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13/04/2011

Méditation de Genèse 1 : du 1er au 7ème jour (suite de Genèse du 29 mars)

 

 

               "La plus belle et la plus profonde émotion que nous puissions expérimenter est la sensation mystique. C'est la semence de toute science véritable. Celui à qui cette émotion est étrangère, qui n'a plus la possibilité de s'étonner et d'être frappé de respect, celui-là est comme s'il était mort. Savoir que ce qui nous est impénétrable exige réellement, et se manifeste à travers la plus haute sagesse, la plus rayonnante beauté que nos faibles facultés peuvent comprendre seulement dans leur forme la plus primitive, cette connaissance, ce sentiment, est au centre de la vraie religion."

Albert Einstein

 

 

 

 

Avant le premier jour

 

* Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre

 

Ce commencement qui nous semble à l'évidence le commencement des temps, est une mauvaise traduction du mot hébreu "bereshit". Le latin "in principio" et le grec "arche" traduisent mieux le sens intemporel du terme hébreu.

Certains exégètes considèrent ce premier verset comme un résumé de ce qui va suivre. Saint Augustin considère quant à lui qu'il s'agit du premier acte créateur, un acte qui se situe hors du temps. Manifestement, ce ciel et cette terre ne sont pas notre ciel et notre terre, créés aux 2° et 3° jours.

 Ce commencement ne marquerait-il pas l'apparition de deux états, de deux possibilités d'être en dehors de l'Etre unique de Dieu. Le premier état serait céleste, divin, mais distinct de Dieu ; le second, évolutif, étant seul imaginable à l'homme. Ce commencement serait donc une limite conceptuelle au‑delà de laquelle la pensée humaine ne peut pénétrer.

Admirons la profondeur du texte en notant que ce premier verset pose en premier lieu le caractère fondamental de notre monde : la dualité. Nous évoluons dans un monde dualiste où rien n'est concevable sans oppositions, différences, changements, impermanence. La pensée humaine elle-même ne peut être qu'en raison de ce caractère dualiste. Au‑delà de la dualité, il n'y a plus de pensée.  

                   

  * La terre était informe et vide

 

Ce verset est sans doute le plus fascinant du récit. Il conduit la pensée jusqu'à sa limite : l'absence de quelque chose. Certains diront qu'il s'agit du néant. Ne serait-ce pas plutôt un état virginal. L'univers, ou ce qui sera l'univers, est vierge. Ce sont les eaux primordiales entourées du néant. C'est l'apparition d'un état qui va permettre à un monde nouveau d'être. L'Esprit de Dieu est là, veillant sur cette nouvelle possibilité d'être avant même qu'elle ne soit. Sans ce souffle divin, les eaux ne seraient pas. Cependant les eaux et le souffle divin sont distincts.

 

 

  

Premier jour

 

Dans cette possibilité d'être que sont les eaux primordiales, Dieu va faire surgir la lumière, premier état matériel de l'univers.

 

 Avant la théorie de la relativité restreinte d'Einstein, les savants avaient décrit l'univers comme le contenant de deux éléments distincts, la matière et l'énergie. Einstein a montré, dans la célèbre équation E = mc2, que la matière est de l'énergie et que l'énergie est de la matière.

 Deux cosmologistes, l'abbé Lemaitre, un jésuite belge, et l'américain Gamow, donnent comme origine à l'univers un prodigieux et unique atome primitif, sorte de noyau de feu fait de pure énergie. Ainsi, la lumière, ou l'énergie, serait bien à l'origine de l'univers. C'est à partir de cet événement que l'espace, le temps, la matière vont pouvoir exister.

           

 Notons aussi que la physique moderne a mis en évidence que la vitesse de la lumière est la plus haute vitesse possible dans l'univers et la seule constante universelle. Sa vitesse ne varie pas en fonction du cadre espace-temps (équation de la transformation de Lorentz).

           

 Enfin remarquons que les savants n'ont encore pu déterminer la nature même de la lumière. Celle-ci, à l'expérience, se révèle tantôt corpusculaire, tantôt ondulatoire. En fait ce sont les conditions de l'expérience, l'observateur lui-même, qui crée le résultat du phénomène observé. Nous sommes ici à la limite des possibilités d'appréhension de l'homme. Celui-ci, spectateur et acteur dans l'univers, est prisonnier de lui-même. Sa raison ne peut aller au‑delà de ce qui constitue les bases de sa propre existence.

Ce premier jour, c'est le big-bang, proposé en 1927 par le chanoine catholique belge Georges Lemaître. Cette théorie de l’expansion de l’Univers fut ensuite mise en évidence par Edwin Hubble en 1929. Consultez les sites consacrés au big-bang et à la première photo de l'univers:

 

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 From : http://fr.wikipedia.org/wiki/Big_Bang

 

     

 Deuxième jour

 

Qui, en regardant le ciel un soir d'été, n'a jamais été saisi par le spectacle angoissant et fascinant de l’univers ? Fugitivement l'être entier se laisse pénétrer par l'immensité de l'espace, par l'inexorable écoulement du temps, par la froideur de la matière stellaire. Empli d'humilité, l'homme entrevoit les limites de la pensée, du savoir, en raison même de sa dépendance cosmique.

 

 Ce deuxième jour est celui où Dieu pose le cadre de notre monde : cadre conceptuel dans lequel la pensée va pouvoir s'exercer, cadre matériel qui est l'univers. Séparant les eaux du dessus des eaux d'en dessous, Dieu limite l'univers et en fait quelque chose de fini, un système propre à lui-même, se développant selon ses lois propres. Après avoir fait apparaître l'énergie et par là la matière originelle, il la limite dans l'espace et par là dans le temps.

 C'est encore Albert Einstein qui, dans la théorie de la relativité générale, mit en évidence que l'univers pouvait être décrit comme un "continuum à quatre dimensions" : l'espace (à trois dimensions), le temps (quatrième dimension) et la masse sont indissociables. Toute réalité existe la fois dans l'espace et dans le temps, et les deux sont inséparables. L'espace est simplement l'ordre de relation des choses entre elles. Si rien ne l'occupe, il n'est rien. En d'autres termes, sans matière, pas d'espace. Et de même que l'espace est seulement un ordre possible des objets matériels, de même le temps est seulement un ordre possible des événements.

 

L'univers se définit donc par la masse de matière qu'il contient. Cette masse originelle reste fermée sur elle-même, immense courbe cosmique close. Dans cet univers, il n'y a pas de lignes droites, seulement de grands cercles, et l'espace, quoique fini, est sans limites.

 

Une bulle de savon ridée à la surface en est peut-être la meilleure représentation. L'univers ne se trouve pas à l'intérieur de la bulle de savon, mais à sa surface, et nous devons toujours nous souvenir que, tandis que la surface de la bulle de savon a deux dimensions, la bulle de l'univers en a quatre, trois dimensions d'espace et une dimension de temps. La substance à travers laquelle la bulle a été soufflée, la mousse de savon, n'est qu'un espace vide. De plus, les observations astronomiques ont montré que toutes les galaxies de l'univers s'éloignent les unes des autres à des vitesses considérables comme si la bulle de savon grossissait en permanence.

 

Voir : http://ciel.science-et-vie.com/2010/07/05/lunivers-entier...

 

 

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Photo de l'univers prise par le satellite Planck.  Depuis sa lointaine orbite, parallèle à celle de la Terre, à 1,5 million de km d’ici, le télescope spatial de l’Agence spatiale européenne (ESA) vient tout juste d’achever la première partie de sa mission : scanner le ciel entier avec son télescope.

   

Enfin, cet univers fini n'est pas seulement une limite matérielle pour l'homme. Il représente également une limite conceptuelle, c'est à dire qu'il limite la pensée qui ne peut fonctionner que dans le cadre espace-temps-objets.

 

Jean E. Charron, auteur d'une théorie unitaire de l'univers, fait apparaître trois niveaux successifs d'appréhension du monde qui nous entoure :

- Le connu, qui s'appuie sur l'observation (méthode phénoménologique), mais qui ne peut faire abstraction de l'observateur. Son langage dit objectif s'appuie sur la notion d'objets.

- Le réel, qui est une généralisation du connu permettant d'accéder à une description de la nature indépendante de l'observateur. Son langage est symbolique. Ainsi la géométrie est le langage approprié à une description de l'univers.

- Enfin, ce n'est pas parce que l'on décrit l'univers au moyen de la géométrie que l'univers est de la géométrie. Ce qu'est l'univers, nous n'en savons rien. Nous n'en connaissons que l'image rationnelle que s'en est faite l'intelligence rationnelle. On ne peut savoir "ce qu'est l'univers" que par intuition, et, par définition, l'intuition est personnelle, donc ne peut constituer les éléments d'une science. Elle ne peut s'exprimer, se faire partager, qu'à l'aide d'un langage symbolique qui ne donne qu'une description et non ce qui "est".

 

  

 Conclusion

A chacun de poursuivre au‑delà cette méditation : apparition de la vie végétale, puis animale, enfin de l'homme. Elle nous a conduits de l'origine du monde à l'homme. Nous avons vu que le problème de l'appréhension de cette origine est moins matérielle que conceptuelle : la pensée rationnelle, fondée sur la dualité, ne peut aller au‑delà d'une certaine frontière. Le monde englobe l'homme ; l'homme, en tant qu'être matériel, est inséparable de l’univers ; il ne peut donc en franchir les limites.

 

 

         En appendice et à titre de curiosité sur ces réflexions qui ne sont pas nouvelles, empruntons ces dix propositions aux "Commentaria en scripturam sacram", de Cornélis Cornelissen von des Steen (1567-1637), jésuite belge, professeur d'écriture sainte à Louvain, puis à Rome.

 

1. Le monde des corps n'est pas éternel, car il a été créé par Dieu au commencement des temps.

2. Toute la création n'a pas eu lieu en un moment, mais elle s'est parfaite peu à peu dans les ères successives.

3. Le premier état de la terre était chaotique.

4. Le premier phénomène dans notre monde fut une grande lumière, ou un feu.

5. La loi que Dieu s'est imposée en créant le monde, c'est que les choses les plus simples et imparfaites apparussent d'abord et que les plus parfaites et complexes se produisent ensuite.

6. La terre, qui plus tard devait apparaître comme sèche et commencer à se couvrir de verdure, a émergé des eaux.

7. Pendant quelque temps, il n'y eut sur terre nulle vie, ni végétale, ni animale.

8. Les plantes terrestres ont émergé avant que les êtres nageant, rampant, marchant, eussent animé les eaux, l'air et la terre.

9. Les mammifères ne sont nés qu'après d'autres animaux moins parfaits et tandis que déjà les eaux grouillaient d'animaux divers.

10. La création de l'homme marque la fin du règne animal.

 

 

 

 

 

12/04/2011

Parabole soufie

 

Ecoute une parabole soufie :

 

Un homme frappe la nuit à la porte de sa bien-aimée. Elle demande de l’intérieur : « Qui est-ce qui frappe ? » Il répond : « C’est moi ». « Va-t-en », répond-elle avec dureté. Furieux et déçu, il s’en va.

Il essaie d’oublier sa bien-aimée en se livrant aux plaisirs du monde. Il n’y arrive pas. Il sent un vide immense et au bout de quelques années, il se tient à nouveau devant la porte de sa bien-aimée. Elle demande à nouveau : « Qui est-ce qui frappe ? » et il répond une fois encore : « C’est moi ». Et la dure réponse tombe à nouveau : Va-t-en ». Mais elle ajoute cette fois-ci une parole énigmatique : « Pourquoi ne trouves-tu pas le mot qui me ferait t’ouvrir ? »

Il se retire abattu, mais non pour aller au monde, mais vers la solitude. La sagesse grandit peu à peu dans son cœur, son amour se fait moins passionné, mais plus profond. Cet amour le conduit, maintenant paisible et humble, encore une fois jusqu’à la maison de sa bien-aimée. Il frappe doucement. Elle demande : « Qui frappe ? » Il répond silencieusement : « C’est toi ! » Et la porte s’ouvre immédiatement.

 

 

Le soufisme est un mouvement mystique apparu au VIIIème siècle dans l'islam. Initialement né dans l'orthodoxie sunnite, il a également influencé les chiites. Les soufis se sont organisés en confréries fondées par des maîtres spirituels. Chaque soufi se rattache à une "chaîne" qui représente sa généalogie spirituelle, grâce à laquelle il est relié par différents intermédiaires au Prophète.

Selon les soufis, toute existence procède de Dieu et Dieu seul est réel. Le monde créé n’est que le reflet du divin : "L’univers est l’Ombre de l’Absolu". Percevoir Dieu derrière l’écran des choses implique la pureté de l’âme. Seul un effort de renoncement au monde permet de s’élancer vers Dieu : "L’homme est un miroir qui, une fois poli, réfléchit Dieu". Le Dieu que découvrent les soufis est un Dieu d’amour et on accède à Lui par l’Amour : "Si tu veux être libre, sois captif de l’Amour".

 

11/04/2011

Un dimanche matin

 

On y pense déjà la veille, sans le dire, moutonnant en soi-même un plan ou plutôt des interrogations : trainasser dans son lit en lisant un bon livre, se lever tôt pour aller courir loin et longtemps, faire du rangement dans les notes accumulées ? Et puis, l’on se dit que ce n’est que samedi et le samedi reste fébrile bien qu’on ne travaille pas. Alors, on verra demain.

Et le lendemain arrive. Comme tous les matins, on ouvre un œil, on regarde dormir l’amour de notre vie et soudain, on se dit que c’est dimanche, jour spécial, qui peut en un instant virer de l’ennui à l’intérêt, de la solitude à la réunion de famille, du cocon maison aux foules anonymes. Mais pour le moment, le nez enfoui sous le drap, l’œil clair malgré tout, l’on se demande que faire ou même comment ne rien faire.

Alors, on se lève, doucement, et on va à la cuisine, préparer un café : mettre de l’eau fraiche dans le réservoir, ajouter le filtre de papier, puis laisser couler de la boite au cratère de la cafetière le sable brun-noir jusqu’à ce que l’on juge qu’il y en a trop. Alors, avec une cuillère, remettre un peu de poudre dans la boite, jusqu’à ce que l’équilibre soit trouvé, jamais vraiment en équilibre, mais plutôt dans l’attitude fallacieuse des enfants qui estiment qu’ils en ont fait assez et qu’il faut passer à autre chose. Puis, on regarde par la fenêtre et comme celle-ci donne sur l’est, les premières lueurs du jour apparaissent. Les gargouillis de la cafetière viennent troubler cette contemplation et rappellent ce besoin vital, le matin, de boire un breuvage chaud, au goût défraichi parfois, ou même un peu écœurant lorsque la veille le repas fut prolongé. On revient vers la cafetière qui déjà a déversé son arôme dans l’air de la cuisine, envahissant peu à peu le salon, sans cependant atteindre la chambre où dort encore l’aimée. On se verse une tasse de café, on y ajoute un peu de lait et on boit en regardant le jour se lever.

C’est décidé, grasse mate jusqu’à 10h, les pieds sous la couverture, le livre sur le ventre, pendant que l’aimée se rendort dans le creux de votre épaule. Je me laisse aller à la rêverie imposée par la lecture, l’imagination galopante, le corps écrasé sur le lit, là où je l’ai posé quelques minutes auparavant. Une heure ? Déjà !

Le charme est rompu par la remarque. Partir, prendre la voiture et rouler où bon nous semble, c’est-à-dire n’importe où, en ayant cependant ausculté la carte et longuement discouru sur une promenade dont le seul but est de nous décharger de la responsabilité d’une occupation culturelle ou intellectuelle en un dimanche comme les autres, sous un ciel gris et tiède. S’habiller, déjà ? La moitié de la matinée s’est à peine écoulée que le ressort est de nouveau tendu, prêt à être déclenché pour remettre en route la machine humaine, la faire active et vivante.

Qu’elle était bonne cette matinée où ne rien faire signifie se laisser faire !

 

 

10/04/2011

Gisant

 

On a tort de sourire du héros qui git en scène, blessé à mort et qui chante un air au théâtre. Nous passons des années à chanter en gisant.

Frantz Kafka, Lettres à Milena (Posthume, 1952)

 

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09/04/2011

Je suis la préhistoire

 

Je suis la préhistoire, l’histoire des histoires

On m’écrit sans majuscule

 Mais je possède la tendresse des renoncules

Je ne vis pourtant que le soir

Lorsque la lune montre ses quartiers

Aux yeux effrayés du hibou malchanceux

Qui se branche sur les oliviers

Je n’ai pas plus de raison d’ailleurs

Que la taupe au cri caverneux

 

 

08/04/2011

Ballade pour piano et orchestre, de Gabriel Fauré

 

From : http://www.ina.fr/audio/PHD07008833/gabriel-faure-ballade-pour-piano-et-orchestre.fr.html

 

Le piano introduit le thème et l’énonce en rythmant la ballade de la main gauche d’une manière cadencée comme les pas d’un promeneur sur un chemin de terre et pour qui l’orchestre serait le motif de la rêverie, le paysage de paix et de douceur en parcourant le cheminement des images du cerveau.

L’orchestre joue aussi le rôle de catalyseur de la sensation pour entraîner le piano dans une rêverie plus prolongée et irisée comme la pluie qui tombe goutte à goutte sur la surface lisse de l’eau, la violant d’ondes multiples, mais lui donnant la consistance d’une matière palpable.

Il s’agit bien d’une ballade, d’une promenade pourrait-on dire, reposante, dans sa première partie, plus agitée dans la seconde, comme une course d’enfants dans la campagne, dévalant les prés vers une rivière qui court et s’échappe dans le lointain. Le paysage à l’horizon est fait de forêts mystérieuses, mais tendres, au point que l’on a envie de les caresser. Parfois, la ballade est une marche lente, comme si le promeneur s’arrêtait pour regarder le paysage, s’emplissait les sens de bienfaits rayons qui l’enchantent. Puis, le rythme reprend d’une marche, parfois course, vers la liberté retrouvée d’un jour d’été quand les fleurs essaiment encore les prés et que les bourdons s’en donnent à cœur joie pour recueillir leur suc.

 

 

07/04/2011

Palais Royal

 

Brouhaha habituel des jardins publics : cris d’enfants, conversations d’adultes, raclement des pieds ferrés des chaises sur le sol, titillements sonores des jets d’eau du bassin qui se meuvent en corolles blanches de différentes hauteurs, foisonnement de couleurs et de sons qui donnent l’ambiance insolite de ce jardin enserré entre les galeries du palais édifié pour le cardinal de Richelieu, qui devint ensuite résidence royale puis lieu d’agitation révolutionnaire, pour, après un nouvel intermède royal, recevoir le Conseil d’Etat.

 

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Passage le long des galeries, où un magasin de gants fait étalage de sa marchandise diversifiée, mains mortes pendant dans le vide ou mains dressées comme un sceptre héraldique. 

 

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Les promeneurs passent à pas lents, concentrés sur leurs chaussures, faisant crisser le gravier à chaque nouvelle enjambée. Ils errent sans but, avec pour seul plaisir un regard au soleil qui passe près des toits. Certains discutent entre eux, calmement, posément, comme un club d’intellectuels sur une question épineuse. Chacun passe à côté du bouquet fleuri éclairé par le soleil de printemps.

 

 

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Assis en rond autour de la fontaine, les uns et les autres vaquent à leurs occupations. L’un, lunettes noires couvrantes, les pieds sur la margelle du bassin, téléphone d’un air entendu à un mystérieux correspondant. L’autre lit, dans la même position, un foulard autour du cou, lunettes noires également, la chevelure abondante obscurcissant son visage. En fait, je le découvre avec un temps de retard, c’est une femme. Je l’ai perçu à son geste, féminin malgré tout, bien qu’elle porte la tenue unisexe, blue-jean et tennis. Un autre encore, un homme, c’est certain, toujours dans la même pose, les pieds sur la margelle, jambes tendus, à moitié allongé sur sa chaise, les mains croisées sur le ventre, semble dormir. Il écoute de la musique, ouvrant parfois un œil, peut-être même les deux, les rayons du soleil luisant sur son crâne rasé. Quatre jeunes filles installent leurs chaises à proximité, en uniforme, collants noirs et tennis rouges, le haut leur laissant l’initiative de l’improvisé, chacune d’elles sirotant une boite d’aluminium contenant un jus de citron plus jaune que la normale.

 

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Jeu de reflets de la fontaine dans le rayonnement du soleil, l’eau montant et descendant au gré d’un ordonnateur invisible, s’égrainant à mi-hauteur en mille perles étincelantes avant de retomber sous le poids de la pesanteur. Au pied de ces jets d’eau, la surface bleuissant du bassin se pare de mousse argentée piquetée d’éclaboussures semblant sortir de sa profondeur comme la lave à la surface d’un volcan laisse éclater des bulles de gaz dans lesquelles se noie le regard. Le reste du bassin, par le jeu de la bise et du soleil, est couvert de nénuphars virtuels, bleus clairs, presque gris, flottant sur l’eau et scintillant de légèreté. Le vent parfois projette quelques gouttelettes sur la margelle, jusqu’à couvrir le visage d’une très légère brume qui rafraichit les idées et ramène à la réalité.

 

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Immuable, rien ne bouge autour du bassin, comme immobilisé dans une béatitude intemporelle. Si, cependant ! La femme unisexe s’est métamorphosée en une autre femme ou jeune fille, également unisexe, mais chaussée de boots montant aux lacets jaunes. Même attitude, même foulard enserrant le cou, juste les cheveux moins proliférants, mais lisant également un livre semblable posée sur ses cuisses allongées.

 

Lentement le soleil descend, rase une première cheminée, puis une deuxième, pour progressivement s’éteindre derrière le toit plat. Il est l’heure de quitter ce moment d’observation et de vagabondage de l’esprit. A regret, je me lève et pars, sans un regard sur le collier de perles du bassin.

 

 

06/04/2011

Il rêvait de paysages sublimes

 

Il rêvait de paysages sublimes,

De grottes sonores et vierges,

De sommets aux émotions douloureuses,

De vallées apaisantes et fragiles,

De canyons rupestres et désertiques,

D’oasis endolories et charmeuses,

De collines chaleureuses et tièdes,

De plages alanguies et iodées,

De ruisseaux débordants et glacés,

De cratères cuisant et soupirant,

De forêts brumeuses et assourdies,

De plaines ouvertes, attendrissantes,

Où se noie le regard hébété

Des vieux et des plus jeunes,

Jusqu’au moment ignoré

Où tout ceci s’éteindra

Pour se concentrer sur le rien

Qui deviendra le tout

L’unique, la fin,

Le commencement,

L’incommensurable délire

De jours sans fin

Et de nuit sans sommeil.

 

Repose maintenant

Dans l’aurore qui se lève,

Etends tes membres endoloris

Dans le souffle du matin,

Trouve l’herbe odorante,

Pose ta joue sur la pierre ronde,

Et, les yeux ouverts,

Le cœur à vif,

Les doigts de pied croisés,

Endors-toi dans tes rêves d’enfant,

Jusqu’à l’anti-instant

Où la vie bascule,

Et se perd dans l’infini.

 

 

05/04/2011

Les chants de la messe catholique romaine

 

Le concile Vatican II publia en 1967 une Instruction de la Sacrée Congrégation des Rites sur la musique sacrée dans la liturgie. Cette instruction précisait le degré de participation des fidèles au chant et émettait un certain nombre de recommandations. Depuis, beaucoup de celles-ci ont été ignorées et le chant liturgique, en particulier en France, s'est malheureusement tourné vers la musique profane et populaire, c'est-à-dire la musique de variété. Ce n'était pas la volonté de Vatican II. Le dommage est grand. C'est à peu près comme si l'on avait rasé les cathédrales et églises anciennes, sous prétexte de modernité, pour ne plus accepter que les églises de béton.

 

Cliquez sur  -->     Les chants de la messe catholique romaine.pdf

 

 

04/04/2011

Prânâyâma

 

Prânâyâma est un terme sanskrit constitué des deux mots énergie (prana) et vitalité (ayama). Il signifie retenue du souffle de la respiration pour contrôler sa santé physique, émotionnelle et mentale. Le souffle lave le corps des impuretés accumulées dans la vie quotidienne. Il atténue l'impact émotionnel par la prise de recul. Il vide le mental de ses pensées permanentes qui s'entrechoquent. Il révèle l'esprit qui signifie souffle (spiritus) et donne accès à l'invisible.

Ce dessin à l'encre de Chine tente de mettre en évidence la réalité du prânâyâma : allégement du corps et du mental par la pratique contrôlée de la respiration sous la conduite d'un maître.

 

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03/04/2011

Jeune Finlandaise, de Sonia Delaunay (1907), au centre Pompidou

 

Est-elle réellement jeune ? Son corps d’adolescente le laisse supposer, mais son visage est marqué par la vie. Inquiète, elle se croise les mains, mais garde les bras tendus. Son corps bleu reste chétif alors que son visage, en grande partie rouge, semble presqu’enflé. On pourrait penser à un visage africain hormis ses lèvres trop fines. Visage disproportionné par rapport au corps. Elle regarde au loin, sans réelle expression. Aucun décor, fond ou paysage ; simplement un bleu de Prusse, plus foncé au bas du tableau comme pour suggérer un banc.

 

Jeune finlandaise-Sonia Delaunay 3.jpg

 

Et pourtant ce tableau est beau, sans doute par ses contrastes, entre le fond et le personnage, entre le corps et la tête, entre le bleu et le rouge, comme si le personnage était éclairé par un soleil couchant qui l’inonde de lumière par le côté. Les couleurs, insolites pour un corps humain, donnent à la jeune fille une beauté irréelle, comme une fleur offerte au milieu du désert. Perdue dans sa contemplation, elle apparaît fragile, avec cependant une force intérieure cachée que suggère son attitude.

 

Sonia Delaunay est une adepte de la couleur pure qui remplace le dessin, devient dessin. Avec son mari, Robert Delaunay, ils fondent en 1911 un mouvement pictural, l'orphisme, ainsi dénommé par Guillaume Apollinaire. Ce mouvement se caractérise par l'utilisation de couleurs vives associées en formes géométriques dans toutes sortes de supports, peinture sur toile, céramique, textile, etc. Dans un de ses meilleurs tableaux orphiques, « prismes électriques », la couleur est toujours là, vive, tranchante, les cercles concentriques donnant l’illusion d’un regard face à face avec l’éblouissante lumière des ampoules électriques jusqu’à ce que l’œil pleure du trop plein de luminosité.

 

 

 

Sonia Delaunay - Prismes Electriques.JPG

 

From : http://beaubourg2010.blogspot.com/2010/05/sonia-delaunay-prismes-electriques-1914.html

 

 

 

 

 

02/04/2011

Merci à vous, passants d’un jour

 

Merci à vous, passants d’un jour,

Pour votre indifférence fébrile

Et vos pensées perdues.

Je peux marcher sans peine,

Sans arrachement difficile

Dans la cité virtuelle

Des avatars déjantés, mais sereins,

Courant au devant d’un autre lui-même

Pour finir le soir endormi sur la table

Des images luisantes d’un moniteur.

 

Merci à ceux qui passent

Sans voir la lente remontée

Des hébergeurs échevelés

Au lendemain des heures

Où dorment les malins dodus.

 

Merci aussi à toi,

Initiateur irréel et magique,

D’excursions abruptes et échevelées,

Dans les chambres fermées

Où d’étranges silhouettes

S’épanchent sans vergogne.

 

Adieu, vous qui m’avez donné

Idée de ces mondes délirants

Où l’homme redevient,

A l’égal des rois au pouvoir estimé,

Le seul propriétaire de rêves indolores.

 

Mes voyages s’arrêtent faute de courant.

Ce matin le maître de l’électricité

A coupé l’énergie qui m’alimente

En visions fantasmagoriques.

Plus rien ne me conduit

Vers les cieux glorieux de l’imagination.

« Dors », me dit-on, ou encore, « réveille-toi ».

 

 

01/04/2011

Circulaire

 

Telle une rose mécanique, elle s'ouvre en perspective inversée, s'épanouissant à l'extérieur et se concentrant à l'intérieur, en recherche d'un équilibre stable entre les oppositions.

 

 

dessin

 

 

 

31/03/2011

Paludes, d’André Gide, publié en 1895

 

Paludes, c’est l’histoire du terrain neutre, celui qui est à tout le monde, l’histoire de la troisième personne, celle dont on parle, qui vit en chacun de nous, l’histoire de l’homme couché (dans Virgile, il s’appelle Tityre), homme ordinaire qui s’accommode de son petit domaine.

« La perception commence au changement de sensation, d’où la nécessité du voyage », dit André Gide. « On ne sort pas, c’est un tort. D’ailleurs on ne peut pas sortir. Mais c’est parce que l’on ne sort pas. On ne sort pas parce qu’on se croit déjà dehors. Si l’on se savait enfermé, on aurait du moins l’envie de sortir. »

Autre propos de l’homme qui ne peut pas voyager : « Il y a des choses que l’on recommence chaque jour simplement parce qu’on n’a rien de mieux à faire ; il n’ya là ni progrès, ni même entretien, mais on ne peut pas pourtant ne rien faire… C’est dans le temps le mouvement de l’espace des fauves prisonniers ou celui des marins sur les plages. »

 « Etre aveugle pour se croire heureux. Croire qu’on y voit clair pour ne pas chercher à voir puisqu’on ne peut se voir que malheureux. »

Pourtant, il ne s’agit pas de voir ou d’être aveugle, mais bien d’ignorer la recherche de la lentille qui donnera la vue. On ne peut être que par rapport à quelque chose qui résonne en nous. « Je ne puis jamais arriver à me saisir moi-même sans une perception, dit Hume. Nous sommes seulement un faisceau ou une collection de différentes perceptions qui se succèdent avec une inconcevable rapidité, et qui sont dans un flux et un mouvement perpétuel. »

Paludes raconte la semaine d’un écrivain en mal de voyage. Y domine le personnage de Tityre, berger de tous les temps, habitant des marécages où fourmille une vie insolite. Qui est Tityre : Celui qui vit dans des marais, disposant d’un emploi du temps prédéfini dans un agenda et qui contraste avec le modèle de vie de son auteur qui fréquente les salons parisiens ? Hubert, qui chasse la panthère, imprégné de rationalité ? Richard, peut-être, l'orphelin qui épouse une femme sans amour ? Ou le narrateur qui voyage avec Angèle jusqu’à Montmorency ? Dans cette satire des salons littéraires de Paris, les descriptions sont ironiques. Gide qualifiait ce livre de sotie et réfutait le terme de roman. La caractéristique principale de cette œuvre de Gide est la modernité de son style et de son récit.

En juillet 1895, Camille Mauclair écrit à propos de Paludes dans le Mercure de France : « J’aime Paludes, comme tout ce qu'écrit M. André Gide, parce que cela vient d'une âme extrêmement fine, hautaine et souffrante, et qu'il y a éparses dans ses livres quelques unes des choses du cœur que nous aurions tous voulu dire aux grandes minutes passionnées de notre vie. C'est le caractère spécialement prenant de son œuvre, qu'elle naît du dedans, intensément. C'est très difficile, littérairement parlant, d'imaginer, de construire et d'écrire ce petit livre apologique, et il est fait avec un charme et une légèreté que peu d’entre nous ont connus. Mais on ne s'en aperçoit même pas, tant on va d’un bout à l'autre avec l'impression qu'il faut ici s'occuper non d'un talent, mais d'une âme. »

 

 

30/03/2011

Un jour nous irons nus et libres

 

Un jour nous irons nus et libres

Contempler les fils d’araignée

Et leur danse au soleil de midi

 

L’air oubliera le poids des jours

À l’odeur des feuilles mortes

 Et ton visage purifié s’ouvrira

À la caresse de l’herbe tendre

 

Nous irons dans les chemins de pierre

Reconstruire l’amour fragile

Et lui donner les forces vives

De l’arbre parmi les arbres

 

Le soir, couché sur la terre fumante

Je trouverai dans tes cheveux d’automne

L’odeur de nos joies du jour

 

 

poésie,poème,littérature,liberté

 

29/03/2011

Genèse

 

"Qui suis-je ?"  Chaque homme, à un moment ou à un autre, se pose la question. Très vite, cette interrogation se dédouble : "D'où viens-je et où vais-je ?" Cette curiosité que nous avons sur nos origines est bien souvent une manière d'évacuer l'angoissante question de la mort. L'interrogation viscérale sur notre fin se transforme souvent, inconsciemment, en curiosité intellectuelle sur notre commencement. Chaque civilisation tente, avec ses moyens, de répondre à cette question des origines de l'homme. Notre civilisation n'y échappe pas. Matérialiste, elle cherche dans la matière, avec la science, l'origine de l'aspect visible et palpable de l'homme. Spiritualiste, l'hindouisme explique l'homme comme étant l'Un divin englobant la totalité (atman) qui revêt à chaque incarnation un corps différent qui lui permettra de prendre conscience de sa divinité originelle et de la réaliser.

Le livre de la Genèse, premier livre de la Bible, semble donner une réponse aux interrogations du chrétien. Cependant, cette explication, ou tout au moins la manière dont on nous l'a souvent transmise, nous gêne. En effet, certains catéchismes ont repris et simplifié la Genèse pour en faire un récit quelque peu enfantin où les deux premiers chapitres s'amalgament.

Il nous faut découvrir, en les relisant attentivement, ce que nous disent les deux récits de la création; puis prendre conscience que contrairement à ce que l'on pense, ils ne s'opposent pas à la conception scientifique de l'homme et de l'univers ; enfin tenter de comprendre comment à travers ces récits, c'est une conception globale de l'homme qui est révélée et non son origine dans le temps. Chaque récit apporte une vision différente de l'homme. Le premier en révèle l'aspect cosmique. Il est construit comme une pyramide à étages dont l'homme est le sommet. Le deuxième insiste plus sur l'aspect psychologique et pourrait se définir comme un cercle dont l'homme est le centre.

De nombreux exégètes se sont penchés sur les récits de la Genèse. Ils les ont décortiqués, analysés selon de nombreuses méthodes, comparés avec les mythes de l'époque. Il ne s'agit pas de reprendre les résultats de ces savants travaux qui n'étudient que l'aspect humain de l'Ancien Testament. Il ne s'agit pas non plus d'ajouter de nouvelles explications destinées à satisfaire notre curiosité intellectuelle. Il ne s'agit pas au fond d'éclairer le texte, mais au contraire de voir comment il peut nous éclairer sur les questions que nous nous posons. Il s'agit donc de faire naître une certaine harmonie entre nous et la révélation contenue dans le texte. Nous comprendrons alors que la Bible répond à la question "Qui suis-je ?" sans référence à une origine temporelle et matérialiste. Elle ne procède pas par raisonnement. Elle révèle l'homme dans sa globalité et son unité et le situe dans ses relations avec Dieu et avec l'univers.

 

CONTENU DU CHAPITRE 1 DE LA GENESE

___________

En lisant le premier chapitre de la Genèse, laissons nous porter par la beauté du texte, envahir par la vision cosmique qu'elle engendre et dépassons nos petites interrogations terre à terre et matérialistes sur l'origine de nos chromosomes. Au‑delà du visible commence un monde nouveau. Le récit entrouvre le voile de l'invisible à qui le médite en oubliant sa vision égocentrique des êtres et des choses.
Dieu est bien le centre du récit, celui par qui tout arrive, celui par qui tout existe. Il est présent à chaque phrase et est bien le sujet de toutes les actions accomplies.

 

Comment Dieu crée-t-il ?

En Dieu, la pensée, la parole, l'action sont une.

v Dieu crée d'abord par la parole
Dieu dit. Il crée en disant. Et comment dit-il, sinon par le Verbe ?

Deux sujets de méditation :

r Evangile selon Saint Jean :
" Au commencement était le Verbe, la parole de Dieu. Et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. Par lui tout s'est fait, et rien de ce qui s'est fait ne s'est fait sans lui."

r La parole est créatrice.
Notre parole est action, elle agit. Si la parole est mauvaise, elle engendre le mal, et inversement.
Prenons-nous garde à nos paroles ?

v Dieu crée ensuite par l'action
. Il sépare la lumière des ténèbres, les eaux du dessus des eaux du dessous.
. Il fait le firmament, les luminaires, les animaux terrestres.

v Dieu crée enfin par la pensée
Il se dit à lui-même "Faisons l'homme à notre image..."

 

Que crée-t-il ?

Il crée huit ensembles qui correspondent aux huit "et Dieu dit".  Ce sont :
. la lumière,   
. le firmament,
. le continent ou la terre ferme,   
. le monde végétal,    
. les luminaires (les astres),   
. le monde animal,    
. l'homme.

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Dieu crée dans le temps

Apparemment, Dieu crée en une semaine le ciel et la terre. Cependant ce n'est que le quatrième jour qu'apparaissent les luminaires dont un des rôles est justement de marquer les jours, donc de définir le temps. Sans astres, il n'y a ni jour, ni nuit. Les jours de la création seraient donc d'un autre ordre que les jours marqués par le soleil.  
La litanie "Il y eut un soir, il y eut un matin" ne marque-t-elle pas l'idée d'une lente gestation, d'un mûrissement progressif, d'une évolution de la création qui conduit l'homme jusqu'à l'image de Dieu. Il y a donc bien création dans le temps, mais ce temps n'est pas le nôtre. On pourrait dire que chaque jour de la création correspond à un cycle, une ère particulière qui, arrivée à maturité, permet la création d'une nouvelle période.

 

La création est bonne

"Dieu vit que cela était bon", "et Dieu vit tout ce qu'il avait fait : c'était très bon." 

v D'abord, que signifie "bon" ?
Il semble que le terme renferme deux significations :
. la beauté physique : la création est belle.
. le bien moral : la création est bien, conforme à la volonté de Dieu.

v Maintenant demandons-nous si nous sommes capables de voir cette qualité de la création. L'univers et l'homme nous apparaissent-ils comme bons ?
Il semble malheureusement que notre civilisation a perdu la faculté d'apprécier cette qualité. Pourtant tous les saints voient le beau et le bien de la création. A nous d'acquérir cette vision ! Et surtout n'objectons pas que c'est se voiler la face que de ne pas voir ce qui ne va pas. L'objection peut être renvoyée et les pensées pessimistes entraînent le malheur.

 

Poésie du texte

Admirons la poésie du texte et sa beauté. Il est scandé par des phrases clés qui reviennent à chaque étape :

v Il y eut un soir, il y eut un matin, ce fut le ... jour"
Seul le septième jour ne comporte pas cette phrase et rompt volontairement le rythme.

v "Dieu dit"
Cette phrase marque la création d'un nouvel ensemble.

v "Dieu vit que cela était bon"
La phrase revient dix fois. Seul le firmament n'est pas dénommé bon parce que les astres n'y règnent pas encore.

 

Conclusion

L'analyse du contenu nous a permis d'écarter ce que notre imagination, nos souvenirs de catéchisme y avaient ajouté. Nous sentons cependant l'insuffisance d'une telle méthode, même poussée à l'extrême. Le texte n'est ni une démonstration, ni une explication. C'est un récit derrière lequel se cachent des vérités qui ne sont accessibles que par une démarche différente. Il ne s'agit pas de comprendre le texte avec sa raison, mais de se laisser entraîner par sa puissance évocatrice pour s'ouvrir à la contemplation du mystère des relations entre l'homme, le monde et Dieu.

Le monde masque le mystère autant qu'il l’exprime :
. La méditation du premier au septième jour écarte le masque. Elle ouvre à la contemplation du cosmos, c'est à dire de l'univers, de l'homme en tant que partie de l'univers, et de leurs limites.
. La méditation du septième au premier jour conduit au delà du masque. Elle ouvre l'homme à la contemplation de sa propre intériorité et à une nouvelle vision du monde où Dieu se dévoile à la fois comme origine et comme fin, car il n'y a pas d'en dehors par rapport à lui.

SUITE :
. Méditation de Genèse 1 : du 1er au 7ème jour ;
. Méditation de Genèse 1 : du 7ème au 1er jour.
 

28/03/2011

Alcools

Certains jours, l'envie vous prend de dessiner n'importe quoi, pour le seul plaisir de dessiner. On ne parle plus de beauté et d'harmonie, mais d'un trop plein de vitalité qui entraîne l'imagination, à la manière de ces personnages qui errent au petit matin, dans les rues sombres d'une ville.

 

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27/03/2011

Marcher le long d'un cours d'eau

 

Marcher le long d’un cours d’eau,

Promener sa paresse au fil des pas

En regardant défiler l’herbe verte

Et se laisser aller à une douce somnolence,

A chaque seconde qui s’égraine.

 

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Par endroit, la roche se présente nue

Comme coupée au couteau,

Mais environnée des guirlandes de buis

Qui poussent, sauvages,

A l’image des millénaires écoulés,

Et pourtant domestiquées

Par la proximité des prés.

 

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Au fond de la vallée, un village.

Pas un bruit, pas une âme.

Seul le chuintement de l’eau sur les pierres

Donne vie à cet immobilisme.

 

 

Je m’arrête, observant l’eau,

Apprivoisé par la pâle chaleur

D’un soleil dispersé entre les branches

Et insaisissable dans sa totalité.

 

 promenade, cours d'eau, quiétude

 

J’avance, l’œil aux aguets,

Porté par une brise tendre et acide,

Et traverse la rue principale

Enhardi par la chaleur du soleil.

L’église, plantée sur le carrefour,

Côtoie les pentes escarpées

Où paissent des fantômes de vaches.

 

Au retour j’aperçois une femme

Qui sort de chez elle, sans bruit,

Un tableau à la main,

Ou plutôt rabattu sur son buste

Comme pour le protéger.

Elle s’éloigne calmement,

D’un pas assuré, le regard perdu,

Montant le chemin herbu,

 Vers un l’on ne sait où, fuyante.

 

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Chemin du retour, au pas de la nostalgie,

Laissant aller le corps au rythme de l’écoulement

D’une eau sereine et apaisante,

Le soleil face à moi,

Provoquant de minuscules étincelles

Sur les flots tourbillonnant entre les pierres.

 

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26/03/2011

Concerto pour deux trompettes et orchestre à cordes d'Antonio Vivaldi

 

C’est le concerto de l’amour et de la joie. Deux sources qui coulent côte à côte dans la nuit pour se jeter dans la même mer d’ivresse. Les jeux des deux instruments s’enlacent et se dénouent comme une guirlande de fleurs entrelacées, puis se complètent dans une harmonie définitive.

 

Ecoutez :

http://www.youtube.com/watch?v=V8MLVuggshM&feature=related

Bien que l’orchestre soit un peu faible, c’est une bonne interprétation de la part des deux trompettistes.

http://www.youtube.com/watch?v=ONbAgllbzo0&feature=re...

Un rythme soutenu, des trompettes éclatantes (avec quelques couacs), une interprétation un peu pompière et appuyée.

http://www.youtube.com/watch?v=MKCQDVy9Cpk&feature=re...

Un orchestre assez brillant, et une bonne interprétation des trompettistes, mais un tempo un peu lent.

http://www.youtube.com/watch?v=9ZVKInM7es0&feature=re...

Interprétation nuancée et élancée qui crée une harmonie entre les trompettes et l’orchestre.

http://www.youtube.com/watch?v=QsIGCVdjNKM&feature=re...

Un certain manque de rythme, mais inversement une harmonie entre les deux trompettes. L’orchestre se contente d’accompagner sans faire ressortir sa personnalité, ce qui voile quelque peu le dialogue entre les deux instruments solo et les cordes.

 

 

Premier mouvement :

C’est la découverte de l’amour dans la vie. Il s’éveille et est annoncé par la première phrase des deux trompettes. Je suis là, je suis l’amour éternel et pur. L’orchestre décrit la joie du monde et son harmonie avec notre sensibilité. Le jeu des trompettes se sépare dans la même phrase, puis s’enlacent à nouveau, l’accord des deux solos se fait dans le temps par une fugue au contrepoint serré. L’orchestre alors accompagne leur duo dans la même ivresse et partage tour à tour leur verve et leur réflexion.

 

Deuxième mouvement :

Après une introduction de l’orchestre poignante dans les forte, mélancolique dans la reprise de la mélodie des forte en pianissimo à la conclusion délicate et rêveuse à laquelle le clavecin donne une ambiance romantique, les trompettes éclatent et mettent l’amour face à face dans la violence et l’extase. Après l’ivresse monte un chant dans la nuit, plein de pureté et d’union à deux, tendre, pur, partagé dans la plénitude retrouvée. L’harmonie est complète, c’est la béatitude et la pleine connaissance de l’âme et du corps dans le repos. L’auditeur sent monter en lui la joie qui éclate et l’empoigne toute entière.

 

Vivaldi, auteur pratiquement ignoré après sa mort et qui est redécouvert entre les deux guerres mondiales, est le créateur de l’art du concerto classique tel qu’on le connaît aujourd’hui. Virtuose du violon, il s’appuie sur ceux-ci pour donner du corps à sa musique et, dans le même temps, une légèreté inimitable. Il se laisse parfois aller à une pétulance gratuite, à tel point qu’Igor Stravinsky aurait dit qu’il n’a pas composé cinq cents concertos, mais cinq cents fois le même concerto. Admirons ici la place tenue par les trompettes, tantôt en solistes face à l’orchestre, tantôt en concertistes entre elles et passant de l’une des formes à l’autres avec aisance pour procurer un sentiment de plénitude et de brillance qu’il est seul à atteindre de cette manière.

En effet, sa musique est vive et enjouée ou sereine et mélancolique. Elle laisse un vide en soi lorsqu’elle s’achève, mais jamais non plus n’est dématérialisée. Elle ne rompt jamais avec l’expression de la vie pleine et entière et s’appuie sur des sensations palpables, issues d’une connaissance intime de la nature, qui font vibrer le corps avant d’imprégner l’esprit et l’ouvrir à la joie.

 

 

25/03/2011

Ce soir, dans le silence métallique

 

Ce soir, dans le silence métallique

De la ville endormie aux lueurs blafardes

J’ai saisi le halo arrondi de la rue

Sur ma pupille élargie d’obscurité.

 

La longue main de mon regard au poing fermé dans la nuit noire

S’est avancée derrière la vitre pour se fermer sur l’obscure froideur

De la rue ouatée et transparente. A l’abri de l’enceinte linéaire

Du verre mobile et ondulé, j’ai tâté chaque recoin d’ombre

Comme un lac profond et frais dont on cherche vainement le fond.

J’ai caressé le velours frissonnant de l’auréole de lumière

Accrochée en guirlandes éphémères sur les murs tièdes.

J’ai arrondi le creux de ma paume sur la boule de chaleur

Qui se creusait un nid douillet dans la courbe du globe oculaire,

Penchant la tête de côté pour bien le pénétrer de ce contact bienfaisant.

 

Et j’ai voulu aller plus loin, regarder les étoiles, les effleurer.

Comme un enfant, j’essayais vainement d’atteindre à la surface du lac

Les nombreuses lentilles d’eau qui dérivaient en étoiles marines.

 

Mais la joue écrasée, aplatie sur le verre froid,

Je dus tellement tendre le bras, la main et les doigts

Qu’ils tremblaient avant de caresser la petite lueur.

 

Voilà pourquoi les étoiles clignotent à l’horizon.

 

 

24/03/2011

Paysage avec une rivière et une baie dans le lointain, de Joseph Mallord William Turner (1775-1851)

 

Hier, quelques instants privilégiés au Louvre alors que Paris était baigné par la lumière d’un soleil de printemps. Errant près de la porte des Lions, dans le pavillon entre Seine et jardins des tuileries, je suis tombé sur cette toile de Turner et ai aussitôt été conquis. Elle est pourtant très mal éclairée, trop, et l’on ne peut la voir qu’en cherchant l’angle requis qui ne donne pas trop de reflets. Mais même cette quête du meilleur angle procure un indicible plaisir avant de pouvoir apprécier pleinement ce paysage si simple et si émouvant : sensation subtile que seuls procurent les paysages abstraits. Et pourtant ce tableau a été peint à la fin de la vie de Turner, au début du XIXème siècle, époque du néoclassicisme.

 

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Une rivière s’écoule au centre du tableau. On ne la devine que par la tache de blanc lumineux qui se prolonge en avant et en arrière, jusqu’à se perdre dans un lointain informe, la baie, sorte d’amas de brouillard plus dû à la réverbération du soleil qu’à l’accumulation d’humidité et qui noie les éléments jusqu’à confondre l’horizon avec le ciel. La vue se perd, introduisant une rêverie impalpable et apaisante qui entraîne une descente au plus profond de soi, comme l’invasion d’un gouffre d’air pur, mais sans la sensation aigüe d’un changement de qualité avec celui que l’on respirait auparavant. Seul élément matériel concret, ce demi-arbre sur la droite du tableau que l’on discerne par ses troncs alors que le feuillage, en prolongement de la tache centrale, s’intègre en fondu dans le reste du paysage. S’il n’y avait pas une partie du ciel dégagée montrant la pureté bleutée de l’infini, on ne pourrait savoir qu’il s’agit d’un ciel cotonneux de ces matins avant la chaleur de l’été, lorsque déjà le jour est levé, mais que sa fraicheur sommeille encore sur la peau faisant frissonner  les bras et les jambes dénudées. On devine l’épaisse chaleur de la journée, mais on y aspire encore les odeurs de l’aube, où la senteur des foins et de l’eau de mer épaissie de la baie repose en couche à hauteur du regard.

 

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Merci Mister Turner pour cette promenade entre mer, terre et air, dans la luminosité d’un matin d’été, qui enchante l’œil d’un pétillement quasi sacré, procurant au reste de la journée un souffle de beauté qui s’évapore au fil des heures.

 

 

23/03/2011

Matière et esprit

 

La matière compose tout corps et peut se présenter sous les trois formes solide, liquide et gazeuse. Elle occupe de l’espace et se mesure par le concept de masse.

Chaque particule d'atomes est associée à une (anti-)particule d'antimatière (par ex. électron-positron) qui possède la même masse, mais avec des charges opposées. Lorsqu'une particule de matière rencontre son anti-particule, elles s'annihilent mutuellement en libérant la totalité de leur énergie sous forme de rayonnement.

Au-delà de la matière, qui est énergie physique, se trouve l’énergie psychique qui émerge de la première et qui façonne l’univers, créant une noosphère, pellicule de pensée enveloppant celui-ci, grâce au phénomène de l’humanisation, développée par Teilhard de Chardin, et de l’intelligence collective chère à Pierre Lévy (Pierre Lévy, L'intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberespace, Paris, La Découverte, 1994).

 

 

Rendre cette réflexion par une impression picturale est complexe. Ceci est un essai de lien entre la matière et l’esprit, un présent réel, un passé imprimé dans le présent et un devenir en puissance. Ainsi la matière progressivement façonnée par l’esprit conduit à la rencontre cosmique du Un qui unit et unifie le Tout.

 

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22/03/2011

Musique afro-américaine

 

Les negro spirituals sont nés des Work songs, c’est-à-dire des chants de la communauté noire pendant les heures de travail dans les champs. Lorsque celle-ci se convertit au christianisme, ils se transformèrent en Gospel songs. Ce fut à partir de ces chants et des églises noires que la communauté créa sa propre culture, une véritable forme d’expression emprunte de ferveur et bercée par le rythme africain. Dans les années 50 apparu le terme « rhythm and blues », nouvelle forme de musique noire qui est du blues auquel on ajoute du rythme, blues qui balance et qui n’est ni triste, ni mélancolique comme le gospel. Puis Ray Charles inventa la soul music (musique de l’âme) qui est dérivée du Rhythm and Blues agrémenté d’une bonne dose de gospel.

Ecoutez le chant « Amazing Grace », par le Soweto Gospel Choir :
http://www.youtube.com/watch?v=ZoJz2SANTyo&p=D2C724E8...

Ecoutez le même chant interprété par des blancs : effet contrastant, le chant est sentimental et n’a pas la force de l’interprétation noire.
http://www.youtube.com/watch?v=xde21qShWYA&feature=re...

Entre les deux, Amazing Grace interprété par Elvis Presley. Il est assez proche de l’interprétation noire, mais le chœur n’a pas la puissance émotionnelle du chant noir.
http://www.youtube.com/watch?v=B3XdXEJEI4E&feature=re...

Enfin une autre version noire, qui est très belle, avec une introduction en solo qui semble au premier abord un peu plate, mais qui apporte des variations intéressantes. A noter la même façon d’interpréter, qui n’est pas sentimentale et se pimente de nombreux accords propres à la culture noire.
http://www.youtube.com/watch?v=DNpj-oqelSY&feature=re...


Le negro spiritual se caractérise par la reprise d’une phrase musicale qui berce les chanteurs et l’assistance. Peu à peu celle-ci se met à chanter avec toute son émotion jusqu’à entrer dans la parole de Dieu. C’est extraordinaire d’entendre une église entière chanter la gloire de Dieu en cadence, levant les bras au ciel, chacun priant avec tout son corps, ses émotions, ses sentiments. Cela m’est arrivé à Washington dans l’église Saint Augustine. C’est tellement différent des chants liturgiques que nous connaissons, qu’ils soient issus de notre tradition chrétienne ou les plus récents, copiés sur la musique de variété. L’européen est trop crispé, trop attentif aux autres et à lui-même, pour se lâcher et chanter de toute son âme sans se préoccuper de ce que les uns ou les autres peuvent penser.


Voici un chant liturgique à la manière gospel. Il ne s’interprète pas comme un chant liturgique européen ; il doit se chanter en balançant, avec son rythme propre. Le rythme croche-noire n’est qu’indicatif. Il peut être interprété différemment selon le moment et l’assistance.
Ce chant ne se chante pas non plus strophe après strophe. Il s’interprète avec beaucoup de liberté, avec une improvisation exécutée par un ou plusieurs solistes entre chaque strophe, pendant que la chorale rythme avec la mélodie sans parole.
Les paroles sont simples, confiantes à la manière d’un enfant. Elles participent à cette pénétration dans un au-delà de la cognition. Entrer dans ce style de chant nécessite un lâcher prise des attitudes et du maintien que les européens ont beaucoup de mal à faire, n’étant pas habitués à l’intimité avec Dieu.

 

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La qualité du document laissant à désirer, je le mets à votre disposition en pdf :

O oui, Seigneur.pdf

21/03/2011

La symphonie pastorale, d’André Gide, 1919

 

Ce n’est pas seulement l’histoire de l’éducation d’une aveugle que décrit André Gide, mais aussi la naissance d’un amour impossible. Un pasteur explique dans son journal intime comment il adopta Gertrude, une petite aveugle de quinze ans, qui vivait auparavant à la manière d’un animal. Nous assistons à la naissance des sensations, puis des sentiments de Gertrude, guidée par le pasteur qui lui dévoile un monde d’amour et de beauté dans lequel le mal, le péché et la mort n’ont pas de place.

Il emmène Gertrude au concert et c’est à l’écoute de la symphonie pastorale de Beethoven qu’elle découvre la nature et les couleurs :

_ Est-ce que vraiment ce que vous voyez est aussi beau que cela ?

_ Ceux qui ont des yeux ne connaissent pas leur bonheur.

Jacques, le fils du pasteur, s’éprend d’elle. Son père, implacablement, refuse cet amour et ce n’est que plus tard qu’il comprend qu’il aime Gertrude d’un amour moins pur qu’il ne le croyait. Gertrude aussi l’aime et le lui avoue, ne connaissant pas le mal, mais seulement le bonheur de vivre en communion avec la nature, les hommes et Dieu.

_ Vous savez bien que c’est vous que j’aime, pasteur… Je ne vous parlerais pas ainsi si vous n’étiez pas marié. Mais on n’épouse pas une aveugle. Alors pourquoi ne pourrions-nous pas nous aimer ? Dites, pasteur, est que vous trouvez que c’est mal ?

_ Le mal n’est jamais dans l’amour.

C’est dans l’ambigüité de l’amour envers Dieu et ses créatures et de l’amour envers un être que le pasteur se débat d’autant plus difficilement que Gertrude ignore le péché et ne connaît, comme il l’avait souhaité, que le bonheur.

Dans la deuxième partie du livre, Gertrude s’ouvre au monde des hommes et fait connaissance avec la tristesse, le malheur et le péché. Un médecin, ami du pasteur, lui rend la vue et, en découvrant le monde, Gertrude découvre son péché. Elle veut se suicider en se jetant à l’eau. Ce suicide manqué ouvre les yeux du pasteur qui découvre que ce n’est pas lui qu’elle aimait vraiment, mais Jacques. Celui-ci hélas ne peux plus l’épouser, étant rentré dans les ordres. Alors elle s’éteint doucement.

_ Quand vous m’avez donné la vue, mes yeux se sont ouverts sur un monde plus beau que je n’avais rêvé qu’il pût être. Mais non, je n’imaginais pas si osseux le front des hommes. Quand je suis entré chez vous, ce que j’ai vu d’abord, c’est notre faute, notre péché. Non, ne protestez pas. Souvenez-vous des paroles du Christ : « Si vous étiez aveugle, vous n’auriez point de péché. » Mais à présent, j’y vois… Quand j’ai vu Jacques, j’ai compris soudain que ce n’était pas vous que j’aimais, c’était lui.

Ecrit sous la forme du journal intime du pasteur, ce roman reste encore d’actualité malgré des tournures et des sentiments qui ne s’exprimeraient plus ainsi. A travers cette histoire, l’auteur peint les souvenirs de son enfance et dénonce, thème favori, une certaine hypocrisie religieuse. Il nous livre également un message : les aveugles ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Au-delà de la morale de l’histoire, ce livre enchante par son atmosphère délicate et sa poésie. La fin malgré tout laisse une impression de tragique difficilement supportable après la beauté des premières pages.

Au-delà de l’histoire et de l’analyse psychologique qui l’accompagne, reconnaissons que le style d’André Gide contribue à faire de ce roman un livre exceptionnel. « On peut dire que le récit de La Symphonie Pastorale s’organise selon une structure complexe. Le style de cette œuvre est épuré, ciselé, raffiné et précis. La composition de La Symphonie Pastorale est plutôt unie, largement progressive, bien qu’on puisse constater une série de parallélismes entre les événements et leurs effets moraux. Les mots sont choisis avec soin par son auteur. Ce qui attire l’attention du lecteur c’est la densité du texte malgré sa brièveté, la pudeur des sentiments malgré leur intensité » (Marc Dambre, La symphonie pastorale d’André Gide, Paris, Gallimard, 1991).

 

Oui, cela peut sembler désuet de parler de romans qui datent de bientôt un siècle, mais la beauté est intemporelle. Les sentiments restent les mêmes depuis que les tragédies grecques ont tenté de les disséquer. Ils ne font que s'exprimer différemment. Le langage de Gide est magnifique, mais très probablement plus personne n'oserait écrire une histoire semblable.

 

20/03/2011

Au matin, à peine réveillé

 

Au matin, à peine réveillé

Quand on n’a pas encore remonté

L’immense rouage de la conscience

Les gouttes s’évadent du toit

                                  Avec patience

 

Une à une, elles tombent sur la roue

Encore malhabile et bloquée du ressort

Qui s’étire lentement. Il ya parfois des fous

Qui n’ont plus d’eau dans leur moulin

                                  Ironie du sort

 

L’heure la plus chaleureuse, attendue du plaisir

 Celle où l’invisible cycle s’évade de la nuit

Contre tout pouvoir, comme le navire

 Est-ce ce premier instant où j’ignore

     Le haut du puits ?

 

 

19/03/2011

Une tasse de thé, au matin

 

Au matin, lorsque rien encore ne bouge, ni dans la maison, ni même au dehors, parce qu’il est tôt et que la nuit continue d’envelopper les rêves des dormeurs, je me lève, l’esprit éveillé, heureux de cette nouvelle journée qui commence. Je descends l’escalier, je traverse les pièces du rez-de-chaussée, sans allumer parce que j’aime ce défi de l’enfance de marcher dans le noir sans toucher les meubles et objets qui les encombrent, avant d’atteindre la cuisine, refuge initial du matin.

Pendant que les ampoules tardent à éclairer correctement tout ce qui n’est pas dans un cercle proche (oui, ce sont des ampoules basse consommation, tellement basses qu’elles peinent dans un premier temps à éclairer), je mets de l’eau fraiche dans la bouilloire et attends que ses premiers sifflotements se soient fait entendre pour ouvrir la porte du buffet, encouragé par son odeur de vaisselle propre, et sortir une tasse, une soucoupe et une cuillère. Je vais ensuite chercher un sachet de thé dans le placard qui abrite des trésors de futurs festins, pendant que la pièce s’éclaire d’une douce lumière et dévoile les secrets de ses recoins. La bouilloire enfin arrêtée se tait.

Alors commence la délicate activité de l’infusion du thé dans l’eau chaude. Celle-ci commence faiblement par une lueur à peine orangée qui se dissout au fond du bol, puis s’élargit en nuage intérieur, l’eau restant claire sur les bords alors que progressivement sa cavité se colore d’une couleur indéfinissable en perpétuel changement. L’odeur du thé envahit les narines, dilatant les bronches, caressant gentiment les sens jusqu’à les envelopper d’un engourdissement provisoire, avant de s’évaporer dans la lueur de l’ampoule situé au dessus de la table.

Après avoir plusieurs fois sorti le sachet, laissé le contenu de liquide s’écouler dans la tasse, diluant un nuage plus foncé que celui du breuvage initial, puis l’avoir laisser tomber à nouveau dans l’eau de plus en plus colorée de celui-ci, geste qui me rappelle celui du goupillon que l’on trempe dans le bénitier pour saluer une dernière fois celui qui est passé de vie à trépas, je pose le sachet sur un coin de l’évier comme une dépouille molle et sans couleur qui n’a plus d’utilité mais que l’on pourrait peut-être réutiliser s’il s’avérait que le breuvage n’est pas suffisamment fort ou parce que j’aurais ajouter un peu d’eau après en avoir plusieurs gorgées. J’arrête alors toute spéculation gestuelle, attendant que le breuvage soit buvable, c’est-à-dire moins chaud. Instant d’innocence ou d’impatience, quand le désir ne peut être satisfait dans l’immédiat et qu’il convient de laisser le temps user les secondes dans la torpeur matinale. L’infusion de thé fume, envahissant le halo de lumière du plafond d’un brouillard léger et tiède. Pour m’occuper, je regarde au dehors la nuit qui peu à peu s’ouvre d’une mystérieuse blessure, comme une fente dans sa chair, et laisse apercevoir la ligne d’horizon, qui se réduit à une dentelle d’arbres au loin, dans un pays encore inconnu des dormeurs.

Impatient, je hume les effluves sortant de la tasse, me rapprochant de celle-ci jusqu’à la toucher délicatement, du bout des lèvres, prudemment, comme un baiser sur la joue d’un enfant, dont l’odeur aigre est la conséquence de ses jeux endiablés dans le jardin. Mais la puissante chaleur de la boisson m’incite à une grande prudence, comme la crainte et le désir de toucher un cadeau qui ne vous a pas encore été donné. Attendre encore un peu que je puisse tremper mes lèvres dans ce breuvage odorant, odeur sucrée de feuilles et de fruits sur laquelle traine malgré tout le goût du foin en juillet à la tombée de la nuit, mais de manière presqu’imperceptible. S’il est trop chaud, le liquide ne laisse plus diffuser ce parfum qui est remplacé par une impression de brûlure. Attente donc, avec un regard sur le levée du jour, comme un halo dans une vision trouble parce qu’indéfinie en raison du manque de clarté.

Reprise de la tasse, les doigts sur le haut de la courbe, à l’endroit où se posent les lèvres, en raison de la chaleur extrême de sa cavité arrondie et plus encore de son fond qui repose sur la table et y laisse une empreinte de vapeur faite de petites bulles très légères, qui éclatent autour des poussières déposées sur l’horizontalité du bois. Je trempe les lèvres sur la surface du liquide ocre rouge, aux reflets parfois orangés, frontière entre l’air et l’eau, infime partition des éléments dont on a du mal à définir l’exacte lieu du passage entre l’un et l’autre, jusqu’à ce qu’à l’aspiration ténue, je sente monter vers le palais le parfum odorant des fruits chauds avec cet arrière goût d’herbes sèches qui restent le souvenir de ces premières gorgées, à l’aube, au sortir de l’hiver. Je ferme les yeux et me laisse pénétrer par cette lente ouverture intérieure qui empoigne l’être lorsque l’invisible se dévoile subrepticement quand on ne l’attend pas. Alors éclate une nouvelle appréhension de la vie, de ces instants privilégiés du matin, qui donne au jour nouveau un goût d’inattendu et de pourtant connu. Ce n’est pas la madeleine de Monsieur Proust, mais la joie toujours renouvelée d’un instant où tout bascule vers un monde où l’intérieur et l’extérieur se confondent dans une même vision de plénitude ressentie intégralement.

Mais le thé est encore trop chaud pour être réellement bu. On n’en saisit que quelques subtiles impressions qui ne peuvent se transformer en félicité. Frontière indescriptible, parce qu’inappréciable physiquement, entre le moment où le thé est encore trop brûlant pour être bu en chaleureuses gorgées et déjà trop refroidi pour être apprécié dans l’intégralité de son arôme. Ce moment passe sans que l’on prenne conscience de son passage, et, soudain, le thé devient un breuvage comme les autres, que l’on boit par habitude parce qu’il faut boire quelque chose le matin avant de faire sa toilette et de se vêtir des vêtements appropriés à ce qui est projeté de faire. On le boit alors à grandes gorgées, tentant de retrouver la senteur paradisiaque dont on s’était promis de jouir lorsqu’il était encore brûlant. Et bientôt, reposant la tasse déjà tiède sur la table, on ressent une impression d’absence au plus profond de soi, comme un rêve que l’on a laissé filer par inadvertance ou besoin de sommeil. Alors l’on se lève, encore un peu alourdi par les restes de sommeil, mais surtout par cette insatisfaction que l’on ne peut maîtriser : trop chaud, trop tiède, où se trouve le juste milieu ?

 

18/03/2011

Mandala

 

Le terme Mandala signifie « cercle ». Plus largement, un mandala est un support de méditation, composé de triangles, de carrés et de cercles imbriqués qui modéliserait notre nature profonde de manière inconsciente.

En fait, il représente l’ordre du monde avec ses quatre points cardinaux et laisse apparaître plusieurs plans successifs qui correspondent à nos diverses personnalités. Le centre du mandala représente l’unité fondamentale de l’être autour de laquelle se construisent ces différents moi.

D’après C.G.Jung (1875-1961), le mandala symbolise, après la traversée des moi, la découverte du noyau spirituel de l'être, le Soi, aboutissant à la réconciliation intérieure et à une nouvelle intégrité de l'être.

 

  

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17/03/2011

Un tableau, c’est une sorte de prière

 

Un tableau, c’est une sorte de prière qui naît de la contemplation de la beauté du monde. Quel qu’il soit, son dessein est toujours d’exprimer cette beauté à travers une multitude d’impressions et d’expressions. C’est la prière du simple, une prière manuelle. Mais elle nécessite une attention intense du corps et de l’esprit entièrement tendus vers l’œuvre à réaliser. Tension difficile à vivre, car elle n’a d’achèvement qu’au sortir d’un processus de transformation intérieur qui conduit de l’insatisfaction existentielle à la plénitude hors du monde matériel. L’artiste n’a pas conscience de cette transformation lorsqu’elle se produit. Ce n’est que plus tard, lorsque l’apaisement interrompt le processus, qu’il concède cet allègement et y trouve le bonheur de la création.

Le tableau achevé apporte un goût de joie et de paix. On ne peut bien peindre que sous l’emprise de l’infini, c’est-à-dire après avoir ressenti l’insuffisance du bonheur matériel ou la nécessité de s’élever à un bonheur autre. « Participant de la création », tel est l’objectif final de l’artiste, le plus souvent inconsciemment.

Cette création est offerte à tous, librement. Mais pour l’apprécier, en tant que public et admirateur, il faut soi-même se recréer, s’ouvrir, quitter son habit terne, pour permettre la reconstruction d’une réalité nouvelle, celle que nous donne l’artiste.

 

« Quel que soit sa manière et quel que soit son sujet, un artiste s’exprime toujours avant tout soi-même (…). Il nous confesse sa sensualité ou son goût du spirituel, la sensibilité de ses yeux ou l’intensité de ses visions ; il nous montre sa fougue ou sa réserve, sa poigne ou sa délicatesse, son orgueil ou son humilité, la passion, les tourments ou la paix de son âme. Et ses œuvres contiennent non seulement ce qu’il avait décidé d’y mettre, mais aussi ce dont il les a chargées inconsciemment, ce qui s’est exprimé obscurément par le travail de sa main. Il y est engagé à la fois comme individu et comme membre d’une société, comme représentant d’une époque. »

 (Joseph-Emile Muller, L’art moderne, Librairie générale française, 1963)

 

 

16/03/2011

L'engrenage

 

Réminiscence du "troisième homme", film de Carol Reed, dont la musique géniale et entêtante, ainsi qu'un décor extraordinaire d'égouts et de ruines dans la capitale autrichienne lui donnent une atmosphère unique. Réminiscence aussi du roman de Franz Kafka, "Le procès" (The trial), mis en scène par Orson Welles en 1962, avec Anthony Perkins. 

Linogravure réalisée entre le décor du film, au premier plan, et un fond de paysage marin ouvrant sur l'infini pour montrer qu'au delà de la condamnation et de l'enfermement, chaque homme reste libre en lui-même.

 

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15/03/2011

Cet instant imprévu et subtil

 

Cet instant imprévu et subtil,

Quand la grisâtre odeur d’un ciel d’hiver

Dresse devant nous le souffle

D’un irréel sentiment d’ouverture,

Comme une respiration dans l’air

Ou une apnée prolongée et opacifiante.

Alors, transformation du paysage !

Le vert devient rouge, le jaune se détache

De murs sales et fripés d’ombres.

J’ai par magie laissé le poids

D’années lourdes des tracasseries

Des professionnels de l’ennui,

Du travail méticuleux et attachant,

D’obligations impératives

Et de contacts permanents

Avec les autres fantômes

D’un système qui tourne sur soi-même.

 

Aujourd’hui, devant moi,

S’ouvre la consistance du rêve,

La palpable vertu de l’inconnu.

Comme un aveugle les bras tendus,

Je cherche, au devant, dans l’obscurité,

La faible caresse de l’inavouable.

Perception d’un instant unique,

Celui d’un achèvement prévu,

Attendu et confondu parmi les songes,

Pour une renaissance émerveillée

A l’instant éternel et envoûtant

D’un jour semblable aux autres,

Comme une brume d’enthousiasme

Sur la pâleur du monde.