretonne. Danse à trois temps, elle est ardente et réjouie, assez voisine du menuet, mais plus rustique.
Cette création de Debussy est bien plus qu’une danse, une sorte de symphonie pour piano seul, dans l’interprétation de Liubov Gromoglasova. Tantôt endiablée, tantôt symphonique, parfois tendre, toujours en retour sur l’élément mélodique principal, égrainé par la main droite, accompagné par le rythme de la main gauche, énergique et apparemment décalé. Elle est parfois déroutante, car elle passe par des instants très mélodieux, alors qu’à d’autres moments, elle semble créer de véritables coupures pour revenir sur le thème principal de manière inattendue.
Pleine d’improvisations subtiles, cette danse dépasse le mouvement des corps pour s’emparer de l’esprit et le conduire, avec tendresse, vers un moment de liberté.
05:24 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, danse | Imprimer
28/04/2011
Veille de Pâques, jour de baptême
Départ en train, tôt, très tôt, trop tôt, le matin, encore la nuit, les trottoirs sales, les yeux mi-clos, la jambe peu hardie, la valise roulant toute seule sur les bosses de l’avenir. Et pendant ce temps, en province, dorment à mains fermées (non, poings) les heureux parents d’un petit homme que l’on va baptiser.
Arrivée sous la pluie, tiède, chatouilleuse, ne mouillant pas, une pluie d’opérette un soir de théâtre déjanté. Le sol est lisse, collant, on soulève ses pieds pour s’assurer qu’ils suivent, puis l’on va le nez au vent, heureux de sentir l’air non pollué des montagnes. Montée en voiture jusqu’au refuge, sur les hauteurs, hors des marécages encombrés de la basse ville, vers un ciel devenu bleu, clair il est vrai, mais non rancunier.
Entrée dans la caverne-appartement, petite, mais équilibrée, à mi-chemin entre le ciel et la terre, rugissante d’espérance, plate de notre absence. Elle s’anime soudain, bousculée de présence, et la danse des chaises commence, autour de la table basse et de la table haute, un simple retournement de situation et tout s’adapte.
Dans la chambre dort l’heureux élu, le récipiendaire, le roi. Il est rouge, les reflets bleus, la bouche en cœur et les yeux clos. Il s’abandonne, inconscient de l’attention qu’il procure aux parents et amis, soupirant au chaud, se laissant aller de tous ses membres.
Demain, le grand jour : revêtu de pourpre blanche, tu recevras l’eau du baptême.
05:13 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
27/04/2011
Exposition van Dongen, Musée d’art moderne de la ville de Paris
Lumière et couleurs
Deux caractéristiques distinguent les tableaux de van Dongen : leur lumière et leurs couleurs. Les visages, quant à eux, ne cherchent pas la ressemblance, mais simplement l’expression.
La lumière par le blanc, franc, tenant de grands espaces, irradiant le tableau, parfois jaune pâle, ocre clair ou chair, mais toujours lumineuse.
Les couleurs : d’abord le rouge, en petites touches, très peu, mais expressif, rehaussant la lumière du tableau. C’est parfois une ombre en arrière du corps, ou encore le dessin lui-même, dont les traits sont de couleur rouge plutôt que le noir utilisé habituellement. Puis le bleu : bleu-noir, bleu-gris, bleu-vert. Souvent en fond, il fait ressortir la luminosité du blanc et les contours rougeoyants des corps.
Les visages sont esquissés non par le dessin des formes, mais par la couleur. Ils sont bruts, avec, parfois, quelques ombres bleutées. Ils sont beaux, d’une beauté pleine, colorée. Pourtant ils restent intemporels, sans expression d’un quelconque sentiment, comme figé, alors que l’attitude du corps exprime le personnage, hautain, naturel, familier, dansant, charmeur ou encore sexy.
Le Sacré Cœur, 1904
Je n’ai malheureusement pas trouvé de reproduction du tableau sur le web. Il est magnifique et peu dans le style adopté par la suite. C’est un tableau à la Turner ou à la Monet. Un ciel ocre, presque jaune, très pâle, qui tient la plus grande partie du tableau et, en bas, les toits de Paris, ou plutôt leur suggestion par des aplats représentant les surfaces reflétant le ciel. Le Sacré Cœur est le seul élément vraiment figuratif. Il se fond dans le ciel jaune pâle et ne ressort que par les gris et les ombres qui en tracent la forme. En haut, une bande bleu fondue avec le jaune, qui suggère une éclaircie dans le brouillard diffus du matin.
Lieuses ou les glaneuses de Chailly en Bière, 1905
Un feu d’artifice de jaune, peint par grosses touches laissant la substance de la peinture pour simuler la matérialité du sol, alors que le ciel , poursuivant dans les mêmes tons, est moins chargé de matière, procédant plus en aplat. Deux tâches, l’une plutôt rouge et l’autre plutôt bleue, représentent les glaneuses, l’une debout, l’autre courbée vers le sol. Il tombe du ciel une neige d’or sur un fond de bleu, dans laquelle se meuvent les deux femmes, intemporelles, engluées dans le silence et la matière. Elles sont là, travailleuses dans la chaleur de l’été, les pieds dans le chaume, face à l’infini de l’espace et du temps.
Marchandes d’herbes et d’amour et Saïda, 1913
Les corps rouges feu, éclatants, fascinants, rendant les personnages lumineux et magiques. Pourtant le rouge est peint en aplat sans mélange, sans ombre, sans relief. Elles sont belles ces femmes. Elles couvrent le tableau l’une sur fond blanc, l’autre sur fond bleu nuit. Leurs yeux, immenses, comme maquillés, vous jette un regard hypnotique et ensorceleur, mais plein d’innocence. Ce sont les seuls tableaux de l’exposition où la luminosité vient du rouge et non du blanc des robes qui reste plus terne, volontairement.
La peinture de Van Dongen est libre, décomplexé, sans recherche de détails ou de finition. Son art est brut, pratiqué par touches que certains pourraient qualifier de grossières, aux coloris éclatants, mais souvent arbitraires. Il est résolument moderne, mais sans aucun intellectualisme. Il peint par instinct, très sûr de lui, riant et goûtant la vie à pleines dents.
« Vivre est le plus beau tableau ; le reste n’est que peinture », disait van Dongen en 1927.
05:44 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture | Imprimer
26/04/2011
Perturbation
Au commencement, épars et immobiles, les grains de matière, auparavant comprimés avec l’énergie, errent sans raison, propulsés par le Big Bang qui met en mouvement le cadre espace-temps.
Environ 300.000 ans après cet évènement initial, sur une simple perturbation, telle que le "battement d'aile du papillon", ils se mettent en mouvement, lentement, puis plus vite, jusqu’au tourbillon des galaxies, se rassemblant, s’étirant, en impulsions multiples, entraînés dans la danse de l’univers jusqu’à la fin des temps.
Des travaux récents laissent penser que les premières galaxies se seraient formées plus tôt que prévu. En effet, une galaxie lointaine, contenant des étoiles âgées de 750 millions d'années, se serait constituée 200 millions d'années environ après le Big Bang.
Cette linogravure, faite en 1973, tente de donner une image de la naissance d'une galaxie. Elle ouvre à l'inconnaissance de notre univers et, plus encore, de la place de l'homme dans celui-ci.
05:09 Publié dans 25. Création gravures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : galaxie, big bang, matière | Imprimer
25/04/2011
Pourquoi te dire tout ce que je ressens
Pourquoi te dire tout ce que je ressens
Confusion des sentiments et des désirs
Pourquoi divulguer le plus profond de moi-même
Alors que seul compte notre entente ?
Je ne sais, je ne sais plus
Ce qui compte pour toi, ce qui est vécu pour moi
Je suis celui qui n’est pas
Je ne suis pas celui qui te suit
Je suis le double d’une ombre
Comme un désert sans façade
Comme un fantôme exacerbé
Et rien ne me rend grâce
Des citadelles de rêve
Des châteaux en Espagne
Des cataractes de la vie
Oui, rien…de rien
Pourquoi te dire tout cela
Toi qui un jour m’a tout donné
Toi qui es l’ombre de moi-même
Toi qui restes la vie, la joie et le quotidien
Je t’entends encore me dire
Je serai toi, tu seras moi
Ensemble nous construirons
La vie à deux pour n’en faire qu’une
De nos doigts enlacés
Nous construirons notre maison
Perchée sur la colline
Au sommet inaccessible
Et de nos corps nous ferons un rempart
A la malédiction des évènements
Et à l’écoulement du temps
Rien ne nous fera sortir de notre rêve
Ni la distance, ni la durée
Ni même l’absence de l’un de nous
Nous serons un
Par le pouvoir d’être deux
Nous serons deux
Parce que nous sommes un
08:00 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, littérature | Imprimer
24/04/2011
Genèse : 3ème partie
"La connaissance ultime nous saisit par pure grâce. L'homme s'y prépare par une dépossession ontologique, il n'est plus qu'attente. Pour reprendre l'expression certes approximative de Simone Weil, il lui faut se "décréer" jusqu'à descendre au-dessous de la plante et de la pierre, jusqu'à ces eaux lumineuses et profondes sur lesquelles souffle l'Esprit. Eaux du baptême, eaux originelles, eaux des larmes. Alors vient l'Esprit, comme il est venu sur Marie, et l'homme est recréé dans une paix et un silence indicibles."
Olivier Clément
Septième jour
« Dieu chôma le septième jour. Il bénit et sanctifia le septième jour »
L'absence de bonheur en l'homme tient souvent au fait qu'il court en permanence après quelque chose. A peine a-t-il achevé un travail que déjà il en entame un autre. Il n'y trouve plus de satisfaction. Il oublie de contempler son œuvre et de lui donner un sens.
Pour goûter pleinement la vie, l'homme agissant doit aussi s'arrêter, rentrer en lui-même et réfléchir sur son action. Mieux, il doit la bénir. L'action est la vie : bonne, elle fait progresser ; mauvaise, elle fait également progresser si on en tire les conséquences. Mieux encore, il doit la sanctifier, c'est-à-dire la rendre sainte pour lui-même être sanctifié.
D'où l'importance de ce regard jeté sur soi-même après l'action. La clé du bonheur est là, en nous, dans cet arrêt et ce retour sur soi-même pour contempler, bénir et sanctifier la vie, notre vie.
C'est pourquoi Pythagore dit :
"Connais toi toi-même et tu connaîtras le monde et les dieux."
Et Saint Augustin, s'adressant à Dieu, s'écrie de même :
"Si je me connaissais, je te connaîtrais."
Sixième jour
« Dieu fit l'homme à son image et à sa ressemblance.»
Avons-nous bien pris conscience que signifient les mots :
. Je suis à l'image de Dieu,
. Chaque homme que je vois, quel qu'il soit, est à l'image de Dieu.
Si la première affirmation peut parfois nous sembler acceptable, la seconde n'est jamais évidente. En fait, la seconde s'éclaire lorsque nous avons vécu la première. Et vivre la première consiste à trouver Dieu en soi.
Je suis à l'image de Dieu signifie qu'en moi existe une part de divin, que je ne suis pas seulement un être de chair supérieur à l'animal par son intelligence, mais aussi qu'en moi s'ouvre les frontières de l'invisible.
"L'homme est un animal qui a reçu vocation de devenir Dieu."
Basile de Césarée
"Le grand architecte de l'univers conçut et réalisa un être doué des deux natures, la visible et l’invisible : Dieu créa l'homme, tirant son corps de la matière préexistante qu'il anima de son propre Esprit...Ainsi naquit en quelque sorte un univers nouveau, petit et grand à la fois."
Grégoire de Naziance
Cependant l'homme, image de Dieu, doit parvenir à la ressemblance. Seul le saint exprime Dieu en lui de manière visible. Les autres hommes, entraînés par leur matérialité, voilent la ressemblance. Ils cherchent Dieu à l'extérieur d'eux-mêmes et oublient de porter leur attention en eux. C'est pourtant en moi qu'est la frontière entre le visible et l'invisible.
C'est pourquoi les Pères de l'église disent de l'homme tantôt qu'il est "microcosme" (Grégoire de Nysse), c'est-à-dire un univers à lui tout seul ; tantôt "macrocosme" (Maxime le Confesseur), car il dépasse le cosmos de toute sa grandeur d'image de Dieu.
" Comprends que tu es un autre univers, un univers en petit, qu'il y a en toi soleil, lune, étoiles aussi. S'il n'en était pas ainsi, le Seigneur n'aurait pas dit à ses disciples : "Vous êtes la lumière du monde". Hésites-tu encore à croire qu'il y a en toi soleil et lune, quand on te dit que tu es la lumière du monde ?»
Origène
Ceci nous annonce les luminaires du quatrième jour et proclame que chaque être humain est appelé à plonger en lui, à dévoiler l'univers en lui, pour se recréer et se découvrir être divin.
« ...Soumettez la terre, dominez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, le bétail et les bêtes sur la terre. »
Dieu fait de l'homme le sommet du monde vivant. Comme l'animal, l’homme est créé et participe ainsi à la nature animale. Mais seul il est fait à l'image de Dieu. Il n’est pas appelé au statut de l'animal le plus évolué, mais à celui d’un être vivant différent, divinisable, qui ne peut s'accomplir que dans la réalisation de la part de divin qui est en lui. Désormais l'évolution du vivant, sa montée vers le divin ne se fera plus à travers les formes, à travers la diversité des espèces, mais à travers la manière dont l'homme va accomplir cette domination. C’est sa responsabilité devant le sacré : dans le respect de la création la conduire à sa réalisation.
Ceci nous conduit à une autre compréhension de ce que Dieu attend de l'homme. La domination de l'homme sur le monde animal n'est pas seulement extérieure. Elle doit également être intérieure. L'homme doit dominer en lui la part animale. Il ne se révèle image de Dieu que lorsque cette domination est effectuée. Il est dit dans le texte que l'homme doit dominer :
. les poissons de la mer, c'est-à-dire l’inconscient ;
. les oiseaux du ciel, c'est-à-dire l'imagination, la rêverie, l'idéologie;
. le bétail, c'est‑à‑dire l'inertie, la paresse, l’indolence ;
. enfin les reptiles, forme la plus subtile de sa part animale, c'est-à-dire l'utilisation de son intelligence et de sa supériorité pour dominer par la ruse ou la force. Il s'agit du désir de devenir égal aux dieux par la connaissance, comme le dit le serpent de la deuxième genèse.
« Je vous donne toutes les herbes portant semence et tous les arbres qui ont des fruits portant semence : ce sera votre nourriture. »
Notons que Dieu ne donne pas à l'homme et aux animaux la même nourriture. A tout ce qui a souffle de vie, il donne pour nourriture l'herbe verte. A l'homme, il donne deux sortes de nourriture : toute herbe qui porte sa semence sur toute la surface de la terre (les graminées), et tout arbre dont le fruit porte la semence.
Ici, la semence, nourriture spirituelle, c'est la parole de Dieu, c'est la manifestation de Dieu, extérieure à nous pour l'herbe et intérieure pour l'arbre. Dieu en effet se manifeste à l'homme de deux manières : dans le monde à travers les expériences qu'il fait et les événements qui lui arrivent, en lui lorsqu'il y porte attention. Nous pouvons même aller plus loin. Cette nourriture dont parle l'ancien testament, n'est-elle pas la préfiguration du nouveau testament et de l'eucharistie ? La semence, c'est le Christ, verbe de Dieu, qui est la vie.
"L'homme ne se nourrit pas seulement de pain, mais aussi de la parole de Dieu", disait Jésus. Et la parole de Dieu, c'était lui.
" Voilà pourquoi, dans l'économie de la grâce, il se donne comme une semence à tous les croyants ; dans cette chair composée de pain et de vin, il se mêle à leur corps pour permettre à l'homme, grâce à l'union avec le corps immortel, de participer à la condition qui ne connaît plus la corruption."
Grégoire de Nysse
Quatrième et troisième jours
Dans le ciel apparut le troisième jour, Dieu fait surgir les luminaires pour séparer le jour et la nuit. De même en nous, au‑delà des sens qui donnent une perception immédiate de ce qui nous entoure, existent l'intelligence et les sentiments pour nous guider dans notre conduite. Nous entrons déjà dans la compréhension intérieure de l'homme : le ciel, c'est l'âme humaine, les deux luminaires sont l'intellect et le cœur. Ce sont eux qui engendrent en nous la connaissance et l'amour. Mais ce n'est possible que par la purification de l'intellect et du cœur ; mieux, ce n'est possible que lorsque l'intellect et le cœur sont fondus dans une même attention à la source de l'être. C'est ce que la tradition hésychaste des orthodoxes appelle "la garde du cœur". Il s'agit pour l'homme qui se tourne vers son créateur, vers l'origine de lui-même, de rassembler son intelligence dispersée, jusqu'à la concentrer dans le cœur, organe principale de l'être humain physique et psychique, centre de la vie, lieu de l'âme, porte de l'esprit.
Ainsi pouvons-nous distinguer trois étapes dans la prière :
. la prière vocale, prière de l'homme extérieur ;
. la prière de l'intellect où l'homme discipline ses passions et son imagination ;
. la prière du cœur où l'intellect est unifié, ramené de la multiplicité à la simplicité et au vide, de la diversité à la sobriété. Cette prière de l'intellect dans le cœur fait naître la chaleur du cœur, signe que la prière est pure, spirituelle.
Deuxième jour
L'homme pénètre alors dans les eaux du dessus, au-delà de l'âme frontière entre le visible et l'invisible, dans le lieu de l'esprit où brille la lumière originelle. S'oubliant lui-même, l'être humain franchit le pas de la véritable conversion, opère un retournement, une métanoïa. C'est ce qu'exprime Saint Augustin en décrivant son cheminement.
"Nous élevant par un désir de plus en plus brûlant, nous avons parcouru l'échelle de tous les êtres corporels jusqu'au ciel physique, d'où le soleil, la lune et les étoiles envoient leur lumière sur la terre. Puis nous sommes montés plus haut encore en pensant intérieurement à toi. Nous sommes ainsi parvenus à nos âmes et nous les avons dépassés pour atteindre cette région d'inépuisable abondance (...) où la vie est la sagesse même par qui a été fait tout ce qui est (...). Et tandis que nous parlions et que nous désirions intensément atteindre cette souveraine Sagesse, nous l'avons touchée un peu de tout un battement de notre cœur."
Augustin d'Hyppone
Premier jour
" Lorsque l'âme est libérée du temps et de l'espace, le Père envoie son Fils dans l'âme."
Maître Eckhart
Parvenu à ce que Saint Jean de la Croix appelle la nuit des sens, c'est-à-dire au-delà de toute image, l'homme reçoit la lumière. Le voile étant levé, Dieu se manifeste en lui. C'est en cela que le Christ est lumière du monde : médiateur entre Dieu et l'homme, il ouvre les portes de l'invisible.
"Afin de recevoir la lumière du Christ, il faut autant que possible se détacher de tous les objets visibles (...). Quand par de tels exercices l'esprit s'est enraciné dans le cœur, alors la lumière du Christ vient briller à l'intérieur, illuminant l'âme de sa divine clarté (...). Quand l'homme contemple au‑dedans de lui cette lumière éternelle, il oublie tout ce qui est charnel, s'oublie lui-même et voudrait ses cacher au plus profond de la terre afin de ne pas être privé de ce bien unique, Dieu."
Séraphin de Sarov
Ce jour et cette nuit qui apparaissent le premier jour, ne marquent pas la fin de la temporalité. Il s'agit du jour et de la nuit de l'esprit, de ce qui se passe au fin fond de l'homme dans sa recherche de Dieu. Il est soumis aux affres de la lumière et des ténèbres. C'est la nuit obscure de la foi dont parle Saint Jean de la Croix. Là encore, malgré le degré de détachement atteint, le spirituel peut tomber : la lumière ou les ténèbres, Dieu ou le néant.
Ainsi les sept jours de la genèse sont des étapes à franchir. Chaque étape implique une nouvelle compréhension de soi-même et de nos rapports avec Dieu et le monde. Le passage d'une étape à une autre est une épreuve, une nuit.
Avant le premier jour
La rencontre avec la lumière n'est pas un aboutissement, c'est un commencement. Auparavant l'homme errait dans le désert du monde pour trouver le chemin de ce qui est plus que lui-même. Il est maintenant sur le chemin, mais il doit le parcourir. Il entre alors dans la nuit obscure de l'esprit, au-delà de l'entendement, guidé uniquement par la lumière.
"Aucune des connaissances humaines ne peut conduire à l'entendement immédiat de Dieu. Aussi, pour arriver à Dieu, avancer sans comprendre vaut mieux qu'avancer en cherchant à comprendre, et il est meilleur de s'aveugler et de se placer dans les ténèbres que d'ouvrir les yeux dans la pensée qu'on se rapprochera du rayon divin.
« C'est encore pour cette raison que la contemplation dans laquelle l'entendement reçoit l'illustration divine, est appelée théologie mystique, c'est-à-dire connaissance secrète de Dieu, car elle reste cachée même à l'entendement qui la reçoit."
Saint Jean de la Croix
"Abandonne les sensations, renonce aux opérations intellectuelles, rejette tout ce qui appartient au sensible et à l'intelligible, dépouille-toi totalement du non-être et de l'être et élève-toi ainsi jusqu'à t'unir dans l'ignorance avec Celui qui est au-delà de toute essence et de tout savoir. Car c'est en sortant de tout et de toi-même (...) que tu t'élèveras dans une pure extase jusqu'au rayon ténébreux de la divine Suressence, après avoir tout abandonné et t'être dépouillé de tout."
Denys l'Aréopagite
(théologiemystique)
Alors l'homme parvient au terme de la décréation. Il découvre l'être de son être. Il n'est plus. En lui, est celui qui est. La dualité s'efface, l'homme se découvre divin.
"Qui est Dieu ? Je ne puis penser à une réponse meilleure que celui qui est. Rien n'est plus approprié à l'éternité qu'est Dieu."
Saint Bernard
" Mon Moi est Dieu, et je ne reconnais d'autre Moi que mon Dieu lui-même."
Catherine de Gênes
"Je suis allé de Dieu en Dieu, jusqu'à ce qu'ils eussent crié, de moi, en moi : O toi moi."
Bayazid de Bistun
"L'individu est un pouvoir d'être de l'éternel, un pouvoir conscient et éternellement capable de relations avec Lui, mais Un aussi avec Lui au centre de la réalité de son existence éternelle. Cette vérité, l'intelligence peut la saisir (...) mais c'est seulement en l'esprit que cette vérité peut être entièrement réalisée, vécue et devenir un fait. Quand nous vivons en esprit, non seulement nous connaissons, mais nous sommes cette vérité de notre être."
Sri Aurobindo
07:39 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : décréation, recréation | Imprimer
23/04/2011
Rien n'est fixe, tout est mobile
Rien n’est fixe, tout est mobile. Le monde est en perpétuelle évolution. Alors pourquoi l’homme n’aspire-t-il qu’à la stabilité ? Les mondes minéral, végétal et animal se satisfont de ce mouvement perpétuel, car ils ne font qu’un avec elle. L’homme seul souffre de l’instabilité.
Il n’y a qu’en l’homme qu’existe le goût de l’éternité. C’est la part du divin, la petite lueur de l’esprit qu’il possède au fond de lui qui le fait aspirer à la paix éternelle. Sur terre, dans son corps, l’homme ne peut trouver la paix complète. La grâce par moments peut lui donner un aperçu de ce qu’elle est, mais seuls de rares êtres peuvent l’acquérir définitivement après une longue lutte. L’acceptation du mouvement, du changement permanent, est indispensable. C’est la condition nécessaire pour réaliser sa vie.
Chaque jour l’homme part en recherche et cette recherche lui fait progressivement percevoir en lui un pont au-delà du mouvement. C’est la porte étroite, la lumière qui existe en lui. C’est par ce point qu’il existe et que la vie lui est donnée. Il lui appartient alors, étant allé au fond de lui-même, de faire de ce point le centre de son être.
L’ensemble du cosmos est une projection de la pensée du créateur. Ce globe même est un rêve objectivé de Dieu, qui a puisé toutes choses dans son Esprit, de même que l’homme, au cours du sommeil, reproduit et anime sa propre création avec ses propres créatures.
Lahiri Mahâsaya
07:48 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : instabilité, mobillité, changement | Imprimer
22/04/2011
Transition
Revenir aux fondamentaux, le cercle et le carré, et quelques intermédiaires, et les laisser s'enchevêtrer en glissements impliquant la profondeur du temps.
07:29 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dessinpeinture, art cinétique, op'art | Imprimer
21/04/2011
Plage des Vosges
Place des Vosges ou plutôt plage des Vosges, où nombreux sont les promeneurs qui s’installent couchés, retirant leurs espadrilles, ôtant le haut, pour les hommes du moins, certains abaissant même leur pantalon jusqu’à moitié du caleçon. Quelques femmes, jeunes de préférence, se dressent en soutien-gorge noir, comme s’il s’agissait d’un maillot. Farniente…
Les uns, en rond, parlent en gesticulant. Les autres, solitaires, laissent reposer leur tête sur un sac à main débordant de rouge à lèvres et autres crèmes. D’autres encore, assis ou plutôt soutenus par les bras tendus reposant sur le sol légèrement en arrière du buste, contemplent la foule, l’air tantôt intéressé, tantôt perdu dans leurs pensées.
Des mères de famille, poussant leur Maclaren d’une main, soutenant de l’autre un enfant qui vacille sur ses jambes torses, font deux ou trois tours de la pelouse avant de reprendre le chemin du macadam.
Certains, précautionneux, boivent à même une petite bouteille d’eau, la rebouchant ensuite, pour, très vite, à nouveau, la déboucher, boire une gorgée d’eau, puis la reboucher.
Un homme, torse nu, assis jambes écartés, téléphone d’un air conquérant, le coude sur le genou, l’autre bras tombant le long du corps comme une branche morte. Avance majestueux un homme grand, la tête haute, tenant sa veste sur son bras replié. Il passe au milieu des gisants comme un étranger, dédaigneux et solitaire.
Deux adolescentes, le jean déchiré, fument alternativement une seule et unique cigarette, se souriant, les yeux dans le vague, jusqu’à l’instant où l’une d’entre elles se brûle les doigts. Alors elles s’allongent, les seins hauts, comme des odalisques.
Plus loin, noyé dans la foule, un pseudo-sportif canari, vêtu d’un short et d’un maillot plus jaune que le citron, pose en bombant le torse, agitant des bras frêles avec beaucoup d’énergie. Ses cuisses blanchâtres méritent le soleil de l’après-midi. Seul son crâne est véritablement protégé par une casquette, jaune évidemment, comme une glace au citron débordant de son cornet.
Trois jeunes filles jouent aux cartes, discutant entre elles de leur jeu, poussant quelques jurons, les pieds nus, le verbe haut. Puis, lassées, deux d’entre elles s’étendent tête bêche, la dernière poursuivant une partie de carte en rêvant.
Et l’eau coule aux quatre fontaines, apportant un chant d’air frais, le flot ruisselant de la vasque principale par des gargouilles à tête de lion, pour en bas devenir perles étincelantes dans le bassin. Un pigeon, perché sur la margelle, boit, inclinant l’ensemble de son corps presque à la verticale vers le bas. Pas facile pourtant de boire ainsi.
Plus loin, la stature des hôtels de la place dresse en rouge et blanc, derrière les arbres taillés au carré, un décor immuable depuis plusieurs siècles, sans cependant paraître désuet. Les vieux glissent le long de leurs murs cachés sur les arcades, à la recherche de l’ombre. Seuls les conversations, les rires, la cataracte du flot des fontaines troublent un silence brouillardeux, fait d’un tremblement de l’air et du mouvement des voitures circulant autour de la place.
Seul horizon, les toits à forte pente, hauts comme des chapeaux, alignés comme à la parade, neuf par côté, contenant deux étages, le dernier habité ou non selon les maisons. Au-delà des cheminées, dominantes et variées, le ciel bleu, pur, troublant d’uniformité, avec un petit nuage passant d’est en ouest dans une pâleur diffuse.
06:44 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : visite historique, farniente | Imprimer
20/04/2011
Existence
Il n’y a pas de joie dans la platitude, dans l’horizontalité de la vie. Ne cherche pas à aplanir le sol devant toi, car on n’aplanit que dans le renoncement. C’est devant l’obstacle que tu créeras ta joie. Si tu peux le surmonter, et beaucoup sont surmontables, escalade-le à la force de tes muscles, de ton intelligence et de ta volonté. S’il est insurmontable, apprends à le contourner dans la plénitude. C’est en passant d’un sommet à un autre que se trouve la joie et non en suivant les courbes de niveau de l’existence.
Il y a des larmes de joie. Celles-là, ne les sèche pas, mais fais-en un ruisseau où tu te baigneras chaque jour. Et tu attendras que le soleil te sèche.
06:10 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : joie, vie, difficulté | Imprimer
19/04/2011
Dans le désert vert de la terre
Dans le désert vert de la terre
Se dresse une silhouette macabre,
Croix aux os décharnés,
D’une ligne à haute tension.
Ses bras étendus
Laissent sur le sol
L’ombre de ses doigts
Qui tiennent, ô fragile poids,
Les rênes de la civilisation.
08:07 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, littérature | Imprimer
18/04/2011
Noire et blanche
Noire et blanche, peut-être verte,
Une main caresse le ciel
Et les étoiles et Mars et Pluton,
Soleil aux cinq rayons
Qui réchauffe la neige de longs bras
Courbés sur l’espérance de la vie.
Elle perd parfois ses doigts un à un
Au fil des paroles
Qu’elle lance solitaire aux nuages
Qui s’enfuient à ses provocations.
Seuls, quatre petits monts
Témoignent du bon plaisir de la nature
Et se penchent vers le lac de leurs reflets.
Une main, toute une vie
Racontée sur une ombre.
06:20 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, littérature | Imprimer
17/04/2011
Les cahiers d’André Walter, d’André Gide
André Walter, dont les cahiers ne sont pas seulement le journal de ses pensées, mais aussi de sa sensibilité, de ses souffrances et de ses joies, est ce personnage mythique que tout écrivain invente à ses débuts, imprégné de ses pensées et de sa sensibilité. Il est à la fois l’endroit et l’envers d’André Gide, adolescent ne sachant encore de quel côté pencher (il hésitera d’ailleurs longtemps), vers une complaisance envers lui-même ou un durcissement de lui-même.
Imparfait certainement dans le style et la pensée, le livre n’en décèle pas moins une surprenante sensibilité, certainement trop grande, car elle devient une obsession, pour un auteur qui n’a pas vingt ans. Ce n’est pas encore le style volontaire et dépouillé des nourritures terrestres, qui, bien qu’empreintes d’une même sensibilité, vibre plus dans sa simplicité.
04:00 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature | Imprimer
16/04/2011
L'aleph
Aleph : Lieu où se trouvent, sans se confondre, tous les lieux de l’univers, vus de tous les angles.
La nouvelle de Jorge Luis Borges, auteur argentin, intitulée l’Aleph, décrit une histoire banale entre l’auteur et un écrivain présomptueux et vain dont le seul travail n’est pas dans la poésie, mais dans l’invention de motifs pour rendre la poésie admirable. Celui-ci prétend détenir sa brillance d’une maison lui appartenant qui doit être démolie. Dans la cave de celle-ci se trouve un Aleph qui lui donne l’inspiration, une sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part. « L’aleph est la première lettre de l’alphabet de la langue sacrée. Pour la Cabale, cette lettre signifie le En Soph, la divinité illimitée et pure. »
Le dessin représente Borges, installé dans la cave par Carlos Argentino Daneri, le bibliothécaire-écrivain, et sa vision de l’Aleph, petite sphère aux couleurs chatoyantes qui répand un éclat presqu’insurmontable. Les yeux entassés à droite de l’auteur, suggère que chaque chose est vue de tous les points de l’univers.
Borgès est avant tout un métaphysicien. En tant que poète, il tend vers le but principal de toute poésie, c’est-à-dire la transmutation de la réalité palpable en réalité intérieure et émotionnelle. Mais sa métaphysique n’est pas que littérature. Elle est d’abord expérience de l’angoisse, angoisse de l’irréalité du monde des apparences.
De poète, Borgès devint auteur de nouvelles métaphysiques, avec trois grands sujets : le dédoublement (non d’une personne par un double identique, mais de deux personnes opposées ou complémentaires), le voyage dans le temps et la propagation du rêve dans la réalité.
« Sous les métaphores de ces récits se cache finalement une conception idéaliste de la réalité, une métaphysique profondément enracinée dans les expériences obsessives de l’écrivain en tant qu’homme. La multiplicité des masques ramène ici à l’unité d’un seul être, l’auteur. » (E.R. Monegal, Borgès par lui-même, 1970, éditions du Seuil)
05:46 Publié dans 24. Créations dessins | Lien permanent | Commentaires (1) | Imprimer