Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/03/2020

Impudence

Ma joie est dans l’ignorance
Mon bonheur s’épanche dans l’inexpérience
Je cherche ce que j’ignore, sans méfiance,
Puis, je découvre l’inexistence…

Je fouille donc les abîmes de l’incompétence
Et reviens orné des palmes d’une nouvelle naissance
Fort d’un plein auparavant sans nuance
Revêtu d’indécence et de munificence

Quelle jouissance, douce et bienfaisante
Que cette crème onctueuse et séduisante
Qui éblouit le monde et sa croissance
Et le rend vulnérable à la puissance

Je caresse alors le squelette de la déliquescence
Et l’emmène aux sommets de l’inconnaissance,
Ce lieu dont peu connaissent l’existence
Et qui conduit à l’évanescence…

Depuis, j’erre dans la redondance
Je contemple enfin la transcendance
Dans laquelle l’ascendance
Devient connaissance et surabondance…

©  Loup Francart

23/11/2011

De sombres perles descendaient lentement de leur front

 

De sombres perles descendaient lentement de leur front
Tandis qu’ils courbaient leurs bras vers la terre nourricière
Une chaleur diffuse montait des herbes moites
En volutes incolores qui troublaient la quiétude de l’air
Ils se mouvaient en gestes lents comme des poissons
Écoutant de leurs ouïes les froissements de ouate
De la poussière blanche qu’ils déplaçaient en nuages
Chaque grain s’irradiait en s’élevant au soleil
Et venait ternir de poudre leurs visages
Le monde semblait pris d’un immense sommeil
Et ses lourdes paupières ne battaient que l’instant
Où une brise éphémère troublait la forme des prairies
Ce n’était qu’un soupir des arbres dans les champs
Exhalant l’ennui des terres assoupies
Ils allaient et venaient trainant leurs nageoires de paille
Comme un pélican alourdi par son bec après la prise
Leur pauvre grenier sur ses roues branlantes, entouré de volailles
S’éloignait dans la poussière soulevée par la brise

 

09/07/2011

Merlin le Roi, visite chez l'enchanteur

 

A côté de Beaubourg pour les artistes,

Merlin le Roi et non l’Enchanteur

Et pourtant l’enchantement est là

Par la succession d’outils et d’objets

Qui tous servent à construire

Ou encore réparer ou enjoliver

Quand on n’est pas artiste,

On peut tenter de se faire artisan !

 

J’ai parcouru les couloirs souterrains

De cette caverne d’Ali Baba

Entouré de personnages extasiés

Portant de lourds paniers

Emplis de creux, de bosses

Débordant d’ustensiles très utiles

Pour apaiser la plainte

Et redonner espoir

Au nid si douillet qu’ils chérissent

 

IMG_6100-1.jpg

 

Des caisses d’ampoules dites bio

Qui n’éclairent que leur ombre

Des boîtes de vis, clous, chevilles

De toutes couleurs et de toutes tailles

Qui piquent la main égarée

Et même, des outils, marteaux et scies

Electriques pour la douceur féminine

 

IMG_6094-2.jpg

 

Des appareils à poncer, à amincir

A donner un air aimant

A l’objet le plus anguleux

Des colles, pour réunir deux

Et ne plus faire qu’un,

Des joints pour boucher

Les écoulements nuisibles

Et non prévus fonctionnellement

 

IMG_6109-2.jpg

 

Stand de peinture déluré

Où la couleur se conjugue

En changement subtil

Du blanc crème au vert pastel

En passant par le rouge coquelicot

Les yeux exorbités je contemple

Les étagères enduites de pots

Emplis de signes illisibles

Et de dessins qui les remplacent

Jusqu’à quel point les mélanger ?

 

IMG_6108-2.jpg

 

Des vasques blanches ou noires

Arrondies ou anguleuses

Au dessus desquelles coule l’eau

Transparente, d’un robinet

Sans poignée ni poussoir

Qui laisse la soif s’emparer

Du compulsif égaré

Et pourtant, ceux-ci ne manquent pas

De toutes formes, brillants

Et majestueux en col de cygne

 

IMG_6105-1.jpg

 

 

Et parmi tout ceci l’homme

Ou la femme, affairé(e) et stoïque

S’interrogeant sur l’achat

Se pliant au paiement

Encombré(e) et alourdi(e)

Mais combien illuminé(e)

A l’idée d’avoir à

Scier, gratter, poncer, peindre,

Pour faire de la matière

Un objet bien vivant

 

 

 

18/05/2011

Au fil des boutiques : La Maison Fabre

 

Les jardins du Palais Royal sont entourés de boutiques diverses, certaines vieillottes, d’autres trop modernes pour le décor, d’autres encore en perpétuel changement de propriétaires, enfin quelques unes insolites, comme la Maison Fabre, au 128, boutique de gants, extraordinaires de profusion et d’ingéniosité dans la présentation de leurs appareils à cinq doigts que l’on enfile gracieusement pour être élégant lors d’une occasion chic, pour avoir chaud dans ses extrémités, pour pratiquer des travaux réputés sales (mais ce n’est pas le genre de la boutique !), enfin pour se faire plaisir en toute occasion un soir de déprime quand l’alcool ne suffit pas.

promenade,littérature,pésie,culture,exposition

Il y a des gants dont la raideur du support fait penser aux épouvantails que l’on croise parfois, de moins en moins, dans les champs pour éloigner les oiseaux. Mais là, il s’agit d’attirer le client en faisant contraster le support rigide et neutre de son gris uniforme avec le velouté, la brillance d’un cuir de première qualité. Vous remarquez bien sûr qu’il manque le pouce dont la dissymétrie par rapport aux autres doigts choquerait ici le regard, c’est pourquoi ces gants semblent si élégants dans leur amputation discrète, mais réelle. Mains rouges pour les mariages, assorties avec un chapeau que l’on tient du bout des doigts ne serait ce que pour faire remarquer l’harmonie qu’il possède avec ces gants magnifiques,  mains jaunes pour le sport (carton jaune, évidemment), mains bleus pour les conversations affables en ville entre dames ou avec des messieurs, dans un lieu appelé bistrot qui fait plutôt penser aux salons de ces hôtels du style de « L’année dernière à Marienbad », enfin mains brunes des promenades dans les bois un après-midi de campagne lorsque le chien tire la laisse et vous oblige à marcher-courir sans relâche.

 

promenade,littérature,pésie,culture,exposition

 

D’autres gants sont alignés comme à la parade, formant des compagnies entières, massives, en arrière-fond des présentations plus originales mises en valeur par la sobriété de la quantité comme de la qualité. Ils sont couchés tels des alignements de dominos que l’on fait s’écrouler d’une pichenette pour les voir tomber les uns sur les autres avec la régularité d’un stand de tir. Mais ils sont plus divertissants que ces pièces de bois uniformes, surmontées d’ivoire maintenant faux et marquées de points de un à six, et ils donnent une impression de profusion colorée dans laquelle on a envie de mettre le nez pour sentir l’odeur subtile d’un cuir parfaitement tanné. Après un tel rite, il est évident que la deuxième envie est de les enfiler tous. Dommage que nous ne soyons pas Vishnou, incarnation de la création, car il est certain que le plaisir ne manquerait pas de créer des harmonies de couleurs au bout des bras qui, dansant discrètement, donneraient un spectacle enchanteur, comme des feux de Bengale tourbillonnant dans l’espace.

promenade,littérature,pésie,culture,exposition

Mais l’on trouve également des sortes de petits manchons destinés à recouvrir la main en laissant les doigts libres de jouer avec les plis d’une robe solennelle, blanche ou noire naturellement. Ornées de petits boutons sur les côtés, ils pourraient aussi servir d’ornements des chevilles, utilisés par les sportives qui s’adonnent à la gymnastique en salle, pour empêcher vraisemblablement la transpiration de pénétrer dans les chaussures unicolores qu’il ne faut pas abîmer en raison de leur prix.

 

promenade,littérature,pésie,culture,exposition

 

Certains sont réservés à des instants spécifiques où le rôle tenu doit être en accord avec l’importance de l’apparence, tels, par exemple, le mariage de William and Kate auquel vous auriez été invitée, empanachée et gantée de gris foncé, orné de fleurs aux pistils blancs, pour vous glisser subrepticement, dans la cathédrale et mettre en évidence cette parure des mains avec ostentation. La peau de serpent ne serait sans doute pas très bien vue dans une telle assemblée dans laquelle l’écologie est un art de vivre avec cependant quelques sélections des objets sur lesquels porte le graal de cette nouvelle religion.

 

promenade,littérature,pésie,culture,exposition

 

Ballets de « gantitude » ou ronde élégante de mains autonomes comme des prêtresses caressant leur dieu avec légèreté et admiration dans un silence respectueux et les sourires convenus de telles cérémonies. La déesse s’abandonne avec humilité à cette adoration, acceptant du bout des doigts de se laisser caresser tout en protégeant une main fine de dentelles tricotées pour lui assurer la sécurité contre toute violation de son intimité.

promenade,littérature,pésie,culture,exposition

Enfin la suprême élégance, plutôt masculine, mais que l’on verrait bien sur les mains de femme, ce gant simple, en veau d’un blond semblable aux cheveux d’une Ophélie nordique, au mi-doigts coupés à angle droit que compense la rondeur de l’arrière main faite pour montrer la peau tendre d’un poignet de femme ou la vigueur d’une poigne d’homme. Abandonné, comme flottant dans l’espace, les doigts élastiques, le poignet détendu, cette main attend une autre main, tout aussi délicate, peut-être une de celles du « ballet de gantitude », pour s’unir avec lenteur et respect pour la vie.

 

 

 

 

01/01/2011

Quelques grains de sable

 

Quelques grains de sable dans une encoignure

Où s’attarde un filet de lumière

Parvenu par des voies détournées

A soulager leur solitude honteuse

 

Quelques cris d’enfants étonnés

Qui font gémir le balcon rouillé

D’où suintent des larmes de vieillesse

 

Également, et c’est nécessaire

L’ombre rafraichissante des ormes

Où se perd le savoir des couleurs

La plainte languissante d’un volet

Qui se ferme sur les yeux d’une femme

Encore frissonnante des caresses de l’air

 

Suffisent au voyageur attardé

Qui n’a pas encore trouvé de gite

 

Il errera durant la nuit claire

Attentif aux frémissements des sons

Jusqu’à ce que l’aube dévoile avec prudence

Ses longs filaments à l’horizon

Et que de nouveau crissent les graviers

Sous les pas fatigués de l’absent