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14/07/2011

Jardin d’agronomie tropicale (bois de Vincennes)

 

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Un parfait abandon.

 

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Les simples bruits de la nature qui se superposent à ceux de la ville, en fond sonore indescriptible. Et là, dans une forêt qui reprend ses droits, surgissent des images coloniales : treillages aux dessins géométriques et compliqués, murs ajourés de briques en quinconce, portes de bois ouvrant sur des ruines, ruisseau boueux et, un peu partout, des bambous, les uns petits et verts tendres, les autres en sous-bois de pousses et d’adultes bleus-verts, colonisant certaines étendues d’eau, à profusion.

 

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Beaucoup de pins également comme un jardin du midi ayant échoué en plein Paris, avec un ciel bleu, sans nuage, recouvrant ce coin d’Indochine perdu en terre française. Rien, pas un passant, pas une ombre parmi ces monuments qui sont tous, ou presque, des monuments dédiés aux Indochinois morts pour la France. Tout est plus ou moins à l’abandon, comme ce passé colonial dont on n’ose plus parler.

 

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Et plus on reste dans ce décor passé, plus une incroyable mélancolie s’empare de vous. En effet, il y règne un parfait abandon, volontaire, nous dit la Mairie de Paris. Seules les allées de gravier sont encore entretenues. Autour la forêt prolifère, en désordre, lianes envahissant les pins et certains bâtiments, pousses d’acacia piquantes, lierres s’emparant des sculptures, boue s’entassant dans un ruisseau malodorant. Atmosphère de mélancolie coloniale, comme un film de Marguerite Duras, les personnages en moins.

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On s’attend à voir surgir de ce décor passé un vietnamien au chapeau de paille pointu, courbé sur l’eau d’une rizière. Il ouvrirait la porte de bois et ferait signe d’entrer dans sa cabane en ruine. Sans parler, nous échangerions quelques amabilités gestuelles avant de nous quitter en joignant les mains et en s’inclinant devant l’autre.

 

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Ce jardin a une histoire. Créé en 1899 pour accroître les productions agricoles des colonies, il fournissait en graines et boutures les exploitations des colonies et recherchait une acclimatation de ces plantes à notre climat. En 1907, une exposition coloniale reconstitue cinq villages habités : indochinois, malgaches, congolais, soudanais et touareg. Tout ceci est resté longtemps à l’abandon. En 2002, la ville de Paris envisage des travaux de restauration qui ont commencé avec le pavillon Indochine.

 

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Mais le sortilège de ce jardin est bien son abandon voulu, revendiqué, fait de menues détresses, de démission de l’homme civilisé, pour ne laisser apparaître que le fait historique brut : bâtiments en ruine, délaissés, plantations de bambous proliférant et statues perdant des morceaux de pierre ou de ciment pour leur donner l’air pathétique et désuètes.

 

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13/07/2011

Perception affective du matin

 

La perception affective, c’est-à-dire cette faculté, à la vue d’un objet, de ressentir une certaine émotion qui, en quelques instants de communion avec celui-ci, suffit à nous donner de la joie pour une journée, n’est pas une valeur constante et varie en fonction d’un certain nombre de facteurs dont l’humeur, l’espace, le temps et, en particulier, ce temps qui se renouvelle périodiquement, celui d’une journée.

Au matin, à cette heure où le jour est suffisamment levé pour avoir la possibilité de percevoir chaque détail d’un objet, mais où le soleil n’est pas encore assez haut pour lui donner un volume de lumière, et que l’esprit, libéré pendant le sommeil de l’affectivité accumulée dans la journée précédente, est prêt à recevoir et à emmagasiner un nouveau courant de sensations, nous percevons avec une émotion plus intense, plus aiguisée par la liberté de l’esprit, la beauté d’un paysage jusqu’alors peu remarqué, le charme d’un bibelot sans importance, le tendre attachement à un objet usuel. A l’état de l’air, plus léger et plus libre, donnant aux formes une netteté accrue, correspond un état d’esprit semblable qui permet une perception intense dans l’émotion purifiée au maximum puisqu’elle est dégagée de tous les facteurs affectifs accumulées pendant la journée.

Quelques minutes plus tard, déjà l’esprit se remet en marche et fait remonter des fonds vers la surface les bulles de soucis, de préoccupations et de souvenirs qui, lui redonnant sa fonction normale, c’est-à-dire un filtre qui permet de passer de la perception sensorielle directe à la perception intellectuelle, y ajoutant justement le courant qu’il a accumulé, lui retire cette faculté précaire, mais facilement éducable, de percevoir l’objet dans l’émotion directe de son contact. Et pendant la journée, au hasard des circonstances, des rencontres, d’autres bulles feront surface, créant une certaine tension entre les deux pôles du cerveau, celui de la sensation pure et celui de la sensation intellectualisée, jusqu’à perdre les références de la première impulsion des sens.

 

 

12/07/2011

L’île nue, film de Kaneto Shindo (1960)

 

Voir la présentation du film :

http://www.dailymotion.com/video/x7fvo9_l-ile-nue-kaneto-... 

 

 

Voir des extraits du film

L’île nue 1 :

http://www.dailymotion.com/video/x9e067_l-ile-nue-1_music

L’île nue 2 :

http://www.dailymotion.com/video/x9e8py_l-ile-nue-2_music

L’île nue 3 :

http://www.dailymotion.com/video/x9e9pe_l-ile-nue-3_music

L’île nue 4 :

http://www.dailymotion.com/video/x9ej0z_l-ile-nue-4_music

L’île nue 5 :

http://www.dailymotion.com/video/x9ek3h_l-ile-nue-5-fin_m...

 

Synopsis (From Wikipedia) :

Au Japon, sur une minuscule île de l'archipel de Setonaikai, un couple vit avec ses deux jeunes enfants. La terre est aride et l'île ne possède pas de ressource en eau douce. Pour cultiver cette terre ingrate et survivre, le couple est donc obligé de faire de continuels voyages en barque entre la terre ferme et l'île : ramener l'eau précieuse et en arroser avec attention et parcimonie chacun des plants cultivés. Ces gestes, renouvelés sans cesse, rythment le quotidien. Les jours passent, puis les saisons. Un jour, alors que les parents sont partis chercher l'eau, un des enfants tombe malade, sans raison. Il meurt rapidement sans que personne n'ait pu faire quoi que ce soit pour le sauver. Ses camarades de classe arrivent en bateau pour lui rendre un dernier hommage, puis repartent. Malgré un bref moment de révolte de la mère contre cette vie, le rituel reprend.

 

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Un film majestueux :

Histoire simple, banale, pourrait-on dire. Mais quelle beauté dévoile ce film qui, pourtant, répète inlassablement les mêmes images, les mêmes gestes et la même mélodie, sans qu'une seule parole soit prononcée. C’est un véritable poème qui donne une nouvelle version du mythe de Sisyphe, dénudée comme l’île, presque froide dans son réalisme, mais si prenante dans la contemplation d’une nature aride et de la famille qui vit là, rudement, d’un travail incessant sur une terre ingrate. Il met en lumière, sans jamais le dire, l’impuissance de l’homme face à la nature, la souffrance humaine, le temps et finalement la mort.

 

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"L'Île nue", sortie en 1960, est l'une des œuvres les plus remarquables du réalisateur japonais Kaneto Shindo. La musique lancinante de Hikaru Hayashi, de part sa modalité occidentale, peut choquer au début, mais très vite elle prend le spectateur qui l’associe ensuite aux successions d’images sobres, mais combien belles. Musique et images permettent de donner au film une ambiance que des paroles et des explications n’auraient pu expliciter.

Un  film à voir, à revoir, comme on relie un roman de Marcel Proust, pour le savourer, même si l’on en connaît toutes les péripéties. 

 

 

 

11/07/2011

Prière d’abandon du Père Charles de Foucault

 

Qui ne connaît cette prière de Charles de Foucault, prière d’abandon et de confiance envers le Père, dont voici le manuscrit :

 

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La mise en musique doit être méditative et permettre d’en mesurerchaque phrase. Un refrain simple, l’abandon au Père, ramène en permanence à l’essentiel.

Ce refrain peut être chanté par toute la chorale, la psalmodie par un petit choeur de quatre ou huit voix.

 

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10/07/2011

La trajectoire des piétons

 

Imprévisible. En conduisant, vous pouvez prévoir la trajectoire d’une voiture et anticiper ce que le conducteur compte faire, même lorsqu’il semble ne pas savoir où aller. Mais il est impossible de prévoir la trajectoire d’un piéton sur un trottoir lorsque vous courez dans Paris.

Il y a, en premier lieu, les piétons isolés qui viennent vers vous sur le même trottoir. Ceux qui regardent ailleurs et, parce qu’ils ont la tête tournée suivent une courbe dans le sens du regard. Ils sont anticipables, s’ils ne changent pas l’objet de leur regard, mais c’est rarement le cas. Ceux qui regardent au loin, les yeux dans le vide, c’est-à-dire qui ne regardent rien et dorment au monde immédiat pour se réfugier dans une rêverie sans fin où d’angoissantes questions les obligent à oublier leur environnement. Enfin, on rencontre des gens sérieux qui sont capables d’anticiper comme vous. Malheureusement, le plus souvent, ils anticipent dans le même sens que votre propre anticipation, ce qui conduit à une valse d’hésitation qui se termine par un sourire ou parfois un rire commun.

On trouve ensuite les duos de piétons : femme avec un enfant, femme avec une autre femme, femme avec un homme ou encore homme avec un homme. Chacun d’eux a des comportements différents, même à l’intérieur de chaque catégorie.

La femme avec un enfant, parce qu’elle-même est dans ses pensées, occupe tout le trottoir et ne vous voit même pas approcher et être contraint de s’engouffrer entre deux voitures garées pour laisser passer leur traineau de deux personnes que rien ne peut entamer. Il arrive parfois qu’un sourire accompagne le geste de tirer l’enfant pour vous laisser un passage, comme une excuse de laisser si peu de place sur un étroit trottoir.

Deux femmes ensemble sont des duettistes indissociables qui restent de front quoi qu’il arrive. Impossible de les faire passer de la ligne à la colonne, ce serait rompre leur plaisir incommensurable de discuter de tout ce qui n’est rien.

Lorsqu’il s’agit d’un homme et d’une femme, ce sont pour beaucoup des amoureux. Or, nous le savons, l’amour est sans pitié, tête en l’air et corps contre corps. Alors comment les dissocier lorsqu’ils sont soudés l’un à l’autre par la main, les bras ou la bouche ? La rue leur appartient !

Vous vous effacez, contemplant leur bonheur qui vous procure un air de vacances avant de vous trouver en face de deux hommes parlant de sport avec force gestes et expressions corporelles. Vous vous dites, ils vont me laisser un passage et vous vous mettez manifestement devant eux pour pouvoir y accéder. Peine perdu. Ils vous ignorent, ne savent même pas que vous êtes là et l’un d’eux vous bouscule et se retourne l’air offusqué comme si volontairement vous lui aviez fait l’affront d’engager une partie avec lui. Ne voulant pas perdre de temps, vous continuez en haussant intérieurement les épaules.

Il est encore plus difficile de dépasser, plutôt que de le croiser, un piéton sur un trottoir dont la largeur ne surpasse pas deux personnes et demi. Il marche généralement au milieu de la chaussée et selon son regard, il oscille de droite à gauche au gré de ces intérêts ou de ses pensées. Vous vous décidez à le doubler par la droite, mais à ce moment il arrive devant une agence immobilière ou elle passe devant une boutique de vêtements et, sans que ce soit volontaire, s’en rapproche pour mieux la contempler. Au dernier moment vous décidez de passer de l’autre côté, mais il se tourne vers la gauche parce qu’il a vu une somptueuse voiture garée là ou parce qu’elle a remarqué sur sa plage arrière un chapeau qui lui paraît admirable.

Deux personnes, qu’ils soient du même sexe ou différent, constituent un obstacle infranchissable. Soit ils sont tous les deux dans leurs pensées dont rien ne peut les en faire sortir, soit ils parlent entre eux, et, quel que soit ce qu’ils disent, ne vous entendent ni arriver sur eux, bien que vous accentuez implicitement le bruit de votre course, ni même demander le passage après que vous ayez été contraint de vous arrêter. « Pardon Madame, peut-on passer ? » Elle vous regarde d’un air furieux puisque vous la dérangez et, de plus, surprenez sa conversation intime avec son ami (probablement plus) ou son amie (peut-être moins).

Alors que dire des groupes, d’enfants, de femmes, d’hommes ou même mixtes, encore plus difficiles à manœuvrer.

Il peut vous arriver si vous courrez dans les lieux touristiques, que vous tombiez sur des touristes ou des personnes âgées qui se dirigent vers l’entrée d’un car tout en pérorant sans cesse entre eux. Renoncez tout de suite et traversez la voie publique ou vous serez immobilisé, puis avalé par cette guimauve humaine dont vous aurez beaucoup de mal à vous décoller. Ils ne vous feront aucun mal, ils ne vous verront pas, même coincé entre eux, la tête à hauteur des seins ou des parapluies selon l’origine géographique du car.

Les groupes d’enfants sont généralement accompagnés par un professeur et quelques parents ayant accepté de fournir une main d’œuvre à l’enseignant. Là, d’une voix péremptoire, il vous sera intimé de rester sur place sans bouger en attendant que la longue chenille d’enfants piaillant vous soit passée sur les pieds. Malheur à vous si vous tentez de passer, vous agressez les enfants, vous êtes un mauvais citoyen et même les autres passants vous regarderons comme criminel. Alors vous trottez sur place en attendant que le dernier des enfants qui, bien sûr se traine, convient qu’il est temps de rejoindre les autres.

Il y a aussi les collégiens ou lycéens, et pourtant ce n’est pas votre faute si vous habitez à côté d’un établissement d’enseignement, qui occupent le trottoir, sont assis sur les voitures en stationnement et débordent largement sur une chaussée où les automobilistes tentent de les éviter. Là il vaut mieux avoir changé de trottoir largement plus avant, afin d’éviter toutes sortes d’ennuis qui vont de l’obstruction pur et simple aux quolibets qui peuvent parfois, mais rarement, devenir humoristiques.

Rien, bien sûr, ne contraint le piéton en matière de déplacement sur les trottoirs. Il y avait autrefois des règles de politesse telles que « les hommes se mettent du côté chaussée et les femmes du côté immeuble », « laisser passer un vieil homme lorsque le passage ne permet qu’une seule personne à la fois ». Mais tout ceci est prohibé, puisque, lorsqu’on marche sur un trottoir, on n’a pas le temps de faire attention aux autres. De nouvelles règles ? Jamais ! Ce serait encore plus contraignant et pénible que la situation actuelle. Vous voyez-vous face à un agent de la force publique vous contrevenant parce que vous avez dépassé une dame par la droite plutôt que par la gauche ?

Alors me direz-vous, quelle idée de courir dans Paris ? Oui, drôle d’idée, comme de coudre sur une plage, de marcher dans la boue ou de chanter au bureau. Et pourtant, quelle joie au petit matin, lorsque le soleil pointe ses premiers rayons, de laisser dérouler sa machine corporelle, d’enclencher ses rouages et de partir au gré de la course, le nez au vent, heureux de cet air frais qui vous donne des jambes et égaille votre esprit. Alors, malgré ces obstacles humains perpétuels, vous souriez à la vie et aux gens pour rentrer chez vous, apaisé et prêt à poursuivre une journée d’enchantement.

 

 

09/07/2011

Merlin le Roi, visite chez l'enchanteur

 

A côté de Beaubourg pour les artistes,

Merlin le Roi et non l’Enchanteur

Et pourtant l’enchantement est là

Par la succession d’outils et d’objets

Qui tous servent à construire

Ou encore réparer ou enjoliver

Quand on n’est pas artiste,

On peut tenter de se faire artisan !

 

J’ai parcouru les couloirs souterrains

De cette caverne d’Ali Baba

Entouré de personnages extasiés

Portant de lourds paniers

Emplis de creux, de bosses

Débordant d’ustensiles très utiles

Pour apaiser la plainte

Et redonner espoir

Au nid si douillet qu’ils chérissent

 

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Des caisses d’ampoules dites bio

Qui n’éclairent que leur ombre

Des boîtes de vis, clous, chevilles

De toutes couleurs et de toutes tailles

Qui piquent la main égarée

Et même, des outils, marteaux et scies

Electriques pour la douceur féminine

 

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Des appareils à poncer, à amincir

A donner un air aimant

A l’objet le plus anguleux

Des colles, pour réunir deux

Et ne plus faire qu’un,

Des joints pour boucher

Les écoulements nuisibles

Et non prévus fonctionnellement

 

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Stand de peinture déluré

Où la couleur se conjugue

En changement subtil

Du blanc crème au vert pastel

En passant par le rouge coquelicot

Les yeux exorbités je contemple

Les étagères enduites de pots

Emplis de signes illisibles

Et de dessins qui les remplacent

Jusqu’à quel point les mélanger ?

 

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Des vasques blanches ou noires

Arrondies ou anguleuses

Au dessus desquelles coule l’eau

Transparente, d’un robinet

Sans poignée ni poussoir

Qui laisse la soif s’emparer

Du compulsif égaré

Et pourtant, ceux-ci ne manquent pas

De toutes formes, brillants

Et majestueux en col de cygne

 

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Et parmi tout ceci l’homme

Ou la femme, affairé(e) et stoïque

S’interrogeant sur l’achat

Se pliant au paiement

Encombré(e) et alourdi(e)

Mais combien illuminé(e)

A l’idée d’avoir à

Scier, gratter, poncer, peindre,

Pour faire de la matière

Un objet bien vivant

 

 

 

08/07/2011

La piste de skate

 

Sur les deux estrades de part et d’autre de la rampe ou half-pipe, double tremplin courbe, ils s’élancent sur leur machine roulante, leur planche volante appelée skateboard, tels des rats dans un demi-tonneau, sans discontinuer. Nous sommes square Emile Chaut, en face de la Gaîté lyrique, à Paris.

 

beauté,art,paris

 

La planche levée au bord de la piste descendante, les skateurs se lancent à tour de rôle, dans le désordre, courbés sur leurs jambes, se redressant au gré des montées et descentes, se laissant glisser d’un bout à l’autre sur le travers de la piste, l’art étant d’opérer un renversement de sa planche au plus haut avant de se laisser redescendre sous les applaudissements  de la foule d’amateurs. Ils sont jeunes, il n’y a que des garçons, blue jeans, casquettes, à l’envers, bien sûr, et puis pour certains, le blouson de laine à capuche. Tous très sûrs d’eux, travaillant comme des professionnels, sans un mot, sautant sur leur planche, la perdant sur une figure, mais se rattrapant toujours sur leurs pieds sans jamais tomber réellement, le tout avec aisance et légèreté.

 

Chacun fait son run aRampe half-pipe.jpgvec un certain nombre de tricks (figures). Le corps détendu, ils s'envolent, épousant des jambes le mouvement arrondi de la piste. Mille fois, ils reprennent l’exercice jusqu’au moment  où ils réussissent, sans lâcher leur planche, la figure enviée, en particulier le three-sixty (rotation de 360° du skateboard).

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 Mais chacun a son style. Certains paraissent morts, sans mouvement, mais réussissent des best tricks. D’autres, décontractés, accompagnent du haut du corps et des jambes à demi-fléchies, la remontée. La planche semble indissociable des pieds, et pourtant, certains arrivent à leur faire faire un tour à vide avant de reprendre le contact avec elle. Subtile figure : rouler sur le coping (le bord de la rampe) avant de redescendre le vert, départ vertigineux de la rampe.

 

Le skateboard est-il un sport ou un art ? Les deux très certainement. La performance technique est essentielle, mais elle s’accompagne d’un idéal esthétique dans lequel chacun met son style propre. C’est au fond assez semblable au patinage artistique avec moins d’élaboration dans les règles.

Il faut l’avouer, ce mariage du corps et d’une planche à roulettes atteint parfois un véritable enchantement de part la souplesse et l’élégance du skateur, l’apesanteur que semble atteindre le skate et l’envolée au dessus de la rampe qui, toujours, se termine par un retour précis sur la piste afin de repartir pour un nouveau trick.

Le skateur : un danseur qui s’ignore, recherchant la beauté à travers le mouvement. Et il la trouve !

 

 

07/07/2011

Esprit et matière

 

Y a-t-il réellement d’un côté la matière et de l’autre l’esprit ? C’est ce que pensait Descartes. L’opposition reste d’actualité, mais la recherche récente introduit le doute.

Déjà Spinoza avançait que l’esprit et la manière ne sont que deux attributs d’une seule et même réalité considérée sous deux angles différents (Ethique III, 2). Mais qu’est-ce que la réalité ?

On a séparé irrémédiablement la conception religieuse de l’homme et une conception scientifique. Cependant, les scientifiques, qu’ils étudient l’infiniment petit ou l’infiniment grand, constatent que la matière est un amas d’énergie en transformation constante. Le Père Teilhard de Chardin est un des rares penseurs religieux à adopter de son côté une vision conciliant l’esprit et la matière. La noosphère, pellicule de pensée faite de relations qui se forment, se combinent, et se superposent, détermine ainsi la trame d’un ensemble en perpétuelle transformation, l’homme ajoutant de l’esprit à la matière. L’univers apparaît alors comme une véritable toile cosmique où tous les événements seraient interconnectés les uns aux autres.

Cette encre de Chine tente de mettre en évidence cette fausse opposition : d’un côté la matière, froide, lunaire pourrait-on dire, mais façonnée par l’homme qui crée une « matière » artificielle dans la ville et de l’autre l’esprit, transparent, diaphane, s’élevant au dessus de la matière, mais en résonnance avec elle. Certes, je ne le compris qu’après avoir fait le dessin.

 

peitnure, dessin, philosophie, religion

 

 

 

06/07/2011

Ils sont ronds, dorés comme un rôti

 

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Ils sont ronds, dorés comme un rôti,

Ils enjolivent les champs de leur masse répartie.

Ce sont les rouleaux d’été,

De paille ou de foin enrobés.

 

Comme des guirlandes sur un arbre de Noël

Ils font une parure de fête au regard des vivants.

Appuyé sur l’un d’eux, je respire l’odeur de moelle,

De terre, mêlée d’herbes et de grains. Purifiant !

 

Seul le mugissement d’un bovidé esseulé

Trouble la torpeur de l’instant présent,

Accompagné des soupirs d’une brise affolée

Qui ondule sur le blé en chantant.

 

Enfin, cueillir l’origan, d’un sécateur pataud,

Pour les laisser sécher sur un plateau

Jusqu’à la fin de cet été.

 

Et les utiliser en les écrasant de la main,

Comme on le fait pour le cumin,

Afin de doter chaque met d’odeur de sainteté.

 

 

05/07/2011

Le chant byzantin

 

Voici un style de chant profondément différent du chant grégorien. Et pourtant, ses racines sont bien chrétiennes. Le chant byzantin est à l'origine du chant liturgique traditionnel de l'église orthodoxe, développé d'abord en grec et en syriaque. Progressivement, l'église orthodoxe s'est dotée selon les régions de chants propres dérivés du chant byzantin.

Mais commençons par le chant byzantin qui est explicité dans le document ci-joint.

Le chant byzantin.pdf

 

Ecoutons quelques chants pour se faire une idée :

http://www.dailymotion.com/video/xej89w_irhamna-ya-rab-ir...

http://www.dailymotion.com/video/xc3ubl_o-baptises-vous-a...

 

 

 

04/07/2011

Emboitement

 

Lueur dans la nuit, qui surgit des profondeurs du rêve et vous contraint à sortir de l'engourdissement du sommeil. Vous ne savez plus s'il s'agit d'un rêve ou de l'éveil. Elle est là et vous dérange. Vous préférez les soubresauts du demi-sommeil ou la tendre quiétude d'un assoupissement passager. Et pourtant, c'est dans cette demi-veille que la créativité est la plus remarquable.

 

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03/07/2011

Un instant d’éternité

 

Il existe de ces instants magiques où le temps suspend sa course immuable. C’est encore plus perceptible lorsque se mêle au présent un souvenir de jeunesse et qu’il surgit, très prégnant, au travers de ce que chaque sens nous dit.

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La chaleur d’abord, de celle des étés de Pagnol, quand l’ombre d’une branche vous semble une caresse furtive et apaisante, alors que la pure lumière vous est un poids qui épuise le corps.

Le silence lourd de la campagne ajoute à cette torpeur. Seul le chant de quelques oiseaux, parfois, le trouble pour vous rappeler que tout cela est vivant, mais que la vie est suspendue. Sous chaque noyer, l’ombre bienfaisante sert de repère à la méditation, troué de taches de lumière qui suivent le frémissement des feuilles. L’herbe de la prairie se balance au gré de la brise indolente, survolée de moucherons qui dansent l’éternelle fête de la brume de chaleur qui les enrobe.

 

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Ce chemin, vous l’avez parcouru des milliers de fois, mais ce retour aujourd’hui vous conduit à constater l’apaisante vérité de la succession du temps et des espèces. Dans la rangée des noyers qui descend vers la rivière, seul manque l’un d’eux, déjà remplacé par un petit, très petit noyer qui a poussé seul contre la volonté de tous. Le chemin de pierre laisse une bande d’herbes entre les roues des voitures. Quelle étrange sensation que celle des pas sur cette bande de terre qui vous aide à descendre vers le passé, lorsqu’enfant, vous dévaliez à un rythme effréné, en bicyclette, le chemin pour vous laisser ensuite freiner dans les hautes herbes aux abords du ruisseau. Parfois, entraîné par l’élan, vous vous arrêtiez à quelques centimètres de la berge, en vous jetant par terre. Plus tard, votre propre enfant s’est cassé une dent en se laissant tomber sur le gravier plutôt que de percuter la porte cochère.

 

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Mais aujourd’hui le temps s’est arrêté. La chaleur, probablement, qui engourdit vos perceptions et endort votre attention. Alors vous longez la haie à gauche du chemin, là où l’ombre maintient encore une certaine fraicheur. Vous regardez chaque espèce d’arbres, la rugosité de leurs troncs, le dessin de leur développement jusqu’aux derniers rameaux, leurs feuillages, pleins, aux larges feuilles, ou encore clairsemés de petits opuscules, et chacun d’eux évoque en vous des moments différents, des lieux et des temps éloignés, mais qui redeviennent si présents qu’ils semblent revivre sous votre regard attentif.

Et vous descendez toujours, écrasé de soleil, vous laissant bercé par ces instants remémorés jusqu’à l’approche de la maison que vous connaissez bien et qui vous fait sortir de votre rêve éveillé.

 

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Au loin, très loin dans le ciel, un avion vole sans bruit et seule sa trajectoire vous rappelle que la vie continue, inexorable, dans cette nature immobile, anéantie de chaleur sourde troublée par l’aboiement d’un chien aux confins du village qui vous signifie que le frémissement des feuilles fait aussi partie du tableau vivant.

 

Je me souviens être venu, adolescent, quelques jours après un concours, pour me reposer, seul dans l’immensité de la maison et de la campagne et avoir passé huit jours au rythme de la terre et de l’inspiration. Je me couchais tard, me relevais deux fois, trois fois, dans la nuit pour reprendre un tableau, transcrire une idée, écouter une symphonie. Et les jours passaient dans l’indolence et la création, avec pour seul plaisir la contemplation d’une nature riche, parfaite parce qu’imparfaite, dans laquelle je pouvais me rouler jusqu’à pleurer de joie.

 

 

02/07/2011

Ensemble, nous irons au paradis

 

Ensemble, nous irons au paradis

Des amants d’antan

Je te regarderai, tu me verras,

Nous nous contemplerons

Et verrons le chemin écoulé

Comme une mélodie achevée

Toi, rien que toi, blanche

De vérité et d’innocence

Que j’apprends toujours à connaître

Qui m’apprend la vie et l’amour

Et qui court au plus large

Des rues encombrées de passants

Pour montrer la beauté de chacun

Je te regarde en odeur, en couleurs,

Tu me prends la main,

Tu me tends ta bouche,

Je ne suis plus, je deviens toi,

Et tu es la reine de ma nuit

Et la femme des jours sans fin

Où l’amour coule comme une source

Belle, tu me fais un clin d’œil

Serein, coquin, malin,

Et tu m’encourages dans ma folie

De ne penser qu’à toi, aimée

Perdue dans ce monde

Que nous sommes appelés

A quitter un jour, ou une nuit,

Après nous être aimés encore

Dans le secret de nos corps

Et la tendresse de nos rêves

 

 

01/07/2011

La Voie Lactée de Luis Buñuel (1969)

 

avec Paul Frankeur, Laurent Terzieff, Alain Cuny, Michel Piccoli, Delphine Seyrig, Jean Piat, Jean-Claude Carrière, Michel Piccoli Edith Scob, Bernard Verley, Francois Maistre, Claude Cerval, Muni, Claudio Brook, Georges Marchal.

 

Trailer du film :

http://www.dailymotion.com/video/xdwpie_la-voie-lactee-trailer-bunuel-1969_shortfilms

 

La voie lactée 1 :

http://www.dailymotion.com/video/xdwph3_laurent-terzieff-...

La voie lactée 2 :

http://www.dailymotion.com/video/xdwpeq_laurent-terzieff-...

La voie lactée 3 :

http://www.dailymotion.com/video/xdwpce_laurent-terzieff-...

 

 

Deux vagabonds, Pierre et Jean, se rendent à Saint jacques de Compostelle, pensant se faire de l’argent. Le long du chemin, ils rencontrent une série de personnages qui incarnent chacun une hérésie de l’église catholique. La voie lactée est l’ancienne appellation du chemin de Saint-Jacques, un chemin plein de mystère, de doute et de tentation, car elle indiquait aux pèlerins de toute l'Europe la direction de l'Espagne. Le récit est à la fois mystique et surréaliste, faisant coexister différentes époques dans une même scène. Les deux marcheurs rencontrent ainsi un curé qui sort d'un asile psychiatrique et qui parle du mystère de l'eucharistie avec un gendarme, un maître d'hôtel qui donne des leçons de théologie à ses serveurs, un jésuite et un janséniste qui se battent en duel avec en arrière-plan les deux compères, un saucisson dans une main, le litre de rouge dans l'autre, un prêtre amateur de jambon, une prostituée qui veut un enfant des vagabonds...

 

La religion est au centre du débat du film, mais l’on ne sait pas s’il est en faveur ou contre celle-ci. Il semble qu’il s’agit plutôt d’un débat sur le fanatisme qui montre que les hérétiques restent toujours attachés à leur vérité, quitte à mourir pour elle.

Dieu est mort, et sa mort fait peur à l’homme. Peut-être est le véritable thème du film où le blasphème se mêle à la quête de l’absolu, reflétant l’état d’esprit actuel. Le monde moderne ne veut plus croire en Dieu, mais il a besoin de mysticisme et de sacré. Ce mysticisme, il le cherche dans la farce du sacrilège, mais aussi dans la connaissance de soi par l’autodiscipline et la contemplation. Buñuel montre comment l’idée de Dieu a perdu de sa transcendance surnaturelle et épouse peu à peu les besoins et les aspirations immédiates. Dieu est plus humain et moins divin et l’homme s’essaye maladroitement à la divinité.

Dieu, peut-être est-ce cet enfant au bord de la route qui fait monter les deux vagabonds dans une somptueuse voiture et qui porte les stigmates du Christ ?

 

 

30/06/2011

Harmonisation du chant grégorien

 

Oui, le chant grégorien se chante a cappella.

Néanmoins, dans de nombreux cas, un accompagnement est nécessaire pour soutenir le choeur ou l'assemblée et donner un certain volume au chant.

La difficulté pour l'organiste tient au fait que les chants grégoriens ont des modes qui ne sont ni majeur, ni mineur, mais à échelle propre comme nous l'avons vu le 14 juin. Alors quel style d'accompagnement adopter ?

Marcel Dupré, organiste renommé et respectueux de la spiritualité de la musique religieuse, a conçu des accompagnements particuliers pour chaque mode grégorien.

 

 ChGreg harmonisation Dupre.doc

 

Les lettres F et D signifient Finale et Dominante. La lettre M en majuscule indique un accord majeur, en minuscule, un accord mineur. L'harmonisation est tantôt majeure, tantôt mineure, et peut être jouée parfois des deux manières (par exemple le sol du ton 1).

 

Et de façon à faciliter le travail de l'organiste, les diverses transpositions selon la hauteur de voix.

 

Transposition modes grégoriens.pdf

 

 

Ceci complète le développement sur le chant grégorien entamé le 14 juin. Nous continuerons l'exploration du chant sacré avec les différents chants orthodoxes : byzantin, grec et slave.

 

 

29/06/2011

Chacun d’entre nous a un visage unique

 

Chacun d’entre nous a un visage unique

Et c’est sa dissymétrie qui le rend ainsi

S’il était parfaitement symétrique

Il n’aurait plus cette qualité inexprimable

 Qui le rend attirant ou au moins regardable

 

Mais dans ces visages distincts

Il y a les yeux, un monde en soi

Qui nous disent la soif de vivre

Ou encore le découragement et la vacuité

Comme des pierres précieuses

Leur brillance dévoile la valeur

Du visage qui se trouve devant vous

Certains y mettent quelques gouttes

De citron avant de partir danser

Pour raviver leur regard séduisant

 

Ils peuvent être verts émeraude

Des étendues forestières d’Amazonie

Bleus azur des mers des Caraïbes

Parfois jaunes paille des moissons d’antan

Mais aussi châtaignes tels les cigares

De la Havane ou de Porto Rico

Ou même noir comme l’ébène

Des tropiques de l’Ancien Monde

Très rares sont ceux d’entre les hommes

Qui disposent de prunelles rouges

On les prend pour les diables

C’est-à-dire des anges déchus

 

La bouche est aussi l’objet d’attentions

Propres à différencier chaque être

Elle peut être charnue comme un fruit

Avide comme un gouffre sans fin

Flottante comme un bateau sur l’eau

Rougie au bâton de couleurs

Peinte à grands traits malhabiles

Souriante au passant dans la rue

Close à tout signe de bonheur

Sans lèvres pour les vieillards

Trop éclose pour les enfants

 

Je ne parlerai pas du nez

Celui-ci a déjà fait l’objet

Des rimes et délires de Cyrano

Qui laissent un trou dans la tête

A la place d’inspiration

 

Certes les oreilles pourraient aussi

Mériter quelques phrases agréables

Mais ne sont-elles pas faites pour écouter

Plutôt que pour parler

Alors n’en parlons pas

 

Et pourtant le tour des attributs d’un visage

Ne suffit pas à le décrire

Il ya aussi la fossette qui l’enjolive

Le grain de beauté qui peut enlaidir

Le poil sur le nez et la tache sur la joue

La dent cassée qui empêche de sourire

L’œil pleureur et la joue tombante

Tout ce qui par le hasard ou l’usure

Déforme la nature unique de chaque homme

Et de chaque femme, qui, elle, s’en préoccupe

Pour le plaisir du premier

Et l’éclat de ses yeux amoureux

 

Est-ce le hasard ou la nécessité

Qui a construit cette merveille

Ou un dieu qui donne à chacun

Une façade, une apparence, un attrait

Qui le rend unique lui-même

 

Qu’il est beau ton visage

Toi l’aimée de toujours

Il est le point ultime de mes rêves

L’émouvant trouble de mon cœur

L’image présente à mon esprit

Qui m’accompagne dans la vie

Et fait briller mon œil de ravissement

 

 

28/06/2011

Tourbillon 2

 

Suite du 16 juillet 2011

Toujours noir et blanc, toujours la symétrie et encore la vis sans fin, double, la plus grande reprenant à une autre échelle celle du centre, qui commence à quatre cubes dont le tracé monte sans fin, puis qui s'élargit à 12 cubes, pour poursuivre, dans l'autre échelle, d'abord à 16, puis augmenter jusqu'à 24.

Et ainsi vous montez, vous montez, de manière très terre à terre.

 

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27/06/2011

Sagesse

 

L’homme moderne croit avoir atteint une plus grande sagesse morale que ses prédécesseurs sur terre, comme si les progrès de la civilisation matérielle avait permis son progrès moral. Pourtant, il y a cinq mille trois cent ans, il était écrit dans un des deux plus anciens livres du monde, les Instructions de Ptah-Hotep, écrit à l’usage des princes égyptiens :

« Si tu es sage, tu prendras soin de ta propre maison. Tu chériras ta femme, tu lui donneras la nourriture, tu la vêtiras et tu la soigneras si elle est malade. Remplis son cœur de joie pendant toute sa vie et ne soit point sévère… Soit bon avec tes serviteurs selon la mesure de tes moyens. La paix et le bonheur sont absents de la maison dans laquelle les serviteurs sont malheureux. »

Il est aussi dit :

« Si tu recherches des responsabilités, applique-toi à être parfait. Si tu prends part à un conseil, rappelle-toi que le silence vaut mieux que l’excès de paroles.

Ainsi il y a plus de cinq mille ans, l’homme possédait une morale aussi développée que la nôtre, pour un certain nombre, tout au moins.

Pour conclure et mettre en évidence l’universalité de cette morale, prenons l’exemple du Tao to king, écrit par Lao Tseu au XVIIème siècle, que l’on peut rapprocher de ce qui précède :

« Pour gouverner les hommes et servir le ciel, rien ne vaut la modération… Celui qui sait ne parle pas, celui qui parle ne sait pas. »

 

Mais alors rien n’aurait changé ?

Si, très certainement. Ces préceptes sont devenus la règle universelle, mais escortée de la judiciarisation qui le permet. Devenus règle de droit, ils s’imposent par l’action de la police et de la justice, avec les abus qui l'accompagnent. L’objectif de beaucoup est encore de dissimuler leur violence qu’ils considèrent comme naturelle et de droit. Alors avons-nous réellement progressé ? Ce n’est pas vraiment sûr !

 

 

26/06/2011

Matériels de cuisine, maison Dehillerin

 

Près des Halles (enfin, les anciennes !), se trouve un magasin, que dis-je, une grotte, où sont enfermés une multitude d’ustensiles de cuisine. Quelle collection ! On s’y perd.

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Ils sont en fer blanc, en cuivre, en fonte, en acier, en porcelaine, en osier. Ils sont ronds, carrés, en hauteur, en largeur, en profondeur, de toutes tailles, de toutes sortes, de toutes engeances, pourrait-on dire.

 

 

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Tout cela sent le vieux, l’hétéroclite, le mauvais mariage, la cuisine de lycée, mais en même temps s’échappe du magasin un fumet de bonheur parce que la cuisine c’est la magie des pupilles, la flamme du regard et le grésillement des oreilles au dessus du fourneau. Relent de poussière aussi, mais derrière cette apparence on devine l’odeur des civets, les effluves de légumes, l’exhalaison des rôtis, l’arôme des desserts.

 

 

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Vous partez vers le monde des sens. A travers celui de la vue, qui seul est réel dans le cas présent, vous devinez ceux du toucher, de l’odorat, du goût, un monde à fleur de peau, sans chair de poule.

Vous vous rêvez assaisonnant délicatement tel ou tel gibier, ajoutant par ci par là quelques feuilles de simples, quelques poudres odorantes, pour, au dessus des casseroles, mourir à petits feux avec grande délectation.

Mais malheureusement vous n’êtes que devant quelques plats enrobés de papier huilé, quelques faitouts enveloppés de sacs de plastique, attendant tristement un client hypothétique qui le sortira de cette prison pour le faire vivre sur un feu chaud et rond.

 

 

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Seuls les objets bourgeois ont droit à une meilleure présentation, rangés dans des présentoirs de manière ordonnée ou encore suspendus de manière décorative, voire artistique, comme des biens de collection au mur. Ils sont là pour impressionner le client, l’allécher des yeux et lui faire miroiter mille possibilités d'utilisation.

 

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Que la cuisine est difficile lorsqu’elle n’a rien à se mettre sous la dent. On peut toujours rêver, mais le rêve ne remplace pas un estomac qui se remplit !

 

 

 

 

 

25/06/2011

Mobilité universelle (gravure)

 

Devant le spectacle de cette mobilité universelle, quelques uns d’entre nous sont pris de vertige. Ils sont habitués à la terre ferme. Il leur faut des points fixes auxquels rattacher la pensée et l’existence. Ils estiment que si tout passe, rien n’existe.

Qu’ils se rassurent ! Le changement leur apparaîtra bien vite comme ce qu’il peut y avoir au monde de plus substantiel et de plus durable.

Henri Bergson

 

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24/06/2011

Les taches sur le mur

 

Les taches sur le mur

Sont l’ombre de mes pensées

Une fenêtre reflète le turban

Que porte un homme dans la rue

La glace enregistre l’envers des murs

Et les ombres transformées sont sans doute la vérité

Elle se cache parmi les mots

Et c’est une longue énigme

Que je cherche encore

 

Assis, à genoux ou encore debout

Ils attendent comme les lapins à leur terrier

Le dernier rayon de soleil de cette journée

Ignorants et béats, ou bien proches d’être fous

 

Les hommes, comme d’éternels esclaves

Entrainent chaque jour la roue du passé

Ne connaissant d’elle que ce point de tangence

Qui imprègne dan le sol l’instant de sa présence.

Derrière ne restent que les traces du regret du passé

Et au devant l’espoir du futur dans un jardin sauvage

 

 

23/06/2011

Premier jour de soldes

 

Cette année, je change mes habitudes, j’attaque le premier jour.

Les soldes, quel drôle de nom qui signifie à la fois une somme restant à payer, la différence entre le débit et le crédit d’un compte, la rémunération de certains fonctionnaires et, enfin, des marchandises vendues au rabais (dans des conditions précisées par de nombreux arrêtés et circulaires). Va-t-on me rendre de l’argent lors de mes achats en solde ?

Premier jour : l’affairement. Ce l’était déjà hier, et même avant-hier, pour les vendeurs qui s’activaient à coller étiquettes de prix et affiches en devanture promettant des merveilles que l’on ne trouve nulle part dans le magasin. Certains en ont rêvé toute la nuit, les patrons en termes de billets, les employés en termes de cartons à transvaser, délester, vider pour les entasser, aplatis, entiers, ouverts ou fermés, en des lieux insolites faute de place.

Les clients et surtout les clientes en ont également rêvé : de chaussures qui vous font des pieds d’empereur, de chemises, chemisiers, chemisettes, de couleurs gaies ou encore noires, de robes, de jupes, de cravates, de tout ce qu’un homme ou une femme revendique au nom de sa personnalité qui se devine dans les vêtements qu’il ou elle porte.

En ce premier jour, toujours, l’affairement des deux, les vendeurs et les clients, et leur rencontre :

_ Cela vous serre un peu, c’est normal. Cela s’élargira à l’usage. Pourtant depuis deux ans il a mal aux pieds avec une paire de chaussures achetée dans ces conditions.

_ Elles sont trop grandes, je vais vous chercher une demi-pointure au dessous. Puis de fil en aiguille, on baisse de deux pointures pour ensuite remonter et finalement ressortir du magasin sans rien.

Les clients s’expriment plus dans leur comportement que dans leurs paroles. Il y en a qui regardent dédaigneusement les bacs dans lesquels ont été déversées toutes sortes d’étoffes qui ressemblent vaguement à des chemises, foulards, jupes ou autres ustensiles enserrant la taille mannequin que possède Madame. Il y en a qui gardent les cabines d’essayage parce qu’elles sont venues avec des copines qui arrivent les bras chargés de pantalons à essayer. « Mais Monsieur, vous n’avez qu’à essayer dans les rayons, derrière une rangée de vestons ! » On en voit d’ailleurs qui le font, sans vergogne, en soutien-gorge ou petite culotte et qui rient à gorge déployée en entrant bras et jambes dans toutes sortes d’ouvertures pratiquées plus ou moins artistiquement. Il y en a qui ne peuvent acheter sans demander à quelqu’un de les conseiller : « Le vert va bien à mon teint ; non, le rouge me donne des couleurs ; le bleu est un peu triste, j’ai l’air d’un canari. » Il y a les clients acariâtres qui ne sont jamais contents et qui le font savoir aux vendeuses. Il y a les clients qui ne disent pas que cela ne leur va pas et qui achètent pour faire plaisir ou parce qu’ils n’osent pas dire non. Il y a ceux qui achètent « parce que c’est moins cher, alors çà peut bien avoir un défaut ! ».

Les caisses enfin, lieu final de tout acheteur, lieu vers lequel vous entraînent inexorablement les vendeurs tenant ce que vous avez essayé dans l’espoir de vous faire céder. Dès que vous êtes dans la file, ils filent, appelés par d’autres clients impatients de pouvoir bientôt se joindre à vous. Alors commence l’attente. Certaines parlent entre elles de ce qu’elles ont vu, mais qui n’était pas à leur taille ; d’autres sortent des emballages un vêtement, se le posent sur eux et se regardent dans la glace qui est très utile près des caisses pour faire patienter. Un sourire béat se dessine sur leur visage, dissimulé légèrement, car il ne faut pas avoir l’air avide. L’inquiète se regarde en balançant encore entre la jupe rose sépia qui fait tellement jeune et la robe jaune d’or qui fait tellement chic. On arrive enfin près des caissières, matrones tronc, aux bras multiples qui se saisissent immédiatement de vos vêtements et les débarrassent de ces pastilles de métal magique qui font sonner les portes et font rougir ceux à qui cela arrive. Un grand paquet, dont les poignées sont un peu longues et qui traine presque par terre lorsqu’on le porte normalement, est vite rempli des multiples tenues, petites, de gala ou encore trop chou. Alors vous sortez de votre portefeuille le petit morceau de plastique qui vous permet de tout acheter sans rien dépenser. Heureusement vous vous rappelez de tous les numéros qui s’ajoutent à la suite les uns des autres jusqu’à la formule magique qui déclenche un grognement de la machine avant de faire sortir de sa bouche un morceau de papier, petit, dont vous avez déjà plein d’exemplaires dans les poches.

Le client suivant, impatient, vous pousse imperceptiblement vers la sortie où un homme, vêtu d’habits insolites, mais très classe, vous tient la porte et vous souhaitent une bonne après-midi. Mais ceci est rare et réservé aux grandes maisons dans lesquelles se pressent les japonais, les femmes d’émirs et les sud-américaines trop fardées. Vous, qui n’avez revêtu qu’un pantalon des soldes de l’an dernier, vous vous contentez de magasins aux portes qui se rabattent sur votre nez parce que vous regardez encore à l’intérieur, le regard attiré par une couleur, une forme, un mouvement, qui apporte à votre rêve une douceur supplémentaire, comme un bonbon de guimauve dont vous vous remémorez le goût sucré.

Et vous plongez dans la foule qui s’écrase les pieds de manière organisée, sans pardon, avec un regard qui ne voit rien que le vêtement désiré, fantasmé, admiré, deux semaines avant, dans la devanture d’une boutique, mais trop cher pour leurs moyens qui sont toujours insuffisants au regard de leurs désirs. Retour à la vie, la vraie, celle qui n’est pas soumise aux caprices de la mode et des soldes, celle de l’enfant qui traîne son jouet qui caquète sur le trottoir bosselé, celle de la femme qui se déhanche joyeusement devant vous, celle du bureaucrate serrant son attaché case des deux mains de peur que l’on ne s’en empare, celle des voyous qui sifflent la jeune beauté qui traverse la rue. Une vie ordinaire, mais combien vivante à côté de ces magasins où tout est fait pour vous faire perdre une tête pourtant, vous en êtes sûr, pas si mal faite.

Et vous repartez, avec votre petit ou grand paquet, heureux tout de même d’avoir vous aussi trouvé ce qui vous accompagnera toute l’année dans vos sorties, vos voyages, vos nuits pour donner l’illusion d’une vie bien équilibrée, intéressante, unique. Et en plus elle l’est, n’est-ce pas merveilleux ?

 

 

22/06/2011

Silence, on pense...

 

Il se relevait la nuit pour réfléchir

C’était un désir pressant, incontrôlable

Qui l’aiguillonnait à se lever

Et à s’installer devant sa table de travail

Il partait loin, très loin, de la ville

Dans les recoins de son imagination

Ce n’était plus qu’un centre

Une fusion de la pensée profonde

Comme un amas de matière nucléaire

Qui fond sur elle-même sans refroidissement

Contenu et contenant ne font plus qu’un

La pensée coule sur la table

Et celle-ci devient le corps de l’homme

Dans cette confusion des genres

Seule une radiographie du centre

Donne une cohérence indissoluble

Au corps et à la pensée de l’homme

Avec la matière et la lumière ténue

D’une veille qui égraine les heures

Avec régularité et quiétude

Silence, on pense…

 

littérature,poésie,art,peinture,crise

 

Fait à l’encre de chine une nuit où l’imagination se concentrait sur elle-même.

 

 

 

21/06/2011

La grande peur du condamné

 

La grande peur du condamné, n’est pas la peur de mourir.

C’est la connaissance du fait qu’il ne vivra plus et le regret de tout ce qu’il aurait pu vivre.

 

A vingt ans, le nombre de possibilités heureuses qui s’ouvrent devant soi paraissent infinies. Peu à peu, cette ouverture se resserre. On imagine plus facilement l’avenir, il semble de plus en plus tracé. Pour certains, il devient même inexorable et oppressant.

Il y a pour chacun un équilibre à réaliser : garder une ouverture certaine, mais avoir une direction d’avenir. Avoir un but, mais ne pas en être prisonnier.

 

 D’où la nécessité d’apprendre à rebondir, à disposer d’une certaine résilience qui est l’art de pouvoir changer d’orientation sans en être traumatisé et en trouvant l’expérience intéressante. L’ouverture dans la vie, c’est savoir trouver de nouvelles voies lorsque celles que l’on a l’habitude d’emprunter sont bouchées.

 

 

20/06/2011

Concerto pour piano et orchestre N°1 (2ème mouvement), de Frédéric Chopin

 

Hier, concert dans les jardins du Luxembourg, dans un écrin de verdure, isolé de la ville par l’épaisseur des marronniers, ce qui n’empêchaient les bruits de celle-ci de troubler l’audition, mais cela fait partie du jeu.

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Dans le cadre de la présidence polonaise de l’Union européenne et organisé par la ville de Varsovie, se produisaient Wojciech Switata, pianiste et le quatuor Camerata, pour nous jouer Chopin, le polonais par excellence. Le piano, un Yamaha, avait un son un peu trop métallique, mais ce fut beau et insolite, car le bruit ambiant ne permettait pas de saisir toutes les nuances de la musique de Chopin, ce qui permettait de mieux en apprécier la mélodie. Ils jouèrent, entre autres, le concerto N°1 pour piano et orchestre (arrangé pour le quatuor), dont le 2ème mouvement, Romance-Larguetto.

 

 

Quelques versions de ce concerto, toutes très prenantes :

 

Alexis Weissenberg au piano

http://www.youtube.com/watch?v=FSSx9Z7-dJQ&feature=related

 

Krystian Zimerman et le Polish Festival Orchestra :

http://www.youtube.com/watch?v=Uq-jcs_dBg4

 

Sa Chen, pianiste chinoise

http://www.youtube.com/watch?v=Rsmvq0ZRNR8&feature=related

 

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Ce mouvement commence par une longue plainte des violons, très romantique, comme un appel à la nuit. Celle-ci est reprise deux tons plus bas, puis sert d’accompagnement à l’entrée du piano qui égraine sa mélodie d’un air non assuré, mélodie à la manière de Mozart, très simple, très belle, qui commence par quatre notes, dont la première doublée, suivi d’une arabesque montante, qui est reprise de la même manière que la plainte des violons et qui se termine lentement, rêveusement. Puis le piano entame, après un rappel des violons, un long récit argumenté, développant les arabesques de la première mélodie, permettant à l’imagination de développer ce qu’elle avait entrevue vaguement auparavant, comme une sorte d’illumination ou de révélation lui donnant du corps et prolongeant la rêverie vers de nouveaux horizons.

Ce développement dure et enfonce la rêverie dont il faut sortir par un bref silence et une nouvelle plainte des violons pour reprendre les premières phrases de la mélodie de départ du piano, mais d’une manière plus dégagée et libre dans ses ornements, comme une danse qui n’ose pas s’avouer et qui ne se finit pas, mourant d’un retour à la rêverie précédente.

Nouveau développement qui toujours entre plusieurs broderies passionnées reprend doucement et toujours le thème de départ du piano. Enfin un long intermède d’une autre veine, qui commence par une descente du clavier, puis développe des montées et descentes accompagnées par la mélodie des cordes et qui conduit sans transition, mais avec délicatesse, à la conclusion.

Le concerto est une longue rêverie romantique qui tourne autour du thème avec tendresse, délicatesse et, parfois, passion. L’orchestre assure la pérennité dans laquelle se meurt en final la voix du piano.

 

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Dix minutes d’extase romantique garanties, suivies d’une promenade, romantique bien sûr, dans les jardins du Luxembourg.

 

 

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19/06/2011

Retour

 

Retour à l’homme frais

Celui qui ne porte pas son bagage

Qui ne courre pas derrière les autres

Qui n’entend pas les clameurs

D’une foule dévoreuse d’informations

 

Retour à la femme vierge

De tout ce qui préoccupe les autres

Femme de parfum de fleurs

De rires éclatants et pourtant frêles

De tendresse odorante et

D’entière délicatesse des sentiments

 

Retour à l’enfant ignorant

Qui ne compte que des deux mains

Qui chante des comptines lentes

Qui n’accepte pas les baisers

Mais qui aime en donner gratuitement

Au moment où l’on ne s’y attend pas

 

Retour aussi au passant inconnu

Qui vous salue gaiement de la tête

Pour vous dire le bonheur

D’une journée sans les tracas du monde

Et qui devient l’errant

Qui donne la solution de l’énigme

 

Retour à celle-ci dont on ne sait rien

Qui courre le long des murs

Qui envahit les maisons ce jour d’été

Qui embrase la campagne en chaume

Qui rosit le village au soir

Pour lui donner l’aspect

Des idées sans importance

Et des sens découverts et palpitants

 

Oui, l’énigme est là

Accessible à chacun, visible de tous

Elle s’appelle la vie

Elle appelle à son retour

Parmi les simples et les fidèles

D’un regard non apprêté

De sons purs et cristallins

D’odeurs vertes et rouges

Dans le jardin secret de la réalité

 

 

18/06/2011

La boutique du bijoutier Georges Fouquet, au musée Carnavalet

 

Le musée Carnavalet fut construit à partir de 1548 : un corps de logis principal et deux ailes encadrant la cour dans laquelle on entrait par un porche à bossages typique de la Renaissance italienne. Son nom est assez drôle, il appartint, peu de temps après sa construction, à la veuve d’un gentilhomme breton qui s’appelait Kernevenoc’h, nom difficile à prononcer et qui devint dans la bouche des parisiens Carnavalet. L’hôtel fut remanié au XVIème siècle (surélévation des ailes). Il fut habité par la marquise de Sévigné. Puis acheté par la ville de Paris en 1866, il fut agrandi de deux cours. Enfin, lui fut adjoint l’hôtel Le Peletier de Saint Fargeau qui le jouxtait, agrandissant ainsi le musée qui était très à l’étroit.

Dans ce musée, qui possède nombreux coins et recoins, j’ai découvert un magasin transplanté là par la ville de Paris. C’est un magasin « art nouveau », dans son plus pur style : emploi de formes épurées, appel à l’artisanat dont le vitrail, lignes sensuelles, courbes toujours, sans angle, et une inspiration empruntée à la nature et plus particulièrement aux plantes.

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Il s’agit de la boutique d’un joaillier, Georges Fouquet, située 6 rue Royale, construite vers 1900 et démolie avant la seconde guerre mondiale. La conception de la boutique est d’Alphonse Mucha, d’origine tchèque, décorateur, dessinateur de bijoux, architecte d’intérieur si l’on veut. La boutique est féminine puisque consacrée aux bijoux portés par les femmes.

Avant même d’y entrer, entre les deux portes de la devanture, se trouve un bas-relief mettant La Femme et Les Bijoux en valeur, réalisé par l'orfèvre Christofle. Ce n’est probablement pas du meilleur goût, mais cette devanture est malgré tout inédite, faite de bois, de fonte et de vitraux représentant des portraits de femme.

paris,culture,art 

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L’intérieur est original et dépouillé, huit meubles au total, trois de part et d’autre de la profondeur, deux plus conséquents, en face de l’entrée et entre les deux portes. Mais quels meubles ! En face, vraisemblablement le comptoir où devaient se faire transaction, paiement et emballage des bijoux. Lieu où trône le patron (ou la patronne), remplaçant, pour le temps de la vente, le paon dans l’axe du regard des entrants au paradis du bijou. Un véritable trône avec un arrière fond digne des plus grandes monarchies empruntes de romantisme et d’indolence.

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Note d’humour ou d’amoureux de la nature : un second paon, moins ordonné, se promène entre paroi et plafond, comme pour faire un pied de nez au propriétaire.

 

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Face à la femme tronc du comptoir, entre les deux portes, un présentoir surmonté d’une statue sortant d’une glace reflétant l’ensemble du magasin.

 

 

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A gauche, une cheminée « bouche de requin » surmontée de son plateau (mais non, on parle de requin marteau !). J’avoue ne pas voir où l’on posait les bijoux. Cela devait vraiment servir à chauffer la boutique.

 

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 A droite, une fontaine, semble-t-il, également surmontée d’une femme, perchée comme un styliste sur sa colonne que les dragons cherchent à atteindre.

 

 

 

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Encadrant ces deux monuments, la cheminée et la fontaine, des présentoirs très style nouille, avec un air guerrier néanmoins. Les nouilles se rejoignent par le bas et le haut des cloisons, s’entortillant autour des pieds des meubles.

 

 

Admirons enfin le carrelage, magnifique mosaïque aux motifs géométriques, mais représentatifs.

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 Quelle belle réalisation. Il est dommage que de nombreux magasins au décor très particulier soient démolis sans précaution, ce qui ne fut heureusement pas le cas pour celui-ci puisque tout a été préservé.

  

Complément sur l’art nouveau d’Alfons Mucha à

 http://lartnouveau.com/flash/diapo/grands/mucha.html

 

 

 

17/06/2011

La porte étroite, d’André Gide, 1909

 

C’est le titre qui nous donne la clef du livre : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car la porte large et le chemin spacieux mènent à la perdition, et nombreux sont ceux qui y passent : mais étroite est la porte et resserrée la voie qui conduisent à la vie, et il en est peu qui les trouvent. »

Elle pourrait sembler banale et mièvre cette histoire de Jérôme et d’Alissa, cet amour de deux êtres qui ne cessent de s’aimer sans pouvoir se rejoindre. Juliette, la sœur d’Alissa, qui aime aussi Jérôme, est le prétexte du développement du thème du livre.

C’est le procès, fait par André Gide, d’une vie pieuse et d’une morale chrétienne mal comprise que s’imposèrent beaucoup de jeunes filles de l’époque. Ne jamais vouloir sacrifier au plaisir terrestre et immédiat, mais toujours s’imposer une conduite plus haute qui refuse le bonheur de ce monde pour un bonheur plus lointain. Croyant faire leur bonheur, elles bâtissent de leurs propres mains leur malheur et souvent celui des autres. Alissa se sacrifie d’abord pour sa sœur Juliette, puis ce sacrifice devenant inutile, elle se force à jouer son rôle par orgueil et fausse piété. Car c’est de cela dont Gide fait le procès, une fausse éducation chrétienne entraînant au péché par orgueil et exaltation, orgueil de sainteté et de renoncement. Le drame d’Alissa est de ne pouvoir choisir entre sa morale et son amour. Elle meurt de cette ambigüité sans oser la résoudre.

 

Jérôme et Juliette vivent une même ferveur religieuse, approfondie par des lectures communes. Au fil des ans, Jérôme ne cesse de souhaiter épouser Alissa tout en se forçant avec elle et pour elle à une vertu sans faille : « Je ferais fi du ciel si je ne devais pas t’y retrouver. » Malheureusement, Alissa découvre l’amour de sœur Juliette pour Jérôme. Elle annule leurs fiançailles, et laisse le champ libre à sa cadette. Mais celle-ci, assurée que Jérôme n’éprouve rien pour elle, rivalise dans le sacrifice en épousant un tiers. Une longue séparation permet à Jérôme et Alissa de retrouver une certaine sérénité. Ils échangent à nouveau leur amour sans toutefois évoquer la possibilité d’un bonheur matériel. Séparer à nouveau, en raison de cette obsession d’un bonheur trop haut, il se retrouve peu avant les derniers instants d’Alissa, qui meurt d’un goût trop prononcé pour le sacrifice.

Les souvenirs de Jérôme, très bien écrits malgré ce qu’en dit Gide (flasque caractère […] impliquant la flasque prose), ne sont que l’histoire de leur vie dont l’explication est donnée par le journal d’Alissa :

_ Pourquoi me mentirais-je à moi-même ? C’est par un raisonnement que je me réjouis du bonheur de Juliette. Ce bonheur que j’ai tant souhaité, jusqu’à lui offrir de lui sacrifier mon bonheur, je souffre de le voir obtenu sans peine, et différent de ce qu’elle et moi imaginions qu’il dût être. Que cela est compliqué ! Si… Je discerne bien qu’un affreux retour d’égoïsme s’offense de ce qu’elle n’ait pas eu besoin de mon sacrifice pour être heureuse.

Je suis comme humilié que Dieu ne l’exige plus de moi. N’en suis-je donc point capable ?

_ Il me semble à présent que je n’ai jamais tendu à la perfection que pour lui. Et que cette perfection ne puisse être atteinte que ans lui, c’est, ô mon Dieu, celui d’entre vos enseignements qui déconcerte le plus mon âme.

_ Hélas, je ne le comprends que trop bien à présent, entre Dieu et lui, il n’est pas d’autres obstacles que moi-même. Si, peut-être, comme il me le dit, son amour pour moi l’inclina vers Dieu tout d’abord, à présent cet amour l’empêche ; il s’attarde à moi, me préfère et je deviens l’idole qui le retient de s’avancer plus loin dans la vertu. Il faut que l’un de nous d’eux y parvienne, et désespérant de surmonter dans mon lâche cœur mon amour, permettez-moi, mon Dieu, accordez-moi, la force de lui apprendre à ne m’aimer plus, de manière qu’au prix des miens, je vous apporte ses mérites infiniment préférables… Et si mon âme sanglote aujourd’hui de le perdre, n’est-ce pas pour que plus tard, je le retrouve en Vous…

 

Epilogue, Jérôme et Juliette dix ans plus tard :

_ Si j’épousais une autre femme, je ne pourrai faire que semblant de l’aimer.

_ Ah ! Alors tu crois qu’on peut garder si longtemps dans son cœur un amour sans espoir ?

_ Oui, Juliette.

_ Et que la vie peut souffler dessus chaque jour sans l’éteindre ?

 

La critique littéraire Pascale Arguedas explique que « Ce court roman écrit en 1905, paru en 1909 — premier vrai succès de librairie d’André Gide — est le négatif de L’Immoraliste qui célébrait le monde enivré des couleurs, des parfums, du corps humain, une aspiration à la « gloire célestielle ». […] Histoire d'un sacrifice, de l’adultère, du protestantisme et du puritanisme, ce roman d'apprentissage et de l'abnégation, d’inspiration fortement autobiographique, se présente telle une parabole et rend compte d'une société refoulée dont l’auteur s'attache à dénoncer les failles. […] Dans un style sobre et dépouillé, André Gide exploite l’intérêt dramatique, moral et didactique, en observateur, analyste et peintre de lui-même, présentant Alissa comme le symbole de l'amour impossible. »

 

 

16/06/2011

Tourbillon

 

J'ai repris mes constructions bizarres à base de cubes.

Noir et blanc : j'aime ce contraste saisissant et la simplicité visuelle, sans atours, du dessin en volume qui s'échafaude progressivement. Si on le regarde sans chercher à distinguer le jeu des enchevêtrements, on ne voit qu'un amas ou, pour l'observateur déjà plus avisé, quatre grands ensembles de cubes montant ou descendant.

Regardez maintenant au centre, vous y voyez quatre cubes autour du losange. Ces quatre cubes pourraient être un escalier qui monte sans fin, dans le sens des aiguilles d'une montre. Si vous observez les rangs l'entourant, vous verrez qu'ils reproduisent le même effet de montée sans fin, et ainsi de suite.

C'est une sorte de tour de Babel dont les apparences sont trompeuses selon l'angle sous lequel on la regarde. Le sommet est-il au centre ou, au contraire, sur les côtés ?

En dehors de toutes ces considérations d'architecture, la beauté tient à ce monde imaginaire qui semble transcender le monde juxtaposé des objets de toutes formes.

 

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15/06/2011

Vide-grenier

 

Hétéroclite, quel drôle d’adjectif.

 

On nous dit : Qui s’écarte des règles habituelles,

Encore faut-il connaître ces règles !

Il semble plutôt que l’on peut en parler

Lorsqu’il n’y a pas de règles.

 

D’autres vous diront : De bric et de broc.

Avez-vous déjà été à un vide-grenier ?

On pourrait plutôt parler de bric à brac.

 

 

 

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Parcourant les rues au fil des objets,

Vous découvrez l’envers des apparences.

Sont étalés ce qui alluma un jour,

Dans le cœur ou l’esprit ou l’émotion

D’anonymes, l’étincelle nécessaire à l’achat.

 

Bien vite rejetés, ces articles nous parviennent,

Parfois dans leur emballage cartonné,

Comme un trésor enfoui et ignoré

Pour tenter de séduire un autre anonyme.

 

Ils arrivent également empoussiérés,

Comme un vieux chewing gum

Que certains jettent sur la chaussée

Et qui se collent sous la chaussure

Pour vous dire ne m’oublie pas.

Pourtant ils ne paient pas de mine.

 

Au-delà des objets, les gens :

Ceux qui vendent distraits, un demi-euro,

Ceux qui marchandent de trente à quinze,

Ceux qui n’ont qu’un prix et n’en démordent pas,

Ceux qui acceptent de donner ce qu’ils ont rejeté.

Voilà pour les vendeurs affichés.

 

Mais les acheteurs ont aussi leurs caractéristiques :

Ceux qui passent sans parler et sans voir,

Tournant en rond dans les allées d’objets,

Qui ne veulent rien sauf un moment de distraction,

Ceux qui parlent beaucoup et n’achètent rien,

Ceux qui ne parlent que pour donner un chiffre,

Ceux qui ont besoin de l’histoire de l’objet

Pour raconter pourquoi ils l’ont acheté,

Ceux qui vérifient, éprouvent la solidité,

Testent longuement tout ce qui peut casser,

Avant de laisser l’objet, exsangue et épuisé.

 

Il y a aussi d’autres gens, distraits,

Qui passent parce qu’ils habitent là,

Ou encore vont chez le dentiste ou l’orthopédiste.

On rencontre parfois celui qui sort sa voiture

Parce qu’il a oublié ce jour de festivité,

Contraignant le vendeur malheureux

A déménager son bric à brac

Qu’il ne considère pas comme hétéroclite

Parce qu’il pense être seul sur le marché

Des objets esseulés et inattendus.

 

Il y a ceux qui profitent de la fête

Pour vendre toutes sortes de biens,

A manger, à boire, ou même à fumer,

Pas celle des saucisses qui grillent

Stoïques sur une plaque de tôle,

Pour la magie des enfants du quartier

Et le plaisir des affamés prudents.

 

Pêle-mêle sont les articles disparates :

Pelles sans manche, manche sans bras,

Bras de fer, fer de lance, balance.

On trouve de tout dans le bric à brac

De personnes et d’objets hétéroclites

Qui vont de bric et de broc jusqu’à la fin du jour.