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03/05/2011

A l’ombre d’un grenadier

 

A l’ombre d’un grenadier, je regarde pleurer la nuit qui s’ouvre au large, verte et sombre comme un gouffre marin.

Les paraphes des cygnes allongeaient leurs cous boiteux vers le bord verdoyant. Il n’y avait rien d’autre que la brume qui flottait, indescriptible et lente, à la lueur de torches tenues par des mains sans visage. Le parfum perdu des pas sans fond s’écoulait doucement dans l’atmosphère des canaux irradiés. Je contemplais cette douce chaleur qui montait des eaux bleutées à l’assaut des murs froids de notre citadelle. Elle dominait le vide de ses mille pieds de haut et se complaisait tristement dans sa béatitude arrogante. De petites fenêtres sans profondeur se glissaient subrepticement entre les pierres noircies pour agrandir leur trou de chaleur et je me réchauffais le visage de cette brume incandescente, clignant des yeux au jour nautique. Mes pieds reposaient sur le vide des murs aigus et digéraient le silence moite. C’était au dessous le trou noir et profond de la terre éperdue d’ivresse sanglante. Les murs s’allongeaient rectilignes sur deux rangs de visages incolores aux yeux indifférents. Ils suivaient mon vol vers le noir obscur des montagnes, insouciants du passé et de l’avenir.

Je ne suis libre qu’à l’instant, derrière s’étend une longue prison de feux et devant la profondeur de l’obscurité. Je crois être libre et je descends sans conscience vers l’avenir. Les paliers de mes arrêts ne sont que des turbulences qui me rendent immobile contre ma volonté.